Loxias | Loxias 8 (mars 2005) Emergence et hybridation des genres |  Travaux et publications 

Ilias Yocaris  : 

L’impossible totalité. Une étude de la complexité dans l’œuvre de Claude Simon

Résumé

Cette étude porte sur la complexité dans un corpus de six romans de Claude Simon : Le Vent (1957), L’Herbe (1958), La Route des Flandres (1960), Le Palace (1962), Histoire (1967) et La Bataille de Pharsale (1969). Ces romans sont traités comme des systèmes complexes. Selon la définition de Ludwig von Bertalanffy, un système est un ensemble d’éléments dont chacun est relié aux autres par une multiplicité de relations différentes.

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Chronologique : XXe siècle

Texte intégral

Toronto, PARATEXTE, 2002

Notre étude (en fait une thèse de stylistique soutenue en 2000 à l’Université Paris IV-Sorbonne) porte sur la complexité dans un corpus de six romans de Claude Simon : Le Vent (1957), L’Herbe (1958), La Route des Flandres (1960), Le Palace (1962), Histoire (1967) et La Bataille de Pharsale (1969). Ces romans sont traités comme des systèmes complexes. Rappelons que, selon la définition de Ludwig von Bertalanffy, un système est un ensemble d’éléments dont chacun est relié aux autres par une multiplicité de relations différentes (R, R’, R’’ etc.), le comportement d’un élément dans une relation R différant de son comportement dans une autre relation R’. Or, il est évident que la fameuse définition par Jakobson de la littérarité comme projection du paradigmatique sur le syntagmatique n’est qu’un cas particulier de la définition générale du fonctionnement systémique proposée par von Bertalanffy. Chaque élément constitutif du texte littéraire cumule effectivement, selon Jakobson, deux types de rapports différents avec son contexte : un rapport syntaxique d’ordre syntagmatique et un rapport analogique d’ordre paradigmatique. Une telle définition du texte littéraire comme système est d’autant plus appropriée pour ce qui concerne l’œuvre simonienne que Simon lui-même, comme le montrent ses déclarations, considère précisément, à la suite de formalistes Russes comme Tynianov, le texte littéraire comme un système de rapports, au sein duquel chaque élément est lié aux autres de plusieurs façons à la fois.

L’étude est construite comme suit : elle commence par une longue introduction méthodologique, qui développe dans le détail les fondements théoriques de notre approche. Suit le corps principal de l’étude, qui est divisé en deux parties. La première de celles-ci traite de la complexité au niveau de la construction stylistique des romans étudiés. La deuxième traite de la complexité au niveau de leur contenu conceptuel et ontologique. Elle est suivie d’une longue conclusion, qui expose de façon synthétique les résultats de notre recherche, et intègre ceux-ci dans une perspective plus vaste, d’ordre essentiellement philosophique et historique. L’ouvrage est complété par un glossaire des termes techniques de linguistique et de stylistique utilisés et une bibliographie qui comporte entre autres une centaine d’interviews de Claude Simon et la quasi-totalité des livres et articles publiés depuis 1960 sur cet auteur.

L’introduction commence par une mise au point théorique sur les différentes définitions actuellement disponibles du concept de littérarité. Elle montre que, pour étudier l’œuvre simonienne, l’approche la plus appropriée consiste en un croisement de deux définitions différentes de la littérarité : celle qui est donnée par Jakobson, bien sûr, mais aussi celle qui est proposée par Gérard Genette dans Fiction et diction. Genette emprunte au philosophe Nelson Goodman le concept d’« exemplification », et propose de définir le style littéraire comme fonctionnement exemplificatoire du langage. À ses yeux, cela signifie que les textes littéraires se distinguent de tous les autres textes du fait que leur structure est systématiquement porteuse à tous les niveaux d’effets métaphoriques (ainsi par exemple, dans le fameux vers de « Correspondances » de Baudelaire « Ayant l’expansion des choses infinies », la diérèse subie par « expansion » exemplifie métaphoriquement un mouvement d’extension, qui coïncide avec le sens même du mot). Là encore, une telle façon de concevoir la littérarité rejoint celle de Claude Simon, qui précise explicitement dans ses interviews que tous ses textes sont construits sur la nature « essentiellement métaphorique » de la langue.

Dès lors, la voie à suivre apparaît très clairement : il faut étudier avec une précision extrême  la construction narrative et stylistique des romans simoniens, afin de dégager de façon aussi peu réductrice que possible la complexité des rapports systémiques qui se développent entre leurs éléments constitutifs. En effet, c’est cette complexité qui fait leur extraordinaire richesse, et le moins qu’on puisse dire est que la critique jusqu’ici n’a pu en rendre compte de façon satisfaisante. Toutefois, mettre au jour le tissu relationnel qui sous-tend les œuvres considérées ne saurait être un but en soi, contrairement à ce qu’ont cru à une certaine époque les tenants d’un structuralisme extrémiste. Une fois ce tissu mis  au jour, il faut montrer que les structures textuelles ainsi dégagées et « cartographiées » ont une dimension exemplificatoire, autrement dit qu’elles possèdent une contrepartie conceptuelle et ontologique, ou, si l’on veut, qu’elles fonctionnent comme un « modèle » épistémologique, ce qui confère aux romans du corpus une profondeur cognitive jusqu’ici insoupçonnée par la critique. C’est cette dimension cognitive de l’œuvre simonienne, et, plus généralement, de toute forme de création artistique que cette étude entend in fine mettre en évidence, toujours en accord avec les déclarations de Simon lui-même : ce dernier précise effectivement que l’art comme la science est un moyen de connaissance qui repose sur l’établissement de « rapports ».

La première partie de l’étude est subdivisée en deux sous-parties. La première de celles-ci traite de la construction narrative des romans du corpus. Elle entreprend notamment, pour chacun d’entre eux, un examen très détaillé de la composition d’ensemble, de la constitution énonciative, de la structuration séquentielle et de la construction phrastique. La deuxième sous-partie traite, elle, de la structuration analogique des romans du corpus. On y examine successivement les analogies verbales qui apparaissent dans ces derniers au niveau microtextuel, puis au niveau macrotextuel.

Étudier la construction narrative des romans simoniens permet de dissiper bien des mythes et des malentendus sur eux, et de répondre à des questions sur l’œuvre de Simon qui semblaient jusque là devoir rester sans réponse. En suivant toujours les déclarations de l’auteur et les schémas de construction textuelle qu’il propose lui-même, cette étude montre, avec force figures à l’appui, que les romans du corpus ont une construction holistique. Qu’est-ce à dire ? Suivons ce que dit Simon lui-même : « Dans un tableau, le dessin des moindres détails participe à la composition. [...] [D]ans un texte convenablement composé, il n’y a pas de phrase qui dans ses moindres détails n’ait été écrite en fonction de l’ensemble » (lettre écrite à Stuart Sykes en 1979) ; « [...] l’organisation de l’ensemble des éléments d’un roman ne diffère pas – sauf bien sûr par l’ampleur – de l’organisation des éléments à l’intérieur d’un détail, d’une page ou d’une phrase » (intervention lors du colloque de Cerisy de 1971). Chaque roman simonien est conçu comme une totalité signifiante, autrement dit il réfléchit à tous les niveaux un même projet conceptuel, esthétique et littéraire. C’est de là que vient la dimension holistique de l’écriture simonienne :  chacun des éléments constitutifs d’un roman donné ne peut être considéré « isolément », de manière réductionniste, mais uniquement comme partie intégrante d’un tout, dans la mesure où il réfléchit nécessairement la composition d’ensemble du roman qui le contient. Une telle démarche s’avère très efficace pour appréhender dans toute sa complexité le fonctionnement des textes simoniens. Ainsi par exemple un roman comme La Route des Flandres, dont la complexité énonciative, séquentielle et phrastique semble à première vue rédhibitoire, s’éclaire dans sa totalité une fois que l’on a mis  au jour le schéma d’ensemble à partir duquel il est constitué : la juxtaposition de perspectives irréductiblement contradictoires, qui se répète, comme l’étude le montre très concrètement, à tous les niveaux de sa construction.

La conclusion principale qui se dégage de notre analyse des romans simoniens écrits entre 1957 et 1969 est que ceux-ci, du moins à partir de L’Herbe, ne sont pas réductibles à l’unité d’un point de vue subjectif, et, de ce fait, ne peuvent pas être lus comme la transposition sur le plan littéraire de l’activité d’une conscience et/ou d’une mémoire unitaires. Un examen détaillé de romans comme L’Herbe ou La Route des Flandres montre en effet que, dans ces derniers, toute réduction de la diversité du récit à l’unité d’une conscience qui se « remémore » les « événements » fictionnels est impossible, ce qui vaut a fortiori pour Histoire et La Bataille de Pharsale. La raison en est que les textes de la période étudiée sont (par opposition à ceux des années ’80 et surtout des années ’90) construits selon un principe d’imbrication « cubiste1 » de perspectives irréductiblement multiples : d’où la mise en place simultanément de plusieurs points de vue énonciatifs, de plusieurs perspectives temporelles et même de plusieurs versions narratives différentes. Les difficultés insurmontables rencontrées à ce jour par la critique simonienne (dont l’exemple le plus marquant est la perplexité des critiques devant l’énallage narrative entre première et troisième personne dans La Route des Flandres) viennent précisément du fait que celle-ci, au lieu de penser en elles-mêmes la multiplicité et la complexité des structures narratives des œuvres considérées, cherche à réduire celles-ci à l’unité, en les subordonnant coûte que coûte à la perspective unitaire d’un sujet. On frise ainsi par moments la caricature, comme lorsque Dorrit Cohn, dans un ouvrage par ailleurs excellent (La Transparence intérieure), affirme que La Route des Flandres est dans sa totalité un « monologue remémoratif », alors que plus des deux tiers du roman (211 pages sur 287) sont écrits à la troisième personne … La dimension « psychomémorielle » des romans du corpus semble plutôt relever de ce que Ralph Sarkonak, un des spécialistes de Simon les plus éminents, appelle un « effet de vraisemblabilisation » : elle n’est qu’un « enrobage », destiné à masquer le fait qu’ils sont très « construits », en donnant ainsi au lecteur à la fois une illusion de spontanéité et un surplus de matière fictionnelle.

Étant donné que le point de vue unitaire d’un sujet disparaît dans les romans du corpus, il faut qu’il existe un principe unificateur qui leur permette de garder une certaine cohésion. Sur ce point précis, notre étude ne s’écarte pas de l’héritage structuraliste : la deuxième sous-partie de la première partie montre justement que les romans considérés sont structurés essentiellement par un système très complexe d’analogies verbales. Ces analogies peuvent se manifester aussi bien au niveau microtextuel (comparaisons, métaphores, homonymies, paronomases, réactivations étymologiques, similitudes de formes géométriques …) qu’au niveau macrotextuel (imbrication de systèmes analogiques et de champs isotopiques, création de réseaux phonétiques, présence de similitudes de formes géométriques et de réactivations étymologiques qui se développent « à distance » etc.). Les romans du corpus étudié apparaissent ainsi en définitive, conformément aux prédictions théoriques de Gérard Roubichou et aux analyses de Ralph Sarkonak, comme un vaste Texte sous-tendu dans sa totalité par un immense réseau d’analogies morphosémantiques, qui apparaît en quelque sorte « en filigrane ». Toutefois, contrairement à ce que soutenait Jean Ricardou, il n’y a pas de conflit entre « narrativité » et « textualité » : les connexions analogiques ne s’opposent pas aux connexions référentielles, narratives, mémorielles etc., mais au contraire redoublent spectaculairement ces connexions en créant sans cesse de nouveaux effets de surdétermination : chaque élément du Texte simonien devient ainsi un « nœud » relationnel, un « carrefour » selon l’expression de Simon lui-même.

Une fois élucidé le mode de construction des romans du corpus, il faut dégager, conformément au programme interprétatif déjà formulé, la signification conceptuelle et ontologique des structures textuelles ainsi mises  au jour. C’est ce qui est fait dans la deuxième partie de l’étude. Tout comme la première, celle-ci est subdivisée en deux sous-parties. La première traite de l’image de l’« objet » dans le Texte simonien, la deuxième des modalités de référence utilisées par le Texte pour rendre compte d’un tel « objet ».

L’étude part encore une fois des déclarations de l’auteur lui-même. Ce dernier précise, dans la quasi-totalité de ces interviews de 1965 à 1985, qu’il rejette entièrement le roman réaliste parce que celui-ci, en tant que pur agencement formel, charrie tout un ensemble de postulats conceptuels et ontologiques (sur la nature même de la réalité et la manière de représenter celle-ci) que Simon est bien loin de partager. Plus précisément, le roman réaliste, selon Simon, obéit à une conception de la référence du type « modèle »/« copie » : une « réalité » préétablie et univoque, un « objet » aux contours précis et bien délimités est « représenté » par le texte littéraire, auquel il préexiste. Simon rejette sans équivoque une telle conception du fait littéraire : pour lui, le texte littéraire ne reproduit pas une réalité préexistante mais produit un « objet » qui n’existait pas avant sa « représentation », et se construit performativement au fur et à mesure de l’écriture du texte. Il s’agit là de la fameuse notion du « présent de l’écriture ». Or, une telle conception du processus de référence a des implications conceptuelles et ontologiques d’une ampleur insoupçonnée. Comme le souligne effectivement Ian Watt dans The Rise of the Novel, les structures qui fondent le roman réaliste ne furent pas créées de façon fortuite et arbitraire, mais réfléchissent au contraire la vision du monde de toute une époque. Watt montre en effet dans le détail que ces structures donnent à voir sur le plan littéraire un équivalent de la démarche philosophique du rationalisme des Lumières, fondé sur le dualisme cartésien sujet/objet. Le roman réaliste, conclut Watt, n’est que la formalisation, sur le plan littéraire, du dualisme philosophique des Lumières, ce dernier présupposant qu’il existe une réalité « objective » qui peut être décrite « dans l’absolu », sans que l’on tienne compte de son interaction avec l’homme en tant qu’observateur. D’où la formule ironique de Baudelaire, définissant le roman réaliste comme suit : « Le monde comme si je n’étais pas là pour le dire ». Cette formule est précisément rapportée par Simon car ce dernier insiste au contraire sur l’interaction inévitable qui se développe entre l’homme en tant qu’observateur et l’« objet » qu’il observe (« il n’y a pas d’objet sans sujet »). La rupture de l’auteur avec le roman réaliste et son insistance sur le phénomène du « présent de l’écriture » découlent donc in fine d’une prise de position d’ordre proprement épistémologique, fondée plus ou moins consciemment sur l’abandon de la « coupure dualiste » entre sujet et objet. Il s’esquisse ainsi une ontologie holistique (c’est-à-dire une vision du monde – explicitement revendiquée par Simon – selon laquelle l’homme n’est pas détaché de la « réalité » qu’il observe mais au contraire constitutivement immergé dans celle-ci) qui constitue l’exacte contrepartie de la construction narrative holistique des romans du corpus. C’est à l’étude de ce holisme ontologique du Texte simonien qu’est consacrée dans sa totalité la deuxième partie de notre ouvrage.

La première sous-partie de celle-ci propose une étude du Texte en tant que « monde possible » non-dualiste. Qu’est-ce que cela signifie ? Suivant les indications de l’auteur, mais aussi les progrès de la théorie littéraire dans ce chapitre depuis une vingtaine d’années, nous considérons les œuvres du corpus non point comme des « copies » d’une réalité préexistante (postulat tacite de la plupart des études jusque-là effectuées sur Simon, comme le montre notamment la propension à considérer ses textes comme des témoignages historiques), mais comme des « mondes possibles » qui possèdent leurs propres lois d’organisation. Afin de mettre au jour ces lois, nous procédons à un parallélisme interdisciplinaire entre l’univers fictionnel du Texte simonien et le modèle le plus connu à ce jour d’un « monde possible » non-dualiste, celui qui fut créé par les fondateurs de la mécanique quantique. Aussi étrange qu’il puisse paraître, un tel parallélisme révèle des similitudes très précises entre l’image du référent qui se dégage du Texte simonien et l’image de l’« objet » qui se dégage de la mécanique quantique : d’éminents spécialistes de la mécanique quantique comme Catherine Chevalley2 ou Michel Bitbol3 ont confirmé la présence de ces similitudes, Catherine Chevalley ayant même fait partie du jury de notre thèse.

En termes kantiens, la mécanique quantique met  au jour un niveau de réalité qui n’est pas réductible à nos formes d’intuition sensible a priori, l’espace et le temps. De ce fait, l’« objet » quantique, contrairement aux objets « ordinaires » de notre perception habituelle, ne peut être pensé comme substance permanente ayant une existence et des caractéristiques intrinsèques : l’« objet » quantique a un comportement phénoménal discontinu, et toutes les propriétés qu’on lui attribue ne sont (sauf dans certains cas précis) valables que par rapport à un contexte expérimental donné (ainsi par exemple un photon peut présenter dans certains types d’expériences un comportement corpusculaire, mais dans d’autres un comportement ondulatoire). On dira (avec le grand physicien Bernard d’Espagnat) que l’« objet » quantique n’a pas une « objectivité forte » mais une « objectivité faible ». D’où l’insistance des fondateurs de la mécanique quantique, notamment Bohr et Heisenberg, sur l’idée que celle-ci est fondée dans sa totalité sur une rupture historique avec le dualisme cartésien, rupture qui n’est pas visible seulement dans la physique mais aussi dans d’autres disciplines, aussi bien dans les sciences de la nature que dans les sciences humaines (Bohr cite notamment la psychologie avec les théories de William James). La mécanique quantique met ainsi  au jour une conception intégralement holistique de l’« objet » en tous points semblable à celle qui ressort des textes simoniens. Cette similitude de la démarche de Bohr et de Heisenberg avec celle de Simon n’a pas échappé à l’auteur, qui signale lui-même à plusieurs reprises que sa conception de la réalité est similaire à celle développée par Heisenberg dans La Nature dans la physique contemporaine, ouvrage publié en 1962 dont Simon cite même un passage qui explique en quoi consiste l’« objectivité faible » des « entités » observées en mécanique quantique.

Le parallélisme entre le « monde possible » formé par les romans du corpus et le « monde possible » de la mécanique quantique permet d’analyser le Texte simonien dans le détail en réduisant le moins possible son extraordinaire richesse conceptuelle et ontologique. Toutes les « anomalies » stylistiques qui sont à l’origine de la complexité du Texte et qui font le désespoir de la critique simonienne depuis 40 ans (dédoublements inexplicables du point de vue, contradictions narratives irréductibles, superpositions inextricables d’« objets » réels et de « représentations » de ces objets, fluctuations énigmatiques de la perspective énonciative et de la temporalité verbale, fonctionnement « opaque » de la référence pronominale etc.) disparaissent pour peu que l’on adopte une vision du Texte comme « monde possible » non dualiste qui donne à voir un « objet » d’un type nouveau, dont les caractéristiques sont isomorphes à celles de l’« objet » quantique. L’exemple le plus caractéristique d’un tel « objet » est O. dans La Bataille de Pharsale. Ce personnage énigmatique se trouve être à la fois un époux trompé épiant sa femme et la femme épiée par ce dernier. Cette interversion ou plutôt cette superposition de perspectives survient dans le cadre d’une démonstration montrant que l’univers fictionnel du roman ne peut être décrit en tant que tel, « de l’extérieur », d’un point de vue surplombant, mais uniquement tel qu’il est appréhendé du point de vue d’un observateur qui en fait partie intégrante (v. La Bataille de Pharsale, pp. 181-186). Or le texte précise clairement que, étant donnée la multiplicité infinie de points de vue et de contextes observationnels possibles, il faut penser cet univers fictionnel comme un « objet » susceptible d’une multiplicité irréductible de représentations différentes qui doivent toutes être prises en compte au même titre les unes que les autres. Dès lors toutes les déterminations des caractéristiques de cet univers cessent d’être intrinsèquement valables et deviennent relatives au contexte observationnel. C’est cette « contextualité » qui se trouve à la source de la multiplicité paradoxale de O. : ce dernier désigne une « entité » (l’époux trompé et/ou la femme « observée » par ce dernier) qui ne possède pas de caractéristiques intrinsèques mais dont le statut se modifie selon le point de vue que l’on adopte sur elle (si l’on adopte une certaine position d’observation, celle de l’époux trompé, O., l’ « objet » de son observation, est sa femme ; si l’on adopte la même configuration en inversant la direction du point de vue, c’est le mari trompé qui devient « objet » de l’observation). Comme la même interversion des rôles porte également sur le « sujet » observant, le dualisme sujet/objet disparaît : il faut penser « observant » et « observé » comme une entité indivisible, d’où la fusion des deux dans le « personnage » de O., ainsi nommé pour pouvoir précisément désigner à la fois l’observateur et l’objet de son observation (v. La Bataille de Pharsale, p. 184). De cette façon, la multiplicité paradoxale de O. s’avère être non point une « anomalie » textuelle inexplicable mais, bien au contraire, un trait de construction narrative de la plus haute importance ontologique, en ce qu’il met  au jour le caractère non dualiste de l’univers fictionnel de La Bataille de Pharsale.

L’éclatement du sujet en une multitude de perspectives narratives inconciliables trouve ainsi son pendant dans l’éclatement de l’« objet » : ce dernier perd définitivement son uni(ci)té et le caractère statique et univoque que lui conférait le roman réaliste et se transforme en « un mobile se déformant sans cesse » (La Bataille de Pharsale, p. 186) au gré des déplacements du point de vue qu’on exerce sur lui, ce qui en rend problématique l’identité même (comme le prouve la nature hautement paradoxale de O.). Le parallélisme avec la mécanique quantique permet de rendre compte avec une précision extraordinaire des caractéristiques de cet « objet » d’un genre nouveau, qui est en quelque sorte différent de lui-même. En effet, l’« objet » quantique, du fait qu’il échappe à nos formes d’intuition a priori (l’espace et le temps), devient ipso facto irréductible aux catégories kantiennes (l’unité, la pluralité, la causalité, la substance etc.). Or, qu’est-ce que le cheval mort rencontré par Georges dans La Route des Flandres, sinon un « objet » non réductible aux catégories kantiennes puisqu’il ne peut plus être pensé comme substance permanente ? Le texte précise en effet : « ce qui avait été un cheval (c’est-à-dire ce qu’on savait, ce qu’on pouvait reconnaître, identifier comme ayant été un cheval) n’était plus à présent qu’un vague tas de membres, de corne, de cuir et de poils collés, aux trois quarts recouvert de boue » (La Route des Flandres, p. 25), en d’autres termes que l’on ne saurait identifier le cheval comme substance permanente : rappelons que, selon Kant, la substance est ce qui nous permet d’appréhender l’écoulement linéaire du temps, en nous permettant d’identifier en permanence « le même » objet à travers ses déterminations successives. C’est précisément cette possibilité de réidentification du même objet grâce à la permanence de sa substance qui disparaît ici, d’où la précision ultérieure que le cheval mort subit « une sorte de transmutation ou de transsubstanciation [sic] accélérée » (La Route des Flandres, p. 99). Or, dans la théorie kantienne de la connaissance, la réduction du divers de l’intuition à une représentation unitaire par le biais des catégories est un acte qui présuppose l’unité d’une conscience subjective : celle-ci fonde l’unité de l’objet que l’on a en face de soi et se trouve en retour fondée par elle. Que l’une des deux en vienne à disparaître, et l’autre s’effondrera à son tour. Comme l’ont confirmé Catherine Chevalley et Michel Bitbol, c’est exactement ce qui se passe dans La Route des Flandres au moment où Georges rencontre pour la première fois le cheval mort : l’émergence brutale d’un « objet » non susceptible d’une représentation unitaire par le biais des catégories provoque automatiquement l’éclatement du « sujet » qui se trouve face à cet objet. En effet, c’est juste au moment où le cheval mort apparaît aux yeux de Georges que le récit passe de la première à la troisième personne : la perte de l’unité de l’« objet » a amené ipso facto la disparition de l’unité du sujet. Ainsi s’explique enfin la fluctuation entre première et troisième personne dans La Route des Flandres : là encore, ce qui semblait une « anomalie » stylistique, une bizarrerie textuelle parfaitement inexplicable, devient un trait structural qui possède une précise signification ontologique.

Une fois expliqué dans le détail quelles sont les caractéristiques du Texte simonien décrit comme « monde possible » non-dualiste et donnant à voir l’émergence d’un « objet » non réductible aux catégories kantiennes, notre étude passe – dans la deuxième sous-partie de la deuxième partie – à une étude des modalités de la référence dans le Texte : comment représenter un tel « objet » par le langage ? Ici encore le parallélisme avec la mécanique quantique est très révélateur. Tout comme Claude Simon, les fondateurs de la mécanique quantique, et notamment Bohr, considèrent que le langage n’est pas un medium neutre, qui ne ferait que refléter une réalité préexistante, mais au contraire un instrument de formalisation active du réel. Bohr ne cesse ainsi de souligner que le fonctionnement référentiel « ordinaire », dénotatif, du langage, qui était la base du langage descriptif de la physique classique, est inadéquat pour décrire l’« objet » quantique. La raison en est que cet emploi est fondé essentiellement sur la prédication. Or, le processus de prédication qui fonde le fonctionnement référentiel dénotatif du langage impose nécessairement aux phénomènes que l’on tente de décrire une formalisation dualiste, puisqu’il présuppose la possibilité d’une re-connaissance indéfiniment répétable de l’« entité » servant de support à la prédication. En d’autres termes, le processus de prédication présuppose que l’on puisse sans cesse reconnaître le même objet comme support permanent de déterminations successives. C’est précisément cette possibilité qui disparaît à cause de l’« objectivité faible » du « référent » en mécanique quantique : ce dernier n’est plus réidentifiable par continuité spatio-temporelle, et semble faire partie d’un univers intrinsèquement indéterministe à plusieurs égards comparable aux univers fictionnels « discohérents » que l’on voit émerger dans les romans simoniens des années ’704. En somme, ce qui bloque le processus de prédication, c’est que nous n’avons plus affaire à un objet isolable qui préexisterait à son observation et posséderait des caractéristiques intrinsèques mais à un événement constitutivement déterminé par les circonstances de son émergence (le dispositif observationnel utilisé pour effectuer une expérience donnée). D’où la remarque d’Erwin Schrödinger qu’« il vaut mieux ne pas regarder une particule comme une entité permanente mais plutôt comme un événement instantané ». Or, l’emploi dénotatif du langage impose par définition à notre esprit l’image d’un objet fixe, clairement délimité et porteur de propriétés intrinsèques (ainsi on tend à se figurer spontanément le référent du mot « électron » comme un petit corpuscule, ressemblant aux grains de poussière que nous pouvons voir dans la lumière). D’où l’inadéquation du langage ordinaire pour décrire l’« objet » quantique.

Cette inadéquation du langage (du moins dans son emploi dénotatif) pour décrire le référent est précisément la « marque de fabrique » du Texte simonien (« les objets cessant de s’identifier avec les symboles verbaux par quoi nous les possédons », Histoire, p. 177). La raison en est que Simon est tout aussi conscient que Bohr du fait que le langage « ordinaire » n’est pas transparent mais impose au référent une formalisation conceptuelle. L’auteur souligne ainsi à plusieurs reprises dans ses textes que, du fait même qu’il est décrit dans un récit ordonné (comme ceux utilisés par le roman réaliste), un épisode comme la débâcle de mai ’40, dont l’expérience a marqué de façon indélébile Claude Simon, reçoit une formalisation déterminée : du fait de l’emploi dénotatif du langage et des nécessités de la syntaxe, il se trouve réduit aux catégories kantiennes de la causalité (on attribue aux « faits » narrés un ordre logique alors que justement ils échappent à tout schéma de détermination causale) et de la substance (on décrit un objet « en soi » et non pas l’ensemble de sensations, absolument indicibles, auxquelles se réduit cet « objet » dans l’esprit de celui qui l’a « observé5 »). « [P]lus tard », écrira Simon dans L’Acacia, « quand il essaya de raconter ces choses [l’expérience de la débâcle de mai ’40], il se rendit compte qu’il avait fabriqué au lieu de l’informe, de l’invertébré, une relation d’événements telle qu’un esprit normal (c’est-à-dire celui de quelqu’un qui a dormi dans un lit, s’est levé, lavé, habillé, nourri) pouvait la constituer après coup, à froid, conformément à un usage établi de sons et de signes convenus, c’est-à-dire suscitant des images à peu près nettes, ordonnées, distinctes les unes des autres, tandis qu’à la vérité cela n’avait ni formes définies, ni noms, ni adjectifs, ni sujets, ni compléments, ni ponctuation (en tout cas pas de points), ni exacte temporalité, ni sens, ni consistance sinon celle, visqueuse, trouble, molle, indécise, de ce qui lui parvenait à travers cette cloche de verre plus ou moins transparente sous laquelle il se trouvait enfermé [...]. » (pp. 286-287). Bref, le langage dénotatif s’avère inadéquat pour décrire un référent qui n’est plus l’objet statique et clairement délimité du roman réaliste mais un événement perceptionnel, indissociable de son contexte d’émergence (d’où la précision, maintes fois répétée par l’auteur lors des évocations de la débâcle de mai ’40, que, si on n’a pas vécu la même chose, il est impossible de se la représenter à partir de sa reconstitution verbale). La critique simonienne n’a toujours pas compris la profondeur ontologique d’une telle démarche : ce qui disparaît dans un roman comme La Route des Flandres qui entend très clairement répudier toute la vision du monde héritée du rationalisme réductionniste des Lumières, c’est un des fondements les plus sûrs en apparence de ce rationalisme, la croyance que l’on peut concevoir et décrire le réel dans sa totalité comme une juxtaposition d’objets « clairs et distincts ». C’est précisément cette croyance qui a été remise en question sur le plan scientifique par la mécanique quantique, d’où tout l’intérêt du rapprochement proposé ici.

Comment faire pour représenter un référent strictement indissociable de son contexte d’émergence comme l’expérience de la débâcle par le biais du langage ? La principale solution trouvée par Simon est de redoubler le fonctionnement référentiel dénotatif du texte littéraire par un fonctionnement exemplificatoire, purement symbolique, qui consiste en une métaphorisation généralisée des structures du Texte6 : celles-ci, lors du processus de réception, offrent aux yeux du lecteur un équivalent isomorphe des « faits » qui sont narrés sur le mode dénotatif. Ainsi par exemple le lecteur a l’impression d’errer sans repères dans le labyrinthe narratif de La Route des Flandres tout comme Georges, le héros du roman, erre sans repères dans la campagne pendant la débâcle. De la sorte, il parvient à vivre une expérience semblable à celle qui est décrite par le Texte, et à appréhender le référent de ce dernier non plus comme un objet qui préexisterait à sa représentation mais au contraire comme un événement indissociable de son contexte d’émergence (en l’occurrence le processus de lecture).

Les conséquences d’un tel déplacement du « centre de gravité » référentiel du Texte sont d’une ampleur insoupçonnée : ce dernier, tout comme le langage descriptif en mécanique quantique, cesse d’avoir un fonctionnement purement représentationnel et devient performatif (du fait que le référent du Texte se superpose constamment à son signifié), voire indexical (d’où l’emploi très fréquent dans Histoire de déictiques « opaques », car renvoyant à un contexte situationnel inaccessible au lecteur). Mais, surtout, il apparaît ainsi que le style littéraire n’est pas purement décoratif, mais véhicule au contraire toute une vision du monde, comme Simon ne cesse de le souligner dans ses interviews : c’est le style, en tant qu’agencement de formes symboliques, qui est le support principal de la référence dans le Texte simonien. Or, il est très frappant de constater que les fondateurs de la mécanique quantique, constatant eux aussi l’inadéquation du langage ordinaire, dénotatif, pour décrire l’« objet » quantique, se tournent vers un emploi symbolique de ce langage : la stratégie bohrienne de la « complémentarité », qui consiste à décrire l’« objet » quantique en lui attribuant des prédicats contradictoires (ainsi par exemple les photons sont décrits par Bohr comme étant à la fois des ondes et des particules) aboutit à une démarche représentationnelle en tous points similaire à celle de Simon. En effet, Bohr souligne que les photons ne sont en fait ni des ondes ni des particules, mais que la juxtaposition d'une image corpusculaire et d’une image ondulatoire pour les décrire suggère métaphoriquement qu’il s’agit là d’« entités » qui échappent entièrement à notre mode de représentation intuitif : le vocabulaire descriptif de la physique se réduit ainsi, selon les termes de Bohr, à « des images et des paraboles ». L’étude montre dans le détail que Simon, dans La Route des Flandres, ne fait pas autre chose que Bohr : confronté à un « objet » (l’expérience de la débâcle) non représentable « en soi » parce qu’il est indissociable de son contexte d’émergence, mais aussi parce qu’il est très profondément traumatique (comme le montre p. 173 l’expression « l’innommable réalité »), il attribue à cet « objet » des prédicats contradictoires, d’où l’émergence dans le texte de versions narratives mutuellement exclusives (mort volontaire/involontaire des deux de Reixach, fidélité/infidélité de leurs épouses respectives) et d’oxymores de toutes sortes (« tonnerre silencieux », « guerre paisible », « rumeur tranquille » etc.). Ainsi le caractère radicalement non-représentable du « référent » évoqué est métaphoriquement suggéré aux yeux du lecteur.

Dans la conclusion de notre étude, nous tirons les conséquences de cette surprenante convergence entre la démarche représentationnelle de Simon et celle des fondateurs de la mécanique quantique. La principale de ces conséquences est que la distinction kantienne entre « schématisme » et « symbolisme » cesse d’être pertinente comme critère de démarcation respectivement entre le domaine de la science et celui de l’art : les divers « langages » scientifiques utilisés pour décrire la réalité apparaissent, au même titre que les « langages » artistiques, comme des agencements de formes symboliques, ce que signale avec une grande lucidité Werner Heisenberg dans Ordnung der Wirklichkeit. Concrètement, cela signifie que l’emploi esthétique d’un « langage » quelconque (en littérature, en musique, en peinture, en architecture etc.) ne saurait se réduire à l’expression des émotions d’un Sujet, mais possède toujours une contrepartie cognitive : « l’excellence esthétique est une excellence cognitive », écrit Nelson Goodman dans Languages of art. Pour quelle raison ? Si aucun « langage » descriptif ne peut être un reflet de la réalité « telle quelle » mais que tous en offrent différents types de formalisations, alors aucun point de vue ne saurait épuiser la complexité infinie du réel, et ce dernier doit être éclairé sous le plus nombre d’angles possible simultanément. N’est-ce pas là l’idée suggérée par la construction narrative « cubiste » de L’Herbe ou de La Route des Flandres ? « [À] notre tentative sans cesse renouvelée de saisie du monde, toutes les activités de la pensée concourent à la fois, que ce soient la littérature, les arts plastiques, la philosophie, les mathématiques, la science ou la politique » dira Claude Simon dans une conférence de 1967, avant d’enchaîner un peu plus loin : « Une œuvre impliquant la pensée, que ce soit un masque Dogon ou Esquimau, une cathédrale gothique, un concerto de Bach, une théorie de physique, une page de Proust ou une peinture de Paul Klee, est une tentative de conjuration, de prise de possession et de transformation de la nature et du monde par leur recréation dans un langage. ». Chaque point de vue observationnel projeté sur le réel, chaque langage utilisé pour le décrire met  au jour différents types de connexions entre ses éléments constitutifs, et nous permet ainsi d’enrichir notre vision du monde. Un des enjeux fondamentaux de la recherche en stylistique dans les années à venir sera justement de comprendre que les textes littéraires fonctionnent comme des « modèles » analogiques : la complexité de leurs rapports internes doit être étudiée avec la plus grande précision possible parce qu’on peut dégager de cette étude des types d’agencements conceptuels susceptibles d’affiner considérablement le regard que nous portons sur la réalité.

Notes de bas de page numériques

1 Le parallélisme est effectué par Simon lui-même.
2 Professeur de philosophie à l’université de Tours, ancienne directrice du laboratoire d’histoire des sciences au CNRS. A notamment édité Physique atomique et connaissance humaine de Niels Bohr en 1991 chez Gallimard et Philosophie de Werner Heisenberg en 1998 chez Seuil.
3 Chercheur au CNRS, professeur d’épistémologie à l’université Paris I. Auteur notamment de Mécanique quantique. Une introduction philosophique (Paris, Flammarion, 1996) et de Physique et philosophie de l’esprit (Paris, Flammarion, 2000).
4 V. Ilias Yocaris, « La discohérence dans Triptyque et Leçon de choses de Claude Simon », in Cohérence et discours, Frédéric Calas éd., Paris, PUPS, 2006 (à paraître).
5 Rappelons ici que, pour Simon, la littérature, comme l’art en général, ne décrit jamais des objets « en soi » mais des « objets perçus » : « S’il s’est produit une cassure, un changement radical dans l’histoire de l’art, c’est lorsque des peintres, bientôt suivis par des écrivains, ont cessé de prétendre représenter le monde visible mais seulement les impressions qu’ils en recevaient » (Le Discours de Stockholm, p. 26).
6 C’est ce que R. Sarkonak appelle la « textualisation » du référent.

Pour citer cet article

Ilias Yocaris, « L’impossible totalité. Une étude de la complexité dans l’œuvre de Claude Simon  », paru dans Loxias, Loxias 8 (mars 2005), mis en ligne le 15 mars 2005, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=107.

Auteurs

Ilias Yocaris

Maître de Conférences à l’IUFM de Nice