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Renoir Bachelier  : 

Verne lecteur de Zola : entre dégoût, rivalité et admiration

Résumé

Malgré un certain nombre de points communs, Verne et Zola ne se sont jamais fréquentés. Verne n’ayant jamais vraiment appartenu à la sphère littéraire, Zola n’avait aucune raison de le rencontrer ou, plus simplement, de le considérer. Si les jugements de Zola sur Verne dévoilent beaucoup de dédain, ceux de Verne sont beaucoup plus nuancés. Confessant être un lecteur régulier des Rougon-Macquart, Verne attaque Zola dans les Voyages extraordinaires pour sa vulgarité. Pourtant, il montre dans sa correspondance une admiration pour Zola et, plus particulièrement, pour ses qualités de romancier réaliste. L’opinion de Verne oscille entre une rivalité naturelle à l’encontre d’un auteur qui le concurrence dans les librairies voire pour l’Académie, un dégoût tout bourgeois pour cet auteur qui traite de sujets bas et une admiration littéraire pour les « photographies défendues » que révèlent les Rougon-Macquart.

Index

Mots-clés : critique , lecture, réalisme, Verne (Jules), Zola (Émile)

Géographique : France

Chronologique : XIXe siècle

Plan

Texte intégral

Introduction

a) Verne et Zola, deux sphères incompatibles ?

À première vue, Jules Verne et Émile Zola n’ont rien en commun. Que l’on considère leur public, leur discours critique ou leur personnel romanesque, un impressionnant décalage vient rappeler que Verne écrit pour des adolescents, qu’il n’a pour ainsi dire jamais produit de réflexion critique, s’en remettant à l’occasion à son éditeur pour le faire1, et qu’il privilégie toujours le même type de héros bourgeois, scientifiquement compétent et complètement moderne. La différence peut d’ailleurs se mesurer à la tonalité légère et amusée des deux premiers articles de Zola consacrés à Verne (1866). Le roman vernien y est en effet qualifié de « fantaisie aimable et instructive, […] écrit pour les enfants et les gens du monde, plein d’intérêts dramatiques et d’enseignements utiles. » Zola évoque le « grand mérite » des Voyages extraordinaires : être « sains et salutaires2 ». Dans le second article, après avoir fait le constat que les enfants ne lisent plus de contes, Zola se félicite de ce que « l’élément humain » perdure dans « les fantaisies scientifiques de M. Jules Verne », fantaisies qui « instruisent en excitant la curiosité au plus haut point3. » Il faut bien comprendre qu’en 1866, Zola n’a pas encore commencé à publier les Rougon-Macquart, que le succès de Verne n’en est qu’à ses prémices et que les Voyages extraordinaires n’ont pas été adaptés à la scène4. Aucune concurrence n’existe donc entre les deux auteurs et Zola peut se permettre d’user de cette légèreté. De plus, Zola n’a pas encore l’autonomie qu’il obtiendra à la suite de la vente de ses grands succès romanesques et cherche les faveurs d’Hetzel, éditeur chez lequel il a publié les Contes à Ninon en 1864. Il est d’ailleurs intéressant de voir qu’une fois cette indépendance acquise, il revient sur le cas Verne au détour d’une note de son étude sur Les Romanciers naturalistes (1881, d’abord publié en article en 1877). Beaucoup plus virulent, Zola relègue alors Verne dans le champ des romanciers contemporains, ni naturalistes, ni idéalistes (avec Gustave Droz, Erckmann-Chatrian et Edmond About) et va même jusqu’à questionner la pertinence de l’appellation « roman » (« celui-là n’écrit pas précisément des romans5 ») pour désigner les Voyages extraordinaires. Relevant et même exagérant le succès « stupéfiant » des romans de Verne6, Zola fait état de tout son mépris pour l’œuvre vernienne : il désigne Verne en utilisant un démonstratif (« celui-là ») ; commet une erreur en confondant (volontairement ?) « Fils » et « Enfants » dans le titre Les Enfants du capitaine Grant ; évoque le « goût du public [qui] est à ces vulgarisations amusantes de la science » (Verne est une mode7) ; déclare préférer de loin des contes comme Le Petit Poucet ou La Belle au bois dormant ; achève, enfin, son article sur ces mots :

Cela [le fait que Verne soit l’écrivain le plus vendu] d’ailleurs, n’a aucune importance dans le mouvement littéraire actuel. Les alphabets et les paroissiens se vendent également à des chiffres considérables8.

Au vu du témoignage de Zola (Verne ne publie pas de critique), du reste largement partagé par ses contemporains, et relayé depuis par toute une tradition scolaire, le constat est sans appel : rien de commun n’existe entre leurs œuvres.

Cependant, pour que Zola affiche un tel mépris envers une œuvre sans « aucune importance », c’est que celle-ci doit le gêner dans son projet. Il convient donc d’aller au-delà de la doxa scolaire, qui classe Zola dans la sphère des classiques et Verne dans celle de la paralittérature, et l’on trouvera entre les deux auteurs nombre de caractéristiques communes. Tout d’abord, des facteurs extérieurs les rapprochent : ils connaissent un succès de librairie comparable, dépassant les cent mille exemplaires ; leur espoir d’intégrer l’Académie ne sera jamais exaucé ; à des degrés divers certes, ils souffrent d’un manque de reconnaissance dans la sphère littéraire, notamment pour des questions de style. À ces données externes à l’œuvre, il faut ajouter des outils romanesques communs : que ce soit dans les Rougon-Macquart ou les Voyages extraordinaires, une position nette en faveur de l’inscription de la science dans le texte littéraire s’affirme. En conséquence Zola, comme Verne, adoptent une écriture scientifique : encyclopédisme, réalisme du fait énoncé, vérification romanesque d’une hypothèse scientifique. Si Zola théorise le concept du roman expérimental, un critique aussi avisé que Jean Delabroy remarque que les romans de Verne « sont assimilables à un laboratoire, où des expériences sur l’imaginaire moderne, sur le devenir des sociétés, sont menées selon le principe de la sérialité différentielle9. » Cette scientificité du roman passe par une recherche documentaire aussi minutieuse que massive en amont du texte. Les fameux dossiers préparatoires de Zola trouvent un écho dans les milliers de notes qu’accumule Verne au travers de ses lectures quotidiennes. La méthode de recherche diffère cependant : alors que Zola privilégie le terrain, Verne, de son côté, préfère les livres et croit à la véracité du témoignage écrit (n’oublions pas que le roman vernien étant exotique, l’enquête de terrain ne pouvait guère être envisagée). Quoi qu’il en soit, leurs romans s’appuient sur un état des connaissances scientifiques (chimie, géographie pour Verne ; biologie, sociologie pour Zola) pour créer une fiction qui vérifie une hypothèse initiale10.

b) Aperçu de la critique sur Verne et Zola

Preuve d’une certaine proximité entre les deux auteurs, la critique de ces trente dernières années a pu entreprendre des études, parfois comparatives, sur des parties de leur production. Dans un article de 1978, Yves Chevrel, le premier, s’intéresse à la « méthode et « l’idéologie chez Verne et Zola » à travers un corpus curieux11. Il montre, à la suite de Roland Barthes, un Verne « bourgeois » et « progressiste » qui brosse le portrait d’une humanité capable de tout conquérir. Constat qui, selon Chevrel, s’applique parfaitement à Zola. En 1982, Jacques Noiray publie sa thèse sur Le Romancier et la machine avec un chapitre consacré à chacun des auteurs. Bien que ce travail génial ne cherche pas à rapprocher les deux auteurs, il présente un Verne original, pédagogue et symbole de la bourgeoisie12. La machine apparaît dans les Voyages extraordinaires comme « le point d’application de l’imagination sur le monde réel13 » et nécessite une description réaliste. Elle contraint Verne à un mode d’écriture réaliste et à un ancrage dans la société moderne qui le rapproche nécessairement de Zola. D’ailleurs, dans l’essai qu’il consacre au descriptif en 1993, Philippe Hamon puise de manière quasi équitable ses exemples dans les corpus vernien et zolien14. La description reste l’élément incontournable du roman à vocation réaliste et nécessite des qualités stylistique et narrative pour survivre à la fiction et rendre le livre digestible. Verne est mis en valeur aux côtés de grands noms de la littérature du XIXe siècle et sort ainsi de la catégorie paralittéraire. Enfin, plus récemment, Christophe Reffait a consacré un article à « Verne et Zola, éléments du discours critique de la fin du XIXe siècle15 ». S’il considère » Verne par le détour de Zola16 » en revenant sur toutes les mentions de Verne sous la plume de Zola, il recense également les différents discours critiques qui ont pu rapprocher ces auteurs dans les deux dernières décennies du XIXe siècle. Verne ne fait toutefois que de rares apparitions dans le discours critique sur le champ littéraire, conséquence « d’une nette partition du champ littéraire, qui ne laisse aucun droit de cité au roman de Verne dans les débats esthétiques du temps17. » Toutefois, Christophe Reffait parvient à mettre en avant un compte rendu de la Bête humaine effectué par Anatole France en 1890 dans lequel il rapproche le didactisme vernien de celui de Zola.

Ces fécondes réflexions critiques menées depuis trente ans, et dont nous trouvons des embryons dès la fin du XIXe siècle comme le montre Ch. Reffait, tiennent en grande part à ce paradoxe qui existe entre un travail préparatoire de même nature, des ambitions réaliste et pédagogique analogues aux deux auteurs et un résultat si différent. Zola s’intéresse à la France et à son peuple tandis que Verne se focalise sur une bourgeoisie internationale, mobile et pratiquant des métiers modernes. Le premier privilégie une vision historiquement bornée de la France (le Second Empire), quand le second accompagne chacune de ses parutions d’une actualisation de l’arrière-plan et de l’habitus de la classe dominante (décennie de parution concomitante avec celle de l’action, intégration des dernières actualités notamment avec les recensions d’articles de journaux ; modernisation des idées et des habitudes quotidiennes des personnages bourgeois au fil des parutions). En conséquence, comparer les deux plus importants succès de librairie de la fin du XIXe siècle amène une foule de questions sur les attentes du public, la place de la science dans le roman ou encore les idéologies tacites de telles productions.

c) La double lecture de Verne

À travers cet article, je veux m’intéresser à la manière dont Verne lit Zola. Verne et son œuvre sont emblématiques de l’idéologie bourgeoise de la période 1860-1900 ; aussi, il m’apparaît intéressant de voir comment un auteur consacré par la société civile, mais rejeté par la sphère littéraire, lit une œuvre qui tend à embrasser la trajectoire inverse. En dépit du fait que ses romans fourmillent d’allusions à la littérature, peu d’études ont été menées sur Verne lecteur. Par cette intertextualité abondante, Verne cherche à légitimer son œuvre et à la construire comme un écho avec variation de la littérature classique (Homère, Scott, Hoffmann, etc.) ou récente (Dickens, Poe, Hugo). Pour favoriser la modernité de ses romans, il n’hésite pas à citer (ou mentionner le nom) des écrivains contemporains dont Zola, cible privilégiée d’une série de romans écrits dans les années 1890. Autrement dit, ces attaques ne brillent guère par leur audace intellectuelle : elles sont formulées dans des romans qui se vendent moins, à un moment où le naturalisme décline et où Zola affronte contestations et moqueries de la part même de certains naturalistes. Verne s’aligne sur les grandes caricatures bourgeoises : roman ordurier, style tant navrant que vulgaire. Pourtant, si les mentions de Zola dans les romans de Verne sont hermétiques à la nuance, les positions prises par l’auteur des Voyages extraordinaires dans sa correspondance avec Pierre-Jules Hetzel et son fils attestent une lecture plus favorable, parfois enthousiaste et résolument admirative. Après avoir fait état des différentes allusions à Zola dans la production (privée ou publique) de Verne, je m’intéresserai aux enjeux de cette double lecture. Il s’agira de comprendre pourquoi l’allusion publique attaque Zola quand la privée prend sa défense.

I. Zola dans les romans de Verne

Pour trouver des allusions directes à Zola dans l’œuvre de Verne, il faut attendre le milieu des années 1890 et la publication de deux romans mineurs : L’Île à hélice (1895) et Clovis Dardentor (1896). Dans le premier, Verne critique Zola pour ses positions politiques. Il s’appuie sur les idées exposées par Zola à travers ses tribunes publiées dans Le Figaro en 1880 dans lesquelles il proclame notamment « la supériorité de l’écrivain sur le politicien18 ». Pour Verne, bourgeois réactionnaire, les ouvrages comme Germinal (sur lequel il ne réagit pas à notre connaissance) déterminent une vision d’un Zola immoral et dangereux pour les intérêts de la classe. L’allusion présente dans L’Île à hélice se veut très ironique, voire cynique, et témoigne d’un certain dégoût pour les prétentions du romancier à sortir de la sphère littéraire19 :

- Eh bien, le roi Malietoa fut une autre fois renversé, et savez-vous quel est le prétendant qui aurait eu alors le plus de chances à lui succéder ?… Un Anglais, l’un des personnages les plus considérables de l’archipel, un simple romancier…

- Un romancier ?…
- Oui… Robert Lewis Stevenson, l’auteur de L’Île au trésor et des Nuits arabes.
- Voilà donc où peut mener la littérature ! s’écrie Yvernès.
- Quel exemple à suivre pour nos romanciers de France ! réplique Pinchinat. Hein ! Zola 1er, ayant été souverain des Samoans… reconnu par le gouvernement britannique, assis sur le trône des Tupua et des Malietoa, et sa dynastie succédant à la dynastie des souverains indigènes !… Quel rêve20 ! »

Habitué aux allusions scatologiques, Jules Verne n’hésite pas à proposer l’image de Zola assis sur un trône pour tourner en ridicule son idéologie21. Verne mêle l’antipathie pour l’Angleterre (« un Anglais », « reconnu souverain par les britanniques ») aux ambitions du romancier naturaliste pour dénoncer la prétention de la littérature à entrer dans le politique22. L’exclamation « Voilà donc où peut mener la littérature » prononcée par Yvernès montre ce refus de voir l’écrivain assumer une position politique. Celui-ci doit se contenter de faire de la fiction et plus particulièrement quand il est notoire que sa morale est douteuse. Preuve de la tonalité moqueuse adoptée par Verne, la conclusion « quel rêve ! » détourne le titre du roman Le Rêve (1888) sans se préoccuper de son contenu.

Après avoir attaqué Zola sur ses opinions politiques, Verne se préoccupe de son style. La question est importante : si Verne n’a jamais réellement affirmé d’opinion politique consistante (à part le discours stéréotypé du bourgeois), il cherche une reconnaissance stylistique et une élection à l’Académie française. Lorsqu’il écrit Clovis Dardentor, ses ambitions ont été abandonnées depuis bien longtemps (le plus tard serait l’année de la mort d’Hetzel en 1886) et ses romans se ressentent d’une négligence plus envahissante. De son côté, Zola ne bénéficie plus du même soutien dans la sphère littéraire : le Manifeste des Cinq en 1887 lui reproche, entre autres griefs, sa vulgarité ; l’apogée de la production des Rougon-Macquart, Germinal, a été dépassée. Il devient donc une cible plus aisée pour un auteur sans aucune légitimité littéraire (comme le remarque Zola lui-même dans Les Romanciers naturalistes, voir supra). Aussi, Verne profite de l’occasion pour s’en prendre à la vulgarité du romancier :

Patrice s’en alla, tout confus de sa méprise, et encore plus humilié de l’algarade inconvenante qu’elle lui avait value en des termes si vulgaires. Se gondoler l’échine… C’était la première fois que son maître employait devant lui pareille locution… ce serait la dernière, ou Patrice quitterait son service et chercherait une place chez un membre de l’Académie Française, au langage châtié, - pas chez M. Zola par exemple… si jamais…23

En utilisant une expression très récente et issue de l’argot parisien (« se gondoler l’échine24 »), Verne se réfère aux parlures populaires des romans de Zola pour lesquelles, en bon écrivain bourgeois qui se pique d’être un styliste « sérieux25 », il n’a qu’aversion et mépris. L’ironie vient de ce que ce soit le domestique qui corrige le maître : Verne montre un personnage populaire davantage cultivé et raffiné que son maître. Il oppose à cette langue verte des expressions comme « algarade inconvenante » ou « langage châtié », bien plus adéquate dans les ouvrages d’un romancier qui se voudrait littéraire. L’hypothèse d’un Zola à l’Académie (« si jamais… ») apparaît dès lors comme « inconvenante » et Verne profite de cette digression pour signaler l’incompatibilité du style de Zola avec les exigences de l’Académie.

Deux allusions, cette fois-ci plus tacites, peuvent encore être relevées. En Magellanie, roman posthume d’abord publié sous le titre Les Naufragés du Jonathan avant d’être réédité dans sa version originale en 1987, met en scène un chien, celui du personnage principal le Kaw-Djer, qui s’appelle Zol. Dans un roman où tous les personnages sont considérés comme des égaux par le Kaw-Djer (indigènes compris), il est intéressant de voir que Zol ne renvoie pas à un être humain mais à un chien. Si « Zol » n’est pas « Zola », la propension de Verne à jouer sur l’onomastique prévient le moindre doute sur les intentions réelles de l’auteur26. De plus, la rédaction d’En Magellanie intervient à peu près à la même date que celle des deux romans précédemment cités : octobre 1897 – avril 189827. Enfin, dans une nouvelle écrite par Michel (le fils) mais reprise par Jules Verne, La Journée d’un journaliste américain en 2889, Daniel Compère relève une allusion à la préface de Thérèse Raquin. En effet, à travers les remarques formulées par Benett au romancier Last, Verne se réfère à la métaphore médicale utilisée par Zola pour qualifier le travail du romancier : « Il faut disséquer ! Ce n’est pas avec une plume qu’on écrit de notre temps, c’est avec un bistouri. Chaque action dans la vie réelle est la résultante de pensées fugitives et successives qu’il faut dénombrer avec soin, pour créer un être vivant28. » Nous reviendrons sur l’importance de l’association du romancier avec le terme anglais « last » (dernier) et la sombre vision de l’avenir du roman que développe Verne.

II. Zola dans la correspondance Verne-Hetzel

Avant les allusions romanesques tardives à Zola, Verne témoigne de ses impressions de lecture dans sa correspondance avec Hetzel. Lorsque Verne écrit à ce dernier, il n’hésite pas à revenir sur ses propos, à les amender afin de satisfaire à ses exigences. En effet, Verne s’est toujours placé dans un rapport père-fils avec son éditeur : ce dernier le pousse régulièrement à modérer ses propos et lui ôte la possibilité de développer un discours critique autonome. Six mentions peuvent être relevées. Nous les citons toutes ici avant de les commenter :

Lisez donc aussi le Ventre de Paris de Zola, et tâchez d’aller jusqu’au bout, même en vous bouchant le nez. L’éditeur Hetzel doit avoir lu cela. C’est le dernier mot du réalisme. Et dans tout cela, du talent. (4 août 1875, à Pierre-Jules Hetzel, t. 2, p. 5229.)

Lu L’Assommoir de Zola. C’est infect, puant, épouvantable, répugnant, nauséabond, et… prodigieux ! Mais que diable pourrait-il faire de plus fort que cela ! C’est l’épopée de l’ouvrier pochard. Est-il nécessaire de raconter tout cela ? – mais, je le répète, prodigieux ! (9 ou 16 février 1877, à P.-J. Hetzel, t. 2, p. 152.)

Sapristi, ne lisez pas L’Assommoir alors. Je ne parle du talent de Zola qu’au point de vue de l’étonnante précision du détail, qui dépasse tout ce que j’ai lu en ce genre. Mais il traite des sujets qui ne devraient pas être traités, ni surtout de cette façon-là. Je n’y recherche aucun enseignement pour ma part. Ce sont d’étonnantes photographies que je regarde, – des photographies défendues. (20 février 1877, à P.-J. Hetzel, t. 2, p. 153.)

Zola à l’Académie ! hein ! Qu’aurait dit votre brave père ! Enfin, tout arrive. Mais quelle image il met à ses affiches de la Bête humaine, au moment où il veut entrer dans la chaste et sévère Académie ! (10 novembre 1889, à Louis-Jules Hetzel, t. 1, p. 108.)

La Débâcle est un roman ennuyeux, que je ne relirai jamais, moi qui ai souvent relu les autres. C’est absolument inférieur aux Chatrian. Quoi que Zola dise, c’est fait de chic, et puis… c’est ennuyeux, voilà mon opinion. Avec vingt lignes, Chatrian produit plus d’effet vrai, inoubliable, que l’autre en vingt pages. (30 juillet 1892, à L.-J. Hetzel, t. 1, p. 179.)

Je partage absolument votre manière de voir sur la Débâcle. Mais, quoi que vous en disiez, l’Assommoir et autres ont des qualités qui ne se retrouvent plus dans ce livre-là, fait de chic, quand il aurait dû être vécu. (9 août 1892, à L.-J. Hetzel, t. 1, p. 180-181.)

Premier enseignement, Verne « [a] souvent relu » les romans de Zola. Il apprécie le réalisme des Rougon-Macquart : « prodigieux ! », « étonnante précision du détail, qui dépasse tout ce que j’ai lu en ce genre » ; « [La Débâcle] aurait dû être vécu [pour être de même facture que les autres] ». Ce sont donc des qualités littéraires et stylistiques qu’apprécie Verne et ce, en dépit des critiques qu’il formule dans ses romans. Le réalisme reste une question primordiale dans les Voyages extraordinaires qui cherchent à rendre compte de leur époque, à se faire encyclopédie du XIXe siècle. Pourtant, Verne n’assume pas complètement cet attrait pour l’œuvre de Zola : il corrige son enthousiasme dans la troisième lettre qu’il envoie à Pierre-Jules Hetzel en utilisant des arguments moraux (« sujets qui ne devraient pas être traités », « photographies défendues »). La correction est d’autant plus intéressante qu’Hetzel est laïc et Verne catholique : la condamnation de Zola n’est pas tant le fruit d’une opinion religieuse que de celle d’une conscience de classe (« est-il nécessaire de raconter tout cela ? »). Verne aurait dû être le premier à rejeter Zola en bloc : peut-être voulait-il faire preuve de progressisme auprès de son éditeur et, surpris de son opinion, décida de reculer. Quoi qu’il en soit, il manifeste pour Zola un intérêt enthousiaste (il suffit de voir l’inflation des exclamatives), confesse en être un lecteur assidu (comme il l’est de Dickens par exemple) et admire ses capacités à rendre compte de la réalité (« photographie », « prodigieux »). Cette opinion se mêle d’un dégoût certain (« infect, puant ») mais qui se voit rapidement dépassé par une admiration littéraire30. Il va jusqu’à prendre sa défense face aux attaques de Louis-Jules Hetzel en 1892 (soit quelques mois seulement avant la rédaction de L’Île à hélice). Ces mentions, outre la contradiction qu’elles introduisent avec sa production romanesque, permettent de dévoiler la caractéristique essentielle du jugement de valeur vernien. Pour qu’un roman ne soit pas considéré comme « ennuyeux », il doit « faire vrai ».

III. « L’étonnante précision du détail »

Mesurer son plaisir de lecture au degré de perfection de la mimesis proposée par le romancier suppose un attachement à des capacités stylistiques. Verne estime que les compétences descriptives d’un auteur définissent son potentiel littéraire : après qu’Hetzel l’a complimenté sur ses efforts stylistiques, il évoque immédiatement les « passages descriptifs dans lesquels [il se] déploie de [son] mieux31 ». Aussi, il confie régulièrement son admiration pour deux écrivains à travers les entretiens qu’il accorde à des journalistes : Maupassant et Dickens32. Même si les deux romanciers ne sauraient être comparés aux yeux de Verne, il apprécie chez le premier le talent inouï à rendre compte de la psychologie de l’être humain et, chez le second, le réalisme social et l’humour (Oliver Twist fera l’objet d’un hommage dans P’tit Bonhomme). Paradoxalement, ce qui peut apparaître comme prouesse littéraire (saisir l’homme ou une société dans toute sa complexité), et que Verne apprécie tant chez Zola, conduira pour l’auteur des Voyages extraordinaires à la mort du roman. Nous comprenons ainsi pourquoi le romancier de La Journée d’un journaliste américain en 2889 s’appelle Last (« le dernier ») car, en suivant les conseils de Benett (qui sont ceux de Zola), il conduira la littérature à sa fin. Se projetant dans l’avenir au cours d’un entretien publié en 1902 aux États-Unis, Verne donne sa vision (très sombre) du sort de la littérature :

Les « Maupassant » qui enchanteront le monde dans les années à venir, écriront dans les journaux quotidiens et non pas dans les livres, et cristalliseront – comme disent les journalistes – la psychologie du monde dans lequel ils vivent, en rapportant les événements au jour le jour. C’est dans la presse qu’on découvre la véritable psychologie de la vie et il y a plus de Vérité – avec un grand V – dans les affaires policières, les accidents de chemin de fer, les faits et gestes quotidiens des gens, les combats à venir que dans une tentative de morale psychologique enrobée de fiction33

La littérature réaliste, en sacrifiant l’imagination, entre en concurrence avec les journaux et, de fait, se condamne à disparaître. L’attrait de Verne pour le « dire vrai » le conduit à préférer les journaux aux romans (notamment les naturalistes) car ces derniers, outre qu’ils sont en décalage constant par rapport aux faits décrits, n’apportent aucune vérité supplémentaire.

Verne juge donc la littérature à partir de son réalisme tout en étant conscient que c’est précisément ce même critère qui provoquera sa perte. La contradiction dans ses jugements sur Zola tient à sa propre ambiguïté lorsqu’il évoque la littérature. Verne ne parvient pas à déterminer ce qui de la conscience de classe (il ne faut pas peindre le peuple ainsi34) ou de la performance littéraire doit fonder son opinion. Ainsi, le dégoût pour celui qui abaisse la qualité de la langue et traite de sujets néfastes ne freine pas sa fréquentation des Rougon-Macquart puisque c’est la fascination pour l’interdit (la « photographie défendue ») qui l’emporte. Conscient de cette faille dans sa posture bourgeoise, il tente de centrer le débat sur la performance littéraire (« prodigieux ») pour justifier l’interdit par un argumentaire esthétique. Tentative vaine car il oscille constamment entre une volonté de croire à l’autonomie de la littérature (et donc à la juger uniquement sur des critères esthétiques) et une forte conscience bourgeoise qui condamne l’immoralité des naturalistes. En comparant le roman zolien à une « photographie défendue », Verne résume parfaitement cette tension insoluble entre art et moralité.

Conclusion

La contradiction entre les lectures publique et privée de Verne tient à l’ambiguïté qui encadre sa propre œuvre. Romancier de la bourgeoisie, tenu par un contrat très pointilleux signé avec Hetzel, Verne rêve toutefois d’être reconnu pour ses capacités littéraires et de bénéficier d’une réelle indépendance. Les personnages les plus marquants des Voyages extraordinaires, dont l’emblème serait le capitaine Nemo, sont d’ailleurs des apôtres de l’indépendance des peuples. Les derniers mots de Nemo dans L’Île mystérieuse peuvent être considérés comme le symbole de cette ambiguïté entre l’intention première (privée) et la réalisation concrète (publique). Alors que la version de Jules Verne propose « Indépendance », Hetzel corrige par le très bourgeois « Dieu et patrie ». Nous renvoyons ici à la manière dont Verne nuance son jugement sur Zola dans la seconde lettre de février 1877 après qu’Hetzel lui a signifié sa désapprobation pour trouver un autre cas de fléchage du discours littéraire par le discours social (incarné par l’autorité éditoriale Hetzel).

Il n’est donc pas étonnant de voir une même dualité se faire jour entre les allusions romanesques et la correspondance. Verne attaque Zola car il est de bon ton pour un écrivain de la bourgeoisie, qui se pique de posséder un goût littéraire, de le faire. De plus, l’argument social se double du refus d’épargner un concurrent (pour l’Académie, dans les librairies ou sur les planches) qui a, en outre, régulièrement fait part de son dédain pour Verne. Néanmoins, ce dégoût tout bourgeois et cette rivalité ne portent pas atteinte au crédit littéraire que Verne accorde à Zola. S’il s’interroge sur la nécessité de traiter de tels sujets dans le roman (les journaux le font déjà), il ne manque pas de louer les compétences descriptives d’un auteur qu’il a « relu ». Le plaisir du lecteur Verne devant les « photographies défendues » des Rougon-Macquart doit à une conception du roman comme appareil à reproduire le réel. Il mesure son intérêt au degré de perfection de la mimesis : Dickens, Maupassant sont loués dans ses interviews pour leurs capacités à rendre compte des différentes strates de la société et des êtres qui la composent. L’intérêt pour Walter Scott tient à ce qu’il écrit des romans historiques, celui pour Edgar Poe tient à l’inscription de la science de l’aventure (Verne ne peut s’empêcher de critiquer les lacunes de Poe dont le roman manque parfois de réalisme). Verne a conscience que l’imagination (entendue comme synonyme d’aventures, fantaisies) ne permet pas la reconnaissance littéraire et situe, conformément à la tendance contemporaine, ses attentes sur le terrain du réalisme. Conséquence de cette vision le roman, à force de chercher la vérité, entre en concurrence avec les journaux qui, en se faisant les relais de l’actualité (sordide) de la société, détiennent la Vérité. Verne apprécie Zola, mais aussi Maupassant ou Dickens, tout en reconnaissant à la tendance à laquelle ils appartiennent la capacité de détruire le roman.

Notes de bas de page numériques

1  Les deux préfaces qui se trouvent dans les Voyages extraordinaires (sur plus de soixante titres) ont été écrites par Pierre-Jules Hetzel. Elles annoncent un projet littéraire et idéologique (couvrir l’intégralité des mondes connus et inconnus avec les romans et démocratiser les connaissances scientifiques) sans véritable originalité puisqu’il est parfaitement concomitant de celui de la revue de la maison Hetzel : Le Magasin d’éducation et de récréation.

2  « Jules Verne » publié en 1866 dans L’Événement. Voir Jean-Michel Margot, Jules Verne en son temps, Amiens, Encrage, Cahier Jules Verne, II, 2004, p. 21.

3  « Jules Verne » dans Le Salut Public. Voir Jean-Michel Margot, Jules Verne en son temps, pp. 25-26.

4  Le succès des adaptations du Tour du monde en quatre-vingts jours confronté à l’échec du naturalisme au théâtre est vraisemblablement la motivation essentielle de l’animosité de Zola à l’encontre de Verne. Voir l’article de Christophe Reffait sur « Verne et Zola : éléments du discours critique de la fin du XIXe siècle », in Jules Verne ou les inventions romanesques, sous la dir. de Christophe Reffait & Alain Schaffner, Amiens, Encrage Université & CERR, « Romanesques », Hors-Série, 2007, pp. 416-417.

5  Avant de se corriger : « En somme, ce sont bien des romans, et des romans plus aventureux et plus imaginaires que les nôtres. » Émile Zola, Les Romanciers naturalistes, Paris, G. Charpentier, 1881, p. 356.

6  « Chacun de ses livres : Cinq semaines en ballon, Le Tour du monde en 80 jours, les Fils du capitaine Grant, d’autres encore, se sont enlevés en librairie à cent mille exemplaires. » Seul le Tour du monde a dépassé les cent mille exemplaires. Remarquons que Zola ne cite que trois romans, les deux qu’il a lus lorsqu’il a rédigé ses articles en 1866 et le Tour du monde, fruit d’une adaptation théâtrale qui connaît un succès foudroyant.

7  Il est amusant de voir Zola utiliser l’argument du succès commercial comme discrédit littéraire quand sa propre œuvre connaît un succès important. Pierre Bourdieu explique d’ailleurs comment Zola est parvenu à préserver sa valeur esthétique malgré son succès : il a mis au centre du débat la figure de l’homme de lettres, de l’intellectuel et fait de son parti pris esthétique pour le « vulgaire et le dépravé », la conséquence d’une « mission de subversion prophétique », « intellectuelle et politique ». V. Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, « Points Essais », 1992, p. 212.

8  Émile Zola, Les Romanciers naturalistes, p. 357.

9  Jean Delabroy, « Une transe-atlantique (texte-échangeur et fantasmatique sociale) », in Jules Verne et les sciences humaines, sous la dir. de François Raymond & Simone Vierne, Paris, UGE, 1979, p. 225.

10  Constatons néanmoins ici que Verne pratique souvent des fins déceptives en se gardant bien de prendre une position ferme dans le débat scientifique. Cette particularité reste avant tout une trouvaille critique : son roman travaille profondément l’imaginaire du lecteur contemporain, auquel il laisse une impression de vérité. Aussi, le lecteur du Voyage au centre de la terre n’achève pas le roman en s’offusquant de ce que les personnages ne sont jamais « réellement » allés au centre de la terre et que le titre est déceptif (de même que De la terre à la lune par exemple).

11  Yves Chevrel, « Questions de méthodes et d’idéologies chez Verne et Zola. Les Cinq cents millions de la Bégum et Travail », in François Raymond (dir.), L’Écriture vernienne, Série Jules Verne, Paris, Lettres modernes Minard, 1978, pp. 69-96. La curiosité du corpus, pleinement assumée par l’auteur, tient à ce que les Cinq cents millions soit un roman co-écrit par Verne avec André Laurie et que Travail ne soit pas un Rougon-Macquart.

12  Jacques Noiray, Le Romancier et la machine, Paris, José Corti, 1982, 2 tomes. Le tome 1 comporte l’étude sur Zola et le 2 celle sur Verne.

13  Jacques Noiray, Le Romancier et la machine, t. 2, p. 28.

14  Philippe Hamon, Du Descriptif, Paris, Hachette Supérieur, « Recherches littéraires », 1993.

15  Christophe Reffait, « Verne et Zola, éléments du discours critique de la fin du XIXe siècle », pp. 407-425.

16  Christophe Reffait, « Verne et Zola », p. 409.

17  Christophe Reffait, « Verne et Zola », p. 416.

18  Voir l’article de Marcel Girard, « Positions politiques d’Emile Zola jusqu’à l’affaire Dreyfus », Revue française de science politique, n° 3, 1955, p. 520.

19  Verne adopte une position très curieuse. Ses Voyages extraordinaires ont en effet un rôle politique (démocratisation du savoir auprès d’une certaine catégorie sociale) et s’opposent à l’idéologie de l’Art pour l’Art pour se revendiquer d’une utilité sociale. Ils servent néanmoins les intérêts de la classe dominante quand Zola met en scène la dominée à travers ses souffrances et la fatalité qui l’entoure. L’article de Marcel Girard montre combien le fait que Le Figaro (journal dit « de droite ») accorde une place à Zola pouvait apparaître curieux aux yeux de ses lecteurs (dont Verne) et participait pourtant d’un intérêt politique évident (Zola s’attaque à beaucoup d’idées « populaires » de la gauche, voir Marcel Girard, « Positions politiques », p. 520.)

20  Jules Verne, L’Île à hélice, Dijon, Groupe Privat/ Le Rocher, « Motifs », 2005, pp. 368-369.

21  Cette allusion a été mise en avant par Daniel Compère dans son ouvrage Jules Verne écrivain, Genève, Droz, 1991, p. 120.

22  Même si Jules Verne entre au conseil municipal d’Amiens, il se défendra toujours de faire de la politique. Il accepte un mandat « purement administratif » et collabore, du reste, avec une liste opposée à ses principales convictions politiques.

23  Jules Verne, Clovis Dardentor, Paris, Hetzel, 1896, chapitre XV.

24  Voir la notice du TLF mis en ligne sur lexilogos (http://www.cnrtl.fr/definition/gondoler) dans laquelle on apprend que l’expression date de la fin des années 1880, qu’elle est référencée dans les dictionnaires argotiques notamment dans le Supplément au Dictionnaire de la langue verte de Delvau (1889).

25  Lettre du 25 avril 1864, in Correspondance inédite de Jules Verne et Pierre-Jules Hetzel (1863-1886), éditée par Olivier Dumas, Piero Gondolo della Riva & Volker Dehs, Genève, Slatkine, 1999, 3 tomes, t. 3, p. 28.

26  Notons toutefois qu’En Magellanie n’est pas une version définitive. Verne était un spécialiste de la correction sur épreuve et, peut-être aurait-il modifié son propos afin de le rendre bienséant.

27  Selon les dates avancées par Piero Gondolo della Riva, « Les Dates de composition des derniers Voyages extraordinaires », Bulletin de la Société Jules Verne, n°119, 3e trimestre 1996, pp. 12-14.

28  Cité par Daniel Compère, Jules Verne écrivain, p. 120.

29  Voir la correspondance éditée par Olivier Dumas, Piero Gondolo Della Riva et Volker Dehs, Correspondance inédite de Jules Verne et Pierre-Jules Hetzel (1863-1886), 3 tomes, Genève, Slatkine, 1999 et Correspondance inédite de Jules et Michel Verne avec l’éditeur Louis-Jules Hetzel (1886-1914), Genève, Slatkine, 2 tomes, 2004.

30  Les romans de Verne abondent en témoignages d’allégeance ou de respect envers les qualités descriptives d’un auteur : Stahl (Hetzel), Sand, Hugo dans Vingt mille lieues sous les mers, Chateaubriand, Dickens dans d’autres romans. Il reste très complexé par la non-reconnaissance de son style et use de ces auteurs comme de véritables patrons littéraires.

31  Lettre du 25 avril 1864 in Correspondance inédite de Jules Verne et Pierre-Jules Hetzel (1863-1886), t. 1, p. 28.

32  Voir Daniel Compère et Jean-Michel Margot, Entretiens avec Jules Verne 1873-1905, Genève, Slatkine, 1998, p. 93 (Dickens) et p. 178 (Maupassant).

33  Daniel Compère & Jean-Michel Margot, Entretiens, p. 178.

34  Il n’est qu’à regarder les Voyages extraordinaires pour constater l’absence du prolétariat, à l’exception des domestiques et/ou esclaves qui vivent dans un état de joie et de reconnaissance infinie envers leur maître.

Bibliographie

BOURDIEU Pierre, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Éditions du Seuil, « Points Essais », 1992.

CHEVREL Yves, « Questions de méthodes et d’idéologies chez Verne et Zola. Les Cinq cents millions de la Bégum et Travail », in RAYMOND François (dir.), L’Écriture vernienne, Série Jules Verne, Paris, Lettres modernes Minard, 1978, pp. 69-96.

COMPÈRE Daniel & MARGOT Jean-Michel, Entretiens avec Jules Verne 1873-1905, Genève, Slatkine, 1998.

COMPÈRE Daniel, Jules Verne écrivain, Genève, Droz, 1991.

DELABROY Jean, « Une transe-atlantique (texte-échangeur et fantasmatique sociale) », in RAYMOND François & VIERNE Simone (dir.), Jules Verne et les sciences humaines, Paris, UGE, 1979, pp. 212-228.

DUMAS Oliver et al., Correspondance inédite de Jules Verne et Pierre-Jules Hetzel (1863-1886), 3 tomes, Genève, Slatkine, 1999 et Correspondance inédite de Jules et Michel Verne avec l’éditeur Louis-Jules Hetzel (1886-1914), Genève, Slatkine, 2004, 2 tomes.

GIRARD Marcel, « Positions politiques d’Emile Zola jusqu’à l’affaire Dreyfus », Revue française de science politique, n° 3, 1955, pp. 503-528.

HAMON Philippe, Du Descriptif, Paris, Hachette Supérieur, « Recherches littéraires », 1993.

MARGOT Jean-Michel, Jules Verne en son temps, Amiens, Encrage, « Cahier Jules Verne », II, 2004.

NOIRAY Jacques, Le Romancier et la machine, Paris, José Corti, 1982, 2 tomes.

REFFAIT Christophe, « Verne et Zola : éléments du discours critique de la fin du XIXe siècle », in REFFAIT Christophe & SCHAFFNER Alain (dir.), Jules Verne ou les inventions romanesques, Amiens, Encrage Université & CERR, « Romanesques », Hors-Série, 2007, pp. 407-425.

SANDU Corina, « Les scandales littéraires, de la presse à la lettre (1877-1887). Influence du discours pamphlétaire sur l’épistolaire », www.medias19.org, in PINSON Guillaume (dir.) dossier 1. La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique, 2010.

VERNE Jules, L’Île à hélice, Dijon, Groupe Privat/ Le Rocher, « Motifs », 2005.

VERNE Jules, Clovis Dardentor, Paris, Hetzel, 1896.

ZOLA Émile, Les Romanciers naturalistes, Paris, G. Charpentier, 1881.

Pour citer cet article

Renoir Bachelier, « Verne lecteur de Zola : entre dégoût, rivalité et admiration », paru dans Loxias, Loxias 38., mis en ligne le 28 août 2012, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=7127.

Auteurs

Renoir Bachelier

Renoir Bachelier bénéficie d’un contrat doctoral et travaille au sein de l’équipe du CERR/CERCLL de l’Université de Picardie. Il a entamé, en 2011, une thèse sur les « spécificités romanesques de l’œuvre de Jules Verne » sous la direction de Marie-Françoise Melmoux-Montaubin.