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Alexandre Zaezjev  : 

La critique de l’ironie romantique chez Søren Kierkegaard dans le contexte postmoderne

Résumé

Le Concept d’ironie (1841) de Søren Kierkegaard reçoit une attention particulière dans la seconde moitié du XXe - début du XXIe siècle, alors que l’ironie devient une notion importante pour les théories poststructuralistes, ainsi que le trope définissant le milieu culturel postmoderne. Le présent article effectue une lecture approfondie de la critique du premier romantisme allemand chez Kierkegaard et soutient que Le Concept d’Ironie constitue une critique implicite de l’ironie postmoderne dans la mesure où il est explicitement critique de l’ironie romantique.

Abstract

In 1841, the twenty-eight-year old Søren Kierkegaard defended his master’s thesis On the Concept of Irony with Continual Reference to Socrates at the University of Copenhagen. This first major work by the young Danish philosopher gains particular attention in the second half of the twentieth - beginning of the twenty-first century, as irony becomes an important concept for poststructuralist theories of indeterminacy of language, as well as “the central mode of consciousness of postmodernism ”. Building on the existing parallels between romanticism and postmodernism, the present paper argues that On the Concept of Irony constitutes an implicit critique of postmodern irony in as much as it is explicitly critical of German Romanticism and Romantic irony. It presents a thorough reading of Kierkegaard’s criticism of Romantic irony and discusses how Kierkegaard’s idea of the “truth of irony” relates to the notion of irony in the postmodern condition.

Index

Mots-clés : ironie postmoderne , ironie romantique, Kierkegaard, Romantisme allemand

Géographique : Occident

Chronologique : XIXe siècle , XXIe siècle

Plan

Texte intégral

« Je crois que la plupart des aspects problématiques de ce que l’on pourrait appeler ‘la tyrannie de l’ironie’ en Occident aujourd’hui peuvent être expliqués presque parfaitement par la distinction faite par Kierkegaard entre la vie esthétique et la vie éthique », écrit David Foster Wallace au sujet de l’ironie à l’époque postmoderne1. La voix de cet auteur renommé vient se joindre à la discussion sur l’ironie en tant que mode d’expression dominant (ou « tyrannique », pour reprendre le terme de Wallace) dans la culture contemporaine, un débat entamé par les intellectuels à la fin du XXe siècle2.

Voir le nom de Kierkegaard figurer dans ce débat n’est pas surprenant ; ce qui l’est, pourtant, c’est la lecture que Wallace fait du philosophe danois. Comme nous en discuterons dans la section suivante, Kierkegaard a été bien reçu dans un milieu intellectuel « influencé par Derrida et d’autres auteurs du camp postmoderne français3 » au point de devenir dans les années 1990 « une sorte de héros postmoderne4 ». En même temps, selon Wallace, ce milieu intellectuel postmoderne5 est également responsable de la « tyrannie de l’ironie » à laquelle il suggère lui-même de remédier par une relecture critique de Kierkegaard. Bien que Wallace ne traite du philosophe danois que dans la citation précédemment mentionnée, le présent article suivra sa ligne de pensée pour proposer une relecture possible de Kierkegaard où son œuvre sera présentée comme une critique de l’ironie postmoderne.

À cette fin, nous analyserons le travail de thèse de Kierkegaard Le concept d’ironie constamment rapporté à Socrate, soutenu par le philosophe danois à l’université de Copenhague en 1841 pour le diplôme de Magister et reconnu comme une thèse de doctorat en 18546. Ce texte est une enquête historico-philosophique en deux parties sur le concept d’ironie, avec un accent particulier sur Socrate, ainsi que sur les romantiques allemands contemporains de Kierkegaard. La distinction de Kierkegaard entre la vie esthétique et la vie éthique, présentée par Wallace comme une explication possible de la « tyrannie de l’ironie » en Occident aujourd’hui, est évoquée dans la deuxième partie de la thèse de Kierkegaard, où l’auteur présente un argument détaillé contre l’ironie romantique et conçoit la notion de la « vérité de l’ironie7 » comme une alternative éthique.

S’appuyant sur les rapports bien établis entre le romantisme et le postmodernisme, qui seront abordés dans la section suivante, et présentant une lecture approfondie de l’œuvre de Kierkegaard, le présent article soutient que Le concept d’ironie constitue non seulement une critique explicite du romantisme allemand et de l’ironie romantique, mais également une critique implicite de l’ironie postmoderne.

Contexte de l’étude

En discutant de la pertinence de Kierkegaard pour la critique et la philosophie littéraires contemporaines, Tullberg (2009) a remarqué dans les années 2000 un intérêt sans précédent pour l’héritage de l’auteur danois, qualifiant ce phénomène d’« étreinte de Kierkegaard par le postmodernisme8 ». En discutant de cette demande de Kierkegaard dans le milieu universitaire, Steen Beck (1997) souligne une similitude frappante entre l’esprit culturel de l’époque de la fin de siècle du siècle précédent et notre propre condition postmoderne. « Dans cette situation, il n’est pas si surprenant », écrit Beck, « qu’un penseur tel que Søren Kierkegaard, le philosophe de l’individu et de l’ironie par excellence, soit étudié plus que jamais9 ».

Cependant, ce n’est pas seulement l’esprit culturel de l’époque, mais également l’apparition des nouvelles approches méthodologiques axées sur les aspects performatifs du texte et l’indétermination du langage qui ont rendu Kierkegaard pertinent pour les études contemporaines. La perte de contrôle auctorial, la méfiance générale à l’égard de tout contenu sémantique10, la recherche du sens dans la rhétorique du texte plutôt que dans la logique de l’argumentation11 – toutes ces tendances déconstructionnistes associées à Jacques Derrida et Paul de Man ont ouvert des possibilités de relectures originales du philosophe danois, connu pour son utilisation extensive du langage figuratif, des ambiguïtés, des ironies, des pseudonymes et de la polyphonie des voix. Dans cet ordre d’idées, Jon Stewart (2009), l’un des principaux spécialistes contemporains de Kierkegaard, souligne que « l’intérêt de Kierkegaard pour le concept d’ironie trouve un écho chez plusieurs théoriciens poststructuralistes12. »

Paul de Man lui-même reconnaît que Le concept d’ironie est « le meilleur livre sur l’ironie disponible13 » et rend hommage à l’œuvre de Kierkegaard en reprenant le même titre pour son propre essai. Dans The Concept of Irony (1977) de Man énumère trois modes couramment utilisés pour désamorcer l’ironie. Le premier réduit l’ironie à une pratique esthétique ou à un dispositif artistique qui permet à l’ironiste d’atteindre une distance par rapport au sujet. Le second réinterprète l’ironie comme une dialectique d’autoréflexion. Alors que de Man consacre l’essentiel de son essai à l’examen de Friedrich Schlegel (1772–1829), Johann Gottlieb Fichte (1762–1814) et Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770–1831) en relation avec les deux premiers modes de l’ironie, il associe le troisième spécifiquement à Kierkegaard. Ce mode absorbe l’ironie dans une perspective de l’histoire, de sorte qu’elle devient une série de moments ironiques dans un schéma dialectique de progression chronologique. Caractérisant une telle approche comme fortement hégélienne, de Man conclut que l’évaluation de l’ironie dans la thèse de maîtrise de Kierkegaard est effectivement soumise à sa place dans l’histoire14.

Une autre interprétation du livre de Kierkegaard sur le concept d’ironie mérite d’être mentionnée : Aparté : conceptions et morts de Sören Kierkegaard (1977) écrit par Sylviane Agacinski sous l’influence de Jacques Derrida15. Agacinski fait passer l’ouvrage de Kierkegaard Le Concept d’Ironie par le creuset du projet philosophico-linguistique de déconstruction derridienne et, ce faisant, développe une des interprétations les plus originales de Kierkegaard. Posant la question provocatrice « Le Concept d’Ironie aura-t-il pu être une thèse ironique16 ? », la philosophe française montre dans la première partie de son livre que même si Kierkegaard semble adopter une perspective éthique au-delà de l’ironie dans la dernière partie de sa thèse, cette position peut être en elle-même un prétexte pour subvertir et contourner le dépassement (Aufhebung) ou la maîtrise de l’ironie dans la dialectique hégélienne. En se concentrant sur la perturbation de la communication directe qu’implique la discussion de l’ironie chez Kierkegaard, Agacinski interprète le philosophe danois comme étant lui-même un ironiste, et soutient que dans la mesure où la possibilité d’écriture est aussi la possibilité de l’ironie, « La théorie spéciale de Kierkegaard sur la communication indirecte est donc aussi une théorie générale sur le langage en tant qu’ironie17. »

John Vignaux Smyth, un ancien élève de Paul de Man, propose une autre lecture remarquable de la thèse de maîtrise de Kierkegaard dans son ouvrage A Question of Eros : Irony in Sterne, Kierkegaard, and Barthes (1986). Ce livre de Smyth paraît dans la même série d’ouvrages que celui d’Agacinski, soit Kierkegaard et le postmodernisme. Bien que Smyth refuse de présenter une théorie formelle de l’ironie, il discute d’une « configuration conceptuelle générale » de la « représentation de l’ironiste comme érotiste18 ». L’auteur élabore une notion complexe de l’ironie en tant que jeu et séduction qui participent à l’érotisme et dont le prototype est l’ironie socratique discutée par Kierkegaard. Selon Smyth, c’est la relation entre la détermination et l’indétermination telle qu’elle se manifeste dans l’ironie et l’éros qui lie Kierkegaard aux penseurs postmodernes et poststructuralistes tels que Derrida, que Smyth intègre habilement dans son analyse.

Une approche similaire ayant pour objet principal la déstabilisation des oppositions forme/matière, forme/contenu est appliquée dans de nombreuses études récentes sur Kierkegaard pouvant être placées dans la catégorie plus générale d’analyse poststructuraliste19. Selon une telle interprétation, il semble logique que Kierkegaard soit parfois considéré comme « une sorte d’auteur déconstructionniste (voire postmoderne) avant la lettre20 ». Cependant, même si une interprétation poststructuraliste pourrait caractériser l’écriture de Kierkegaard dans ses aspects formels, nous allons démontrer que ses idées sur la dimension éthique de l’ironie exprimées dans Le concept d’ironie vont clairement à l’encontre de la pensée postmoderniste.

Le présent article soutient que Le concept d’ironie de Kierkegaard constitue une critique implicite de l’ironie postmoderne dans la mesure où il est explicitement critique du romantisme allemand et de l’ironie romantique. Cet argument s’appuie sur le rapport entre l’esthétique romantique et le postmodernisme, qui est discuté en profondeur dans nombre d’ouvrages21. Soulignant ce rapport, Sylvia Walsh (1991) réfléchit à la façon dont « le postmodernisme apparaîtrait comme une autre forme ou peut-être comme le point culminant du romantisme22. » Bien que l’interprétation de l’esthétique romantique comme proto-postmoderniste ait suscité certaines critiques23, la présente analyse démontre à partir de l’exemple de Kierkegaard que le romantisme en général, et le primat romantique de l’esthétique en particulier, peuvent être considérés comme précurseurs de la théorie postmoderne.

Analyse

Bien que la discussion de Socrate constitue la majeure partie de l’ouvrage de Kierkegaard Le concept d’ironie, cet article est principalement concerné par son analyse de l’ironie romantique. Dans la deuxième partie de sa thèse de maîtrise, Kierkegaard aborde les conceptions contemporaines de l’ironie telles que représentées par les philosophes allemands Fichte et Hegel, ainsi que par certains romantiques allemands tels que Schlegel, Tieck et Solger, leur consacrant des sections individuelles.

Kierkegaard commence son analyse en adoptant la perspective hégélienne sur l’ironie romantique que l’auteur des célèbres Conférences sur l’esthétique qualifie de « négativité infinie et absolue24. » Kierkegaard démontre ensuite comment l’impulsion nihiliste propre à l’ironie romantique conduit à la désintégration progressive du soi et finalement au néant.

Selon Kierkegaard, « l’ironie est une détermination de la subjectivité25 » et elle a fait valoir ses droits dans l’histoire mondiale pour la première fois avec Socrate. Cependant, une fois qu’elle a fait son apparition dans le monde, la subjectivité n’a pas disparu. Par conséquent, pour qu’un nouveau mode d’ironie puisse apparaître maintenant, il doit résulter de l’affirmation de la subjectivité sous une forme encore plus élevée : « Il s’agit alors d’une subjectivité élevée à la seconde puissance, d’une subjectivité de la subjectivité correspondant à la réflexion de la réflexion26 », explique Kierkegaard. Cette quête conduit finalement le sujet ironique à se détacher de la réalité existante, ou à pouvoir se comporter de manière indifférente, c’est-à-dire à « supprimer » la réalité donnée sans jamais avoir à se mettre en relation affirmative avec celle-ci. L’ironie, nous dit l’auteur, est « une exigence énorme, car elle dédaigne la réalité27. »

Schlegel

Kierkegaard voit ce dangereux potentiel de l’ironie romantique se manifester dans les écrits de Friedrich Schlegel, la cible principale de son attaque contre le romantisme littéraire. Il se concentre sur le roman Lucinde (1799), dans lequel Schlegel a tenté de réaliser le programme romantique consistant à transformer l’art en science et la poésie en un paradigme existentiel. Lucinde, qui était considérée comme une œuvre littéraire scandaleuse en raison de sa prétendue immoralité, est un texte clé du romantisme allemand, « l’évangile de la jeune Allemagne28 », un programme intellectuel en faveur d’une vision du monde ironique. C’est pourquoi Kierkegaard lui accorde une attention particulière dans Le concept d’ironie, et en fait l’objet central de sa critique de Schlegel. Même si Kierkegaard défend Schlegel contre ses accusateurs moralisateurs et exprime sa sympathie pour la rébellion romantique contre la « pruderie morale, une camisole de force » des principes bourgeois29, son propre commentaire sur ce livre est généralement critique, voire dur et systématiquement négatif.

Kierkegaard perçoit que la préoccupation principale du roman est d’abolir toute éthique et de promouvoir une vision de la vie dans laquelle l’individu est laissé avec la « réalité supprimée », et est par conséquent confronté au pur néant. Le motif dominant du roman est le désir d’amour ; thème en vogue chez les romantiques, il évoque chez Kierkegaard le passage à une « stupeur esthétique […] qui plongeant le ‘je’ plus profond dans un état somnambulique donne au je arbitraire toute latitude pour exercer son ironique suffisance30 ». Suivant ce principe, toute la vie est dédiée à l’esthétique, ce qui libère le sujet des contraintes de l’actualité.

Puisque la suppression de toute actualité est perçue par Kierkegaard comme « tendance caractéristique de l’ironie31 », l’ironiste ne se préoccupe pas de la nécessité de se former de manière à s’intégrer dans son environnement. Au contraire, l’ironiste ne se compose pas seulement lui-même, mais il compose aussi poétiquement son environnement. Kierkegaard illustre ce point en s’attardant sur le personnage du roman de Schlegel, Lucinde, qui » était aussi l’une de celles qui […] ne vivent pas dans le monde ordinaire, mais dans un monde qu’elles ont elles-mêmes créé et pensé32 ». Kierkegaard suggère une lecture similaire de Julius – le protagoniste du roman, « une personnalité sous l’emprise de la réflexion33 » qui a l’intention de détruire l’ordre et, en essayant de le faire, « renonce à toute raison pour donner pleins pouvoirs à la seule imagination, au seul caprice34. »

Enfin, puisque l’actualité qui est censée donner le contenu au sujet est supprimée, il devient important pour l’ironiste de suspendre ce qui constitue, ordonne et soutient l’actualité : c’est-à-dire, le sens de la morale et de l’éthique. C’est pourquoi, selon Kierkegaard, « La Lucinde de Schlegel prétend suspendre toute vertu ou […] toutes les déterminations morales35 ».

Tieck

La deuxième figure clé dans l’examen du romantisme allemand de Kierkegaard est Ludwig Tieck (1773-1853), l’une des figures littéraires les plus célèbres et les plus distinguées de son temps et, ensemble avec Novalis (1772-1801) et les frères Friedrich (1772-1829) et August Wilhelm Schlegel (1767-1845), l’un des pères fondateurs du premier romantisme allemand.

Le jugement que Kierkegaard porte sur les travaux de Tieck est ambivalent. Il apprécie sa virtuosité poétique et son génie dans la création des histoires. Il prend même la défense de Tieck contre la critique de Hegel et confirme que ce dernier n’avait pas le sens de l’humour nécessaire pour comprendre Tieck. Pourtant, Kierkegaard perçoit la poésie de Tieck comme « une poésie de la poésie et ainsi de suite à l’infini36 », et critique le poète pour son attitude existentielle ironique, typique de toute l’école romantique, à savoir pour une forme accrue et continue d’autoréflexion : « la réflexion réfléchissait constamment sur la réflexion, le raisonnement se détourna du bon chemin, chaque pas en avant l’éloignant naturellement un peu plus de tout contenu37. » Selon Kierkegaard, une telle autoréflexion perpétuelle le conduit à s’éloigner de ses pensées et, par conséquent, de ses paroles et de l’actualité. Il souligne que « si Tieck n’a pas mis à nier la réalité tout le sérieux de Schlegel38 », ses drames satiriques et sa poésie ironique n’en font pas moins de la poésie du néant.

Solger

Le troisième et dernier objet de critique dans Le Concept d’Ironie est l’écrivain allemand Karl Wilhelm Ferdinand Solger (1780-1819). La discussion de Kierkegaard sur l’ironie de Solger est probablement la plus sophistiquée sur le plan théorique parmi les trois, car Solger lui-même s’est intéressé au développement d’une théorie philosophique de l’ironie, contrairement à Tieck pour qui l’ironie était plutôt une position existentielle. L’importance de Solger dans le travail de Kierkegaard est signalée dès le début puisque l’auteur lui consacre l’une de ses quinze thèses obligatoires, la quatorzième étant formulée de la manière suivante : « Solger adopta l’acosmisme non par pitié mais séduit par l’envie, parce qu’il ne pouvait pas penser le négatif ni le vaincre par la pensée39. »

Cette notion d’« acosmisme » devient la base de l’argument de Kierkegaard contre Solger qu’il décrit comme « le chevalier métaphysique du négatif40 ». Kierkegaard pousse sa critique plus loin en analysant la conception de l’ironie chez Solger dans une optique métaphysique. Cette analyse est fortement influencée par Hegel qui avait traité de Solger à plusieurs reprises dans ses écrits dans le cadre de sa critique du subjectivisme et de l’ironie romantique. La négation est une étape importante et nécessaire dans la méthodologie dialectique de Hegel et donc dans sa métaphysique, car de la négation et de la contradiction naît la vérité positive. Selon Kierkegaard (et Hegel), Solger saisit ainsi la négation, mais ne voit pas l’étape suivante, appelée par Hegel une « négation de la négation, laquelle implique en soi la véritable affirmation41. » En fin de compte, l’analyse critique de Kierkegaard des travaux théoriques de Solger le présente comme une victime de la pure négativité qui n’a jamais réussi à penser l’ironie selon un principe positif.

La vérité de l’ironie

La question qui se pose alors est de savoir si, selon Kierkegaard, l’ironie » positive » est effectivement possible. Pour répondre à cette question nous devons nous tourner vers le dernier chapitre de sa thèse qui suit l’attaque sur l’ironie romantique et dans lequel Kierkegaard aborde l’ironie comme un « élément contrôlé » ou un « moment dominé42 ». Il y présente deux arguments en faveur de l’emploi positif de l’ironie : l’un pratique et l’autre éthique.

L’argument pratique suggère que le poète devrait apprendre à maîtriser son ironie comme un outil rhétorique, étant donné qu’une ironie non-contrôlée pourrait empêcher les lecteurs de mieux saisir ses idées. Comme le fait remarquer Stephen Evans (2006), « un sens global selon lequel tout ce qui est ironique dans un texte peut, assez ironiquement, nous empêcher de reconnaître les éléments ironiques présents43. »

À cet égard, Kierkegaard s’appuie sur l’exemple de Shakespeare qu’il considère comme « le grand maître de l’ironie44 ». L’ironie shakespearienne est décrite comme « la folie » qui « est à son tour hautement objective45 ». En d’autres termes, Shakespeare maîtrise l’équilibre entre le pouvoir esthétique de l’ironie (la folie) et sa capacité à communiquer des idées (le degré d’objectivité) sans sombrer dans un chaos ironique, ce qui était précisément l’accusation portée par Kierkegaard à la poésie de Tieck.

L’argument éthique en faveur de l’ironie comme moment dominé provient de la réflexion de Kierkegaard sur le romantisme, au centre duquel se trouve l’idée de « vivre poétiquement46 ». Il affirme que ce mode de vie est incomplet puisqu’il est basé sur une ironie non-contrôlée qui est « libre, affranchie des soucis de la réalité, mais aussi de ses joies, de sa bénédiction, car n’ayant rien au-dessus d’elle, elle ne peut recevoir aucune bénédiction47. »

Kierkegaard soutient que, contrairement à cette ironie « négative », l’ironie contrôlée ou « positive », « limite, finitise, restreint et, de ce fait, crée la vérité, la réalité, le contenu ; elle corrige et châtie, donnant ainsi de la tenue et de la consistance48 ». En qualifiant ce type d’ironie de « pédagogue sévère49 », il présente un argument en faveur d’une subordination volontaire de la subjectivité du poète à un objectif éthique. Bien qu’elle semble effectivement saper le pouvoir émancipateur de l’ironie, on pourrait soutenir qu’une telle « négation de la négation50 », c’est-à-dire le refus de l’ironie négative est en fait une affirmation encore plus forte de la subjectivité du poète. Richard Hall (2001) propose une explication détaillée de cette affirmation :

« L’ironie dominée ne nie pas l’actualité donnée, mais me dit que je le pourrais. Cette prise de conscience momentanée que je pourrais rejeter l’actualité a l’effet ironique d’approfondir mon adhésion positive à celle-ci. Car savoir que je pourrais dire ‘non’ à l’actualité renforce ma capacité à lui dire ‘oui’51. »

Adaptant la perspective hégélienne, Kierkegaard conçoit le texte littéraire comme une arène dialectique dans laquelle les tensions de l’ironie sont continuellement négociées. Le point clé à noter est la façon dont l’ironie est ici présentée comme « dominée ». Plutôt que d’être son propre maître, ce qui serait une façon d’accuser les romantiques, le poète maîtrise l’ironie, de telle manière que son utilisation de l’ironie soit toujours au service de son existence éthique ou religieuse au sens plus large. Kierkegaard présente cette existence éthique ou religieuse comme « une conception globale du monde », requise pour « maîtriser l’ironie dans son existence individuelle52 ».

Il convient de noter que cette « vision totale du monde » n’est jamais clairement définie et que, comme l’ont souligné d’autres auteurs, son explication « reste ambiguë dans la thèse53 ». Candace Lang (1988) par exemple la comprend comme une stratégie pour surmonter l’incertitude ontologique en faisant appel à un système métaphysique qui, dans le cas de Kierkegaard, est basé sur le christianisme54. Néanmoins, ce que nous pouvons clairement retenir de la discussion menée par Kierkegaard à la toute dernière section de son œuvre, c’est que l’ironie contrôlée n’est donc pas un principe existentiel mais bien une méthode épistémologique. Elle permet une meilleure compréhension du monde et en donne une vision plus large, bien que plus suspecte, sans la défier ni la construire. Kierkegaard appelle ce concept la « vérité de l’ironie55 » qu’il suggère comme une alternative éthique à l’ironie romantique.

Conclusion

En résumé, faisons un bilan des arguments contre l’ironie romantique et ses partisans tels que présentés par Kierkegaard dans Le concept d’ironie. Dans une discussion approfondie de Lucinde, un roman qui était perçu à l’époque comme un engagement intellectuel en faveur d’une vision ironique du monde, « l’évangile de la jeune Allemagne56 », Kierkegaard reproche à Schlegel le nihilisme et le relativisme esthétisés, de même que la désintégration de soi et la suspension de l’actualité qui l’ont ultimement conduit à réfuter la moralité et l’éthique. Kierkegaard passe ensuite à la critique des drames satiriques et de la poésie ironique de Tieck qui, en dépit de son talent d’écrivain, est tombé dans le piège d’une constante autoréflexion « éloignant naturellement [ses œuvres] de tout contenu57 » et ce, jusqu’à la dissolution totale du sens. La dernière étude de cas de Kierkegaard sur l’ironie romantique invoquait Solger, critiqué quant à lui du point de vue de la dialectique hégélienne pour ne pas avoir pu (ou ne pas avoir voulu) surmonter la négativité totale et infinie de la subjectivité ironique et trouver une résolution dans un principe positif ou la « vérité de l’ironie ».

Après avoir décortiqué les arguments de Kierkegaard contre l’ironie romantique, la raison pour laquelle Le concept d’ironie, œuvre produite dès la première partie du XIXe siècle, attire autant l’attention des critiques contemporains de l’ironie postmoderne tels que David Foster Wallace, devient de plus en plus claire.

Pour l’élucider davantage, nous nous sommes référés à Linda Hutcheon (1991), selon qui l’ironie postmoderne « remet en question la notion de soi ou le sujet cohérent et autonome », fait preuve de « réticence à prendre des décisions sur le sens qui impliquerait une singularité ou une fixité », outre qu’elle « nie toute forme de dialectique et refuse toute forme de résolution afin de conserver le dédoublement qui est au cœur même de son identité58 ».

Manifestement donc, les défauts principaux de l’ironie romantique (désintégration du soi, dissolution du sens, suspension de l’actualité, négativité résultant d’un refus de résolution dialectique) que Kierkegaard mis en évidence dans son travail, sont analogues aux caractéristiques de l’ironie postmoderne telles que définies par Hutcheon. Ces parallèles observés nous donnent à voir comment la critique du romantisme allemand de Kierkegaard participe à une discussion anachronique avec « le mode de conscience central du postmodernisme59 », c’est-à-dire l’ironie postmoderne.

Par cet article, nous avons cherché à effectuer un examen détaillé de la thèse de maîtrise de Kierkegaard Le concept d’ironie tout en mettant en évidence les similitudes essentielles entre les dimensions de l’ironie romantique critiquées par Kierkegaard et les qualités principales de l’ironie postmoderne. Ce faisant, nous avons élaboré une relecture possible de cette œuvre séminale du philosophe danois suivant laquelle cette dernière pourrait être considérée comme une critique de l’ironie postmoderne. Finalement, le présent article a proposé une réinterprétation qui pourrait alimenter la discussion sur la notion d’ironie dans la culture contemporaine.

Notes de bas de page numériques

1 “I believe that most of the problems of what might be called ‘the tyranny of irony’ in today’s West can be explained almost perfectly in terms of Kierkegaard’s distinction between the aesthetic and the ethical life.” David Foster Wallace cité dans Allard Den Dulk, “Beyond Endless ‘Aesthetic’ Irony”, Studies in the Novel, vol. 44, no. 3, 2012, p. 325. Traduction de l’auteur.

2 “A powerful current in contemporary cultural criticism sees postmodernism as trivial and trivializing, and claims that its ironies are the main causes of this negative evaluation.” Linda Hutcheon, “A Lightness of Thoughtfulness : The Power of Postmodern Irony”, Splitting Images : Contemporary Canadian Ironies, Toronto, Oxford University Press, 1991, p. 137.

3 “A new cadre of Kierkegaard scholars together with some older, well established ones recently influenced by Derrida and others in the French postmodernist camp have begun to subject his writings to deconstructive analysis.” Sylvia Walsh, “Kierkegaard and Postmodernism”, International Journal for Philosophy of Religion, vol. 29, no. 2, 1991, p. 114.

4 “When Kierkegaard becomes something of a postmodern hero in the 1990s, we find various approaches to his texts in literary studies, religious studies, and philosophy.” Marius Timmann Mjaaland, “Postmodernism and Deconstruction Paradox, Sacrifice, and the Future of Writing”, in A Companion to Kierkegaard, ed. Jon Stewart, Blackwell Publishing Ltd., 2015, p. 105.

5 “The post-Nabokovian black humorists, the metafictionists and assorted franco- and latino- philes only later comprised by "postmodern." David Foster Wallace, “E Unibus Pluram : Television and U.S. Fiction”, Review of Contemporary Fiction - Younger Authors Issue, Illinois, vol. 13 :2, 1993, p. 151.

6 Il convient de noter qu’en 1841, la thèse de maîtrise en philosophie correspondait à la thèse de doctorat des autres facultés de l’Université de Copenhague. À partir de 1854, à la suite des changements administratifs, les détenteurs du diplôme de Magister avec thèse en philosophie ont été déclarés Docteurs en Philosophie (PhD). Søren Kierkegaard, Kierkegaard’s Writings, II, Volume 2 : The Concept of Irony, with Continual Reference to Socrates/Notes of Schelling’s Berlin Lectures, ed. Howard V. Hong and Edna H. Hong, Princeton University Press, 1989, p. xii.

7 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, Oeuvres complètes [de] Sören Kierkegaard, v.2. Paul-Henri Tisseau et Else-Marie Jacquet-Tisseau trad., ed. Jean Brun, Paris, Éditions de l’Orante, 1966-1986, p. 291.

8 “Postmodernism’s embracing of Kierkegaard has many aspects and seems to be connected with a striking similarity in the spirit of the age from the preceding century’s fin-de-siècle culture.” Steen Tullberg, “The Permanent Reception - 150 Years of reading Kierkegaard”, in Kierkegaard’s International Reception, Tome I : Northern and Western Europe, ed. Jon Stewart, Farnham, Ashgate, 2009, p. 79.

9 “In this situation it is not so surprising that a thinker such as Søren Kierkegaard, the philosopher of the individual and irony par excellence, is studied more than ever.” Steen Beck cité dans Steen Tullberg. “The Permanent Reception - 150 Years of reading Kierkegaard”, in Kierkegaard’s International Reception, Tome I : Northern and Western Europe, ed. Jon Stewart, Farnham, Ashgate, 2009, p. 79.

10 « On n’écoutera donc pas la source elle-même pour savoir ce qu’elle est ou ce qu’elle veut dire : plutôt les tours, allégories, figures, métaphores, comme on voudra, dans lesquels on l’a détournée, pour la perdre ou pour la retrouver, ce qui reviendra toujours au même. » Jacques Derrida, Marges de la philosophie, Paris, 1972, p. 334.

11 “Rhetoric radically suspends logic and opens up vertiginous possibilities of referential aberration.” Paul de Man, “Semiology and Rhetoric”, Diacritics, vol. 3, no. 3, 1973, p. 30.

12 “Moreover, Kierkegaard’s interest in the concept of irony finds resonance in a number of poststructuralist theorists.” Jon Stewart, “Kierkegaard as a Forerunner of Existentialism and Poststructuralism”, in Kierkegaard’s International Reception, Tome I : Northern and Western Europe, ed. Jon Stewart, Farnham, Ashgate, 2009, p. 450.

13 “The title of this lecture is ‘The Concept of Irony,’ which is a title taken from Kierkegaard, who wrote the best book on irony that’s available, called ‘The Concept of Irony.’” Paul de Man and Andrzej Warminksi, Aesthetic Ideology, ed. et introduction Andrzej Warminski, Minneapolis and London, University of Minnesota Press, 1996, p. 163.

14 “Kierkegaard will submit the evaluation of a certain ironic moment in history to its place in history. […] So irony is secondary to a historical system.” Paul de Man and Andrzej Warminksi, Aesthetic Ideology, ed. et introduction Andrzej Warminski, Minneapolis and London, University of Minnesota Press, 1996, p. 183.

15 Agacinski a suivi les séminaires de Jacques Derrida à l’École Normale Supérieure avant de publier son premier livre Aparté : conceptions et morts de Sören Kierkegaard, qui a paru en 1977 dans la collection "La philosophie en effet" dirigée par Derrida. Mauro Senatore, "Jacques Derrida : A biographical note", in Jacques Derrida : Key Concepts, ed. Claire Colebrook, New York, Routledge, 2015, p. 4.

16 Sylviane Agacinski, Aparté : conceptions et morts de Sören Kierkegaard, Paris, Aubier, 1977, p. 54.

17 Sylviane Agacinski, Aparté Conceptions and Deaths of Søren Kierkegaard, Kevin Newmark trans. et introduction, Tallahassee, Florida State University Press, 1988, p. 20.

18 “I have made my focus their portrayal [i.e. Sterne, Kierkegaard, and Barthes] of the ironist as eroticist.” John Vignaux Smyth, A question of eros : irony in Sterne, Kierkegaard, and Barthes, Tallahassee, Florida State University Press, 1986, p. 6.

19 Voir par exemple Hughes 2010, Law 2010, Lübcke 1990, Hale 2002, Bigelow 1987 dans la bibliographie récapitulative.

20 “[…] Kierkegaard as a kind of deconstructionist (or even postmodern) author avant la lettre". J.D. Mininger, "Paul de Man : The Unwritten Chapter", in Kierkegaard’s Influence on Philosophy. Tome III : Anglophone Philosophy, Jon Steward ed. Farnham and Burlington, Ashgate Publishing Company, 2012, p. 31.

21 Voir par exemple Lacoue-Labarthe and Nancy 1978, Elam 1992, Frank 1993, Roberts 1999, Bone 1999 dans la bibliographie récapitulative.

22 “From his standpoint, which is not the standpoint of irony but of striving in humility, love, faith, and hope to realize that which is existentially true and upbuilding in life, postmodernism would appear, I suspect, as another form or perhaps the culmination of romanticism […].” Sylvia Walsh, “Kierkegaard and Postmodernism”, in International Journal for Philosophy of Religion, vol. 29, no. 2, 1991, pp. 121.

23 Voir par exemple Beiser 2003 et Hutcheon 1991 dans la bibliographie récapitulative.

24 "Absolute infinite negativity" Georg Wilhelm Friedrich Hegel. Hegel’s Aesthetics. Lectures on Fine Art, New York, Oxford University Press, 1975, p. 93.

25 Sören Kierkegaard, Le Concept d’Ironie. Œuvres complètes [de] Sören Kierkegaard, v.2. Paul-Henri Tisseau et Else-Marie Jacquet-Tisseau (trad.), Jean Brun (dir.), Paris, Éditions de l’Orante, 1966-1986, p. 237.

26 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 218.

27 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 193-194.

28 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 259.

29 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 261.

30 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 268.

31 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 263.

32 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 263.

33 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 265.

34 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 265.

35 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 262.

36 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 278.

37 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 246.

38 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 279.

39 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 4.

40 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 280.

41 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 287.

42 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 291.

43 “A global sense that everything in the text is ironical can, ironically enough, make it impossible for us to recognize whatever ironical elements are present.” Stephen C. Evans, Kierkegaard. On Faith and the Self. Collected Essays, Waco, Baylor University Press, 2006, p. 35.

44 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 291.

45 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 292.

46 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 253-269.

47 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 253.

48 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 294.

49 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 294.

50 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 287.

51 “Mastered irony does not repudiate (negate) the given actuality, but tells me that I could. This momentary realization that I could repudiate the given actuality has the ironic effect of deepening my positive embrace of it. For to know that I could say ‘no’ to actuality, deepens my capacity to say ‘yes’ to it.” Ronald L. Hall, "The Irony of Irony", in International Kierkegaard Commentary. The Concept of Irony. ed. Robert L. Perkins, Macom, Mercer University Press, 2001, p. 343.

52 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 292.

53 Fred Rush, Irony and Idealism: Rereading Schlegel, Hegel, and Kierkegaard, Oxford University Press, 2016, p. 245.

54 Candace Lang, Irony-Humor: Critical Paradigms, Johns Hopkins University Press, 1988, p. 30.

55 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 291.

56 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 259.

57 Sören Kierkegaard, Le concept d’ironie, p. 246.

58 “Postmodern irony implies an unwillingness to make decisions about meaning that would imply singularity or fixity; Postmodern ironic reflexivity challenges the coherent, autonomous self or subject; Postmodern irony denies the form of dialectic and refuses resolution of any kind in order to retain the doubleness that is its identity.” Linda Hutcheon, "A Lightness of Thoughtfulness : The Power of Postmodern Irony", in Splitting Images : Contemporary Canadian Ironies. Toronto, Oxford University Press, 1991, pp. 137-139.

59 “Irony is the central mode of consciousness of postmodernism.” Loredana Di Martino “Postmodern Irony”, in Encyclopedia of Humor Studies, ed. Salvatore Attardo, Texas, A&M University, 2014, p. 589.

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Pour citer cet article

Alexandre Zaezjev, « La critique de l’ironie romantique chez Søren Kierkegaard dans le contexte postmoderne », paru dans Loxias, 70., mis en ligne le 14 septembre 2020, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=9545.

Auteurs

Alexandre Zaezjev

Alexandre Zaezjev est inscrit au programme de doctorat ès lettres à l’Université de Genève.