Loxias | Loxias 37. Arts et Littératures des Mascareignes | I. Arts et littératures des Mascareignes 

Emmanuel Bruno Jean-François et Evelyn Kee Mew  : 

Les auteurs de l’ombre du champ littéraire mauricien : entre critères de légitimation et stratégies de reconnaissance

Résumé

L’accès d’une poignée de romanciers mauriciens à de célèbres maisons d’édition parisiennes a donné, depuis une quinzaine d’années environ, une visibilité internationale à la littérature mauricienne. Cela dit, la production contemporaine de la petite île ne se limite pas à ces quelques noms connus et médiatisés. Elle compte aussi ces « auteurs de l’ombre », dont le travail littéraire ne correspond pas toujours aux goûts et aux desiderata du centre éditorial hexagonal. Pour ces auteurs, dont les œuvres sont peu diffusées à l’étranger, la reconnaissance internationale est beaucoup plus difficile à atteindre. L'article rappelle l’existence de cette part souvent invisible du champ littéraire mauricien et tente de décrire les critères de discrimination qui participent de la mise à l’ombre des textes et des écrivains. Il cherche également à rendre compte des stratégies mises en place par ces auteurs pour accéder à une forme de légitimité…

Abstract

The fact that a few Mauritian novelists have been published by renowned Parisian publishers has bestowed, since the last fifteen years or so, an international visibility to Mauritian literature. However, the contemporary literary production of the small island goes beyond what is being published by these few well-known and recognized writers. It also includes the works of those authors writing in their shadow, which do not always suit the literary expectations and demands of the hexagonal publishing center. For these writers, whose texts are not distributed enough outside the country, international recognition is difficult to achieve. The article focuses on this invisible part of the Mauritian literary field and describes the discriminating criteria which contribute to the anonymity of some texts and authors. It also explores the various strategies used by these writers to obtain some form of legitimacy…

Index

Mots-clés : auteurs de l’ombre , avenues et stratégies de la reconnaissance, centre éditorial, champ littéraire mauricien, instances légitimantes

Géographique : Mascareignes , Océan indien

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

Introduction

Depuis une quinzaine d’années maintenant, l’on assiste à une ascension et une visibilité remarquables de la littérature mauricienne sur la scène littéraire francophone internationale. L’accès à de célèbres maisons d’édition parisiennes d’une poignée de romanciers issus de la petite île a incontestablement entraîné ce phénomène. Parmi les noms les plus cités, ceux d’Ananda Devi, Carl de Souza, Nathacha Appanah, Shenaz Patel, Barlen Pyamootoo, Bertrand de Robillard, Amal Sewtohul ou encore Alain Gordon-Gentil et Marie-Thérèse Humbert, dont les œuvres bénéficient non seulement des avantages et du rayonnement de l’industrie littéraire parisienne, mais aussi d’une reconnaissance certaine de la critique et des études universitaires. Quant aux poètes et nouvellistes mauriciens publiés en France et qui bénéficient d’une notoriété comparable, ils sont beaucoup plus rares : Édouard Maunick, Khal Torabully, Vinod Rughoonundun. En somme, une quinzaine d’auteurs seulement occupent l’essentiel de la visibilité internationale du champ littéraire mauricien contemporain. En effet, si le centre éditorial parisien, avec le soutien de la critique francophone, a permis de mettre quelques productions mauriciennes sous les feux des projecteurs, elle a également participé à fabriquer une image partielle et partiale de ce qu’est la littérature mauricienne contemporaine, en reconnaissant les œuvres qui correspondent beaucoup plus à sa définition de ce que devrait être une littérature insulaire comme celle de Maurice, petite île indépendante, prise dans les problématiques identitaires du multiculturalisme, les considérations économiques du développement, et les angoisses causées par l’enfermement et l’exiguïté.

Pour cette même raison, le lecteur non-mauricien qui s’en tiendrait à ces quelques grands noms reconnus par les éditions parisiennes, se fera probablement une représentation assez cohérente, homogène et unitaire de la littérature mauricienne. Pourtant, il suffit de s’intéresser de plus près à ce qui se passe à l’intérieur de l’île pour se rendre compte que l’on y trouve une production littéraire riche, dynamique et variée dont les instances de reconnaissance internationales ne rendent pas compte. En effet, autant les expressions littéraires de la Caraïbe ont pu, à un moment, se définir de manière solidaire autour de l’antillanité et ensuite de la créolité, autant la littérature mauricienne est marquée par son hétérogénéité et la pluralité de ses productions. Cependant, tous les auteurs ne bénéficient pas de la même reconnaissance. Dans la conclusion à un précédent article intitulé « Paris et sa représentation de la littérature mauricienne d’expression française », nous avons en effet souligné le fonctionnement d’un champ littéraire mauricien qui évolue à deux vitesses. D’une part, il y a la production qui bénéficie de la légitimation parisienne et qui accède ainsi, plutôt rapidement, aux instances de diffusion hors des frontières insulaires ; et, d’autre part, il y a ces « auteurs de l’ombre1 », dont le travail littéraire ne correspond pas toujours aux goûts et aux desiderata d’un centre éditorial hexagonal. Pour ces écrivains, dont les œuvres sont très peu diffusées, et qui restent méconnus à l’étranger, la reconnaissance internationale est beaucoup plus difficile à atteindre.

Face à une telle situation, la question que l’on se pose souvent est la suivante : comment appréhender la diversité de la production littéraire mauricienne et comment ne pas l’enfermer dans une définition et un modèle qui seraient dictés par les maisons d’édition à Paris ? Le débat autour de l’hétérogénéité de la littérature mauricienne ne date pas d’hier ; et, si nous employons le terme « champ » dans le titre de cet article, c’est bien dans le but de faire référence aux nombreuses interrogations qui ont été formulées par d’autres chercheurs avant nous, en rappelant les difficultés liées à tout exercice d’identification d’une littérature (notamment nationale). La définition d’un champ littéraire est en effet soumise à des considérations beaucoup plus complexes que la seule publication des textes et leur présence sur les rayons des librairies. En effet, dans une approche sociologique de la littérature, Pierre Bourdieu avait associé à ce concept de « champ » l’idée d’une production relativement homogène, stable et autonome. Or, lorsque cette même lecture est appliquée à la littérature mauricienne, elle finit par soulever un certain nombre de problématiques. Faut-il alors, pour appréhender l’hétérogénéité des productions (qu’elle soit d’ordre éditorial, linguistique, générique ou thématique) adapter le concept de Bourdieu et parler d’un champ littéraire éclaté, pluriel, ou encore de plusieurs sous-champs ; ou alors faut-il avoir recours à une autre terminologie et parler d’espace littéraire, de localité v/s globalité, de transtextualité et de transculturalité ?

Cela dit, si l’application du concept de champ littéraire à la littérature mauricienne présente effectivement un certain nombre de limites, prise avec une certaine distance, elle a, selon nous, le mérite de révéler malgré tout le parti-pris de l’industrie littéraire et des instances de légitimation, tout en soulignant les violences symboliques du système à l’encontre de certains auteurs. En parlant de cette marginalisation, voire de cette non-reconnaissance des écrivains, il s’agit alors de comprendre le rôle joué par différents acteurs et instances légitimantes qui font partie du champ ; et de décrire les stratégies de positionnement mis en place par les auteurs dans le but d’obtenir une plus grande visibilité, tout au moins auprès d’un public local, en attendant d’être reconnus internationalement. Aussi, notre propos se veut une invitation au voyage et à la découverte de l’univers dans lequel évoluent ces auteurs de l’ombre. Pour y arriver, nous essayerons d’abord, en évoquant les principales caractéristiques de la production littérature mauricienne, de démontrer l’existence bien réelle d’une part invisible de la production contemporaine. Ensuite, nous tenterons de définir les critères de discrimination qui participent de cette mise à l’ombre de certains textes et de leurs écrivains. Enfin, dans ce même élan, nous nous intéresserons aux stratégies mises en place par ces auteurs de l’exiguïté pour accéder à la reconnaissance...

1. Champ ou espace littéraire mauricien : des principaux enjeux du débat à l’existence des auteurs de l’ombre

Le concept de champ littéraire, élaboré par Pierre Bourdieu dans Les Règles de l’art2, occupe, depuis quelques années déjà, une place grandissante dans le discours de la critique des littératures plurielles et minorées de la francophonie littéraire. Dans l’analyse des littératures du Sud notamment, l’utilisation de ce concept a permis en effet de repenser la critique « sinon comme pouvoir, du moins comme un des lieux de pouvoir, ou un lieu où du pouvoir se hiérarchise3 », et ce dans le but de remettre en cause le monopole d’une légitimité artistique qui reste largement euro-centriste. Si la critique accorde autant d’importance à l’identification des champs littéraires, c’est aussi parce que la mise en place des littératures dites émergentes ainsi que leur autonomisation sont largement déterminées par les conditions de production, de diffusion, de réception et de légitimation. En effet, le champ littéraire renvoie à un système de positions (mécanismes structurels de concurrence et de domination), d’autonomie (chaque champ est régi par un nomos, des lois et des enjeux qui lui sont propres et le différencient d’un autre champ) et d’instances de légitimation et de consécration institutionnelles (comme les prix littéraires par exemple). Ce qui intéresse la critique c’est qu’une telle conquête de l’autonomie (voire de la conscience de soi) puisse aussi s’apparenter à une quête identitaire dans les littératures dites émergentes.

Pourtant, les différents critiques qui se sont penchés sur le corpus mauricien disent la difficulté d’y appliquer ce concept de « champ littéraire », tel que défini par Bourdieu. Peter Hawkins, dans « Y a-t-il un champ littéraire mauricien ? », avance ainsi que si ce dernier existe, il « ne correspond que peu à l’exemple bourdieusien du champ littéraire français de la deuxième moitié du XXe siècle. La dynamique en semblerait tout autre4 ». De même, Robert Furlong commente en 2005 comment les termes « préhistoire », « émergence » et « champ littéraire » qu’il a empruntés à Bourdieu lui « ont paru être des clefs d’analyse pertinentes dans le cas mauricien, même s’il sera parfois nécessaire de s’éloigner du sens strictement bourdieusien5 ». Vicram Ramharai écrit pour sa part en 2006 que « postuler l’existence d’un champ littéraire mauricien revient à admettre une possible adaptation et un aménagement du concept de champ (Bourdieu, 1992) selon le contexte et à reconnaître aussi que le concept n’est pas statique6 ».

Ces tentatives d’affirmation d’un champ spécifiquement mauricien qui se rattacherait et s’adapterait à la seule condition de l’existence des textes littéraires, se révèlent problématiques et contestables à partir du moment où sont prises en compte la situation et les réalités complexes de la production littéraire dans l’île. C’est ce qui expliquerait pourquoi les critiques ont pendant longtemps « évité » d’en définir – voire d’en délimiter – les contours de manière claire. Ainsi, dans son article intitulé « Préhistoire, émergence, évolution d’une littérature : le cas du XIXe siècle mauricien », qui essaye d’identifier les étapes ayant participé à l’émergence d’un champ littéraire local, Robert Furlong se contente de décrire les deux premières phases de sa mise en place qu’il date, de manière inexpliquée, au début du XXe siècle :

un champ littéraire constitué se précise à partir du début du XXe siècle, notamment avec les activités du cercle Littéraire de Port-Louis, la fondation en 1919 de sa revue littéraire « L’Essor » qui allait durer 40 ans, l’éclosion poétique d’un Robert-Edward Hart qui saura aller à la recherche de mythes fondateurs insulaires, l’avènement de grands écrivains tels, par exemple, Malcolm de Chazal visionnaire de génie, Raymonde de Kervern poétesse au grand cœur, Édouard Maunick le poète du métissage, pour n’en citer que quelques-uns7.

Par ailleurs, dans d’autres travaux, Furlong met également en évidence les nombreuses œuvres littéraires produites à Maurice mais tournées vers la France, tout en formulant l’importance de reconnaître celles qui abordent les préoccupations plus « locales » de l’île. Ceci dit, les contours de ce champ littéraire mauricien dont il défend l’existence demeurent une fois encore flous. Il en va de même pour la définition de la mauricianité que la critique oublie souvent d’expliciter, misant sur une certaine compétence culturelle qu’elle partagerait avec le lecteur mauricien de surcroît, et que Valérie Magdelaine qualifie de « “mauricianité” fictive qui tiendrait lieu d’identité insulaire et par conséquent littéraire […] que […] certains critiques définissent de manière tautologique8 ».

Or, l’application de la notion de champ littéraire à la littérature mauricienne impliquerait donc nécessairement un éclatement du concept bourdieusien dans sa définition même puisqu’il ne faut pas oublier qu’il s’agit à la base d’un concept situé littérairement, culturellement et politiquement. Il a en effet été élaboré pour une littérature nationale et monolingue de l’Occident essentiellement – notamment la littérature française du XIXe siècle –, alors qu’on retrouve à Maurice, société à la fois pluriculturelle et plurilingue, une production littéraire très hétérogène, tant sur le plan générique, que thématique et linguistique (anglais, français, créole mauricien, hindi, etc.) et qui dépend encore beaucoup d’une instance de reconnaissance exogène. Par conséquent, toutes ces productions ne sont pas reconnues au même titre. Peut-on alors dire qu’elles appartiennent à un même champ ? L’hétérogénéité s’oppose en effet à la notion même de champ qui résulte du fait qu’aucune œuvre culturelle n’existe par elle-même, en dehors des relations d’interdépendance qui l’unissent à d’autres œuvres, ce que Michel Foucault propose de nommer le « champ de possibilités stratégiques » ou encore « le système réglé de différences et de dispersions »9 à l’intérieur duquel chaque œuvre se définit.

Aussi, certains critiques trouvent qu’on ne peut parler de champ unifié à Maurice et par conséquent d’une littérature mauricienne au singulier. Ce qui amène Peter Hawkins à postuler l’existence de plusieurs champs – ou encore d’un champ pluriel –, à raison d’un (sous-)champ par langue de production, ce qui permettrait de rendre compte de ces productions plurilingues, multiculturelles et largement hétérogènes :

D’un côté, on peut se demander s’il existe à Maurice un seul champ littéraire ou bien plusieurs, qui correspondent à la prolifération des langues utilisées dans l’île à des fins littéraires […]. Par ailleurs on peut en même temps se demander dans quelle mesure ces diverses productions littéraires hétérogènes sont spécifiquement mauriciennes. […] Peut-on alors envisager et élaborer le concept d’un champ littéraire qui soit plurilingue, et sans doute multi-culturel ?10

Ces propos nous rappellent ceux de Vicram Ramharai qui, bien qu’il emploie volontiers l’expression « champ littéraire mauricien » au singulier, reconnaît que c’est une littérature qui manque d’homogénéité et qui n’est pas tout à fait autonome, dans la mesure où elle dépend encore largement d’une instance de reconnaissance littéraire parisienne. C’est d’ailleurs précisément cette idée de dépendance de la production littéraire à une capitale symbolique, culturelle, et économique excentrée qui amène Bernard Lahire à questionner d’une part la pertinence de l’autonomie en tant que critère de définition du champ littéraire ; et d’autre part la pertinence même du concept de champ à rendre compte de la diversité des pratiques sociales11. Ainsi, Pascal Durand, dans son analyse des champs symboliques de Bourdieu, note que s’opère un déplacement de la question de l’autonomie du champ littéraire vers celle de l’autonomie linguistique12.

Face à tous ces aménagements et complications terminologiques, certains critiques ont cherché dans le concept d’espace littéraire un moyen d’exprimer, de manière beaucoup plus dynamique, l’hétérogénéité et la transtextualité que le terme « champ », déjà fortement connoté, a du mal à exprimer. Ainsi, dans un article intitulé « Champs et espaces littéraires : le cas des romans francophones mauriciens », Valérie Magdelaine explore les possibilités de lectures et de mises en relation rhizomatiques qu’offre le terme « espace » lorsqu’il s’agit d’aborder la production littéraire mauricienne :

L’on pourrait alors postuler qu’il existerait un espace littéraire mauricien, irréductible au champ, dont les contours et le fonctionnement seraient différents de ceux du champ, mais qui serait en rapport avec d’autres types d’espaces. Un espace, en effet, est délimité par la co-présence de l’autre. L’espace est un mode de relation avec l’autre dont le territoire est à la fois contigu et commun13.

D’un critique à un autre, le débat entre champ et espace littéraires reste entier et il semblerait que la production littéraire mauricienne, prise dans la problématique de la reconnaissance, ne se laissera pas aussi facilement appréhender. Les critiques s’entendent tout de même sur l’hétérogénéité, l’absence d’autonomie, et la division de la production, qui résultent du poids social et symbolique des nombreuses langues d’écriture, de la diversité et des influences culturelles présentes dans l’île, des nombreux genres littéraires pratiqués, de la reconnaissance associée à l’édition parisienne, et du prestige que celle-ci accorde à un roman francophone mauricien « type » – qui correspondrait aux modèles mis en valeur par les éditeurs parisiens. Ce même prestige scinde et hiérarchise la production dans des catégorisations, voire des stratifications, littéraires peu visibles de l’extérieur, mais parfois très frustrantes lorsque vécues de l’intérieur. Comme le rappelle Valérie Magdelaine,

On relève [...] dans la littérature mauricienne, voire dans les littératures mauriciennes, une négociation des forces qui se ferait plutôt finalement autour du droit même de postuler à prendre part au champ, plus qu’ensuite à en faire le lieu d’un réglage au plus près de la rivalité des productions littéraires elles-mêmes14.

Cela dit, la raison pour laquelle nous employons ici l’expression « champ littéraire mauricien », c’est bien pour souligner qu’il existe une violence symbolique rattachée aux idées d’uniformité et d’homogénéité, véhiculée par le concept de « champ » – violence qui participe à la mise à l’ombre de certains auteurs. Notre propos consiste ici précisément à décrire certaines variables qui participent à cette « négociation des forces » dont parle Magdelaine et qui font que certains auteurs subissent l’évolution à deux vitesses de la littérature mauricienne contemporaine tout en éprouvant du mal à se faire une place reconnue et attestée par la critique. Ces auteurs de l’ombre qui voudraient aussi très légitimement que leurs œuvres puissent être visibles, doivent en effet négocier leur place en permanence ; et, pour y arriver, ils mettent en place, comme nous le verrons un peu plus loin, un certain nombre de stratégies qu’ils espèrent pouvoir leur ouvrir la porte de la reconnaissance.

2. Principaux critères de discrimination

La littérature mauricienne, comme nous l’avons vu plus tôt, est une littérature plurielle constituée de circuits et de réseaux multiples, une caractéristique d’autant plus accentuée du fait qu’il s’agit d’une production insulaire qui s’inscrit dans des réalités sociales très particulières. D’ailleurs, en parlant du champ littéraire de l’île sœur, la Réunion, Valérie Magdelaine et Carpanin Marimoutou font à peu près le même constat et soutiennent qu’il ne faut pas y considérer « “la” littérature comme un tout désincarné15. ». Nous savons depuis La République mondiale des lettres que la littérature « reconnue » est le résultat d’un système qui la soumet à ses propres règles de validation et en détermine la réception selon des logiques de marché. Pascale Casanova met en effet en garde contre la reconnaissance littéraire par un Centre où reconnaître tendrait à voir le Même chez l’Autre :

L’universel est, en quelque sorte, l’une des inventions les plus diaboliques du centre : au nom d’un déni de la structure antagoniste et hiérarchique du monde, sous couvert d’égalité de tous en littérature, les détenteurs du monopole de l’universel convoquent l’humanité tout entière à se plier à leur loi. L’universel est ce qu’ils déclarent acquis et accessible à tous à condition qu’il leur ressemble16.

Or, il est évident que certains paramètres de définition du champ littéraire mauricien, largement dictés par les industries éditoriales parisiennes, participent directement à la mise à l’ombre de certaines productions, voire de certains auteurs. Les mécanismes de reconnaissance favorisent ainsi des logiques d’inclusion et d’exclusion, ce qui amène Fonkoua et Halen à déplorer « l’écart croissant entre, d’une part, les circuits de production locaux, développant par la force des choses des codes d’appropriation propres, et, d’autre part, les circuits internationaux, – souvent localisés dans les anciennes métropoles17 ». Les auteurs de l’ombre font tout de même partie du paysage littéraire mauricien. Aussi, en retenant le caractère hétérogène de la production, il nous semble essentiel, dans un propos qui vise à en parler, de pouvoir situer les facteurs – tels que le lieu d’édition, le choix de la langue, du genre et de la thématique – qui participent de cette mise à l’ombre.

2.1 Le lieu d’édition

La publication dans une capitale littéraire comme Paris joue un rôle fondamental dans la visibilité et la littérarisation des textes francophones, et ce au détriment des publications issues d’espaces dits périphériques. À quelle reconnaissance alors peuvent donc s’attendre les auteurs qui publient localement ? En l’absence de véritables maisons d’édition, ils sont souvent obligés de publier à compte d’auteur, en se tournant vers des imprimeries, des petites structures éditoriales (les Éditions Alma, de la Tour, de l’Au-delà, Vilaz Métiss, etc.) ou encore des éditions plus commerciales (les Éditions Le Printemps ou de l’Océan Indien, dont les publications restent très hétérogènes). Faute aussi de circuits de diffusion efficaces, les textes publiés localement ne circulent guère en-dehors des frontières de l’île, sinon au travers d’initiatives principalement individuelles, demeurant de ce fait marginalisés :

le dynamisme littéraire local demeure assez peu connu à l’étranger, même quand il s’agit de production francophone. On peut alors se demander si ces productions, qui ne sont pas validées par l’industrie parisienne, sont condamnées à être perçues comme des productions amateures18.

Restent donc inconnus, des lecteurs étrangers, des auteurs dont les textes font montre d’une qualité littéraire pourtant certaine. On pensera notamment aux œuvres de Sedley Assonne19, Michel Ducasse20, Thierry Chateau21, Jeanne Gerval-Arouff22, Philippe Forget23, Lilian Berthelot24, auteurs prolifiques, connus des Mauriciens, qui produisent aussi dans différents genres et/ou différentes langues. La production locale se veut en effet riche et variée : sur la seule production romanesque en français de ces trente dernières années, nous pouvons recenser plus d’une soixantaine d’auteurs dont une quarantaine ont publié exclusivement à Maurice, soit environ deux tiers du nombre. Il s’agit certes de publications de qualité littéraire variée et discutable, les textes ne faisant pas l’objet, pour la plupart, d’un travail de révision « éditorial » ; mais cet argument ne fait pas non plus office de règle. Le nombre réel d’écrivains mauriciens dépasse de loin la petite poignée reconnue par le centre éditorial parisien. Ceci dit, il nous semble aussi nécessaire de rappeler que le fait de publier à Paris ne suffit pas non plus à la réussite d’un auteur, le nom et le prestige de certaines maisons d’édition contribuant beaucoup à la reconnaissance de celui-ci. Ainsi, si l’on reprend les chiffres énoncés plus haut, sur les plus d’une vingtaine de romanciers publiés en France, seule une douzaine a véritablement percé. Il s’agit pour la plupart d’auteurs ayant publié chez Gallimard, L’Olivier et Julliard.

2.2 La langue d’écriture

Selon Pascale Casanova, certaines langues seraient plus valorisantes que d’autres dans la fabrique de l’universel. Le choix de la langue d’écriture peut ainsi déterminer la visibilité ou la mise à l’ombre de certains auteurs mauriciens. Il est intéressant de noter que la production littéraire de l’île est largement francophone alors que Maurice se caractérise par son plurilinguisme. C’est d’ailleurs une caractéristique du champ littéraire local qui est clairement mise en avant par Vicram Ramharai, dans un article intitulé « Entre littérature mauricienne et littérature francophone : quels enjeux pour les écrivains mauriciens ?25 » Cela s’explique largement par le statut de prestige conféré au français sur le territoire national, ou encore par la longue domination culturelle française sur l’île qui a fait que le français est perçu comme la langue de la culture et des lettres. La littérature mauricienne est aussi largement connue pour ses auteurs consacrés à Paris, marginalisant de ce fait ceux qui écrivent dans d’autres langues et sont reconnus par ailleurs, mais qui ne bénéficient pas de la reconnaissance parisienne (Lindsey Collen26 pour l’anglais et Abhimanyu Unnuth27 pour le hindi). D’autres noms se sont également imposés parmi la liste d’auteurs non francophones. Parmi ceux-là : Shakuntala Hawoldar28 et Ramesh Bucktawar29 pour l’anglais ; Dev Virahsawmy30, Henri Favory31 et Lindsey Collen32 pour le créole. Ces productions demeurent toutefois minoritaires, minorées et souvent méconnues, tantôt à cause du statut qu’occupent ces langues à Maurice (la littérature créolophone aurait des difficultés à s’y faire entendre selon Valérie Magdelaine33), tantôt à cause de l’absence de circuits de diffusion efficaces. En effet, la création littéraire en créole, par exemple, a du mal à dépasser les frontières de l’île, le créole mauricien n’étant pratiqué que par des Mauriciens. Quant aux auteurs ayant choisi d’écrire en anglais, ils ont aussi pour la plupart du mal à « s’impos[er] en dehors de l’île [...]. Ils participeraient forcément donc à l’élaboration d’un champ littéraire mauricien […], mais de façon sans doute minoritaire et marginale34 ». Il serait toutefois intéressant de souligner que s’opère graduellement à Maurice un décloisonnement linguistique prôné par certains auteurs comme Michel Ducasse avec des recueils de poésie bilingues où le français et le créole se côtoient, sans traduction, pour dire son imaginaire. Il semblerait alors que l’écriture en français reste un passage relativement obligé pour celui qui veut s’assurer une certaine visibilité. Or, une fois cette visibilité conquise, les auteurs peuvent ensuite plus facilement participer à la valorisation et la promotion littéraires des autres langues, sans prendre le même risque de marginalisation. C’est ce qui nous semble en tout cas ressortir du parcours d’auteurs comme Ananda Devi et Shenaz Patel qui ont atteint la reconnaissance grâce à l’écriture en français, mais qui s’autorisent également l’écriture en anglais ou en créole.

Parlant de la langue d’écriture, il nous semble également important de mentionner le cas des auteurs mauriciens dont les œuvres sont traduites, la traduction permettant non seulement de faire connaître les œuvres d’une culture à une autre, mais aussi de consacrer les écrits dans des langues moins prestigieuses ou moins connues, et ainsi d’accéder à une reconnaissance littéraire. Nous pouvons citer ici notamment l’exemple de Lindsey Collen qui choisit d’écrire son roman Misyon garson en créole d’abord – sans doute pour des raisons liées à son combat pour la langue –, avant de le traduire, en l’adaptant, en anglais. Elle sera d’ailleurs récompensée pour la version anglaise de ce roman, Boy, par le Commonwealth Writers’ Prize for the African Region. Autre exemple à signaler, celui d’Abhimanyu Unnuth dont l’œuvre sera véritablement reconnue dans son île natale au moment où ses romans et nouvelles seront traduits en français.

2.3 Le genre littéraire

Certains genres littéraires ont été plus visibles que d’autres à différents moments de l’histoire littéraire française ; de la même manière, certains auteurs ont été privilégiés au détriment d’autres, suivant le genre porté à la mode par les éditeurs et les industries littéraires. Ainsi, le genre s’avère un autre critère de discrimination puisque, d’une part, la sélection parisienne contemporaine tend à privilégier le roman, et que, d’autre part, la popularité de ce dernier influe aussi nécessairement sur les pratiques de lecture et les attentes du lectorat. Il suffit de dresser la liste des textes les plus mis en valeur, récompensés et étudiés ces dernières années pour s’en rendre compte. À l’exception de Khal Torabully, d’Édouard Maunick, et plus récemment peut-être de Vinod Rughoonundun, Umar Timol et de Yusuf Kadel, tous les autres auteurs mauriciens contemporains qui sont entrés par la grande porte parisienne sont des romanciers. Peu de recueils de poèmes ou même de nouvelles sont en effet publiés à Paris. Et pourtant, les poètes et nouvellistes mauriciens qui sont publiés localement et ce en plusieurs langues, existent et ils sont nombreux. Parmi eux : Ameerah Arjanee, Jacqueline Pilot, Jan Maingard, Joseph Tsang Mang Kin, Judex Viramalay, Farhad Khoyratty, Louis José Paul, Jean-Gérard Théodore, Linley Raynal ou encore Magda Mamet. Quelle visibilité est alors envisageable pour ces autres genres littéraires qui prolifèrent dans l’île ? La production poétique mauricienne en français compte bien une soixantaine de poètes, recensés sur ces trente dernières années, et publiés localement comme à l’étranger. Quant aux auteurs de nouvelles, ils sont nombreux aussi : on peut les lire, entre autres, dans les pages de la Collection Maurice qui en est à son dix-huitième recueil de nouvelles (2011), ou de la revue de L’Atelier d’écriture qui compte une trentaine de numéros excluant les initiatives de publication plus ponctuelles. Parce que la reconnaissance littéraire passe aujourd’hui principalement par le roman, ces auteurs sont malheureusement ignorés, parfois même découragés. Certains d’entre eux s’essayent alors aussi au roman. C’est le cas de Sylvestre Lebon, qui vient de publier Une destinée bohémienne (2011) après deux recueils de poésie ; et d’Umar Timol qui vient tout juste de faire paraître son Journal d’une vieille folle (2012).

Il faut toutefois reconnaître qu’il est un genre particulièrement absent de la production littéraire mauricienne contemporaine : le théâtre. Ce dernier présente de plus un cas particulier : l’on ne peut pas parler de mise à l’ombre des auteurs ici dans la mesure où la production dramatique est quasi-inexistante. En effet, si cette dernière a connu de beaux jours (l’on pense notamment au théâtre engagé en créole), elle est aujourd’hui ignorée ou reléguée à des sketchs dans les compétitions scolaires au niveau secondaire. Ainsi, la pièce de théâtre Arc-en-Ciel de Véronique Nankoo-Barnes, parue chez Bartholdi en 2011, avait été initialement jouée (par des élèves du secondaire) et primée au National Drama Festival de 2007.

2.4 Les thématiques insulaires

Tous les textes littéraires mauriciens ne parlent pas de l’île ou des problématiques essentiellement insulaires. Pourtant, s’ils aspirent à une reconnaissance parisienne, les auteurs mauriciens doivent souvent se plier aux exigences des éditeurs et satisfaire les attentes et les demandes d’exotisme du lectorat, voire du marché, exogène. Évidemment, cet exotisme n’est pas nécessairement celui de l’île paradisiaque ; il est même souvent un exotisme noir qui met en scène des thématiques sombres, comme la violence, la pauvreté, l’éclatement social, etc. Or, quand ils ne cherchent pas à mettre suffisamment en scène la réalité mauricienne, les textes sont souvent ignorés, et ce même quand il s’agit d’auteurs déjà connus. L’on pensera notamment aux textes de Marie-Thérèse Humbert qui ne situent pas leur action à Maurice, ou encore au Tour de Babylone de Barlen Pyamootoo, à La Noce d’Anna de Nathacha Appanah et à l’Indian Tango d’Ananda Devi, qui parce qu’ils n’abordent pas suffisamment la thématique insulaire, sont visiblement moins cités dans les études et critiques de la littérature mauricienne. À combien plus forte raison, donc, en est-il des auteurs qui ne sont pas publiés à Paris ? Les thématiques traitées dans les publications locales sont très variées : Le Morne, territoire marron de Sedley Assonne et Terre d’orages (2003)de Serge Ng Tat Chung abordent la question de l’esclavage tandis que L’Outre-mer ou les eaux de Mériba de Lilian Berthelot et Quatre-épices de Philippe Forget présentent le quotidien d’un certain groupe social ; Calindrome, de Michel Ducasse, explore la relation du poète avec le français. Mais l’industrie littéraire veut non seulement voir Maurice dans les textes mauriciens, mais elle veut surtout voir une île qui subit les effets violents du développement. Casanova met ainsi en garde contre le « pôle commercial de plus en plus puissant qui, avec la transformation des structures commerciales et des stratégies des maisons d’édition, bouleverse non seulement les structures de distribution, mais aussi les choix des livres et même leur contenu35 ».

3. Sortir de l’ombre : avenues et stratégies de la reconnaissance

Les auteurs de l’ombre ne sont pas tous dupes pour autant des règles du jeu et des conditions de la reconnaissance de sorte que, de moins en moins passifs par rapport à cet état de fait, certains écrivains s’engagent de manière active dans des démarches et initiatives qui visent à les sortir de l’ombre, cherchant ainsi à prendre en main leur destin et à forger eux-mêmes des avenues et stratégies qui les mèneraient à la reconnaissance.

Nous savons d’ailleurs que le champ littéraire est caractérisé aussi par des dispositifs de concurrence et de reconnaissance qui impliquent ces positionnements, tantôt calculés ou prédéterminés, tantôt inconscients, autant chez les écrivains que chez d’autres acteurs du champ. Évidemment, lorsque de telles actions, voire de telles prises en charge sont conscientes, elles peuvent sembler, à première vue, essentiellement stratégiques ; mais souvent le stratégique finit aussi par renvoyer à un positionnement culturel « politique » dans la mesure où il cherche à assouplir les mécanismes de diffusion de la littérature et à mettre à mal le rapport de dépendance de la périphérie par rapport à un centre d’édition et de reconnaissance. En explorant de nouvelles possibilités, les auteurs ne cherchent pas directement à renverser le rapport de force entre ces deux pôles (centre et périphérie), mais ils travaillent à l’émergence de nouveaux centres (principalement locaux, mais aussi régionaux) et à la création de nouvelles instances légitimantes. Pascal Durand ne dit-il pas en effet que : « Tout champ suppose [...] un code de comportement et d’action, une règle du jeu en quelque sorte (plus ou moins légalisée), mais aussi des enjeux et des intérêts partagés par l’ensemble des agents qui en relèvent, et enfin des profits spécifiques36 ».

La démarche de certains auteurs se concrétise ainsi dans le décentrement, et dans une promotion plus localisée de la littérature mauricienne, ce aussi afin d’être mieux connus d’un lectorat et d’un public locaux. L’on peut bien évidemment y voir la marque d’une sensibilité postcoloniale et d’une prise en main rattachable aussi à un désir d’autonomie. Il s’agit alors de comprendre la nature des stratégies auxquelles certains auteurs ont recours pour accéder à une forme de reconnaissance, même si celle-ci n’est pas (immédiatement) celle du centre parisien37. La publication à l’étranger demeure en effet souvent un objectif à long terme lorsqu’il n’est pas réalisable tout de suite. C’est ainsi que les auteurs emploient des stratégies telles que la mise en association ou les regroupements d’écrivains, le recours aux réseaux et agences de promotion culturels, l’organisation d’événements réguliers qui visent à démocratiser les productions et à les faire connaître du public, l’utilisation d’Internet et de sites de diffusions, etc.

3.1 Association et regroupement d’écrivains

Depuis quelques années déjà, on remarque dans le paysage littéraire local, un certain nombre d’initiatives qui consistent à regrouper des plumes émergentes et à les publier dans des recueils collectifs. Cette démarche vise bien évidemment à démocratiser l’acte d’écriture, à repérer de nouveaux talents et à encourager les aspirants écrivains à se lancer dans des projets d’écriture qui seront menés à terme à travers une publication. Parmi ces recueils, des parutions ponctuelles telles que Chroniques de l’île Maurice38, mais aussi d’autres initiatives, plus régulières et locales cette fois : la parution trimestrielle de la revue Tracés, entre 2000 et 2002 ; la publication annuelle de la Collection Maurice, lancée en 1994 par Rama Poonoosamy ; la revue mensuelle de L’Atelier d’écriture qui existe depuis juin 200939 et qui se présente comme le prolongement d’un véritable atelier d’écriture animé depuis l’époque le samedi matin par Barlen Pyamootoo ; la revue de poésie Point Barre lancée sous l’initiative du poète et dramaturge Yusuf Kadel, avec le soutien de Gillian Geneviève, Alex Jacquin Ng et Umar Timol, jeunes écrivains eux-aussi du paysage littéraire mauricien. Il nous semble intéressant de pouvoir nous pencher rapidement sur l’évolution et les stratégies mises en place par certains de ces dispositifs de regroupement d’auteurs.

La Collection Maurice fonctionne suivant un modèle de présentation précis : il s’agit d’une revue trilingue (anglais, français, créole) proposant des textes autour d’un thème identifié. Il nous semble intéressant aussi de noter que la Collection Maurice, permet la juxtaposition, dans un même recueil, d’auteurs connus localement et/ou internationalement (Ananda Devi, Sedley Assonne, Lilian Berthelot, Lindsey Collen, Shenaz Patel, etc.) et d’auteurs moins connus. Bien évidemment, la présence des auteurs qui bénéficient déjà d’une reconnaissance et d’une notoriété importantes donne une certaine visibilité au recueil, et constitue un critère d’intérêt pour le public. La revue Point Barre, entreprise littéraire courageuse, compte tenu des difficultés financières associées à une publication régulière et au manque d’intérêt du public de manière générale à la poésie, adopte un fonctionnement comparable à celle de la Collection Maurice à quelques éléments près. Elle présente elle aussi une identité générique (« Revue de poésie contemporaine ») et thématique. Régulièrement, un appel à contribution est lancé aux membres du réseau des coordonnateurs de la revue et les textes proposés font l’objet d’une évaluation avant d’être retenus ou rejetés par le comité de lecture. Là encore, sont associés aux jeunes plumes, des noms beaucoup plus connus dans le paysage littéraire local et/ou international (Ananda Devi, Khal Torabully, Vinod Rughoonundun, Michel Ducasse, etc.). Par contre, la revue Point Barre est beaucoup plus ambitieuse que la Collection Maurice, en ce sens où elle puise dans les réseaux internationaux des poètes pour proposer, dans sa liste d’auteurs, un nombre important de poètes étrangers. Là encore, on peut y voir des stratégies visant à donner une dimension internationale à la revue – dimension évidemment perçue comme étant un signe de qualité littéraire.

La revue de L’Atelier d’écriture, par contre, se différencie des deux autres par un certain nombre d’éléments. Elle ne propose pas les mêmes restrictions thématiques et génériques, publie principalement en français (mais n’exclut en aucun cas le créole et l’anglais), mais si la première année de sa publication, elle proposait des recueils collectifs, elle s’est réorientée depuis son numéro double 15/16 vers la publication d’un auteur à la fois. La revue se veut aussi internationale en ce qu’elle publie à la fois des écrivains locaux et des écrivains d’ailleurs (Thomas Spear, Guillemette de Grissac, Jean-Paul Rogues, etc.). Elle permet certes de publier de nouveaux talents, mais propose aussi au lectorat de redécouvrir des textes ou des auteurs moins connus des générations actuelles. Cette intention est claire depuis la parution du tout premier numéro, avec la publication de « La seconde communion » de Savinien Mérédac. L’expérience sera ensuite renouvelée avec la publication de textes de Raymonde de Kervern, de Paul-Jean Toulet, de Malcolm de Chazal, et de numéros consacrés à Savinien Mérédac : Polyte et Miette et Toto. L’on signalera, au passage que ce même Polyte, suite à sa publication dans la revue sera repéré par la maison d’édition Jean-Claude Lattès où il sera publié en 2011. La revue de L’Atelier d’écriture a donc effectivement permis de sortir de l’ombre quelques auteurs et textes d’une certaine période. On pensera notamment au Diary of Sheila, d’un auteur inconnu, publié récemment dans une collection inédite de L’Atelier d’écriture.

Évidemment, dans les trois cas cités, la participation à une publication collective locale représente souvent une première étape vers la publication d’une monographie. Nombre d’exemples en témoignent dont ceux d’auteurs tels Vèle Putchay et M. K. Sabir qui ont tous deux publié dans ces collectifs avant de sortir un premier ouvrage intégral : De l’autre côté (2008) et Étranges attracteurs (2010) respectivement. Tous ces exemples démontrent clairement qu’il existe aussi une dynamique littéraire dans les réseaux et associations d’écrivains.

3.2 Agences de promotion littéraire/culturelle et organisation événementielle

Les associations et réseaux d’écrivains ne constituent pas les seuls recours des auteurs dans leurs parcours vers la reconnaissance. Les agences de promotion culturelle contribuent également à la visibilité des écrivains de l’ombre, leur permettant tantôt de publier, tantôt de se produire dans des espaces ou des événements qui font partie de la « sociabilité littéraire40 ». Ces agences ne sont pas très nombreuses à Maurice, mais elles existent heureusement tout de même. L’Ambassade de France offre en effet un soutien important aux écrivains francophones. Elle permet, par exemple, que régulièrement, un écrivain mauricien participe au salon du livre. De plus, en 2010 et 2011, elle a contribué au déplacement de jeunes auteurs tels que Yusuf Kadel, Umar Timol et Gillian Geneviève pour la résidence d’écrivains de Limoges, financée par le Centre national du Livre. Parmi les instances de promotion culturelle et littéraire, il faut aussi compter le Centre Nelson Mandela pour la culture africaine, Ledikasyon Pou Travayer (LPT) et l’Institut Français de Maurice (IFM), qui occupent une place dynamique dans la valorisation des expressions littéraires locales. Le Centre Nelson Mandela a contribué à la publication d’œuvres littéraires (Terre d’orages de Serge Ng Tat Chung par exemple) se rapportant d’une manière ou d’une autre à l’histoire et à la culture de la communauté créole à Maurice. Ledikasyon Pou Travayer qui occupe, depuis de nombreuses années, une place importante dans la valorisation de l’écriture et de la littérature en créole, a pour sa part contribué à la publication de nombreux ouvrages dans cette langue, dont ceux de Lindsey Collen, mais aussi de Dev Virahsawmy, Sedley Assonne et de Mohunparsad Bhurtun. Quant à l’IFM, qui est directement rattaché à l’Ambassade de France, il soutient non seulement l’atelier d’écriture de Barlen Pyamootoo et la revue éponyme, mais il fait de même pour la revue Point Barre qui a connu, il n’y a pas si longtemps, une période difficile lorsque son principal mécène, Ming Chen, a arrêté de soutenir la publication. Désormais, c’est la maison d’édition du poète Michel Ducasse qui prend en charge cette même publication.

Cela nous amène à dire que le mécénat constitue aussi une force non-négligeable dans le champ littéraire mauricien, dans la mesure où la publication, de manière générale, nécessite des fonds importants qui sont souvent très difficiles à obtenir pour des personnes engagées par passion, et non par esprit d’entreprise, dans la littérature. Bien que très discrets, les mécènes représentent un aspect essentiel de la réalisation des projets littéraires. Difficile de les nommer tous, mais ils existent bel et bien. Shenaz Currimjee, Jan Maingard et Jacqueline Pilot ont, par exemple, à divers moments, soutenu financièrement l’initiative de la revue de L’Atelier d’écriture. Plus récemment, Agnès Larcher a aussi permis que soit lancé le premier numéro d’une collection inédite de L’Atelier d’écriture qui a publié, dans une présentation plus sophistiquée que celle la revue, Les Œuvres complètes de Raymonde de Kervern et, par la suite, The Diary of Sheila. De telles initiatives permettent ainsi que la littérature continue à s’écrire dans un espace mauricien qui a toujours été très créatif en matière de littérature, mais qui est de plus en plus soumis aux contraintes économiques.

Cela dit, lorsque l’on considère la taille de l’île et la situation difficile de nombreux pays africains, l’on se rend compte qu’il existe tout de même des dispositifs qui participent de manière active à la promotion de la littérature. Parmi ceux-ci, la structure « Culture et Avenir », rattachée au bureau du Premier ministre, et dirigée par l’écrivain Alain Gordon-Gentil qui est aussi le conseiller culturel du chef d’État mauricien. « Culture et Avenir » s’engage en effet dans des initiatives, entre autres, évènementielles fort louables qui concernent la promotion de la littérature. Elle organise, par exemple, en septembre 2012 un important salon littéraire international qui rassemblera des auteurs, éditeurs, et autres acteurs de l’industrie littéraire tant mondiaux que locaux. Autrement, les mairies contribuent elles aussi à la dynamique littéraire en organisant, de temps à autre, des concours d’écriture pour des auteurs émergents. Sans doute, le plus connu d’entre eux est le Prix Jean Fanchette. La mairie de Quatre-Bornes organise, quant à elle, tous les deux ans, le prix du Livre d’Or, dont le jury, en septembre 2011, a été présidé par Ananda Devi. Le Livre d’Or récompense les jeunes auteurs ayant entre 15 et 27 ans ; et le manuscrit primé est ensuite publié aux Éditions Buchet-Chastel.

Régulièrement aussi, d’autres instances participent à la tenue « d’événements littéraires », phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur à Maurice et qui consiste à amener la littérature vers le public, plutôt que l’inverse. Ainsi, les lancements d’ouvrages littéraires, qu’ils aient lieu à l’IFM, au Book-café, ou au café-librairie de L’Atelier d’écriture, rassemble un certain nombre de personnes qui finissent par constituer un noyau important de lecteurs et d’amoureux de la littérature mauricienne qui tiennent à soutenir la dynamique littéraire. Parfois, les lancements se transforment en spectacle. C’est ce que l’on note avec les dernières rencontres autour de la revue Point Barre où les textes sont littéralement mis en musique et chantés par des artistes locaux reconnus tels que Eric Triton, Neshen Teeroovengadum et Daniella Bastien. Tous ces lieux permettent en effet de faire « vivre » la littérature, en lui donnant une voix, un corps, un espace d’expression...

3.3 Stratégies de décentrement et émergence de nouveaux « technoscapes »

En plus des regroupements d’écrivains et des agences de promotion culturelle, il est intéressant de noter que les technologies de l’information et de la communication contribuent également, tout au moins, dans le monde virtuel, à une démocratisation de l’écriture créative qui est rendue visible par d’autres moyens que par le livre imprimé. On citera bien évidemment, en parlant de ces stratégies liées au virtuel, le recours à Internet, le phénomène des blogs d’écrivains, et les profils sur les réseaux sociaux. Parmi les sites Internet que l’on retrouve sur la toile, celui d’« Île en Île », dirigé par Thomas Spear, qui présente principalement les auteurs francophones les plus connus ; le site kiltir.com qui a la mérite de présenter des ouvrages littéraires écrits dans les trois langues (publiés localement et internationalement), mais dont la dernière mise à jour date de 2006. Enfin, les auteurs contemporains les moins connus sont tout de même visibles sur un blog intitulé « Littérature : romans, nouvelles, contes de l’île Maurice » ; l’auteur de ce blog nous est inconnu mais ce dernier présente une importante liste d’auteurs mauriciens, qui dépasse largement la petite liste d’écrivains consacrés en dehors de l’île. Sur le réseau social Facebook, on retrouve aussi les groupes de « Littérature mauricienne », de « Point Barre » et de « La revue de l’Atelier d’écriture ». Le nombre de membres adhérents pour chacune de ces pages, animées entre autres, par des auteurs qui ne sont pas nécessairement très connus, tourne autour de 500 et plus à ce jour. Se pourrait-il alors que l’on assiste dans le monde littéraire à la même chose que ce qui s’est passé dans le monde de la musique ? C’est-à-dire à une présence tellement importante sur Internet qu’elle finit véritablement par concurrencer la maison d’édition et la diffusion du support tangible. Conscient de cette opportunité, Dev Virahsawmy est sans doute l’auteur mauricien qui a su en tirer le plus profit. La plupart de ses œuvres, publiées mais aussi inédites, sont en effet accessibles sur Internet41. Toutefois, l’auteur écrivant principalement en créole mauricien, les textes restent souvent inaccessibles au lectorat étranger.

En effet, le principal miracle d’Internet est qu’il permet que les éléments figurant sur la toile soient diffusés à une vitesse extraordinaire. Or, l’un des obstacles importants à la reconnaissance des auteurs de l’ombre, ce sont précisément les difficultés liées au coût et à la diffusion des textes publiés localement, donc dans un espace insulaire coupé du reste du monde. Mais le recours aux sites littéraires permet de franchir ces réalités et ces délimitations géographiques. Bien évidemment, cela ne remet pas en question, pour le moment, le prestige rattaché à l’édition parisienne qui représente toujours la consécration pour l’auteur de l’ombre, mais permet la création d’autres espaces qui correspondent à l’émergence de ces nouveaux « technoscapes » dont parle Arjun Appadurai dans son ouvrage Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation42. Ces « technoscapes » favorisent en effet l’apparition de nouvelles réalités dans le champ littéraire mauricien. L’on notera par exemple la collaboration d’écrivains tels que Khal Torabully et Umar Timol à une revue en ligne, récemment créée, Vents Alizé, qui présentera bientôt son premier numéro intitulé « Komansan ». Tous ces phénomènes finissent alors par dynamiser et complexifier le champ littéraire mauricien qui pose du coup de nouvelles questions à la critique sociologique de la littérature...

Conclusion

Nous souhaitons conclure cette réflexion avec une mise en perspective historique du combat des auteurs de l’ombre pour la reconnaissance. La prolifération aux XIXe et XXe siècles des sociétés et des journaux littéraires francophones, prônant des représentations de la littérature façonnées par cette filiation linguistico-culturelle, attestait déjà de la volonté des auteurs de l’époque de mettre en place un système de diffusion et de visibilité de leurs écrits dans un premier temps sur le plan local, puis sur le plan régional et enfin parisien :

Le foisonnement des journaux et des sociétés littéraires encourage donc la diffusion de productions littéraires (poèmes, nouvelles, romans sous forme de feuilletons) à une époque où les maisons d’édition n’existent pas. Mais la presse littéraire […] joue aussi un rôle fondateur dans les assises de la critique à Maurice […] qui vient soutenir et nourrir cette littérature naissante tout en la plaçant dans un réseau à la fois régional (l’Océan Indien) et métropolitain (la France)43.

Il est bon de rappeler que les écrits, dans leur contenu et leur forme, sont largement tournés vers Paris, ce qui leur vaudra d’ailleurs le qualificatif de « francotropisme » par Jean-Georges Prosper.

Casanova rappelle ainsi que même si la lucidité et la révolte contre l’ordre littéraire sont à la base même de la création des écrivains de la périphérie (la fameuse réponse à l’empire dont parlent Ashcroft, Griffith et Tiffin44), qui ont eu à lutter pour passer cette frontière souvent imperceptible pour ceux qui ne sont pas concernés,

les dominés littéraires restent souvent aveugles au principe de leur lucidité même. Même s’ils sont clairvoyants sur leur position particulière et sur les formes spécifiques de la dépendance dans laquelle ils sont tenus, leur lucidité reste partielle et ils ne peuvent pas voir la structure globale et mondiale dans laquelle ils sont pris45.

La consécration parisienne demeure donc incontournable pour ces écrivains alors qu’elle représente une forme d’impérialisme ou même de néo-colonialisme contre lesquels ils se soulèvent pourtant dans leurs écrits. Nous relevons un phénomène similaire du côté des auteurs de l’ombre. En effet, lorsque ces derniers parviennent à être visibles, du moins sur le plan local, en dépit des facteurs de discrimination dont nous avons parlé, ils sont nombreux à vouloir se lancer dans la conquête des maisons d’édition françaises et de la critique euro-centriste. Les stratégies mises en place par les auteurs et dont nous parlons dans notre article le montrent bien. Rappelons d’ailleurs le recours aux préfaces écrites par des auteurs mauriciens consacrés (Shenaz Patel préfaçant le tout premier recueil de poésie Alphabet de Michel Ducasse ; Ananda Devi, Chair de toi de Vinod Rughoonundun ; Jean-Marie Le Clézio, Sueurs de sang d’Abhimanyu Unnuth, etc.), ou encore par des critiques reconnus dans le domaine (Jean-Louis Joubert pour le recueil de poésie de Jean-Georges Prosper en 1990, Françoise Lionnet pour celui de Jacqueline Pilot, Les Fruits de la coïncidence, en 2010). La démarche du Prix Nobel 2008, Jean-Marie Le Clézio, de faire profiter sa renommée internationale aux auteurs mauriciens, est aussi visible lorsqu’il préside le jury du Prix Jean Fanchette et lorsqu’il revendique ses origines mauriciennes. Pourtant, comme nous l’avons dit plus tôt, d’autres centres, – voire d’autres centres francophones – existent, ce qui pourrait présager la démocratisation de l’espace éditorial. Citons comme exemple Eileen Lohka, récipiendaire du Prix Jean Fanchette en 2006, et finaliste du prix Radio Canada pour son recueil de nouvelles, C’était écrit, publié aux éditions Interlignes, à Ottawa.

Il s’agirait alors de ne pas mesurer la valeur d’une littérature à l’aune de ce qui se fait nécessairement ailleurs mais pour ce qu’elle est. C’est donc à la critique de ne pas enfermer la production littéraire mauricienne dans une définition et un modèle qui seraient dictés par les instances légitimantes et symboliques de la francophonie littéraire, mais de faire reconnaître la diversité des œuvres, en particulier lorsque celles-ci sont marginalisées…

Notes de bas de page numériques

1  Evelyn Kee Mew et Emmanuel Bruno Jean-François, « Paris et sa représentation de la littérature mauricienne d’expression française », Lille, La Tortue verte, dossier n 1, jan 2012, p. 50.

2  Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art, Paris, Éditions du Seuil, 1992.

3  Romuald Fonkoua et Pierre Halen (dir.), « Avant-propos », Les Champs littéraires africains, Paris, Karthala, 2001, p. 12.

4  Peter Hawkins, « Y a-t-il un champ littéraire mauricien ? », in Romuald Fonkoua et Pierre Halen (dir.), Les Champs littéraires africains, p. 159.

5  Robert Furlong, « Préhistoire, émergence, évolution d’une littérature : le cas du XIXe siècle mauricien », Francofonia, « La littérature mauricienne de langue française », n°48, p. 14. 

6  Vicram Ramharai, « Le champ littéraire mauricien », Revue de littérature comparée, « Les littératures indiaocéaniques », n 318, 2006/2, p. 173.

7  Robert Furlong, « Préhistoire, émergence, évolution d’une littérature : le cas du XIXe siècle mauricien », Francofonia, « La littérature mauricienne de langue française », n°48, pp. 14-15.

8  Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo, « Une mise en scène de la diversité linguistique : comment la littérature francophone mauricienne se dissocie-t-elle des nouvelles normes antillaises ? », Glottopol, « La littérature comme force glottopolitique : le cas des littératures francophones », n 3, janvier 2004, p. 143.

9  Cité par Bourdieu, Les Règles de l’art, p. 326.

10  Peter Hawkins, « Y a-t-il un champ littéraire mauricien ? », pp. 151-152.

11  Bernard Lahire (dir.), Le Travail sociologique de Pierre Bourdieu. Dettes et critiques, Paris, La Découverte, 1999.

12  Pascal Durand, « Introduction à la sociologie des champs symboliques », in Romuald Fonkoua et Pierre Halen (dir.), Les Champs littéraires africains, p. 38.

13  Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo, « Champs et espaces littéraires : le cas des romans francophones mauriciens », in Xavier Garnier et Pierre Zoberman (dir.), Qu’est-ce qu’un espace littéraire, Vincennes, Presses Universitaires de Vincennes, p. 142.

14  Valérie Magdelaine-Andrianjafiitrimo, « Champs et espaces littéraires : le cas des romans francophones mauriciens », in Xavier Garnier et Pierre Zoberman (dir.), Qu’est-ce qu’un espace littéraire, Vincennes, Presses Universitaires de Vincennes, pp. 147-148.

15  Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo et Carpanin Marimoutou (dir.), Le Champ littéraire réunionnais en questions. Univers créoles 6,Paris, Economica/Anthropos, 2006, p. IX.

16  Pascale Casanova, La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 1999, p. 215.

17  Romuald Fonkoua et Pierre Halen (dir.), « Avant-propos », Les Champs littéraires africains, p. 10.

18  Evelyn Kee Mew et Emmanuel Bruno Jean-François, « Paris et sa représentation de la littérature mauricienne d’expression française », p. 51.

19  Sedley Assonne a publié des recueils de poésie dont nous citons quelques titres : Les Fantômes du futur luxe nocturne (1997), Le Désespoir de la nuit bleutée de la rue solitaire (2002), Le Morne, territoire marron (2002), La Poésie contre la guerre (2003). Il a aussi écrit un roman en créole, Robis (1997) et un autre en français, Zan Balak polar(-oïd) (2005).

20  Michel Ducasse a publié quatre recueils de poésie : Alphabet (2001), Mélangés. Poésie (2002), Soirs d’enfance (2004) et Calindromes (2008). Ses recueils de poésie ont pour particularité d’être bilingues, illustrés et présentés avec une mise en page particulièrement soignée.

21  Thierry Chateau a sorti une nouvelle, Février noir (2000), et deux romans, Cité Taule (2002) et Motorcycle Man (2009).

22  Jeanne Gerval-Arouff a publié quelques nouvelles dont La Roche qui pleure (2000) et de la poésie : Je t’offre ma terre (1990), Diogène offre sa terre (1993), Signes-souffles ou logo de l’âme, suivi de Je t’offre mon arbre (1995), Messie de l’ère nouvelle (2000).

23  Philippe Forget a, à son actif, des nouvelles dont Caramboles au jardin des sens (2006), un recueil bilingue de poésie, Poèmes d’escale et d’évasion : vert et indigos (2000) et quatre romans : Le Marginal (1993), Pour l’honneur de Céline (1994), Quatre-épices (1996) et Les Lieux incarnés (2005).

24  L’œuvre de Lilian Berthelot comprend à la fois des romans, L’Outre-mer ou les eaux de Mériba (1996), Le Désamour (2004), ainsi que des nouvelles dont Les Temps de marée noire (1991).

25  Vicram Ramharai, « Entre littérature mauricienne et littérature francophone : quels enjeux pour les écrivains mauriciens ? », Journal of French Studies, vol. 2, 2008, pp. 19-38.

26  Récipendiaire en deux fois du prix Commonwealth Writers' Prize for the African Region en 1994 et en 2005, Lindsey Collen a publié les romans suivants : The Rape of Sita (1993), There is a tide (1990), Getting rid of it (1997), Mutiny (2001), Boy (2004) and The Malaria man & her neighbours (2010).

27  À la fois poète, dramaturge et nouvelliste, Abhimanyu Unnuth a une production très riche en hindi et pour laquelle il a été de nombreuses fois récompensé en Inde. Les textes qui ont été traduits en français sont Les Empereurs de la nuit (1983), Le Culte du sol (1997), Sueurs de sang (2001) et plus récemment la pièce, Arrête cette guerre, Krishna (2011).

28  Shakuntala Hawoldar a publié des recueils de poésie dont nous citons les plus récents : Hymns from Beau Bois and other poems (1994), Roses are ashes. Ashes are roses / Roses de cendre. Cendre de roses (2005).

29  Ramesh Bucktawar a publié des nouvelles dont A Halo of sand (1991) et The Tamarind boy (2000) ainsi que des romans : Father’s wish (1983), The Sting of the wasp (1994), A Temple of the island (1999) et The Vanishing village (2000).

30  Dev Virahsawmy est un dramaturge très connu à Maurice, notamment pour ses traductions-adaptions de Shakespeare et son combat pour la reconnaissance du créole dans l’île. Son œuvre comprend une vingtaine de pièces écrites entre 1977 et 2003 dont les plus connues sont Li (1977) et Toufann (1991). Sa poésie comprend aussi une quinzaine de parutions entre 1977 et 2002, notamment Lalang peyna lezo (1991), Petal ek pikan parsi-parla (1996) et Testaman enn metchiss (2002), par exemple.

31  Henri Favory est très connu localement pour sa pièce sur les femmes battues, Nu traversé (2000).Il a aussi écrit Tras (1983) et Tizan le roi (2004).

32  Les publications en créole de Lindsey Collen comprennent un roman, Misyon garson (1996) qu’elle a ensuite traduit et adapté en anglais, Boy (2004), et des nouvelles telles que Komye fwa mo finn trap enn pikan ursen (1997), Teddy rant dan distrik kawnsil (2000), par exemple.

33  Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo, « Une mise en scène de la diversité linguistique : comment la littérature francophone mauricienne se dissocie-t-elle des nouvelles normes antillaises ? », p. 144.

34  Peter Hawkins, « Y a-t-il un champ littéraire mauricien ? », p. 158.

35  Pascale Casanova, La République mondiales des lettres, Paris, Seuil, 1999, p. 234.

36  Pascal Durand, « Introduction à la sociologie des champs symboliques », in Romuald Fonkoua et Pierre Halen (dir.), Les Champs littéraires africains, p. 23.

37  Voir Evelyn Kee Mew et Emmanuel Bruno Jean-François, « Paris et sa représentation de la littérature mauricienne d’expression française » pour un développement beaucoup plus approfondi de cette question de la quête de reconnaissance.

38  Dominique Ranaivoson (textes sélectionnés et présentés par), Chroniques de l’île Maurice, Saint-Maur-Des-Fossés, Sepia, 2009.

39  Parution mensuelle jusqu’au douzième numéro. Parution des numéros doubles, tous les deux mois, à partir des numéros 13/14.

40  Pascal Durand, « Introduction à la sociologie des champs symboliques », in Romuald Fonkoua et Pierre Halen (dir.), Les Champs littéraires africains, p. 25.

41  Voir les sites http://www.dev-virahsawmy.org et http://www.boukiebanane.orange.mu.

42  Arjun Appadurai, Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation (traduction de l’anglais par Marc Abélès) [1996], Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2005.

43  Evelyn Kee Mew, « La littérature mauricienne et les débuts de la critique », International Journal of Francophone Studies, vol. XIII, no. 3 & 4, 2010, pp. 419-420.

44 Bill Ashcroft, Gareth Griffiths & Helen Tiffin, The Empire writes back. Theory and practice in post-colonial literatures, London, Routlege, 1989.

45  Pascale Casanova, La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 1999, p. 68.

Pour citer cet article

Emmanuel Bruno Jean-François et Evelyn Kee Mew , « Les auteurs de l’ombre du champ littéraire mauricien : entre critères de légitimation et stratégies de reconnaissance », paru dans Loxias, Loxias 37., mis en ligne le 10 juin 2012, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=7057.

Auteurs

Emmanuel Bruno Jean-François

Emmanuel Bruno Jean-François est chargé de cours au Mauritius Institute of Education, où il enseigne les littératures francophones ainsi que les langues française et créole. Ses principaux champs de recherche s’articulent autour de la thématique de la violence, la problématique identitaire, la question du transculturel et les littératures francophones postcoloniales. Il est l’auteur de plusieurs articles sur les littératures contemporaines de l’Océan Indien dont « L’expérience de la violence dans le roman mauricien francophone de la nouvelle génération » (International Journal of Francophone Studies, vol. 13, no. 3 & 4, 2010) et « Îles de violence : l’insularité dans les littératures francophones contemporaines de l’Océan Indien » (Identification de la violence, Violence de l’identification, Paris, Éditions des Crépuscules, 2011).

Evelyn Kee Mew

Evelyn Kee Mew est chargée de cours au Mauritius Institute of Education. Ses domaines de recherche sont les littératures francophones postcoloniales, le discours de la critique sur la littérature mauricienne et la traduction littéraire. Elle a publié entre autres « Une invitation au voyage : Bénarès le film de Barlen Pyamootoo » (Journal of Mauritian Studies, no. 1, 2009) ; « La littérature mauricienne et les débuts de la critique » (International Journal of Francophone Studies, vol. 13, no. 3 & 4, 2010) et « Paris et sa représentation de la littérature mauricienne d’expression française » (avec Emmanuel Bruno Jean-François) (La Tortue verte, Dossier 1, 2012).