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Akram Ayati  : 

Les stratégies d’écriture de la poésie exotique chez Théophile Gautier

Résumé

Cet article a pour objet la question de l’« exotisme » dans la poésie de Théophile Gautier, selon une approche méthodologique qui s’articule sur la situation de l’énonciation de l’écriture exotique. Ainsi, loin d’adopter des approches critiques habituelles, nous nous proposons de prendre comme point de départ une démarche différente qui, par une mise en relief de la condition interculturelle voulue du phénomène littéraire de l’exotisme, étudie des stratégies d’écritures spécifiques que cette condition particulière impose, par son aspect contraint caractérisé par un dynamisme de rapprochement et d’éloignement et de l’oscillation constante entre le familier et l’étranger, sur le plan de l’énonciation. Nous essayerons donc, en inspirant de cette hypothèse énoncée par Vladimir Kapor sur l’« écriture exotique » et les méthodes élaborées par Kerbrat-Orecchioni, de repérer les techniques et les stratégies d’écriture par le biais desquelles le regard d’un poète tel que Gautier sur la question de l’Ailleurs et celle de l’Autre se manifeste, mais aussi et surtout de relever, à travers cette étude, les traits originaux de son écriture exotique.

Index

Mots-clés : Ailleurs , écriture exotique, ekphrasis, imagologie, poésie, Théophile Gautier

Plan

Texte intégral

L’examen des études effectuées pendant ces vingt dernières années témoigne d’un regain d’intérêt considérable pour l’étude de l’exotisme littéraire qui atteignent leur sommet avec les nouvelles théories de Tzvetan Todorov et celles de Jean-Marc Moura. En effet, la polysémie du terme « exotisme » et l’hétérogénéité des types définitoires du lexème expliquent l’abondance des méthodes utilisées dans l’analyse des textes appartenant à la classe dite « littérature exotique ». Il paraît pourtant que toutes les méthodes critiques consacrées à la littérature exotique se sont concentrées sur l’étude du phénomène flou de l’exotisme et que très peu d’intérêt a été porté à l’étude d’une poétique de la création exotique, articulée sur la condition interculturelle. Selon Vladimir Kapor1, cette condition interculturelle de l’œuvre exotique impose en effet des contraintes sur le plan de l’énonciation qui mettent en place un régime énonciatif spécifique dit « régime exotique » caractérisé par l’utilisation des procédés et des stratégies littéraires spécifiques. La théorie de Kapor est, en fait, inspirée des études de « linguistique pragmatique », élaborées en particulier par Catherine Kerbrat-Orecchioni qui propose un modèle complémentaire à celui de Jakobson2. L’étude de la situation de l’énonciation de l’écriture exotique peut parfaitement cadrer avec ce modèle par une mise en accent de la condition interculturelle de cette écriture :

Les deux instances de la situation énonciative, l’émetteur et le récepteur (ou bien l’énonciateur et l’énonciataire) de l’écriture exotique se situent au sein de la même culture que nous désignerons comme la culture de référence. Ce n’est que l’œuvre littéraire qui véhicule des éléments présentés comme appartenant à la culture étrangère, la culture exotique. L’émetteur s’impose comme l’instance qui affiche une compétence biculturelle, en faisant fonction d’un relais transculturel, en mesure de faire le choix des éléments de la culture exotique qui détermineront son taux d’étrangeté, de différence3.

Inspiré par cette méthode qui se fonde sur le postulat affirmant que les mécanismes selon lesquels l’énoncé et l’énonciation exotiques se construisent sont repérables dans deux domaines, « linguistique » et « non linguistique », notre travail consiste donc à étudier les techniques et les stratégies d’écriture par le biais desquelles la vision de Gautier sur la question de l’Ailleurs et de l’Autre se manifeste dans sa poésie. En outre, il entend étudier la manière d’infraction à laquelle Gautier s’accroche pour ne pas tomber dans les griefs de l’écriture clichée de la « couleur locale ». Suivant la méthode proposée, nous envisageons d’examiner deux champs importants de l’écriture exotique de Gautier : l’étude du descriptif appartenant aux compétences linguistiques et l’étude du sociolecte pour aborder la catégorie des « compétences non linguistiques ». Le premier nous révèle les stratégies de Gautier concernant la modalité de la description des caractéristiques du monde exotique et celle de son organisation interne ; le second nous dévoile la technique mise en œuvre par le poète pour conjuguer deux versions de l’exotisme : un exotisme de convention constitué de clichés et de stéréotypes et un versant transgressif qui se situe du côté de l’écart par rapport au sociolecte et de l’infraction aux codes esthétiques de la culture de référence. Afin d’illustrer notre propos, l’ensemble des œuvres poétiques de Gautier, recueillies et publiées en trois volumes sous le titre Poésies Complètes par René Jasinski composera notre corpus d’étude.

I. L’exotisme et le descriptif

Il est évident que la description est une partie inhérente de l’écriture exotique, ce qui représente en effet la singularité et l’exoticité du texte. Cette « figure de pensée par développement 4», comme la définit Fontanier, a dans l’écriture exotique de Gautier une place incontestable. De là le grand intérêt critique de l’étude de la notion de description dans les récits de voyage et les récits fantastiques de Gautier, qui puisent leur sujet dans l’exotisme. Ce rapport étroit entre exotisme et description reste pourtant un domaine à explorer. Une approche thématique nous permet de constater qu’au moins six espèces de description parmi les sept recensées par Fontanier sont abondamment utilisées dans la poésie exotique de Gautier : la topographie, le parallèle, la prosopographie, l’éthopée, le portrait, le tableau. Une analyse de la poétique de la description en tant que séquence de la poésie gautiériste confirme la domination de deux types de description, expressive et représentative, par rapport à la description ornementale. Plusieurs pièces du recueil España (1845) mettent en scène ces deux types, « En allant à la chartreuse de Miraflores », « La fontaine du cimetière », « In déserto », « La petite fleur rose » et « Escurial » étant les plus importantes. Nous essayerons pourtant d’étudier, en tenant compte de notre problématique, la spécificité des stratégies d’écriture mise en place quant à l’organisation interne des séquences descriptives dans la poésie exotique de Gautier. Pour ce faire, nous nous attacherons à une forme descriptive particulièrement perfectionnée chez le poète : l’ekphrasis. Sans nous attarder à rappeler que l’objet du discours ekphrastique n’était nullement restreint dans la rhétorique antique et pouvait porter sur des personnes, des lieux, des temps ou des ‘choses faites’ (pragmata), nous nous limitons à l’usage habituel de cette figure au XIXe siècle – description d’un objet d’art ou la représentation verbale d’un objet d’art visuel – qui nous permettra, dans la poésie exotique du poète, de montrer comment la description (des œuvres d’art étrangères) revendique son fonctionnement autonome pour mener, en tant qu’un générateur indispensable, le vaste projet d’appréhender l’Autre et l’Ailleurs. Il est également à noter que, située dans un contexte poétique, la question du degré du factuel ou du fictif du discours descriptif de l’étranger ne nous intéressera pas ; nous nous concentrerons sur les mécanismes de l’écriture descriptive par le biais desquels Gautier essaie de cerner l’Ailleurs et ses caractéristiques.

Si les poèmes marqués par l’ekphrasis sont nombreux, c’est surtout dans le recueil España qu’on voit cette méthode se joindre au concept d’exotisme et plus précisément à celui d’Orient. « Deux tableaux de Valdès Léal », « Sur le Prométhée du musée de Madrid », « Sainte Casilda », « A Zurbaran » et « Ribeira » sont en quelque sorte la poésie de l’œuvre picturale dans la mesure où l’écriture, comme un moyen, un médium de représentation de l’objet naturel, tend à s’éloigner de la réalité concrète, de l’objet réel, en se transformant cette fois, en « une représentation de la représentation » de l’objet naturel.

1. L’inscription et l’évolution de l’ekphrasis dans le poème

Dans les poèmes cités, l’ekphrasis s’impose dès le titre du poème et manifeste explicitement un véritable parallèle des arts. Celui-ci apparaît alors sous une forme indépendante et concise, en inscrivant le nom du peintre dans le titre du poème (c’est le cas de « Ribeira »), en remplaçant le titre du poème par celui de la toile, ou bien sous une forme plus explicative comme « Deux tableaux de Valdès Léal ». Le jeu stylistique est également sollicité pour formuler les titres emblématiques : « A Zurbaran » est un poème dédié au peintre espagnol ; la préposition « sur » affiche dans le titre du poème « Sur le Prométhée du musée de Madrid » son statut explicitement ekphrastique. Ce soulignement en attaque de poème ancre bien le lecteur dans la réflexion esthétique du poète. Mais cette poétisation de l’œuvre d’art ne se réduit pas à un « thème-titre »5 selon J.-M. Adam ou un « pantonyme »6 selon la terminologie de Philippe Hamon : l’expansion de l’œuvre d’art s’amplifie dans tout le poème. Dans « Deux tableaux de Valdès Léal », Gautier décrit, après avoir présenté le peintre et son style, deux toiles de l’artiste espagnol intitulées Finis Gloriae Mundi (La fin de la gloire du monde) et In ictu oculi (En un clin d’œil) et exposées dans l’église du grand hôpital de Charité à Séville. La présentation du peintre et de son style, comme l’introduction du poème descriptif, permet au poète de justifier ses sensations évoquées par les toiles : « Deux tableaux singuliers de Juan Valdès Léal » et de nuancer son regard par le biais d’une comparaison artistique mettant en relief les aspects descriptifs du tableau : « Comme le Titien les splendides couleurs // Il aimait les tons verts, les blafardes pâleurs ». Ainsi, le poème se prolonge, par les référents picturaux, dans la textualisation du visuel. L’ekphrasis se poursuit par la longue chaîne de l’énumération des objets du vers 17 jusqu’au vers 37 : le choix de cette disposition, qui lie ces objets en une seule strophe par la préposition « de » à « un vaste fouillis », n’est pas gratuite. Loin de marquer un souci documentaire, elle disperse, d’une part, l’esprit du lecteur en éparpillant les objets et en hyperbolisant leur ampleur : « Tous les trésors du monde et toutes les richesse: / Les coffres-forts des juifs, les écrins des duchesses / … Rompant leur ventre d’or, semblent s’être vidés. » ou encore « Un Pactole gonflé débordant en cascades, » pour une arrivée « inattendue » ; d’autre part, cette énumération dont la lecture suggère l’essoufflement veut en fait rapprocher le plus possible le lisible du visible par une analogie du style. La surcharge décorative, la tension et l’exubérance qui dominent la description assimilent le poème de Gautier au style baroque de la toile de Valdès Léal. Pour suggérer les effets souhaités, Gautier n’hésite pas non plus à créer un jeu subtil de lumière et de reflets : « Miroités de lumière et de rayons troublants.», « de dorure », « regards éblouis », « diamants », l’ombre épanouis », « pailleté », « brille », « ses yeux », « miroir », « des perles ». Ce jeu de lumière est également utilisé dans la description de la deuxième toile : « Dans la seconde toile, où d’une lampe avare / Tombe sinistrement une lumière rare ». Il se met parfaitement au service du sujet du tableau et complète le sens qu’on en dégage. Le poète rappelle constamment le statut ekphrastique du poème en faisant abonder les termes spécifiques de l’art pictural : « toile, portrait, couleurs, détails, pinceau » et sa description respecte, en plus, les plans différents du tableau : « D’abord, c’est un évêque … », « Plus loin, c’est un bravache … », « Au dernier plan, couverts de linceuls en lambeaux, / des morts … ». L’ekphrasis recourt souvent à l’hypotypose, une figure de style qui consiste à « peindre les choses d’une manière si vive et si énergique, qu’elle les met en quelque sorte sous les yeux, et fait d’un récit ou d’une description, une image, un tableau, ou même une scène vivante7». A ce propos, la séquence consacrée dans « Deux tableaux de Valdès Léal » à la description de lallégorie de la mort qui « dans la fête arrive » est remarquable. La description est animée au point que le lecteur voit le tableau se dessiner sous ses yeux. Les verbes daction et le lexique du mouvement suggèrent bien une étape de transition entre la vie – la bougie – et la mort – brusque éteignoir. « Faire surgir », « inattendu », « importun », « le voici, arrive, brusque éteignoir » marquent un mouvement qui, après une longue description des objets inanimés, « les attributs de fête », fait apparaître la « noire antithèse ».

L’allusion multiple aux autres peintres et à leurs tableaux au sein de la description du tableau peint est un autre procédé fréquent chez Gautier, qui montre non seulement sa vaste culture artistique, mais éclaircit aussi, par une mise en comparaison des peintres et leur style, les points obscurs de sa description : en dépassant l’étape de « l’indescriptible », il fait voir au lecteur le tableau regardé. Implicites ou explicites, ces allusions qui introduisent, par leur extension, une ekphrasis dans l’ekphrasis, ont pour effet de justifier le discours du poète-spectateur et ses propres interprétations des œuvres d’art. L’art de Gautier descripteur de l’œuvre d’art consiste à ne pas se réduire à la surface visuelle du tableau, mais à dépasser les caractères évidents pour donner au lecteur beaucoup plus que le visible. Il s’identifie avec le peintre et décrit ce que celui-ci ressent en esprit et que le poète reçoit comme message, en regardant le tableau. Gautier se pose ainsi en médiateur qui a pour mission de faire passer les sensations du peintre envers le sujet de son tableau, mais ce médiateur n’est pas neutre et insinue ses propres interprétations et ses propres sensations. Dans « Sainte Casilda », le poète exprime sa surprise devant le tableau : « A Burgos, dans un coin de l’église déserte, / Un tableau me surprit par son effet puissant ». On trouve une réaction similaire, mais dans le sens négatif, dans le poème « A Zurbaran » qui met en relief la scène représentée et qui redouble ainsi les effets du tableau.

Ainsi, la description prend une forme particulière dans ce poème. L’interpellation initiale du poème « Moines de Zurbaran » donne vie au sujet des tableaux. Cette animation du sujet relève du monde fictif du tableau et permet au poète d’amplifier la dimension de la description qui dépasse celle de l’œuvre d’art et du peintre et prolonge sa portée dans le monde réel. Le poète conserve pourtant, jusqu’à la fin du poème, ce rapport équivoque entre le fictif et le réel et poursuit, par un mouvement continu et va-et-vient constant, deux objectifs principaux. D’une part, comme les personnages fictifs d’un monde irréel du tableau, les moines représentent la vision du monde de leur créateur, et illuminent la philosophie du peintre qui se montre à travers son style et ses couleurs : « Tes moines, Lesueur, près de ceux-là sont fades, / Zurbaran de Séville a mieux rendu que toi / Leurs yeux plombés d’extase et leurs têtes malades » ou encore « Comme son dur pinceau les laboure et les creuse / Aux pleurs du repentir comme il ouvre des lits / Dans les rides sans fond de leur face terreuse ! ». D’autre part, les moines de Zurbaran permettent au poète de critiquer indirectement le système rigide du cloître et d’ironiser sur les attitudes et les croyances des moines : « Et vous vivez muets, inclinés sur vos bibles, / Croyant toujours entendre aux plafonds entr’ouverts / Éclater brusquement les trompettes terribles ! ».

2. La multifonctionnalité de l’ekphrasis

Ces cinq poèmes du recueil España représentent les différentes fonctions de l’ekphrasis dans la poésie exotique de Gautier. Si l’on peut conférer, au premier abord, à la figure de l’ekphrasis, un rôle esthétique et rhétorique, la poésie de Gautier en est bien l’exemple. Le vocabulaire du critique d’art, l’étude des traits et des couleurs, les contours et les contrastes, les comparaisons sont tous, rhétoriquement, chargés d’approcher le mieux possible le texte poétique de la beauté parfaite, tout en visualisant la beauté picturale. Dans « Sainte Casilda », la description poétique atteint son sommet lorsque le poète représente les seins mutilés de la Sainte et son état d’extase. Cette manière de décrire « revêt la valeur d’une caution et d’un stimulant à travers lesquels le narrateur engage la subjectivité de sa vision et de son interprétation, tout en cherchant à instaurer une complicité avec le lecteur par l’intermédiaire du référent plastique8».

L’ekphrasis ne se réduit pas pourtant à un simple processus rhétorique, mais constitue une partie insérée dans le poème et indissociable du texte. Le poème, dans ce cas, est basé, sémantiquement sur la description picturale. Cela correspond donc à une seconde fonction de l’ekphrasis, « métaphorique et sémantique » : il s’agit en fait de « traduire les analogies et les correspondances entre le récit et l’œuvre d’art afin de produire des échanges et de participer au signifié9 ». On remarque bien comment l’ekphrasis se met parfaitement au service du signifié, dans « Deux tableaux de Valdès Léal ». Les deux toiles du peintre espagnol qui présentent l’allégorie de la mort se placent au même plan sémantique que le poème. Autrement dit, elles constituent l’essentiel du poème. Le message passe par l’intermédiaire de la description picturale et l’œuvre se situe ainsi « à mi-chemin entre représentation et l’invention10 ». Pourtant, dans cette description, Gautier ne se contente pas de communiquer le message : il essaie, en plus, de transmettre les sensations éprouvées et joue avec des lexiques particuliers, des formules rythmiques et syntaxiques pour traduire en mots les effets visuels du tableau. Il écrit par exemple sur le second tableau de Valdès Léal : « Un autre eût borné là sa terrible leçon / Et se fût contenté de ce premier frisson » et une large abondance des termes « noirs » qui suivent ce vers garantit l’effet évoqué : « morose, angoisse, mort, lampe avare, sinistrement, lumière rare, cercueils, livide, l’agonie, le ver, la destruction, hideux, noire, affreux, cauchemars ». Dans « Sur le Prométhée du musée de Madrid », l’effet émotionnel de l’image est produit par une mise en parallèle minutieuse entre le sujet mythique du tableau et celui raconté dans la mythologie. Sous cette forme, le poème s’adapte parfaitement à l’idée de la comparaison. Les quatrains sont consacrés à la version mythique de l’histoire de Prométhée. L’utilisation du présent actualise le temps de l’histoire pour faire assister le lecteur à la scène représentée : « Du haut de son calvaire il insulte les dieux », « vers le soir, s’accoudant », « se tord », « Echangent », effet renforcé par le pronom personnel au pluriel « nous » : « Le Titan qui, pour nous, dévalisa les cieux ! ». Le poète invite donc le lecteur, puisqu’il est de la race humaine dont Prométhée est le créateur, à témoigner, à côté « les nymphes de la mer », de la cruauté de la scène peinte du tableau : « Toi, cruel Ribeira, plus dur que Jupiter, ». La comparaison entre le peintre et le dieu mythique suggère le degré affreux du tableau. La répétition du pronom personnel, tonique et atone « Toi, Tu », l’anaphore en « Et tu … » et l’hyperbole en « flancs creux, affreuses entailles, Couler à flots de sang, des cascades d’entrailles, hurler, l’ombre profonde » renforcent ces effets émotionnels. Ainsi, à l’insertion du tableau se superpose l’insertion mythologique, et ces deux types d’intertextualité interfèrent et se complètent. Et c’est par le biais de cette inscription du mythe que Gautier cherche à visualiser les effets effrayants du tableau décrit.

A ce sujet, Bernard Vouilloux parle du rôle de la « résonance affective, impressive ou émotive11 » qui constitue l'effet du tableau sur le spectateur-descripteur et se restitue dans la pragmatique de la description, sans oublier quand même, que cette composante est très variable en fonction des différents descripteurs, des différents lecteurs, et de la variabilité infinie de l'empathie qui se produit entre eux. Cette différence de la réflexion sensationnelle lors de la réception directe du tableau par le spectateur ou bien de la réception indirecte par le lecteur du poème décrivant le tableau est due essentiellement à la différence des valeurs, des cultures et des visions du monde. Ce regard différent caractérise l’ekphrasis gautiériste dans les poèmes d’España. Les descriptions des œuvres plastiques expriment, d’une manière ou d’une autre, la dualité entre l’ici et l’ailleurs, entre la vie, la culture, l’art et la religion français et espagnols. Autrement dit, l’ekphrasis est en quelque sorte la traduction de la dialectique ici/ailleurs. Ainsi les caractéristiques de l’ailleurs se présentent également à travers la transcription de l’art exotique. Au reste, la fonction mathésique de la description dans la prose gautiériste, considérée comme la stratégie spécifique de l’écriture exotique, est parfaitement remplie par la fonction métaphorique dans sa poésie.

II. L’exotisme et l’imaginaire social

Tout un versant de l’écriture exotique se situe du côté du cliché et du stéréotype, ancrés dans l’imaginaire social, d’où l’importance d’étudier la dimension de l’exotisme désignée par la notion du sociolecte, mise en vogue par les recherches sur l’imagologie. L’imagologie tente de expliquer comment et dans quelle mesure l’image de l’Autre est un puissant révélateur des options, voire des clivages qui traversent et structurent une société à un moment donné. Il semble que ce postulat trouve sa confirmation dans le champ de l’écriture exotique qui atteint à son apogée au XIXe siècle. Non seulement la prolifération des récits de voyage, mais aussi les écritures poétiques témoignent de l’intérêt poussé pour l’exotisme, ce qu’on désignait par l’expression « couleur locale ». Celle-ci, en s’appuyant sur les traits distinctifs, concerne toute description ou représentation évocatrice des caractéristiques d’une époque ou d’un pays autre. Pourtant, ces traits sont distinctifs uniquement pour et dans un sociolecte donné, celui de la « culture regardante », car, comme le remarque Pageaux, « l’image de l’Autre est précisément celle qui est conforme à l’idéologie du lecteur auquel le texte s’adresse implicitement et parfois même explicitement12 ». En d’autres termes, « […] à un moment historique donné et dans une culture donnée, il n’est pas possible de dire, d’écrire n’importe quoi sur l’Autre13 ». C’est dans cette perspective qu’on considère ces traits distinctifs comme une image fortement stéréotypée dont la vraisemblance dépend moins de leur exactitude référentielle que de leur conformité à une idée reçue et préconçue. Le caractère fortement stéréotypé de cet exotisme et, dans la majorité des cas, d’un Orient livresque a été dénoncé à maintes reprises par Gautier. Dans un poème intitulé « Perplexité », il écrit sur un ton ironique :

Mais peut-être – après tout- me faut-il rendre grâce,
Car j’aurais pu, suivant nos auteurs à la trace,
De galantes horreurs tacher ce frais recueil.

J’aurais pu vous mener à Venise en gondole,
Depuis le masque noir jusqu’à la barcarolle,
Déployer à vos yeux le bagage complet ;

Et les jurons du temps, et la couleur locale,
Je vous épargne tout…14

Il est donc important de dévoiler, dans une perspective imagologique, les stratégies d’écriture qui ont permis à Gautier de mettre en œuvre son esthétique originale tout en restant du côté de la représentation collective sur la question de l’Ailleurs.

Les trois éléments constitutifs de l’image en tant que « texte programmé » ou « communication programmée15 », comme la définit Pageaux, sont le mot, la relation hiérarchisée et le scénario. Non seulement un stock plus ou moins large de mots qui permettent la définition de l’image de l’Autre, mais aussi le champ lexical particulier et les constellations verbales qui convergent vers l’isotopie de l’ailleurs. Le comptage de certaines occurrences concernant le marquage des lieux, les indicateurs de temps, le choix de l’onomastique ou l’adjectivation sont autant de facteurs qu’il faut relever dans l’analyse lexicale. Un examen détaillé à ce stade nous dévoile pourtant que l’exotisme de Gautier appuie moins sur cette catégorie – ce répertoire en images – que sur le niveau d’ordre sémantique, sur la « conscience énonciative » pour reprendre les mots de Michel Foucault dans son Histoire de la folie à l’âge classique. En fait, si les indications explicites ou implicites de l’exotisme sont parsemées dans la poésie exotique de Gautier, ce sont plutôt les séquences oppositionnelles qui structurent ce genre de texte. Le cadre du poème s’avère être, en effet, la matrice de la dialectique de Je / Autre d’une part et d’ici / ailleurs d’autre part et cela dans plusieurs dimensions : géographique et climatique, culturelle, sociale, politique, religieuse, esthétique. Tout le recueil España est fondé sur ces oppositions entre Orient et Occident, du niveau le plus superficiel (l’Orient représenté comme la terre du soleil contre l’Occident pluvieux et grisâtre dans « La chanson du Mignons », « Odes à Jean Duseigneur »), en passant par les différences en croyance concernant la théologie ou la question de la vie et de la mort, jusqu’au niveau le plus délicat, qui concerne l’Art (l’Orient considéré comme le berceau de l’Art contre l’Occident dégradé par la modernité). Tout ce domaine, appartenant au niveau des relations hiérarchisées de l’image exotique dans la poésie gautiériste, puise en effet dans les stéréotypes et les clichés de l’écriture exotique du XIXe siècle. Mais l’important est de savoir où la poésie exotique de Théophile Gautier diverge, du point de vue de l’imaginaire social et des représentations collectives sous jacentes, du modèle initial romantique de l’écriture couleur locale ?

L’étude de la signification sociale et culturelle des éléments dits exotiques choisis pour l’élaboration de l’image de l’Autre dans la poésie de Gautier montre qu’elle s’inscrit dans un rapport dialectique entre Occident / Orient et se renforce dans un procédé de valorisation de l’Orient contre l’Occident, compte tenu de la situation sociale, politique, culturelle du XIXe siècle et le statut du poète dans la société de l’époque. Mais on observe aussi que l’image scénario proposée par l’écriture gautiériste dépasse nettement ce cadre élémentaire pour diverger du mythe collectif. Elle laisse effectivement apercevoir une évolution dans l’esthétique du poète concernant l’orientalisme et, dans ce sens, le recueil España, composé à partir du voyage en Espagne en 1840, s’inscrit comme un point de transition. On remarque, en effet, que l’Orient de Gautier passe, à partir d’España, du « topos » au « poetikos »16 en revendiquant sa nouvelle image. Les éléments exotiques conventionnels s’ordonnent et s’articulent entre eux pour former les réseaux isotopiques qui, dans le cas des poèmes exotiques de Gautier, ne sont pas de l’ordre des images collectives des pays étrangers. Autrement dit, l’« exoticité » ne renvoie pas pour autant à l’image d’un pays précis. « Départ », pièce composée en 1843 qui inaugure le recueil España, est une sorte d’invitation au voyage sans aucune précision référentielle. Le poème renforce, d’ailleurs, sa dimension onirique et aréférentielle en représentant l’aspect imaginaire du voyage par l’allusion à « Eldorado » et à « Chanaan » et par une mise en opposition du rêve et du réel. Ce désir de partir vers un lieu non déterminé est annoncé plusieurs fois dans les poèmes de Gautier. Dans « La chanson de Mignon », les allusions directes et indirectes à l’Italie n’ont pas, à notre sens, de valeur référentielle. L’Italie renvoie en effet, dans la pièce, non pas à son référent mimétique, mais plutôt à un lieu symbole qui représente

La terre du soleil où le citron mûrit,
Où l’orange aux tons d’or dans les feuilles sourit ?
C’est là, maître, c’est là qu’il faut mourir et vivre,
C’est là qu’il faut aller, c’est là qu’il me faut suivre.

Cette valeur symbolique du lieu est accentuée dans « Ce que disent les hirondelles » qui est moins un répertoire des villes orientales qu’une hymne à l’acte de partir vers un ailleurs : « Des ailes ! des ailes ! des ailes ! / Comme dans le chant de Ruckert,/ Pour voler, là-bas avec elles / Au soleil d’or, au printemps vert !17 ». L’adverbe indéterminé « là-bas » renvoie à un lieu géographique indéfini. Cet aspect non référentiel et anti-mimétique de la poésie exotique de Gautier apparaît même au cœur du recueil España dont le poème intitulé « Désert » met en scène de multiples éléments convergeant vers une isotopie renvoyant à l’espace désertique non-déterminé. D’ailleurs, cette image est métaphorique et est utilisée comme code réaliste chargé de représenter la solitude et l’aridité de cœur qui l’accompagne.

Il est évident que le choix des éléments exotiques et celui de leur organisation dans le texte poétique de Gautier évoque une image scénario spécifique, un mythe collectif de « l’âge d’or » ou celui de « l’âge d’origine ». Pourtant, la démarche de Gautier dénonce une posture de rupture et sa poésie exotique marque « une prise de position réactionnaire par rapport à la tradition esthétique de l’écriture couleur locale18 », sur le plan poétique autant que quant aux implications idéologiques que la représentation de l’Ailleurs met en jeu. L’image scénario dans la poésie gautiériste suit en effet un schéma triptyque : 1. L’éloge de l’ailleurs 2. L’opposition ici / ailleurs 3. La superposition de l’Art à l’Ailleurs. Les poèmes exotiques de Gautier respectent en partie ou entièrement ce schéma. Développons notre propos.

L’exotisme de Gautier correspond, en fait, à la postulation de « l’ailleurs ». Le désir d’aller vers l’ailleurs, « la sortie vers un monde situé à distance19 » comme préfère l’appeler Anne Ubersfeld, a été maintes fois exprimé par Gautier. Et ce sont les traits différentiels d’ici avec cet ailleurs qui caractérisent ce « non-lieu » paradisiaque et non pas ses propres références. L’ailleurs est ailleurs dans la mesure où il représente le pôle opposé de l’ici. La mise en valeur de l’Ailleurs est pourtant attendue par l’imaginaire collectif, ce qui survient dans les premières pièces exotiques de Gautier. C’est justement ici qu’un nouveau postulat s’impose dans son esthétique : la recherche de l’Art parfait et de la Beauté absolue. A partir de ce moment, l’Ailleurs n’a pas de valeur en soi, mais il est le centre d’intérêt dans la mesure où il devient le lieu, le cadre, le symbole ou même le représentant de la Beauté et de l’Art parfait. L’Ailleurs est donc un concept totalement relatif. Si le recueil España est une mise en scène de la représentation de l’Ailleurs stéréotypé du poète, il marque aussi l’étape transitoire de l’esthétique de Gautier concernant la question de l’exotisme pour que le recueil Emaux et camées (1852) soit le lieu de la représentation par excellence de cette évolution, là où l’Ailleurs se met au service de l’Art. Il n’empêche que le recueil España, dans l’ensemble et sous sa forme publiée, suit ce parcours : invitation au voyage, représentation des éléments exotiques, la mise en opposition d’ici/ ailleurs et finalement mise en valeur de l’Art et sa domination. On remarque pourtant comment cette dernière phase est structurée dans le dernier poème de ce recueil intitulé « Adieux à la poésie » pour être reformulée dans les poèmes du futur. L’idéal recherché par le poète se manifeste ici aussi, mais à l’état d’embryon lorsque le poème évoque que le langage divin du poète n’a pas encore trouvé sa place ; le temps n’est pas encore favorable à la muse du poète ; il lui faut un temps de repos, un moment pour se reformer:

O pauvre enfant du ciel, tu chanterais en vain
Ils ne comprendraient pas ton langage divin ;
A tes plus doux accords leur oreille est fermée !

Et finalement, Emaux et Camées met cette perfection en scène. Là, tout se définit par l’Art. Donc, l’ailleurs a désormais, un autre critère de valeur. On remarque donc de quelle manière les éléments exotiques se caractérisent dans ce volume : ils ne sont pas considérés comme une entité, mais s’articulent entre eux afin de représenter un but suprême. Les pièces « Le poème de la Femme », « Inès de las sierra » et « Le château du Souvenir » en sont les plus emblématiques. Le poème intitulé « Nostalgies d’obélisques » est, parmi beaucoup d’autres, révélateur à ce propos dans la mesure où, dans une démarche différente, il met en cause le concept de l’exotisme. Sous forme d’un diptyque dont les deux volets se plient l’un sur l’autre, le poème trouve son sens dans cet effet de miroir et de reflet entre deux parties. Dans un dialogue réciproque, les deux obélisques se valorisent l’un l’autre grâce à l’équivalence poétique que leur accorde Gautier, si bien que dans le chiasme du poème, la dialectique de l’ici / l’ailleurs trouve un nouveau sens. Dans ce poème, Gautier n’envisage pas en effet de valoriser l’un ou l’autre des deux obélisques, mais plutôt de mettre en question le concept de l’ailleurs.

Entre ici et ailleurs, les deux obélisques se plaignent de leur destin et rêvent d’un ailleurs imaginaire. Cet ailleurs est pour chacun le « là où je ne suis pas » de Baudelaire, la belle terre, l’endroit le plus fascinant du monde. Dans un jeu de reflets, Gautier met en cause la question de l’ailleurs, en portant tout d’abord la dialectique entre le réel et l’imaginaire : l’image de l’ailleurs n’est qu’un simple rêve, une illusion. Le désert grandiose et sublime pour l’un est stérile, mort, muet et ennuyeux pour l’autre. Le paradis de l’un est l’enfer de l’autre.

Ainsi, dans la dialectique de l’ici / l’ailleurs, la relativité de la question sera renforcée dans la mesure où l’ici et l’ailleurs ne sont qu’un seul, l’ici de l’un est l’ailleurs de l’autre et vice versa : ces termes sont relatifs à la situation de la personne qui perçoit. Le désir de l’obélisque de Luxor d’être transporté à Paris auprès de son frère, « pour [se] distraire, / Sur une place être planté ! » et de s’enfuir de ce lieu « Stérile, muet, infini/ [où] Le désert sous le soleil morne/ Déroule son linceul jauni », où la longueur et la lourdeur, suggérées même par l’assonance en « e », en « i » et en « o », s’installent, renvoie aux vers liminaires : « Sur cette place je m’ennuie, / Obélisque dépareillé ». René Jasinski affirme qu’« en […] faisant contraster [les obélisques, Gautier] associe dans un même incurable mal ses deux tendances extrêmes : le besoin d’évasion, mais aussi, avec ses tourments profonds, le goût du rêve dans l’immobilité20 ». Les deux obélisques souffrent d’une absence ; outre leur contraste, il y a, comme R. Jasinski l’a bien remarqué, la répétition différée du même mal. Ce mal est celui du déplacement et du manque. Les deux obélisques souffrent d’une sorte de nostalgie dont l’expression de chacun met accent sur l’incurabilité. Au début, Gautier valorise l’ailleurs, suggérant que « là-bas, c’est tout sauf ici », pour ensuite rejeter tout processus d’idéalisation de l’ailleurs, car l’ailleurs n’est qu’une simple illusion, une chimère qui s’efface quand on y arrive. Ainsi, Gautier poétise à travers le désir de l’ailleurs l’insatisfaction constante et éternelle de l’Homme.

C’est précisément à ce point que la question de l’Ailleurs et de l’exotisme se noue à celle de l’Art et de la Beauté, ce qui personnalise en quelque sorte la conception du poète sur l’exotisme. Gautier montre que l’ailleurs en tant que paradis retrouvé, que la terre promise ne sont que rêve, illusion, car on n’est jamais heureux où l’on est. Pourtant, c’est dans l’art et par l’art que le véritable ailleurs avec toutes ses caractéristiques, la beauté, la liberté, la pureté et l’éternité, peut se réaliser. L’art concrétise la Beauté absolue et par la forme parfaite garantit son immortalité. C’est en effet cet art qui console le mieux de vivre. C’est aussi sur la fusion de l’art, de la Beauté et de l’Orient que la genèse des générations suivantes repose. En fait, de ce point de vue, l’idée d’un ailleurs idéal n’est plus un système de référents, mais comme un modèle, le modèle de la recherche esthétique. Pourquoi donc chercher l’ailleurs en tant que patrie du bonheur, que lieu où règne la beauté, hors de soi et hors de son art ? L’art peut concrétiser cet ailleurs, devenir un noyau de beauté et les œuvres d’art deviennent ainsi pour Gautier des sortes de « bulles » qui reflètent chacune un univers de beauté et de bonheur, chacune une concentré de l’ailleurs au sein de la civilisation industrielle. Ainsi, tout ce qui est ailleurs peut se retrouver ici dans l’art et grâce à l’art. Tout ce qui paraissait hors d’atteinte peut être ressaisi par le travail artistique. C’est l’art qui apprivoise l’Ailleurs, qui le ramène ici, tout près de soi et même en soi.

Conclusion

Cette analyse nous a finalement amenée à affirmer, d’une part, l’importance de la description exotique qui, non seulement rejette l’idée qui la considérait comme superficielle et abusive, mais s’affirme comme un outil indispensable à l’écriture exotique. Ces séquences descriptives, loin de se réduire à la seule fonction mathésique, sont chargées de former le noyau de connaissance de l’autre et donc de cultiver l’appréhension du différent. Ce trait différentiel passe pourtant par les filtres du sociolecte du poète. Inscrivant sa poésie exotique dans l’imaginaire social, Gautier a su dégager finement son art des clichés pour offrir à son langage poétique, en privilégiant l’Art, un aspect original et innovateur qui donne naissance à la tendance de « l’art pour l’art ».

Notes de bas de page numériques

1  Vladimir Kapor, Pour une poétique de l’écriture exotique, Paris, L’Harmattan, 2007.

2  En introduisant la notion d’univers du discours, le modèle de cette linguiste exige englober la situation de communication et l’ensemble des contraintes stylistico-thématiques. Ce modèle est fondé sur deux « principes d’enrichissement » dont le premier consiste dans la prise en compte des « compétences non linguistiques » dans le sphère de l’émetteur et du récepteur. Il s’agit par exemple, des « compétences culturelles » et idéologiques. Cette notation complémentaire évoque la notion de sociolecte telle qu’elle est définie par Michel Riffaterre [Sociolecte : langage en tant que grammaire, mais aussi en tant que réservoir des mythes, traditions, stéréotypes idéologiques et esthétiques, lieux communs et thèmes qui habitent une société, une classe ou un groupe social. Michel Riffaterre, Sémiotique de la poésie, Paris, Editions du Seuil, 1983.]. Le second principe implique l’élaboration d’un schéma de la communication plus complexe, qui s’appuie sur les recherches de Michel Pêcheux et de Hall et Moscovici, pour introduire les données situationnelles « sous la forme d’images, de représentation que les sujets énonciateurs s’en construisent » en précisant « qu’il faut en particulier admettre dans leur compétence culturelle des images (I) que l’émetteur (A) et le récepteur (B) se font d’eux-mêmes et de leur partenaire discursif ». Catherine, Kerbrat-Orecchioni, L’Enonciation, de la subjectivité dans le langage, Paris, Armand Colin, 1997, pp. 17-18.

3  Vladimir Kapor, Pour une poétique de l’écriture exotique, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 28.

4  Pierre Fontanier, Les figures du discours, Paris, Flammarion, 1977, p. 420.

5  Jean-Michel Adam, La Description, Paris, PUF, collection « Que sais-je ? » n° 2783,1993.

6  Philippe Hamon, Du Descriptif, Paris, Hachette, 1981.

7  Pierre Fontanier, Les figures du discours, Paris, Flammarion, 1977, p. 390.

8  Marc Eigeldinger, « L’inscription de l’œuvre plastique dans les récits de Gautier », L’art et L’artiste, Actes du colloque international, organisé par Société Théophile Gautier, Montpellier- Université Paul Valéry, 1982, p. 301.

9  Marc Eigeldinger, « L’inscription de l’œuvre plastique dans les récits de Gautier », L’art et L’artiste, Actes du colloque international, organisé par Société Théophile Gautier,Montpellier- Université Paul Valéry, 1982, p. 302.

10  Pascal Auraix-Jonchière, « Ekphrasis et mythologie dans La Toison d’or de Théophile Gautier : La Madeleine prétexte », Ecrire la peinture, Études réunies et présentées par Pascale Auraix-Jonchière, éd. Presses Universitaires Blaise Pascal, 2003, p. 455.

11  Bernard Vouilloux, La Peinture dans le texte. XVIIIe–XXe siècles, Paris, CNRS éditions, 1995, p. 137.

12  Henri Pageaux, « Recherches sur l’imagologie : de l’Histoire culturelle à la Poétique », Filologia Francesa, n° 8, Univ. Complutense, Madrid, 1995, p. 148.

13  Henri Pageaux, « Recherches sur l’imagologie : de l’Histoire culturelle à la Poétique », Filologia Francesa, n° 8, Univ. Complutense, Madrid, 1995, p. 141.

14  René Jasinski, Poésies complètes de Théophile Gautier, Nizet, Paris, 1970, t. III, « Dernières poésies », p. 156.

15  Daniel-Henri Pageaux, « Recherches sur l’imagologie : de l’Histoire culturelle à la Poétique », Filologia Francesa, n° 8, Univ. Complutense, Madrid, 1995, p. 142.

16  M. Riffaterre, Sémiotique de la poésie, Seuil, 1982.

17  René Jasinski, Poésies complètes de Théophile Gautier, t. III, « Emaux et camées », Nizet, Paris, 1970, p. 95.

18  Vladimir Kapor, Pour une poétique de l’écriture exotique, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 166.

19  Anne Ubersfeld, « Anti-voyage de Gautier », Cahiers CRLH, n° 5 consacré à l’exotisme, 1988, p. 365.

20  René Jasinski, Poésies Complètes de Théophile Gautier, t. I, Paris, Nizet, 1970, « Introduction », p. CV.

Pour citer cet article

Akram Ayati, « Les stratégies d’écriture de la poésie exotique chez Théophile Gautier », paru dans Loxias, Loxias 30, mis en ligne le 02 septembre 2010, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=6321.

Auteurs

Akram Ayati

Originaire d’Iran, Akram Ayati vient de soutenir, en janvier 2010, sous la direction de Steve Murphy, à l’Université Rennes 2, une thèse intitulée « La perception de l’ailleurs dans la poésie de Théophile Gautier ». Elle enseigne désormais lalangue et la littérature françaises à l'Université d'Ispahan.