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Crystel Pinçonnat  : 

Le roman amérindien contemporain pour la jeunesse ou la récupération autochtone d’un capital culturel bafoué

Résumé

Pour lutter contre les représentations stéréotypées et diffuser auprès des jeunes lecteurs des images diversifiées des cultures amérindiennes contemporaines, un certain nombre d’associations nord-américaines (comme The American Indian Library Association) et de sites spécialisés promeuvent aujourd’hui, par le biais de prix littéraires et de comptes rendus de leurs œuvres, les textes de romanciers amérindiens. Ici et là, ce sont souvent les mêmes titres qui sont retenus : The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian (Le Premier qui pleure a perdu), premier texte pour la jeunesse de Sherman Alexie (National Book Award 2007), Hidden Roots (2004) et Heart of a Chief (2001) de Joseph Bruchac, The Birchbark House (finaliste du National Book Award en 1999), première incursion de Louise Erdrich dans la littérature pour la jeunesse, et Rain is Not My Indian Name (2001) de Cynthia Leitich Smith, une voix plus récente. À partir de l’étude de ces récits produits par des écrivains de renom qui revendiquent leur appartenance tribale, on analysera les principales stratégies grâce auxquelles ils contrecarrent les stéréotypes toujours à l’œuvre aujourd’hui dans la société nord-américaine et développent, parallèlement, chez les jeunes lecteurs une meilleure connaissance des peuples autochtones et de leur histoire. Bien que donnant des gages de véridicité, les romans évitent toutefois une approche trop didactique, en s’appuyant sur une question que les jeunes protagonistes permettent de mettre en récit : que cela signifie-t-il aujourd’hui d’être Amérindien ?

Abstract

Struggling against stereotyped representations and trying to disseminate diversified images of contemporary Native cultures among young readers, several North American associations (as The American Indian Library Association) and specialized websites promote, by means of literary awards and reviews of their works, the books of Native contemporary novelists. Here and there, the same titles are often mentioned : The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian, first novel for young adults by Sherman Alexie (National Book Award 2007), Hidden Roots (2004) and Heart of a Chief (2001) by Joseph Bruchac, The Birchbark House (National Book Award finalist in 1999), Louise Erdrich’s first book for young readers, and Rain is Not My Indian Name (2001) by Cynthia Leitich Smith, a more recent voice. In these narratives produced by renowned writers, who claim their tribal membership, will be analyzed the main strategies, which help, on the one hand, fighting stereotypes still running in North-American society and, on the other, developing – among young readers – a better knowledge of Native peoples and their history. Although looking for accuracy, their novels avoid however a too didactic approach, asking a question which the young protagonists experience throughout the narratives : what does it mean to be Native today ?

Index

Mots-clés : Alexie (Sherman) , Bruchac (Joseph), Erdrich (Louise), Leitich Smith (Cynthia), littérature amérindienne contemporaine, roman pour la jeunesse

Plan

Texte intégral

1En introduction au volume Through Indian Eyes. The Native Experience in Books for Children (1998), interrogeant la notion de « littérature multiculturelle », Beverly Slapin met en avant un argument de poids. Pour cerner la catégorie, elle s’appuie sur les listes de livres « multiculturels » que l’une de ses amies, professeur des écoles, propose à ses élèves.

On y trouvait quatre catégories : africaine-américaine, asio-américaine, latina et amérindienne. Tous les livres sur la liste africaine-américaine étaient écrits par des auteurs africains-américains, tous ceux concernant les Asio-Américains étaient également le fait d’écrivains appartenant à ce groupe, presque tous les ouvrages retenus pour les Latinos étaient produits par des Hispaniques, et tous les livres de la liste amérindienne étaient écrits – vous avez deviné ? – par des Blancs1.

2Pourtant, dès 1973, bien avant la date de rédaction de cette introduction (1990), Mary Gloyne Byler écrivait en présentation du volume American Indian Authors for Young Readers :

Il est temps pour les maisons d’édition américaines, les écoles, les bibliothèques de porter un autre regard sur les livres qu’elles proposent aux enfants et d’envisager sérieusement une façon de contrebalancer les dommages qu’elles ont causés. Seuls les Amérindiens peuvent dire aux non-Indiens ce que c’est que d’être Indien. On n’a plus besoin que des écrivains non-Indiens « interprètent » les Amérindiens pour le public américain2

3Si ces propos peuvent sembler radicaux, ils s’expliquent par le fait que « les Amérindiens n’ont pas seulement dû lutter pour leur survie physique. Ce n’est pas seulement la terre que l’on s’est appropriée ; […] avec la cavalerie des États-Unis, les missionnaires, les éducateurs et les “Américanisateurs”, sont venus les auteurs de livres sur les Indiens3. » La formule paraît extrême, elle s’explique cependant. La demande de production endogène ne relève pas d’un réflexe identitaire protectionniste – racial, pour ne pas dire raciste –, elle vise à corriger et, en un sens, à liquider l’image de « l’Indien » qui obsède encore l’imaginaire collectif nord-américain.

4Pour mesurer le poids de cette stéréotypie sans doute n’est-il pas inutile de rappeler l’étude menée en 1974 par The League of Women Voters et les réponses que donnent les enfants sondés (maternelles et cours moyens deuxième année) aux questions qui leur ont été posées. Pour la majorité de ces élèves habitant la banlieue de Saint-Paul, soit une zone urbaine du Minnesota (les villes jumelles de Saint-Paul-Minneapolis) où réside une importante population autochtone, les Amérindiens vivent « ailleurs », loin d’eux tant dans l’espace que dans le temps. Dans les représentations des plus jeunes, domine une « image historique et traditionnelle » qui associe l’Amérindien à l’image hostile du guerrier. Dans les descriptions données, la plupart du temps, les enfants réactivent les anciens clichés : vêtus de plumes et de peaux, l’Amérindien vit de la chasse et habite un tipi. Le régime de la généralisation se poursuit quand on tente d’affiner l’appréhension du mode de vie. « Pour ces enfants, soit les Indiens vivent comme nous (“Ils deviennent Américains plutôt que de conserver leurs coutumes”) soit ils vivent comme dans le passé (“Ils font les mêmes choses que ce qu’ils faisaient il y a des années”)4. » « Peu de références sont faites à la pêche, à la culture du riz sauvage, à la récolte du sirop d’érable si importantes pour les Amérindiens du nord du Minnesota5. »

5Si les sondeurs ont choisi un segment de population si jeune, c’est pour apprécier le poids de l’image stéréotypée véhiculée par tant de vecteurs dans la société nord-américaine contemporaine. « La télévision, les films, les bandes dessinées, les publicités, les jeux et les jouets, les emballages de produits de consommation courante, les cartes de vœux contiennent des stéréotypes et des caricatures qui transmettent l’image de l’“Indien” créée par les Blancs6. » Comme le commente Michael Dorris, le mot-clé « Indien », invention des Occidentaux, a généré un effet d’amalgame néfaste : « Avec la généralisation, un groupe nouveau, artificiel et complètement invalide du point de vue ethnique a émergé sur la scène mondiale, produit de l’imagination myope des Européens : l’INDIEN était né7. »

6Ces diverses citations permettent non seulement de contextualiser la production amérindienne contemporaine pour la jeunesse, mais elles donnent également en négatif le terreau qui l’a nourrie. On comprend dès lors les sélections opérées par les associations (comme The American Indian Library Association), les sites et ouvrages spécialisés8. Par le biais de prix littéraires et de comptes rendus, ces derniers privilégient les écrivains amérindiens contemporains qui se sont donné pour tâche de contrecarrer les représentations stéréotypées et de diffuser des images diversifiées des cultures amérindiennes contemporaines. Au sein de la production la plus récente, ces divers vecteurs9 promeuvent généralement les mêmes titres : The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian (Le Premier qui pleure a perdu), premier texte pour la jeunesse de Sherman Alexie (National Book Award 2007), Hidden Roots (2004) et Heart of a Chief (2001) de Joseph Bruchac, The Birchbark House (finaliste du National Book Award en 1999), première incursion de Louise Erdrich dans la littérature pour la jeunesse, et Rain Is Not My Indian Name (2001) de Cynthia Leitich Smith, une nouvelle voix. C’est donc à partir de l’étude de ces récits produits par des écrivains de renom qui revendiquent leur appartenance tribale, que l’on étudiera les diverses stratégies qu’ils développent pour lutter contre les stéréotypes. Conscients qu’il est temps de raconter autre chose, de changer les mentalités, ces romanciers bousculent les images toutes faites et rompent avec les productions qui les ont précédées.

Il y a trop d’histoires pour les jeunes enfants sur des petits garçons gambadant coiffés de plumes sur un bandeau, portant des vêtements de daim frangés, chaussés de mocassins de peau et brandissant, comme il se doit, des arcs et des flèches. La majorité de ces livres traitent d’un passé non situé. Les personnages appartiennent à des tribus non identifiées et, la plupart du temps, on ne leur accorde même pas la grâce de leur donner un nom individuel10.

7Chacun à leur manière, les récits abordés ici déconstruisent cette image stéréotypée et se réapproprient un capital culturel bafoué par la tradition blanche.

Défaire le régime de la généralisation, viser le particulier

8Dans la plupart des productions (articles critiques et comptes rendus compris), l’un des premiers gestes qui vise à lutter contre le régime toxique de la généralisation consiste à systématiquement préciser l’appartenance tribale de l’écrivain, du critique ou de l’illustrateur et, dans le cadre de la fiction, celle du personnage. Concernant la figure de l’auteur, cet effet d’affiliation intervient très souvent aux seuils du récit : rabat de couverture où l’on précise que « de sang mêlé », C. Leitich Smith est « membre recensé de la nation muscogee (creek)11 ». Dans la note d’auteur qui précède le début de leur roman, tant J. Bruchac que L. Erdrich mentionnent, quant à eux, la filiation qui les relie au monde de la fiction : « Les Penacook forment l’une des nations de mon propre peuple : les Abenaki de l’ouest12 », écrit le premier ; « ce livre et ceux qui vont suivre constituent une tentative pour retracer l’histoire de ma famille13 », précise la seconde. S. Alexie contrevient quelque peu à l’usage avec un titre humoristique qui bouscule les habitudes, joue sur le cliché et la revendication d’authenticité : The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian [Le journal absolument véridique d’un Indien à mi-temps]. Toutefois, dès la première phrase du rabat de couverture, on précise : « Junior est un dessinateur en herbe qui vit dans la réserve des Indiens spokanes14. »

9Cette diversité affichée des cultures va de pair avec la multiplicité des cas de figure envisagés. Premier geste de contestation du stéréotype, on cesse de ne mettre en scène que des personnages masculins. Sur les cinq romans retenus, deux ont des jeunes filles pour protagonistes (The Birchbark House et Rain Is Not My Indian Name), les trois autres des jeunes garçons. Second geste militant, on rapatrie les personnages dans le monde contemporain et quand on considère le passé, on précise la période à laquelle on se situe et on l’ancre dans le réel. Dans les remerciements, L. Erdrich commente le prénom de son héroïne : « Le nom Omakayas apparaît dans un recensement de Turtle Moutain. […] J’ai décidé de rester fidèle à ce nom et de le conserver dans sa forme de 1892, tant pour la prononciation que l’orthographe15. » J. Bruchac ouvre, quant à lui, Hidden Roots sur un chapitre intitulé « 1954 August. Moon of Ripening » (« 1954 Août. Lune du mûrissement »). Dans la note d’auteur qui clôt le livre, le contexte historique explique le secret qui pèse sur l’identité de Sonny, auquel sa famille a caché ses origines amérindiennes :

Ils peuvent venir nous prendre. Ça peut paraître bête à certains, mais pas aux yeux du peuple des Abekani. Même dans les dernières décennies du XXe siècle, la peur existait toujours d’être identifié comme un Indien abekani, car cela pouvait avoir des conséquences désastreuses. La raison en était le Projet Eugéniste du Vermont. […] Mené par le professeur de zoologie du Vermont, Henry Perkins, qui passa des années sur un projet consacré aux “ascendances dégénérescentes”, un décret de stérilisation fut passé dans le Vermont en 1931. (En adoptant cette loi, le Vermont ne fut pas le premier, mais le trente-et-unième état aux États-Unis à mettre en place une législation qui exigeait la stérilisation des “faibles d’esprit”)16.

10Les romanciers ont également à cœur de représenter toutes les situations possibles pour un jeune Amérindien contemporain. Certains vivent dans une réserve (The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian, The Heart of a Chief) et connaissent le mode de vie de leur peuple. D’autres en revanche sont totalement acculturés. C’est bien sûr le cas de Sonny, mais aussi celui de Rain qui déclare :

I […] considered mentioning to Dmitri something we have in common, our Ojibway heritage. But I’d grown up so far away from it. I felt ashamed by how much I didn’t know17.

11Par le biais de ces différents personnages, les textes interrogent le sens à donner au fait d’être Amérindien aujourd’hui. Loin de livrer une réponse simpliste, ils déroulent un processus de construction de soi, à la fois dynamique et contradictoire. En cela, on pourrait généraliser les propos de S. Alexie qui déclare : « Bon nombre de mes personnages […] ont des difficultés tant avec les expériences qu’ils ont eues sur ce que cela veut dire d’être Indien que sur ce qu’on leur a dit que cela signifie d’être Indien18. » Pour tous, la question fait problème et demande clarification sur un mode sérieux ou humoristique, comme au cours de cette conversation entre copains dans The Heart of a Chief :

— She said she was Indian?
— Unh-hunh.
— Anybody can say they’re Indian.
What kind of Indian ? […]
— Yeah, […] what kind ? Hollywood ? Calcutta19 ?

12Dans ce roman, du fait de leur apparence totalement différente, les quatre camarades se sont surnommés The Rainbow Coalition (la Coalition Arc-en-ciel) : de mère penacook et de père norvégien, Gartersnake était un bébé à la peau brune, aux cheveux blonds et aux yeux bleus ; Belly Button – petit, râblé et costaud – a tout d’un Indien pueblo, quant à Pizza, malgré son père penacook, il ressemble avant tout à sa mère africaine-américaine. Le groupe défait les stéréotypes : « We know what kind of Indian we are. The kind of Indian you don’t see in Hollywood movies. No noble savages. No horses or headdresses. No tipis and no buffalo20. » C’est essentiellement dans le regard des autres, des Blancs, que le physique devient un critère d’identification fondamental, comme le commente non sans humour Rain :

Part of the deal with being mixed-blood is that every now and then I feel like I have to announce it. « What are you ? » people sometimes ask Fynn […]. Because my coloring is lighter, I usually get the next standard questions : How much Indian are you ? (About forty-five pounds’ worth.) And « Are you legally [or a card-carrying] Indian ? (Yes, but only on my mother side)21.

13S. Alexie est sans doute celui qui parvient le mieux à déconstruire la question du type physique. Dessinateur en herbe, son protagoniste insère un certain nombre de dessins au traitement stylisé, comme découpés et collés à l’aide de sparadrap dans son journal. Généralement, assortis de flèches pointant telles ou telles parties, les dessins donnent lieu à des commentaires succincts et humoristiques. En pleine page, on découvre ainsi la représentation d’un adolescent de face, au corps divisé par une ligne : à gauche le Blanc, cheveux blonds, sourire aux lèvres, à droite, l’Indien – on reconnaît Junior et ses grosses lunettes. D’un côté, les flèches précisent « chemise Ralph Lauren », « sac à dos ergonomique (avec téléphone portable) », « montre Timex », « pantalon de toile Tommy Hilfiger » ; de l’autre « t-shirt K-mart », « jeans de chez Sears (2 paires pour 19,99 $) », « pas de montre », « sac-poubelle pour les livres22 ». Pour Junior, le look – reflet d’une réalité socio-économique – prime sur l’apparence physique, même s’il ajoute lors de son premier jour à Reardan, l’école hors de la réserve où il a choisi d’aller : « They stared at me like I was Bigfoot or a UFO. What was I doing at Reardan, whose mascot was an Indian, thereby making me the only other Indian in town23 ? »

Développer une vraie connaissance sur le groupe abordé et rétablir la vérité historique

14La diversité respectée, les textes se donnent un second impératif : ils visent à donner au jeune lecteur un vrai savoir sur le groupe considéré. Cette dimension est bien sûr plus manifeste si l’on considère les romans « historiques » au sein desquels l’objectif est prioritaire. L’enjeu est tel que l’un des premiers gestes du romancier consiste à délimiter précisément la sphère de la fiction. Dès la première phrase de l’avertissement, L. Erdrich inscrit The Birchbark House dans le droit fil des recherches menées par sa mère et sa sœur sur leurs ancêtres qui vivaient sur Madeline Island à l’époque où se déroule l’intrigue. Tant J. Bruchac que C. Leitich Smith ressentent, pour leur part, la nécessité d’expliciter qu’ils n’ont pas choisi de situer leur fiction dans un lieu qui existe effectivement, mais qu’ils ont produit un mixte. Dans la note qui ouvre The Heart of a Chief, J. Bruchac précise : « J’ai décidé de ne pas situer le roman dans un réserve réelle. Quelques-uns des problèmes abordés dans le texte – les casinos, la gouvernance, l’abus d’alcool – sont trop sensibles pour cela. À la place, j’ai imaginé une réserve là où il n’y en existe aucune […] : dans le New Hampshire24. » On lit également dans la note de Rain Is Not My Indian Name : « Si vous regardez une carte, vous ne trouverez pas Hannesburg, dans le Kansas. […] Pourtant, le comté de Douglas existe bien, ainsi que l’université Haskell des Nations Indiennes, l’université du Kansas, le lycée de Shawnee Mission […]25 ». Tant de déclarations soulignent combien la question est délicate. Le romancier doit systématiquement justifier des écarts que lui autorise la fiction.

15Ce périmètre dessiné, les auteurs développent plus ou moins la fonction mathésique du récit. The Birchbark House intègre un large savoir ethnographique sur les Anishinabeg, laissant affleurer de nombreux mots et expressions ojibwa pour rappeler ponctuellement l’emploi de cette autre langue au lecteur. Le roman est composé de quatre chapitres, les quatre saisons (« Neebin [Summer] », « Dagwaging [Fall] », « Biboon [Winter] » et « Zeegwun [Spring] »), ce qui permet de décrire en détail le mode de vie de tout le clan, les occupations de chacun des membres à chaque période de l’année et, en particulier, les activités d’Omakayas, la petite fille sur laquelle l’intrigue repose. Le cadre choisi colle donc à la vie du groupe, en partie déterminée par son environnement. Dans le premier chapitre, on assiste à la construction de la hutte en écorce de bouleau, habitat estival de la famille, qui donne son titre au roman. Ce titre affiche ostensiblement la sélection qui est opérée prioritairement dans le savoir à transmettre. Il s’agit en premier lieu de déconstruire le cliché du tipi, propres aux Indiens des plaines, pour décrire l’habitat autochtone de la région des Grands Lacs. Les illustrations de la main de l’auteur soulignent encore cette volonté. Le portrait du père évoque celui d’un chef oriental : il porte une coiffe qui ressemble à un turban, un gilet brodé de motifs floraux sur une chemise de calicot barrée d’une écharpe aux dessins géométriques.

16Le fait de choisir un personnage féminin pour héroïne constitue l’autre angle déterminant : on suit ses activités (le traitement des peaux, le travail de broderie avec des perles, la récolte du riz et du sirop d’érable, la préparation d’onguents) et, grâce à elle, on approche le monde des femmes dans sa diversité (sa mère, sa sœur, sa grand-mère et Old Tallow, la femme-médecine). Par ce biais, on déconstruit un autre cliché massif, celui de la squaw. Comme l’écrit Paulette Fairbanks Molin dans un article intitulé « Eliminating the “S” Word », il s’agit là d’un terme extrêmement employé dans la topographie nord-américaine. Aussi les étudiants anishinaabe (Ojibwe, Chippewa), ont-ils obtenu la promulgation d’une loi dans le Minnesota qui interdit l’emploi de ce terme (ou « s-word » [mot-en-s] selon l’usage développé par ces jeunes gens) dans l’état. « Le mot a des connotations négatives qui enferment la femme indigène dans un stéréotype. D’un côté, “squaw” fait rentrer les Amérindiennes dans la catégorie des bêtes de somme épuisées qui marchent dix pas derrière leur homme ou, de l’autre, dans celle des femmes légères, suspectées de promiscuité26. » L. Erdrich opte souvent pour des femmes comme protagonistes (Love Medecine, son roman le plus connu, en donne un exemple). Nul doute qu’avec The Birchbark House, elle fasse écho à la lutte menée par les étudiants de sa communauté pour éliminer le terme dégradant et cherche à donner une autre image des femmes. Au début du roman, le retour du père est fêté. Même pendant l’automne et au cœur de l’hiver, il part chasser ou vendre des peaux (« he would be home and gone, home and gone27 » ; « il était chez nous, puis parti, chez nous, puis parti »). Les femmes se débrouillent donc seules, parfois pendant de longues semaines, instaurant, en son absence, un ordre un peu plus souple que celui qu’il impose.

17De teneur moins ethnographique, Hidden Roots s’appuie sur des données historiques que J. Bruchac aborde d’un point de vue intimiste. Comme le suggère le titre [Racines cachées], Sonny ignore ses origines amérindiennes. Enfant, sa mère a été adoptée par une famille de Blancs et celui qu’il nomme « Uncle Louis » n’est nullement un parent lointain, mais son grand-père qui a fui le Vermont. Son épouse y est morte en 1932 des suites d’une stérilisation forcée au prétexte qu’elle aurait été « faible d’esprit ». Le roman travaille donc sur le déni, l’invisibilisation de soi et la colère que peut engendrer un tel processus :

« Jake, » she said, « everybody in this town notices. They have been noticing for a long time. […] They don’t just have to look at Louis. Look at us, look at your own face in the mirror. We’re not hiding anything28. »

18Bien qu’il ne sache rien, le petit garçon s’est construit sur un silence qui lui a interdit toute question. À travers son personnage est ainsi transmis le savoir moyen de l’enfant nord-américain concernant « les Indiens » :

I didn’t know much about Indians, except what I heard in school or saw in the movies. I knew they were mostly all gone, dead, or run off to the West. Real Indians, I mean, who rode horses and hunt buffalo and all of that. People in Sparta talked about those dirt-poor half-Indian families that lived up on the other side of the mountain, but they weren’t real Indians from what I heard29.

19Tel est l’intérêt de présenter des personnages acculturés comme Sonny et Rain. Tout en montrant la rupture de transmission qui s’est perpétuée dans bien des familles, la fiction les met sur la voie du savoir concernant leur communauté, cheminement que double celui du lecteur. Sonny est certes guidé par son grand-père dont il observe les usages et qui lui fait partager certaines expériences : une immersion dans un troupeau de daims à l’aube, une façon de raconter, une prière. Mais Rain, quant à elle, à la fin de la fiction, est laissée sur le seuil de la connaissance. Elle a perdu sa mère, soit la personne qui l’immergeait « naturellement » dans le monde amérindien en l’emmenant en famille dans des powwows :

I can still smell the pork cooking, taste the lukewarm coleslaw, hear the songs, and feel the rhythm of the shell-shakers. I remember ribbons and tear dresses and me trying to dance with Mama. […]
Back when I was seven, I didn’t have to think about what I believed and where I belonged.
I just did30.

20La destinée de Rain reste ouverte. Liberté lui est laissée d’aller plus loin dans la connaissance des « siens » ou pas. Le goût d’une soupe de riz sauvage semble toutefois la remettre sur la voie : « As I polished off my soup, I began believing that we might actually make it to the reservation and that it might not be too late for me to connect with the Ojibway side of my heritage31. »

21Il va sans dire que, dans The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian, S. Alexie ne cherche pas à transmettre un savoir ethnographique ou historique sur les Spokanes. Pourtant en racontant la vie des différents proches de Junior dans la réserve, il livre parallèlement une image sans concession des différents maux qui frappent la communauté. Pauvreté, chômage, alcoolisme, taux de mortalité par accident, rien n’est caché au lecteur de la dure réalité. Nulle romantisation ici, S. Alexie s’efforce toutefois de traiter ces données avec humour, comme le montre la formule d’inspiration mathématique :

Poverty= empty refrigerator + empty stomach32

22Plus loin, après le décès d’un ami de son père tué accidentellement par balle, la perte de sa grand-mère renversée par un chauffard ivre, la mort de sa sœur et de son beau-frère dans leur mobile-home, trop ivres pour réagir aux flammes de l’incendie, Junior commente :

Jeez, I’ve been to so many funerals in my short life.
I’m fourteen years old and I’ve been to forty-two funerals.
That’s really the biggest difference between Indians and white people
33.

23De bonnes âmes ont obtenu la censure du livre de S. Alexie qu’elles ont condamné pour atteinte à la pudeur34 (Junior évoque ses performances masturbatoires : il se dit ambidextre, rien de plus). Que dire d’un tel jugement quand c’est sans doute l’ouvrage qui, entre rires et larmes, traduit le mieux la condition actuelle d’un grand nombre d’Amérindiens...

Des ados pas tout à fait comme les autres. L’inscription de la perte

24Si les romanciers insistent d’une part sur la spécificité de chaque culture, les positionnements distincts des protagonistes (assimilés au monde blanc ou vivant dans une réserve), d’autre part, ils rapprochent leurs personnages des jeunes lecteurs potentiels. Rain Is Not My Indian Name s’ouvre ainsi sur un extrait du journal de la narratrice qui dit avoir lu dans le magazine Teen Lifestyles que 76 % des filles de quatorze ans déclarent avoir embrassé un garçon sur la bouche. Elle va avoir quatorze ans ; elle décide donc de « s’offrir une vie d’ado » (« get myself a teen life ») et d’embrasser son meilleur ami le soir de son anniversaire : « Kissing Galen would mark my new year, my birthday, my new beginning. Or, I’d chicken out and drown in a pit of humiliation, insecurity and despair. Cassidy Rain Berghoff, Rest in Peace35. » La prise de risque, qui peut être sanctionnée par la honte, est un motif récurrent de l’adolescence. Dans les romans, cette forme d’épreuve va de pair avec la retranscription humoristique du style hyperbolique des personnages narrateurs. Cette technique est récurrente chez S. Alexie – tant dans l’écriture de Junior que dans ses dessins ; elle éclate dans l’épisode où Junior invite la jolie Penelope, Blanche de milieu aisé, au Grand Bal d’hiver. Cinq dollars en poche, il n’a pas les moyens de s’offrir une tenue adéquate, aussi se résout-il à porter le costume en polyester pattes d’eph de son père. La réaction de Penelope à son arrivée le sauve cependant : « “Oh, my God !” she yelled for everybody to hear. « That suit is so beautiful. It’s so retroactive. It’s so retroactive that it’s radioactive36 ! » Jouer de l’identification des jeunes lecteurs avec les personnages, de la complicité que créent les inquiétudes et les tourments qu’ils partagent avec eux, est un procédé récurrent dans la littérature pour adolescents. Ici la recette humoristique s’adosse à des textes qui relèvent de la catégorie des « problem novels », soit des romans réalistes abordant des questions qui touchent les adolescents comme la sexualité, le deuil, le suicide, etc. Pour qualifier ces textes, on pourrait également utiliser la notion de « trauma novel37 » employée par S. Alexie. Sur les cinq romans, trois protagonistes sont orphelins : Omakayas ne l’apprendra qu’à la fin du récit, mais elle est la seule survivante d’un clan qui a été dévasté par la variole, Rain et Chris (The Heart of a Chief) ont perdu leur mère et sont élevés par leurs grands-parents, leur père ayant déserté le foyer familial. On a déjà mentionné toutes les pertes qui frappaient Junior au cours du récit. Sonny, quant à lui, n’est pas orphelin. Il est cependant pris dans les rets d’un secret de famille qui l’a amputé d’une partie de son histoire. Une telle inscription de la perte ne peut être le fait du hasard ; elle devient un trait quasi définitoire des textes et fait écho au constat de Junior : « We Indians have LOST EVERYTHING. We lost our native land, we lost our languages, we lost our songs and dances. We lost each other. We only know how to lose and be lost38. » Tous les textes, cependant, travaillent précisément sur l’inversion de la formule de Junior et montrent des personnages qui parviennent à dépasser leurs pertes et à se construite malgré tout.

25Si tous les romans rapprochent le protagoniste de l’adolescent ordinaire, pour autant ils reposent tous également sur un fonds traumatique : la perte et tout ce qu’elle engendre – le deuil, la mélancolie, les silences, la honte et l’humiliation. « Mom’s death. Dad’s drinking39 » (« La mort de M’am, les cuites de Papa »), évoque pudiquement Chris. Les morts – la grand-mère de Sonny stérilisée, par exemple – détermine l’attitude des (sur)vivants et, en cela, les contamine. Aussi, par delà cette inscription initiale de la perte, les romans font-ils également place à toutes les humiliations – grandes et petites – qui irradient la société nord-américaine dès lors qu’on l’observe d’un point de vue amérindien, soit de colonisé.

26On le sait, les vainqueurs s’approprient généralement les signes des vaincus et en marquent l’espace conquis. Ce mécanisme donne encore lieu aujourd’hui à controverse aux États-Unis. Si la lutte des Africains-Américains est parvenue à éradiquer la figure raciste de Sambo, demeure en revanche celle de Chief Wahoo, sa réplique « peau-rouge », qui orne les casquettes de l’équipe de base-ball, les Cleveland Indians40. Les contestations des groupes autochtones contre de tels emblèmes sont relayées par les textes. La dessinatrice, Ellen Forney, qui a conçu les illustrations pour le roman de S. Alexie reprend l’icône honnie en la positionnant de profil et en indiquant « rouge vif41 » en commentaire, s’assurant ainsi la reconnaissance du lecteur. Elle en fait ironiquement la mascotte de l’équipe de basket dans laquelle Junior joue à Reardan, dans son lycée blanc. La question est abordée de façon plus frontale dans The Heart of a Chief, puisque c’est le sujet que Chris et ses camarades choisissent de traiter dans un exposé auquel ils convient des représentants locaux. L’équipe de football américain de leur lycée se nomme en effet les Rangerville Chiefs et, à chaque début de match, les joueurs, le visage peinturluré, poussent des cris de guerre et entament la danse du tomahawk, tandis que leurs supporters agitent des panneaux où est inscrit « SCALP’EM, CHIEFS42 » (« Scalpez-les, les Chefs »). Chris saura convaincre, ce qui le qualifiera comme le digne descendant de ses ancêtres.

27Les romanciers déposent ainsi dans leur texte, parfois sur le régime allusif, des sujets qu’abordent systématiquement les militants : comptine (« Ten Little Indians »), support à des représentations stéréotypées qui exaspère Rain, question sur Thanksgiving et sa célébration. Pourquoi fêter l’événement, se demande Junior. Il ne fut suivi que par de longues séries de massacres, sans relation aucune avec les représentations traditionnelles qui montrent Pèlerins et Amérindiens réunis pour festoyer (« I’m not quite sure why we eat turkey like everybody else43 », « Je ne sais jamais trop pourquoi nous mangeons de la dinde comme tout le monde »). Celeste, la petite sœur de Chris, quant à elle, ne se défait jamais de sa poupée qu’elle a nommée Buffy St. Mary bien qu’il s’agisse de Pocahontas. Elle-même et sa grand-mère se sont toutefois livrées à une relecture penacook de l’effigie : elles ont rembourré sa taille (elle a ainsi l’air d’une femme et non d’une « foutue fourmi », commente Auntie), puis elles lui ont enlevé sa banale mini-jupe de daim et l’ont habillée d’une robe longue traditionnelle à rubans, pour qu’elle ne se griffe pas les genoux dans les buissons de mûres...

Conclusion

28J. Bruchac qualifie l’opération menée sur Pocahontas de « Penacook makeover » (métamorphose, refonte penacook). En un sens, le processus pourrait s’appliquer à l’entreprise à laquelle s’attellent tous les romanciers du corpus. Ils doivent attaquer les stéréotypes que diffuse la société américaine pour inventer des personnages incarnés, possédant une famille, un lieu et un passé. Pour ce faire, ils dissèquent eux aussi des effigies sans âme, reconstruisent et étoffent des personnages, leur donnent d’autres noms et les dotent d’attributs qui les protégeront contre l’adversité dans la difficile trajectoire qu’ils devront suivre. On aurait pu insister sur les éléments de la tradition qui sont repris ici et là et qui, retravaillés, nourrissent le personnage (motifs ancestraux comme le cercle, narrations d’histoires, puissance du rire), mais cette approche était plus convenue. Mieux valait analyser la lutte à laquelle se livre le roman amérindien contemporain pour la jeunesse – une lutte contre une histoire révisionniste, qui hante encore les imaginaires.

Notes de bas de page numériques

1 Beverly Slapin, « Introduction », Beverly Slapin et Doris Seale (dir.), Through Indian Eyes. The Native Experience in Books for Children, Contemporary American Indian Issue Series n° 7, Los Angeles, University of California, 1998, p. 1-4, p. 2. Ma traduction ainsi que toutes les traductions françaises dont les références ne sont pas précisées.

2 Mary Gloyne Byler, « Introduction », American Indian Authors for Young Readers: A Selected Bibliography, New York, Association on American Indian Affairs, 1973, p. 5-11, p. 11.

3 Mary Gloyne Byler, « Introduction », p. 5.

4 League of Women Voters, « Children’s Impressions of American Indian: A Survey of Suburban Kindergarten and Fifth Grade Children: Conclusions », Arlene B. Hirschfelder (dir.), American Indian Stereotypes in the World of Children: A Reader and Bibliography, Lanham, Scarecrow Press, 1982, p. 7-14, p. 10.

5 League of Women Voters, « Children’s Impressions of American Indian: A Survey of Suburban Kindergarten and Fifth Grade Children: Conclusions », p. 8.

6 Robert B. Moore et Arlene B. Hirschfelder, « Feathers, Tomahawks and Tipis: a Study of Stereotyped “Indian” Imagery in Children’s Picture Books », Arlene B. Hirschfelder (dir.), American Indian Stereotypes in the World of Children: A Reader and Bibliography, p. 46-79, p. 50.

7 Michael Dorris cité par Robert B. Moore et Arlene B. Hirschfelder, « Feathers, Tomahawks and Tipis: a Study of Stereotyped “Indian” Imagery in Children’s Picture Books », p. 48.

8 Through Indian Eyes. The Native Experience in Books for Children et plus récemment A Broken Flute. The Native Experience in Books for Children (Doris Seale et Beverly Slapin, Laham, Altamira, 2006) insistent sur leur vocation: « Ces comptes rendus de livres sont la raison véritable de l’existence de Through Indian Eyes » (Beverly Slapin et Doris Seale, Through Indian Eyes, p. 85). Par delà les critiques censées guider les acheteurs potentiels, des conseils sont également prodigués pour apprendre à repérer les stéréotypes et, par là, être aptes à répondre aux questions suivantes pour juger de la qualité d’un ouvrage : « Le contenu de ce livre est-il véridique ? L’ouvrage est-il respectueux ? Y a-t-il quoi que ce soit dans ce livre qui pourrait embarrasser ou heurter un jeune Amérindien ? Y a-t-il quoi que ce soit dans ce livre qui favoriserait une pensée stéréotypée chez un enfant non-autochtone ? » (Through Indian Eyes, p. 179).

9 Cf. en particulier la sélection « Recommended Native Literature for Young Reading Circles » proposée par le site We Shall Remain à l’adresse : http://www-tc.pbs.org/wgbh/amex/weshallremain/files/libraries/youth-reading-circles.pdf (site consulté le 21 janvier 2017) ou les titres primés ayant successivement remporté The American Indian Youth Literature Award recensés sur le site de The American Indian Library Association, http://ailanet.org/activities/american-indian-youth-literature-award/ , consulté le 21 janvier 2017.

10 Mary Gloyne Byler, « Introduction », p. 5.

11 Cynthia Leitich Smith, Rain Is Not my Indian Name, New York, Harper Collins, 2001.

12 Joseph Bruchac, « Author’s Note », The Heart of a Chief, New York, Puffin Book, 1998, texte non paginé.

13 Louise Erdrich, « Thanks and Acknowledgements », The Birchbark House, New York, Hyperion, 1999, texte non paginé.

14 Sherman Alexie, The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian, New York, Little Brown and Company, 2007.

15 Louise Erdrich, « Thanks and Acknowledgements », The Birchbark House, texte non paginé.

16 Joseph Bruchac, « Author’s Note », Hidden Roots, New York, Scholastic Press, 2004, p. 131-132.

17 Cynthia Leitich Smith, Rain Is Not my Indian Name, p. 73. Trad. : « J’ai envisagé de dire à Dmitri quelque chose à propos de ce que nous avons en commun, notre patrimoine ojibwa. Mais j’en ai été tenue tellement éloignée dans la façon dont j’ai été élevée. J’ai eu honte d’en savoir si peu. »

18 Ase Nygren, « A Word of Story-Smoke: A Conversation with Sherman Alexie », MELUS, vol. 30, n° 4, hiver 2005, p. 149-169, p. 158.

19 Joseph Bruchac, The Heart of a Chief, p. 23. Trad. : « Elle a dit qu’elle était Indienne ? / — Umh. / — Tout le monde peut se dire Indien. Quel genre d’Indien? / — Ouais, […] quel genre? Hollywood? Calcutta? »

20 Joseph Bruchac, The Heart of a Chief, p. 23. Trad. : « On sait quel genre d’Indien on est. Le genre d’Indien qu’on ne voit pas dans les films hollywoodiens. Rien du noble sauvage. Pas de chevaux ni de coiffes. Pas de tipis ni de bisons. »

21 Cynthia Leitich Smith, Rain Is Not my Indian Name, p. 48. Trad. : » L’un des trucs qui revient quand on est métisse, c’est qu’assez régulièrement j’ai l’impression que je dois faire une annonce. “Qu’est-ce que tu es ?”, demandent souvent les gens à Fynn […]. Parce que je suis moins foncée de peau, généralement viennent ensuite les questions types : quel pourcentage de sang indien tu as ? (il y en a pour dans les vingt-cinq kilos). Et “Tu es légalement indienne (tu as une carte) ?” (Oui, mais seulement du côté de ma mère). »

22 Sherman Alexie, The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian, p. 57 ; pour la traduction française de Valérie Plouhinec : Le premier qui pleure a perdu, Paris, Albin Michel, 2008, p. 77. On peut voir un certain nombre de ces dessins sur la page du site « Pinterest » consacré au roman : https://fr.pinterest.com/themrfrazier/the-absolutely-true-diary-of-a-part-time-indian/ , consulté le 1er févr. 2017.

23 Sherman Alexie, The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian, p. 56. Trad. : « Ils me dévisageaient comme si j’avais été le yéti ou un ovni. Qu’est-ce que je faisais à Reardan, dont la mascotte était un Indien, ce qui faisait de moi le seul autre Indien en ville ? » (Le premier qui pleure a perdu, p. 75).

24 Joseph Bruchac, « Author’s Note », The Heart of a Chief, texte non paginé.

25 Cynthia Leitich Smith, « Author’s Note », Rain Is Not my Indian Name, p. 137.

26 Paulette Fairbanks Molin, « Eliminating the “S” Word », Arlene B. Hirschfelder (dir.), American Indian Stereotypes in the World of Children: A Reader and Bibliography, p. 33-40, p. 34.

27 Louise Erdrich, The Birchbark House, p. 74.

28 Joseph Bruchac, Hidden Roots, p. 96. Trad. : « Jake, dit-elle, tout le monde dans cette ville a remarqué. Ça fait longtemps qu’ils ont remarqué. Il ne suffit pas de regarder Louis. Regarde-nous, regarde ton propre visage dans la glace. On ne cache rien. »

29 Joseph Bruchac, Hidden Roots, p. 32. Trad. : « Je ne savais pas grand-chose sur les Indiens, à part ce que j’avais entendu à l’école ou vu dans les films. Je savais que, pour la plupart, ils étaient partis, morts, ou s’étaient enfuis vers l’ouest. Les vrais Indiens, je veux dire, ceux qui montent à cheval, chassent des bisons et tout ça. Les gens de Sparta parlaient des familles moitié indiennes, très pauvres, qui vivaient là haut, de l’autre côté de la montagne, mais ça n’était pas de vrais Indiens à ce que j’avais entendu dire. »

30 Cynthia Leitich Smith, Rain Is Not My Indian Name, p. 120. Trad. « Je peux encore sentir l’odeur du porc en train de cuire, goûter la salade de chou tiède, percevoir le rythme des sonnailles. Je me souviens des rubans et des robes traditionnelles, et moi essayant de danser avec Maman. […] En ce temps-là, à sept ans, je n’avais pas à penser à ce que je croyais ou à savoir à quoi j’appartenais. Je faisais, c’est tout. »

31 Cynthia Leitich Smith, Rain Is Not My Indian Name, p. 130. Trad. : « Alors que je finissais ma soupe sans en laisser une goutte, je commençai à croire que nous pourrions effectivement faire le voyage à la réserve et qu’il était peut-être encore temps pour moi de reprendre contact avec le côté ojibwa de mon patrimoine. »

32 Sherman Alexie, The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian, p. 8. Trad. : « Pauvreté = frigo vide + estomac vide » (Le premier qui pleure a perdu, p. 75).

33 Sherman Alexie, The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian, p. 199. Trad. : « Bon Dieu, je suis allé à tellement d’enterrements dans ma courte vie. J’ai quatorze ans et je suis allé à quarante-deux enterrements. Ça, c’est vraiment la plus grande différence entre les Indiens et les Blancs. » (Le premier qui pleure a perdu, p. 243)

34 Cf. Christi Cassel, « Why The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian is so Controversial (and Why You should Read it Anyway) », 11 nov. 2013, https://iknowwhatyoushouldread.wordpress.com/2013/11/11/why-the-absolutely-true-diary-of-a-part-time-indian-is-so-controversial-and-why-you-should-read-it-anyway/ , site consulté le 15 déc. 2016.

35 Cynthia Leitich Smith, Rain Is Not My Indian Name, p. 1. Trad. : « Le fait d’embrasser Galen marquerait ma nouvelle année, mon anniversaire, mon nouveau départ. Ou je me dégonflerais et sombrerais dans un gouffre d’humiliation, d’absence de confiance en moi et de désespoir. Cassidy Rain Berghoff, Repose en Paix»

36 Sherman Alexie, The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian, p. 122. Trad. : « Oh, mon Dieu ! a-t-elle crié assez fort pour que tout le monde entende bien. Ce costume est sublime ! Trop rétro ! Il est tellement rétroactif qu’il est radioactif ! » (Le premier qui pleure a perdu, p. 155).

37 Ase Nygren, « A Word of Story-Smoke: A Conversation with Sherman Alexie », p. 150.

38 Sherman Alexie, The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian, p. 173. Trad.: « Nous, les Indiens, nous avons TOUT PERDU. Nous avons perdu notre terre, nous avons perdu nos langues, nous avons perdu nos chants et nos danses. Nous nous sommes perdus les uns les autres. Tout ce que nous savons faire, c’est perdre et être perdus. » (Le premier qui pleure a perdu, p. 213).

39 Joseph Bruchac, The Heart of a Chief, p. 27.

40 Cf. David Waldstein, « Battle Over Indians’ Name and Logo Moves to the World Series », New York Times, 22 oct. 2016, article en ligne sur le site: https://www.nytimes.com/2016/10/23/sports/baseball/cleveland-indians-native-americans-world-series-protest.html?_r=0 , consulté le 03 févr. 2017.

41 Cf. Sherman Alexie, The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian, p. 55 (ou Le premier qui pleure a perdu, p. 75).

42 Joseph Bruchac, The Heart of a Chief, p. 54.

43 Sherman Alexie, The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian, p. 101 (ou Le premier qui pleure a perdu, p. 132).

Bibliographie

Alexie Sherman, The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian, New York, Little Brown and Company, 2007 ; pour la traduction française de Valérie Plouhinec : Le premier qui pleure a perdu, Paris, Albin Michel, 2008.

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Pour citer cet article

Crystel Pinçonnat, « Le roman amérindien contemporain pour la jeunesse ou la récupération autochtone d’un capital culturel bafoué », paru dans Loxias, 56., mis en ligne le 15 mars 2017, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=8610.


Auteurs

Crystel Pinçonnat

Crystel Pinçonnat est professeur de Littérature Générale et Comparée à l’Université d’Aix-Marseille (Aix-Marseille Université (CIELAM). Dans le prolongement de ses travaux sur le roman urbain (New York, mythe littéraire français [2001] ; Paris, cartographies littéraires [2007]), ses publications portent désormais sur le champ postcolonial et, en particulier, sur les littératures des minorités, en France et aux États-Unis. Vient de paraître Endofiction et Fable de soi. Écrire en héritier de l’immigration (Classiques Garnier, 2016).