fragments dans Loxias


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Loxias | Loxias 29 | I. | 2. Expériences

Narcisse traducteur ? Sur une joie technique à l’égard des fragments présocratiques

Le fragment est tenu, culturellement, pour le régime quasi ontologique de la pensée naissante bien qu’il soit, esthétiquement, une invention romantique, et, historiquement, l’expression seulement résiduelle d’une littérature. La réception et les traductions d’Héraclite, cas extrême de fragmentation parmi ceux qu’on nomme les Présocratiques, permet de mesurer l’ampleur de l’aubaine que constitue un texte désintégré (troué ou fragmentaire), qui s’offre à la cristallisation réjouissante du lecteur. Le traducteur profite ici de la situation, même si sa jouissance est précédée par le vertige de l’herméneute, qui a les coudées franches, carte en partie blanche pour se mirer. Amoureusement le traducteur s’empare d’une œuvre objectivement émiettée et trouée, qu’il fantasme et décrète parfaite, jusqu’au débordement et entretient ainsi de son ardeur interprétative. L’inflation exégétique que connaît l’œuvre d’Héraclite conduit à douter parfois, non de l’attention généreuse du passeur qu’est le traducteur, mais de la maîtrise – qu’on aimerait lui reconnaître – de sa passion herméneutique.

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Loxias | Loxias 42 | Doctoriales X

Photo-fragments : L’Usage de la photo d’Annie Ernaux

L’écriture fragmentaire, l’écriture de discontinuité, contient des morceaux détachés entre lesquels ne se retrouvent pas la cohésion et la cohérence – surtout formelles – de l’ensemble. Annie Ernaux, dans L’Usage de la photo, défait la construction linéaire de l’autobiographie et sa représentation se fonde sur l’usage de la photographie. Comme l’indique le titre, elle a recours dans son œuvre aux images, au total quatorze photos choisies par elle-même et Marc Marie, son compagnon, parmi une quarantaine de photosprises de vêtements abandonnés par terre et d’objets renversées au moment de l’acte amoureux.Ce livreest conçu comme un montage de fragments de clichés, de manière à ce que les extraits du journal soient sélectionnés en fonction des photos choisies et constituent une sorte de photo-journal. Le journal intime sous forme fragmentaire, et la photo en tant que le fragment d’une réalité immatérielle, se rejoignent dans L’Usage de la photo pour donner une œuvre fragmentaire en suggérant à la fois ses moments de vie intense, avec, dans l’ombre, le cancer du sein et l’amour vécu par les deux auteurs du livre. En effet, les photos sont associées à la réalité matérielle éprouvée et sont comme des preuves irréfutables de l’histoire cachée derrière elles.

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