Mohamed Semlali
Professeur de littérature générale et comparée, Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Faculté des lettres et des sciences humaines, Saïs-Fès, Maroc.
Articles de l'auteur
Loxias | 59. | I.
L’aventure africaine de Conrad, Céline et Gide. Voyage au pays des ténèbres
Au début du XXe siècle, l’Afrique équatoriale attire de plus en plus d’aventuriers en quête de dépaysement ou de richesse facile. Les carnets et les récits de voyage de plusieurs auteurs, qui sont entrés en contact avec le monde colonial, en donnent une représentation peu flatteuse en contraste avec l’utopie officielle trompeuse. Derrière l’idée du progrès chère au discours colonialiste se profilent des douleurs immenses, des exactions de toutes sortes. Joseph Conrad dans Au cœur des ténèbres (1899), Ferdinand Céline, dans Voyage au bout de la nuit (1932), et André Gide, dans son Voyage au Congo (1927), constatent la cruauté du modèle colonial et dénoncent les pratiques commerciales malhonnêtes et corrompues des Compagnies commerciales européennes qui pillent et détruisent leurs concessions. Derrière l’imposture de la civilisation se cache une entreprise purement lucrative. Dans ces ouvrages, le voyage prend les allures d’une épreuve initiatique, d’une descente aux enfers qui mène au cœur d’une Afrique équatoriale encore peu explorée, mais aussi au cœur des ténèbres d’un système colonial inhumain et brutal.
Loxias | 63. | Concours CPGE 2019
Amour et jalousie dans La Chartreuse de Parme de Stendhal
La jalousie est la face obscure de l’amour. C’est le résultat d’une tension qui oppose les trois parties du désir triangulaire. Obsédé par la volonté de posséder absolument l’être aimé, de s’octroyer le monopole de ses regards, de ses pensées et de ses moindres gestes, le jaloux est torturé par la présence d’un rival qui lui dispute ce monopole. Ce rival est d’autant plus haïssable qu’il semble doté de toutes les qualités qui en font un être admirable et séduisant. La Chartreuse de Parme de Stendhal, qui peut se lire comme une quête de l’amour, développe en parallèle plusieurs histoires d’amour où la jalousie introduit une composante conflictuelle et hautement romanesque.
Loxias | 67. | I. | Agrégation de Lettres
Poète et politique dans la comédie d’Aristophane
Le théâtre d’Aristophane est le fruit d’une conjonction quasi indéfectible entre l’engagement politique du dramaturge qui déclare ouvertement son refus des choix du parti populaire (Cléon entre autres) et son engagement esthétique puisqu’il défend une comédie qui est à la fois divertissante par ses inventions et militante par les sujets d’actualité qu’elle met en scène. Le poète, dans l’imaginaire d’Aristophane, est un agent essentiel de la démocratie ; il est à la fois le "purificateur" qui défend la Cité contre les monstres, et l’empêche, tel le taon de Socrate, de dormir sur ses lauriers, mais il est aussi le "générateur" qui cultive et sème les bonnes idées parmi ses concitoyens. Aristophane consacre presque toutes ses comédies à la satire de la guerre du Péloponnèse et aux dysfonctionnements de la démocratie (la manie des procès, la sycophantie, la corruption, etc.) Pourtant, au fil des années, Aristophane devient de plus en plus sceptique quant à la possibilité d’instaurer une paix durable, il consacre alors plusieurs comédies (Les Oiseaux, Les Femmes à l’Assemblée, Lysistrata) à l’élaboration d’une utopie politique et sociale qui critique le réel décevant en lui faisant subir une distorsion et en lui substituant un rêve de paix et de prospérité.