Loxias | Loxias 35 Autour des programmes de concours 2012 (agrégation, CPGE) | I. Agrégation de Lettres modernes et classiques, Lettres en CPGE 

Sylvie Ballestra-Puech  : 

La violence entre écriture et mise en scène : variations sur Titus Andronicus de Shakespeare dans le théâtre européen contemporain

Résumé

Cet article s’interroge sur les rapports entre adaptation théâtrale et traduction à partir de la comparaison de diverses mises en scène contemporaines de Titus Andronicus, pièce qui, après avoir rencontré un grand succès auprès du public élisabéthain, connut un long purgatoire en raison de l’extrême violence qui la caractérise. L’image des « balances du traducteur », chère à Valéry Larbaud, semble convenir aussi au travail du metteur en scène.

Index

Mots-clés : mise en scène , Shakespeare, théâtre élisabéthain, Titus Andronicus

Plan

Texte intégral

La première tragédie de Shakespeare, dont le titre complet est The most lamentable Roman Tragedy of Titus Andronicus a connu un destin paradoxal : immense succès lors de sa création, elle a fortement contribué à la réputation du dramaturge, mais elle a ensuite été jugée très sévèrement par la critique, notamment à partir du XVIIIe siècle, et ce discrédit s’est prolongé jusqu’à la première moitié du XXe siècle, T. S. Eliot la considérant encore comme « une des pièces les plus stupides et les moins inspirées qui aient jamais été écrites » (« one of the stupidest and most uninspired plays ever written »)1. Exhumée par la mise en scène de Peter Brook en 1955, elle a depuis fait l’objet de très nombreuses mises en scène et adaptations, renouant avec le succès qu’elle avait connu à l’époque élisabéthaine. L’extrême violence qui la caractérise, mais qui n’avait rien d’exceptionnel sur la scène élisabéthaine, a cessé de provoquer une condamnation sans appel pour devenir l’occasion d’une interrogation éthique et esthétique sur la fonction du théâtre, la réflexion d’Artaud sur le théâtre de la cruauté étant souvent convoquée. Il m’a semblé que cette pièce se prêtait particulièrement bien à une interrogation sur les rapports entre adaptation théâtrale et traduction.

Je m’appuierai principalement sur quatre créations : celle de Peter Brook en 1955 pour le Shakespeare Memorial Theater devenu ensuite le Royal Shakespeare Theater, qui fut reprise à Paris deux ans plus tard dans le cadre du Théâtre des Nations, premier festival international de théâtre après la deuxième guerre mondiale ; celle de Deborah Warner pour The Swan à Stratford-upon-Avon en 1987 ; celle de Daniel Mesguich au Théâtre de l’Athénée en 1989 et enfin la variation sur le texte de Shakespeare proposée par Botho Strauss en 2005 et créée en français au théâtre de l’Odéon dans une mise en scène de Luc Bondy et une traduction de Michel Vinaver et Barbara Grinberg, avant d’être jouée en Allemagne la même année. Cette dernière œuvre qui joue sur trois langues, et même quatre si l’on tient compte de la présence du latin, permettra de préciser les analogies possibles entre adaptation théâtrale et traduction linguistique. Je prendrai comme fil directeur de cet exposé l’image des « balances du traducteur » de Valéry Larbaud car il me semble que la métaphore exprime bien une visée partagée par les deux pratiques :

Chacun de nous a près de soi, sur la table ou sur son bureau, un jeu d’invisibles, d’intellectuelles balances aux plateaux d’argent, au fléau d’or, à l’arbre de platine, à l’aiguille de diamant, capables de marquer des écarts de fractions de milligrammes, capables de peser les impondérables ! Auprès de ces Balances, les autres instruments de notre travail, matériels et visibles, — Dictionnaires, Lexiques, Grammaires — simples dépôts de matériaux en ordre, boîtes de mots rangés à leur place alphabétique et numérotés selon leurs sens et leurs nuances : boîtes de pastels. L'essentiel est la Balance où nous pesons ces mots, car tout le travail de la Traduction est une pesée de mots. […]
C'est du vivant que nous pesons, et par les équilibres relatifs que nous trouvons, nous transfusons une part plus ou moins grande, — jamais la totalité, — d'un courant vital dans un tissu composé d'éléments verbaux, dont les potentiels, libérés par ce courant, le transporteront jusqu'à la pensée des lecteurs ou des auditeurs qui connaissent la langue dans laquelle nous traduisons.
Ainsi notre métier de Traducteurs est un commerce intime et constant avec la Vie, une vie que nous ne nous contentons pas d'absorber et d'assimiler comme nous le faisons dans la Lecture, mais que nous possédons au point de l'attirer hors d'elle-même pour la revêtir peu à peu, cellule par cellule, d'un nouveau corps qui est l'oeuvre de nos mains. Et quel homme, - sauf Pygmalion le sculpteur, peut-être, - pour peu qu'il conçoive les soins délicieux et les soigneuses délices et l'ardeur des désirs et l'ivresse des victoires d'un tel « philothsion ergon », ne nous les envierait ?2

Le metteur en scène ne serait-il pas aussi un Pygmalion, comme l’est le traducteur pour Valéry Larbaud ?

Métamorphoses

L’exemple de Titus Andronicus pose avec une acuité particulière la question de la frontière entre adaptation scénique et réécriture. À la très notable exception de la mise en scène de la pièce par Deborah Warner en 1987, qui respectait scrupuleusement le texte de Shakespeare, la plupart des mises en scène depuis celle de Brook ont opéré de telles modifications qu’elles se rapprochent singulièrement de la réécriture à laquelle se livre Botho Strauss, dont le sous titre « d’après Titus Andronicus de Shakespeare » peut d’ailleurs laisser penser à la première lecture qu’il ne s’agit en fait que d’une nouvelle adaptation scénique. Dans la deuxième scène intitulée « Making-of », c’est d’ailleurs la metteure en scène qui prend la parole aux côtés des acteurs et l’on peut avoir le sentiment qu’elle sert de porte-parole à Botho Strauss pour caractériser son rapport à l’original shakespearien :

Nous ne voulions pas de l’habituel « Sex and Crime Show ». Je veux dire, nous ne voulions pas tout montrer sur scène. À quoi ça rime de jouer aux boules avec des têtes d’enfant coupées ? La vengeance tourne à vide dans la pièce, à force de violence, on sature, on devient indifférent. Ok, le sang déborde de partout, il gicle sur les tables, les pavés, les murs, les mains, et alors ? Il y a des metteurs en scène qui interposent une sorte de filtre, à partir de quoi tout tourne à la comédie. Ils ne se laissent pas atteindre par ce qu’une telle pièce contient de sous-jacent [das Unterirdische das so ein Stück enthält].
Moi, je ne voulais pas faire de Titus un truc cool. Je voulais découvrir ce que ces personnages extrêmes ont finalement d’humain. Ce qui, dans ce qu’ils ont d’extrême, nous renvoie à nous-mêmes3.

Ces lignes rendent assez bien compte du travail accompli sur le texte shakespearien et semblent justifier en particulier les nombreuses suppressions. Strauss a notamment supprimé la scène où Titus, à l’instigation d’Aaron, se coupe la main pour obtenir en échange la vie sauve pour ses deux fils, accusés à tort du meurtre de Bassianus, et où on lui renvoie cette main coupée à côté des têtes de ses deux fils. Il a également évité les meurtres en cascade dans la scène du banquet final.

Mais on trouve déjà des suppressions dans la version de Peter Brook. Il est vrai que le statut de la pièce en 1955 était loin d’être le même qu’un demi-siècle plus tard. Lors d’une conférence-débat organisée le 16 mai 1957 au Théâtre des Nations à Paris, Peter Brook déclare : « Titus est une pièce inégale. Pour nous, le but était d’en faire ressortir les valeurs et non de présenter des scènes qui ne marchaient pas. On a fait de grandes coupures. La pièce est inégale. Il y avait des moments qui sont assez quelconques et primitifs dans le texte. Il y avait des choses impossibles à représenter dans le texte complet, que l’on a coupé4. ». Dans la presse britannique de l’époque, ces coupures sont plébiscitées. Pour n’en donner qu’un exemple emblématique, voici ce qu’écrit un critique : « M. Brook a perpétré sur le texte une boucherie à peine moins sévère que celle que subissent la plupart des personnages de la pièce. La pièce de M. Brook est une bien meilleure pièce que celle de Shakespeare5 ». Deux ans plus tard, lors de la reprise de la pièce à Paris dans le cadre du festival du Théâtre des Nations, on retrouve le même consensus quasi général, sur le salut que la pièce de Shakespeare doit à son génial metteur en scène, comme le souligne l’entrée en matière ironique de Bernard Dort dans son compte rendu du spectacle :

Il n’y eut qu’une voix : Shakespeare, c’était bien, mais Peter Brook, c’était mieux. Shakespeare avait du talent, des outrances et un certain lyrisme. Peter Brook, lui, avait du génie. Et il avait sauvé Shakespeare, sauvé Titus Andronicus de l’oubli et du ridicule. D’une pièce impossible, il avait fait un grand spectacle, un spectacle de Festival !6

Il arrive aussi qu’on attribue surtout le succès du spectacle à sa distribution :

Quel que soit le talent de Peter Brook, il est évident que, sans Laurence Olivier et Vivien Leigh, il n’eût pas réussi à nous rendre sensible la plus invraisemblable, la plus sanglante et, pour tout dire, la plus injouable des pièces de Shakespeare : Titus Andronicus7.

Parmi les « scènes qui ne marchaient pas » et qui ont donc été supprimées, figure la longue déploration du tribun Marcus découvrant Lavinia immédiatement après le viol et les mutilations qu’elle vient de subir. À vrai dire, la scène était surtout condamnée par les critiques comme en témoigne un article paru en 1957 dans lequel Eugene Waith affirme que ce passage, écrit dans le plus pur style ovidien — ce qui est indiscutable —, est de ce fait inadapté à la scène :

For the Ovidian description of Lavinia to work as it might work in the Metamorphoses an even greater freedom is required. A physical impersonation of the mutilated Lavinia should not block our vision.
[…]
We have the description which almost transforms Lavinia, but in the presence of live actors the poetry cannot perform the necessary magic. The action frustrates, rather than reinforces, the operation of the poetry.
A simple formulation of the source of critical dissatisfaction with the play might seem to follow logically here : the style is inappropriate8.

Mais ce qui est remarquable dans la mise en scène de Brook, c’est qu’il substitue en quelque sorte à l’élaboration stylistique jugée intempestive du texte shakespearien une stylisation visuelle et sonore9 qui participe peu ou prou de la même esthétique : Vivian Leigh, qui joue Lavinia, est ramenée sur scène par ses tortionnaires et reste debout, la tête pendante, le poing gauche dans la bouche. De ses poings et de sa bouche pendent des rubans écarlates tandis que les pincements égrenés de la harpe miment la chute des gouttes de sang dans une fontaine, pour reprendre les mots de Richard David (« the slow plucking of harp-strings, like drops of blood falling into a pool10 »). Selon des témoignages convergents, c’est un murmure d’admiration pour la beauté du spectacle qui accueille cette entrée en scène. On peut d’ailleurs se demander si cette mise en scène n’a pas influencé la lecture de la tirade de Marcus comme équivalent d’un récit ovidien de métamorphose11. Car lors de son retour sur scène  Lavinia est bel et bien métamorphosée par son costume, dont les rubans ne sont pas sans évoquer l’oiseau que devient Philomèle à la fin du récit. Mais la métamorphose de la souffrance en beauté n’est évidemment pas l’apanage du poème ovidien : elle est aussi au principe même de la tragédie grecque, et peut-être de la tragédie tout court si l’on en croit Terry Eagleton qui définit celle-ci par l’oxymore sweet violence12. Ce n’est donc pas l’inadéquation du discours de Marcus à la situation qui justifie sa suppression par Peter Brook mais bien la conviction de l’efficacité supérieure, en l’occurrence, des moyens d’expression non verbaux sur la rhétorique, une rhétorique qui, en multipliant les allusions mythologiques et les références ovidiennes risquait de devenir sibylline pour le spectateur contemporain.

Pourtant la mise en scène de Deborah Warner en 1987 a prouvé le contraire. L’interprétation de Donald Sumpter faisait apparaître, en effet, l’absolue nécessité de la déploration de Marcus qui constitua ainsi, pour nombre de spectateurs, le moment le plus intense, comme l’apparition de Vivian Leigh avait pu constituer l’acmé du spectacle de Brook. Le compte-rendu de Stanley Wells est ici particulièrement éclairant :

The play presents a twin problem. How do you stage its horrors — murder, rape, mutilation, cannibalism — without driving the audience over the bounds of credulity into giggling hysteria ? And how, on the other hand, do you cope with its self-conscious literariness — the latin quotations, the extended similes, the long, rhetorical speeches uttered by characters who according to any normal standards of behaviour should be capable of nothing but shocked speechlessness or hysterical incoherence ? Deborah Warner’s approach to these problems revealed the hand of an immensely skilful, even cunning, director. The rhetoric was plumbed for its deep sources, which were then brought to the surface so that even the most artificial verbal structures became expressive of emotion. Marcus’description of Lavinia immediately after her rape may read like a heartless verbal exercise by a bright boy from the local grammar school ; spoken in Donald Sumpter’s hushed tones it became a deeply moving attempt to master the facts, and thus to overcome the emotional shock, of a previously unimagined horror. We had the sense of suspension of time as if the speech represented an articulation, necessarily extended in expression, of a sequence of thoughts and emotions that might have taken no more than a second or two to flash through the character’s mind, like a bad dream13.
La pièce présente un double problème. Comment mettre en scène ses horreurs — meurtres, rapts, mutilations, cannibalisme — sans faire basculer le public dans l’incrédulité et le rire hystérique ? Et comment, d’un autre côté, affronter la conscience qu’elle affiche de sa propre littérarité — les citations latines, les métaphores filées, les longs discours rhétoriques prononcés par des personnages qui, selon les normes habituelles du comportement, ne devraient être capables de rien d’autre que d’un mutisme traumatique ou d’une incohérence hystérique ? La manière dont Deborah Warner aborde ces problèmes révèle la maîtrise d’un metteur en scène extrêmement habile et même rusé. Il s’agit de sonder la rhétorique dans ses sources les plus profonde et de les ramener à la surface pour que même les constructions verbales les plus artificielles deviennent capables d’exprimer l’émotion. La description que fait Marcus de Lavinia juste après son viol peut être lue comme l’exercice rhétorique sans âme d’un brillant élève du lycée local ; dite par Donald Sumpter d’une voix étouffée, elle devient une tentative profondément émouvante de maîtriser les faits et ainsi de surmonter l’horreur jusque-là inimaginable. Nous avions le sentiment que le temps était suspendu comme si le discours représentait  la verbalisation, nécessairement dilatée dans son expression d’une série de pensées et d’émotions qui n’avait dû prendre qu’une seconde ou deux pour traverser l’esprit du personnage, comme un mauvais rêve14.

De fait, c’est bien au cauchemar que se réfèrent Marcus et plus tard Titus pour rendre compte de ce qu’ils sont en train de vivre. La mise en scène de Deborah Warner a fortement contribué à une réévaluation complète du texte de la pièce, comme en témoigne la très riche introduction de Jonathan Bate15.

Meurtres dans la bibliothèque

L’évaluation de l’influence de Deborah Warner sur les mises en scène ultérieures de Titus Andronicus est plus difficile à mesurer et l’on ne saurait le faire à l’aune exclusive du respect de l’intégrité du texte shakespearien. La question du statut du personnage du tribun Marcus et, partant, d’un certain usage de la parole, est au moins aussi déterminante si l’on veut établir des lignées parmi les très nombreuses adaptations scéniques de la pièce au cours des dernières décennies. Celle de Daniel Mesguich au théâtre de l’Athénée en 1989 est particulièrement révélatrice à cet égard.

La mise en scène de Deborah Warner pouvait donner le sentiment que la voix de la littérature et de l’art que fait entendre Marcus, confronté à une violence paroxystique, était celle de la civilisation affrontée à la barbarie. De fait, l’éloquence du tribun a prouvé son efficacité sur Saturninus et Bassianus au début de la pièce ; il n’a significativement pas été mêlé au sacrifice d’Alarbus ; il a condamné la violence de Titus au moment du meurtre de Mutius et c’est lui encore qui a obtenu que le cadavre de celui-ci soit enseveli avec celui de ses frères. C’est à cette voix que Daniel Mesguich choisit de donner le dernier mot, la pièce s’achevant sur cette question : « Comment une telle horreur a-t-elle été possible ? Qui fit pénétrer la fatale machine qui porta le désordre dans la cité ? ». Ce choix était la conséquence d’une interprétation de la pièce qu’il résumait en ces termes :

Cette pièce raconte très exactement les problèmes et les horreurs qui s’ensuivent quand on n’a pas assez fait confiance au symbolique. Comment commence la pièce ? Un général revient à Rome après sa campagne contre les Goths, les barbares. [...] Il s’agit de faire un sacrifice, comme on en a l’habitude. Son fils vivant, rescapé, Lucius, celui qui va devenir empereur évidemment, dit : si au lieu de faire comme d’habitude on tuait le fils vivant de la reine Tamora, une barbare prisonnière ramenée à Rome, ce serait encore mieux. Comme si on n’avait pas eu assez confiance dans ces rituels habituels, dans le symbole normal. Si on saupoudrait tout cela de sang, ce serait encore meilleur. Voilà le vrai thème de Titus Andronicus. Le symbole ne suffit pas, il va falloir l’achever, aller plus loin, l’incarner — au sens littéral – mettre de la chair dedans, broyer de la chair16.

S’il est vrai que c’est Lucius qui réclame un sacrifice humain, rien ne permet d’affirmer dans la pièce que cela n’est pas conforme aux rites romains. Aussi Botho Strauss préfère-t-il considérer, par la bouche de Tamora, que c’est Rome tout entière qui est « retombée dans la barbarie » et a réinstauré les sacrifices humains qu’elle avait abolis (p. 28). Mais les deux interprétations se rejoignent pour considérer cette violence inaugurale comme marquant un retour à l’archaïque, à rebours de la civilisation. Selon Mesguich, c’est contre cette tentation qui menace toute civilisation que Shakespeare veut nous mettre en garde :

Pour l’un des versants, pour Titus Andronicus et les Romains, c’est plus “hard”, plus agréable, mais pour l’autre versant, Tamora, il n’y a pas de symbole qui tienne, c’est son fils qu’on vient de tuer, cela ne se décrypte pas, c’est de l’immédiat, de la chair, du vivant, de l’horreur. Mais voilà où Shakespeare est génial : au bout de dix minutes, tout s’inverse parce que Tamora devient impératrice et Titus devient son sujet, et on se dit que la vengeance va aller bon train. Pour qu’il n’y ait plus de mauvais comptes qui restent, on tue un fils de Tamora, et maintenant, ça y est, c’est zéro-zéro, on peut recommencer, les pendules sont à l’heure. Mais Shakespeare nous dit : ne remettez jamais les pendules à l’heure, laissez-les comme elles sont, ne faites pas table rase. Chaque fois que vous faites cela, quelqu’un est écrabouillé au passage, et pour ce quelqu’un-là, les pendules ne sont pas du tout à l’heure, ça recommence de plus en plus violemment. C’est une leçon politique, morale, philosophique, sublime17 .

Ce que Mesguich dit ici, de manière imagée et sur un ton volontairement familier, c’est que la pièce dénoncerait la logique sacrificielle, telle que, par exemple, René Girard, la formule : « Le sacrifice n’est qu’une violence de plus, une violence qui s’ajoute à d’autres violences, mais c’est la dernière violence, c’est le dernier mot de la violence18 ». La violence n’est jamais le dernier mot de la violence, elle n’est toujours que le prélude à d’autres violences. Si le metteur en scène a choisi de donner le dernier mot à Marcus, c’est parce qu’il incarne dans la pièce la démocratie (il est tribun du peuple) et la culture, par opposition à la violence incarnée par le général Titus, une violence qui peut se donner la caution de la religion, Titus est pius mais, comme le souligne Tamora, dans le sillage d'Ovide19, la piété peut facilement devenir impie : « O cruel irreligious piety ! » (I, v. 130). Mesguich lit donc la pièce de Shakespeare comme une mise en garde contre cette séduction récurrente de la violence en tant que tentation régressive :

Marcus termine parce que dans le champ symbolique, il risque d’y avoir des moments de faillite, des moments où on n’a plus assez confiance en nos civilisations, en nos cultures, en nos réflexions, en nos rêves, en nos rituels, en ce qui est cuit, comme dirait Lévi-Strauss, et non pas en ce qui est cru comme le sang humain qui coule. De temps à autre on éprouve le besoin de boucher les trous et les faillites de ce cuit, de cette culture, de ce réchauffé, au sens noble du terme, de tout le champ symbolique, par du vivant, de la chair humaine, du sang, du cru, et en général, c’est l’horreur dit Shakespeare. C’est une bonne leçon de morale20.

En accord avec cette interprétation de la pièce, le décor de cette mise en scène était une bibliothèque et chaque fois qu’un crime était commis, un livre s’enflammait. Un tel choix se justifie naturellement si l’on pense à la place qui est celle du livre dans la pièce, à la fois en tant que source des nombreuses citations et références qui l’émaillent et en tant qu’objet qui acquiert, avec Lavinia, une présence dramaturgique et un rôle dramatique de premier plan. Mesguich souligne également la difficulté que les personnages qui entourent Lavinia éprouvent à interpréter correctement ses gestes et voit dans l’accès laborieux à une vérité que Marcus semblait pourtant avoir immédiatement devinée en comparant sa nièce à Philomèle, la preuve que « le symbole n’arrive plus bien à se lire » et que l’action se situe à « un moment où le symbolique est en train de perdre sa force21.

Selon Jonathan Bate, l'usage que fait Marcus de la poésie s'oppose diamétralement à l'usage scolaire et stérile qu'en fait Chiron qui ne reconnaît les vers d'Horace écrits par Titus qu'en tant qu'exemple de grammaire latine (IV, 2, v. 22-23). Shakespeare lierait ainsi sa critique d'une formation scolaire dépourvue de toute efficacité éthique à un plaidoyer en faveur d'une éducation par le théâtre22. Marcus serait donc une sorte de relais du spectateur sur la scène. De fait, il découvre le corps ravagé de Lavinia en même temps que lui. Sa fonction s’apparenterait dès lors à celle du chœur dans la tragédie grecque. Aussi la suppression de ce personnage dans la réécriture de Botho Strauss contribue-t-elle à accroître l’ambiguïté de la pièce.

Mise en scène et archéologie du sens

Chez Botho Strauss, en l’absence du personnage de Marcus, c’est Titus qui prononce un long monologue lorsque Lavinia revient sur scène après le viol. Le dramaturge allemand a rassemblé dans ce monologue non seulement des éléments empruntés à plusieurs répliques du personnage chez Shakespeare mais même des motifs extraits des scènes qu’il a supprimées et qui subsistent ainsi à l’état de traces dans son texte  :

Maintenant imagine : nous sommes tous les deux assis sur une falaise abrupte.
Ou peut-être sur le sommet de nos douleurs.
Là, en bas, une mer sauvage et bienveillante fulmine.
Les vagues déferlent contre le rocher, la houle les soulève, la prochaine vague nous emporte avec elle, nous happe sous les flots furieux.
Que dois-je faire, mon enfant ?
Tomber avec toi et te tenir embrassée jusqu’à ce que la mer nous engloutisse ?
Comment ? Tu secoues la tête ? Tu veux vivre encore… comme ça ?
Peut-être voudrais-tu que je me tranche les bras ?
Pour que nous puissions nous consoler d’égal à égal, tous les deux avec nos moignons. Bon, bon.
À quoi bon les mains ? Il n’y a plus rien à manier. (p. 44)

Mais cette scène de déploration reste traversée par la violence avec un Titus qui hurle à sa fille : « Ouvre la bouche ! ». Il se heurte d’ailleurs au refus de Lavinia qui ne veut ni du suicide ni de la vengeance. Alors que le meurtre de celle-ci par Titus est seulement justifié chez Skapespeare par le précédent de Virginius qui a tué sa fille pour qu’elle ne survive pas à son déshonneur, Botho Strauss en fait l’aboutissement d’un affrontement de plus en plus âpre entre le père et la fille.

Si Mesguich choisissait la bibliothèque pour décor de la pièce, le livre devient, chez Botho Strauss, objet de discorde entre le père et la fille. Dans le septième tableau, la didascalie initiale précise que « Lavinia lit en râlant de façon incompréhensible les Métamorphoses d’Ovide » (p. 49). Le statut du livre est donc très différent de ce qu’il était dans la pièce de Shakespeare. L’identification de Lavinia à Philomèle par Aaron puis par Marcus ayant disparu, le livre perd toute dimension oraculaire pour être entièrement du côté de la réitération. Lavinia ne l’utilise pas pour communiquer avec son entourage mais pour répéter inlassablement son traumatisme, seul moyen sans doute de le surmonter23. Mais sa lecture actualise aussi l’épreuve traversée pour ceux qui l’écoutent, ce que Titus ne peut manifestement supporter, comme en témoignent les reproches qui ouvrent la scène et provoquent la rage de Lavinia qui « arrache des pages du livre et les envoie voleter par terre ». L’exclamation de Titus, « Tu déchires mes précieux livres anciens » suggère un rapport de collectionneur au livre qui est évidemment aux antipodes de la relation vitale et charnelle de Lavinia que suggère l’enfant : « Elle arrache les pages du livre comme on lui a arraché les vêtements du corps », et que Titus ne veut manifestement pas entendre, à en juger par le « Tais-toi, le mioche » qui l’accueille. Titus reproche ensuite à Lavinia de lire toujours le même passage d’Ovide et lui conseille de se changer les idées en lisant des comédies, prélude à des considérations sur le pouvoir de séduction du sourire qui provoquent la révolte de Lavinia et, en retour, un jeu de mots de Titus qui n’a rien à envier en atrocité à ceux de Chiron et Démétrius après le viol chez Shakespeare : « Elle est devenue une méchante langue depuis qu’elle n’en a plus ». C’est alors que le conflit autour du livre trouve son expression la plus explicite :

Titus. C’est toi qui te fais mal.
Elle n’est qu’obsession de viol et de violence.
L’atrocité qu’elle a subie, elle retourne la chercher dans les livres.
Lucrèce, Philomèle, comme elles s’appellent toutes, exhibées en images et décrites en vers, conservées dans l’art.
Monica/ Lavinia. L’art me comprend mieux que mon père.
Il me donne de la force et me console [sie kräftigt mich und tröstet]. Toi, vieux soudard, tu ne fais que gronder sombrement dans ta barbe. (p. 50)

Si Botho Strauss a supprimé le personnage de Marcus et par conséquent la déploration aux accents ovidiens qui accueillait Lavinia à son retour sur scène, le pouvoir réparateur de la littérature n’en est pas moins affirmé avec force par Lavinia elle-même à laquelle le dramaturge a rendu une voix incarnée en la personne de Monica. Une fois de plus, ce qui a été supprimé d’un côté, est réintroduit de l’autre.

Cette recherche de l’équilibre originel s’exprime dans la pièce par une métaphore architecturale, celle de la cathédrale à laquelle recourt la metteure en scène :

Souvent pendant les répétitions j’ai pensé : tu n’y arriveras jamais, tu ne sens pas le truc. Jour après jour, j’étais là comme morte, vide, exsangue devant cette pièce. J’aurais pu m’en sortir avec quelques recettes qui fonctionnent, comme ça m’est arrivé de le faire quand je coinçais ou des fois où le souffle venait à me manquer. Mais là, c’était comme si je me tenais paralysée à l’intérieur d’une cathédrale, la beauté de chaque pierre me confondait, mais je ne trouvais pas en moi la résonance permettant de restituer toute la puissance du bâtiment [ich hatte den Sinn für die Macht des ganzen Bauwerks verloren]. (p. 30)

Cette perte du sens et de l’unité constitue, de fait, le leitmotiv de la réécriture de Botho Strauss : c’est lui qui relie tous les niveaux du texte, des répliques des personnages au sein de la fiction au discours métathéâtral inséré dans le Making-of du deuxième tableau. Celui-ci donne à la pièce des accents pirandelliens puisque chaque acteur y défend une interprétation de la pièce du point de vue de son personnage si bien que le tableau aurait pu aussi s’intituler « à chacun sa vérité ». La traduction française de Michel Vinaver et Barbara Grindberg explicite d’ailleurs cette fonction unifiante en introduisant une métaphore textile qui ne se trouve pas dans le texte original :

Mais quand ce qui a commencé à se découdre se découd de plus en plus, quand chaque être humain se délie de l’autre, il n’y a plus que méfiance et abjection. [Das Lose, wenn es immer loser wird, entbindet jeden Menschen bald vom anderen, es nährt das Mißtrauen und die Niedertracht] ( p. 45).

Le recours au verbe « découdre » est une solution audacieuse mais juste pour rendre l’effet produit en allemand par la substantivation d’un mot extrêmement fréquent qu’on rencontre sous forme d’adjectif (lose : détaché, dénoué, délié, desserré, qui a du jeu), d’adverbe (los), de préverbe exprimant la séparation, le détachement (los-) et de suffixe exprimant la privation (-los). Tous ces termes, comme leurs équivalents anglais (to lose, loose, looseness, etc.) dérivent d’une même racine indo-européenne via le latin luere et le grec luein dont le sens premier est « délier » : la première occurrence du verbe analuein auquel correspond le substantif analusis (« analyse ») se trouve dans l’Odyssée (II, 109) pour évoquer Pénélope en train de détisser la nuit la toile qu’elle tisse le jour. Outre sa pertinence étymologique, cette traduction a le mérite de suggérer, peut-être plus nettement que le terme allemand, les implications non seulement éthiques mais aussi esthétiques du phénomène. Ce n’est pas seulement le tissu social mais aussi le texte, dans son acception étymologique de tissage de mots, que la violence vient défaire comme le souligne le mot « soudaineté », qui renvoie au titre du premier tableau, « les formes et la soudaineté », commentaire métathéâtral sur l’impression que produit sur le spectateur de Titus Andronicus la succession très rapide d’actes d’une extrême violence au cours des premières scènes. La violence met à mal les rites et les formes de la vie sociale mais aussi de la représentation théâtrale. On ne peut qu’être frappé par l’homologie entre le travail de traduction (assumé il est vrai en partie par l’homme de théâtre qu’est Vinaver) et celui de réécriture-adaptation du texte de Shakespeare par Botho Strauss : dans les deux cas, il s’agit d’atteindre le « sous-jacent » ou, plus littéralement, le souterrain (unterirdisch). Si l’on retient l’hypothèse d’un détour par l’étymologie pour arriver à la traduction de « loser wird » par « se découd », force est de constater que, de son côté, Strauss a exploité toutes les potentialités du nom d’un des deux tortionnaires de Lavinia, Chiron, en proposant une variation sur la figure du centaure dans la relation qu’il imagine entre Chiron et Lavinia après le viol. De façon générale, son travail sur le texte shakespearien semble avoir surtout consisté à en exploiter toutes les virtualités en remontant à la source de la création et notamment à l’hypotexte ovidien, qui resurgit par exemple sous forme de citation latine dans la scène du repas cannibale : Intus habes quem poscis24 (p. 83).

Je conclurai en remarquant que cette démarche n’est pas sans analogie avec celle que requiert la traduction selon Valéry :

Le travail de traduire, mené avec le souci d’une certaine approximation de la forme, nous fait en quelque manière chercher à mettre nos pas sur les vestiges de ceux de l’auteur ; et non point façonner un texte à partir d’un autre ; mais de celui-ci, remonter à l’époque virtuelle de sa formation, à la phase où l’état de l’esprit est celui d’un orchestre dont les instruments s’éveillent, s’appellent les uns les autres, et se demandent leur accord avant de former leur concert. C’est de ce vivant état imaginaire qu’il faudrait redescendre, vers sa résolution en œuvre de langage autre que l’originel25.

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Notes de bas de page numériques

1  T.S. Eliot, « Seneca in Elizabethan translation », Selected Essays 1917-1932, Londres, Faber and Faber, 1932, p. 82.

2  Valéry Larbaud, Sous l'invocation de saint Jérôme, Paris, Gallimard, 1946, rééd. 1986, p. 82-85.

3  Botho Strauss, Viol. D’après Titus Andronicus de Shakespeare, traduction de Michel Vinaver et Barbara Grinberg, Paris, L’Arche, 2005, p. 28. Toutes les références ultérieures renvoient à cette édition. Le texte allemand est cité d’après l’édition originale : Schändung. Nach dem Titus Andronicus von Shakespeare, Munich, Car Hanser Verlag, 2005.

4  Peter Brook dans la conférence-débat « La mise en scène de Shakespeare dans le théâtre d’aujourd’hui », organisée le 16 mai 1957 au Théâtre des Nations, Fonds Centre Français du Théâtre, Paris, Société d’histoire du théâtre, cité par Daniela Peslin, Le Théâtre des nations : une aventure théâtrale à redécouvrir, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 268.

5  Bernard Levin, compte rendu dans Truth, 26 août 1955 : « Mr Brook has committed upon the text a butchery scarcely less severe than that suffered by most of the people in the play. Mr Brook’s play is a fer better than Shakespeare’s », cité par Alan Hughes dans l’introduction de son édition de la pièce : Shakespeare,  Titus Andronicus, Cambridge University Press, « The New Cambridge Shakespeare », 1994, repr. 2004, p. 32.

6  Bernard Dort, « Titus Andronicus, de William Shakespeare. Mise en scène, décors, costumes et musique de Peter Brook […] », Théâtre populaire, 25, 1957, p. 94.

7  Claude Planson, Il était une fois le Théâtre des Nations, Paris, Maison des Cultures du Monde, 1984, p. 47.

8  Eugene M. Waith, « The metamorphosis of violence in Titus Andronicus », Shakespeare Survey, 10, 1957, p. 39-49; repris dans Patterns and perspectives in English Renaissance Drama, Cranbury-Londres-Mississauga, Associated University Press, 1988, p. 52.

9  Ce choix est vivement critiqué par Bernard Dort : « Ce qui compte, ce ne sont pas les raisons, ni les mobiles, mais bel et bien le déroulement, l’enchaînement des actes, leur éclat physique, leur poids de chair et de sang, et ce commentaire lyrique, cette grande déploration dont Shakespeare les double. […] Or Peter Brook nous propose le contraire de ce théâtre physique, immédiat : un spectacle pléthorique, empâté. On sent que, faute d’un parti pris d’ensemble, il a voulu faire de chaque scène une “réussite”, alors que c’était seulement à travers l’enchaînement de ces scènes que Titus Andronicus pouvait retrouver son efficacité. De là l’impression de surcharge, de lourdeur que son Titus m’a donnée : à chaque moment, ses personnages, leur groupement, paraissaient s’y figer, tendre au symbole, quand cette pièce est l’une des moins symboliques, des plus littérales qui soient. » (op. cit., p. 97-98).

10  Richard David, « Drams of Eale, A Review of Recent Productions », Shakespeare Survey, 10, 1957, p. 127.

11  Eugene M. Waith la mentionne sans plus (op. cit., note 13).

12  Terry Eagleton, Sweet Violence : the Idea of the Tragic, Oxford, Blackwell, 2003.

13  Stanley Wells, « Performances in London and Stratford-Upon-Avon », Shakespeare Survey, 41, 1989, p. 179.

14  Je traduis.

15  Shakespeare, Titus Andronicus, éd. Jonathan Bate, London, Methuen, The Arden Shakespeare, 1995, rééd. 2004.

16  Jean-Michel Déprats, « Rencontre avec Daniel Mesguich, traducteur et metteur en scène de Titus Andronicus », dans Shakespeare et le corps à la Renaissance, éd. M.-T. John-Davies, Paris, Les Belles Lettres, 1991, p. 193.

17  Jean-Michel Déprats, « Rencontre avec Daniel Mesguich, traducteur et metteur en scène de Titus Andronicus », op. cit., p. 193-194.

18  René Girard, La Violence et le Sacré [1972], Paris, Hachette, « Pluriel », 1998, p. 33.

19  Ovide, Métamorphoses, VIII, v. 476 : Althée, qui sacrifie son fils pour apaiser les ombres de ses frères, est « pieuse avec impiété » (Impietate pia est).

20  Jean-Michel Déprats, « Rencontre avec Daniel Mesguich, traducteur et metteur en scène de Titus Andronicus », op. cit., p. 195.

21  Jean-Michel Déprats, « Rencontre avec Daniel Mesguich, traducteur et metteur en scène de Titus Andronicus », op. cit., p. 196.

22  Jonathan Bate, Shakespeare and Ovid, Oxford University Press, 1993, p. 112 : « As audience members, we need Marcus’ formalization just as much as much he doe himself in order to be able to confront the mutilated Lavinia. The presence of the audience is crucial : a critique of humanism is built into the action, but the audience is capable of discriminating between right and wrong uses of learning. Co-ordinate with the implicit attack on a theorical education is a defence of a theatrical one. The characters put their knowledge of the classics to destructive use ; the play in the theatre gives the audience a creative knowledge in that it teaches them how to respond sympathetically to suffering.  In this sense, the play is Shakespeare’s “Defence of Poesie”. Thus one might say : if Chiron and Demetrius had seen a dramatization of the Philomel story, instead of read it cold-bloodedly n the classroom, they would have wept for her instead of re-enacted her rape. »

23  On pense en lisant ce tableau à l’interprétation de Titus Andronicus en fonction de la théorie du trauma proposée par Deborah Willis dans « “The Gnawing Vulture” : Revenge, Trauma Theory, and Titus Andronicus », Shakespeare Quarterly, 53,1, 2002, p. 21-52.

24  Ovide, Métamorphoses, VI, v. 655. C’est la réponse que fait Procné à Térée lorsqu’il demande qu’on lui amène son fils Itys.

25  Paul Valéry, « Variations sur les Bucoliques » [1955], Œuvres, éd. Jean Hytier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. 1, 1957, p. 215-216.

Bibliographie

Bate Jonathan, Shakespeare and Ovid, Oxford University Press, 1993.

David Richard, « Drams of Eale, A Review of Recent Productions », Shakespeare Survey, 10, 1957, p. 116-134.

Déprats Jean-Michel, « Rencontre avec Daniel Mesguich, traducteur et metteur en scène de Titus Andronicus », dans Shakespeare et le corps à la Renaissance, éd. M.-T. John-Davies, Paris, Les Belles Lettres, 1991, p. 189-203.

Dort Bernard, « Titus Andronicus, de William Shakespeare. Mise en scène, décors, costumes et musique de Peter Brook […] », Théâtre populaire, 25, 1957, p. 94-99.

Eagleton Terry, Sweet Violence: the Idea of the Tragic, Oxford, Blackwell, 2003.

Eliot Thomas Stearns, « Seneca in Elizabethan translation », Selected Essays 1917-1932, Londres, Faber and Faber, 1932, p. 65-105.

Girard René, La Violence et le Sacré [1972], Paris, Hachette, « Pluriel », 1998.

Larbaud Valéry, Sous l'invocation de saint Jérôme, Paris, Gallimard, 1946, rééd. 1986.

Peslin Daniela, Le Théâtre des nations : une aventure théâtrale à redécouvrir, Paris, L’Harmattan, 2009.

Planson Claude, Il était une fois le Théâtre des Nations, Paris, Maison des Cultures du Monde, 1984.

Shakespeare, Titus Andronicus, ed. Alan Hughes, Cambridge University Press, « The New Cambridge Shakespeare », 1994, repr. 2004.

Shakespeare, Titus Andronicus, éd. Jonathan Bate, London, Methuen, The Arden Shakespeare, 1995, rééd. 2004.

Valéry Paul, « Variations sur les Bucoliques » [1955], Œuvres, éd. Jean Hytier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. 1, 1957, p. 207-222.

Waith Eugene M., « The metamorphosis of violence in Titus Andronicus », Shakespeare Survey, 10, 1957, p. 39-49.

Wells Stanley, « Performances in London and Stratford-Upon-Avon », Shakespeare Survey, 41, 1989, p. 178-181.

Willis Deborah, « “The Gnawing Vulture” : Revenge, Trauma Theory, and Titus Andronicus », Shakespeare Quarterly, 53,1, 2002, p. 21-52.

Notes de la rédaction

Ce texte a été prononcé lors du colloque international Le Mythe de Babel revisité, ou L’Intervalle d’une langue à l’autre, du texte à la scène, organisé les 10-11 mars 2011 à l’Université de Nice-Sophia Antipolis, par le CTEL, le CIRCPLES, le RITM, avec l’aide d’Erasmus Mundus. Publication dans la collection « Le Thyrse », dirigée par le CTEL chez L’Harmattan, 2012.

Pour citer cet article

Sylvie Ballestra-Puech, « La violence entre écriture et mise en scène : variations sur Titus Andronicus de Shakespeare dans le théâtre européen contemporain », paru dans Loxias, Loxias 35, mis en ligne le 14 décembre 2011, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=6950.

Auteurs

Sylvie Ballestra-Puech

Sylvie Ballestra-Puech est professeur de littérature comparée à l’Université de Nice et membre du Centre Transdisciplinaire d’Épistémologie de la Littérature (C.T.E.L.), après avoir été maître de conférences à l’Université de Reims puis à la Sorbonne (Paris IV). Elle a publié Lecture de La Jeune Parque (Klincksieck, 1993), Les Parques. Essai sur les figures féminines du destin dans la littérature occidentale (Editions Universitaires du Sud, 1999) et Métamorphoses d’Arachné. L’artiste en araignée dans la littérature occidentale (Droz, 2006).