Loxias | Loxias 40. Panaït Istrati, « l’homme qui n’adhère à rien » |  Panaït Istrati, « l’homme qui n’adhère à rien » 

Mariana Perişanu  : 

Droiture éthique et vérité d’un carrefour thématique – La famille Perlmutter

Résumé

La Famille Perlmutter (1927) écrit par Panaït Istrati en collaboration avec Josué Jehouda est la chronique d’une famille juive, un roman de la formation et à la fois un carrefour thématique : l’errance, la générosité et son pendant « le généreux absurde », l’injustice, l’amour, l’amitié, le clivage Orient/Occident. On y retrouve la convivialité et la chaleur humaine, la droiture éthique et la rigueur politique du « chardon déraciné » amant de la Méditerranée qui a projeté les facettes de sa personnalité incandescente dans chacun des personnages de cette écriture polyphonique. Écrit peu avant le voyage en URSS et le grand tournant dans la vie et l’œuvre d’Istrati, ce texte sur les vaincus et les vainqueurs, sur les écorchés de la vie tel Isaac préfigure en quelque sorte le destin de l’auteur.

Index

Mots-clés : amitié , carrefour thématique, éthique, Jehouda, Perlmutter

Géographique : Roumanie

Chronologique : XXe siècle

Plan

Texte intégral

Dans l’âme altière d’Esther coulait uneinépuisable

nostalgie du Bien, du Beau et du Vrai.

1Esther Perlmutter est-elle un double féminin rêvé par Panaït Istrati ? Le fleuron des Perlmutter s’ajoute à la galerie d’héroïnes istratiennes : Kyra Kyralina, Nerrrantsoula, Domnitza de Snagov. A-t-elle leur force, leur vitalité, leur poésie ? Cultivée, raffinée, audacieuse, elle vit au Caire en vendant des antiquités après la mort de son mari, l’égyptologue anglais John Edwards, « un savant au cœur humain ».

2La Famille Perlmutter (1927), écrit en collaboration avec Josué Jehouda, est la chronique d’une famille juive, un roman de type formateur et à la fois un carrefour des thèmes chers à Istrati : l’errance, l’amour, la générosité, l’injustice, le clivage Orient/Occident. Écrit peu avant le voyage en U.R.S.S. et le grand tournant dans la vie d’Istrati, ce texte sur les vaincus et les vainqueurs, sur les écorchés de la vie tel Isaac, annonce en quelque sorte le destin de l’auteur.

3Istrati a fait connaître au monde la Roumanie et les Roumains, y compris les Juifs roumains que l’on retrouve partout dans son œuvre. Il a chanté les douleurs de ce peuple esclave d’un tyran mais aussi les bas-fonds des juifs roumains.

1. Jehouda

4Josué Jehouda – collaborateur d’Istrati pour ce livre, n’est pas né en Roumanie, mais en Ukraine et il vit en Suisse (d’abord comme soldat et journaliste) où les deux futurs écrivains se sont rencontrés en 1919 au sanatorium Sylvana-sur-Lausanne. C’est Jehouda qui lui a parlé de Romain Rolland et lui a conseillé de lire Jean Christophe. Retrouvé en 1926 quand il l’invite pour une conférence à Genève, Istrati lui propose cette collaboration pour lui témoigner sa reconnaissance et le faire connaître au public français, le chargeant d’insuffler « une âme juive » à la vie des personnages. « J’ai dit à Gallimard que je lui donne un volume s’il accepte d’abord un ouvrage en collaboration avec Jehouda, un roman juif qui m’appartient, mais dont le côté juif gagnerait si Jehouda ajoute l’atmosphère1 ». Le résultat ? un texte moins bon que le manuscrit initial (Romain Rolland le lui reproche), mais Gallimard accepte de le publier2. Le noyau du livre reste la nouvelle Isaac le tresseur de fil de fer que R. Rolland avait trouvée excellente et qu’Istrati venait de publier à Strasbourg (Éditions Joseph Heissler, 1927), livre joliment illustré par Dignimont et dont nous proposons deux images tirées de l’exemplaire conservé à la Bibliothèque de l’Académie Roumaine.

Image1

1 « Binder dans son bistrot ». Illustrations à P. Istrati, Isaac, le tresseur de fil de fer, Strasbourg, Heissler, 1927, p. 5

Image2

2 « Isaac, Youssouf, Binder Dignimont ». Illustrations à P. Istrati, Isaac, le tresseur de fil de fer, Strasbourg, Heissler, 1927, p. 14]

5Les discours ajoutés alourdissent le texte et l’éloignent de la vie et du lecteur : « À la place de toutes les religions je préfère la vie […] Faites confiance à votre instinct artistique ! Il est bon et sûr. Il n’y a rien à gagner si l’on lui colle des perruques psychologiques empruntées à d’autres3 ».

6Tiraillé entre ces deux amitiés, soucieux de tenir sa promesse et attiré à Genève, sous prétexte de collaboration, par le charme de Bilili, Istrati désobéit à son grand bienfaiteur en tentant aussi de faire connaître le nom de son ami au public français, aux maisons d’édition parisiennes. Jehouda le reconnaît plus tard dans les fragments restés d’une étude sur Istrati qu’il n’a pas réussi à achever. Il avoue que le grand credo de la vie et de l’écriture d’Istrati coïncidait avec le sien, dès le moment où ils s’étaient découverts à Lausanne, dans le sanatorium pour pauvres aidés par la Croix Rouge. « Istrati s’est voulu frère de tous les malheureux. Il a mis en estime la Bonté. Enflammé par l’amitié il a créé une œuvre qui répand la chaleur de la vie4 ».

2. Générosité, vérité, amitié

7« Panaït était d’une générosité folle. Généreux de bourse et d’âme5 » nous dit Eleni Samios-Kazantzaki dans son livre resté inédit en français jusqu’en 2013. Elle a pu le constater sur le vif dans leurs nombreuses rencontres, surtout dans le long voyage fait à quatre dans le pays des Soviets.

8La bonté, la générosité dans La Famille Perlmutter c’est d’abord le cabaretier Binder, patron du bistrot Au Fantassin roumain d’Alexandrie. Il y accueille Roumains, Juifs, Grecs qui paient sans compter, mais aussi des déracinés aux bouches envieuses. Le jeune Isaac y est reçu comme un fils, mais la déception en amour est trop grande pour cet écorché qui a déserté de l’armée roumaine pour suivre en Égypte sa belle Rose Goldstein qui ne veut plus le voir et l’appelle « déserteur ». Herman Binder et sa femme Léa ont recréé en Égypte un coin de la Roumanie à laquelle ils restent attachés, malgré les persécutions des « hooligans » qui les avaient poussés à s’expatrier.

9Une autre nouveauté apportée par ce livre : Binder est un personnage réel qui apparaît avec son vrai nom dans le texte, un hommage de l’auteur à celui qui l’avait encouragé et accueilli dans ce havre de roumanité et de générosité. Binder a été évoqué par Istrati dans Trecut şi viitor (Passé et avenir, Bucarest, 1925), dans Méditerranée ainsi que dans son projet de roman écrit en roumain à Genève Fraţii săraci (Les Frères pauvres). Un portrait touchant de Binder est fait par Istrati dans l’article Mununc « Facla » cu puine (Je mange « La Flamme » avec du pain) publié par N.D. Cocea dans son journal Facla (nr. 18) le 17 mai 1925, donc avant Le tresseur de fil de fer et La Famille Perlmutter.« Binder était devenu à Alexandrie un centre de gravité des Roumains qui descendaient dans le premier port de l’Égypte. Son humanité embrassait la terre, son esprit s’intéressait à tout notre mouvement culturel. […] Je ne connais pas dans ma vie, pleine de grandes figures, cinq hommes de la taille de Binder ». Les journaux roumains, difficilement procurés, étaient lus au Fantassin roumain jusqu’à leur déchirement et l’auteur avait reçu à Braïla une carte illustrée signée par Binder qui ne contenait que la phrase : « Mununc Facla cu puine » (« Je mange le journal Facla avec du pain ») ; l’expression roumaine « a mânca cu pâine », (légèrement déformée par l’accent des Juifs roumains) signifie « être avide de quelque chose ». Oui, l’auteur déjà affirmé est heureux de la reprise de ce journal démocrate et d’y évoquer son bon ami Binder qui dans sa tête était déjà un personnage immortel.

10Istrati aurait pu mourir comme Isaac noyé dans l’alcool, déçu par les aléas et ses déboires. Il aurait pu bosser dur et devenir interprète comme Schimke. Il aimait tant les langues et la culture, il était fasciné comme lui par l’histoire des pharaons ; la « taupe incandescente » aurait aimé connaître, comme Schimke par son métier, toutes les catégories de touristes et essayer de mieux comprendre l’Orient et l’Occident. Istrati venu de son Istros sur les bords de la Méditerranée aurait pu avoir un cabaret comme le généreux Binder ou mieux, être un savant à cœur humain comme l’égyptologue Edwards qui partageait la nourriture avec les ouvriers pendant les fouilles et mettait généreusement à la disposition des musées le fruit de son immense labeur, ces objets déterrés faisant revivre « la sagesse antique qui savait unir et non diviser comme nos civilisations modernes !6 ». Il haïssait le mensonge comme Esther qui n’a pas voulu vivre dans l’hypocrisie des Haïmovici, tous bigots, médiocres, hypocrites dont la piété n’était que façade.

11Le pauvre Isaac nous rappelle naturellement, Oncle Anghel (1924), deuxième texte publié par Istrati chez Rieder, après le grand succès de Kyra Kyralina. Les deux héros ont été tués par des souvenirs trop vifs et par la tsouica, une eau-de-vie trop forte. Isaac sait plus qu’Oncle Anghel qu’il s’est détruit par sa faute. À la différence du Roumain qui se laisse mourir brouillé avec Dieu et les hommes, Isaac a cherché son salut dans la foi. Le rôle et l’influence de Youssouf et de ses prières pour apprendre à Isaac à vivre comme un « id » ne sont peut-être pas dans le goût de tous les lecteurs, ses leçons de juif bigot non plus et les ajouts de Jehouda incriminés par Rolland ont effectivement alourdi le texte. Pas mal de personnages istratiens crient leur joie ou noient leur chagrin dans l’alcool, comme pas mal de Roumains, de Juifs ou autres Terriens. Capitaine Mavromati devenu la risée de tous dans le bistrot de Kir Nicolas lorsque l’enfant Istrati faisait la plonge et découvrait dans ce monde dégradé les difficultés de la vie d’adulte, lui enseigne aussi la générosité et le goût pour la culture en lui offrant le merveilleux cadeau qui a signifié probablement le premier tournant de sa vie : Le Dictionnaire universel dans lequel l’adolescent découvre la sagesse du monde.

12Le syntagme « Droiture éthique » de notre titre est-il un pléonasme ? Pour certains contextes on peut l’admettre (si l’éthique, la morale signifient un ensemble de principes fondés sur les impératifs du bien (morale chrétienne, épicurienne). Nous l’avons pensé comme Elisabeth Geblesco7, dans un sens plus large, d’obligations, de valeurs : morale rigoureuse, morale politique.Rectitude donc, rigueur morale d’un auteur qui a mis son art au-dessus de tout intérêt personnel ou mesquin, des personnages touchants par leurs efforts de générosité, comme Binder, Kir Nicolas ou Mavromati ; par le souci d’équilibre, de justice, comme les haïdouks.

13Isaac Perlmutter est généreux lui aussi, ayant tout sacrifié pour un amour non partagé ; un généreux absurde finalement, car la loque humaine qu’il devient prend satisfaction à offrir son pécule à de simples passants. L’acte gratuit était sans doute à la mode, Istrati ne pouvait pas l’ignorer, mais il ne veut pas être à la mode à tout prix. Il a étonné et fasciné ses lecteurs par le côté exotique et vieille mode, par la vitalité des univers ressuscités, par la sincérité, le sens du vrai. La vérité peut être délicate, crue, cruelle même (Codineassassiné à l’huile bouillante par sa propre mère, la répression des paysans révoltés dans Les Chardons du Baragan), mais notre auteur la préfère à toute dissimulation. Ses héros peuvent paraître primitifs, miséreux, enfantins ; ils sont toujours authentiques, vrais, débordants.

14Rien de plus empreint de vérité que la vie des vieux Perlmutter, à Constantza, au début du récit lorsque le cambusier Sotir à peine descendu du bateau vient leur apporter des nouvelles de leurs enfants. Le vieil Avroum gagne son pain comme tailleur dans ce petit Stamboul du bord de la mer Noire où la statue du malheureux Ovide rappelle les origines et l’orgueil de race latine de ses habitants. Le quartier est miséreux, les rues et les cours sont défoncées, l’intérieur est modeste, mais la fillette est propre et dégourdie, l’amour d’Avroum et de Rivke est aussi touchant que celui d’un couple jeune, l’hospitalité nous rappelle que cela se passe en Roumanie et l’amitié pour ce marin (« Pani Sotir, vous faites entrer un peu de joie dans cette maison triste8 »), pour le vieux reb Zalmen qui vit avec eux, est fidèle et forte depuis des lunes. Énormément de couples modestes ou des classes modestes des Juifs de Roumanie ont été des modèles de vie familiale, de dévouement et de fraternelle amitié. Si Jehouda a imposé trop de prières et de rites, des débats un peu longs sur le talmud, Istrati n’a pas osé dire non. Lui, tellement exigeant avec ses textes, lui l’auteur qui a traduit la plupart de ses écrits dans sa langue maternelle parce que la version roumaine de lOncle Anghel l’a énormément contrarié ; lui qui s’est donné toutes les peines du monde pour que son verbe en français soit juste et correct, le rigoureux Istrati a eu la générosité de laisser abîmer son texte par amitié, par tolérance. Il en a eu des amis, il ne les a jamais oubliés, il les a aidés ou même défendus bec et ongles, tels Victor Serge et Roussakov, le beau-père de celui-ci. Il a tout risqué en dévoilant le coup monté par les autorités des Soviets tant adulés par la gauche de l’Occident, Soviets dans lesquels il avait sincèrement cru et pour lesquels il avait milité. Devant l’injustice et la calomnie, au nom de l’amitié et de la vérité il a osé tout dévoiler et tout démanteler, à commencer par soi-même. « Une personne qui dit la vérité, coûte que coûte, qui crie « le roi est nu », même si personne ne veut l’entendre, prive les autres de toutes les excuses. C’est pourquoi il reste inscrit dans les cœurs de ceux qui aiment la liberté9 ».

15Istrati a glorifié l’amitié avec ses personnages Michaïl, Binder, il l’a entretenue dans sa vie personnelle. Isaac Horowitz, Joseph Kessel le diront, Kazantzaki et sa femme Eleni Samios l’ont rendue immortelle par leurs écrits10 ; le bottier Ionesco n’a jamais cessé d’être un ami, Binder encore et Istrati a tant voulu revoir ce dernier en 1930, empêché, malheureusement, par les autorités égyptiennes. Romain Rolland le bienfaiteur à l’origine du tournant capital pour la vie d’Istrati et sans lequel la littérature aurait été plus pauvre, cet ami exigeant et difficilement éprouvé lors des campagnes de presse contre Istrati n’a pas pu ne pas regretter d’avoir abandonné son ami si rudement éprouvé. Il avait une position à défendre, d’autres compagnons de route qui étaient scandalisés, il avait une femme d’origine russe qui lui conseillait probablement de ne pas s’en mêler.

16Rolland lâchera un demi-repentir dans sa tentative d’expliquer une situation carrément impossible : « Istrati n’a trahi personne. Malade, la raison un peu perdue, soumis à de mauvaises influences, il a manqué d’amis fidèles, capables par leur affection de lui donner le réconfort dont il avait besoin11 ».

17Aldo Mazzanti, fils d’un commerçant de Nice et moins connu par les historiens littéraires donne aux étudiants roumains de Amfiteatru une interview sur son ami, photographe à l’époque sur la Promenade des Anglais : « J’ai gardé pour lui une amitié inconditionnelle, profonde et sincère comme la sienne et je voudrais lui serrer la main par dessus l’océan de haine de l’humanité12 ». Dans une recension publiée dans Reporter13, le jeune Eugène Ionesco affirme qu’Adrien Zograffi cherche l’homme idéal, rêvé par Carlyle et incarné par Michaïl, Aloman, l’homme généreux, l’ami absolu.

18Istrati a toujours soutenu qu’il s’efforçait par le Beau et le Bien de donner un sens à sa vie. La noblesse de l’âme, celle par exemple de l’égyptologue J. Edwards qui offre les plus précieux objets déterrés au musée Boulaq du Caire, qui mange à la marmite commune et que les ouvriers des fouilles appellent « Haouaga coès » (« le Bon monsieur »).

3. Socialisme, errance, exil

19Est-ce un hasard si la plupart des amis d’Istrati furent des sympathisants socialistes ? R. Rolland, les Juifs de Roumanie établis en Orient, le bottier parisien Georges Ionesco, Isaac Horowitz. Istrati a trouvé dans la doctrine et les mouvements socialistes du début du vingtième siècle une nouvelle religion dont il se veut un apôtre, un tribun. Il veut venger sa mère humiliée par la banlieue de Brăïla – brave femme qui a fait la lessive chez les riches pour élever seule son fils que les autres appelaient « bâtard », (« caţzaone »).

20Comme Mihail Eminescu14 (Empereur et prolétaire), George Coşbuc15 (Nous voulons de la terre), Istrati croyait au mythe de l’art justicier et de l’artiste citoyen. La période héroïque des débuts du socialisme en Roumanie cultivait effectivement l’amitié, la fraternité. « Le socialisme de cœur exigeait une constance morale et spirituelle – étonnante pour quelqu’un venu des Balkans16 ». On rêvait une solidarité ouvrière dans un monde sans frontières. C’est à cette époque que C. Racovski l’a impressionné comme orateur qui galvanisait les foules et qu’il s’est marié avec Jeanne Maltus après la mort du militant Ştefan Gheorghiu. Istrati commence à écrire dans la presse ouvrière et socialiste exaspéré par l’indifférence et le manque de verticalité face aux énormes injustices. Il voulait parler au nom des vaincus de la vie. « L’homme qui peine est seul au monde » dira Istrati, en 1929 aussi, dans la préface au livre de Victor Serge. Dans les contes roumains de haïdouks il a trouvé une école de beauté unie au besoin de justice et en tant qu’homme il est resté un éternel haïdouk, un errant épris de liberté opposant son refus à toute soumission.

21L’errance, l’exil se trouvent dans les mythes fondateurs du peuple juif. Les Perlmutter ne pouvaient pas y échapper : Avroum, parti de Botoshani vivra à Bucarest, ira à Berlin pour acheter des machines, à Galatzi pour son service militaire et on le trouve au début du récit à Constantza pour ses vieux jours, revenu à son métier de modeste tailleur. Son fils aîné s’est exilé en Amérique. Schimke, étudiant en médecine à Bucarest, puis à Jassy, sera obligé de quitter la Roumanie suite aux persécutions des « hooligans ». Il voyagera en Inde, en Belgique et deviendra en Égypte « un interprète sans avenir au service d’un monde sans cœur17 ». Obligé de quitter Alexandrie il continue son destin de juif errant. « Dans son vaste désir de vie intense, sincère et généreuse, Schimke reste l’intrus dont on se méfie partout18 ».

22Leur sœur Esther, au moment où son mariage avec le vieux bijoutier Haïmovici de Bucarest rencontre « des murailles de haine de toute part », partit en voyage seule en déposant chez sa maman son bébé d’un an. Après Londres, Jaffa, elle suit son deuxième mari John Edwards en Égypte et se fixe au Caire. Son futur départ en compagnie de sa fille est annoncé à la fin du récit. Sotir est un marin qui savoure « l’enivrement des espaces libres et des changements brusques19» et même reb Zalmen le vieil enseignant du Talmud qui le contredisait sur ce point à Constantza au début du récit, prendra à la fin le bateau vers Alexandrie pour accompagner Hanele, puis passer en Palestine car « heureux l’homme qui peut mourir en paix en Terre Sainte ! […] Au doux clapotis de la mer, il chantonnait sa monotone ivresse à la Gloire de l’Eternel20 » ! Mais on peut mourir avant le grand voyage, comme Rivke et Avroum avant la traversée, comme Isaac lorsque tout était préparé pour son rapatriement.

23Tous ces personnages hauts en couleur traversent des aventures insolites, mais dans la famille juive, comme partout, les enfants sont ingrats envers leurs parents qui ont tout sacrifié pour leur bonheur. « Cinq enfants, se plaint à Sotir le vieil Avroum, nous les avons nourris, dorlotés, élevés, pour eux nous avons tout sacrifié et maintenant nous n’existons pas pour eux. […] Quel crime avons-nous commis devant Dieu pour qu’il soit si cruellement injuste avec nous21 » ? « Le malheur est que nos enfants nous ont délaissés pour nos vieux jours22 ». Le seul plaisir qui reste à cet homme qui a dépassé la soixantaine est le souvenir. Il se nourrit de ses souvenirs et les partage volontiers avec les autres. « Racontez-nous votre vie », ordonna Sotir - une phrase et un procédé chers à Istrati qui introduit dans ses récits les indices de l’oralité et où chaque nouveau personnage lance le récit introduisant une nouvelle intrigue. Comme dans les récits oraux, l’intention moralisatrice, didactique traduit sa propre vision éthique qui colle à son idéologie humaniste.

24Dans la construction circulaire et polyphonique de La Famille Perlmutter plusieurs niveaux narratifs correspondent aux différents locuteurs (le narrateur, Avroum, Sotir, Isaac, Esther) et le « je » d’énonciation se multiplie grâce au relais des narrateurs. Istrati sait entraîner le lecteur à l’intérieur du monde fictif donnant, par l’immédiateté de la parole, l’illusion d’une performance réelle. Certains clichés thématiques : voyage, amitié, justice, destin – font surface chaque fois que le conteur décrit des situations similaires, reliées à une même thématique.

4. Débat Orient/ Occident

25Le débat Orient/Occident, un débat toujours d’actualité est souvent introduit par Istrati pour généraliser des observations ponctuelles issues de ses intrigues. Les Perlmutter restent des Orientaux, mais leur connaissance de l’Occident n’est pas sans importance, et puis ils sont nés en Roumanie – pays carrefour entre le Levant et le Ponant, traversé dans le récit par l’Orient Express et assurant à l’époque le service régulier de quatre paquebots rapides qui faisaient le trajet Constantza-Constantinople-Pirée-Smyrne-Alexandrie. L’Égypte, devenue européenne avec la construction du Suez et sous le protectorat anglais, est une terre hospitalière à l’époque où Istrati l’a connue (entre 1906-1913), un fourmillement, un carrefour de races, de langues et de coutumes orientales comme occidentales.

26Armand Blum – l’artiste qui a bouleversé la vie d’Esther, l’a entraînée à Londres et l’a déterminée à abandonner sa famille, – est l’un de ces Occidentaux infatués, génie incompris qui traitent les autres avec une pitié méprisante. Son milieu ?

Tous ces juifs « européens » à l’esprit borné et à l’horizon étroit, ces marchands de casseroles que j’ai appris à connaître autour de lui, ne peuvent se défaire du sentiment que nous sommes leurs parents pauvres, même si nous sommes plus riches qu’eux ! Cette insolence intérieure qu’ils éprouvent à l’égard de tout ce qui vient d’Orient m’a meurtri le cœur. Pour eux, tous les Juifs qui ne sont pas de Paris et qui vibrent d’une vie intense sont inférieurs à eux, les Occidentaux affranchis23.

27Joseph Jehouda, juif originaire d’Ukraine a fait sa vie de journaliste et d’écrivain à Genève ; il a dirigé pendant des années La Revue juive de Genève et a pu suggérer ou influencer ces propos tellement radicaux, mais Istrati porte souvent dans son œuvre un débat plus large sur le clivage Orient/Occident. « L’Occident fébrile et actif méprise trop facilement la douce fainéantise orientale24 ». Les touristes au Caire vus par Sotir assis à une terrasse sont drôles « à califourchon sur des ânes, leurs cous raides, leurs mines froides, ces visages de chiffon qui n’expriment rien, ne manifestent rien25 ». Ils sont venus visiter des merveilles, mais « on dirait des ouvriers allant, ce matin comme un autre, accomplir une besogne ». En Égypte l’âme orientale du futur écrivain s’était heurtée à l’argent et à la froideur de l’Occident.

28En rencontrant John Edwards sur le bateau, Esther apprécie d’abord chez cet Anglais la familiarité et la franchise, rarement rencontrées dans le beau monde où « Il faut se taire comme un sage ou bien parler comme un oracle26 ». Si avenir il y a dans cette difficile entente, il peut venir d’Israël car, selon le même trop parfait J. Edwards, « Israël est destiné à être le trait d’union entre les peuples du monde entier, entre l’Orient et l’Occident, comme entre l’Antiquité et les Temps modernes27 » ! Un siècle plus tard, dans notre monde globalisé on cherche encore une solution de paix durable.

29« Istrati avait une âme orientale et une intelligence occidentale. Son miracle a été de pénétrer, par son intelligence occidentale au plus profond de la sensibilité exubérante de l’âme orientale28 ».

5. L’Amour

30Grand conteur et fin psychologue, Istrati est d’abord préoccupé par les destins humains et il tâche de comprendre les comportements – très souvent poussés par la passion, par l’amour.

Il est écrit dans le livre invisible de toute destinée tragique que l’amour qui est une béatitude troublante pour le commun des mortels – doit être un brasier infernal pour les généreux au cœur fragile. C’est cela la destinée d’Isaac ! Quelle espèce de grain de sable est-il tombé dans son fragile mécanisme pour qu’il se détraque29 ?

31« Le charme est en nous entretenu par l’Amour. Hors de nous : la grande indifférence », reprend Istrati dans Le Pêcheur déponges, marquant aussi par la majuscule A son attachement à ce sujet.

32Le thème de l’amour est souvent lié dans les livres d’Istrati au sort de la femme, plus directement influencée par ce sentiment dans les coordonnées fondamentales de sa vie : épouse, mère, amante.

La première mission de toute femme est, selon Sotir, savoir souffler dans la braise ; quant au reste, nous nous en chargeons ! La brave Rivke a soufflé avec toute sa passion et la dévotion de sa race. Obéissance, fidélité se retrouvent chez les femmes turques, mais le Turc est tyran : il tue l’amour dans le cœur des femmes en les soumettant. Et sans amour rien ne peut subsister. En ceci un Juif est un époux civilisé ; il n’est pas tyran. Aussi est-il aimé – en dépit de toutes ses extravagances – par la meilleure des épouses, celle qui assure à l’homme en cas de défaite, une affection chaude, une retraite réconfortante, l’amour. […] La passion n’est pas l’amour, mais l’amant peut être un époux30 !

33Pourtant la condition de la femme n’est pas trop à envier du temps d’Istrati et de son ami Jehouda. Rivke connaît bien la place qui lui est assignée : « Je ne suis qu’une pauvre vieille femme, bien insignifiante à côté de ces trois vastes intelligences » ; elle sait aussi qu’elle ne peut pas interrompre « par son bavardage de femme la conversation abstraite des hommes31 ». Respectueuse des lois du Talmud, elle désavoue sa fille Esther bannie par ceux qui fréquentent la synagogue. Elle ne peut pas comprendre cette fille non conformiste « trop savante pour une maison juive32 ». Un immense écart de civilisation entre la mère et sa fille avec ses risques et périls.

34Le bonheur d’Esther est de vivre enfin auprès d’un homme intelligent, sincère et généreux. « Tout n’est pas laid dans la vie, si laide soit-elle33 » est la pensée forte de cette femme qui a osé changer son destin. Après le décès de son époux, comme elle ne peut plus aider ses parents, malheureusement disparus eux aussi après la mort d’Isaac, elle décide de consacrer ses jours à l’éducation d’Hanele.

Conclusion

35Avec le stylo qu’Istrati malade a offert à Jehouda à la gare de Nice quand ils se sont vus pour la dernière fois en 1934, celui-ci a écrit non seulement le nécrologue demandé (Revue juive de Genève, mai 1935), mais une étude évocation, projet d’un livre inachevé jusqu’à sa mort en 1966. C’est l’hommage d’un ami à l’écrivain qui a dépassé son époque, qui a dénoncé les abus et s’est voulu près des déshérités. « La Bonté est appréciée par Istrati en fonction du sacrifice de tout ce qu’on est et ce qu’on a sur l’autel de l’amour et de l’amitié34 ».

36Toute l’œuvre d’Istrati est d’abord un document humain. Même si La Famille Perlmutter n’est pas un chef d’œuvre (jugée par D. Seidman plutôt « une plaidoirie »), le talent de conteur d’Istrati n’est pas démenti. Ce texte – plutôt recueil de nouvelles que roman, dans lequel des pauses narratives un peu longues séparent le début du final de la diégèse, est un texte fédérateur, significatif pour l’ouverture d’esprit d’Istrati.

37Joseph Kessel – un autre ami et frère de croix dans leur jeunesse –, raconte qu’Istrati a composé comme il a vécu, « en état de grâce ». « Il a cette sagesse d’Orient qui a des yeux neufs d’enfant et seule permet de découvrir sans cesse le monde en même temps que de le pénétrer35 ». Tout ce que P. Istrati a écrit montre la profonde honnêteté de l’acte d’écrire identifié à l’acte de vivre.

38Alexandru Talex, l’ami qui a consacré sa vie professionnelle à l’héritage littéraire laissé par Istrati, soulignait dans une interview enregistrée en mars 1990 à Bucarest que « Istrati va grandir en exilé du dedans, ce qui fait de lui un personnage type des temps modernes36 ».

39Dans la francophonie littéraire – ce laboratoire de la culture post-moderne –, Istrati fait figure de pionnier avec sa voix discordante, mais forte et originale.

40Si Panaït Istrati est réédité, si on continue à lui consacrer des exégèses, des articles et à se réunir pour l’évoquer, c’est que les paroles de 1924 du très jeune Mircea Eliade étaient justes : « Son œuvre est trop pleine de vérité pour mourir37 ».

Notes de bas de page numériques

1  P. Istrati, Lettre à Richard Bloch, 2 juin 1926 in P. Istrati, Corespondenta cu scriitori străini,(Correspondance avec des écrivains étrangers,traduction Al. Talex),Bucarest,Minerva, 1988, p. 231.

2  L’édition Gallimard de 1968-1970 P. Istrati Œuvres I-IVavait commis l’erreur de ne pas mentionner le coauteur de La Famille Perlmutter et s’en excuse dans un Erratum : « Nous le regrettons d’autant plus que dans la préface du premier volume, Joseph Kessel rendait hommage à J. Jehouda qui fut à l’origine de la vocation littéraire d’Istrati ».

3  R. Rolland, Lettre à P. Istrati, 13 nov. 1926 in Correspondance intégrale Panaït Istrati-Romain Rolland 1919-1935, Valence, Canevas éditeur, 1989, pp 222-223.

4  J. Jehouda, P. Istrati in Les Cahiers de l’Association Les Amis de Panaït Istrati n°4, 1987.

5  E. Samios-Kazantzaki, La véritable tragédie de Panaït Istrati, Paris, Lignes/Imec, 2013, p. 38.

6  P. Istrati, La Famille Perlmutter, Paris, Gallimard, 1998, p. 376.

7  E. Geblesco, Panaït Istrati et la métaphore paternelle, Paris, Anthropos, 1989.

8  P. Istrati, La Famille Perlmutter,Paris, Gallimard, 1998, p. 251.

9   Anselme Jappe, Postface à E. Samios-Kazantzaki, La véritable tragédie de P. Istrati,Lignes, 2013, p .227.

10  Eleni Samios-Kazantzaki, La véritable tragédie de Panaït Istrati, Paris, Lignes/Imec, 2013.

11  M. Tetu, Entretiens avec R. Rolland in Europe, nov.-déc. 1955, p. 180.

12  A. Mazzanti P. Istrati in Amfiteatru n° 3, Bucarest, mars, 1966, p. 5.

13  E. Ionescu, Recension à Biroul de plasare (Le Bureau de placement)in Reporter, IIn ° 45-46, Bucarest, 14 nov. 1934.

14  M. Eminescu (1850-1889), considéré le plus important des poètes roumains.

15  G. Coşbuc (1866-1918), poète roumain de Transylvanie.

16  M. Iorgulescu, Celălalt Istrati (L’autre Istrati), Bucarest, Polirom, 2004, p. 123.

17  D. Seidman, LExistence juive dans lœuvre de Panaït Istrati, Paris, Nizet, 1984, p. 75.

18  D. Seidman, LExistence juive dans l’œuvre de Panaït Istrati, Paris, Nizet, 1984, p. 76.

19  P. Istrati, La Famille Perlmutter, Paris, Gallimard, 1998, p. 253.

20  P. Istrati, La Famille Perlmutter, Paris, Gallimard, 1998, p. 382.

21  P. Istrati, La Famille Perlmutter,Paris, Gallimard, 1998, p. 255.

22  P. Istrati, La Famille Perlmutter, Paris, Gallimard, 1998, p. 268.

23  P. Istrati, La Famille Perlmutter, Paris, Gallimard, 1998, p. 365.

24  P. Istrati Lettre à J. Jehouda,Nice, février 1926 in P. Istrati Corespondenţa cu scriitori străini (Correspondance avec des écrivains étrangers), trad. Al. Talex, Bucarest, Minerva, 1988, p. 298.

25  P. Istrati, La Famille Perlmutter,Paris, Gallimard, 1998, p. 367.

26  P. Istrati, La Famille Perlmutter, Paris, Gallimard, 1998, p. 372.

27  P. Istrati, La Famille Perlmutter, Paris, Gallimard, 1998, p. 376.

28  A. M. de Jong, Conférence donnée à Amsterdam le 19 avril 1926 pour l’Association Hollande-Roumanie.

29  P. Istrati, La Famille Perlmutter, Paris, Gallimard, 1998, p. 309.

30  P. Istrati, La Famille Perlmutter,Paris, Gallimard, 1998, p. 357-358.

31  P. Istrati, La Famille Perlmutter, Paris, Gallimard, 1998, p 262.

32  P. Istrati, La Famille Perlmutter, Paris, Gallimard, 1998, p. 352.

33  P. Istrati, La Famille Perlmutter, Paris, Gallimard, 1998, p. 81.

34  J. Jehouda, P. Istrati in Les Cahiers de l’Association Les Amis de Panaït Istrati,n° 4, 1987.

35  J. Kessel, Préface à Panaït Istrati Œuvres,tomeI, Paris,Gallimard, 1968, p . XXIII.

36  M. Popovici, Une conversation inédite avec Alexandru Talex in România literară (La Roumanie littéraire), n° 48, Bucarest, 4 déc. 2009.

37  M. Eliade, Reflecţii asupra lui P. Istrati in Universul literar, n° 40, Bucarest, 15 oct. 1924.

Bibliographie

 Textes de Panaït Istrati

ISTRATI Panaït, Œuvres I-III, Paris, Phébus, 2006

ISTRATI, Panaït, Trecut şi viitor, Bucarest, Renaşterea, 1928

ISTRATI, Panaït, Cum am devenit scriitor (Comment je suis devenu écrivain), traduction Alexandru Talex, Bucarest, Scrisul românesc, 1981

ISTRATI, Panaït, Corespondenta cu scriitori străini,(Correspondance avec des écrivains étrangers),traduction Alexandru Talex),Bucarest,Minerva, 1988

 Autres textes ou études

Cahiers Panaït Istrati 1987, 1990, 1996

GEBLESCO Elisabeth, Panaït Istrati et la métaphore paternelle, Paris, Anthropos, 1989

IONESCU Mariana, Les (en)jeux de l’oral et de l’écrit : Le cas de Panaït Istrati, Brăïla, Istros, 2000

IORGULESCU Mircea, Celălalt Istrati (Lautre Istrati), Bucarest, Polirom, 2004

JUTRIN-KLENER Monique, P. Istrati un chardon déraciné ; écrivain français, conteur roumain, Paris, Maspero, 1970

OPREA Alexandru, Panaït Istrati un chevalier errant moderne, Bucarest, Eminescu, 1973

PERIŞANU Mariana, Francophonie littéraire roumaine. Mini-glossaire et convergences, Bucarest, Éditions ASE, 2011

SAMIOS-KAZANTZAKI Eleni, La Véritable Tragédie de Panaït Istrati, Paris, Lignes/Imec, 2013

SEIDMAN David, LExistence juive dans l’œuvre de Panaït Istrati, Paris, Nizet, 1984

Pour citer cet article

Mariana Perişanu, « Droiture éthique et vérité d’un carrefour thématique – La famille Perlmutter », paru dans Loxias, Loxias 40., mis en ligne le 04 mars 2013, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=7358.


Auteurs

Mariana Perişanu

Mariana Perişanu est professeur à l’Institut français de Bucarest, ancien professeur à l’Académie d’Études Économiques de Bucarest et à l’Université d’Artois (Arras) ; docteur en littérature comparée, auteur de manuels et méthodes de français, de Convergences narratives dans l’espace moderne de la latinité (1999), Le Pari à Paris (2007), Francophonie littéraire roumaine (2011) ; collaboratrice à Travaux de littérature (2003-2009), à Année Francophone Internationale (2004-2013), au dictionnaire de littérature francophone Passages et ancrages en France (H. Champion, 2012). Palmes Académiques en 2005.