Loxias-Colloques |  9. Entre Haïti et ailleurs. Louis-Philippe Dalembert 

Marcelo Marinho  : 

L’arbre à palabres, paysages imaginaires : regards sur une traduction brésilienne de Louis-Philippe Dalembert

Résumé

Cette étude sur l’écriture romanesque de Louis-Philippe Dalembert articule approche des rapports entre paysage et littérature, notamment en ce qui concerne l’oraliture – dans sa condition de manifestation culturelle de matrice africaine, et réflexion sur les possibilités de traduire certaines pages-paysages de LPD fortement ancrées dans certaines pratiques culturelles ancestrales, méconnues dans le cadre de la culture cible. Louis-Philippe Dalembert est un de ces écrivains dont l’œuvre devient un vaisseau pour le passage d’idées et d’images symboliques autour de l’Histoire, de la Poésie et du sens de l’existence humaine. Ainsi, nous nous proposons à prospecter les formes de construction du paysage chez ce passeur d’imaginaires, en vue d’une lecture herméneutique qui conçoit l’œuvre littéraire comme un outil langagier qui permet d’induire, chez le lecteur, une « perception-conception » (Octavio Paz).

Index

Mots-clés : Dalembert (Louis-Philippe) , oraliture, paysage et littérature, traduction, vagabondage

Géographique : Haïti

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

« Au commencement, il y eut l’océan…. »

(Louis-Philippe Dalembert, L’Autre Face de la mer)

Considérations initiales

Si l’on suit la perspective comparatiste adoptée, déjà en 1940, par le critique péruvien Luis Alberto Sánchez, la littérature élaborée sur le continent américain (et ses îles, évidemment) est une affaire d’articulation entre espace et parole. C’est précisément à partir de cette conjecture poétique que j’ai été pris par le défi de traduire en langue portugaise, dans sa variante brésilienne, le roman Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme, de Louis-Philippe Dalembert. Ce défi, comme on le verra par la suite, m’a amené à réfléchir sur les rapports entre paysage, parole et traduction. À partir de là, la question qui se pose est la suivante : comment faire passer dans la culture cible un ensemble de pages-paysages qui prennent leur force expressive dans certaines pratiques culturelles ancestrales, de matrice africaine, notamment en ce qui concerne les manifestations de la parole, au sens linguistique du terme ?

Pour y répondre, il faudra assumer un lieu d’énonciation qui se trouve quelque part dans un recoin d’Amérique latine, un endroit symbolique où j’entends distinctement les voix entremêlées de tous ces peuples qui se côtoient sur le continent, qu’ils soient autochtones, créoles ou allogènes. On peut dès lors définir les axes thématiques qui permettront d’organiser les idées issues de l’analyse. Dans un premier temps, on procédera à une sommaire récapitulation conceptuelle autour de la notion de « paysage » ; ensuite, on ouvrira l’espace à une approche critique autour du concept d’« oraliture » ; et, enfin, à titre de synthèse, on approchera les modes d’articulation poétique de ces deux notions dans les pages de cet auteur-passeur d’imaginaires, dont l’œuvre déplace les marques indélébiles de l’histoire des Amériques.

Espace, paysage et littérature

Pour bien cerner les paramètres de la poétique de Dalembert, nous prendrons comme horizon de navigation les mots de Luis Alberto Sánchez, eu égard à l’omniprésence des signes spatiaux dans la littérature de ce continent qui se déplace sans cesse sur la cartographie identitaire transnationale (un peu « à l’image de Salbounda tout entier qui n’en finissait pas de partir à la dérive », selon l’image métonymique que l’on peut retrouver chez Dalembert) :

es imposible estudiar la literatura americana sin penetrar en su paisaje, sin examinar la acción de lo telúrico sobre su intérprete, sin establecer ciertas coordenadas (predominio de mar, de llanura, de selva, de valle, de trópico, de polo) que sirven para diferenciar -sin desunir ni extirpar- el acento de familia común a todos los caracteres típicos de cada literatura, así como, por ejemplo, en la francesa, hay un tono provenzal, un tono bretón, un tono parisiense1.

En nous intéressant aux rapports entre littérature et paysage, il est difficile de ne pas penser à la définition de Federico Italiano pour qui le terme de « paysage » correspond à une « organisation esthétique d’un segment homogène de nature, une portion uniforme du monde, selon les projections du sujet percevant », ou bien à la « fixation sémantique d’une portion de monde expérimentée2 ». Ce terme, selon Italiano, est l’équivalent français de « landschap », vocable né au XVe siècle, aux Pays-Bas, avec le sens original de “portion ou tranche de terre”, pour ensuite devenir « peinture représentant une scène sur une large parcelle de terre ». Le terme a été rapidement incorporé au lexique pictorique européen, sous les formes « landscape », « paisaje », « paesaggio », etc.

De son côté, tout en soulignant le fait que le mot « paysage » fait irruption dans le lexique français et portugais au cours du XVIe siècle, Jacqueline Penjon3 rappelle que, pour Michel Collot, celui-ci correspond à une manière de percevoir ou de représenter les aspects visibles à l’horizon, selon un ensemble sensiblement perçu et esthétiquement organisé. Il devient donc une entité dont l’existence dépend du regard de l’observateur sur un pan d’espace extérieur, un regard qui porte en soi les marques personnelles de l’espace intérieur. Ainsi, la représentation poétique du paysage émerge de la convergence entre nature et culture, entre réel et imaginaire.

Le comparatiste Claudio Guillén, pour sa part, manifeste son avis au sujet des rapports entre poésie et paysage :

es precisamente la mirada humana lo que convierte cierto espacio en paisaje, consiguiendo que una porción de tierra adquiera por medio del arte calidad de signo de cultura, no aceptando lo natural en su estado bruto sino convirtiéndolo también en cultural ; y ello hasta tal punto que se nos hace difícil no considerar muchos paisajes como entornos nuestros, reales o inminentes, o bien simbólicamente como vías de reconocimiento de nuestra situación en el mundo4.

À son tour, Michel Serres, dans une interview accordée à France Culture, rappelle un certain ordre des choses :

On a oublié simplement le sens profond du mot paysage. […] Je vois autour de moi des traités du paysage qui ne s’aperçoivent pas que ‘paysage’ est un mot qui dérive du vieux mot latin ‘pagus’, qui a donné le mot ‘paysan’ – et que le premier paysagiste, c’est le paysan – qui a donné par la suite le mot païen ; c’est-à-dire, qui est la religion fondamentale de celui qui a un rapport direct à la terre – le paganisme. ‘Païen’, ‘paysan’, c’est le même mot. Mais on a surtout oublié le rapport extraordinairement profond qu’il y a entre paysage, paysan, païen et la paix5.

Ainsi, la présente étude cherchera à scruter les formes de construction du paysage chez Louis-Philippe Dalembert, dans la perspective d’une lecture herméneutique qui conçoit l’œuvre littéraire comme un élément plastique privilégié, puisqu’elle peut induire, chez l’observateur, la perception-conception organique de l’espace, lequel se présente comme un « vecteur puissant de la construction de nos vies humaines6 ». Dans cet ordre d’idées, comme on le verra par rapport au pouvoir expressif des images poétiques à même de construire ou consolider la perception de paysages, il faut bien croire ce dicton haïtien repris comme titre du roman dont la traduction est ici en question : « le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme ». À partir de là, il faudrait aussi prendre en compte ces idées proposées par André-Frédéric Hoyaux :

La poïesis est en cela une technique de symbolisation qui permet à chaque être de réorganiser sa relation au monde, notamment à l’espace, au temps et aux personnes et de lui donner du sens. Cette technique est à la fois corporelle et discursive. Elle convoque mouvements et déplacements, présences et répétitions, rencontres et détournements, que cela soit pour l’habitant dans la rue ou le danseur sur une scène de spectacle, que cela soit pour les discussions entre voisins ou des dialogues d’acteurs de théâtre. Toute forme d’expression est donc, en soi, construction des mondes donc poétisation de celui-ci7.

Dans ce cadre conceptuel, l’œuvre artistique est prise dans sa condition de médiateur en ce qui concerne « la compréhension des régimes de représentations dans la construction de nos mondes sociaux8 ». Ici, le discours poétique se conçoit comme une forme d’allégorie imagétique qui correspond au parcours spirituel (imaginaire ou sensible) que l’on accomplit sur les sentiers de l’indicibilité même des signes qui conforment le paysage physique et symbolique. La mémoire est déterminante vis-à-vis de ce processus de construction du paysage, puisqu’elle permet d’attribuer des sens à des signes qui, per se, en sont privés. C’est l’idée que l’on retrouve dans cette assertion de Paul Cézanne (1839-1906), reprise par Merleau-Ponty : « Le paysage […] se pense en moi et je suis sa conscience9. »

Dalembert se présente, dans ce contexte de navigation littéraire, comme un avatar de géographe déambulateur, voyageur vagabond toujours en quête de percevoir, concevoir et ensuite communiquer une expérience personnelle sur l’espace à l’entour. Dans son œuvre, il s’agit de coucher sur la page blanche une sorte de géo-écriture poétique dont la dimension empirique recouvre l’espace du Même aussi bien que celui de l’Autre. Par ce biais, l’artiste-géographe parvient à rajouter ses lectures personnelles de l’espace, ses cartes imagétiques, au palimpseste cartographique collectivement dressé au préalable, où se superposent des couches d’écriture de la différence, où s’étalent les écarts visibles entre l’ici et l’ailleurs. Ces cartographies sensorielles sont ensuite partagées au sein de « communautés imaginées10 » qui peuvent alors se projeter, à leur tour, sur des pans de paysage, par le moyen des outils langagiers nécessaires à l’imagination de soi-même vis-à-vis de l’Autre.

Par conséquent, c’est bien la projection d’images et d’affects sur la surface d’un coupon malléable d’espace qui se dédouble en paysage perçu ; dès lors, la poésie vient combler un besoin humain récurrent et permanent. On pourrait y ajouter le fait, pour reprendre les idées développées par Daniel-Henri Pageaux (2000, 2003)11, que le paysage est porteur d’un discours de l’altérité. Ainsi, la poésie qui intègre le paysage devient une sorte de document-écran à contre-courant des processus de gommage qui tendent à effacer les souvenirs d’un espace d’antan, la mémoire même de ces chemins, sentiers, routes et d’autres marques projetées sur l’espace, les jalons qui nous ouvrent le passage à une expérience sensible de l’espace présent, à la possibilité d’inventer un territoire, de créer un lieu pour l’habiter de façon transitoire et imaginaire.

Dans ce cas de figure, la littérature pourrait être conçue comme une traduction culturelle (condensation verbale de signes non-verbaux), traduction verbale de cette construction imaginaire (individuelle et collective) qui est le paysage (perception-conception des espaces de vie éprouvés par l’intermédiaire de la mémoire).

Le poète peut alors se concevoir comme le démiurge qui substantialise verbalement les éléments telluriques non-verbaux perçus dans l’univers physique à l’entour, toujours dans le cadre d’une expérience intégralement subjective et partiellement incommunicable : volumes, proportions, lignes, couleurs, luminosité et obscurité, odeurs, sons et silences, textures tactiles et visuelles, saveurs, températures, mouvements... Le résultat peut se présenter comme une relecture innovatrice de l’univers sensible, condition que l’on pourrait illustrer, vis-à-vis du public contemplatif, avec la célèbre formule proposée par Michel Foucault12, lorsqu’il affirme que Don Quijote lit le paysage pour démontrer les livres lus au préalable.

L’analyse littéraire, dans ce cas précis, correspond à l’étude des mécanismes linguistiques mis en œuvre dans le processus de création des cartes postales verbales, de cette cartographie discursive, de cette construction imaginaire qui se veut point de convergence de savoirs et de cultures qui s’articulent dans et avec l’espace. Si, à l’instar du paysage défini par Michel Collot13, le texte poétique peut éventuellement se concevoir comme un ensemble perçu par le sens et organisé selon une matrice esthétique construite au préalable, on pourrait y retrouver les éléments symboliques d’une certaine identité spatiale, partagés par cette communauté imaginée d’individus qui se reconnaissent dans la jouissance collective de ses propres pratiques culturelles.

Or, dans le cas d’Haïti, l’oraliture s’avère une pratique sociale grégaire à haute valeur symbolique, le reflet privilégié d’une expérience personnelle ou collective sur l’univers, l’une des raisons pour lesquelles Dalembert l’incorpore dans ses pages de fiction, en rapport étroit avec le paysage. Il serait important de souligner le fait que l’on est forcément tenu de recourir à un dictionnaire latino-américain pour retrouver une définition du vocable « oraliture », repris et glosé par des écrivains comme Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant. D’après le linguiste Jean Bernabé, « la notion de littérature orale est une pure contradiction », alors que le terme d’« oraliture » renvoie avec précision aux « genres mnémoniques tels que le mythe, le conte, l’épopée, le proverbe, le dicton » et, dans l’aire culturelle antillaise, permet de désigner la « parole de nuit », censée donner expression collective aux faits de la mémoire sociale14.

Dalembert et l’oraliture

Louis-Philippe Dalembert s’inscrit ainsi dans cette longue lignée d’écrivains latino-américains qui, depuis le Gaucho Martín Fierro jusqu’au héros multiculturel de Macounaïma, consacrent une large place à l’oraliture dans leurs œuvres, de José Fernandez à Mário de Andrade, de José María Arguedas à Guimarães Rosa, de Simões Lopes Neto à Miguel Ángel Asturias, de Manuel Bandeira à Nicolás Guillén, entre tant d’autres noms possibles. Ce n’est pas un hasard si le titre même du roman qui fait l’objet de la présente étude met en exergue un dicton créole, une manière de rappeler que la parémiologie relève notamment du savoir populaire, tacite ou implicite, vis-à-vis de l’existence quotidienne.

Ainsi, le « Diccionario Electrónico de la Literatura Colombiana » définit le concept d’« oraliture » comme celui qui recouvre les formes artistiques verbales propres aux communautés afro-colombiennes et autochtones, qui sont les héritières historiques d’une production poétique ancestrale. L’oraliture correspond donc aux manifestations littéraires transmises verbalement, sans le support écrit. Selon Câmara Cascudo15, ce concept inclut les légendes, mythes, contes, chants, rimes, dictons et devinettes, parmi d’autres formes qui relèvent des genres lyrique, dramatique, oratoire et narratif. Il est aussi marqué par des critères esthétiques clairement tranchants, qui relèvent de la distinction saussurienne entre langue et parole.

L’histoire de la création du concept est controversée. Juan José Prat Ferrer16 affirme que sa naissance est redevable des querelles postcoloniales au sujet du rôle hégémonique joué par les langues européennes sur le continent africain. Il sera fort utile de rappeler ici le célèbre adage lancé par Amadou Hampaté Ba : « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. » De par l’importance fondamentale de la transmission orale de textes au sein des cultures africaines, le linguiste ougandais Pio Zirimu aurait créé « oraliture », une solution vocabulaire pour se dérober au syntagme oxymorique « littérature orale », avec l’avantage de pouvoir bien décrire un phénomène culturel africain en se détournant de la hiérarchie implicite dans les rapports entre « littérature » et « oralité ». Cela s’est passé dans les années 1960.

En 2016, ce mot est toujours absent du dictionnaire Lexilogos, un outil linguistique numérique en ligne, mis au point par le CNRS. Pourtant, il faudrait reconnaître que Lexilogos se propose un envol de très large portée en ce qui concerne le domaine de la lexicologie… Il est fort intéressant de voir que l’entrée « oralité » de ce dictionnaire universitaire consacre deux courtes lignes pour définir le vocable : « Qui est diffusé par la parole, que l’on se passe de génération en génération, de bouche en bouche (p. oppos. à ce qui est scriptural, écrit dans un texte) » ; ou bien « analyse des traditions et littératures orales, des « histoires de vie » sous l’angle des problèmes de changements culturels ».

Or, par défaut, Lexilogos laisse entrevoir l’évidente inadéquation de l’emploi du terme « oralité » pour décrire le phénomène esthétique qui nous occupe à présent, de par l’étendue de l’emploi de ce vocable largement polysémique. Qu’en est-il de cet outil théorique venu d’ailleurs, ce concept intimement lié à une entité littéraire qui subsiste et se manifeste également dans les pays largement industrialisés ? Cette discussion autour de l’oraliture souligne les tensions entre le local et l’universel, comme on peut aisément le constater d’après les propos de Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau ou Raphaël Confiant17, par exemple, ainsi que d’après l’œuvre de fiction qui nous occupe à présent.

Dans Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme18, l’auteur met en scène plusieurs passages construits autour de l’oraliture haïtienne, notamment en créole – ce qui a élargi le défi de traduire cette œuvre en brésilien. Pour éviter la tentation de trop domestiquer le texte original, les passages en créole, notamment les rimes et les chansons, ont été gardés tels quels. Par contre, les devinettes et les dictons ont été transposés dans la langue de la culture cible, déjà marquée par ce genre de manifestation poétique autour de la parole, l’une des richesses collectives largement partagées par les couches populaires en Amérique latine, continentale ou insulaire. Par ailleurs, il est utile de rappeler, avec Léopold Sedar Senghor, que « l’écriture appauvrit le réel. Elle le cristallise en catégories rigides ; elle le fixe quand le propre du réel est d’être vivant, fluide et sans contours19 ». Gérard Genette20 croit également que les particularités expressives d’une élocution personnelle s’effacent lors du passage de l’oraliture à l’écriture.

Paysage et langage mimétique

Chez Dalembert, l’oraliture s’inscrit dans un processus de création jalonné par un langage simultanément diatopique, diachronique et diastratique. La pluralité des enjeux expressifs donne lieu à une écriture polymorphe et polysémique, l’image spéculaire de l’errance et du vagabondage à travers le monde. Il est clair que cette condition poétique découle également de la nature diasporique et de la transculturation caractéristiques des sociétés modernes. Ainsi, par le recours à l’oraliture, cette écriture dévouée à la mobilité sans quartier et sans repos témoigne du déplacement itératif de choses et d’idées. Ici, les flux migratoires contemporains retrouvent leur image spéculaire dans le vagabondage langagier imprimé sur les pages littéraires, ainsi que sur la nature déambulatoire du métier de plusieurs personnages : cireurs de chaussures, vendeurs de cacahuètes, marchands de glaces... Ce vagabondage poétique se déploie dans un parcours aléatoire sur les sentiers de cette « géographie mystique » dont parle Sartre au sujet du recueil publié par Senghor en 1948, dans la célèbre préface intitulée « Orphée Noir ». On peut aisément reprendre, à l’endroit de Dalembert, ce passage où Sartre décrit la cartographie imaginaire issue du recueil organisé par Senghor :

Un hémisphère ; au plus bas, selon le premier des trois cercles concentriques, s’étend la terre de l’exil, l’Europe incolore ; vient le cercle éblouissant des Iles et de l’enfance qui dansent la ronde autour de l’Afrique ; l’Afrique, dernier cercle, nombril du monde, pôle de toute la poésie noire, l’Afrique éblouissante, incendiée, huileuse comme une peau de serpent, l’Afrique de feu et de pluie, torride et touffue, l’Afrique fantôme vacillant comme une flamme, entre l’être et le néant [ …]21.

Dans le flux de ce courant d’idées, le lecteur pourra se demander si le paysage peut en quelque sorte s’articuler poétiquement avec l’oraliture. Pour essayer de répondre à cette question, il faudrait souligner le fait que le romancier haïtien, déjà au tout début du roman, met en avant une manifestation insulaire de l’oraliture, encadrée par un paysage nocturne. Cela, comme on le verra, revient à suggérer un cadre spatial de lecture pour l’ensemble de l’œuvre. Ainsi, après un court prélude (chapitre I), où il s’agit de mettre en scène le héros Faustin, cireur de chaussures et coureur de misères, le lecteur se voit tout de suite confronté (chapitre II : Les rumeurs de la mort) à un paysage nocturne, dont les éléments sensoriels (l’odorat, l’ouïe, le toucher et la vue) donnent lieu à un espace expressif fort synesthésique : « Une tristesse de plus en plus trouble se détachait sur l’environnement. Les arbres ? Figés dans un acte de recueillement. Leur pose rigide et silencieuse laissait traîner dans l’atmosphère tiède comme un chant de deuil. Le vent, pour sa part, ne se décidait pas à souffler22 ».

Ce paysage nocturne et synesthésique s’inscrit dans la trame fictionnelle comme le cadre symbolique d’une veillée mortuaire caribéenne, rituel d’origine africaine qui se développe autour de manifestations de l’oraliture, telles que devinettes, proverbes, dictons... Ce sont là des outils discursifs mis en marche pour éveiller et égayer les participants jusqu’à l’aube, par le biais d’une « chaleur amicale autour du mort et de sa famille éplorée », selon le mot de Chamoiseau et Confiant23. Ce n’est pas un hasard si la cérémonie se déroulera précisément sous un arbre, lequel peut faire penser à l’arbre à palabres si présent dans le paysage imaginaire africain…

Katia Levesque affirme, en ce qui concerne l’oraliture, que « la nuit est le règne de l’obscur. Elle est donc liée au caractère énigmatique de la littérature orale. Poser les énigmes et les résoudre pendant la nuit24 » revient à entrouvrir le passage entre le monde des vivants et celui des morts, à chercher une solution de continuité pour une existence que l’on sait fragmentaire. Plongée dans ses ombres, la nuit devient le lieu pour la rencontre avec l’inconnu, l’inconnaissable, l’innommable. La nuit est le temps de faire émerger toutes les croyances et terreurs, celles qui véhiculent des explications magiques par rapport au sens de la vie. Chez Dalembert, le cadre poétique qui relève de l’oraliture inclut également des références à certaines entités chimériques ou imaginaires, tel le loup-garou, dont le narrateur avoue avoir peur.

Ce paysage nocturne représente également une image spéculaire de l’obscurité propre au sens ultime des choses, à l’indicibilité de l’existence – en cela, il fait écho aux jeux de mots que sont à la base formelle de l’oraliture, comme dans certaines questions métaphoriques sur la signification et la portée contraignante des rapports sociaux. Dans ce cas de figure, l’oraliture est ainsi l’outil poétique qui permettrait, sous le déguisement de l’humour et de la jouissance partagée, de faire passer des « messages de résistance et de critique sociale25 », comme le souligne bien Katia Levesque. Historiquement, rajoute Levesque, le propriétaire d’esclaves ne voyait pas, au cours de ces événements où la joie cache le désespoir, le fait que « l’humour c’est le moyen de surmonter cet abîme qui sépare l’anéantissement et le courage, l’impuissance et le désir historique, l’éphémère de la parole et son pouvoir dénonciateur26 ».

À titre d’exemple, prenons cette devinette à l’apparence anodine, lancée à l’assistance de la veillée funèbre : « je m’habille toujours, je ne sors jamais ». On pourrait bel et bien y voir une complainte subtile à propos de la condition des couches subalternes de la société, notamment celles composées par les esclaves – l’ancien public des maîtres de cérémonie. Dans cette devinette (dont tous connaissent par avance la réponse : le lit), il faudrait voir également un certain chant de la permanence, une voix contre le passage inexorable du temps, une parole collective qui se manifeste autour d’objets quotidiens. Par ailleurs, l’oraliture est aussi marquée par la répétition itérative de thèmes, sonorités et formules verbales, qui, au-delà de la fonction mnémonique, représentent symboliquement la possibilité éventuelle de se perpétuer dans un contexte de pénurie, faim, violence et fin imminente. On pourrait peut-être y voir la reproduction du sentiment d’immersion dans le cours d’une vie quotidienne, ainsi que d’appartenance à une communauté (auto)imaginée. En ce qui concerne la traduction de ces devinettes, cela n’a point posé de problème majeur, car la culture brésilienne est fort portée à ce genre de jeu langagier.

Toujours dans ce passage qui dresse un paysage-cadre pour l’ensemble du roman, les constructions langagières se font à l’aide d’un autre recours très récurrent de l’oraliture, à savoir, l’appel fréquent à la participation du lecteur, injonction qui se concrétise par une question rhétorique qui ferait écho à une prétendue intervention dialogique du lecteur : « Les arbres ? ». Par ailleurs, on peut y retrouver d’autres techniques stylistiques propres à l’oraliture, telles que la figure de la personnification, outil langagier qui consiste à attribuer sentiments humains à des entités inanimées – en l’occurrence, l’environnement, les arbres, le vent et l’atmosphère.

Synesthésie, personnification, apostrophes au lecteur : à l’instar d’une séance rituelle sous l’arbre à palabres, le paysage se dresse dans le roman comme une instance de passage entre le rationnel et l’impondérable. Paysage et oraliture se renvoient des images mutuellement spéculaires sur la surface polie du miroir langagier. Ainsi, Dalembert recrée à partir de la mémoire, le cadre spatial où se déroulent les rencontres liturgiques autour de l’oralité. Ce paysage est donc imprégné de marques formelles qui relèvent des rituels phonocentrés au pied de l’arbre à palabres :

Les gens allaient et venaient dans un brouhaha de mots et des rires, rythmé par le clapotis lancinant des vagues dans le noir. […] Le roulement de la mer au loin. Sur fond de tambour et de banjo, la voix d’un animateur, plus proche de la crécelle que de toute mélodie, psalmodiait un déferlement de paroles, évoqua les coutumes ancestrales bafouées […]27.

Le paysage nocturne devient celui de la « mélopée trop prolongée », de la « cacophonie environnante », du « son déchirant » et des « lamentations28 ».

La traduction de ce passage a pris en compte la structure prosodique des phrases, ainsi que la forte récurrence de consonnes plosives, en alternance avec l’allitération de la consonne liquide /l/ et des fricatives /s/ et /z/, comme on peut le constater ici :

Os retumbos do mar ao longe. Sobre um fundo de tambor e banjo, a voz de um animador, mais vizinha da matraca do que de qualquer melodia, salmodiou uma torrente de palavras, evocou os costumes ancestrais pisoteados […]29

Par ailleurs, le paysage nocturne retrouve son écho sonore dans la forte récurrence des sonorités nasales, qu’elles soient consonantiques ou vocaliques. À l’instar de maîtres du langage mimétique comme Nicolás Guillén ou Manuel Bandeira, Dalembert trouve la formule pour rajouter à la parole – actualisée en situation de lecture – la possibilité de faire converger paysage et oraliture.

Le paysage de la veillée mortuaire est agrémenté par des scènes et des phrases pleines de raillerie presque ironique, qui soulignent les aspects insolites d’une réalité indicible que l’auteur et ses lecteurs essayent de saisir. La simultanéité des dichotomies antithétiques de l’existence, comme le deuil et la gaieté, renforce les aspects illogiques de cette existence vouée à l’impossibilité de connaissance.

Paysage et oraliture

De par leur position inaugurale dans la structure du roman, cet épisode et ce paysage funèbres, magistralement construits autour de l’oraliture, fournissent le cadre imaginaire – le paysage mental – dans lequel l’histoire de Faustin Ier va se dérouler. Au chapitre suivant (chapitre III : Le mariage. p. 45-54), la première partie de l’histoire imaginée autour du passé du shoe shiner est présentée comme le transcours d’un rêve, une révélation qui émerge de la séance de rencontre avec le passé, prémonition annoncée par le maître de cérémonie, « marqueur de parole » : « − Commençons par le commencement, mesdames et messieurs. » Le narrateur s’éloigne à ce moment et, toujours sous rien d’autre qu’un arbre, en se laissant plonger dans un état de sommeil épiphanique, il recevra la première révélation au sujet de Faustin – voilà bien un paysage dressé au moyen de l’agencement spatial d’arbres à palabres.

Ce passage posait des problèmes au niveau de la traduction, car les paroles lancées par le maître de cérémonie font partie d’un rituel qui n’existe pas au Brésil : la seule solution qui me semblait valable était celle de reprendre l’original ipsis litteris.

Les chapitres suivants rebroussent chemin et replacent la trame fictionnelle sur la voie de la micro-histoire : le pouvoir magique de l’oraliture cède lieu à une étude anatomique de la vie sociale en Haïti, à l’aide de cet outil tranchant qui est le bistouri de la micro-histoire romancée, sans que l’on puisse connaître la frontière précise entre le factuel et la fiction. Il s’agira désormais de procéder à une expérience sensorielle du détail, celui qui serait à même de représenter l’intensité d’une vie condamnée à l’invisibilité, au « ninguneo » (selon le concept lancé par Octavio Paz). Au moyen d’un regard voyeur sur les espaces de vie intime, les personnages font l’objet d’une micro-histoire de la vie privée, de façon que la poésie puisse bien individualiser l’existence humaine, car il s’agit d’isoler un destin à l’intérieur même de la chaîne de répétition mécanique. Faustin Ier, est-ce le premier d’une série ? Une figure parodique de l’empereur haïtien Faustin Soulouque dont le règne contribua à appauvrir le pays au XIXe siècle ? S’agit-il d’un destin qui se répète ? Or, ce qui est en scène, c’est l’authenticité d’un destin individuel.

Ce destin individuel, toutefois, se réalise dans le cadre d’un paysage en friche, celui des quartiers populaires et des bidonvilles, un paysage qui, sur la Terre, correspond aujourd’hui encore au cadre de vie de milliards de personnes. Désormais écarté de l’oraliture, ce paysage se construit par l’intermédiaire de mots comme « champignon ratatiné », « tôles rouillées des toitures », « gamins en haillons », « pneus usagés », « immondices en décomposition », « palissades de cahutes » : voilà Port-aux-Crasses, la capitale de Salbounda30.

En ce qui concerne la traduction de ces toponymes, « Port-aux-Crasses » est devenu « Porto-Pinto », en analogie homophonique avec « Porto Príncipe » et en référence scatologique à l’organe sexuel masculin, dans sa terminologie populaire, voire puérile ; mais aussi en rapport avec le jeune poulet nouvellement né, vivant dans les crasses de la basse cour. « Salbounda », en traduction, a perdu une partie de sa signification, celle relative à la saleté : « Sale bounda » est devenu « Salbunda ». À noter que le mot « bounda » en créole haïtien et « bunda » en portugais ont la même signification, à savoir ‘fesse’, mieux ‘cul’, si on veut garder l’aspect oral et ironique.

Tout au long du livre, le paysage est maintes fois présenté par l’intermédiaire de mots de nature scatologique. La planète est présentée comme un organisme vivant, dont les voies d’excrétion, les espaces de passage scatologique, se trouvent exactement dans cette partie de la Terre, au toponyme précis : « Sale bounda ». Comme dans une plaie géante infectée par des micro-organismes décomposeurs, le paysage offert par le bidonville et ses habitants est alors le portrait même de la déchéance humaine. Ce paysage en friche est le cadre dans lequel on voit l’émergence de drames minuscules, à l’instar de ces cacahuètes qu’une vendeuse malhonnête dérobe à ses clients par le moyen d’astuces inventées pour la survie en milieu hostile, ou encore des sandales masculines rapiécées à l’infini, un coq mystérieux qui a plus d’importance que les humains eux-mêmes, une enseigne d’épicerie à la sauvette ou encore la chaise découpée dans un châssis de camion pour retenir le trop-plein en chair de Madame Olivarez, entre autres exemples possibles. Ces drames minuscules s’enchaînent sur la surface du texte et aident à construire le paysage de Port-aux-Crasses.

On peut conclure que l’itinérance poétique de l’auteur haïtien a lieu sur un « continent imaginaire » qui s’étend à l’échelle planétaire. Chez Dalembert, ce paysage imaginaire découle de la possibilité de découper un « territoire-monument » voué à l’oraliture et à la culture populaire, notamment celle de matrice africaine. Ces pratiques culturelles haïtiennes s’offrent comme une synecdoque pour l’ensemble des manifestations culturelles de nature populaire et traditionnelle, ce qui pourrait trouver un reflet dans ces propos de Daniel-Henri Pageaux :

Cette synecdoque met d’emblée l’accent d’une part, sur les relations problématiques, voire conflictuelles, entre cette partie et ce tout, et d’autre part, sur les réserves que l’on peut faire au sujet de ces deux notions appliquées à la littérature. Elle permet néanmoins, en un premier temps, de rendre compte de traits caractéristiques du statut de la région dans un ensemble dit national : l’autonomie plus ou moins grande de la partie par rapport à l’ensemble, l’aspect revendicatif, conflictuel, de la région face à la nation, la volonté plus ou moins nette de la région d’affirmer des particularismes dont il faut cerner le sens et la portée31.

Dans les pages du romancier et poète haïtien, l’appel à l’oraliture constitue un plaidoyer pour la reconnaissance des formes d’expression esthétiques de certains groupes d’extraction populaire ou ethnique. Il s’agit de mettre en relief l’existence même de ces groupes invisibles aux yeux de l’ensemble des sociétés nationales, ces groupes humains presque toujours invisibles, de surcroît, à leurs propres yeux.

La nature et la matière de la cohésion de ces sociétés fortement grégaires trouvent leur substance première dans ces pratiques rituelles ludiques autour de la poésie et du langage. L’oraliture donne naissance et permet la consolidation du processus de cohésion sociale, ethnique, régionale et nationale, tel que l’observe Câmara Cascudo. Les auteurs qui font appel à l’oraliture soulignent également la valeur intrinsèque de ces productions esthétiques auprès des couches lettrées de la population et des formateurs d’opinion. L’appel à l’oraliture pose alors des questions essentielles sur le fonctionnement du champ littéraire et sur les choix institutionnels de modèles poétiques et de canons littéraires.

Si le vagabondage de Dalembert peut se concevoir comme une manifestation du refus devant l’oubli, notamment l’oubli planifié par les segments hégémoniques de la société, la transculturation poétique de l’oraliture peut se présenter comme un outil ouvertement moderne voué au sauvetage de la tradition ancestrale, cette tradition condamnée au silence écrasant, à l’indifférence, à l’invisibilité. Il faut réagir contre la violence permanente exercée contre les ninguneados, une forme d’action politique qui s’ouvre également sur une certaine assurance de survivre à l’anéantissement des valeurs humanistes et du monde lui-même. En tout cas, la lecture de cette œuvre poétique peut profiter de cette indication clairvoyante de Luis Sánchez :

Si el paisaje puede diluirse ahí donde no tiene tanta vigencia, en cambio su mera borrosidad o rebajamiento infiere insustituible merma a la comprensión – y sensación – de América. Nosotros somos el continente del Paisaje Triunfante. Por tanto, desentendernos de él, es como echar por la borda brújula, cuaderno de bitácora y carta de navegación, y, luego, discutir el mandato de viento y ola32.

Chez Dalembert, il s’agit d´écrire pour remuer, fouiller les couches archéologiques de ce terrain rocailleux écrasé par un silence de pierre, aplati par le « ninguneo » dont parle Octavio Paz, un terrain sur lequel s’établit petit à petit ce territoire-monument où l’on célèbre l’oubli. Si nos racines sont nues et desséchées, exposées au soleil écrasant du dehors et au-dessus du sol nourricier, il faut alors les rendre à l’humus, piocher la terre pour en faire ressortir les mots pétrifiés par le temps et l’usage – donner suite à ce paganisme (culte de la terre) de ceux qui sont les premiers paysagistes, selon Michel Serres : les paysans (au sens le plus large du terme, il va sans dire...).

Considérations finales

Si, pour Édouard Glissant, il s’agit de mettre en avant une « oralité qui n’a pas encore trouvé ses lois de scripturalité33 », avec Dalembert, cette scripturalité peut se cacher sous le point de convergence entre paysage et oraliture. Par l’intermédiaire des rapports entre ces deux instances expressives, Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme peut se lire comme une œuvre où font émergence les rapports conflictuels entre local et universel, entre centre et périphérie, entre savant et populaire, tels qu’ils se développent sur le territoire miné des systèmes littéraires transnationaux.

Ce sont les franges de la civilisation encadrées par le paysage dysphorique de l’entropie, un paysage qui se conforme avec les débris de l’histoire, dans les plis ombrageux des signes d’un futur dont on connaît par avance les réponses, à l’instar de ces devinettes lancées sous l’arbre à palabres. Dalembert découpe sur le visage de la planète une tranche de terrain visible qui dénonce l’absence planifiée de l’État, l’indifférence désormais globalisée, la vie précaire, la misère humaine. Cette œuvre est un chant de détresse qui cherche à dresser en pleine verticalité ce que l’humanité tout entière a couché au ras du sol, sur la boue et la fange.

Notes de bas de page numériques

1 Luis Alberto Sanchez, « El Paisaje en la Literatura Americana, elemento desconocido aunque dominante », Revista Iberoamericana. vol. II, Núm. 4, Noviembre 1940. p. 389-399, ici p. 399. Nous traduisons : « il est impossible d’approcher la littérature américaine sans pénétrer dans son paysage, sans évaluer l’action du tellurique sur son interprète, sans établir certaines coordonnées (prédominance de la mer, de plaines, de jungles, de vallées, de tropiques, de pôles) qui sont utiles à différencier –sans désunir ni extirper– l’accent de famille commun à tous les caractères typiques de chaque littérature, tout comme, par exemple, dans les lettres françaises il y a un ton provençal, breton ou parisien. »

2 Federico Italiano, « Defining Geopoetics », TRANS, n. 6. 2008, http://trans.revues.org/299 , (notre traduction), 2008, p. 2-6, (cons. le 14 juin 2016).

3 Jacqueline Penjon (dir.), Voies du paysage. Représentations du monde lusophone, Cahiers du CREPAL, n° 14, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2007.

4 Claudio Guillén, « Paisaje y literatura, o los fantasmas de la otredad », in Actas del X Congreso de la Asociación Internacional de Hispanistas (Barcelona, 21-26 de agosto de 1989), Barcelona, A. Vilanova, 1992, p. 77-98, ici p. 78. Nous traduisons : « c’est justement le regard humain ce qui transforme un espace donné en paysage, aboutissant à ce qu’une tranche de terre puisse acquérir, par l’intermédiaire de l’art, la qualité de signe de culture, ne pas acceptant le naturel dans son état brut mais plutôt le transformant aussi en culturel ; et cela a un tel degré qu’il nous devient difficile de ne pas considérer de nombreux paysages comme notre milieu environnant, réel ou imminent, ou alors, symboliquement, comme de voies de reconnaissance de notre statut dans le monde. »

5 Michel Serres, « A voix nue », Interview sur France Culture, 1ère diffusion : 07/01/2002, www.franceculture.fr/philosophie/michel-serres-au-fond-je-suis-devenu-philosophe-cause-d-hiroshima (cons. le 14 juin 2016).

6 Christine Chivallon, « L’espace, le réel et l’imaginaire : a-t-on encore besoin de la géographie culturelle ? », Annales de géographie. 2/2008 (n° 660-661), p. 67-89, ici p. 69.

7 André-Frédéric Hoyaux, « De la poïesis comme expression et construction des mondes », Annales Symposium pluridisciplinaire Activité artistique et spatialité, Université de Lille 3, 2007. [Activité Artistique et Spatialité, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 31-51], https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00380158/document, p. 32 (cons. le 20 mai 2016).

8 Christine Chivallon, « L’espace, le réel et l’imaginaire : a-t-on encore besoin de la géographie culturelle ? », Annales de géographie. 2/2008 (n° 660-661), p. 67-89, ici p. 73.

9 Maurice Merleau‑Ponty, « Le Doute de Cézanne » in Sens et non-sens, Paris, Nagel, 1948, p. 30.

10 Benedict Anderson, L’Imaginaire national, Paris, La Découverte, 1996.

11 Daniel-Henri Pageaux, « De la géocritique à la géosymbolique. Regards sur un champ interdisciplinaire : littérature générale et comparée et géographie », in Bertrand Westphal (dir.), La Géocritique mode d’emploi, Limoges, PULIM, 2000, p. 125-164. Daniel-Henri Pageaux, « Ouverture », in Bertrand Westphal, Juliette Vion-Dury, Jean-Marie Grassin (éd.), Littérature et espaces, Limoges, PULIM, 2003, p. 11-23.

12 Michel Foucault, Les Mots et les Choses, Paris, Gallimard, 1966.

13 Michel Collot, La Pensée-paysage, Arles, Actes Sud / Versailles, ENSP, 2011.

14 Jean Bernabé, « De l’oralité à la littérature antillaise : figures de l’Un et de l’Autre », in Françoise Tétu de Labsade (éd.), Littérature et dialogue interculturel : culture française d’Amérique, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1997, p. 49-68.

15 Luis da Câmara Cascudo, Literatura oral no Brasil, Belo Horizonte, Itatiaia ; São Paulo, EdUSP, 1984.

16 Juan José Prat Ferrer, « Oralidad y Oratura », Simposio sobre literatura popular, Urueña, Fundação Joaquín Díaz, 2010, p. 16-30, http://www.funjdiaz.net/imagenes/actas/2010literatura.pdf (cons. le 14 mai 2016).

17 Patrick Chamoiseau, Jean Bernabé, Raphaël Confiant, Éloge de la créolité, Paris, Gallimard, 1993.

18 Louis-Philippe Dalembert, Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme, Paris, Le Rocher, [1996], 2014.

19 Léopold Sédar Senghor, Liberté 1, Paris, Le Seuil, 1964, p. 238.

20 Gérard Genette, Nouveau discours du récit, Paris, Le Seuil, 1983.

21 Jean-Paul Sartre, « Orphée Noir », Préface à, Léopold Sédar Senghor, Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, Paris, PUF, Collection Quadrige, 2015 [1948], p. XVI.

22 L.-Ph. Dalembert, Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme, op. cit., Paris, le Rocher, [1996], 2014, p. 35-36.

23 Cités par Katia Levesque, La Créolité. Entre tradition d’oraliture créole et tradition littéraire française, Québec, Nota Bene, 2004, p. 41.

24 K. Levesque, LaCcréolité. Entre tradition d’oraliture créole et tradition littéraire française, op. cit., Québec, Nota Bene, 2004, p. 38.

25 K. Levesque, La Créolité. Entre tradition d’oraliture créole et tradition littéraire française, op. cit., Québec, Nota Bene, 2004, p. 43.

26 K. Levesque, La Créolité. Entre tradition d’oraliture créole et tradition littéraire française, op. cit., Québec, Nota Bene, 2004, p. 44.

27 L.-Ph. Dalembert, Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme, op. cit., Paris, le Rocher, [1996], 2014, p. 38.

28 L.-Ph. Dalembert, Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme, op. cit., Paris, le Rocher, [1996], 2014, p. 39-40.

29 L.-Ph. Dalembert, O lápis do bom Deus não tem borracha, traduction de Marcelo Marinho et Fernanda Giglio, Campo Grande, Letra Livre, 2010, p. 28.

30 L.-Ph. Dalembert, Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme, op. cit., Paris, le Rocher, [1996], 2014, p. 64.

31 Daniel-Henri Pageaux, « Terre, province, région, lieu : autour de la notion de « littérature régionale », Carnets. Littératures nationales : suite ou fin – résistances, mutations & lignes de fuite, nº spécial printemps-été 2010, p. 271-287, ici p. 272, http://revistas.ua.pt/index.php/Carnets/article/viewFile/780/707

32 Luis Alberto Sanchez, « El Paisaje en la Literatura Americana, elemento desconocido aunque dominante », Revista Iberoamericana, vol. II, num. 4, noviembre 1940, p. 389-399, ici p. 389. Nous traduisons : « Si le paysage peut se diluer là où il n’a pas tant d’incidence, à l’opposé son rabaissement ou estompement rétrécit la compréhension – et la sensation – d’Amérique. Nous sommes le continent du Paysage Triomphant. Alors, toute mésentente avec lui correspond à se délester par-dessus bord de la boussole, du carnet de voyage et de la carte de navigation, pour ensuite discuter de balivernes. »

33 K. Levesque, La Créolité. Entre tradition d’oraliture créole et tradition littéraire française, op. cit., Québec, Nota Bene, 2004, p. 51.

Bibliographie

Œuvre de Louis-Philippe Dalembert

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Dalembert Louis-Philippe, O lápis do bom Deus não tem borracha, traduction de Marcelo Marinho et Fernanda Giglio, Campo Grande, Letra Livre, 2010.

Autres textes et critiques

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Pour citer cet article

Marcelo Marinho, « L’arbre à palabres, paysages imaginaires : regards sur une traduction brésilienne de Louis-Philippe Dalembert », paru dans Loxias-Colloques, 9. Entre Haïti et ailleurs. Louis-Philippe Dalembert, L’arbre à palabres, paysages imaginaires : regards sur une traduction brésilienne de Louis-Philippe Dalembert, mis en ligne le 20 janvier 2018, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1028.

Auteurs

Marcelo Marinho

Marcelo Marinho est docteur en Littérature Comparée (Sorbonne Nouvelle). Il a enseigné dans différentes universités au Brésil, en Hongrie (Université Eötvös Lorànd) et au Canada (Université du Québec). Actuellement, il enseigne à l’Université fédérale de l’intégration latino-américaine (UNILA), au Brésil. Il a conclu, en 2016, un stage de recherches post-doctorales à la Sorbonne Nouvelle, sur le thème des rapports entre paysage et littérature. Ayant publié une trentaine d’articles et une vingtaine de chapitres de livres, il a publié ou organisé une vingtaine de livres et de revues scientifiques. En France, il est l’auteur de « João Guimarães Rosa » (Paris, L’Harmattan). Il est également traducteur, notamment de l’écrivain haïtien Louis-Philippe Dalembert et du comparatiste Daniel-Henri Pageaux.