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Johanna Krawczyk  : 

Divertir et déranger : anatomie d’un théâtre de Boulevard dialectique – Vie et mort de H et Funérailles d’hiver de Hanokh Levin

Résumé

Dans le théâtre de Hanokh Levin et ses mises en scène françaises, la dimension boulevardière déborde les limites du genre. Ce débordement rend compte d’un théâtre de Boulevard dialectique qui réactive et reconfigure l’héritage brechtien. Procédant par à-coups, le théâtre lévinien réinvente le Boulevard en jouant du détournement de contrat dans une perspective métaphysique et politique.

Index

Mots-clés : Hanokh Levin , théâtre de Boulevard, théâtre dialectique, théâtre politique

Géographique : France , Israël

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

1Pourquoi revisiter le Boulevard ? Dans nos sociétés où la violence est omniprésente, où le sentiment d’isolement, de désunion et de non-représentation est de plus en plus prégnant, le rire peut-il voler à notre secours ? Dans ses Essais sur Brecht, Walter Benjamin affirme qu’il n’y a pas « meilleur déclic pour la pensée que le rire », que « l’ébranlement du diaphragme » offre « de meilleures chances aux idées que l’ébranlement de l’âme1 ». Imaginons un spectateur face à une pièce de Boulevard comique, définie en 1994 par Michel Corvin comme « légère, grivoise souvent, sentimentale parfois, toujours inventive dans ses intrigues2 ». En quoi le rire qui en est issu – un rire de connivence, un rire qui ne fait pas désordre mais consolide l’ordre social, en diffusant les valeurs de son public en accord avec la tradition – peut-il activer la pensée ? Si Michel Corvin évoque le potentiel transgressif du Boulevard, son premier ouvrage dédié au genre précise que « la pièce de boulevard avance sur une ligne de crête étroite, menacée par les deux précipices de la banalité et de l’inacceptable3 ». Ainsi borné, comment le Boulevard peut-il divertir et faire réfléchir ?

2Avançons une piste de réponse4 : le Boulevard des années 2010 déborde les limites théoriques de la « banalité » et de « l’inacceptable » qu’on lui avait autrefois assignées. Le pire et l’horrible peuvent côtoyer la légèreté dans un même mouvement esthétique. Mais dès lors, est-il toujours légitime de parler de théâtre de Boulevard ? La réinvention du genre n’en gomme-t-elle pas définitivement l’ADN ?

3Dans son ouvrage consacré au théâtre de Boulevard5 – et la majuscule a toute son importance – Brigitte Brunet revient sur la grande diversité de formes que revêt en réalité la dénomination générique de théâtre de Boulevard. Au Boulevard sérieux composé de fééries, mélodrames et drames s’ajoute le Boulevard comique incluant l’opéra-comique et l’opérette, le vaudeville et, ce qu’elle nomme, la comédie rosse. D’un point de vue historique, seuls deux critères permettent d’après elle d’ériger le Boulevard en genre : le constat d’une homogénéisation d’un public bourgeois au cours du XVIIIe siècle et la fonction de divertissement. Autrement formulé, l’émergence d’un théâtre de Boulevard en genre spécifique au XVIIIe siècle ne doit pas masquer la réalité de la diversité du genre et sa profonde vitalité. Le Boulevard n’a jamais été un genre figé, que l’on prenne en compte ses précurseurs que sont les théâtres de foire (la foire Saint-Germain, la foire Saint Laurent, la foire Saint-Ovide) ou ses sous-genres sous le Second Empire (le mélodrame, l’opéra-comique, l’opérette, le vaudeville, etc.). Par définition, le Boulevard est un genre protéiforme, malléable, pareil à une matière brute qu’il faut venir sculpter pour lui donner forme et sens. Aussi n’est-ce pas étonnant d’observer des réinvestissements du genre aujourd’hui qui en modifient l’anatomie sans pour autant le remettre radicalement en question. Nous serions même tentés d’affirmer que c’est en apprenant à regarder le Boulevard tel qu’il est, mobile, pluriel, que ses genèses contemporaines peuvent être appréhendées et examinées. Notre piste de réponse demeure donc crédible : le Boulevard contemporain peut muter et sortir de ses cadres préétablis (tout en restant « Boulevard ») afin d’atteindre de nouvelles fins.

4Comment ? Grâce à une dramaturgie dialectique qui divertit et dérange le spectateur. Dans l’héritage direct de Bertolt Brecht, un théâtre dialectique est un théâtre où l’auteur combine systématiquement des éléments contradictoires dans un geste de « dialogue ». À l’origine, dialegein (du grec legein « parler », et dia- « à travers ») signifie « dialoguer », « parler l’un l’autre ». La dialectique renvoie ainsi à une technique de dialogue permettant d’atteindre le vrai, dans un exercice de questions et réponses. Dans Sciences de la logique, Hegel considère la dialectique comme un processus de production du vrai à partir des contradictions, un « travail du négatif6 ». Et dans ses Journaux de 1947, Brecht fait référence à cette conception hégélienne lorsqu’il écrit : « définition de “dialectique” : notion désignant la dialectique érigée en système par le philosophe Hegel – art de découvrir la vérité par discours et contre-discours – voir “thèse7” ». Le « théâtre dialectique » que Brecht recherche doit ainsi procéder « par bonds et retournements8 ». Ce dernier, grâce au principe de discontinuité (fable fragmentée, commentaires, ruptures énonciatives), provoque l’émotion et la réflexion du spectateur pendant la représentation, aidant le spectateur à percevoir les contradictions de la vie des hommes. Pour Brecht, le théâtre est le lieu d’un « combat de boxe ». Cependant, la dimension critique du théâtre brechtien ne repose pas sur des « coups-de-poing » explicites mais, au contraire, sur des « petites bottes secrètes9 » :

Le théâtre, quant à lui, s’adresse aux individus en quête de plaisirs sophistiqués. Ce n’est pas une raison pour autant d’y aller comme on va à l’église, au tribunal, ou à l’école. Il faut s’y rendre comme à une rencontre sportive. Mais ici, pas de combats de boxe avec exhibition de biceps, la lutte est plus fine, elle se fait avec les mots. [...] Pour peu qu’on observe avec suffisamment d’attention, on peut percer à jour les personnages. C’est comme à la boxe : le plus intéressant, ce sont les petites bottes secrètes de chacun10.

5Le théâtre épique, telle une rencontre sportive, doit instaurer une lutte entre la raison et les sentiments afin de susciter un étonnement productif du spectateur, de le faire réagir et de mobiliser sa pensée une fois la représentation terminée. Si une étude du théâtre épique excèderait le cadre de cet article, notre intuition est que le théâtre de Boulevard dialectique réactive l’héritage brechtien. Là où le théâtre brechtien procédait par à-coups, usant du principe de discontinuité11, une partie du théâtre de Boulevard contemporain fait s’alterner scènes comiques et scènes de violence dans une stratégie tout autant militante. Concrètement, il se crée dans le Boulevard dialectique des détournements provoquants du « contrat de connivence comique12 » que Bernard Faivre définit de la manière suivante :

Cette relation permanente avec le spectateur repose sur ce qu’on pourrait définir comme un contrat de connivence comique : toute prestation artistique visant à susciter le rire s’amorce par un message préalable au récepteur, l’avertissant que l’on se situe dans un cadre comique, et mettant ainsi en place la distance indispensable pour autoriser le rire. Sous la forme la plus schématique, c’est le principe de la « bonne blague », en trois temps : 1er temps, je vais t’en raconter une bonne ; 2e temps, la blague proprement dite ; 3e temps, réaction du récepteur qui rit ou dit que ce n’est pas drôle13.

6Dans le théâtre de Boulevard dialectique, ce « contrat de connivence comique » est utilisé pour être mieux détourné, pour mieux faire rire tout en dérangeant.

7Au terme de cette introduction – et de notre enquête liminaire pour déterminer comment le Boulevard peut aujourd’hui divertir et faire réfléchir – reformulons notre hypothèse : le Boulevard dans ses revisites contemporaines s’est transformé, révélant un théâtre de Boulevard dialectique qui détourne le contrat traditionnel de connivence comique.

8Afin de tester la validité de cette piste, nous nous intéresserons à l’œuvre emblématique du dramaturge israélien Hanokh Levin (1943-1999). À partir de Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur14 et de Funérailles d’hiver15, pièces respectivement mises en scène par Clément Poirée16 en 2017 et Laurent Pelly en 2009, nous analyserons comment Levin met en place un théâtre de Boulevard dialectique qui déplace le genre et le regard du spectateur dans une perspective politique et métaphysique.

Levin, auteur d’un théâtre de Boulevard dialectique ?

9Associer Hanokh Levin au Boulevard ne va pas de soi : d’une part, Levin commence à écrire dans une optique radicalement contestataire et d’autre part, d’un point de vue épistémologique, il s’agit d’un concept importé.

10Le spectateur que Levin anticipe17 dans son écriture est son concitoyen qu’il souhaite réveiller – raison pour laquelle il s’est longtemps opposé à la traduction de ses pièces à l’étranger. L’actualité politique, que ce soit la guerre de Six Jours de 196718 (5-10 juin) ou la guerre de Kippour de 1973, se répercute directement sur son écriture qui doit aussi contourner la censure – active jusqu’en 1991. Avec la victoire spectaculaire de l’armée israélienne qui réussit à vaincre plusieurs armées arabes lors de la guerre des Six Jours, un changement idéologique dans la conception de soi qu’ont les Israéliens apparaît : l’heure est à la fierté nationale et à la glorification des soldats morts au combat. Si des voix discordantes commencent à se faire entendre et à interroger les bases éthiques du Sionisme, Levin fait figure de cas isolé en critiquant ouvertement la politique extérieure de l’État d’Israël. Il écrit plusieurs satires politiques – dont Héfetz, traduit par Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur – où il interroge les clivages sociaux, les discours politiques ainsi que les discours fondateurs de l’identité israélienne et de la communauté juive. Son écriture et son théâtre deviennent un outil pour questionner l’idéologie sioniste dans l’état-nation moderne.

11Au lendemain de la guerre de Kippour19, l’exploration du pouvoir critique du théâtre se généralise en Israël. Le théâtre répercute le profond scepticisme qui gagne la société israélienne. L’arrivée au pouvoir du Likoud en 1977 et la première guerre du Liban de 1982 continuent d’entacher sévèrement le consensus national. C’est dans ce contexte qu’est écrite et montée la pièce Funérailles d’hiver en 1977 et 1978. Cependant, si le spectateur anticipé par l’écriture de Levin est son concitoyen israélien qu’il s’agit de secouer, ses pièces outrepassent la dimension nationale en raison des thèmes abordés – quête du bonheur, abus de pouvoir, aptitude de l’être humain à humilier l’autre – et surtout, de leur dramaturgie divertissante et dérangeante. À titre de preuve, citons les propos de Jacques Nichet lorsqu’il découvre la traduction de Marchands de caoutchouc20. Il fait part de son « choc » face au sens de la farce de la pièce, à son « mélange explosif de sexe, de fric et de mort » qui brosse à rebours nos consciences « trop policé[e]s, trop prudes21 ». Depuis cette création au Théâtre des Treize Vents à Montpellier en 1994, les comédies de Levin ont fait l’objet de plus d’une cinquantaine de mises en scène justifiant que Laurence Sendrowicz, une de ses traductrices, considère qu’il a été « adopté22 » par la France. Et cette adoption n’est pas unilatérale : Levin lui-même a été influencé par le théâtre européen, et notamment par Georges Feydeau dont il admirait le rythme.

12Dans les années 1950, il existe trois théâtres phare en Israël qui présentent des pièces européennes classiques et modernes : le théâtre Habima (qui reçoit en 1958 le titre de Théâtre National), le théâtre Caméri et le théâtre Ha-Ohel. Trois autres petits théâtres offrent une dramaturgie plus expérimentale à Tel-Aviv. Laurence Sendrowicz rappelle dans un entretien inédit que : « Le théâtre israélien s’est construit sur Shakespeare, Tchekhov, un peu Molière. Levin a lu tout ce patrimoine-là. Lui se revendique de Feydeau et de Tchekhov23 ». Nurit Yaari, spécialiste du théâtre de Levin, précise qu’en tant « qu’homme de théâtre », Levin prend aussi en compte « la "démonstration" et la "distanciation" de Brecht, la vision d’Artaud sur le "théâtre de la cruauté" et le "théâtre total", enfin le traitement de "l’espace vide" de Peter Brook24 ». Ces références sont autant de clés de compréhension de l’œuvre de Levin qui reconfigure, inconsciemment ou consciemment, le Boulevard à la française. Ces précisions historiques et épistémologiques posées, venons-en maintenant aux faits : comment la dramaturgie lévinienne, dialectique, opère-t-elle ?

Vie et mort de H : un Boulevard dialectique à visée politique

13Dans son ouvrage consacré au Boulevard, Brigitte Brunet évoque les thèmes de prédilection du genre et rappelle sa dimension didactique.

Les thèmes récurrents, avec les traditionnels topoi qui y sont attachés, reflètent les préoccupations ordinaires de la classe dirigeante : ce sont pour l’essentiel les affaires (les oppositions de classes, les conflits d’intérêt), et la famille (l’infidélité conjugale, les conflits de générations). Mais cet ancrage réaliste ne relève pas seulement d’un souci esthétique : le théâtre de Boulevard est aussi didactique25.

14Elle ajoute alors qu’« en diffusant les valeurs de la bourgeoisie, [le théâtre de Boulevard] fonde l’identité de la classe dominante et cimente l’ordre social ». C’est sur ce dernier point que le théâtre de Boulevard dialectique diverge et prend le contre-pied de la tradition : il use du rire pour mieux critiquer le spectateur après l’avoir surpris par un détournement inattendu de contrat. C’est ce qui se produit dans Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur.

15Dans cette pièce, Boubel et sa femme Emnopée hébergent depuis plusieurs années un cousin de Boubel, un quadragénaire et faire-valoir incontesté du couple : H. Avec l’annonce du mariage de Fogra, la fille du couple, l’équilibre précaire de la famille bascule. Dès l’incipit, le spectateur est plongé dans un Boulevard comique aux tons farcesques : le « contrat de connivence comique » s’installe. La pièce recourt ensuite aux ressorts traditionnels du vaudeville26 : thématique du bonheur et conflit de générations, personnages archétypaux inscrits dans l’arène de la famille, rythme soutenu, traitement figuratif de l’espace et du temps, jeux de mot et de langage. Comme dans les pièces de Boulevard du XIXe siècle, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, sous-titrée « comédie en deux actes », offre une incursion dans « les us et coutumes de la bourgeoisie libérale pour lui renvoyer un tableau de ses propres codes27 »… mais un tableau acerbe. Dans la suite de la pièce, Levin renverse les codes du genre et le pacte tacite de connivence comique pour critiquer ses concitoyens. Cette entreprise est notamment visible dans le traitement que l’auteur réserve aux personnages.

Des personnages doubles

16Le personnage sert toujours d’appui entre les différents actants du processus dramatique. Dans le théâtre que l’on peut définir comme un acte de communication entre un auteur, un metteur en scène, des acteurs et des spectateurs, il constitue un point nodal. S’il est d’abord un signe linguistique, sa manifestation textuelle et scénique renforce son rôle dans le processus de médiation scène-salle. Dans Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, le personnage est à la fois doté d’une puissance archétypale et d’une puissance comique dévaluative. Il présente une caractérisation individuelle forte et une ligne de conduite générale. Qu’il soit en apparence proche du bouffon comique (H) ou de la voix érigée en mythe (Fogra), le personnage manifeste un travail de la dialectique et un geste esthétique en quête de radicalité.

17Lorsque la pièce débute, nous découvrons un personnel dramatique typique du vaudeville : Boubel et sa femme correspondent aux profils types du bourgeois qui sortent en « boîte de nuit » et se gargarisent à l’idée de prendre « du plaisir » en allant chercher « du magret de canard aux amandes, du champagne et du rire28 ». L’action se déroule dans le salon de leur appartement qui présente également un balcon. D’un point de vue scénographique29, dans la mise en scène de Clément Poirée, le décor en bois blanc dessine différents espaces, ouverts les uns aux autres : on distingue un salon, un balcon ou une cuisine, et on imagine aisément d’autres pièces en hors scène. Deux tourniquets centraux assurent une liaison entre ces différents espaces et rappellent les jeux de portes spécifiques du vaudeville – tel un clin d’œil assumé, Clément Poirée ne manque d’ailleurs pas de manifester les entrées et les sorties des personnages utilisant le tourniquet par un cliquetis sonore de jouet d’enfant. D’emblée, on retrouve donc les lieux communs du vaudeville : l’action s’inscrit dans le cadre d’une famille bourgeoise et des relations interpersonnelles qui y ont lieu. Plus encore, le rapport entre Boubel et H, qui est un parent très éloigné, « même pas un cousin30 », est marqué par le confinement des personnages dans leur archétype : le dominateur versus le persécuté. H endosse le rôle du bouffon du roi vis-à-vis du bourgeois Boubel, présenté dans la didascalie initiale comme « très élégant, chapeau à la main31 ». Pour préciser la position hiérarchique de l’un par rapport à l’autre, Levin indique que H est statique, qu’il « est assis et mange un gâteau » tandis que Boubel est en mouvement puisqu’il fait « les cent pas32 ». Aux dialogues imagés de H – qui s’excuse d’entrée de jeu de manger, se positionnant lui-même en objet de Boubel par un « excuse-moi » – s’ajoute, dans la mise en scène, le jeu de l’acteur Bruno Blairet – interprétant H – qui n’hésite pas à user d’une gestuelle fantoche et fantasque.

H : (claque la langue) Tetetetete. Tetetetete. (Un temps) Tetetetete. Excuse-moi de faire des petits bruits comme ça, mais c’est parce que je me régale. Un vrai délice ce gâteau. Tetetetete.

18Le jeu de Bruno Blairet est encore porté par l’exploitation des ressorts traditionnels de la farce et du burlesque : stichomythies et dialogues très rapides, répétition de mots, gags visuels, jeu avec un gâteau choisi à la crème par le metteur en scène.

19Mais si le ton est clairement celui du Boulevard comique dans la première scène, l’arrivée de Fogra, « âgée d’à peine vingt-quatre ans », dans la scène 3 va changer la donne. Ses prises de parole sont longues et érigent le personnage au rang de voix.

Fogra : Et puisque vous avez soulevé la question, j’ajoute : qui serais-je, si je ne pouvais pas entrer dans une boîte de nuit dans cette tenue ? Vous y avez pensé, à ça ?
Qu’est-ce que je vaux et qui suis-je. Qui est cette Fogra dont on parle tant. Vous m’accorderez qu’il s’agit d’une jeune fille, belle et gracieuse. Notez, s’il vous plaît : jeune, belle et gracieuse. Âgée d’à peine vingt-quatre ans, mais qui prépare déjà avec brio son doctorat de physique, oui, oui, de physique. Elle pète la forme, adore s’amuser, tire du plaisir de chaque instant et va épouser un jeune homme lui-même riche et talentueux. Telle est, mesdames et messieurs, Fogra. Et maintenant, que se lève la personne qui lui dira de ne pas entrer dans une boîte de nuit en tenue de sport ou en n’importe quelle autre tenue d’ailleurs. Si quelqu’un se sent offensé par mes cuisses musclées et bronzées – ce que je peux comprendre –, eh bien, il n’a qu’à se taper la tête contre les murs, cela me fera une distraction supplémentaire. Varsoviak est témoin33.

20Au moment où Hanokh Levin écrit cette pièce, l’État d’Israël existe depuis vingt-quatre ans, comme l’âge de Fogra. À travers la voix de ce personnage, de sa jeunesse imbue d’elle-même et amusée par le jeu de la domination et du « tout est permis », c’est la voix de la société dans son intégralité que Levin tente de faire résonner. Ce traitement de Fogra défamiliarise l’image que les Israéliens ont d’eux-mêmes pour mieux les critiquer. Les personnages de Boubel et de H se détachent alors de leur ancrage d’origine et le Boulevard se fait critique : Boubel devient le bouffon de Fogra, un père non respecté et dépassé par sa famille tandis que H n’est plus un simple bouffon comique mais le miroir du persécuté, de l’exclu – qu’il soit fait référence contextuellement aux Arabes ou à tout autre exclu social pour ce qui est de nos sociétés occidentales.

21Les personnages se dédoublent grâce à l’ironie qui les traverse, définie par Vladimir Jankélévitch comme ce qui « nous convie à accomplir le mouvement intellectuel qui […] lira entre les lignes, comprendra à demi-mot34 ».

[L’ironie] fait rire sans avoir envie de rire, et elle plaisante froidement sans s’amuser ; elle est moqueuse, mais sombre. Ou mieux : elle déclenche le rire, pour immédiatement le figer. Et la raison de cela est qu’il y a en elle quelque chose de contourné, d’indirect et de glaçant où l’on pressent la profondeur inquiétante de la conscience : aussi la gaieté a-t-elle tôt fait de se changer en malaise et tension35.

22Pour le philosophe, l’ironie « pourrait s’appeler, au sens propre du mot, une allégorie, […], car elle pense une chose et, à sa manière, en dit une autre36 ». Par sa nature même, l’allégorie met en doute la possibilité d’un contrat de connivence comique durable dans Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur : elle permet d’associer « rhétorique de la démolition37 » et « esthétique de la dévaluation38 » tout en créant un climat d’incertitude qui fige. L’allégorie déployée par Levin permet, par le jeu dialectique entre fiction et réalité qui lui est intrinsèque, de divertir tout en dérangeant. En atteste ce monologue de Fogra, situé dans l’avant-dernière scène :

Fogra : Est-ce que je dois te montrer ce que c’est pour moi que de vivre ? Ça me semble superflu. Je n’ai pas besoin de signes extérieurs de vie pour faire saliver les autres. Ils te narguent en se vantant de profiter, de marcher, d’enlacer, de manger – oui, bon, tout cela ne casse pas vraiment des briques en matière de plaisir. Et bien sûr, ça ne fait pas d’eux des Fogra. (Tous se taisent et s’immobilisent petit à petit) Vous en êtes très loin, mes cocos, de Fogra. En vous regardant, je sens que la pitié est aussi nécessaire dans cette pièce que l’air qu’on y respire. Pour vous tous, y compris Pilo. Il a bien essayé de rester à distance du malheur des autres, mais je l’ai, lui aussi, poussé dans ses retranchements. Un être méchant, ce Pilo, mais très droit. On ne peut prendre exemple sur lui. Je lui prédis un grand avenir comme témoin du malheur d’autrui39.

23L’utilisation de personnages doubles, indices et outils allégoriques, est également amplifiée par l’horizon de la guerre qui vient s’infiltrer dans l’intimité de la famille. En témoignent les interventions de Fogra ou celles de Boubel où un champ militaire est importé : « humiliation », « camp » pour Fogra, « guerre terrible et impitoyable40 », « guerre de destruction totale », « victoire écrasante », « stratégie », « force41 » pour Boubel. Il s’en suit une incertitude interprétative quant au statut de ce qui est représenté. Cette incertitude brouille les frontières du Boulevard et déstabilise le spectateur, d’autant plus qu’elle est renforcée par la prolifération de mots d’auteur critiques.

Mots d’auteur critiques

24Le mot d’auteur est défini par Patrice Pavis comme une partie du texte :

dont on ressent qu’elle n’est pas vraiment prononcée par le personnage en fonction de sa psychologie et de la situation, mais mise dans sa bouche par l’auteur, de façon à faire passer dans le texte un mot d’esprit, un aphorisme ou une maxime42.

25Dans Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, la voix de Levin s’invite dans celle de ses personnages via des mots d’auteur, dans l’héritage direct du vaudeville. Mais la différence avec le mot d’auteur vaudevillesque est que celui de Levin est dirigé en partie contre le public.

H : Pourquoi ? liguez-vous contre moi, faites-moi la guerre, courbez-moi l’échine, écrabouillez-moi, pourquoi pas, puisque vous en avez la possibilité ? Puisque, avec H, tout est permis ? Vous, des êtres humains ? ! Et qui se prétendent de ma famille ? ! Vous devriez avoir honte, oui, au moins avoir honte de vous jeter comme ça sur moi et de me poignarder, encore et encore ! Parce que, pendant toutes ces années, vous n’avez rien fait d’autre que de me poignarder et de m’étrangler ! Jamais vous ne m’avez laissé avaler une tranche de pain tranquillement ! Qu’est-ce que je vous ai fait ? Vous, des êtres humains ? ! Allez-y, terminez la besogne ! Qu’on en finisse une fois pour toutes43 !

26De façon plus systématique, dans Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, les paroles de H et de Pilo sont régulièrement envahies par celles de Levin, dans un élan à la fois critique et tendre. D’ailleurs, lors des dialogues de Pilo, le metteur en scène Clément Poirée ne manque pas d’indiquer au comédien Emilien Diard-Detoeuf de s’adresser directement au public en tant que public, comme pour expliciter la dimension critique de la pièce.

Pilo : Par exemple, maintenant c’est la nuit. Bon. Mais qu’est-ce que la nuit ? Que signifie la nuit ? Ça signifie que les gens dorment, qu’ils sont donc totalement inconscients et que n’importe qui peut débarquer et leur fracasser la tête à coups de hache. C’est ça, la nuit. Pas vraiment une partie de plaisir. Certes, tout le monde ne dort pas. Il y en aussi travaillent – vous par exemple. Pas évident de travailler la nuit. C’est même pire que de dormir. […] Vous voyez ! Et puis, à part ceux qui dorment et ceux qui travaillent, il y a aussi, par-ci par-là, ceux qui baisent. Dans un lit. Oui, c’est un fait avéré : une partie de l’humanité s’accouple pendant la nuit. Mais ça aussi, ça finira mal, c’est moi qui vous le dis. N’oublions pas non plus que la nuit, il y a une autre partie de l’humanité qui meurt. Or mourir, personne ne le fait de gaîté de cœur… mais il faut bien que quelqu’un se dévoue. Voilà la nuit dans toute sa splendeur ! D’ailleurs, pas la peine d’aller chercher loin : rien que sa noirceur nous révèle son caractère pernicieux. Mais à moi, on ne me la fera pas, je vois très bien la souffrance, même dans le noir44.

27Ce monologue débute avec la logorrhée comique du personnage – que le jeu de l’acteur, son costume et ses adresses au public catalysent – avant d’être contaminé par une réflexion d’ordre philosophique et poétique sur la mort. Enfin, on retrouve ce qui s’apparente à un mot d’auteur : « Mais à moi, on ne me la fera pas, je vois très bien la souffrance, même dans le noir ». Cette tentation de la confidence, et qui pose le spectateur anticipé et produit comme un frère, est encore perceptible dans le dernier monologue de Pilo.

Pilo : Mon pauvre H, tu gis six pieds sous terre, de part et d’autre sont alignés des macchabées qui se décomposent comme toi, et moi, inspiré par ce paysage bucolique, enveloppé d’un calme uniquement troublé par le pépiement des oiseaux, je me tiens face à toi et je lance : Oh, mon pauvre, mon pauvre malheureux ! Et toi, tu ne discutes pas, seul un bruissement passe dans les arbres. Je lance de nouveau : Oh mon pauvre ! mon pauvre malheureux ! Et tu ne discutes pas, tu ne te rebelles pas parce que tu ne peux plus te rebeller. Je regarde autour de moi et je lance à ton intention, mais en englobant aussi tous les cornichons qui pourrissent avec toi sous la terre : Oh mes pauvres ! mes pauvres malheureux ! Aucune réaction. Fils de putes ! Aucune réaction. Pauvre malheureux fils de putes ! Pauvres malheureux fils de putes45 !

28Cet élan amour/haine invite le spectateur à se reconnaître dans les personnages, à réfléchir sur leurs failles sans jamais cesser d’interroger ce qui fonde leur humanité.

29Ainsi, dimension vaudevillesque et critique allégorique, rire et violence, fiction et réalité cohabitent et dialoguent dans une perspective politique. Le rire agit comme un outil de décompression qui permet au jugement du spectateur de pouvoir investir la représentation dans une perspective politique, mais aussi métaphysique.

Funérailles d’hiver : un Boulevard dialectique à visée métaphysique

30Funérailles d’hiver, pièce écrite en 1977, a été mise en scène en 2009 par Laurent Pelly au Théâtre National de Toulouse, puis au Théâtre du Rond-Point à Paris. Sous-titrée « farce burlesque en huit tableaux », elle emprunte au vaudeville ses ressorts traditionnels tout en étant discrètement minée par l’irruption régulière d’un élément surnaturel et tragique : la mort. Que celle-ci démultiplie le potentiel comique de la pièce, ou qu’elle invite le spectateur à réfléchir sur le sens de son existence, il semble que sa présence place le pacte de connivence comique sous tension.

Procédés vaudevillesques et irruption du surnaturel

31Brigitte Brunet rappelle qu’au XVIIe siècle, dans les premiers vaudevilles :

32L’intrigue des pièces de vaudevilles est souvent très simple. L’action est unique et progresse sans qu’aucune péripétie secondaire n’interfère. Aussi les canevas traditionnels sont-ils exploités et réexploités sans recherche d’originalité : amours contrariées, conflits de générations, querelles ménagères46

33À l’instar de ces vaudevilles, dans Funérailles d’hiver, l’intrigue est simple et classique : Shratzia veut coûte que coûte marier sa fille Vélvétsia avec Popotshenko, mais le cousin Latshek Bobitshek perd sa mère et entend bien réunir la famille pour l’enterrement. On retrouve dans la pièce une intrigue dramatiquement efficace47, avec des scènes de farce, des quiproquos et des complications, un rythme soutenu, des personnages à la fois typés et miroirs du public, un traitement figuratif de l’espace et du temps, ainsi que des jeux de mot et de langage. Comme le vaudeville, Funérailles d’hiver « garde le goût de l’exploitation maximale du comique et d’une exacerbation spectaculaire des moyens visuels et musicaux venant scander la trame narrative48 » selon les mots de Violaine Heyraud et Ariane Martinez. Cependant, l’annonce de la mort de la mère crée dès l’incipit un climat d’incertitude, greffant à la matrice vaudevillesque une dimension métaphysique.

Alté : Qu’ils viennent ou qu’ils ne viennent pas… au fond, qu’est-ce que ça change ?
Latchek : Rien, maman.
Alté : Mais tu as dit qu’ils viendraient ! […] Parce que j’ai tout de même vécu ici, sur cette terre. J’y ai vécu, non ? J’ai occupé une petite place, j’ai respiré un peu d’air, j’ai parlé, j’ai préparé à manger, j’ai été. On enterrera tout de même un être humain.
Latshek : Oui, maman. Tu as occupé une petite place, tu as vécu. Nous serons tous là. […]
L’ange de la mort, Angel Samuelov, apparaît en arrière-plan. Alté lâche un profond soupir et meurt.
Latshek : Maman ? (un temps) Maman49 ? […]

34Dans la mise en scène de Laurent Pelly, cette incertitude est systématiquement exploitée : dans cette scène d’ouverture, la présence en hauteur de l’ange de la mort joue sur un comique de l’effet qui participe d’une ambiguïté de registre. Succède ensuite le tableau 2 de la confrontation. Les personnages sont chacun d’un côté de la porte de l’appartement de la cousine Shratzia : « Côté intérieur : l’entrée. Côté extérieur : le palier où se tient Latshek qui frappe à la porte50 ».

Latshek : Ma mère est morte !
Shratzia, qui ne peut plus faire semblant, recommence à sangloter tout bas, brisée.
Shratzia : Que vous dire, chère future belle-maman de ma fille, jugez vous-même : ma tante vient de mourir et son fils tient absolument à nous l’annoncer tout de suite maintenant ! Comment puis-je lui ouvrir la porte et apprendre la nouvelle ? Si l’enterrement a lieu demain, nous serons obligés d’annuler le mariage, le mariage de Vélvétsia51

35L’épopée aux couleurs vaudevillesques est annoncée, avec au programme une série de situations comiques créées par la disproportion entre les efforts accomplis par les personnages pour fuir la mort et leur manque de résultats. Dans chaque tableau – correspondant à un nouveau lieu de fuite – l’ange de la mort personnifié dans le personnage de l’Angel Samuelov surgit. L’intégration de cet élément surnaturel52 en divers endroits de la pièce vient à la fois amplifier la dimension vaudevillesque d’ensemble – en catalysant le rythme et en explosant le rapport au temps et à l’espace – et la détourner – en teintant l’action de réflexion métaphysique. Prenons l’exemple du tableau 3 dans lequel l’ange de la mort prend la parole, au même titre qu’un autre personnage, pour prendre l’âme de Baragontsélé, le père du futur marié.

Baragonstélé : Mais mon fils se marie aujourd’hui.
Angel Samuelov : Nous cueillons les gens dans les mariages, au cinéma, aux toilettes, dans le bain, en train de baiser et même au milieu des infos à la télé.
Baragonstélé : Et puis, je n’ai pas encore commencé à vivre. Je ne suis qu’un enfant.
Angel Samuelov : Nous prenons aussi les bébés.
Un temps.
Baragonstélé : Ça va faire mal ?
Angel Samuelov : As-tu déjà lâché un pet ?
Baragonstélé : Pourquoi ?
Angel Samuelov : Tu laisses tout simplement échapper du gaz. Comme tu l’as toujours fait.
Baragonstélé : Par derrière ?
Angel Samuelov : Bien sûr, par derrière. À part que cette fois, ce n’est pas un pet ou deux, tu commences à te soulager et tu ne t’arrêtes pas. Alors, lentement, très lentement mais sans t’arrêter, dans un souffle discret, léger et ininterrompu, tu laisses partir ton âme jusqu’à ce que tu sois totalement dégonflé. Qu’il ne reste plus, à l’intérieur que du vide. C’est ça, la mort.
Baragonstélé : Ça doit être agréable. Un grand soulagement53.

36L’ange de la mort est à la fois une force comique et métaphysique. C’est un personnage qui n’est pas de ce monde même s’il a un nom, « Angel Samuelov » et un violon dont le son accompagne le dernier soupir des mourants. Le parallèle entre la mort et une flatulence sans fin rappelle les références scatologiques du théâtre d’Aristophane. Dans le même temps, la nature tragique de la situation dramatique contredit la thématique abordée et le registre comique. S’en suit un climat d’incertitude interprétative qui marque l’existence d’un théâtre de Boulevard dialectique.

L’apparition de l’ange de la mort sur le bord de mer de Tel-Aviv marque le dépassement que Levin accomplit ici au niveau du temps et de l’espace. Le mouvement de l’ange de la mort vers la terre se double du mouvement opposé des personnages vers le haut. Ce mouvement a lieu vers la fin du deuxième tableau quand, soudain et sans aucun préavis, le groupe des personnages qui couraient sur la plage de Tel-Aviv s’envole brusquement et atterrit, au quatrième tableau, en Himalaya54.

37Dans ce tableau 4, les personnages ne sont pas surpris de se retrouver au Tibet. Ils apprennent par un vieux moine bouddhiste qu’ils ont atterri au sommet de l’Himalaya. Puis, avec l’arrivée de Latshek, ils s’envolent vers « un toit de tuiles ». Dans le tableau suivant, « Les rescapés de la joyeuse bande – Shratzia, Tsitskéva, Poptshenko et Vélvétsia – s’accrochent aux tuiles afin de ne pas glisser55 ». Pour Nurit Yaari, cette scène révèle combien Levin « part à la recherche du modèle dramatique qui lui permettra d’évoluer librement entre la terre et le ciel pour situer ses personnages, ainsi que leur destin, dans un espace métaphysique56 ». Laurent Pelly restitue parfaitement cette ambition par une scénographie réaliste : les personnages sont véritablement juchés sur de grandes tuiles. La fuite des personnages peut ainsi se lire comme une métaphore de la vie humaine : ils s’obstinent à fuir leur destin, leur réalité, mais seront indéniablement rattrapés par elle.

38Le dernier tableau, à l’image du premier, oscille entre vaudeville et drame tout en renouant avec la dimension métaphysique de la pièce. Latshek, seul, marche derrière la dépouille de sa mère tirée par un Croque-mort tandis que deux fantômes – nouvel élément surnaturel – l’observent.

Latshek : Dire que toute ma vie, j’ai rêvé de suivre la dépouille de ma mère au bras d’une jolie femme amoureuse. Une femme qui m’aurait consolé, aurait accompagné mes gémissements rauques et discordants de sanglots doux et harmonieux, une femme qui serait ensuite rentrée avec moi à la maison, qui m’aurait préparé du thé, caressé le front et m’aurait dit d’une voix chaude et apaisante : » Ainsi passe le temps. Certains s’en vont, d’autres arrivent. Ainsi passe le temps. » C’est ce qu’elle m’aurait dit, de sa voix chaude et apaisante, une voix qui aurait contenu en elle une immense promesse de vie57.

39Dans la pièce, le temps est défini comme une partie du jour : soir, nuit, aube. Il y a cependant une échappée temporelle et spatiale : il est possible de voyager vers des temps et des lieux différents, donnant une perspective métaphorique à la vie humaine. Le surnaturel n’est donc pas le seul fait de l’ange de la mort puisque les personnages peuvent, d’une scène à l’autre, se rendre sur les montagnes de l’Himalaya. Cette démarche s’inscrit dans une technique de Levin de dépasser les limites du Boulevard et d’introduire des thèmes se rapportant à une dimension existentielle qui, jusque-là, n’appartenaient pas au genre. Le pacte de connivence comique est ainsi régulièrement repensé et détourné.

40Enfin, outre le surnaturel, l’usage récurrent de chansons caricaturales renoue avec la tradition de l’opérette tout en participant à l’idée d’une « dialectique à l’arrêt58 ».

Les chansons : lieux d’étonnement et de subversion

41Au XVIIe siècle, Brigitte Brunet souligne que « le vaudeville est une chanson satirique composée sur un sujet d’actualité – un fait divers par exemple, un événement politique, une anecdote mondaine59… ». Mais ce n’est que dans le dernier quart du XVIIe siècle que ce qu’elle nomme le vaudeville-chanson fait son entrée sur la scène dramatique avec des chansons qui, véritablement, ne sont pas de simples ornements mais traversent l’action dramatique. Le recours à ces chansons évolue au cours des XVIIIe et XIXe siècles mais vise toujours à produire une atmosphère gaie et légère. Du point de vue de l’écriture dramatique, les chansons se substituent aux dialogues, éclairent l’action ou ajoutent un soupçon d’humour grivois. Au contraire, dans l’opérette – que Brigitte Brunet définit comme un sous-genre du Boulevard – les auteurs peignent la haute société parisienne avec ironie. Selon son acception, l’opérette est :

Une pièce aux dialogues parlés entremêlés de chansons originales, mais d’une gaieté bouffonne et d’une irrévérence qui rappellent l’esprit des foires et qui l’opposent franchement à l’opéra-comique60.

42Dans Funérailles d’hiver, force est de constater que les chansons reprennent les codes de l’opérette et utilisent les ressorts de la farce. Mais le rire qui s’en dégage cède vite sa place au tragique et à une réflexion sur la petitesse de l’humain.

43La coexistence entre comique et tragique est notamment formulée par Jean-Marie Domenach, en 1967, dans Le Retour du tragique. Dans cet ouvrage, il expose son intuition que les modèles tragiques et comiques sont redistribués. Il prend l’exemple d’Ubu Roi de Jarry.

La tragédie ne revient pas du côté où l’on attendait, où on la recherchait vraiment depuis quelques temps – celui des héros et des dieux –, mais de l’extrême opposé, puisque c’est dans le comique qu’elle prend sa nouvelle origine, et précisément dans la forme subalterne du comique, la plus opposée à la solennité tragique : la farce, la parodie. L’acte de naissance de la tragédie contemporaine, c’est la guignolade du lycéen Jarry61.

44Dans Funérailles d’hiver, « la guignolade » absurde qui pousse la famille à fuir fait s’enchaîner les lieux dans un déferlement absurde, encore renforcé par la présence de chansons qui, comme les songs brechtiens, forment une « excroissance réflexive et ludique ». Celles-ci refusent « l’intégration dramatique » et sont porteuses « d’une énergie de désintégration62 » comique. La chanson du tableau 3 manifeste cette « énergie » et renoue avec la verve d’Aristophane qui joue de l’opposition entre trivialité et sublime.

Les hommes : (chantent en courant)
Oh popotin, gros popotin
C’est le globe terrestre que je palpe
L’Amérique, le grand Sud, les Alpes
Moi, j’ai toutes les nuits dans les mains
Ce à quoi les aut’ hommes rêvent en vain.
Les femmes : J’ai ni les Alpes ni l’Amérique
Ni rien qui soit très exotique
J’ai juste une robe un peu fendue
Et sous ma robe il n’y a qu’un cul63.

45L’insertion de la chanson rend compte d’une esthétique du grotesque qui valorise le bas corporel et la difformité afin de subvertir les valeurs dominantes, de se moquer des préoccupations légères des spectateurs.

Le grotesque est, avant toute chose, une (més)alliance incongrue et inextricable d’éléments hétérogènes que dominent le comique et l’étrange. La tension qui résulte de cette coexistence difficile épouse les formes variées de l’excessif sous les espèces de l’excentrique, de l’extravagant et du monstrueux. Sont repoussées d’emblée aux antipodes toutes les valeurs d’unité et de retenue64.

46Les chansons manifestent ainsi un montage dialectique et un retour à un langage grotesque autorisant quelques débordements, parfois poussés à l’extrême provocation. Les chansons mettent à distance et permettent de distiller du doute dans l’esprit du spectateur pour le faire réfléchir. Entre la présence de la mort en scène et celle de chansons, Funérailles d’hiver peut s’interpréter comme une réinvention du Boulevard.

Conclusion

47Nous demandions en ouverture de cet article si le rire pouvait voler à notre secours. Incontestablement, dans le théâtre de Hanokh Levin, nous pourrions répondre à l’affirmative : le franchissement des frontières ancestrales du Boulevard, selon deux dynamiques majeures de réactivation et de reconfiguration, ouvre la voie à un théâtre de Boulevard dialectique, au sens brechtien d’art de découvrir la vérité par discours et contre-discours. L’écriture de Levin, comme ses mises en scène françaises fidèles des textes, travaillent l’hésitation entre rire et violence, physique des corps et envolées métaphysiques, fiction et réalité. Diverti et dérangé, le spectateur est placé dans un état d’incertitude qui stimule sa capacité à s’émanciper intellectuellement, à « prendre conscience d’une capacité qui est une capacité égale65 ». Le théâtre de Boulevard dialectique a encore de beaux jours devant lui.

Notes de bas de page numériques

1 Walter Benjamin, Essais sur Brecht, « L’auteur comme producteur », Allocution à l’Institut pour l’étude du fascisme, à Paris, le 27 avril 1934, trad. de l’allemand par Philippe Ivernel, Paris, éd. La fabrique, 2003, pp. 122-144, ici p. 141.

2 Michel Corvin, Lire la comédie, Paris, éd. Dunod, 1994, p. 256.

3 Michel Corvin, Le Théâtre de boulevard, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 1989, p. 43.

4 Il suffit d’observer les dernières productions boulevardières françaises pour juger de la pertinence de cette proposition, qu’il s’agisse de mises en scène de Feydeau, Labiche, ou de créations originales comme Boulevard du Boulevard du Boulevard – Le théâtre de Boulevard avant lui-même en son propre placard de Daniel Mesguich, pièce représentée au Théâtre du Rond-Point du 03 mars au 15 avril 2006 ; ou Bettencourt Boulevard ou Une histoire de France de Michel Vinaver, représentée au Théâtre National de la Colline dans une mise en scène de Christian Schiaretti du 20 janvier au 14 février 2016.

5 Brigitte Brunet, Le Théâtre de Boulevard, Paris, Armand Colin, « Lettres sup. », 2005.

6 Laurence Hansen-Løve, La Philosophie de A à Z, Paris, Hatier, 2000, p. 115.

7 Bertolt Brecht, Journal de travail : 1938-1955, trad. Philippe Ivernel, Paris, éd. L’Arche, 1976, p. 450.

8 Bertolt Brecht, Journal de travail : 1938-1955, op. cit., p. 379.

9 Bertolt Brecht, Écrits sur le théâtre, éd. établie sous la direction de Jean-Marie Valentin, avec la collaboration de Bernard Banoun, Jean-Louis Besson, André Combes, Jeanne Lorang, Francine Maier-Schaeffer et Marielle Silhouette, Paris, éd. Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2000, p. 48.

10 Bertolt Brecht, Écrits sur le théâtre, op. cit., pp. 47-48.

11 Johanna Krawczyk, Agresser le spectateur : généalogie d’une politique – Edward Bond, Rodrigo Garcia, Hanokh Levin, Thèse de doctorat dirigée par Astrid von Busekist et Joseph Danan, Université de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3, 2015, pp. 250-290.

12 Bernard Faivre, « L’adresse au public dans les dessins animés de Tex Avery », in Marguerite Chabrol et Tiphaine Karsenti (dir.), Entre théâtre et cinéma : Recherches, inventions, expérimentations, Théâtre/Public n° 204, Montreuil-sous-Bois, Éditions théâtrales, avril-juin 2012, pp. 38-43, ici p. 39.

13 Bernard Faivre, « L’adresse au public dans les dessins animés de Tex Avery », art. cit., p. 39.

14 Hanokh Levin, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, trad. Laurence Sendrowicz et Jacqueline Carnaud, Montreuil-sous-Bois, Éditions théâtrales et Maison Antoine Vitez, 2011, pp. 7-103. Cette pièce a été écrite en 1971 et créée en 1972 sous le titre Héfetz au Théâtre de Haïfa en Israël, dans une mise en scène d’Oded Kotler.

15 Hanokh Levin, Funérailles d’hiver, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, trad. Laurence Sendrowicz et Jacqueline Carnaud, Montreuil-sous-Bois, Éditions théâtrales et Maison Antoine Vitez, 2008, pp. 129-183. La pièce a été écrite en 1977 et créée en 1978 au Théâtre Habima en Israël dans une mise en scène de Hanokh Levin.

16 Depuis janvier 2017, Clément Poirée a repris la direction du Théâtre de la Tempête sur proposition de l’ancien directeur, Philippe Adrien.

17 Olivier Neveux, Politiques du spectateur. Les enjeux du théâtre politique aujourd’hui, Paris, éd. La Découverte, 2013.

18 Précisons que la conquête de la péninsule du Sinaï, du plateau syrien du Golan et surtout de la bande de Gaza et de la Cisjordanie, Jérusalem-Est inclus, creuse un fossé entre la gauche et la droite.

19 Les Israéliens sont pris au dépourvu et les armées arabes attaquent simultanément le Nord et le Sud du pays. L’attaque est repoussée mais le bilan de la guerre est lourd.

20 Marchands de caoutchouc a par la suite été retraduit sous le titre Les Insatiables. Hanokh Levin, Les Insatiables, trad. Laurence Sendrowicz, Montreuil-sous-Bois, Éditions théâtrales et Maison Antoine Vitez, 2009.

21 Jacques Nichet, « Marchands de caoutchouc », in Nurit Yaari, Le théâtre à l’ombre des canons, trad. Fabienne Bergman, Montreuil-sous-Bois, Éditions Théâtrales, « Sur le théâtre », pp. 123-125, ici p. 123.

22 Laurence Sendrowicz, entretien inédit du 30 octobre 2010. Fonds personnel.

23 Laurence Sendrowicz, entretien inédit du 30 octobre 2010. Fonds personnel.

24 Nurit Yaari, Le théâtre à l’ombre des canons, op. cit., p. 11.

25 Brigitte Brunet, Le théâtre de Boulevard, op. cit., p. 20.

26 Si l’étymologie du nom vaudeville n’est pas connue avec certitude, les lexicologues s’accordent sur une version : le vaudeville serait issu du vau-de-Vire, de la vallée de la Vire en Normandie où Olivier Basselin aurait composé, au XVe siècle, des chansons populaires et satiriques sur des airs connus. Ses productions auraient été qualifiées de vaudevire. Ce qu’est au XVIIe siècle que, par une confusion probable avec les recueils de chansons nommés voix-de-ville, le vaudevire serait devenu le vaudeville.

27 Brigitte Brunet, Le théâtre de Boulevard, op. cit., p. 20.

28 Hanokh Levin, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 10.

29 Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur a été mise en scène par Clément Poirée au Théâtre de la Tempête en 2017. Il s’agit de la dernière mise en scène de Levin en France, au moment où nous écrivons cet article.

30 Hanokh Levin, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 13.

31 Hanokh Levin, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 9.

32 Hanokh Levin, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 9.

33 Hanokh Levin, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 20.

34 Vladimir Jankélévitch, L’Ironie, Paris, éd. Flammarion, « Champs », 1964, p. 65.

35 Vladimir Jankélévitch, L’Ironie, op. cit., pp. 131-132.

36 Vladimir Jankélévitch, L’Ironie, op. cit., p. 42.

37 Sophie Duval et Marc Martinez, La Satire – littératures française et anglaise, Paris, éd. Armand Colin, 2000, p. 194.

38 Sophie Duval et Marc Martinez, La Satire – littératures française et anglaise, op. cit., p. 198.

39 Hanokh Levin, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 100.

40 Hanokh Levin, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 33.

41 Hanokh Levin, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 34.

42 Patrice Pavis cité par Brigitte Brunet, Le théâtre de boulevard, op. cit., p. 125.

43 Hanokh Levin, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 35.

44 Hanokh Levin, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 36.

45 Hanokh Levin, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 100.

46 Brigitte Brunet, Le théâtre de Boulevard, op. cit., p. 53.

47 Nous pouvons ici faire référence au modèle de la pièce « bien faite » évoqué par Francisque Sarcey. L’action doit suivre une progression précise, les péripéties doivent s’enchaîner dans un mouvement crescendo. Enfin, le dénouement éclaircit gaiement la situation.

48 Violaine Heyraud et Ariane Martinez (dir.), Le vaudeville à la scène, « Introduction », Grenoble, éd. ELLUG, « La fabrique de l’œuvre », 2015, pp. 7-15, ici p. 10.

49 Hanokh Levin, Funérailles d’hiver, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 52.

50 Hanokh Levin, Funérailles d’hiver, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 54.

51 Hanokh Levin, Funérailles d’hiver, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 60.

52 On peut remarquer que l’année où Levin crée Funérailles d’hiver, il écrit aussi Mise à mort, une « opérette cruelle ». Dans cette dernière, on trouve également l’introduction du surnaturel en tant qu’élément dramatique et théâtral.

53 Hanokh Levin, Funérailles d’hiver, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 79-80.

54 Nurit Yaari, Le théâtre de Hanokh Levin – Ensemble à l’ombre des canons, op. cit., p. 59.

55 Hanokh Levin, Funérailles d’hiver, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 101.

56 Nurit Yaari, Le théâtre de Hanokh Levin – Ensemble à l’ombre des canons, op. cit., p. 59.

57 Hanokh Levin, Funérailles d’hiver, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 113.

58 Walter Benjamin, « Qu’est-ce que le théâtre épique ? (1) » (1931), dans Essais sur Brecht, op. cit., pp. 18-34, ici p. 33. La « dialectique de l’arrêt » ou « l’interruption des déroulements » est, selon la formule de Walter Benjamin au sujet du théâtre épique, ce qui permet la découverte. « Le théâtre épique ne reproduit pas des états de choses, il les découvre. Leur découverte se fait par interruption des déroulements. L’exemple le plus primitif : une scène de famille. Soudain entre un étranger. La femme était juste en train de mettre en boule un oreiller pour le projeter sur sa fille ; le père, juste en train d’ouvrir la fenêtre pour appeler un agent de police. A cet instant, l’étranger apparaît sur le seuil. « Tableau », avait-on coutume de dire en 1900 ». Walter Benjamin, « Qu’est-ce que le théâtre épique ? (1) » (1931), dans Essais sur Brecht, op. cit., pp. 18-34, ici pp. 22-23.

59 Brigitte Brunet, Le Théâtre de Boulevard, Paris, éd. Armand Colin, « Lettres sup. », 2005, p. 51.

60 Brigitte Brunet, Le Théâtre de boulevard, op. cit., p. 48.

61 Jean-Marie Domenach, Le Retour du tragique, Paris, Le Seuil, « Points », 1972, p. 256.

62 Mireille Losco-Léna, « Rien n’est plus drôle que le malheur ». Du comique et de la douleur dans les écritures contemporaines, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, « Le Spectaculaire », 2011, p. 198.

63 Hanokh Levin, Funérailles d’hiver, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, op. cit., p. 77.

64 Judith Kauffmann, Grotesque et marginalité, variations sur Albert Cohen et l’effet Mangeclous, Bern, Peter Lang, 1999, p. 5.

65 Jacques Rancière, « Les scènes de l’émancipation », in Théâtre/Public n° 208, Montreuil-sous-Bois, Éditions théâtrales, avril-juin 2013, p. 10.

Bibliographie

Œuvres de Hanokh Levin

Levin Hanokh, Funérailles d’hiver, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, trad. Laurence Sendrowicz et Jacqueline Carnaud, Montreuil-sous-Bois, Éditions théâtrales et Maison Antoine Vitez, 2008, pp. 129-183

Levin Hanokh, Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, in Théâtre choisi IV – comédies grinçantes, trad. Laurence Sendrowicz et Jacqueline Carnaud, Montreuil-sous-Bois, Éditions théâtrales et Maison Antoine Vitez, 2011, pp. 7-103

Ouvrages référentiels

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Pour citer cet article

Johanna Krawczyk, « Divertir et déranger : anatomie d’un théâtre de Boulevard dialectique – Vie et mort de H et Funérailles d’hiver de Hanokh Levin », paru dans Loxias, 57., mis en ligne le 09 juin 2017, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=8678.


Auteurs

Johanna Krawczyk

Johanna Krawczyk est docteure qualifiée en section 18 et chargée de cours à l’Institut d’Etudes Théâtrales de l’Université de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3 ainsi qu’à Gobelins l’école de l’image. En 2015, elle a soutenu sa thèse sur l’agression du spectateur dans les écritures dramatiques et scéniques contemporaines. Parallèlement, elle a contribué à différentes revues (Tropics, Études littéraires, Coup de Théâtre) tout en menant une activité de scénariste.