Loxias | 56. Éloge des ‘Peuples premiers’ en Amérique | I. Eloge des 'peuples premiers' en Amérique
Yaël Pouffary :
Emily Dickinson et les Indiens d’Amérique
Résumé
Emily Dickinson est connue pour son style précurseur de la poésie moderne américaine, mais certaines origines de son inspiration restent encore méconnues. Elle avait une vision transcendantaliste de la vie. Ainsi, la question de l’impact des Indiens d’Amérique sur les écrits et la vie du poète se pose. Dans cette étude, en observant et en analysant des événements de sa vie, son choix très sélectif d’amis, ses lectures et ses poèmes, une réponse peut être apportée quant à la vision qu’Emily Dickinson porta sur cette ethnicité.
Abstract
Emily Dickinson is known for her pre-modern poetry, but the origins of her inspiration have not yet been entirely established. She had a transcendentalist vision of life. Therefore, one may wonder if Native Americans had an impact on her life and her work, and if so, to what extent? In this study, by leaning on and analyzing some events of her life, her selective group of friends, her readings and her poetry, a frame to Emily Dickinson’s vision of this ethnicity will be offered.
Index
Mots-clés : Amérindiens , Amérique, Dickinson (Emily), Indiens
Géographique : États-Unis
Chronologique : XIXe siècle
Plan
- Introduction
- Un contexte historique et familial très marqué
- Des ancêtres partiaux
- Une famille engagée
- Une division sociétale marquée
- Un choix personnel
- A Mount Holyoke
- Dans le quotidien
- À travers des rencontres fondées sur la diversité
- Visions plurielles
- Helen Hunt Jackson
- Le transcendantalisme et Ralph Waldo Emerson
- Samuel Bowles
- Conclusion
Texte intégral
Introduction
1Dès son entrée dans le monde de la littérature, Emily Dickinson devint rapidement une référence. Il est acquis qu’elle a été l’une des fondatrices de la poésie moderne et elle continue, encore aujourd’hui, à connaître une notoriété exponentielle aux Etats-Unis et par-delà les différents continents. Par la diversité qu’elle a incarnée, son audace, ses voix métaphoriques et son imagination de destinations aussi infinies que celles décrites par Ismaël lors de ses voyages à bord du Pequod1, l’œuvre d’Emily Dickinson est précurseur de la poésie moderne américaine. Cependant, elle ne fut réellement connue et reconnue qu’après sa mort et seulement une dizaine de ses 1 789 poèmes furent publiés de son vivant dont la plupart de façon anonyme. Emily Dickinson écrivait à l’abri des regards et cette femme était connue de son vivant essentiellement pour son extravagance2 et surtout sa passion pour la nature3. Pour autant, un poème portera éternellement l’empreinte de celui ou celle qui le conçoit et cela même si ce poète s’obstine à clamer que la plupart de ses poèmes n’étaient pas centrés sur lui ou basés sur sa pensée. Dans les faits, le temps a prouvé que nombre d’entre eux pouvaient être reliés à l’auteur sans hésitation et de telles proclamations de la part du poète ont été exprimées probablement par souci d’autoprotection. Emily Dickinson réussissait par son style si unique à parfaitement dissimuler son opinion personnelle sur ce sujet. Ses créations ont le pouvoir d’absorber le lecteur et de le propulser dans le monde du poète. Elle parvient à l’exposer entièrement à son point de vue. Ses créations pourraient être qualifiées d’organiques, telles des plantes dont nul ne peut prévoir ni prédire de quelle façon celles-ci évolueront. Par son écriture moderne et son approche originale, où la ponctuation, les sons et les métaphores prennent le dessus sur l’expression grammaticale, il est légitime de se questionner sur les sonorités, les langages et les ethnicités qui ont pu influencer une telle liberté d’expression. Avec son insistance à faire évoluer le langage par son perfectionnisme insatiable, ses poèmes sont devenus aussi cryptiques que la nature qui l’entourait même si leurs messages peuvent être cohérents pour toute personne sachant reconnaître les signes. Ce poète solitaire (mais non-isolé), sensible, libre dans son art et iconoclaste ne s’exprima jamais directement sur la question amérindienne alors que par ses actes, ses lettres et ses poèmes, il est possible de déceler une réponse suffisamment aboutie sur ce point.
Un contexte historique et familial très marqué
2De nos jours, dans la pensée collective, la Nouvelle Angleterre est rarement associée aux Indiens d’Amérique alors que, comme pour l’intégralité du continent américain, son histoire est liée à des groupes de colons fuyant le vieux continent et qui, à un moment donné, ont décidé de rentrer en guerre avec les indigènes vivant sur des territoires devenus objets de convoitise. Il est impossible d’imaginer qu’Emily Dickinson n’était pas pleinement consciente de la fracture sociale et du dédain généralisé pour ces Indiens autochtones qui vivaient différemment de ces immigrés arrivés d’Europe. En outre, ce sujet revenait régulièrement dans les journaux et Emily Dickinson lisait avidement la presse locale tel The Atlantic et The Springfield Republican4. Celui-ci s’était aussi immiscé dans les débats familiaux même lorsque la famille Dickinson recevait des invités, ce qui était souvent le cas car le père d’Emily était un politicien très impliqué dans la vie politique du Massachusetts.
Des ancêtres partiaux
3Lorsqu’Emily Dickinson est née, Amherst était une petite ville déjà bien développée, peuplée d’hommes blancs en grande partie fermiers ou agriculteurs. Ce comté était provincial, assez loin, pour l’époque, de la réalité et de l’agitation de Boston. Les générations de Dickinson, les ancêtres d’Emily, avaient fait partie des créateurs de la ville. Les Dickinson étaient connus pour leur rigueur et leur fermeté. Lorsque Nathaniel et Ann Gull Dickinson arrivèrent avec leurs enfants sur le continent américain dans les années 1630, ils s’installèrent rapidement avec d’autres familles dans le comté de la tribu des Norwottucks. Nathaniel fut l’un des piliers fondateurs de cette communauté mais, lorsque la guerre éclata entre les indigènes et les Anglais, ils furent obligés de fuir davantage vers l’ouest du Massachusetts et s’installèrent dans une ville limitrophe considérée comme particulièrement impitoyable et violente, nommée Amherst. La ville fut ainsi nommée en l’honneur de Lord Jeffrey Amherst, personnage historique qui proposa l’idée d’offrir des couvertures infectées du virus de la variole aux Indiens afin de les exterminer. L’idée se répandit comme une traînée de poudre et l’histoire a malheureusement prouvé que dans de nombreux États5 cette technique sournoise et inhabituelle fonctionna. Cet épisode est d’ailleurs répertorié par les historiens comme une attaque biologique.
Une famille engagée
4Trois ans avant la mort d’Emily, en 1883, au cours d’une réunion familiale réunissant les descendants de Nathaniel Dickinson, la fierté guerrière, surtout face aux Indiens, se proclamait toujours sans honte. Ce jour-là, sur la scène principale de la fête, trônait au premier plan un fusil ayant appartenu au clan Dickinson et qui était réputé pour avoir servi à tuer de nombreux Indiens6. Emily ne se rendit pas à cette réunion familiale. De la même façon, en 1859, elle refusa d’accompagner son père qui fit un discours en l’honneur des deux cents ans de la ville de Hadley, ville où leur ancêtre Nathaniel était l’un des fondateurs et combattants des Indiens vers 16757. Dans l’un de ses poèmes « Ma Vie était – un Fusil Chargé –8 » il semblerait que le poète, ou du moins le narrateur du poème qui de façon récurrente est assimilé au poète par les chercheurs9, se trouve être le fusil qui subit la mort sans émotion, de façon aussi impersonnelle que l’objet inanimé lui-même. Dans ce poème, le lecteur est projeté dans l’acte de tuerie comme un fait banal, ce qui déclenche, par ailleurs, chez le lecteur un sentiment de malaise. Le fusil familial précédemment décrit s’impose immédiatement à l’esprit à la lecture de ce poème. Ceci est sans aucun doute un effet intentionnel recherché par la poète. Susan Howe dans My Emily Dickinson explique comment ce poème est limitrophe, détenteur de tragédie, porteur d’un message de pionnier laconique et d’une mélodie elle-même chargée de tristesse10.
Une division sociétale marquée
5En fait, tout au long de la vie d’Emily Dickinson, cette dernière aura pu constater la « force » anglo-saxonne très marquée par-delà le continent et très présente dans sa région. Dans une lettre écrite par une résidente d’Amherst, celle-ci décrit une scène où un Indien et sa femme, habillés de « tous leurs costumes indiens » étaient venus en ville à leur chapelle et où leurs « bizarreries » avaient attiré beaucoup de monde11. La présence amérindienne est décrite ici comme un événement qui pourrait s’apparenter au cirque. Cela confirme ce sentiment général de l’homme dit « civilisé » sur les indigènes dans cette région au dix-neuvième siècle. Cet événement s’est déroulé en 1849. Emily Dickinson a très bien pu y assister ou, dans tous les cas, elle n’a pas pu en ignorer les échos au sein de son entourage. Par ailleurs, dans The Republican, quotidien qu’Emily Dickinson lisait régulièrement, l’un des éditeurs participa à une expédition contre les Indiens dans l’Etat du Minnesota. Un raid dont les détails furent relatés dans le journal publié le jour du cinquante-neuvième anniversaire de la mère d’Emily Dickinson, fait qui marqua le poète12. Pour témoigner de la réalité de l’époque sur la division des races, il faut également citer le sermon très tendancieux du révérend Charles Wadsworth dans un discours de Thanksgiving13 (jour férié en l’honneur des Indiens et des colons qui vinrent ensemble historiquement pour partager un repas) le jour du dixième anniversaire de la nièce d’Emily Dickinson. Lors de son prêche, le révérend fit une analogie entre la vie de certains et la nourriture qui naturellement au cours des saisons va et vient et qui ainsi pourrit forcément à un moment donné. Par ses métaphores insistantes, il désacralisait soudainement la mort, décriant cette dernière comme une vendange, affirmant que cette moisson devenait naturellement la préservation de la graine du futur !
Un choix personnel
6Dans ses choix de vie, Emily Dickinson se démarqua nettement de sa famille même si elle avait hérité du trait familial de rigueur dans ses choix engagés. Face à la question de la religion et donc, indirectement de son rapport avec les Indiens, cela n’était en aucun cas différent. Elle fit un choix, certes non-exprimé verbalement d’après les documents retrouvés, mais palpable dans ses actions et ses décisions de vie.
A Mount Holyoke
7Par exemple, lors de son année d’étude à Mount Holyoke, l’une des rares écoles d’enseignement supérieur réservée aux femmes et qui enseignait les sciences, la philosophie, les langues, l’histoire et les arts, les choses ne se déroulèrent pas comme prévu. Cette école était aussi un lieu qui dissimulait peu son objectif de développer la conscience religieuse de ses élèves afin de les former à être de bonnes épouses et les préparer à des missions charitables religieuses telles qu’aller « instruire » les Indiens pour les inciter à se convertir au christianisme14. Sur les 234 étudiantes inscrites, Emily Dickinson, ainsi qu’une vingtaine d’étudiantes, furent classées par l’école dans la catégorie des « sans-espoirs » car elles refusaient de s’engager dans cette voie religieuse. La pression religieuse fut telle que de nombreux chercheurs pensent que c’est la véritable raison pour laquelle elle n’y retourna pas l’année suivante, après les vacances d’été, ce malgré sa joie très prononcée d’apprendre et d’étudier. Pendant son temps de présence à Mount Holyoke, elle résista à cette pression religieuse pendant de nombreux mois et tomba malade pour, finalement, être obligée de rentrer chez elle à Amherst. Elle ne retourna plus jamais là-bas alors qu’il ne lui manquait que peu de temps pour terminer ses études. Cet épisode de sa vie démontre une forte volonté de rester fidèle à ce qu’elle croyait, à ce qu’elle ressentait au plus profond d’elle, malgré un environnement particulièrement religieux. Outre cela, il est utile de mentionner que Mount Holyoke se trouve juste au bord du Connecticut River, lieu qui, à l’époque, était un passage quotidien de rencontre et de pêche des Indiens de la région, les Norwottucks. Cette tribu vivait dans les alentours d’Amherst, Massachusetts et appartenait aux Pocumtucs, tribu habitant majoritairement dans l’ouest de l’État.
Dans le quotidien
8Cette rigueur dickinsonienne, le poète l’appliquait à deux autres domaines : la botanique et la pâtisserie ; son pain15 étant très connu dans tout le comté d’Amherst. Jusqu’à la trentaine, Emily participa à maints concours organisés notamment à l’occasion des foires locales. Elle s’y impliquait soit en tant que participante soit en tant que juge16 et elle avait d’ailleurs remporté avec fierté le second prix de pâtisserie à la foire locale en 1857. En botanique, son élément préféré était lié aux Indiens. Emily Dickinson considérait les fleurs sauvages comme la beauté ultime en matière de fleur. Un jour, vers la cinquantaine, on lui offrit une peinture de monotropes uniflores (cette peinture servira d’ailleurs à la couverture de la première édition des poèmes d’Emily Dickinson tant elles lui étaient chères)17. Ce cadeau lui fit écrire dans une lettre que, de tout temps, ces fleurs furent ses préférées. Au surplus, ces fleurs sont surnommées « pipes indiennes » et le seul emplacement dans la région où elles poussaient était à Rattlesnake Gutter, lieu se trouvant sur le chemin de Metacomet-Mandnock Trail qui mène directement à Mount Holyoke mais qui passe aussi par Mount Tom qui était le lieu principal de rassemblement des Indiens de la région18.
9Ces « pipes indiennes » apparaissent à deux reprises dans son œuvre. La première fois en 1871, dans un court poème19 où celles-ci sont employées de façon à décrire le manteau neigeux de l’hiver comme protection naturelle et immaculée20 de tous éléments vivants subissant cette saison intense. La seconde fois, dans un poème21 écrit quelques années avant sa mort, où cette fois-ci, c’est la transparence des « pipes indiennes » qui est exploitée et qui permet une métaphore avec « l’Air22 ». Celui-ci est témoin de la vision transcendentaliste d’Emily Dickinson et son habilité à percevoir tous êtres vivants comme enfants de la même Nature. Ainsi, une fois délaissés de leurs enveloppes humaines, ces êtres retournent vers cet élément invisible à l’œil nu mais très visible pour le poète, qui refuse apparemment de voir l’être humain divisé en ethnicités.
À travers des rencontres fondées sur la diversité
10Grâce un autre événement relaté par l’auteure elle-même, son ouverture vers autrui, peu importe son origine, apparaît évidente. Grâce à une lettre datant de mi-août 1880 envoyé à Thomas Wentworth Higginson, un ami éditeur qui fut également un abolitionniste23, on peut constater la compassion d’Emily Dickinson et sa capacité à ne pas voir l’être humain divisé en sous-partie de races ou d’ethnies mais comme un seul et même peuple, capable d’avoir des enfants, d’aimer, de créer et aussi de mourir. Dans cette lettre, elle lui raconte comment une mère amérindienne, avec son jeune garçon dans les bras se sont présentés à la porte de sa cuisine avec des paniers faits main. Elle les fit rentrer et eut une conversation avec la mère. Celle-ci lui expliqua que son enfant « était mort » une fois déjà mais que, dorénavant, il aimait marcher. Ce qui est frappant dans cette conversation c’est la révélation de la notion de circonférence et de renouvellement chez cette femme amérindienne. Ceci correspond parfaitement à ce que l’on peut lire dans les poèmes d’Emily Dickinson. Le poète exprima d’ailleurs, dans une de ses lettres, que son travail était concentré sur la notion de « la circonférence24 » c’est-à-dire qu’elle avait une vision circulaire de la vie, où tout arrive pour une raison comme dans la nature25, et de nombreuses leçons peuvent être apprises grâce à ce « mécanisme de résurrection26 ». Par exemple, elle considérait que comme une fleur, qui nait au printemps et meurt en hiver, pour ne revenir que plus belle la saison suivante, celle-ci doit expérimenter la mort pour que la beauté revienne. Ainsi, elle voyait certaines étapes de sa vie comme de « petites morts » pour en ressortir grandie, ce qui rappelle d’ailleurs l’hommage à la beauté dans Ode on a Grecian Urn de Keats, poète préféré d’Emily Dickinson. Le thème de la circularité de la vie est un thème particulièrement récurrent dans son œuvre. D’autre part, dans sa lettre, Emily Dickinson remarquait que cette femme se mit à se « quereller » avec un oiseau. Cela pourrait simplement être mis en parallèle avec une anecdote racontée par Emily Dickinson, dans une lettre en date de 1862 à son amie Madame Holland, dans laquelle elle relate comment elle avait eu un échange avec un oiseau. Dans cet entretien avec cet oisillon, elle lui demanda « pourquoi chanter puisque personne ne t’entend ? » et l’oiseau lui avait répondu « que sa raison d’être était de chanter ». Plus loin dans le même paragraphe, en lien avec cet événement, Emily Dickinson déclara que sa raison d’être est d’aimer27, sans y mentionner de restrictions particulières. Au contraire, elle semble étendre l’acte d’aimer à toutes choses, comme le préconise par ailleurs le Transcendantalisme.
11Si l’on considère cette situation du « panier » de la mère amérindienne se présentant à la porte de la cuisine du poète, où cette circonstance paraissait être un événement commun dans son quotidien, son poème « Le Mot Évasion est si gratifiant28 » peut prendre une dimension nouvelle. Dans ce poème, le panier est décrit comme le moyen d’échapper, de s’évader car il contient le cœur et, dans la première strophe, « Évasion29 » est mis en parallèle avec « gratifiant30 ». Si l’on songe que Dickinson liait ces paniers aux mères amérindiennes artistes qui les créaient malgré l’environnement peu bienveillant dans lequel elles vivaient, ce poème prend un sens tout autre qui peut aider le lecteur à observer certaines situations ou objets du quotidien d’une façon nouvelle : chargée d’âme et d’une humanité particulière. Aussi, cette « Évasion31 » fondée sur la diversité ethnique, elle la qualifie d’« attrape Cœur32 » et « de confiance33 ». Elle explique à travers ce poème que l’amour lié à ce panier est resté encré dans sa mémoire, qu’elle y repense souvent seule le soir et que ça lui permet de s’endormir avec de l’espoir. Mais on remarque tout de même, dans la deuxième strophe, qu’en parallèle elle parle de « rempart34 » d’où la « Vie35 » chute de façon tragique, ce qui atteste donc qu’Emily Dickinson était bien consciente de la réalité difficile, voire tragique de cette mère amérindienne. Cependant, dans la dernière strophe, le poète fait le choix de conclure sur une note d’espoir, basée sur l’amour qui mène au « Sauveur36 », plutôt que l’atrocité que l’homme peut infliger à l’homme à cause de problèmes raciaux ou basée sur la peur de ceux qui sont différents.
12Comme le rappelle Aife Murray37, au cours de sa vie, Emily Dickinson et sa famille eurent à peu près quatre-vingts employés qui vinrent travailler sur leur propriété, tous de nationalités ou d’ethnicités différentes (irlandaises, africaines, amérindiennes, etc.) et la cuisine était un lieu où la diversité du langage se développait pleinement. C’était aussi la pièce où Emily aimait passer beaucoup de son temps, témoignant une fois encore de son ouverture vers l’humain au sens le plus large et de son amour universel.
13Tous ces faits qui se déroulèrent à différents moments de sa vie, une fois rassemblés, permettent d’apporter des éléments de réponses quant à la perception d’Emily Dickinson des Indiens d’Amérique. Elle était une artiste dans l’âme et ne faisait jamais de choix sans qu’ils ne soient pleinement réfléchis. Sa sœur Lavinia disait d’ailleurs d’Emily qu’elle « pensait » et que c’était son unique but dans la vie38. Dans le même esprit, il est certain que son choix très sélectif de son cercle d’amis va permettre de mettre en lumière sa compassion envers les Indiens.
Visions plurielles
14« Celui qui marche avec les sages deviendra sage39 » est une affirmation qu’Emily Dickinson a dû lire maintes fois. Cette phrase se trouve dans la Bible King James qui est la seule lecture qu’elle eut le droit d’avoir dans sa maison jusqu’à ce qu’elle devienne jeune adulte. Il semblerait que ce fut un proverbe qu’elle garda en mémoire pour l’appliquer à sa propre vie. Cela se constate par ses réactions aux histoires impliquant des Amérindiens au cours de la seconde moitié de sa vie.
Helen Hunt Jackson
15Parmi ses amies, ce trouvait Helen Hunt Jackson. Elles devinrent des correspondantes fidèles jusqu’à la mort de Jackson malgré les nombreux voyages de cette dernière et le fait qu’Emily Dickinson se soit retirée de la société, du moins physiquement. Helen Hunt Jackson avait également grandi à Amherst mais, après la mort de tous les membres de sa famille dont son premier mari et son enfant, elle était partie vers l’Ouest pour se soigner de la tuberculose à Colorado Springs dans le Colorado. Elle s’y installa puis s’y remaria. Elle était écrivaine et poète. Là-bas, elle découvrit sa véritable raison de vivre : elle prit fait et cause pour les Indiens à partir de l’âge de quarante-huit ans. Tout commença quand elle fut profondément touchée par le témoignage du Chef Standing Bear de la tribu Ponca de la région du Nebraska. Il venait d’obtenir sa liberté en justice face à la cour fédérale en prouvant que les Indiens étaient aussi en droit d’être protégés par la Constitution américaine. Cette affaire Standing Bear V. Crook créa une jurisprudence. Ce témoignage la décida à se mettre à défendre les injustices infligées aux Indiens. Elle se mit à rechercher et à répertorier tous les massacres présents et passés infligés aux Indiens. Cela comprenait également le non-respect des blancs de certains traités de paix ou les abus de l’armée et du bureau des Affaires Indiennes. Pendant longtemps, elle ne réussit pas à faire changer l’opinion publique ou même celle des élus. En 1881, elle publia un livre regroupant toutes ses recherches, A century of Dishonor: A sketch of the United States Government’s Dealing with Some Indian Tribes. Il n’eut pas grand succès mais, grâce à cette publication, l’État de Californie la nomma au poste de Commissaire Spécial pour examiner les conditions des Missions Indiennes en Californie du Sud. Un jour, elle prit conscience que depuis la nuit des temps, les gens préféraient lire de la fiction plutôt que des récits décrivant la réalité historique. C’est ainsi qu’elle publia, en 1884, son roman Ramona qui raconte la vie d’une Indienne dans le sud-ouest américain. En 1895, après la mort d’Emily Dickinson, Lavinia avait expliqué à un critique littéraire qu’Emily « considérait que Madame Jackson avait un intellect très rare... [et] parlait souvent élogieusement de Ramona40 ». Quand Emily Dickinson eut fini de lire le roman, elle écrivit à son amie Helen : « Aie pitié... j’ai fini de lire Ramona. Si seulement comme Shakespeare, cela venait d’être publié !41 » Dans son article sur Ramona, Georgiana Strickland interprète cette réaction de la façon suivante : Emily Dickinson aurait aimé pouvoir revivre sa découverte de l’histoire de Ramona tant elle avait apprécié l’histoire et qu’elle en venait même à placer l’écrivain Jackson dans la catégorie de Shakespeare, auteur qui, pour le poète, correspondait à l’auteur suprême de tous les temps42. Ainsi, si elle estimait tant son amie auteur et poète, il est certain que la démarche engagée de celle-ci à défendre les Indiens eut une influence sur la vision qu’Emily Dickinson portait sur les Indiens.
16Richard Sewall avait défini Jackson comme étant un pèlerin ou une militante et Emily Dickinson le contraire, or, même si cette dernière ne correspondait probablement pas à la définition textuelle d’un pèlerin, elle l’était dans son esprit et dans sa capacité à comprendre le fait « de vivre la notion de "folie" en s’opposant à la culture de celle dans laquelle on est né43 ». Pour sa part, jusqu’à sa mort, Helen Hunt Jackson se battit pour les Indiens et sa dernière lettre fut envoyée de son lit de mort au Président Grover Cleveland le suppliant de lire son livre de recherche et de continuer à remédier aux torts faits par l’homme blanc44. Son livre n’a jamais cessé d’être publié depuis sa parution et il a souvent servi de base pour de nombreux activistes souhaitant défendre la cause indienne les générations suivantes. Emily Dickinson dira de son amie « qu’elle avait les faits mais non la phosphorescence45 ». Pour autant, l’histoire démontra qu’Helen Hunt Jackson entrouvrit une porte pour ceux qui reprirent le flambeau de la défense amérindienne au siècle suivant.
Le transcendantalisme et Ralph Waldo Emerson
17Helen Hunt Jackson s’était mise à l’écriture après la mort des membres de sa famille, mais elle décida qu’à cause de la discrimination faite aux femmes écrivains à cette époque, de signer ses poèmes « H.H. » et d’être publiée anonymement. Ralph Waldo Emerson admirait son travail. Il alla même jusqu’à publier quelques-uns de ses poèmes dans Parnassus : An Anthology of Poetry tant il les appréciait. Emerson fut l’un des pères fondateurs du Transcendantalisme, un mouvement qui est basé sur la certitude que la bonté se trouve naturellement en tout homme ou élément de la nature. La passion pour ce mouvement philosophique était un lien fort qui réunissait Helen Hunt Jackson et Emily Dickinson. Cette dernière avait d’ailleurs comparé le livre d’Emerson Representative Men à du granit sur lequel on pouvait entièrement s’appuyer46. Emily Dickinson était une grande admiratrice d’Emerson. Elle suivait tous ses écrits et appliquait ses pensées à sa propre vie, témoignant de sa fidélité au transcendantalisme en inculquant ces directives à sa poésie47. Concernant les affaires amérindiennes, Emerson aussi s’était impliqué et avait pris leur défense. L’année de la naissance d’Emily Dickinson, en1830, le Indian Removal Act avait été voté. Cela avait pour but d’autoriser le président à négocier avec les tribus du sud pour les faire déplacer à l’ouest de la rivière du Mississippi vers un territoire fédéral en échange de leurs terres ancestrales. Les indigènes résistèrent avec force, certaines tribus, telles que les Cherokees s’unirent pour tenter de créer une nation indépendante mais cette tentative échoua et leurs terres furent envahies par les blancs, les forçant à migrer vers l’Ouest, pour ceux qui ne moururent pas durant les guerres indiennes ou au cours des trajets exténuants les menant vers ces terres fédérales. Pendant ce temps, Emerson prit fait et cause pour les Cherokees. Il écrivit même une lettre au Président Martin Van Buren, lui demandant d’arrêter ce massacre, soutenant qu’aussi bien lui que de nombreux citoyens américains jugeaient cette situation comme étant un acte de barbarie. Sa vision transcendentaliste est clairement exprimée dans cette lettre. Il considère le peuple Cherokee comme un peuple non-souillé par la société et qui est en lien direct avec la nature, ce qui correspond à un élément fondamental du Transcendantalisme où l’homme est incité par tout moyen à retrouver sa connexion avec la nature. Emerson croyait en la bonté de tout homme bien que les attitudes du gouvernement américain le fissent douter sur ce point. Susan Howe, citée précédemment, rappelle que la « rhétorique vive de la terreur était les premiers pas vers un processus lent de la construction de la démocratie américaine48 ».
Samuel Bowles
18Un autre acteur important dans la vie d’Emily Dickinson fut Samuel Bowles. Il était rédacteur en chef du journal Springfield Republican, un ami très proche d’Austin Dickinson et certains chercheurs, dont Judith Farr49, ont supposé qu’il pourrait très certainement être l’individu dont Emily Dickinson était secrètement amoureuse ; mais peu importe si cela s’avère car cela n’a pas pu être radicalement démontré, une chose reste certaine : en tant qu’écrivain et penseur, elle le respectait immensément et lisait tout ce qu’il publiait. Par contre, malgré ce respect, si son opinion divergeait de la sienne, elle ne se gênait pas pour le lui faire savoir ou pour refuser de lui répondre pendant de très longues périodes. Emily avait donc forcément suivi ses aventures à travers le monde, entre autres lorsqu’il s’était rendu dans le Colorado à la fin de la Guerre de Sécession. Lors de son passage dans cet État et ses alentours, il avait écrit des articles sur ses voyages aussi bien que des livres dont il envoya une copie au frère d’Emily, Austin, qui vivait dans la maison d’à côté de celle d’Emily50. Cette excursion dans l’ouest témoigna de son trait de caractère aventurier. Ce voyage ne s’avéra pas sans dangers car l’époque était encore traversée par des guerres indiennes ou du moins des rébellions avec des attaques sauvages51 et inattendues sur les diligences dont il relata les faits dans des publications. Dans une lettre à ses cousines Louise et Frances52, Emily Dickinson fait référence au troisième livre de Bowles, Our New West. Samuel Bowles y exposait très clairement son point de vue sur la question des Amérindiens et cela confirme la fine connaissance d’Emily Dickinson de tout ce qui se passait bien au-delà de son cercle de vie. Samuel Bowles était assez progressiste pour son temps, il était abolitionniste de même qu’il s’intéressait à la littérature et la poésie écrite par des femmes. Mais pour autant, son opinion sur les Indiens rejoignait sur la plupart des points l’opinion anglo-saxonne à savoir que l’homme blanc chrétien était supérieur et méritait ces terres occupées par les indigènes. Par contre, ce sur quoi il divergeait du point de vue répandu de l’époque, c’est qu’il ne souhaitait pas la mort des Indiens et qu’il les considérait simplement comme des « pauvres » au centre d’un conflit qui les dépassait tout en ne croyant pas au concept du « noble sauvage53 ». La vision de Bowles sur la question amérindienne était en total contraste avec la même situation décrite par Helen Hunt Jackson. Mais Emily connaissait bien Bowles et elle savait qu’il n’avait jamais subi la discrimination que toutes les femmes et plus encore les femmes-auteurs de l’époque vivaient quotidiennement. Emily ne s’était jamais clairement prononcée sur ce sujet car aucune de ses correspondances de cette période-là avec Bowles n’a été retrouvée. Cependant, au vu de sa réaction au roman Ramona chacun ne peut que constater la compassion qu’elle avait ressentie pour ce peuple qui subissait une persécution ignoble et une extermination massive. D’autre part, comme il a été expliqué précédemment, Emily Dickinson proclamait sans retenue que sa raison d’être était d’aimer et elle ne réduisait pas cette affirmation à un peuple ou une race54.
Conclusion
19Selon ce qui a été explicité précédemment, il paraît assez logique de conclure qu’Emily Dickinson avait développé une réelle compassion pour ce peuple amérindien associé à un profond respect. Emily savait, par de nombreuses expériences personnelles, les effets dévastateurs de la mort mais aussi ceux de la guerre. Avec une telle sensibilité, sa compassion ne pouvait qu’être sincère envers ce peuple qui se faisait décimer. De plus, elle vivait elle-même opprimée et dans l’impossibilité d’exister simplement parce qu’elle était une femme. Certaines choses à cette époque, dans cet environnement strict, étaient attendues d’une femme et être libre d’écrire comme elle le souhaitait n’en faisait absolument pas partie. Il est donc possible aussi qu’une empathie particulière se soit développée envers ce peuple asservi, d’autant plus que ses choix semblent prouver qu’elle n’adhérait pas à ce qu’avait fait le clan Dickinson aux indigènes au cours des siècles précédents. Cependant, au regard de son caractère entier et passionné, Dickinson-l’être ne peut se dissocier de Dickinson-le poète et sa compassion mais aussi son amour pour la nature et ce respect des Amérindiens se révèlent dans sa poésie. Emily Dickinson est réputée pour s’être inspirée d’événements personnels du quotidien pour ses poèmes, comme en témoigne le poème précédemment analysé qui place le panier de la mère amérindienne au même niveau qu’un cœur porteur d’amour pur.
20Néanmoins, comme avec tout poème d’Emily Dickinson, il est impossible de clairement définir l’élément fondateur de la poésie même s’il est possible d’en reconnaître une parcelle, qu’elle soit la souche naissante ou rajoutée dans le processus de création. Emily Dickinson aimait la nature, cela inclut les hommes aussi bien que tous les autres êtres ou éléments vivants sur terre. Ainsi, une chose reste certaine et cela au-delà de toutes analyses : cette multitude transculturelle, cet amour transcendentaliste de l’homme « universel55 », qui intègre donc le peuple amérindien, a donné à Emily Dickinson cette longévité inqualifiable, qui pour l’instant semble éternelle.
Notes de bas de page numériques
1 Herman Melville, Moby-Dick; or, the Whale, New York, Harper & Brothers Publishers, 1851.
2 A Amherst, Emily Dickinson était surnommée « la femme mythique » ou bien « la dame en blanc » car elle avait décidé de ne se vêtir que de blanc à partir des années 1860.
3 Judith Farr, Louise Carter, The Gardens of Emily Dickinson, Cambridge, Harvard University Press, 2005, p. 13.
4 Jack L. Capps, Emily Dickinson’s Reading 1836-1886, Cambridge, Harvard University Press, 1966, p. 133-134.
5 David Dixon, Never Come to Peace Again : Pontiac’s Uprising and the Fate of the British Empire in North America,Norman, University of Oklahoma Press, 2005, p. 152-155.
6 Alfred Habegger, My Wars are Laid Away in Books : The Life of Emily Dickinson, New York, The Modern Library, 2002, p. 4.
7 Alfred Habegger, My Wars are Laid Away in Books : The Life of Emily Dickinson, New York, The Modern Library, 2002, p. 3. Nathaniel Dickinson perdit trois de ses neuf fils dans cette bataille.
8 “My Life had stood – a Loaded Gun –” Poème numéro FR764, J754. Cristanne Miller, Emily Dickinson’s Poems As She Preserved Them, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 2016, p. 354. Traduction : Françoise Delphy, Emily Dickinson. Poésies Complètes, Traduction et présentation par Françoise Delphy, Paris, Flammarion, 2009, p. 714.
9 Alfred Habegger, My Wars are Laid Away in Books : The Life of Emily Dickinson, New York, The Modern Library, 2002, p. 4-5. Cristanne Miller, Emily Dickinson A Poet’s Grammar. Cambridge, Harvard University Press, 1987, p. 122-126. Helen Vendler, Dickinson Selected Poems and Commentaries, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 2010, p. 318-325.
10 Susan Howe, My Emily Dickinson, Berkeley, North Atlantic Books, 1985 p. 35.
11 Jay Leyda, The Years and Hours of Emily Dickinson, Volume I, New Haven, Yale University Press, 1960, p. 157.
12 Jay Leyda, The Years and Hours of Emily Dickinson, Volume II, New Haven, Yale University Press, 1960, p. 80.
13 Jay Leyda, The Years and Hours of Emily Dickinson, Volume II, New Haven, Yale University Press, 1960, p. 261-262.
14 “Dr. Wright the Father felt unwilling that his daughter should go, especially to the Indians, as Mr. S. was to labour among the Choctaws ... Miss Wright, having for years desired to go on a Mission made.” Jay Leyda, The Years and Hours of Emily Dickinson, Volume I, New Haven, Yale University Press, 1960, p. 115.
15 Plus précisément le : Rye and Indian bread.
16 Jay Leyda, The Years and Hours of Emily Dickinson, Volume I, New Haven, Yale University Press, 1960, p. x, 345 et 349.
17 Lettre 769. Thomas H Johnson, The Letters of Emily Dickinson, Volume III, Cambridge, Belknap Press of Harvard University Press, 1958, p. 740.
18 Alfred Habegger, My Wars are Laid Away in Books : The Life of Emily Dickinson, New York, The Modern Library, 2002 p. 157.
19 “White as an Indian Pipe” Poème numéro FR1193, J1250. Cristanne Miller, Emily Dickinson’s Poems As She Preserved Them, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 2016, p. 708. « Blanche comme un Monotrope » Traduction : Françoise Delphy, Emily Dickinson. Poésies Complètes, Traduction et présentation par Françoise Delphy, Paris, Flammarion, 2009, p. 1005.
20 Judith Farr, Louise Carter, The Gardens of Emily Dickinson, Cambridge, Harvard University Press, 2005, p. 271.
21 “’Tis whiter than an Indian Pipe –” Poème numéro FR1513, J1482. Cristanne Miller, Emily Dickinson’s Poems As She Preserved Them, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 2016, p. 623. « C’est plus blanc qu’un Monotrope – » Traduction : Françoise Delphy, Emily Dickinson. Poésies Complètes, Traduction et présentation par Françoise Delphy, Paris, Flammarion, 2009, p. 1201.
22 Vers 8.
23 Il mena, également, le premier régiment fédéral noir reconnu de 1862 à 1864.
24 “Perhaps you smile at me – I could not stop for that – My Business is Circumference-” Jay Leyda, The Years and Hours of Emily Dickinson, Volume II, New Haven, Yale University Press, 1960, p. 63.
25 Eliza Richards, “Nature’s Influence”, Emily Dickinson in Context, New York, Cambridge University Press, 2013, p. 58-61.
26 Eliza Richards, “Death and Immortality”, Emily Dickinson in Context, New York, Cambridge University Press, 2013, p. 163.
27 “Perhaps you laugh at me ! Perhaps the whole United States are laughing at me too ! I can’t stop for that ! My business is to love. I found a Bird, this morning, down, down – on a little bush at the foot of the garden ; and wherefore sing, I said, since nobody hears ? One sob in the throat, one flutter of bosom-"My business is to sing," and away she rose !” Jay Leyda, The Years and Hours of Emily Dickinson, Volume II, New Haven, Yale University Press, 1960, p. 65.
28 “Escape is such a thankful word” Poème numéro FR1364, J1347. Cristanne Miller, Emily Dickinson’s Poems As She Preserved Them, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 2016, p. 588. Traduction : Françoise Delphy, Emily Dickinson. Poésies Complètes, Traduction et présentation par Françoise Delphy, Paris, Flammarion, 2009, p. 1112.
29 Vers 1.
30 Vers 1.
31 Vers 1.
32 Vers 6.
33 Vers 12.
34 Vers 7.
35 Vers 8.
36 Vers 9.
37 Aife Murray, Maid as Muse : How Servants changed Emily Dickinson’s Life and Language (Revisiting New England), Lebanon, University Press of New England, 2010.
38 Lavinia Dickinson explained once about her sister that she was the one to question elements of existence, stating that Emily had to think “– she was the only one of us that had that to do.” Millicent Todd Bingham, Emily Dickinson’s Home : The Early Years as Revealed in Family Correspondence and Reminiscences, New York, Dover, 1967, p. 414.
39 Proverbe 13 :20 Bible King James, livre référence pour Emily Dickinson : “He that walketh with wise men shall be wise.”
40 Georgiana Strickland, “‘In Praise of Ramona’ : Emily Dickinson and Helen Hunt Jackson’s Indian Novel.” The Emily Dickinson Journal, vol. 9 no. 2, 2000, p. 120.
41 Georgiana Strickland, “‘In Praise of Ramona’ : Emily Dickinson and Helen Hunt Jackson’s Indian Novel.” The Emily Dickinson Journal, vol. 9 no. 2, 2000, p. 128.
42 Emily Dickinson ramenait d’ailleurs de nombreuses expériences personnelles à ce qu’elle avait pu lire dans ses œuvres.
43 Georgiana Strickland, “‘In Praise of Ramona’ : Emily Dickinson and Helen Hunt Jackson’s Indian Novel.” The Emily Dickinson Journal, vol. 9 no. 2, 2000, p. 128.
44 Georgiana Strickland, “Emily Dickinson’s Colorado”, The Emily Dickinson Journal, vol. 8, no. 1, 1999, p. 1-23. https://muse.jhu.edu/article/11121 (cons. le 14 février 2017)
45 Fannie Safier, Adventures in Appreciation, Orlando, Harcourt College Publication, 1989, p. 257.
46 Jay Leyda, The Years and Hours of Emily Dickinson, Volume II, New Haven, Yale University Press, 1960, p. 262.
47 Emily Dickinson dans sa vie, aussi bien que dans ses poèmes, s’inspira grandement de The Poet (1844) et Nature (1836), ouvrages phares de l’œuvre d’Emerson.
48 Susan Howe, My Emily Dickinson, Berkeley, North Atlantic Books, 1985, p. 38. “The vivid rhetoric of terror was a first step in the slow process toward American Democracy” (traduction en français Yaël Pouffary).
49 Judith Farr, The Passion of Emily Dickinson, Cambridge, Harvard University Press, 1992.
50 Jay Leyda, The Years and Hours of Emily Dickinson, Volume II, New Haven, Yale University Press, 1960 p. 104-105 et 145.
51 Georgiana Strickland, “Emily Dickinson’s Colorado”, The Emily Dickinson Journal, vol. 8, no. 1, 1999, p. 1-23. https://muse.jhu.edu/article/11121 (cons. le 14 février 2017).
52 Lettre 962. Thomas H. Johnson, The Letters of Emily Dickinson, Volume III, Cambridge, Belknap Press of Harvard University Press, 1958, p. 855.
53 Georgiana Strickland, “Emily Dickinson’s Colorado”, The Emily Dickinson Journal, vol. 8, no. 1, 1999, p. 1-23. https://muse.jhu.edu/article/11121 (cons. le 14 février 2017).
54 “My business is to love.” Jay Leyda, The Years and Hours of Emily Dickinson, Volume II, New Haven, Yale University Press, 1960, p. 65.
55 L’homme universel d’Emerson est basé sur la description d’Albion dans les prophéties minor et major de Blake, avec la formation du soleil et de la lune à partir du même corps, la genèse du temps et de l’espace du même point... Richard R. O’Keefe, Mythic Archetypes in Ralph Waldo Emerson : A Blakean Reading, Kent, The Kent State University Press, 1995, p. 55.
Bibliographie
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Autres textes
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Pour citer cet article
Yaël Pouffary, « Emily Dickinson et les Indiens d’Amérique », paru dans Loxias, 56., mis en ligne le 18 mars 2017, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=8643.
Auteurs
Yaël Pouffary est doctorante en Langues, Littérature et Civilisations Anglophones à l’Université Côte d’Azur sous la direction de Marie-Noëlle Zeender et de Beatrix Pernelle. Ses champs de recherches se concentrent plus particulièrement sur la littérature et civilisation américaine du dix-neuvième siècle, Emily Dickinson, William Shakespeare et l’histoire de l’art.