Françoise Salvan-Renucci


Françoise Salvan-Renucci (1963), ancienne élève de l’École Normale Supérieure, habilitée à diriger des recherches (1999), membre depuis 2013 du CTELA, Université Côte d’Azur, se consacre depuis 2012 à l’étude de l’œuvre de H.F. Thiéfaine. La publication papier de ses travaux débutera fin 2023 chez Scudo Édition, Ajaccio. Ses conférences (depuis 2015, en Zoom en partenariat avec le CTELA depuis 2022) et ses publications sont accessibles aux adresses
https://www.youtube.com/c/FrançoiseSalvanRenucci

https://www.fsalvanrenucci-projet-thiefaine.com
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Articles de l'auteur


Loxias | Loxias 44. | I.

« Adieu Gary Cooper adieu Che Guevara  »  : quelques exemples de la référence à Romain Gary dans l’œuvre de Hubert-Félix Thiéfaine

L’article retrace les modalités de réappropriation de séquences de l’œuvre de Romain Gary dans les chansons de Hubert-Félix Thiéfaine ainsi que leur intégration dans la dynamique du discours poétique, essentiellement caractérisée par un processus d’oxymorisation mis en œuvre sur tous les plans de l’écriture du texte. Le recours aux techniques du cut-up et de l’entrelacement des références permet la création d’un jeu de miroirs complexe confrontant les divers éléments constitutifs du «  puzzle  » textuel, ce qui permet de révéler l’affinité avec les positions de Gary notamment pour ce qui concerne le problème de l’idéalisme et la place de l’homme dans l’histoire et l’univers. The purpose of this article is the description of the integration process that makes it possible for the songwriter Hubert-Félix Thiéfaine to transform sequences from Romain Gary’s novels into constituents of his own poetical discourse. The way the quotations or allusions are recreated (especially by using the cut-up technique) and become part of a mirror game of great complexity based on the combination and implicit confrontation of many intertextual elements lets the songs appear like a "puzzle" (so the author) that reveals in this case the affinity with Gary’s positions especially concerning the problem of idealism and the place of man in history and the universe.

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Loxias | 59. | I.

« En remontant le fleuve » : autour de la réécriture de Au cœur des ténèbres dans une chanson de H.F. Thiéfaine

Dans sa chanson « En remontant le fleuve », Hubert Félix Thiéfaine recrée le récit de Joseph Conrad Au cœur des ténèbres en évoquant le voyage symbolique d’un groupe d’individus sans nom – uniquement désignés comme « nous » – qui remontent un fleuve mystérieux plein de dangers et de beauté. La remontée du fleuve résume le chemin à travers la vie et la mort, la sexualité et les rêves, tandis que la succession des rencontres correspond aux scènes décrites par Marlow et concernant essentiellement la personne de Kurtz, dont le destin trouve un écho suggestif dans les tableaux influencés par la représentation antique de l’enfer, avec ses déités féminines démoniaques ou ses dieux cruels. L’atmosphère onirique atteint son sommet dans la séquence finale où les « furieux miroirs » intensifient la perception des ténèbres – le dernier mot du roman et l’impression visuelle dominante dans la réécriture poétique de Thiéfaine. In his song « En remontant le fleuve » (“Going Up the River”), Hubert Félix Thiéfaine recreates Joseph Conrad’s novel Heart of Darkness by evocing the symbolical journey of a group of nameless persons – only designated as “we” – going up a mysterious river full of dangers and of beauty. The way up the river resumes the way through life and death, sexuality and dreams, while the succession of encounters corresponds with the scenes described by Marlow and concerning essentially the person of Kurtz, whose destiny find a suggestive echo in the pictures influenced by the antique representation of hell, with daemonic female deitys or cruel gods. The onirical atmosphere comes to an acme in the final sequency where the “furious mirrors” intensify the perception of darkness – the last word of the novel and the dominant visual impression in Thiéfaine’s poetical rewriting.

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« roots & déroutes plus croisement » : présence de Nicolas Bouvier dans le discours poétique des chansons de H.F. Thiéfaine

L’écho apporté par le titre « roots & déroutes plus croisement » au recueil d’entretiens Routes et déroutes de Nicolas Bouvier invite à une exploration du dialogue implicite qui s’établit entre les chansons de H.F. Thiéfaine et la production de Nicolas Bouvier. Les correspondances décelables entre les livres de Bouvier (notamment L’Usage du monde et le Poisson-Scorpion) et de nombreux textes de Thiéfaine permettent de prendre conscience des modalités de réappropriation des textes de Bouvier mises en place au sein du discours énigmatique et multivoque, qui insère les réécritures d’une même formule de Bouvier dans plusieurs chansons sans véritable parenté thématique. L’étude comparative des positions théoriques des deux auteurs se révèle tout aussi fructueuse, puisqu’elle dévoile une communauté d’approche fondamentale reposant notamment sur une conception artisanale du travail sur la langue et un intérêt jamais démenti pour les mots. The correspondence between Thiéfaine’s song title roots & déroutes plus croisement and the volume Routes et déroutes containing interviews by Nicolas Bouvier invites to an investigation of the latent dialogue which takes place between the Thiéfainian corpus and Bouvier’s production. The parallel or echo-like formulations in the songtexts and in Bouvier’s relations of his worldwide journeys give us the possibility to recognize and analyze how Thiéfaine transforms the sequences found in Bouvier’s texts in the manner of a cut-up, which allows the reformulation of a particular statement in two or three different songtexts that have no kind of thematical affinity. The way both authors reflect about their artistic activity shows that they both conceive writing as an activity of genuine artisanal character, insisting on the importance of the sensibility for the single word and its place in the creation process.

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Loxias | 61. | I.

« est-ce ta première fin de millénaire ? » : « fin de partie » et « fin programmée » dans le discours poétique des chansons de H.F. Thiéfaine

La récurrence du motif de la « fin » dans le discours poétique des chansons de Hubert Félix Thiéfaine contribue largement à doter la strate explicite de sa polysémie énigmatique de la couleur apocalyptico-nihiliste souvent associée à son projet artistique, méconnaissant ainsi la dimension revendiquée de l’humour noir.

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Autour de H. F. Thiéfaine

“2018 est une « année Thiéfaine » à plusieurs titres : 70 ans en juillet pour l’auteur, 40 ans depuis la sortie du premier album, 20 ans depuis le premier Bercy dont l’anniversaire sera célébré in situ le 9 novembre prochain… C’est l’occasion pour LOXIAS de s’associer aux divers hommages prévus en proposant un numéro « autour de H. F. Thiéfaine ». Le numéro saluera Thiéfaine le poète, dans la lignée des poètes maudits, d’Edgar Poe, de Baudelaire, de Rimbaud ou de Lautréamont, du surréalisme et de la Beat Generation – mais aussi des poètes de l’Antiquité, des romantiques de tous pays, de Whitman, des poètes russes de Pouchkine à Anna Akhmatova… Loin de se voir cantonné dans la «...”

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« quand humpty dumpty jongle avec nos mots sans noms » : prolégomènes à une analyse du discours poétique des chansons de H.F. Thiéfaine

La recréation du personnage de Humpty Dumpty dans une chanson de H.F. Thiéfaine est le symbole d’une écriture polysémique qui joue avec les mots tant sur le plan sémantique où sont déclinées les acceptions variant avec les options de lecture qu’au niveau des associations intertextuelles dont le réseau complexe embrasse la totalité du corpus, faisant se répondre à des années de distances des séquences issues de textes différents voire à la thématique très diverse. Les modalités de réappropriation des constituants externes, mises en place sur le modèle de l’élaboration du palais du Facteur Cheval, s’appliquent également aux principaux exposants de la réflexion théorique sur l’écriture, dont les textes de l’auteur revisitent les divers postulats et concepts. Les écrits de Barthes, Debord, Isou, Deleuze/Guattari, Lacan, Henry Miller ou Philip K. Dick sont en effet présents de façon récurrente dans le discours thiéfainien en tant qu’éléments de la discussion poétologique menée au plan latent, mais alimentent aussi le discours explicite à travers leurs termes-clés respectifs, dont la redéfinition dans le corpus des chansons ouvre la voie à une appréhension exacte de la poétique de l’auteur.

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Loxias | 64. | I.

« en remontant le fleuve vers cette éternité » : présence de Paul Celan dans le discours poétique des chansons de H.F. Thiéfaine

Les vers « ein Weisensteinchen, flussaufwärts, die Zeichen zuschanden gedeutet » que place H.F. Thiéfaine en exergue de « en remontant le fleuve » sont l’indice du dialogue qui s’établit dans le corpus des chansons avec les poèmes de Celan que Thiéfaine aborde dans l’original, comme il le fait de façon générale avec la littérature de langue allemande. La recréation des vers de Celan qui s’opère au plan implicite du discours multivoque dépasse le simple renvoi plus ou moins littéral pour devenir le vecteur d’un infléchissement symbolique de la dynamique discursive, qui incorpore désormais tant l’énoncé celanien que son contexte original au halo associatif aux multiples composantes qui vient nimber l’écriture thiéfainienne. Qu’il sous-tende la quasi-totalité du discours d’une chanson – comme c’est le cas pour « en remontant le fleuve » ou pour l’écho à la Todesfuge apporté par « les ombres du soir » –, ou qu’il résonne plus ponctuellement au détour de telle ou telle formulation énigmatique, l’écho récurrent que trouve la création de Celan dans celle de Thiéfaine vient substituer à la constatation « niemand zeugt für den Zeugen » l’évidence indéniable quoique sous-jacente d’un témoignage qui se propose de redonner voix et corps tant à l’œuvre qu’à la personne de Celan en tant que prototype du « martyr » au sens étymologique du terme, les autres témoins – comme Anna Akhmatova ou Ossip Mandelstam – convoqués dans le discours des chansons se rattachant d’ailleurs eux-mêmes à la constellation existentielle et historique qui a été celle de Celan.

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Loxias | 77. | I.

« ma sorcière a trempé / ses doigts dans le sang chaud » : « sirènes », « stryges » et « prédatrices » dans le discours poétique des chansons de H.F. Thiéfaine

De la « machine » que son partenaire invite à « me déchirer / m’arracher la chair & les os » aux « femmes-oiseaux » dédiant leur danse « à la mémoire d’amants noyés dans leurs arcanes », la qualité de « prédatrices » ou de « sorcières » est régulièrement dévolue aux incarnations du féminin dans le discours poétique de H.F. Thiéfaine. L’exploration constamment renouvelée de l’archétype mélusinien ainsi que de ses préfigurations mythologiques (tant classiques qu’extra-européennes) débouche sur la formulation des lois d’une « alchimie romantique » postulant par la bouche de la femme « qu’il faut séduire / pour mieux détruire ». En tant que cible et objet du déferlement dionysiaque appelé de ses vœux par la figure féminine, le partenaire masculin prêt à « jouer les victimes » ou à « s’annuler » peut aussi entrer de façon active dans la dynamique de déchirement propre aux « bacchanales ». S’instaure ainsi un règne des « corps écorchés » ou « écartelés » où le « nouveau festin de nos chairs androgynes » fait fusionner dans une même « annihilation » les volontés symétriques et opposées aspirant à une destruction réciproque. En témoigne « en hurlant au cœur de ma cible » la substitution du cri à la voix articulée telle qu’elle s’accomplit dans une indifférenciation énigmatique, rendant définitivement caduque la question de son attribution à la porteuse et/ou au porteur de l’élan « mortifère ». The characterization of female figures as predators or witches is quite recurrent in H.F. Thiéfaine’s poetical texts, which often base upon archetypal patterns and upon the mythological tradition of the classical Antiquity with figures like Mermaids – among which we find Thiéfaine’s version of the Germanic-romantical Lorelei –, Gorgons, Striges… or the mythology other countries or cultures with for example the bird-women from the Japanese Hell. The female figures embodies both seduction and destruction with the purpose of establishing domination not only over their partners, but over male principles in general, especially over God or his terrestrial equivalents. The male figures have to be killed, teared up, eaten up by all possible means and accept – or even welcome – their part as passive victims of female fury. However, the polysemous poetical discourse contains both the affirmation of female supremacy and the implicit negation of the female-dominated constellation as a result of an etymological reevalution of the key terms in the concerned sequence, revealing that in fact male figures are plainly able to counteract the female destruction plan. Annihilation of both partners or exacerbated erotic culmination is the result of this struggle for domination initiated by the female principle, and in which the male antagonist also has to play his part either in an accelerating or a retarding way.

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Loxias | 81. | I.

« au service de sa majesté » : présence de Ian Fleming dans le discours poétique des chansons de H.F. Thiéfaine

Les romans de Ian Fleming ayant pour héros James Bond trouvent une place de choix dans le discours implicite des chansons de H.F. Thiéfaine, au sein duquel se noue un dialogue fascinant avec les aventures de l’agent secret dont la recréation se superpose en outre régulièrement à celle d’autres références intertextuelles. Les passages concernant l’arme de James Bond ou sa voiture font tout autant l’objet de réécritures précises que les séquences évoquant son rapport à ses partenaires féminines ou à ses adversaires. Dans un registre plus intime, il n’est pas jusqu’aux remémorations de son enfance ou de sa jeunesse qui ne trouvent place dans le discours multivoque, tandis que les évocations de sa nature mélancolique ou de la folie dont se revendiquent ses ennemis s’intègrent tout naturellement dans le traitement approfondi réservé par Thiéfaine à ces deux motifs récurrents de son discours poétique. Ian Fleming’s novels in which James Bond is the main character are intensively represented in the implicit discourse of H.F. Thiéfaine’s songs, in which we discover a fascinating dialog with the adventures of the famous secret agent also including the recreation of other intertextual references. The lines concerning Bond’s revolver or car, but also the sequences focused on his relationship with his female partners or his adversaries are the source of very accurate modified retranscriptions which also include the more intimate rememorations of his childhood and youth. The evocations of Bond’s melancholical nature and of the madness that characterises his enemies also take place in the wide-ranged declination developed for these two recurrent motives in Thiéfaine’s poetical discourse.

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