Cuba dans Loxias


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Loxias | Loxias 30 | Doctoriales VII

La Havane ou l’espace gynémorphe dans Te di la vida entera de Zoé Valdés

La question urbaine est centrale dans Te di la vida entera de Zoé Valdés. Ce roman, publié en 1996, interpelle le lecteur particulièrement sur les interférences entre les personnages et la capitale havanaise. Aussi, La Havane acquiert-elle dans ce récit des dimensions symboliques allant de l’exploration de l’inconnu, de la fuite ou de la libération, jusqu’aux extrêmes d’une sensualité bien locale. L’évocation de cette métropole est sans équivoque un référent latino-américain qui met en évidence tous les fantasmes de ses habitants, lorsqu’ils sont accompagnés, en sourdine, de sons lancinants. C’est probablement pour cette raison que ce lieu magique agisse sur les personnages comme une énergie vivante, Cuca, le personnage principal de Te di la vida entera est à l’image de la capitale cubaine : tantôt joyeuse, tantôt morose, tantôt impassible, tantôt chaleureuse, elle se substitue volontiers à sa ville dans un jeu envoûtant de réciprocité. Certaines métaphores, récurrentes dans le récit, trahissent ainsi le vrai motif de l’écriture valdésienne : pécheresse comme le lieu qui l’accueille, Cuca ou La Havane, deviennent alors un lieu de risque où femme et ville présentent le même visage, à la fois attirant et répugnant.

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La nuit havanaise d’Abilio Estévez

Dans son roman Los Palacios distantes, en 2002, (Palais lointains, trad. Alice Seelow, Grasset, 2004),l’écrivain cubain Abilio Estévez s’empare d’une ville réelle, celle où il a vécu avant l’exil, et en fait un lieu de mystère à explorer. Cette ville, c’est La Havane agonisante à la fin du deuxième millénaire, avec ses habitants-zombies condamnés par l’absurdité d’une fin de régime totalitaire à errer parmi ses ruines, à y rejouer encore et encore le spectacle d’une vie impossible. Sous la plume de l’écrivain, cette Havane en déliquescence devient un « miroir de concentration » dans la tentative de saisir le drame d’un peuple, enfermé dans une île-monstre où rien n’est comme ailleurs : la survie est devenue dans cet endroit du monde un mode de vie à part entière et la schizophrénie, une façon tout à fait banale d’exister. Pour comprendre La Havane, il y a la nuit. « Chaque fois que tombe le crépuscule, nous dit Estévez, La Havane commence son fulgurant processus de disparition. » L’écrivain peut alors capturer l’insaisissable et rebâtir sur les ombres, grâce à l’imaginaire libéré, un monde qui laisse sa chance aux hommes.

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