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Junxian Liu  : 

Poétique de la mort chez Haizi (1964-1989) : un poète chinois contemporain suicidé

Résumé

L'année 1989 est cruciale à cause du suicide du poète chinois Haizi. Peu connu de son vivant, il est devenu un héros pour les poètes chinois, notamment les jeunes, après sa mort. Le suicide de Haizi marque le début fatal d'un phénomène déchirant : les suicides successifs de nombreux poètes chinois. Pourquoi tant de poètes se sont-ils suicidés récemment ? Y a-t-il des pulsions de mort et de suicide dans leur poésie ? Existe-t-il des liens évidents ou cachés entre leur poésie et leur suicide ? Entre le suicide imaginaire dans leurs œuvres et leur acte réel ? Dans le contexte où écrire de la poésie est très difficile ? Pouvons-nous trouver une « poétique de la mort » dans leur œuvre, voire dans leur vie éphémère ? Dans cet article, j'essaierai de répondre à ces questions à travers l'exemple de Haizi, en proposant une analyse littéraire et psychologique de sa poésie.

Index

Mots-clés : Haizi , poésie chinoise contemporaine, suicide

Géographique : Chine

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

« Je voudrais rivaliser avec Rimbaud1. » Haizi
« Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant2. » Rimbaud

Camus a dit qu’« il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie3. » De l’Antiquité à nos jours, de nombreux écrivains et poètes, occidentaux et orientaux, ont répondu à cette question par leur suicide.

Le 26 mars 1989, Haizi 海子, jeune poète chinois, s'est suicidé en s'allongeant sur les rails à l’âge de 25 ans, sa poésie grandiose continuant à chanter :

我用头颅雕刻太阳,逼近死亡
死亡是一簇迎着你生长的血红高粱,还在生长
除了主动迎接并且惨惨烈烈
没有更好的死亡方式4

Avec mon crâne je sculpte le soleil, en m'approchant de la mort
La mort est un faisceau de sorgho rouge sang qui pousse devant vous, qui continue de pousser
Il n'y a pas d'autre façon de mourir
Que de l'accueillir spontanément, tragiquement

Vers 278 avant Jésus-Christ, un grand poète Qu Yuan, déçu par son roi, s'est jeté dans le fleuve Miluo 汨罗. Dans la Chine ancienne, le suicide a été conçu différemment. « In a chapter entitled “Oriental Attitudes toward Suicide”, Louis I. Dublin, for example, has correctly pointed out: “There are certain motives which were considered honorable in China, such as the suicide of generals who killed themselves after defeat; tyrants who thus escaped impending doom; dethroned rulers and statesmen who thereby protested against political policies; wives who refused to survive their husbands; affianced women whose husbands died before the nuptial date; and those who committed suicide in memory of a dead father or ancestor”5. » Si bien qu’il existe beaucoup de représentations du suicide dans la littérature chinoise ancienne. Cependant, depuis le suicide de Qu Yuan jusqu'à la fondation de la République Populaire de Chine en 1949, faute de matériaux historiques, nous ne sommes pas en mesure de savoir combien de poètes chinois se sont suicidés, mais nous pouvons recenser les plus connus : Wang Guowei 王国维 (1877-1927), Zhu Xiang 朱湘 (1904-1933)... Il faut aussi remarquer l’écart entre le suicide réel en Chine, la représentation du suicide dans la littérature chinoise, le suicide réel des poètes chinois ainsi que la représentation du suicide et de la mort dans la littérature des poètes suicidés.

Si nous avons peu de renseignements sur les périodes anciennes, nous savons en revanche que depuis la deuxième moitié du XXe siècle, au moins une vingtaine de poètes se sont suicidés, et d'autres se suicident encore. Ce chiffre est indicatif car il s'agit seulement des poètes relativement connus qui ont laissé des œuvres publiées ou bien qui ont bénéficié de publications posthumes. Nous sommes donc dans l'impossibilité de savoir combien il y a de poètes chinois suicidés au total, car s'ils n’ont pas été publiés avant ou juste après leur mort, ils sont oubliés tout de suite. Même ceux qui ont été publiés commencent à être oubliés ou bien l'ont déjà été car « dans la Chine de nos jours, on ne peut pas prétendre qu'un poète éphémère (guowang de shiren 过往的诗人) puisse rester dans les mémoires après cinquante ans » d'après Luo Yihe 骆一禾, jeune poète talentueux, qui est mort d'une hémorragie cérébrale deux mois après le suicide de son ami Haizi.

En réalité, de 1949 à 1989, plusieurs écrivains et poètes chinois se sont suicidés à cause de la terreur de la Révolution culturelle, par exemple Chen Mengjia 陈梦家 (1911-1966), Li Guangtian 李广田 (1906-1968), Fu Lei 傅雷(1908-1966), Wen Jie 闻捷(1923-1971) et Lao She 老舍(1899-1966).

Du suicide de Qu Yuan vers 278 avant Jésus-Christ, à la chute de Chen Chao en octobre 2014, selon mon recensement probablement incomplet, environ cinquante poètes chinois plus ou moins reconnus ont choisi de mettre fin à leurs jours, d'une façon ou d'une autre. Il est probable qu'ils se soient tous rendu compte que :

在接近地轴的地方,是死去的诗人们燧石筑成的家园。
哀愁的人,请做如是想,比青铜刀锋更犀利的
不是肉身而是诗魂,诗是语言的金链会代代相传。
我知道主动深入死亡乃是语言愤悱的拯救
我们留下的诗章会限制着精神第二次死亡6

L'endroit près de l'axe de la terre, est le foyer que les poètes défunts ont construit avec du silex.
Vous qui êtes tristes, réfléchissez à cela :
ce qui est plus tranchant que le fil d'un couteau en bronze
n'est pas le corps mais l'âme de la poésie
La poésie est la chaîne d'or de la langue qui se transmet de génération en génération.
Je sais qu'entrer volontiers profondément dans la mort est le sauvetage de la fureur de la langue
la poésie que nous laissons empêchera la deuxième mort de l'esprit.

L'année 1989 est cruciale à cause du suicide de Haizi. Haizi (1964-1989), de son vrai nom Zha Haisheng 査海生 est né dans un petit village de la province de l’Anhui. Diplômé de la faculté de droit de l'Université de Pékin en 1983, il enseigne à l'Université de politique et de droit de Chine (中国政法大学) jusqu'à son suicide. Il commence à écrire de la poésie à l'Université, ses poèmes seront publiés après sa mort excepté environ cinquante publiés dans des revues universitaires et régionales de son vivant.

Pendant sept ans (1983-1989), il a écrit dans des conditions de pauvreté et de solitude plus de deux cents poèmes courts de qualité, trois longs poèmes indépendants, ses œuvres monumentales Soleil • Sept livres, quelques nouvelles, quelques fragments de journal, ainsi que quelques essais sur la poétique. Peu connu de son vivant, il est devenu un héros dans le cœur des poètes chinois, notamment les jeunes. Cependant, le suicide de Haizi marque le début fatal d'un phénomène déchirant : les suicides successifs des poètes chinois. Du suicide de Haizi, le 26 mars 1989, au 31 mai 1994, jour où Xichuan 西川, poète et ami de Haizi qui a édité ses œuvres complètes, a écrit « Siwang houji 死亡后记 » (Écrit après la mort), la mort a couvert le monde de la poésie chinoise. Pendant ces quatre ans, quatorze jeunes poètes sont morts7. Parmi ceux qui se sont suicidés, nous pouvons en nommer quelques-uns dont les œuvres ont été publiées : Fang Xiang 方向 (1962 - 1990), Gemai 戈麦 (1967 - 1991), Gu Cheng 顾城 (1956 - 1993). Les deux premiers ont écrit des poèmes pour rendre hommage à Haizi, ce qui peut donner l'impression qu'ils l'ont suivi dans la mort. Mais ce phénomène n’a pas pris fin à mesure que le suicide de Haizi s’éloignait. Les poètes chinois n’ont cessé de se suicider en dépit de la rapide croissance économique et de la prospérité sociale : nous avons ensuite perdu : Xu Chi 徐迟 (1914 - 1996), Hu Kuan 胡宽 (1952 - 1998), Changyao 昌耀 (王昌耀) (1936 - 2000), Yu Di 余地 (余新进) (1977 - 2007), Chen Chao 陈超 (1958 - 2014), sans compter ceux dont aucun recueil personnel n’a été publié, par exemple Wutongshu 吾同树 (曾桓开) (1979 - 2008). Il y a aussi des poétesses qui se sont suicidées, mais elles n’ont pas laissé de recueils officiels.

Haizi, le premier poète suicidé à la nouvelle époque8, est malheureusement peu connu en France car les quatorze poèmes courts recueillis dans deux anthologies de la poésie chinoise9 sont les seuls témoignages de l’œuvre de ce génie traduits en français. Ils représentent peu de choses par rapport à ses œuvres complètes de mille deux cents pages publiées en 199710. Car son œuvre la plus importante, étroitement liée à sa vie comme à sa mort, Soleil • Sept livres, qui n’a pas été traduite en français, est aussi très peu étudiée en Chine. Cependant, les vers bouleversants de Haizi dans Soleil • Sept livres marquent l'apogée de sa création poétique.

Le phénomène du suicide chez les poètes chinois a jusqu’ici peu retenu l’attention. Dans le monde anglophone, les recherches les plus intéressantes sont celles de Michelle Yeh et de Mighiel van Crevel. Selon Michelle Yeh, « Le sens de la crise est une caractéristique distinctive de la poésie d’avant-garde11 durant la période post-Mao. Sa présence peut ou non être comprise comme une réponse à des mouvements politiques spécifiques (i.e. la campagne anti-pollution intellectuelle de 1983-84, l’anti-libéralisation bourgeoise de 1987 et le massacre de Tiananmen en 1989). Bien qu’on ne nie pas que beaucoup de poètes d’avant-garde ont vécu la Révolution culturelle en tant que jeunes et ont été impliqués, même comme cibles de critiques ou victimes de persécutions, dans les mouvements politiques post-Mao […]. Je voudrais proposer, à la place, que le sens de la crise chez les poètes d’avant-garde est dérivé de sources plus profondes de répression et d’aliénation qui ne sont pas seulement politiques, que l’on peut retrouver dans la Révolution culturelle, mais aussi économiques et culturelles12. »

En dépit de ces raisons, l'un des postulats de mon article est que la raison la plus fondamentale, la plus profonde de leur suicide se trouve justement dans leurs écrits car ils sont poètes, et ils chérissent plus leur poésie que leur vie. Quand les conflits entre la vie sociale et personnelle et la vie de poète deviennent insupportables, ils préfèrent se donner la mort avec leur poésie sacrée que de vivre dans la désespérance, sans dignité.

La poésie, contre toute évidence puisqu'elle est convoquée pour combattre le néant et l'appel de la mort, soumet néanmoins à la tentation de la mort et à l’effondrement du sens de la vie, ou bien à la sublimation de cette dernière. Je prendrai l’exemple de Haizi et proposerai une analyse littéraire et psychologique de sa poésie.

Relations entre la langue, la vie et la mort dans l’œuvre de Haizi

Comme Haizi a grandi à la campagne, sa poésie démontre une grande sensibilité vis-à-vis de la nature. Les images de la nature abondent dans sa poésie : blé, herbe, fleur, terre, eau, fleuve, mer, soleil, lune, nuit, pluie, puits, village, champ, pays natal… Ainsi que les personnages familiers : mère, femme, mariée, fille… Le premier poème publié de Haizi « Bronze de l’Asie » (yazhou tong 亚洲铜) préfigure le ton de la poésie de Haizi, ainsi que son intérêt pour la réflexion sur la mort et sur la poésie lyrique et épique :

亚洲铜,亚洲铜
祖父死在这里,父亲死在这里,我也将死在这里
你是唯一的一块埋人的地方

亚洲铜,亚洲铜
爱怀疑和爱飞翔的是鸟,淹没一切的是海水
你的主人却是青草,住在自己细小的腰上,守住野花的手掌和秘密

亚洲铜,亚洲铜
看见了吗?那两只白鸽子,它是屈原遗落在沙滩上的白鞋子
让我们——我们和河流一起,穿上它吧

亚洲铜,亚洲铜
击鼓之后,我们把在黑暗中跳舞的心脏叫做月亮
这月亮主要由你构成13

Bronze de l'Asie, bronze de l'Asie
Mon grand-père est mort ici, mon père est mort ici, je vais aussi mourir ici
Vous êtes le seul endroit d'enterrement

Bronze de l’Asie, bronze de l’Asie
C’est l’oiseau qui aime soupçonner et voler. C’est la mer qui submerge le tout
Toutefois ton maître est l’herbe, qui vit dans ses propres reins minces, gardant la paume et le
secret des fleurs sauvages

Bronze de l’Asie, bronze de l’Asie
Les as-tu vus ? Les deux pigeons blancs, sont les chaussures blanches que Qu Yuan a laissées sur
la plage
Laissons-nous, avec le fleuve, les porter

Bronze de l’Asie, bronze de l’Asie
Après avoir battu le tambour, nous appelons le cœur qui danse dans l’obscurité la lune
Cette lune est principalement composée de toi

Ce poème nous présente quelques caractéristiques générales de la poésie de Haizi d’après les chercheurs chinois : la vivacité des images diverses (bronze, terre, oiseau, herbe, fleur, lune…) ; une imagination exceptionnelle ; une abondance de métaphores ; la recherche d’un langage poétique « étrange » (yuyan moshenghua 语言陌生化) et impressionniste ; un style lyrique et un désir de s’approcher du style épique. Et dans ce poème, il y a aussi la nostalgie des poètes anciens à travers la mention de Qu Yuan. Haizi a aussi écrit une série de poèmes courts en honneur de quelques poètes chinois anciens : Li Bai, Tao Yuanming…

Un critique chinois de la poésie, Tan Dejing 谭德晶, dans son livre Haizi shuqingshi jingjie 海子抒情诗精解 (Analyse approfondie de la poésie lyrique de Haizi), a commencé son commentaire par l’analyse de ce poème. Il a défini quatre caractéristiques de la poésie lyrique de Haizi en s’appuyant sur ce poème : archétypique (yuanxingxing 原型性 ), élémentaire (yuansu xing 元素性), terrestre (tudi xing 土地性) et épique (shishi xing 史诗性)14.

Dans la première strophe, le poète opte pour deux figures de style : répétition et parallélisme. « Bronze de l'Asie » signifie la terre du pays natal. La couleur du bronze et celle de la terre se ressemblent. C’est une métonymie par la couleur. Dans ce parallélisme, le poète rappelle un fait universel : finalement, tout le monde meurt. Le grand-père, le père, le moi, et toutes les générations vont retourner à la terre après avoir fleuri dans la vie. Cela témoigne de l'approche qu'a Haizi de la mort : c'est un processus naturel et le destin de chacun d'entre nous, personne ne peut y échapper. Ceci montre aussi l’importance de la généalogie et des ancêtres dans la culture chinoise, typiquement à la campagne. La raison pour laquelle Haizi emploie la métaphore « bronze de l’Asie » au lieu de « bronze de la Chine », est selon moi que la portée de cette dernière se trouve ainsi étendue : il s’agit de mettre l’accent sur l’immensité de la terre en Chine, la dimension symbolique des terres (la terre chinoise et les autres terres asiatiques) et des hauts plateaux chinois comme représentants des caractéristiques géographiques de l’Asie. Haizi rassemble le bronze et la terre afin de créer un effet de mélange, d’harmonie. Le jeune poète rassemble non seulement des éléments semblables mais aussi des éléments très éloignés en ce qui concerne leurs significations.

Nous pouvons ressentir la dimension dynamique et vive de la poésie de Haizi à travers la deuxième strophe avec l’oiseau, un objet animé qui contrebalance l’image figée de la strophe précédente. Pour Tan, il s’agit de faire ressortir l’immensité de la terre par le biais des herbes, du ciel et de la mer15. Dans la troisième strophe, Haizi souhaite ajouter une dimension historique au poème en empruntant l’histoire de Qu Yuan et du fleuve. Il veut aussi par-là montrer une des sources de son inspiration. Cette métaphore : « Les deux pigeons blancs, sont les chaussures blanches que Qu Yuan a laissées sur la plage » montre l’imagination féconde du poète. Son souhait de porter ces chaussures pourrait s’entendre comme son envie d’être l’héritier de cette tradition de la poésie et de la passion envers la poésie. Ironiquement, Haizi ne savait pas encore à ce moment-là qu’il finirait par se donner la mort comme Qu Yuan.

Dans la dernière strophe, Haizi met en scène une scène de danse primitive pour faire ressortir une couleur, une dimension épique de la terre ainsi que celles du poème : le rythme enthousiaste et sauvage du battement du tambour est la caractéristique de la danse primitive. Les gens dansent en suivant le battement du tambour, ainsi que celui de leurs cœurs. Le ciel de la nuit et la lune semblent danser également. Haizi crée donc une scène de synesthésie comme Baudelaire dans son poème Correspondance. Ce poème nous apparaît donc comme une démonstration des caractéristiques de la poésie lyrique de Haizi.

Il existe une grande diversité dans la poésie de Haizi. Parfois il exprime sa joie, son sentiment amoureux, sa sensibilité vis-à-vis de la nature avec un ton léger, joyeux et sentimental. Cependant, le thème de la mort surgit aussi dans son poème « Wo qingqiu : yu 我请求:雨 » (Je prie: la pluie) :

我请求熄灭
生铁的光、爱人的光和阳光
我请求下雨
我请求
在夜里死去

我请求在早上
你碰见
埋我的人

岁月的尘埃无边
秋天
我请求:
下一场雨
洗清我的骨头

我的眼睛合上
我请求:

雨是一生过错
雨是悲欢离合

1985年3月16

Je prie pour éteindre
La lumière de la fonte, la lumière de la bien-aimée et les rayons du soleil
Je prie pour de la pluie
Je prie
Pour mourir dans la nuit

Je prie le matin
Pour que vous rencontriez
Celui qui m'enterre

Les poussières du temps sont sans bornes
A l'automne
Je prie :
Qu'une averse de pluie
Lave mes os

Mes yeux se ferment
Je prie :
La pluie
La pluie est l'erreur de toute la vie
La pluie est tristesses et joies, séparations et réunions
Mars 1985

La raison pour laquelle Haizi a composé ce poème déchirant renvoie à son désarroi lors d’une crise dans sa relation amoureuse avec son premier amour d’après La Biographie critique de Haizi rédigée par Liao Yuan 燎原. Dans ce court poème, « Je prie » (wo qingqiu 我请求) est répété six fois. Le poète prie pour « mourir dans la nuit ». L'effet de répétition augmente l'intensité du chagrin du poète. Cette répétition est aussi musicale, ce qui hante ce poème comme le leitmotiv d’une mélodie.

Pourquoi Haizi veut-il « éteindre la lumière de la fonte » ? Tan a proposé une interprétation originale : comme Haizi est né un peu « noir », son corps et sa peau brun foncé nous font penser à la couleur, au lustre, à la qualité et à la texture de la fonte. D’après lui, le jeune poète prie pour éteindre la lumière de sa propre vie17. Admirateur du soleil, enfoncé dans l’adversité amoureuse, Haizi veut aussi éteindre la lumière de son amour. Il crée un monde de ténèbres qui est totalement désespérant.

« Mourir », « enterrer », « os », ces mots mortifères sont mélangés avec « la pluie », l’image de la pluie est traditionnelle dans la poésie chinoise classique. Mais Haizi a réussi à renouveler cette image en y ajoutant une dimension symbolique, surtout dans la dernière strophe. Il a abstrait le sens de la pluie en créant un lien avec deux expressions en quatre caractères : « 雨是一生过错/雨是悲欢离合 La pluie est l'erreur de toute la vie / La pluie est tristesses et joies, séparations et réunions ». Ce qui donne une atmosphère rythmique et symbolique au poème. Tan suppose que le sens symbolique de la pluie est l’amour18.

Le titre original d’un court poème de Haizi a attiré l’attention de critiques chinois et étrangers :

抱着白虎走过海洋
Traverser la mer avec un tigre blanc dans les bras

倾向于宏伟的母亲
抱着白虎走过海洋

陆地上有堂屋五间
一只病床卧于故乡

倾向于故乡的母亲
抱着白虎走过海洋

扶病而出的儿子们
开门望见了血太阳

倾向于太阳的母亲
抱着白虎走过海洋

左边的侍女是生命
右边的侍女是死亡

倾向于死亡的母亲
抱着白虎走过海洋

La mère ayant un penchant pour le grandiose
Traverse la mer avec un tigre blanc dans ses bras

Cinq grandes salles sur la terre
Un lit de malade est couché dans le pays natal

La mère ayant un penchant pour le pays natal
Traverse la mer avec un tigre blanc dans ses bras

Les fils malades ouvrent la porte
Et voient le soleil ensanglanté

La mère ayant un penchant pour le soleil
traverse la mer avec un tigre blanc dans ses bras

La servante à gauche est la vie
la servante à droite est la mort

La mère ayant un penchant pour la mort
traverse la mer avec un tigre blanc dans ses bras
198619

Il s’agit d’un poème difficile à interpréter qui a un titre mystérieux. L’hypothèse de Tan, c’est que Haizi l’a composé après avoir eu de mauvaises nouvelles concernant la maladie de sa mère ou bien a rêvé d’elle. Ce poème est donc écrit dans le but de glorifier sa mère et en même temps de montrer le souci que lui inspire la santé de cette dernière. Tan y voit une pensée magique, une scène légendaire et une intuition étrange. Il a ensuite expliqué pourquoi Haizi avait associé sa mère à un tigre blanc en s’appuyant sur la notion de « hushenlü 互渗律 » dans cette pensée. « Hushenlü », ce mot chinois correspond à ce que l’anthropologue Lévy-Bruhl appelle « loi de participation », qui consiste en l’interprétation des éléments situés entre le monde humain et non-humain. Par exemple la pensée totémique des primitifs en est un résultat. Aux yeux des enfants, le corps de la mère est blanc et grand, il a une force mystérieuse qui peut protéger son enfant. Si bien que l’association avec le titre blanc est appropriée. De plus, avec les éléments comme « la mer », « le soleil », tout cela fait ressortir l’image de la mère, sa silhouette avec un tigre blanc dans ses bras évoque un vague sens sexuel, ou plutôt sensuel20. L’expression « tigre féminin » est courante en chinois et revêt un sens péjoratif, mais ce n’est pas le cas ici. Peut-être y a-t-il une allusion au « Sein » de la mère, au sens kleinien.

Tan poursuit son commentaire ainsi : « Les fils malades ouvrent la porte/ Et voient le soleil ensanglanté » décrit l’anxiété des fils face à la maladie de leur mère. L’image emphatique et glorieuse du « soleil ensanglanté » suggère l’arrivée prochaine d’un désastre21. Nous pouvons retrouver cette image dans un autre poème, intitulé « Lumière » (riguang 日光) : « La lumière du soleil est en réalité très forte/ Une sorte de fouet et sang de la croissance de toute créature » (日光其实很强/一种万物生长的鞭子和血) Cette image est devenue récurrente dans Soleil. Sept livres. L’avant-dernière strophe est énigmatique : « La servante à gauche est la vie/la servante à droite est la mort ». Le poète se soucie tellement de la santé de sa mère qu’il pense à la mort sans cesse. Ici, le choix du personnage de la « servante » renvoie peut-être aux fées, qui veillent sur la vie et de la mort des humains sur terre, ce qui ajoute une couleur légendaire au poème.

Par ailleurs, Crevel a remarqué que ce poème est un exemple rare de tentative, de la part de Haizi, pour imposer une limitation formelle à son écriture22. A la différence de nombreux poèmes en vers libres, tous les vers de ce poème ont tous huit caractères, ce qui démontre un effet rythmique. De plus, comme chaque strophe reprend quelques éléments de la strophe précédente, ceci donne un effet similaire d’enjambement.

Le critique de la poésie Chen Chao (qui s’est suicidé en 2014), lui, comprend ce poème en s’appuyant sur sa forme onirique. Au lieu d’interroger la signification réelle de l’image de la mère avec un tigre blanc dans ses bras, il propose d’« oublier toutes sortes de relations dans ce monde matériel et de ressentir l’image du poème comme si elle était une réalité absolue. Ce que le poète demande au lecteur, n’est pas de croire en la relation innée des matériaux, mais de croire en leur combinaison spirituelle pure et onirique. 你必须忘掉这个世界实有的各种关系,将诗的画面当做一种绝对的现实去感受。诗人要求读者的,不是相信物质的固有关系,而是纯粹梦幻般的精神组合23 ». Il propose ensuite d’interpréter la figure de la mère dans un sens symbolique. Elle est l’origine de la vie et de la volonté. Il pense que ce poème montre la force glorieuse qui pourrait vaincre la mort24.

L’année 1986 est une période charnière dans la vie éphémère de Haizi car en novembre 1986, la première femme qu’il aimait lui a imposé une rupture qui a causé la première tentative de suicide du poète. Il a enregistré sérieusement tous les détails dans un journal précieux écrit le 18 novembre 1986 :

我差一点自杀了:我的尸体或许已经沉下海水,或许已经焚化;父母兄弟仍在痛苦,别人仍在惊异,鄙视……但那是另一个我———另一具尸体。那不是我。我坦然地写下这句话:他死了。我曾以多种方式结束了他的生命。但我活下来了,我———一个更坚强的他活下来了,我第一次体会到了强者的尊严、幸福和神圣。 [...]《太阳》的第一篇越来越清晰了。我在她里面看见了我自己美丽的雕像: 再不是一些爆炸中的碎片。[...]我现在可以对着自己的痛苦放声大笑25

J'ai failli me suicider : peut-être mon cadavre avait-il déjà sombré dans la mer, peut-être avait-il été incinéré ; mes parents et mes frères souffrent encore, les autres s'étonnent encore, me méprisent… Mais c'est un autre moi — un autre cadavre. Ce n'est pas moi. J'ai écrit cette phrase tranquillement : il est mort. J'ai terminé sa vie de plusieurs manières. Mais j'ai survécu, moi — un « il » plus fort a survécu. Pour la première fois j'ai éprouvé la dignité, le bonheur et la dimension sacrée d'une personne forte. […] Le premier livre de Soleil est de plus en plus limpide, j'y ai vu ma propre jolie statue. Il ne contient plus uniquement des fragments explosés. […] Maintenant je peux éclater de rire en contemplant ma propre souffrance !

C’est aussi en cette année 1986 que Haizi a commencé à réaliser son grand projet poétique : Soleil. Sept livres. Jin Songlin金松林, dans son livre Beiju yu chaoyue – haizi shixue xinlun 悲剧与超越——海子诗学新论 (La Tragédie et la transcendance – nouveau discours sur la poétique de Haizi), a proposé sa théorie de « deux Haizi ». Il décèle une différence dans le ton de la poésie de Haizi avant et après sa rupture avec son premier amour. Après cette séparation, il y a de plus en plus d’images sombres et morbides et le jeune poète se consacre désormais complètement à sa création poétique sans s’intéresser au monde alentour.

Haizi voit sa propre image dans son Soleil. Il mélange sa vie et sa création. Comme le dit Xichuan :

但正如加缪所说:“最清楚的原因并不是直接引起自杀的原因。”我想海子的自杀应该也有其更加内在的原因,那就是他的写作。记得有一次海子、白马和我在骆一禾家里聚谈,大家谈到写作就像一个黑洞,海子完全赞同这种看法。海子献身于写作,在写作与生活之间没有任何距离。所以确切地说海子是被这个黑洞吸了进去26

Mais comme le dit Camus : “La raison la plus claire n'est pas la raison directe qui engendre le suicide ”. Je pense que le suicide de Haizi a sa raison interne, qui est son écriture. Je me souviens qu'une fois, Haizi, Baima et moi, nous étions rassemblés pour discuter chez Luo Yihe. Nous avons évoqué le fait que l'écriture était comme un trou noir, Haizi était tout à fait d'accord avec cette idée. Haizi se consacrait à l'écriture, il n'y avait pas pour lui de distance entre l'écriture et la vie. Précisément Haizi était absorbé par ce trou noir.

Pendant les dernières années de sa vie, Haizi s'est consacré corps et âme à sa création de Soleil. Il a brûlé sa passion en permanence, selon son journal du 4 novembre 1987 :

随着生命之火、青春之火越烧越旺,内在的生命越来越旺盛,也越来越盲目。因此燃烧也就是黑暗——甚至是黑暗的中心、地狱的中心。我和但丁不一样,我在这样早早的青春中就已步入地狱的大门,开启生活和火焰的大门。[…] 我的诗歌之马大汗淋漓,甚至像在流血——仿佛那落日和朝霞是我从耶稣诞生的马厩里牵出的两匹燃烧的马、流血的马——但是它越来越壮丽,美丽得令人不敢逼视27

Au fur et à mesure que le feu de la vie, de la jeunesse devient de plus en plus ardent, la vie interne est devenue de plus en plus vigoureuse, mais de plus en plus aveugle. Par conséquent, brûler égale les ténèbres — voire le centre des ténèbres, le centre de l'enfer. Je ne suis pas comme Dante : j'ai déjà franchi la porte de l'enfer alors que je suis encore si jeune, la porte qui anime la vie et la flamme. [...] Le cheval de ma poésie transpire, voire saigne — comme si le soleil couchant et les nuages rosés de l'aube étaient deux chevaux qui brûlent, saignent, qui sont tirés de l'écurie où est né Jésus — Mais il [mon cheval de la poésie] devient de plus en plus magnifique, il est tellement beau qu'on n'ose pas le regarder de près.

Un poème célèbre écrit en 1987 nous montre son ambition poétique ainsi que sa solitude totale. Il veut devenir le père de la poésie chinoise :

我的妻子就是中国的诗歌 汉语的诗歌
我要成为一首中国最伟大诗歌的父亲
像荷马是希腊的父亲 但丁是意大利之父 歌德是德意志的父亲
我早就想成为父亲 我一定能成为父亲
成为父亲总是人类最大的幸福28

Ma femme est la poésie chinoise La poésie de langue chinoise
Je voudrais devenir le père du plus grand poème de la Chine
Comme Homère pour la Grèce Dante pour l'Italie Goethe pour l'Allemagne
Cela fait longtemps que je veux devenir père Je suis sûr que je le deviendrai
Cela a toujours été le plus grand bonheur de l'humanité de devenir père

Évidemment, Haizi ne se contente pas de rester « prince » de la poésie, il veut en devenir roi. De plus, il a compris toutes les difficultés qu'il pourrait affronter sur ce long chemin. Il a même le courage d'endurer les ténèbres seul :

万人都要将火熄灭 我一人独将此火高高举起
此火为大 开花落英于神圣的祖国
和所有以梦为马的诗人一样
我藉此火得度一生的茫茫黑夜29

Des millions de gens veulent éteindre le feu Je lèverai tout seul ce feu bien haut
Ce feu est important Fleurir et faner dans le pays natal sacré
Comme tous les poètes qui rêvent de cheval
Grâce à ce feu je vivrai la nuit épaisse de toute la vie

Haizi considère les ténèbres et les souffrances sur le chemin de la création poétique comme les sources créatives et les trésors des poètes. Il partage son souhait profond dans un toast :

痛苦并非是人类的不幸
痛苦是全人类与生俱来的财富
痛苦产生了人类的老师 伟大的先知 产生了思想和艺术
朋友们,我的祝酒词是
愿你们一生 坎坷痛苦
不愿你们一帆风顺

[…]
我们今日相聚一堂 明日分手四方
唯有痛苦留在这漫长的道路上

唯有痛苦 使我们相互尊敬和赞叹
使我们保持伟大的友谊
唯有痛苦是我们永恒的财富30

La souffrance n'est pas la misère de l'humanité
La souffrance est le trésor inné de l'humanité
De la souffrance sont nés les maîtres de l'humanité Les grands prophètes De la souffrance sont
nés la pensée et l'art
Amis, je porte un toast :
Au lieu de vous souhaiter d’avoir le vent en poupe
Je vous souhaite des souffrances et des adversités tout au long de la vie

[…]
Aujourd'hui nous nous réunissons Demain nous partirons pour les quatre coins du monde
Seules les souffrances resteront sur ce long chemin


Seules les souffrances qui nous font nous respecter et nous extasier
Qui nous font entretenir notre grande amitié
Seules les souffrances sont nos trésors éternels

Comme nous l'avons déjà évoqué, Haizi se lie au soleil. Devenir le soleil, entrer dans le soleil avec sa poésie sacrée est son but ultime :

我的事业 就是要成为太阳的一生
他从古至今——“日”——他无比辉煌无比光明
和所有以梦为马的诗人一样
最后我被黄昏的众神抬入不朽的太阳31

Mon entreprise c'est de devenir le soleil pour toujours
De l'Antiquité à nos jours — le soleil — il a toujours été incomparablement splendide et lumineux
Comme tous les poètes à qui les rêves servent de cheval
Enfin je serai emporté jusqu’au cœur du soleil impérissable par les dieux dans le crépuscule

Haizi a même prévu de se sacrifier pour la poésie, pour le soleil :

太阳是我的名字
太阳是我的一生
太阳的山顶埋葬 诗歌的尸体——千年王国和我
骑着五千年凤凰的名字叫“马”的龙——我必将失败
但诗歌本身以太阳必将胜利32

Le soleil est mon nom
Le soleil est ma vie
Sur la cime du mont du soleil est enterré le cadavre de la poésie — le royaume millénaire et moi
Le dragon appelé « cheval » qui chevauche un phénix de cinq mille ans — Je suis condamné à
échouer
Mais la poésie elle-même remportera la victoire au nom du soleil

L’image du soleil commence à devenir très récurrente dans sa poésie. Ce poème est composé en 1987, en plein milieu de la création de Soleil. Sept livres. Si bien que Chen Chao remarque que l’état et l’ambition de la création poétique de ce poème résonnent avec ceux de Soleil. Sept livres, et en même temps annoncent le propre destin de Haizi33. Il faut noter que Chen a fait ce commentaire après le suicide de Haizi, qui a eu inévitablement sur ce dernier un effet rétrospectif. Il a même écrit que « Le pays natal » était emphatique, triste, solennel et sacré comme une épitaphe (有种墓志铭般的悲慨与圣洁34). Il le divise en trois mouvements. Dans un premier temps, Haizi annonce sa position basique en tant que poète et donne une nouvelle interprétation de la fonction de la poésie : la poésie est une élévation et une rédemption qui contrarie la chute originelle. Dans un deuxième temps, Haizi démontre sa propre compréhension du langage poétique. Il évoque non seulement le langage poétique, mais aussi le langage du pays natal, « le contexte du langage » (yujing 语境), « la généalogie du langage » (yuyan puxi 语言谱系) qui est transmis par les poètes chinois de génération en génération. Haizi veut aussi aller construire le langage du pays natal (去建筑祖国的语言) même s’il est conscient des difficultés et des impasses sur cette route de recherche. Dans un troisième temps, le jeune poète décrit sa grande ambition et le présage de son destin malheureux. Il met l’accent sur le fait qu’il est le fils de la terre. Il est mortel, « avec la vitesse irrésistible, inévitable de la mort » (带着不可抗拒的死亡的速度). Il sent que son projet est trop ambitieux pour être réalisé, donc il en a déjà honte, ce qui démontre l’anxiété du poète. Le jeune poète a même imaginé sa « renaissance » et sa « résurrection »35, son entreprise éternelle reste toujours de composer « une grande poésie, alliance de la nation et de l’humanité, de la poésie et de la vérité 民族和人类结合,诗歌和真理合一的大诗36 ». Bien que Soleil. Sept livres soit inachevé, Chen pense que ce grand poème est « achevé » dans un certain sens, « le poète l’a achevé en faisant de sa vie comme la révélation ultime » (诗人是以生命作为最后的启示录完成的) La vie est éphémère, « Mais la poésie elle-même remportera la victoire au nom du soleil37. »

Dans toute son œuvre, Haizi emploie très fréquemment le lexique relatif à la mort. Nous pouvons citer la récurrence des mots pertinents : « sang » (xue 血) 610 fois, « mort » (si 死) 489 fois, dont « mort » (siwang 死亡) 174 fois, « mort » (siren 死人) 8 fois, « bébé défunt » (siying 死婴) 3 fois, « mort » (wang 亡) 201 fois ; « tuer » (sha 杀) 118 fois, dont « tuer » (shachuo 杀戳) 1 fois ; « suicide » (zisha 自杀) 6 fois, dont « suicidé » (zishazhe 自杀者) 3 fois, « processus du suicide » (zisha guocheng 自杀过程) 1 fois, « suicidé » (zisha shenwang 自杀身亡) 1 fois, « j'ai failli me suicider » (wo chayidian’r zisha le 我差一点儿自杀了) 1 fois ; « cadavre » (shi 尸) 97 fois, dont « cadavre » (shiti 尸体) 63 fois ; « cercueil » (guancai 棺材) 24 fois, sans compter d'autres verbes pertinents par exemple « enterrer », « pourrir ». De « L'aube » (Liming 黎明), composé le 22 février 1989 jusqu'au dernier poème de Haizi « Au printemps, dix Haizi » (Chuntian, shige Haizi 春天,十个海子 », écrit le 14 mars 1989, pendant seulement une vingtaine de jours, les images de la mort comme « corps coupé » (pikai de zhiti 劈开的肢体), « douleur coupée » (pikai de tengtong 劈开的疼痛), « tête coupée tachée de sang » (duantou liuxue 断头流血) sont très intenses dans ses poèmes, ce qui préfigure la catastrophe finale.

Même s'il n'y a pas de mots appartenant au champ lexical de la mort dans certains poèmes, la mort y est tout de même un thème caché, ce qui le rend plus prégnant. Prenons le poème le plus commenté de Haizi comme exemple : Face à la mer (面朝大海,春暖花开), écrit en janvier 1989, deux mois avant son suicide. Il a été choisi plus tard pour représenter la nouvelle poésie chinoise contemporaine dans les manuels de chinois au lycée38, ce choix reste discutable aujourd’hui non pas à cause de la qualité du poème mais en raison du suicide du poète. Car le manuel est censé transmettre des savoirs optimistes aux lycéens, alors qu’il ne peut éviter d’aborder la question de la mort de Haizi. Qui plus est, ce poème peut donner lieu à des interprétations très divergentes :

从明天起,做一个幸福的人
喂马,劈柴,周游世界
从明天起,关心粮食和蔬菜
我有一所房子,面朝大海,春暖花开

从明天起,和每一个亲人通信
告诉他们我的幸福
那幸福的闪电告诉我的
我将告诉每一个人

给每一条河每一座山取一个温暖的名字
陌生人,我也为你祝福
愿你有一个灿烂的前程
愿你有情人终成眷属
愿你在尘世获得幸福
我只愿面朝大海,春暖花开39

Dès demain, je m'engage à être un homme heureux :
nourrir les chevaux, fendre le bois, parcourir le monde
dès demain, j'aurai souci du grain et des légumes
je posséderai une maison, face à la mer
au printemps doux s'ouvrent les fleurs

dès demain j'écrirai à tous mes proches,
je leur dirai mon bonheur
ce que l'éclair de cette félicité m'a dit
à chaque homme je le dirai

pour chaque rivière, pour chaque montagne je choisirai
un nom qui tiendra chaud
Étranger ! Sur toi aussi j'appelle les faveurs du ciel
je te souhaite un avenir éclatant,
que tu sois lié à jamais à celle que tu aimes,
qu'en ce monde de poussière tu captures le bonheur
pour moi, je veux seulement que face à la mer
au printemps doux s'ouvrent les fleurs40

En apparence, ce poème est rempli du bonheur du poète : « nourrir les chevaux, fendre le bois, parcourir le monde », de sa vision optimiste de la vie : « pour chaque rivière, pour chaque montagne je choisirai / un nom qui tiendra chaud » et de ses souhaits chaleureux envers l’« étranger », autrement dit, tout le monde. Cependant, si nous regardons de plus près, nous pouvons découvrir une autre facette, sombre, cachée sous cette lumineuse couleur de surface. Tout d'abord, le bonheur du poète n'arrivera que « demain », mais n'est pas encore là « aujourd'hui ». Le poète abandonne le présent et met tous ses espoirs dans un hypothétique lendemain. Deuxièmement, le poète souhaite que tout le monde puisse capturer le bonheur, mais il situe ce bonheur dans « ce monde de poussière ». Autrement dit, le poète vit en dehors de ce monde, il veut vivre dans un ailleurs, dans un monde de l'esprit. Troisièmement, le poète ne veut pas trouver du bonheur dans ce monde de poussière, il ne s'inclut pas dans les souhaits qu'il émet pour « l'étranger ». Il veut seulement que « face à la mer / au printemps doux s'ouvrent des fleurs ». D'après l'étude de Liao Yuan, la première petite amie de Haizi l'avait informé qu'elle partait aux États-Unis. Pour ce faire, elle devait franchir la mer, l'océan Pacifique. C'est pourquoi l'image de la mer abonde dans les derniers poèmes de Haizi, par exemple :

献给太平洋
Pour l'océan Pacifique

我的婚礼染红太平洋
我的新娘是太平洋
连亚洲也是我悲伤而平静的新娘
你自己的血染红你内部孤苦的天空

上帝悲伤的新娘,你自己的血染红
天空,你内部孤独的海洋
你美丽的头发
像太平洋的黄昏

Mon mariage teint en rouge l'océan Pacifique
Ma jeune épouse est l'océan Pacifique
Même l'Asie est aussi ma jeune épouse triste et calme
Ton propre sang teint en rouge le ciel délaissé et malheureux de ton ciel intérieur

Jeune épouse triste de Dieu, ton propre sang teint en rouge
Le ciel, l'océan solitaire de ton intériorité
Tes beaux cheveux
Sont comme le crépuscule de l'océan Pacifique
Février 198941

C'est aussi pourquoi il prononce son vœu face à la mer. Mais malheureusement son vœu est irréalisable. Son premier amour est perdu et il ne peut le retrouver. « Face à la mer », au lieu d'être un poème rempli de bonheur et d'espoir, est au contraire un poème qui révèle la volonté du poète de quitter ce « monde de poussière » pour retrouver son vrai bonheur dans le paradis fleuri. C'est en réalité un poème de mort. Si le poète ne veut plus vivre dans ce monde, pourquoi veut-il trouver une maison ? Le critique Du Liang42 part, lui, d'une poétique imaginaire et propose une interprétation pour l'image de la maison : elle signifierait la tombe. Il pense que le poète a déjà décidé de se suicider lorsqu'il compose ce poème. Même s'il veut quitter ce monde, il n'oublie pas de souhaiter le bonheur pour tous les autres qui choisissent d'y rester, ce qui témoigne de sa miséricorde.

Aspect prophétique de la poésie de Haizi

Au lieu de développer ici tous les détails des images de la mort présentes sous la plume de Haizi, je me concentrerai sur un trait particulier et important, qui montre l'aspect prophétique de sa poésie. On considère généralement que Haizi s'est allongé sur des rails du train entre la passe Shanhai et le village de Longjia (qui se trouve à la frontière entre la province du Hebei et la municipalité de Pékin) le 26 mars 1989 vers dix-sept heures trente. Nous nous pencherons sur la ressemblance entre les images de la mort dans la poésie de Haizi et celles de son suicide réel, afin de montrer cet aspect prophétique étonnant.

Premièrement, Haizi a déjà choisi la saison de la mort dans sa poésie. C'est le printemps :

春天的时刻上登天空
舔着十指上的鲜血
春天空空荡荡
培养欲望 鼓吹死亡
[…]
春天,残酷的春天
每一只手,每一位神
都鲜血淋淋
撕裂了大地胸膛
[…]
太阳的波浪
隐隐作痛
我进入太阳
粗糙而光明43

Au printemps monter dans le ciel
Léchant le sang frais sur les dix doigts
Le printemps est très vide
Cultivant le désir Chantant la mort
[…]
Le printemps, le printemps cruel
Chaque main, chaque dieu
Est taché de sang
Déchirant la poitrine de la terre
[…]
Les vagues du soleil
Vaguement douloureux
J'entre dans le soleil
Grossier et lumineux

Outre la saison, Haizi a également choisi le mois pour mourir :

我寂寞地等,我阴沉地等
二月的雪,二月的雨
[…]
圣书上卷是我的翅膀,无比明亮
有时像一个阴沉沉的今天
圣书下卷肮脏而欢乐
当然也是我受伤的翅膀
荒凉大地承受着更加荒凉的天空

我空荡荡的大地和天空
是上卷和下卷合成一本
的圣书,是我重又劈开的肢体
流着雨雪、泪水在二月44

J'attends silencieusement, j'attends sombrement
La neige de février, la pluie de février
[…]
Le premier volume du livre sacré est mon aile, incomparablement lumineux
Parfois comme un aujourd'hui sombre
Le deuxième volume du livre sacré est sale et joyeux
C'est aussi bien sûr mon aile blessée
La terre désolée supporte le ciel plus encore désolé

Ma terre et mon ciel vides
Sont le livre sacré composé de deux volumes
Sont mon corps coupé de nouveau
Coulent la pluie, la neige et les larmes en février

Haizi s'est suicidé le 26 mars, soit le 19 février selon le calendrier lunaire. Son corps a été coupé en deux. Haizi a non seulement choisi la saison et le mois, mais aussi le moment de la journée, au crépuscule :

一夜之间,草原如此深厚,如此神秘,如此遥远
我断送了自己的一生
在北方悲伤的黄昏的原野45

Pendant la nuit, la steppe est si profonde, si mystérieuse, si lointaine
J'ai ruiné ma vie
Au crépuscule triste du Nord à la campagne

Une autre occurrence :

众神的黄昏 杀戮中 最后的寂静46

Le crépuscule des dieux Dans le massacre Le silence final

Troisièmement, le lieu du suicide :

太阳神之车在地上的道47

La voie terrestre du char du Dieu du soleil

Cette image évoque l'image des rails du train.

Quatrièmement, le mode du suicide. Haizi a mentionné plusieurs façons de mourir dans sa poésie : se noyer, se jeter depuis une falaise, se pendre, empoisonner, le meurtre, et « Écrasé par les roues de soleil d'une manière grandiose ».

Le vers « 我的太阳之轮从头颅从躯体从肝脏轰轰辗过 / Mes roues solaires ont écrasé le crâne, le corps et les entrailles d'une manière grandiose » se retrouve six fois dans Soleil.Sept livres, ce qui montre son importance.

Haizi s’interroge ainsi :

我们 活到今日总有一定的缘故 兄弟们
我们在落日之下化为灰烬总有一定的缘故
我们在碾碎我们的车轮上镌刻了多少易朽的诗?
又有谁能记清 每个人都有一条命
——活到今日。我要问。是谁活在我的命上48

Il y a certainement une raison pour laquelle nous sommes vivants jusqu'aujourd'hui Frères
Il y a certainement une raison pour laquelle nous devenons des cendres au coucher du soleil
Combien de poèmes éphémères avons-nous gravés sur les roues du char qui nous a réduits en poussière ?
Qui peut mémoriser tous les détails Chacun a une vie
— vivant jusqu'aujourd'hui. Je voudrais savoir : Qui vit sur ma vie ?

Bien que la création soit dure, Haizi préfère affronter les défis tout seul, il répète plusieurs fois dans « Soleil. Drame poétique » : « 我决定独自度过一生 / J'ai décidé de vivre ma vie tout seul ». Dans sa poésie, Haizi est comme un croyant et un pèlerin. Finalement, Haizi a décidé d'aller « pourrir dans le sang de Dieu49. » « 幻象的死亡 / 变成了真正的死亡50/ La mort visionnaire / S'est transformée en mort véritable ».

太阳之轮从头颅从躯体从肝脏轰轰辗过。
火红的 烧毁天空的
烈火的车子
在空中旋转51

Les roues de soleil ont écrasé le crâne, le corps, les entrailles d'une manière grandiose.
Rouge feu Le char enflammé
Tourne dans le ciel
En le brûlant

Haizi a prévu non seulement sa mort, mais aussi sa résurrection dans le dernier poème de sa vie :

春天,十个海子全部复活
在光明的景色中
嘲笑这一个野蛮而悲伤的海子
你这么长久地沉睡究竟为了什么52

Au printemps, dix Haizi ont ressuscité
Dans le paysage lumineux,
Ils se moquent de ce Haizi sauvage et triste
Pourquoi as-tu dormi profondément pendant si longtemps ?

Haizi a aussi laissé des énigmes dans ses textes, surtout dans Soleil, par exemple : « Vous connaissez le moi et le paysage que je chante, mais pas mon ciel, mon soleil, et les choses dans le soleil53. »

那些肉体上驾驶黑夜战车的太阳之人 太阳中的人
到底是谁呢54

Les hommes de soleil qui conduisent le char de la nuit sur les corps Les hommes dans le soleil
Qui sont-ils en fin de compte ?

Conclusion

Mourir
Est un art, comme toute autre chose.
Je le fais exceptionnellement bien.
Je le fais au point d'éprouver le sentiment de l'enfer.
Je le fais au point d'éprouver le sentiment de la réalité.
Vous pourriez, j'imagine, dire que j'ai la vocation.
Sylvia Plath

Xichuan a dit que « la mort de Haizi sera une des légendes de notre époque55 ». Une vingtaine d'années après le suicide de Haizi, son œuvre est rééditée, les étudiants de l'université de Pékin ont mis en scène « Soleil. Tuer » (Taiyang. Shi 太阳。弑), qui a eu du succès. Ses admirateurs se rendent en pèlerinage au village natal de Haizi. Depuis son entrée dans les manuels de lycée, Haizi est connu partout en Chine, et même dans quelques pays étrangers où il y a des traductions. Nous pourrions dire que Haizi est ressuscité.

Le suicide de Haizi a attiré l’attention du grand public chinois, mais la plupart des gens sont curieux de sa personne et non de sa poésie. Les articles sur son suicide sont très nombreux et un professeur de droit de l’université de politique et de droit de Pékin a même écrit un très long article dans lequel il essaie de déchiffrer les tenants et les aboutissants de la mort de Haizi56. La figure du poète Haizi est ainsi devenue un mythe.

Les raisons de cette mythification pourraient être liées au phénomène du « culte de la poésie » longuement développé par Michelle Yeh, et que je résume ainsi : le culte de la poésie fait référence au phénomène, et discours associé, apparu dans les années 1980 et 1990, et qui confère à la poésie une signification religieuse et cultive l’image du poète comme un prêtre de la poésie. Pour beaucoup de poètes d’avant-garde contemporains, la poésie n’est pas seulement un projet personnel, mais est élevé comme un idéal de vie, une foi religieuse. L’environnement politique répressif de l’époque contraste avec la politique économique libérale menée depuis le début des années 1980. Pour certains poètes la poésie est aussi un moyen de lutter contre cette politique, ou simplement de montrer le résultat de l’aliénation des humains par l’économie de la marchandise57. Pour toutes ces raisons, le phénomène de la mythification du suicide de Haizi n’a pas disparu en Chine.

La mort de Haizi appartient bien au modèle de « la mort du poète » classique : du point de vue de son métier de poète, nous ne pouvons pas attribuer totalement la raison de sa chute à ses conditions de vie, mais plutôt à la pression qu'impose la langue chinoise aux poètes dans la rapide maturation de la poésie chinoise contemporaine à partir des années 1980. D'après le poète et critique Zang Di :

La force principale qui entraîne la mort du poète ne provient pas des facteurs relatifs au caractère ni à la psychologie, mais au désir envers la langue. Dans un contexte historique où l'écriture est manipulée, normalisée, tentée par l'intérêt et méprisée, la relation du poète avec la langue tend à devenir stricte et tendue, comme un pacte prédestiné. Dans la foi et le sentiment du poète, son accomplissement personnel, mais aussi celui de la nation entière, dépend de l'écriture. Par conséquent, une sorte d'angoisse de la langue est fondue dans le processus d'écriture, et en même temps infiltrée dans le trajet de la vie. Évidemment, la mort du poète, si nous sommes dans l'obligation de la regarder comme une tragédie, sa substance est la tragédie de la langue.

诗人之死的助推力主要不是由性格和心理因素产生的,而是对语言的欲望产生的。在一个写作被干预、被规范、被利诱、被蔑视的历史境况中,诗人和语言的关系趋于严密和紧张,变得像一种命定的契约。在诗人的信仰和感觉中,不仅是诗人自己的生命本质,甚至于整个民族的本质都有赖于写作来完成。于是,一种语言的焦虑融进了写作的过程,同时也渗透了生命的旅程,显然,诗人之死,如果非要用悲剧的眼光来看待的话,那么它的实质是语言的悲剧58

Notes de bas de page numériques

1 Note de Haizi retrouvée dans son appartement après son suicide par Xichuan.

2 « Lettre à Paul Demeny », écrit à Charleville, 15 mai 1871, in Œuvres complètes de Rimbaud, GF, p. 96.

3 Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, Paris, Gallimard, 1961, p. 17.

4 Haizi, Haizi shi quanji 海子诗全集 (Œuvres complètes de Haizi), édition de Xichuan 西川编, Beijing, Zuojia chubanshe, 2009, p. 621. Quand le nom du traducteur n’est pas indiqué, il s’agit de ma propre proposition de traduction.

5 Joseph S. M. Lau, « The courage to be: suicide as self-fulfilment in Chinese History and Literature », Tamkang Review, vol. 19, Nos 1-4 (Autumn 1988-Summer 1989), p. 716.

6 Chen Chao, Re'ai, shide, p. 30.

7 Xichuan, « Siwang houji » (Écrit après la mort), Haizi shi quanji, p. 1166.

8 À partir de l’année 1976, qui correspond à la fin de la Révolution Culturelle.

9 Le ciel en fuite : anthologie de la nouvelle poésie chinoise, établie et trad. par Chantal Chen-Andro et Martine Vallette-Hémery, Belval : Circé, 2004 ; Anthologie de la poésie chinoise, publiée sous la direction de Rémi Mathieu, Paris, Gallimard, 2015.

10 Haizi shiquanji (Œuvres complètes de Haizi), édition de Xichuan, Beijing, zuojia chubanshe, 2009.

11 La littérature chinoise d'avant-garde est un courant littéraire qui a émergé dans les années 1980, influencé par le modernisme occidental. Un groupe d'écrivains essaye de renouveler la littérature chinoise en brisant les normes et les traditions qui imprègnent largement le monde littéraire chinois. Ils ne cessent de créer de nouveaux styles et abordent des sujets sensibles qui ont été négligés ou interdits auparavant. L’œuvre des avant-gardistes est en rupture avec la littérature chinoise de la période maoïste. Leur but est de bouleverser les lecteurs influencés par la tradition et de défier le credo et les dogmes traditionnels concernant la littérature et la culture chinoises.

12 Michelle Yeh, « The “Cult of Poetry” in Contemporary China », The Journal of Asian Studies, vol. 55, No. 1 (Feb., 1996), p. 57. « The sense of crisis is a salient feature of avant-garde poetry throughout the post-Mao period. Its presence may or may not be understood as a response to specific political mouvements (e.g., the Anti-Spiritual Pollution Campaign of 1983-84, the Anti-Bourgeois Liberalization Campaign of 1987, and the Tiananmen Massacre of 1989), although there is no denying that many of the avant-garde poets experienced the Cultural Revolution as youngsters and have been involved, even as targets of criticism or victims of persecution, in post-Mao political mouvements […] I would argue, instead, that the sense of crisis among the avant-garde poets is derived from deeper sources of repression and alienation that are not only political, traceable at least to the Cultural Revolution, but also economic and cultural. »

13 Haizi, « Bronze de l’Asie », Haizi shiquanji, écrit en octobre 1984, p. 3.

14 Tan Dejing, Haizi shuqingshi jingjie 海子抒情诗精解 (Analyse approfondie de la poésie lyrique de Haizi), Anhui wenyi chubanshe, p. 2.

15 Tan Dejing, Analyse approfondie de la poésie lyrique de Haizi, p. 4.

16 Haizi shiquanji, pp. 83-84.

17 Tan Dejing, Analyse approfondie de la poésie lyrique de Haizi, pp. 106-107.

18 Tan Dejing, Analyse approfondie de la poésie lyrique de Haizi, p. 107.

19 Haizi shiquanji, pp. 143-144.

20 Tan Dejing, Analyse approfondie de la poésie lyrique de Haizi, pp. 151-152.

21 Tan Dejing, Analyse approfondie de la poésie lyrique de Haizi, p. 154.

22 Maghiel van Crevel, Chinese Poetry in Times of Mind, Mayhem and Money, Brill, 2008, p. 125.

23 Chen Chao, Ershi shiji zhongguo tansuoshi jianshang 二十世纪中国探索诗鉴赏(Commentaires sur la poésie exploratrice chinoise du XXe siècle),Hebei renmin chubanshe,p. 1155.

24 Chen Chao, Commentaires sur la poésie exploratrice chinoise du XXe siècle, p. 1155.

25 Haizi shiquanji, pp. 1029-1030, écrit le 18 novembre 1986.

26 Xichuan, « Siwang houji », Haizi shiquanji, p. 1165.

27 Haizi shiquanji, pp. 1031-1032.

28 « Eloge pour l’anniversaire »《生日颂》(或生日祝酒词)——给理波并同代的朋友 (écrit pour Libo et ses amis contemporains), Haizi shiquanji, p. 1141.

29 « Zuguo (huo yi meng wei ma) 祖国(或以梦为马) » (Le pays natal (ou Cheval de rêve) ), Haizi shiquanji, p. 434.

30 « Éloge pour l’anniversaire », Haizi shiquanji, pp. 1138-1143, écrit le 17 septembre 1987, retranscrit le 20 septembre 1987.

31 « Le pays (ou Cheval de rêve) », Haizi shiquanji, p. 435.

32 « Le pays (ou Cheval de rêve) », Haizi shiquanji, p. 436.

33 Chen Chao, Commentaires sur la poésie exploratrice chinoise du XXe siècle, p. 1158.

34 Chen Chao, Commentaires sur la poésie exploratrice chinoise du XXe siècle, p. 1159.

35 Si je renaissais sur les rives du pays natal après mille ans […] Je choisirais la cause éternelle 千年后如若我再生于祖国的河岸[…]我选择永恒的事业, « Pays natal », Haizi shiquanji, p. 435.

36 Chen, Commentaires sur la poésie exploratrice chinoise du XXe siècle, pp. 1159-1160.

37 Chen, Commentaires sur la poésie exploratrice chinoise du XXe siècle, p. 1161.

38 海子 :《面朝大海,春暖花开》,载全日制普通高级中学教科书(必修)《语文》(第一册),人民教育出版社2003 版。(Ce poème est présent dans le manuel officiel de chinois du lycée, renmin jiaoyu chubanshe, 2003.)

39 Haizi, « Face à la mer », Haizi shiquanji, p. 504.

40 Traduction de Chantal Andro-Chen, Le ciel en fuite : anthologie de la nouvelle poésie chinoise, établie et trad. par Chantal Chen-Andro et Martine Vallette-Hémery, Belval : Circé, 2004, p. 182, le poème est daté du 13 janvier 1989. (J’ai modifié légèrement la traduction.)

41 Haizi shiquanji, p. 543.

42 Du Liang 杜梁,《《面朝大海,春暖花开》的三重解读——兼及一种想象诗学》(Trois façons de lire Face à la mer – une poétique imaginaire), Journal de l'Université de l'éducation de Ningbo, Volume 15, n° 3, juin 201, p. 45.

43 Haizi, « Printemps », pp. 529-533.

44 Haizi, « Aurore (poème II) », pp. 508-509.

45 Haizi, « Pourquoi les fleurs sont si rouges », pp. 491-492.

46 Haizi, « Soleil. Sept livres », p. 727.

47 Haizi, « Soleil. Sept livres », p. 899.

48 Haizi, « Soleil. Sept livres », p. 903.

49 Haizi, « Soleil. Sept livres », p. 913.

50 Haizi, « Soleil. Sept livres », p. 911.

51 Haizi, « Soleil. Sept livres », p. 928.

52 Haizi, « Au printemps, dix Haizi », p. 540.

53 Haizi, « Soleil. Sept livres », p. 930.

54 Haizi, « Soleil. Sept livres », p. 930.

55 Xichuan, « Ecrit après la mort », Haizi shiquanji, p. 6. 

56 Xiong Jining 熊继宁, « Haizi zhisi de zhengjuxue miqu (shang) 海子之死的证据学迷区(上) » (Les mystères autour des preuves de la mort de Haizi, I), in Zhengju kexue 证据科学 (Evidence Science), vol. 18, No° 2, 2010, pp. 133-233.
Xiong Jining 熊继宁, « Haizi zhisi de zhengjuxue miqu (xia) 海子之死的证据学迷区(下) » (Les mystères autour des preuves de la mort de Haizi, II), in Zhengju kexue 证据科学 (Evidence Science), vol. 18, No° 3, 2010, pp. 261-328.

57 Michelle Yeh, « The “Cult of Poetry” in Contemporary China », The Journal of Asian Studies, vol. 55, No. 1 (Feb., 1996), pp. 52-59.

58 Zang Di,《犀利的汉语之光——论戈麦及其诗歌精神Xili de hanyu zhi guang – lun Gemai ji qi shige jingshen》(La lumière tranchante du chinois – De Gemai et son esprit poétique), Gemai shiquanji, p. 466.

Pour citer cet article

Junxian Liu, « Poétique de la mort chez Haizi (1964-1989) : un poète chinois contemporain suicidé », paru dans Loxias, 58., mis en ligne le 03 septembre 2017, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=8719.

Auteurs

Junxian Liu

Liu Junxian, après avoir étudié l'esthétique de la mort dans l'ensemble de l’œuvre de l'écrivain Yu Hua dans son mémoire de master, prépare actuellement une thèse à l'INALCO, intitulée « Poétique de la mort chez les poètes chinois suicidés, de Haizi (1964 - 1989) à Chen Chao (1958 - 2014) », sous la direction de Mme Isabelle Rabut et de M. Rainier Lanselle. Son domaine de recherche est la littérature chinoise contemporaine.