Loxias | 65. Jean Rolin : une démarche littéraire ambulatoire | I. Jean Rolin : une démarche littéraire ambulatoire
Guillaume Thouroude :
« La question délicate des relations avec l’islam »
L’orientalisme de Jean Rolin
Résumé
Ayant parcouru et exploré le monde musulman dans son ensemble, Jean Rolin a développé un discours sur l’islam qui peut être identifié à la lecture des recherches sur l’orientalisme classique. Parmi les récits et les reportages qui couvrent la terre d’islam, Chrétiens (2003) tient une place très particulière car c’est un récit qui se déroule sur le territoire le plus tendu de la planète concernant les trois monothéismes : Israël et les territoires occupés. Quelle image donne-t-il des musulmans ? Est-ce d’une cohabitation pacifique avec les chrétiens arabes de Palestine, comme le veut la propagande officielle, ou comme une force hostile ? Chemin faisant, il apparaît que les musulmans incarnent une figure de l’altérité, à l’époque même où se préparait l’invasion en Irak des forces américaines.
Index
Mots-clés : altérité , chrétiens, Islam, Israël, juifs, musulmans, orientalisme, Palestine
Plan
- De l’orientalisme et du genre voyage
- Des chrétiens, des juifs et des musulmans en Terre-sainte
- L’enquête au centre du dispositif narratif
- Figures de l’islamophobie ?
- Troubles dans le genre
- Des juifs en Palestine
- Les Bédouins et l’Arabie
Texte intégral
Je me demande ce qu’Edward Saïd aurait pensé de ces gravures, et si même il ne parle pas de Jean-Léon Gérôme, nécessairement en mal, dans son ouvrage célèbre que je n’ai pas lu1.
1Parmi les écrivains voyageurs actuels, Jean Rolin a beaucoup exploré le monde musulman et en a rendu compte dans de nombreux reportages publiés dans la presse, ainsi que dans ses livres. En particulier, trois de ses récits se déroulent sur un territoire directement lié à l’orientalisme historique : Chrétiens (2003) se passe en Palestine, Ormuz (2013) autour du détroit éponyme qui sépare la péninsule arabique de l’Iran, et Crac (2019) dans un Proche-Orient en guerre sur les traces de T. E. Lawrence visitant les châteaux francs de Syrie2. Ces deux territoires (Proche-Orient et Arabie) inégalement tendus militairement et stratégiques économiquement ont été abondamment décrits par des auteurs britanniques, francophones et germanophones des XVIIIe, XIXe et XXe siècles, et forment un terreau littéraire considérable que l’on nomme « orientalisme ». Un écrivain de l’envergure de Jean Rolin ne cherche pas nécessairement à se mesurer à ses devanciers, mais une étude sur ses récits de voyage ne peut faire l’économie d’une lecture diachronique et dotée de profondeur historique, surtout s’il s’agit de se pencher sur l’image des arabes musulmans dans cette littérature viatique. Quelle image donne-t-il de la terre-sainte ? Quelle impression retire-t-on à la lecture de la situation politique en Israël ? Le reportage en terre-sainte semble incarner les tendances actuelles de l’orientalisme et fait écho, peut-être ironiquement, à l’idéologie néo-conservatrice qui mena la même année que la parution de Chrétiens, en 2003, à l’invasion de l’Irak par une coalition occidentale.
2Les trois récits mentionnés ne répondent pourtant pas aux mêmes attentes et ne remplissent pas les mêmes objectifs génériques et narratifs. Tandis que Chrétiens semble rejouer de manière postmoderne des attitudes orientalistes classiques, Ormuz consiste au contraire en une fiction qui incarne un tournant esthétique propice à l’élaboration d’une écriture post-orientaliste, en ceci qu’elle se refuse à caractériser des communautés, ni à tenir le moindre discours sur les Arabes et les Iraniens. Inversement, Crac s’inscrit dans un sous-genre reconnu de l’orientalisme : le voyage sur les pas d’un grand ancêtre. Ce seul article se limitera à analyser l’image de l’islam et des musulmans dans Chrétiens, du fait de la complexité et la profondeur de ce texte et de ses problématiques : les Arabes musulmans y figurent tour à tour comme l’autre des chrétiens, l’autre des juifs, et même – dans l’examen final de la communauté bédouine qui surgit par moments dans le récit de Rolin – l’autre des musulmans eux-mêmes. Une altérité si radicale qu’elle nécessite d’être examinée pour elle-même, dans une tentative d’interprétation littéraire.
De l’orientalisme et du genre voyage
3À l’instant d’aborder le rapport qu’entretient un écrivain d’aujourd’hui avec la notion complexe d’Orient, il convient de clarifier le sens que l’on prête au terme d’orientalisme, d’autant plus que cette notion a envahi une grande partie de la critique littéraire. Il est intéressant de noter la différence des connotations que prend l’idée d’orientalisme en fonction de la tradition universitaire dans laquelle on se place. D’un côté, elle renvoie à un mouvement artistique qui insiste sur le pittoresque de paysages orientaux, d’un autre la seule mention du terme est devenue suspecte si elle n’est pas immédiatement assortie d’une condamnation sans ambigüité du projet colonial. L’orientalisme est en effet devenu dans les cultural studies un synonyme de racisme, d’impérialisme et d’essentialisme, au point de voir ignorée ou occultée sa dimension scientifique et linguistique d’origine3. Notre définition s’appuiera en partie sur une des thèses fondamentales d’Orientalism d’Edward Saïd, qui consiste moins à accuser les voyageurs européens de racisme qu’à déconstruire leurs écrits pour y relever un inconscient hiérarchique et essentialiste4. La recherche d’exotisme des écrivains voyageurs tendait, par le protocole d’écriture même, à créer une figure de l’« oriental » stéréotypée et structurellement autre par rapport à l’image – positive ou négative – qu’ils se faisaient d’eux-mêmes. La pensée de Saïd a ouvert la voie à de nombreuses productions analytiques parfois délétères et simplificatrices, mais grâce à des travaux récents plus nuancés, qui ont permis d’affiner et d’enrichir l’exploration intellectuelle des relations entre l’Europe et le monde arabe5, il est désormais possible de qualifier un texte de « néo-orientaliste » lorsqu’à sa lecture se déploie un certain discours sur les territoires visités, un certain surplomb paternaliste. Nous garderons des analyses de Saïd ce prisme de lecture qui permet de déceler dans un texte des jugements de valeur non-dits et des processus d’essentialisation dissimulés. Les voyages en Terre-sainte sont à cet égard une mine inépuisable d’attitudes néo-orientalistes à décrypter.
Des chrétiens, des juifs et des musulmans en Terre-sainte
4Dès qu’on prononce les noms d’Israël et/ou de Palestine, surgissent spontanément des opinions, des images, des souvenirs, des préjugés et des mots désignant les acteurs d’un conflit : les Arabes et les Israéliens. Plus intensément, ce qui vient à l’esprit sont des couples de termes opposés, comme dans tous les lieux de tension. Tout espace de guerre tend à réduire la complexité humaine en une opposition entre deux camps, et la terre-sainte n’échappe pas à cette règle : on pense immédiatement aux couples oppositifs juifs/musulmans, Israéliens/Palestiniens, occupants/occupés. Chacun de ces camps cherche à imposer sa narration, si bien que les « pro-israéliens » parlent d’une situation de conflit où un État légitime cherche à se défendre contre le terrorisme, tandis que les « pro-palestiniens » voient l’occupation coloniale d’une population occidentale et l’oppression d’un peuple. Jean Rolin aborde ce territoire sous l’angle le plus inconfortable qui se puisse imaginer car il veut ne prendre parti ni pour les uns ni pour les autres. Sans dénoncer ouvertement la politique d’Israël, sa description de l’étouffement de Bethléem par l’« expansion indéfinie du Très Grand Jérusalem, à travers la construction de colonies » (C., 71) ne laisse guère de doute sur la conscience qui est la sienne d’une politique impitoyable à l’œuvre dans les territoires occupés. Parallèlement, il ironise volontiers sur le « caractère factice et grandiloquent » (C., 69) des histoires héroïques que les Palestiniens lui racontent. La méthode pour laquelle il opte, afin de dégager un espace symbolique où il puisse faire entendre une voix alternative aux propagandes en présence, une respiration entre les deux narrations closes sur elles-mêmes, est celle de choisir une tierce communauté à observer. Plutôt que de raconter la Palestine du point de vue des opprimés, ou Israël du point de vue des colons, Jean Rolin se propose d’aller à la rencontre des chrétiens de Palestine sans savoir avec précision ce qu’il est raisonnable d’attendre d’une telle enquête.
L’enquête au centre du dispositif narratif
5Formellement, on peut avancer que l’écrivain envisage d’aborder un territoire surinvesti et débordant de signes pour tâcher de l’observer sous un angle nouveau, inattendu et par là même rafraîchissant ou stimulant. Et cette position se trouve forcément inconfortable pour le lecteur comme pour l’auteur. Du point de vue du contenu, en revanche, un tel projet est nécessairement incertain, voire un peu hasardeux. Comme dans les autres récits de Jean Rolin, le narrateur expose son embarras, ainsi que le sentiment de vanité qui l’habite. Dans Chrétiens, en effet, c’est d’abord le projet de l’auteur lui-même qui est mis en scène, avant le narrateur et avant les personnages du reportage. Tantôt le fait d’enquêter sur les chrétiens de Palestine, tantôt la simple présence physique de l’auteur qui ne peut se prévaloir d’aucune mission officielle (ni journaliste, ni humanitaire, ni politique), émerge comme « insignifiant » et « déplacé », pour reprendre les termes de la quatrième de couverture. Cela renvoie à un invariant des récits de Rolin, qui caractérise souvent ses projets littéraires comme des idées imprécises et loufoques tout en étant trop ambitieuses pour être vraiment réalisables. C’est ainsi que dans Zones, il se demande ce qu’il pourrait écrire sur la banlieue de Paris sans que cela devienne de la « sociologie de comptoir6 », et que dans La Clôture, il désigne son projet comme « vaste et confus7 ».
6Outre que l’autodérision est une figure classique de la captatio benevolantiae, l’écrivain lui-même se peint comme un reporter hésitant, menant une enquête que personne ne lui a commandée, « sans mandat », ce qui met en crise la fonction journalistique du reporter. Le projet qui est le sien revient dans le texte comme un personnage conceptuel, ou un motif narratif : « Gaza est un si gros morceau qu’il peut paraître inconvenant de s’y attaquer avec la description d’un petit os. Mais mon entreprise n’est-elle pas, dans son ensemble, inconvenante et hors d’échelle ? » (C., 180). À chaque évocation du projet littéraire, on retrouve l’idée que le narrateur n’est pas à sa place (ce qui peut convenir d’ailleurs à un voyageur) et qu’il poursuit une quête disproportionnée au point d’être incompréhensible. Chrétiens se conclut par une introspection du narrateur qui consiste à questionner le bien-fondé de son entreprise : « je passai une partie de la nuit à me demander si je n’avais pas fait fausse route depuis le début : si je ne m’étais pas mêlé indûment de quelque chose qui, au fond, ne me regardait pas. » (C., 195).
7Les premiers personnages du récit apparaissent en exprimant un doute quasiment hostile à l’égard du narrateur : « En chemin, nous devisions, le jésuite et moi, et je remarquai sans surprise que mon projet d’écrire quelque chose sur les chrétiens de Palestine éveillait chez lui beaucoup plus de méfiance que de sympathie » (C., 18). De la part d’un jésuite, on pouvait attendre davantage de chaleur à la perspective d’un écrit qui donnerait la parole à la communauté chrétienne, mais c’est plutôt une forme de soupçon qui prédomine chez le religieux. Une même attitude dichotomique se retrouve chez une enseignante de l’université de Bethleem, qui désapprouve à la fois le silence qui est fait autour de sa communauté et l’entreprise de Rolin qui consiste précisément à en parler, « estimant quant à elle qu’il n’y avait rien à dire de particulier sur les chrétiens de Palestine […] et en même temps, contradictoirement, se plaignant de ce que le monde entier les ignore. » (C., 64).
8Quelque chose, dans le projet de Rolin, touche un point sensible qu’il convient de décrypter au fil de la lecture. Il existe une zone particulièrement vulnérable qui semble tendre les nerfs des protagonistes quand on s’y approche, comme en atteste la réaction du père Maroun lorsque le narrateur avait « abordé, avec beaucoup de précautions, cette question si délicate des relations avec l’islam » (C., 19). Ce n’est pas donc pas le fait d’observer qui pose problème, ni celui d’écrire sur les chrétiens en tant que tels, mais d’abord l’idée d’isoler une communauté au sein de la nation palestinienne, et ensuite – mais les deux questions sont solidaires – la problématique précise des relations qu’entretiennent les chrétiens et les musulmans en Terre-sainte.
9Peu à peu émerge un discours dominant, sinon officiel, politiquement correct et probablement crucial dans la capacité des communautés à vivre encore ensemble en Palestine : selon ce mythe (ou ce « roman national »), la Palestine est un pays multiconfessionnel où les trois monothéismes sont appelés à cohabiter harmonieusement, n’était l’État d’Israël qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour briser cette belle entente, par l’entremise et la consolidation des colonies juives uni-confessionnelles soutenues par l’idéologie dite sioniste. De ce fait, la propagande consacrée par les autorités palestiniennes consiste à rappeler constamment « l’entente indéfectible entre musulmans et chrétiens » (C., 54). La ligne à suivre (comme on le dit de la ligne d’un journal, ou de la ligne d’un parti) est parfaitement incarnée par un jésuite qui demande brusquement au narrateur de renoncer à son enquête en lui en faisant ressortir sa vanité (C., 23) : selon le jésuite, il ne faut pas distinguer les Palestiniens en fonction de leur religion, il convient au contraire d’appréhender la Palestine comme une nation une et indivisible, multiconfessionnelle certes mais unie dans la résistance à l’armée, si ce n’est tout simplement à l’occupation israélienne.
10C’est dans ce contexte que le projet littéraire de Jean Rolin est problématique, donc intéressant. Enquêter et s’inquiéter du sort des chrétiens revient à briser leur union supposée avec les musulmans et affaiblir le discours de résistance au sionisme. La position de Rolin sur ce qu’il est de coutume d’appeler le « conflit israélo-palestinien » n’est pas explicitée, mais il est clair que l’écrivain ne tient pas à souscrire à cette ligne officielle palestinienne. Au contraire, il considère l’alliance entre Palestiniens de confessions différentes comme une entente de façade. Ce qui ressort de la lecture de Chrétiens, c’est que si les musulmans sont opprimés par Israël, les chrétiens de Palestine le sont à leur tour par les musulmans. C’est d’ailleurs ce que déclare un architecte de Jérusalem en passe d’abandonner sa terre et d’opter pour l’expatriation aux États-Unis : « Israël a privé les Palestiniens de leurs droits politiques et de leur liberté de mouvement ; désormais, l’islam prive les chrétiens de leur liberté de vivre comme ils l’entendent. » (C., 174).
Figures de l’islamophobie ?
11Outre l’embarras que nourrit l’ambiguïté inévitable d’une telle enquête, ce qui frappe est l’usage que fait Rolin du terme islam là où l’on verrait plus volontiers celui de musulmans, si possible accompagné d’un quantificateur pour ne pas associer telle ou telle action à l’ensemble de la communauté, ni encore moins au dogme religieux. La citation qui vient d’être mentionnée commet une sorte de court-circuit sémantique dans la bouche d’un architecte : « l’islam prive les chrétiens de leurs droits […] ». Or, ce n’est pas l’islam en tant que foi qui se rend coupable d’une telle privation de liberté, mais l’attitude belliqueuse de groupes d’activistes radicalisés. En plusieurs occurrences Rolin intervertit ces deux termes d’Islam et de musulmans, par exemple lorsqu’il relate son entrevue avec le père Maroun avec qui il aborde « la question si délicate des relations avec l’islam » (C., 19). S’il s’agissait du dialogue avec la foi d’Averroès et de Ghazzali, il n’y aurait rien de « délicat » à en débattre, donc il doit s’agir des relations qu’entretiennent les chrétiens de Palestine avec la majorité musulmane de ce même territoire. L’usage lexical de Rolin laisse à penser que ce ne sont pas les hommes, imparfaits et vulnérables par nature, qui font le mal, mais l’islam lui-même en tant que religion. Le contraste lexical est saisissant quand on compare la place que tiennent, dans le récit de Rolin, les chrétiens, les juifs et les musulmans (et leur manière d’être nommés), puisque les chrétiens ne sont jamais évoqués sous le vocable de christianisme ou de chrétienté. Les Israéliens non plus ne sont pas réduits à leur statut de juifs, et lorsqu’un acte de guerre est commis, il est mentionné qu’un garage est « détruit par un raid de l’aviation israélienne » (C., 67), et non (heureusement) que « le judaïsme a détruit un garage ». En résumé, ni les juifs ni les chrétiens ne sont amalgamés à leur obédience religieuse alors que les musulmans tendent à l’être et cela peut situer l’écriture de Jean Rolin dans la tradition orientaliste traditionnelle, telle que décrite par Edward Saïd, c’est-à-dire relevant d’une entreprise d’essentialisation de l’autre en le fixant dans une réalité présumée8, et tout au moins et dans ce que François Hartog appelle une « rhétorique de l’altérité9 ».
12Les notations dépréciatives des musulmans abondent dans Chrétiens, au point que cela peut s’apparenter à une satire des récits de voyage orientalistes. On y voit des hommes qui maltraitent leur épouse innocente (« Au hasard, il engueule sa femme » [C., 59]) de manière à faire passer cette maltraitance comme une coutume acceptée et même encouragée dans les pays musulmans. Toute femme qui marche « tête nue » et « vêtue à l’occidental » est considérée comme faisant preuve d’une « liberté d’allure » (C., 57), ce qui revient à associer par nature liberté et Occident. Les bandes de gamins arabes lancent invariablement des pierres au narrateur et le harcèlent à chaque fois qu’il sort se promener près de l’église de la Nativité. Les récitations du Coran y sont perçues comme des psalmodies harassantes, rendues tantôt d’une « voix tonitruante » voire « miaulante de suavité » (C., 37) et tantôt « monocordes » (C., 176), mais jamais comme une manifestation sonore qui pourrait charmer l’oreille du voyageur. Ces récitations ressortissent pourtant à un art musical à part entière dans le monde arabo-musulman, qui ne laisse pas d’être comparable à certaines formes de chants religieux médiévaux européens, si bien qu’en rendre compte comme d’une nuisance revient à traiter les chants grégoriens d’éructations sans grâce. Les appels à la prière du lever du soleil, enfin, sont perçus comme un pur désagrément. Dans un réflexe qui n’est pas sans faire songer au personnage obtus d’OSS 117, le narrateur juge que les muezzins de la ville usent d’une « tactique en vigueur dans tout le monde musulman » (C., 36) visant à ôter « tout espoir de se rendormir par la suite ». On pense au personnage parodique incarné par Jean Dujardin qui va corriger le muezzin pour le punir de l’avoir réveillé à l’aube10. Il est du reste évident que ces notations, disséminées dans le corps du texte, renvoient à un effet de parodie politiquement incorrecte, d’un burlesque ordinaire dans le genre voyage. Mais elles préparent le lecteur à une série d’actions beaucoup plus lourdes de conséquence.
Troubles dans le genre
13La plus prégnante des images négatives concernant les musulmans est celle qui montre les combattants palestiniens investir les lieux chrétiens pour attaquer les Israéliens, sachant que les ripostes israéliennes causeront inéluctablement la destruction des habitats chrétiens qui furent élus comme position de tir. Cela est symptomatique d’une attitude générale d’égoïsme (de la part des musulmans) qui consiste à provoquer les figures d’autorité sans assumer leurs propres actes. Dès le début du récit, des jeunes gens lancent des projectiles sur des véhicules israéliens et s’enfuient, « laissant à d’autres qu’eux le soin de payer les pots cassés » (C., 11). Cette petite scène n’est que la pâle copie de l’action centrale de Chrétiens, mainte fois répétée et évoquée :
Au passage, il convient de noter que les maisons visées par ces tirs de représailles étaient en général habitées par des chrétiens, que les combattants, eux, ne l’étaient pas du moins pour la plupart, et qu’ils avaient omis de consulter les riverains avant d’exposer leurs demeures à une destruction à peu près inéluctable. (C., 14).
14Aucun chiffre ni aucune statistique ne vient corroborer cette information qui laisse penser que la plupart des maisons détruites par les représailles israéliennes sont habitées par des chrétiens. Un observateur lambda pourrait avoir tendance à penser qu’il y a bien plus de destructions d’immeubles et de maisons parmi ceux où habitent les musulmans, mais en l’absence de toute enquête chiffrée, l’impression qui demeure à la lecture de Chrétiens est celle que les chrétiens sont les souffre-douleur des musulmans et que ces derniers se protègent derrière la communauté chrétienne comme d’un bouclier humain.
15Cette image d’un islam activement égoïste est renforcée dans la pratique singulière de l’art descriptif, genre littéraire propre à la relation de voyage et que Jean Rolin affectionne particulièrement dans tous ses récits. Il n’hésite pas, en effet, à se positionner en surplomb pour décrire minutieusement un paysage. Dans ce cas, il précise toujours où il se trouve, quelle position du corps il adopte, et ce qui bloque la vue ou au contraire la favorise. À Bethleem, il donne à voir le panorama qui se déploie depuis le toit-terrasse du couvent des sœurs franciscaines de Marie, « à deux pas de l’église de la Nativité » (C, 24), et le choix de ce lieu d’observation n’est évidemment pas laissé au hasard. Le toit-terrasse du couvent n’est pas seulement un bâtiment chrétien, c’est sans doute celui qui se trouve le plus près de la Nativité elle-même, c’est-à-dire un des cœurs battants de la foi chrétienne en Orient. L’écrivain doit à ce territoire une description détaillée, scrupuleuse et, sinon objective, du moins tendant vers l’exhaustivité. Or, une lecture attentive de ces quelques pages descriptives dévoile la portée politique et idéologique de la peinture de panorama. Sur un territoire tel que la Palestine, parcouru de telles tensions communautaires, il est inévitable que la moindre notation puisse être chargée d’un sens politique. Par souci d’honnêteté et de neutralité (mais les critiques des études postcoloniales verraient déjà là une marque d’ethnocentrisme), le narrateur s’oriente « le plus souvent vers le nord » (C., 27) et balaie son regard d’ouest en est. Vers l’ouest se trouvent les églises (de la Nativité et sainte Catherine), « masse sombre au-dessus de laquelle se détache la silhouette du minaret de la mosquée d’Omar souligné par un liseré de néon vert » (C., 27). L’élément musulman est illuminé (quoique au néon) quand la chrétienté est réduite à une « masse » qui s’enfonce dans l’obscurité. Le sens politique de ce passage descriptif se déplie de lui-même : l’islam ne fait pas que dominer la religion chrétienne, mais il s’élève sur les vestiges de celle-ci l’écrasant sans merci.
16L’art de la description est aussi peu neutre politiquement que la peinture orientaliste l’est dans l’histoire de l’art. Ce qui est simplement vu comme un donné objectif réapparaît plus loin dans le texte quand le narrateur séjourne dans le village de Taibeh, près de Ramallah. Un ermitage et une église sont en chantier et selon toute vraisemblance le chantier de cette église est déserté, les travaux sont suspendus. Cet arrêt des travaux s’explique par le fait que le chantier ayant lieu sur un promontoire, « si l’église ou la tourelle voisine, sommée de croix et ceinte de haut-parleurs, étaient devenues opérationnelles […], elles auraient occupé à tous égards une position dominante par rapport non seulement au village mais à la mosquée de Deir Jrir » (C., 149). La question de la position dominante est naturellement autant architecturale que symbolique et n’est qu’une matérialisation de la thèse récurrente du livre de Rolin concernant la persécution des chrétiens en terre-sainte.
17L’islam est donc toujours peint comme autre, comme essentialisé et comme fondamentalement hostile, ce qui, du point de vue de l’histoire de l’orientalisme, constitue une forme de régression. En effet, Sarga Moussa montre bien que la théorie d’Edward Saïd doit être nuancée en lisant notamment les auteurs européens sans vouloir leur imposer une grille de lecture postcoloniale prédéterminée11. Depuis Lamartine, « l’islam n’apparaît plus […] comme une religion ennemie : qu’on souligne ses points communs ou ses différences avec le christianisme, il acquiert peu à peu une légitimité historique12. » Certains des auteurs de l’orientalisme classique ont su faire preuve d’une compréhension de l’islam qui entre en un douloureux contraste avec un auteur aussi élégant et scrupuleux que Jean Rolin : « Charmes insiste sur l’“esprit de tolérance” des musulmans à l’égard des coptes […]. Ce voyageur français évite le piège du discours stéréotypé sur le “fanatisme musulman”13. » Fanatisme musulman particulièrement oppressant dans la Palestine décrite par Jean Rolin, où il est même dangereux, voire impossible, de dîner entre amis le soir du réveillon (C., 118-125).
18Il semble se faire jour ici une espèce de réaction idéologique du strict point de vue de la représentation des musulmans. Comparé à l’histoire de la littérature, la perception de l’islam par les écrivains contemporains ne semble pas apporter de compréhension plus fine, ni plus complexe, que ce qu’écrivaient des orientalistes du XIXe siècle. Cela renvoie aussi à des projets politiques, basés notamment sur l’idéologie dite néo-conservatrice, qui prennent l’islam pour cause des problèmes mondiaux et proposent des solutions martiales simples14. Les diverses résurgences de préjugés binaires concernant l’islam se sont cristallisés notamment dans l’essai de Samuel Huntington sur le « choc des civilisations », notion utilisée d’abord par l’orientaliste conservateur Bernard Lewis, puis actualisée politiquement dans la présidence de George W. Bush. L’événement historique qui a le mieux incarné cette tendance intellectuelle est l’invasion de l’Irak par les armées américaine et britannique en 2003. Or, Jean Rolin conduisait son enquête en Palestine en 2002, pendant les préparatifs de cette guerre. Fatalement, il arrive au narrateur d’en parler avec des protagonistes et de rendre compte de ses conversations. C’est alors que l’idéologie contenue dans des passages parsemés se signale de manière plus explicite :
Ayant exprimé l’opinion que si les inspecteurs s’obstinaient à ne rien trouver, il deviendrait difficile, à la longue, de soutenir la voie des inspections comme une alternative à la solution préconisée par les Américains, je sens que le fils aîné, désormais, me considère avec méfiance15. (C., 70.)
19Le soutien de Jean Rolin à l’intervention militaire en Irak est un signe parmi d’autres d’adhésion idéologique, mais n’est pas l’unique signe du néo-orientalisme de Chrétiens.
Des juifs en Palestine
20Rolin va beaucoup plus loin sur la situation intercommunautaire quand il se permet une terminologie qui renvoie sans nuance à l’extermination des juifs d’Europe à propos des chrétiens de Palestine : « d’autres musulmans, apparemment plus nombreux, se disposaient à les progromiser. » (C., 146) Ce faisant, il donne aux islamistes le rôle des nazis, accréditant sans le dire les néologismes néo-conservateurs récents tels qu’« islamo-fascisme » ; mais alors, dans ces confrontations plus ou moins binaires qui animent les groupes humains, la question se pose de savoir quel est le rôle joué par les Israéliens. Ils se font extrêmement discrets dans Chrétiens. On n’en rencontre pas individuellement dans le récit, sous forme de personnages singuliers, mais c’est l’État comme entité presque abstraite dont on sent le souffle.
21La présence d’Israël est d’abord évoquée à travers ce qu’en disent les Palestiniens et ce détour est systématiquement ironique sous la plume de Jean Rolin. Quand il s’agit d’accuser quelqu’un pour quelque mal que ce soit, les chrétiens et les musulmans sont unanimes à incriminer l’État hébreu, quand ce n’est pas le sionisme ou les juifs. Tel chrétien se refuse à montrer de l’amertume contre qui que ce soit concernant la destruction d’habitations « sinon, bien entendu, contre les Israéliens dont la riposte disproportionnée avait réduit leurs maisons en cendre » (C, 20, nous soulignons). Rolin use abondamment des adverbes et locutions tels qu’« évidemment », « bien entendu » et « bien sûr » pour montrer qu’il s’agit là d’un discours stéréotypé et attendu, faisant partie intégrante de la propagande politiquement correcte citée plus haut : l’Amérique est « évidemment manipulée par le sionisme, comme d’ailleurs le monde entier » (C., 138). « Bien entendu, ce n’était que le siège du lieu saint qu’elle considérait comme un tel défi, et non l’intrusion qui l’avait précédé » (C., 64-65). La présence d’Israël est ainsi montrée comme une force lointaine, implacable et étouffante, mais en définitive peu contraignante pour les chrétiens et non problématique pour le narrateur. Toute critique à son endroit est déminée par des procédés stylistiques qui permettent de la rendre inopérante, ou alors ceux qui la portent se disqualifient d’eux-mêmes en tenant des propos infâmes : « Derrière chaque problème que le monde a connu, renchérit le prêtre orthodoxe, vous trouverez toujours le doigt des juifs. Ils sont si opiniâtres qu’ils se sont querellés même avec Dieu. » (C., 138). Le fait même que l’accusation porte exclusivement sur la puissance occupante de la Palestine est, dans l’économie stylistique de Chrétiens le signe implacable que la responsabilité est ailleurs, non chez ceux qui détiennent le pouvoir mais chez les musulmans qui en sont notoirement privé.
22Le sarcasme de Jean Rolin s’applique une seule fois à Israël, de manière très subtile et quasi subliminale. Il se moque gentiment de la propension qu’ont certains Israéliens de se croire autorisés à coloniser les territoires occupés du fait de l’antériorité biblique du peuple hébreu sur ces terres. Pour faire allusion à cette assurance territoriale, Rolin place son narrateur dans une situation de touriste privilégié qui se trouve affecté par une altérité non désirée. Dans un couvent où des pèlerins dérangent la solitude du reporter, ce dernier regrette leur apparition et exprime d’une manière symbolique son désagrément : « Dans de telles conditions, on éprouve facilement un sentiment exagéré de sa propre légitimité, découlant d’une occupation plus ancienne. » (C., 95). L’humour et la finesse d’esprit jouent, comme toujours chez Jean Rolin, le rôle de distanciation qui lui permet de ne pas prendre au sérieux ses propres observations.
Les Bédouins et l’Arabie
23Les communautés jouent, on le voit, un jeu de chaises musicales dans l’esprit essentialisant de l’orientalisme, avec des rôles de coupables, de victimes, de collaborateurs et de résistants : dans le schéma narratif mis en place ici, les musulmans sont les oppresseurs, les chrétiens les victimes sans défense et entre les deux, on s’attendrait à voir les juifs, mais c’est une quatrième communauté qui apparaît brièvement : les Bédouins. Dans plusieurs passages de Chrétiens, des Bédouins portent secours aux chrétiens grâce à la neutralité que leur mode de vie nomade leur confère. La présence bédouine interpelle car elle est un puissant avatar du XIXe siècle orientaliste dans la prose contemporaine, tant il est vrai que les Bédouins symbolisent l’arabité selon les écrivains voyageurs romantiques, notamment britanniques16. En tête des explorateurs que Jean Rolin apprécie et invoque fréquemment, Wilfred Thesiger (1910-2003) a traversé le désert Rub al Khali avec des Bédouins rencontrés aux confins du Yémen et du sultanat d’Oman17, et a tracé le portrait d’hommes purs et dépositaires d’un système de valeurs et de pratique en voie d’extinction. Leur caractère d’exception est aussi celui que leur fait jouer Jean Rolin en les peignant comme des justiciers immanents. Pourtant, dans le Moyen-Orient, les Bédouins ne sont plus nomades pour la plupart, mais on les reconnaît à des manières de se comporter, des façons de porter leurs vêtements, des singularités linguistiques et une certaine crainte qu’ils inspirent parfois au sein de la population majoritaire. En cela, ils sont assimilables aux gens du voyage en France ou aux travellers irlandais18. Même s’ils ne vivent plus de manière itinérante, ils restent symboliquement des nomades et jouent, selon Rolin, un rôle d’intermédiaires intercommunautaires alors même qu’ils sont de confession musulmane : « une foule armée se disposant à faire un mauvais sort à quelques familles chrétiennes […], des Bédouins du même quartier se seraient interposés avec succès. » (C., 146).
24La bienveillance étrange et l’imagerie romantique associée aux nomades du désert font de cette communauté de l’ailleurs, du désert, du voyage, un groupe social à part, un groupe qui fait songer aux théories du penseur médiéval Ibn Khaldoun, à l’origine d’une théorie de l’empire et de ses marges. Selon Ibn Khaldoun, les Bédouins représentent la force nomade et violente, vivante aux confins de l’empire, et que l’empire utilise pour maintenir l’ordre par l’usage de la force qu’ils sont les seuls à avoir le droit d’exercer. Cette force armée leur permettra éventuellement de prendre le pouvoir, de régner sur l’empire, puis de désarmer son peuple pour vivre en paix, avant de se faire aider, puis renverser, par de nouveaux nomades recrutés en territoire liminaire19. Dans Chrétiens, les Bédouins forment tant et si bien ce rôle de force potentiellement violente que l’on fait appel à leur autorité pour résoudre des tensions qui pourraient aboutir au chaos :
Mais le plus intéressant, c’est que pour parvenir à ce règlement négocié, il aurait fallu, conformément à l’usage, solliciter l’arbitrage de Bédouins nomades vivant dans les collines alentour, et que l’étrangeté de leur mode de vie, indépendamment de leur appartenance religieuse, ferait apparaître comme « neutres » aux yeux des deux communautés. (C., 166)
25La neutralité présumée des Bédouins est une marque convaincante de l’insistance orientaliste dans l’écriture viatique contemporaine : parmi les auteurs que Sarga Moussa analyse dans son étude sur le « mythe bédouin », il en est qui soulignent que les Bédouins sont des « descendants d’Abraham » et « des cousins des peuples judéo-chrétiens », et donc que la barrière entre « eux » et « nous » devrait tomber20. Mais comme chez Jean Rolin, leur appartenance à l’islam ne les rend acceptables que parce que leur pratique est « peu rigoriste21 », c’est-à-dire qu’ils ne sont pas vraiment des musulmans, ou qu’en tout cas ils constituent une autre forme d’altérité imaginaire par rapport à l’islam dénoncé dans l’ensemble du texte. Les Bédouins sont en l’espèce des primitifs, violents mais généreux, que l’auteur néo-orientaliste juge plus proches de l’humanité universelle que des religions instituées.
26Si l’on considère la littérature orientaliste qui prend place entre le XIXe et notre XXIe siècle, on s’aperçoit qu’au XXe siècle encore la bédouinité continue d’incarner un des grands symboles de l’arabité. Les explorateurs tels que Wilfred Thesiger et Henry St John Philby veulent préserver le mode de vie des Arabes des déserts qu’ils considèrent comme en danger, et Billie Melmann rappelle que les Bédouins incarnent la pureté des Arabes et les garants d’une certaine « authenticité22 » encore une fois essentialisante. Le rôle que leur fait jouer Jean Rolin dans Chrétiens est donc une nouvelle indication de son inscription – peut-être involontaire – dans le genre orientaliste conventionnel.
27Au terme de cette analyse, il est remarquable qu’une communauté occupe à ce point la position d’une altérité aussi radicale. Cependant, il ne s’agit pas ici d’enfermer Jean Rolin dans une option idéologique prédéterminée, ni de l’accuser de racisme. Au contraire, ce qu’il convient de faire à présent, c’est d’examiner avec précision Ormuz, puis Crac, sans oublier les reportages parus dans la presse qui explorent aussi le monde musulman, afin de donner éventuellement une image plus nuancée des rapports qu’entretient Jean Rolin avec l’islam. La même problématique devra prendre en compte les récits romanesques où des groupe armés islamistes influent sur la narration, comme dans Le Ravissement de Britney Spears (2011) et dans Les Événements (2015), ainsi que les personnages musulmans qui parsèment tous les récits français de Rolin, de Chemins d’eau (1980) qui raconte l’histoire d’un éclusier marocain mystique et contemplatif, jusqu’au débrouillard et sympathique Miloud de Terminal Frigo (2005) en passant par les ermites sublimes de La Clôture (2002) et par les divers figures d’immigrés de Zones (1995). En attendant, s’il est vrai que la diversité rolinienne en matière d’islam n’a pas à être niée dans l’ensemble de son œuvre, la rhétorique de l’altérité mise en place dans Chrétiens, mise au jour ici, ne doit pas être occultée non plus.
Notes de bas de page numériques
1 Jean Rolin, Un chien mort après lui, Paris, P.O.L, 2009, p. 136-137.
2 Jean Rolin, Chrétiens, Paris, P.O.L., 2003 ; Ormuz, Paris, P.O.L, 2013 ; Crac, Paris, P.O.L, 2019.
3 De fait, il arrive assez fréquemment que la notion même d’orientalisme soit mentionnée comme une invention des études postcoloniales elles-mêmes et non comme un mouvement culturel historique. Voir Billie Melman, « The Middle East / Arabia : ‘the cradle of Islam’ », dans Peter Hulme et Tim Youngs (dir.), The Cambridge Companion to Travel Writing, Cambridge University Press, 2002, p. 105-121 : « Elaborated by Edward said in his epochal 1978 book, the term ‘orientalism’ has become the single most influential paradigm in studies of travel writing. » Billie Melman parle ici des seules études anglo-saxonnes qui, il est vrai, sont plus développées dans le domaine de l’écriture du voyage que partout ailleurs.
4 Edward W. Said, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident [Orientalism, 1978], trad. Catherine Malamoud, Paris, Éditions du Seuil, 1980, 2005.
5 Sarga Moussa, La Relation orientale. Enquête sur la communication dans les récits de voyage en Orient (1811-1861), Paris, Klincksieck, 1995 ; Rémi Labrusse, Islamophilies. L’Europe moderne et les arts de l’Islam, Lyon, Musée des Beaux-Arts de Lyon, 2011 ; Mohammed Arkoun (dir.), Histoire de l’islam et des musulmans en France du Moyen Âge à nos jours, Paris, Éditions Albin Michel, 2006 ; Sarga Moussa, Le Mythe bédouin chez les voyageurs aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, coll. « Imago Mundi », 2016.
6 Jean Rolin, Zones, Paris, Gallimard, 1995.
7 Jean Rolin, La Clôture, Paris, P.O.L, 2002.
8 Edward Saïd, L’Orientalisme, op. cit., p. 138-139.
9 François Hartog, Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, Paris, Gallimard, coll. « Folio histoire », 2001, p. 331-394.
10 Michel Hazanavicius, OSS 117 : Le Caire, nid d’espion, Gaumont, 2006.
11 Sarga Moussa, « L’islam au miroir de la littérature », dans Mohammed Arkoun (dir.), Histoire de l’islam et des musulmans en France du Moyen Âge à nos jours, Paris, Éditions Albin Michel, 2006, p. 682-702.
12 Sarga Moussa, « L’islam au miroir de la littérature », art. cit, p. 684.
13 Sarga Moussa, « L’islam au miroir de la littérature », art. cit, p. 702.
14 Muqtedar Khan, Five American Perspectives on Islam : an analytical guide, Center for Global Policy, 2018.
15 Pour traduire cette citation dans une langue plus compréhensible à ceux qui n’ont pas vécu cette période charnière de l’histoire, il convient de préciser certains traits : « si les inspecteurs (de l’ONU) s’obstinaient (ils refusent de chercher activement) à ne rien trouver (ne pas trouver d’armes de destruction massive, puisque les États-Unis accusaient l’Irak d’en cacher, menaçant ainsi la paix du monde), il deviendrait difficile de soutenir la voie des inspections (la France et la majorité de l’ONU rejetaient la guerre voulue par les États-Unis et voulaient que les inspections prouvent d’abord qu’il y avait bien des armes de destruction massive cachées quelque part) comme une alternative à la solution préconisée par les Américains (la guerre, ou l’invasion armée de l’Irak).
16 Billie Melman, « The Middle East / Arabia : ‘the cradle of Islam’ », art. cit. ; Sarga Moussa, Le Mythe bédouin chez les voyageurs aux XVIIIe et XIXe siècles, op. cit. Voir aussi Henry Laurens, « Orientalistes : aventuriers, experts et diplomates », Collège de France, 2014. URL : https://www.youtube.com/watch ?v =QbKEwWAnpog [Consulté le 18 mars 2019].
17 Wilfred Thesiger, Le Désert des déserts. Avec les Bédouins, derniers nomades de l’Arabie du sud [Arabian Sands, 1959], Paris, Plon, coll. « Terre humaine », 1978.
18 Guillaume Thouroude, Voyage au pays des Travellers (Irlande, début du XXIe siècle), Paris, Cartouche, 2012.
19 Ibn Khaldoun, Le Livre des exemples, éd. Abdessalam Cheddadi, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2002.
20 Sarga Moussa, Le Mythe bédouin chez les voyageurs du XVIIIe et XIXe siècles, op. cit., p. 146.
21 Sarga Moussa, Le Mythe bédouin chez les voyageurs du XVIIIe et XIXe siècles, op. cit., p. 146.
22 Billie Melman, « The Middle East / Arabia : ‘the cradle of Islam’ », op. cit., p. 116.
Pour citer cet article
Guillaume Thouroude, « « La question délicate des relations avec l’islam » », paru dans Loxias, 65., mis en ligne le 10 juin 2019, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=9201.
Auteurs
Guillaume Thouroude est maître de conférence à l’université de Nizwa (Oman) et ses recherches portent sur la littérature des voyages, les approches comparatistes avec d’autres cultures (chinoises, arabes, irlandaises, brésiliennes) et les relations qu’entretient la littérature avec d’autres pratiques intellectuelles (philosophie, art contemporain, sciences sociales et religieuses). Il est l’auteur notamment de La Pluralité des mondes. Le récit de voyage de 1945 à nos jours, Paris, PUPS, coll. « Imago Mundi », 2017 ; avec Rosalind Silvester (dir.) Traits chinois/Lignes francophones, Presses de l’université de Montréal, 2012 ; Voyage au pays des Travellers (Irlande, début du XXIe siècle), Paris, Cartouche, 2012.
Université de Nizwa