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Loxias | Loxias 26 | Doctoriales VI

Fatou Diome : la déconstruction des mythes identitaires

La prise de parole des écrivains africains s’explique, du moins dans les œuvres pionnières, par le souci de rétablir la vérité historique. Toutefois, bien que cette mission ait contribué à la reconnaissance d’écrivains et d’œuvres désormais classiques, la marche des sociétés africaines vers la modernité suscite des interrogations sur les enjeux pertinents du discours littéraire africain francophone qui désormais se développe en deux tendances ; d’une part la production élaborée sur le continent, d’autre part, les textes produits par des écrivains migrants installés dans les anciennes métropoles. Fatou Diome fait partie de la seconde catégorie d’écrivains. De son premier recueil de nouvelles La Préférence nationale (2001) à sa plus récente publication, Inassouvies, nos vies (2008), Fatou Diome articule son œuvre sur la question de l’immigré en situation de redéfinition de soi. Il s’agit, dans cet article, d’interroger l’œuvre de notre romancière du point de vue de la « scénographie », entendue comme situation d’énonciation que s’assigne l’œuvre, celle qu’elle présuppose et qu’elle valide en retour. À travers les catégories du personnage, de l’espace et du temps, il s’agira de positionner le discours de Fatou Diome dans le champ des lettres africaines francophones comme un discours de déconstruction des conceptions identitaires en tant qu’enracinement et différence.

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Loxias | Loxias 30 | Doctoriales VII

Où l’on (s’)échoue : quand l’homme en échec prend la mer

Les passions soulevées par les destins victorieux et par les succès inoubliables n’ont d’égales que celles sourdement engendrées par les médiocres gorgés d’insuccès. Les ratés. Une fascination étrange – inquiétante – pour ces personnages qui passent, ou souffrent du sentiment de passer à côté de leur histoire. Et parmi eux, la poignée de ceux qui, prenant acte de leur échec, choisissent de s’exiler en mer. Une manière, peut-être, de se soustraire à la communauté victorieuse, de taire le ratage et, pourquoi pas, le conduire au naufrage. Est-ce condamner le raté ou le ratage que de porter le raté à la mer ? Il importe surtout de questionner ici la stratégie auctoriale que suppose l’usage de l’échec. Car couronner de succès un personnage de raté constituerait pour l’écrivain l’idéale entreprise en vue d’exorciser l’échec ; mais sans doute l’échec lui-même exerce-t-il une fascination telle qu’il soumet nécessairement celui qui s’en approche. Passions raised by victorious destinies and unforgivable success are equals to those generated by below-average men and failure. By duds. An odd and frightening subjugation for these characters who have the feeling of seeing their life pass them by. Some of them acknowledge their failure and decide to go into exile on the sea. Perhaps it is a way to draw themselves back from the victorious community; a way to hush the failure up and, why not to conduct it until the sinking. What do we condemn in leading the failure on the sea: the failure or the man who failed? Moreover, we have to call into question the author’s strategy supposed by the use of failure. As the author turns the dud into a literary success, does it find a way to exorcize the defeat? But failure exerts such subjugation that it submits anyway the ones who approach it.

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Loxias | 75. | I.

La figure de Camille au livre V de l’Ab Vrbe condita : de l’élaboration d’un personnage à la construction de la vérité historique livienne

Nous verrons comment le personnage de Camille s’impose progressivement comme central dans le livre V de l’Ab Vrbe condita, en analysant les divers dispositifs déployés pour construire le personnage (de la simple notation à la scène détaillée), ainsi que la maîtrise de la parole et de la loi qui lui est conférée. Ces procédés, tout comme l’étude des regards et émotions qui façonnent le personnage (ceux des protagonistes du récit, collectifs ou individuels ; celui du narrateur, riche de sa connaissance de l’histoire de Rome et porteur d’un rôle moral), ou encore l’intertextualité, montrent que le caractère et les valeurs qui lui sont liés le placent dans la typologie de ces grands hommes qui ont fait la grandeur de Rome, les summi uiri ; toutefois, Camille semble parfois excéder ce cadre et atteindre une dimension plus individuelle, celle du protagoniste de la tragédie ou de l’épopée, dessinant un Camille héroïco-mythique. À travers l’élaboration du personnage, nous pourrons ainsi étudier la construction de la vérité historique livienne, qui repose sur l’articulation de plusieurs traditions, pour créer cette tension latente mais contenue entre individuel et collectif. We will see how Camillus’ character emerges as a key figure in the book 5 of the Ab urbe condita, thanks to the analysis of the different means to build the character (from notation to scene), and to his mastery of speech and law. These ways, with the study of looks and emotions which help to shape his figure (these of the narrative protagonists, who are individual or collective; these of the narrator, with his knowledge of Roman history and his moral role), or intertextuality, show that through his personality and values he belongs to the typology of these great men who made Rome great, summi viri. Yet Camillus sometimes seems to exceed this pattern and to reach the more individual dimension of the tragic or epic figure; he thus appears as a heroico-mythic Camillus. Therefore, through the development of the character, we will be able to study the construction of the livian historical true which is based on the articulation of several traditions, in order to create this latent but restrained tension between individual and collective.

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Loxias | 79. | I.

« Une princesse entre deux mondes » : portrait de la princesse de Nassau

Dans ce commentaire stylistique du portrait de la Princesse de Nassau, nous nous sommes penchés sur la composition du portrait, qui sert d’exemplification à la théorie du narrateur sur le temps qui passe et qui modifie les êtres que nous sommes, êtres dont il cherche à percevoir, comme dans un palimpseste, l’identité et la rémanence sous la patine du temps : « Et combien de fois ces personnes étaient revenues devant moi au cours de leur vie, dont les diverses circonstances semblaient présenter les mêmes êtres, mais sous des formes et pour des fins variées », dit le narrateur quelques pages avant notre extrait (p. 278). Le portrait de la Princesse de Nassau, qui forme une unité compositionnelle, thématique et typographique, illustre parfaitement cette analyse, que la narration expérimente et exemplifie, cherchant la paradoxale permanence de l’être sous les changements physiques dus aux effets du temps. La Princesse de Nassau entre dans la catégorie des « simple[s] relation[s] mondaine[s] » (p. 279), à la différence des grandes figures qui accompagnent fidèlement la mémoire du narrateur comme le Baron de Charlus, les Verdurin, Odette, les Guermantes. Comme la quasi-totalité des portraits de La Recherche du temps perdu, celui de la Princesse de Nassau se fait par le biais de la focalisation et du point de vue du narrateur, seul ici sur le seuil de la salle avec le personnage qu’il rencontre et observe, au cours de la matinée à laquelle il participe. L’essentiel du portrait relève de la prosopographie : en effet c’est le corps et l’apparence qui sont soumis à l’examen « archéologique » auquel se livre le narrateur pour « retrouver » sous le fard et les rides l’être connu naguère. Quelques éléments constitutifs de l’éthopée du personnage se dégagent de son comportement dans le but de créer, non sans quelques traits d’humour, un effet de contraste entre la futilité des (pré)occupations de la Princesse et la fragilité de la vie humaine soumise au temps et à la mort. Grand maître dans l’art du portrait, Proust dresse ici une peinture où visée esthétique et visée morale apparaissent indissociables, où l’extrême particularisation sert l’universalité du propos. In this stylistic analysis of the portrait of the Princess of Nassau, we have looked at the composition of the portrait, which serves as an exemplification of the narrator’s theory of the passage of time and which modifies the beings that we are, beings of which he seeks to perceive, as in a palimpsest, the identity and the remanence under the patina of time: “And how many times these people had come back to me during their lives, whose various circumstances seemed to present the same beings, but in different forms and for various purposes”, says the narrator a few pages before our excerpt (p. 350). The portrait of the Princess of Nassau, which forms a compositional, thematic, and typographical unity, perfectly illustrates this analysis, which the narration experiences and exemplifies, seeking the permanence of being, like a palimpsest, under the physical changes due to the effects of time. The Princess of Nassau falls into the category of “simple worldly relationship[s]” (p. 351), unlike the great figures who faithfully accompany the narrator’s memory such as the Baron de Charlus, the Verdurins, Odette, and the Guermantes. Like almost all the portraits in La Recherche du temps perdu, that of the Princess of Nassau is done through the focus and point of view of the narrator, alone here on the threshold of the room with the character he meets and observes, during the morning in which he participates. The essence of the portrait comes from prosopography: indeed, it is the body and the appearance which are subjected to the “archaeological” examination, to which the narrator devotes himself to “find” under the make-up and the wrinkles the being previously known. Some constituent elements of the character’s ethos emerge from her behavior to create, not without a few strokes of humor, an effect of contrast between the futility of the Princess’ (pre)occupations and the fragility of human life, subject to time and death. A great master in the art of portraiture, Proust paints here a painting where aesthetic and moral aims appear inseparable, where extreme particularization serves the universality of the subject.

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