réappropriation dans Loxias


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Loxias | 64. | I.

« en remontant le fleuve vers cette éternité » : présence de Paul Celan dans le discours poétique des chansons de H.F. Thiéfaine

Les vers « ein Weisensteinchen, flussaufwärts, die Zeichen zuschanden gedeutet » que place H.F. Thiéfaine en exergue de « en remontant le fleuve » sont l’indice du dialogue qui s’établit dans le corpus des chansons avec les poèmes de Celan que Thiéfaine aborde dans l’original, comme il le fait de façon générale avec la littérature de langue allemande. La recréation des vers de Celan qui s’opère au plan implicite du discours multivoque dépasse le simple renvoi plus ou moins littéral pour devenir le vecteur d’un infléchissement symbolique de la dynamique discursive, qui incorpore désormais tant l’énoncé celanien que son contexte original au halo associatif aux multiples composantes qui vient nimber l’écriture thiéfainienne. Qu’il sous-tende la quasi-totalité du discours d’une chanson – comme c’est le cas pour « en remontant le fleuve » ou pour l’écho à la Todesfuge apporté par « les ombres du soir » –, ou qu’il résonne plus ponctuellement au détour de telle ou telle formulation énigmatique, l’écho récurrent que trouve la création de Celan dans celle de Thiéfaine vient substituer à la constatation « niemand zeugt für den Zeugen » l’évidence indéniable quoique sous-jacente d’un témoignage qui se propose de redonner voix et corps tant à l’œuvre qu’à la personne de Celan en tant que prototype du « martyr » au sens étymologique du terme, les autres témoins – comme Anna Akhmatova ou Ossip Mandelstam – convoqués dans le discours des chansons se rattachant d’ailleurs eux-mêmes à la constellation existentielle et historique qui a été celle de Celan.

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