Harry Potter dans Loxias


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Loxias | Loxias 17 | I.

Comment émergent les stéréotypes : le cas de l’auto-guérison à travers trois genres littéraires

Comment naissent les stéréotypes ? Il est plus facile de les repérer lorsqu’ils sont avérés et usés que de les voir apparaître, et pourtant, il faut bien que de temps à autre de nouveaux stéréotypes émergent, liés soit au besoin de renouvellement des genres littéraires, soit à l’évolution de la société qui renouvelle les évidences, tout spécialement dans les littératures de grande consommation qui épousent de près les attentes du public. Pour étudier ce phénomène d’émergence, on a choisi le cas de l’auto-guérison, version post-chrétienne du miracle évangélique dans laquelle Sauveur et miraculé sont une seule et même personne.Ce stéréotype émergent est repérable dans trois genres littéraires. En littérature de jeunesse à la fin du XIXe siècle, il prend la forme spécifique de la guérison d’un enfant infirme qui, sans traitement médical et à la grande surprise des adultes de son entourage, devient capable de retrouver la voix et de parler, ou de se lever de son fauteuil roulant et de marcher (voir Sans famille d’Hector Malot, Heidi kann brauchen, was es gelernt hat de Johanna Spyri, The Secret Garden de Frances Burnett). Dans la littérature fantastique ou de science-fiction, il prend la forme d’une auto-rédemption surnaturelle accomplie à travers un dédoublement temporel : on est sauvé ou guéri par son moi futur ou par la rencontre de son passé (voir The Shining de Stephen King, The Fall of Hyperion de Dan Simmons, Xenocide d’Orson Scott Card, Harry Potter and the The Prisoner of Azkaban de J.K. Rowling). Dans les thrillers contemporains, l’auto-guérison apparaît inachevée, et le stéréotype en voie d’émergence : on attribue au héros des pouvoirs divins, et pourtant il a lui-même besoin de guérison ou de rédemption (voir Le Manuscrit du Saint-Sépulcre de Jacques Neirynck, The Wonder Worker de Susan Howatch, The Lazarus Child de Robert Mawson, Et après…de Guillaume Musso, Le Rituel de l’ombre d’Eric Giacometti et Jacques Ravenne). La liberté des auteurs apparaît bien grande, et l’étude permet de découvrir la phase de créativité qui précède la fixation définitive d’un nouveau stéréotype narratif.

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Utilisation et déconstruction des stéréotypes dans le cycle Harry Potter

J. K. Rowling fait partie des rares auteurs dont l’œuvre conçue pour la jeunesse appartienne aussi aux lectures adultes. Le roman de jeunesse relève souvent de la littérature industrielle : très normé par les éditeurs, il est fréquemment lié au système des séries. Mais le cycle Harry Potter n’est pas un produit fabriqué par les agents et les éditeurs. J. K. Rowling choisit dans tous les genres de la littérature de jeunesse (contes, romans classiques patrimoniaux, romans de pensionnat etc.) les stéréotypes qui lui conviennent pour créer une œuvre originale, rythmée, inventive et pleine d’humour. De plus elle déconstruit les stéréotypes de la fantasy pour construire un cycle très complexe psychologiquement, fondé sur un dévoilement progressif des liens énigmatiques entre Harry et Voldemort et dont le message est plus politique que religieux ou philosophique, contrairement aux habitudes du genre. Elle a en fait créé sa propre catégorie de fantasy de jeunesse. Harry Potter ne relève pas de la littérature sérielle, il a engendré une série comme Tolkien.

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