Loxias | Loxias 32 « Qu’il parle maintenant ou se taise à jamais… »: Les effets du silence dans le processus de la création (1) | I. Le sceau rompu du silence 

Dora Leontaridou  : 

Silences, métamorphoses de la parole et transcendance dans le discours féminin

Résumé

De l’Antiquité au Moyen Âge et jusqu’aux débuts du théâtre français qui fait ses premiers pas au XVIe siècle, la parole confisquée des femmes trouve des exutoires dans des alternatives diverses. Le tissage, la broderie, la divination marquent l’expression des femmes. Les structures sociales de ces époques là, relèguent les femmes dans un statut inférieur, soumis à l’autorité des hommes. Cette position a un impact sur la parole des femmes qui est soit interdite (comme dans le cas de Cassandre et son discours politique non entendu), soit trop faible pour être pris au sérieux ou pour s’imposer, comme dans le cas de Pénélope ou d’Andromaque au Moyen Âge. Les différents moyens d’expression que les femmes adoptent pour s’exprimer se prouvent aptes à énoncer ce qui n’est pas permis d’être énoncé par la voie langagière.

Index

Mots-clés : Antiquité , condition des femmes, Moyen Âge, mythe, théâtre français

Plan

Texte intégral

1« Femme, le silence est l’ornement des femmes ». Cet énoncé adressé à sa compagne Tecmesse par Ajax dans la tragédie éponyme de Sophocle, reflète très probablement la mentalité du Ve siècle avant notre ère. La confiscation de la parole féminine dans l’Antiquité, au Moyen Âge et dans le XVIIe et le XVIIIe siècle est un lieu commun. Le débat sur le droit des femmes – entre autres – à la parole, à la parole publique, deviendra l’un des enjeux de l’époque de la Révolution, tantôt en France tantôt dans les pays anglophones1. Mais jusqu’à cette époque-là, qu’en est-il de cette parole confisquée ? La parole verbale étouffée se métamorphose soit en un autre code d’expression, soit elle prend une allure transcendante pour pouvoir se faire entendre. Nous allons suivre de près ces processus de métamorphoses de la parole féminine et ses liens avec l’extraordinaire et le métaphysique à travers les transformations des figures mythiques de Pénélope, de Philomèle, de Daphné, de Cassandre et d’Andromaque.

1. Les métamorphoses du silence : le tissage et la broderie

1.1. Pénélope

2Dans les vers de l’Odyssée est transcrite une parole-silence. Pénélope, trop faible pour s’imposer dans le milieu des prétendants, trop vulnérable pour énoncer son refus net à eux, mais assez forte pour y résister, recourt au silence et trouve un substitut de la parole : le tissage et le detissage. Ioanna Papadopoulou-Belmehdi observe :

Ainsi Pénélope ne peut pas s’exprimer librement. D’autant que, selon la temporalité poétique propre à l’Odyssée, le tissage insolite se situe au passé dans l’intrigue. L’opposition ouverte au mariage date d’après la ruse éventée et appartient aux nouveaux rapports que l’ultimatum des prétendants a instaurés ; or, la structure verbale du tissage-prétexte, tel qu’il est récité dans les trois versions, permet de déduire que celui-ci appartient à une période du silence ou de messages trompeurs. Au cours des quatre années rythmées par ses desseins secrets, Pénélope suscitait des espoirs en envoyant des promesses à chacun des prétendants, ainsi qu’Antinoos l’affirme (II, 91-92). Or, l’ambigüité des sentiments de Pénélope – tels qu’elle-même les exprime dans son récit sur la toile – est « datée » : elle concerne la période de la ruse efficace, d’un tissage allant de pair avec un discours mensonger.
L’épisode de la toile fonctionne comme une charnière dans la temporalité du récit, ce qui élucide l’ambigüité langagière de Pénélope. Sa mêtis exprimée par la toile, se trouve épuisée à l’ouverture du poème. Le texte de cette mêtis préserve un discours inopérant dans l’action au temps présent, discours tissé et détissé comme la toile : tissé, il représentait la ruse ; détissé, il disait la vérité sur le cœur et la volonté de Pénélope2.

3La parole confisquée trouve donc un exutoire dans le tissage, qui constitue ruse et parole à la fois, et qui exprime le refus que Pénélope oppose aux prétendants. Une dénégation qui ne peut pas être contournée parce qu’il n’est pas énoncée par une voie langagière. Son message est exprimé symboliquement, rendant l’accomplissement du tissu impossible. Le tissage forme toutefois une parole nette, différente sans doute, mais capable d’exprimer avec justesse l’impossibilité de ce mariage forcé. L’adynamie de la position de Pénélope fait que sa parole n’est pas respectée, son opposition au mariage n’est pas prise au sérieux. Sa condition défaillante annule la validité de son discours, et la condamne donc au silence. Toutefois ce silence verbal imposé est à son tour annulé par sa mêtis, qui égale celle de son mari. Elle utilise le truc que sa position en tant que femme lui permet : le tissage, occupation très conforme à une femme décente. Néanmoins ce tissage spécifique devient dans ses mains une voix, qui lui permet en définitive de garder sa place, son statut et son refus intacts, et comme l’écrit Louise Bruit Zaidman3, ce substitut de la parole la rend « maîtresse du temps des hommes ».

1.2. Philomèle

4Le tissage fut aussi moyen d’expression pour une autre femme selon le mythe.

5Alors que le roi d’Athènes Pandion était en guerre avec les Thébains, le roi de Thrace Térée était venu l’aider. Une fois la guerre gagnée, Pandion, voulant remercier Térée, lui donne sa fille Prokné comme épouse. Après avoir vécu en Thrace, Prokné se languit de sa sœur cadette Philomèle. Térée se rend à Athènes pour la chercher. Pendant leur voyage vers la Thrace, Térée viole Philomèle, et par la suite, il lui coupe la langue afin qu’elle ne puisse le révéler à sa sœur. La coupure de la langue, effet symbolique puisque un tel handicap ne pourrait pas être expliqué de façon convaincante à son épouse, (si l’on croit que le mythe prend ses racines dans des événements réels) montre sans doute la violence psychologique imposée à la jeune fille. Or, une fois arrivée en Thrace, Philomèle se met à broder et fabrique une tapisserie où elle raconte tous les événements.

6Ce mythe nous est parvenu par les fragments de la tragédie Terée de Sophocle4. Il était connu toutefois à l’époque homérique aussi. Prokné sous son autre nom Aédon, qui signifie en grec rossignol, fait son apparition dans les vers de l’Odyssée5. Selon l’étude perspicace de Nicole Loraux ce mythe revêt une allure très significative sur la culpabilité féminine dans la tragédie attique, surtout dans la partie qui concerne Prokné6. Dans la tragédie antique le chant du rossignol, est assimilé à toute lamentation féminine, et y introduit de manière subreptice une vague ombre de la culpabilité7. Le paradigme du rossignol est utilisé dans la tragédie grecque8 avec une telle fréquence au cours du Ve siècle et chez des auteurs si différents que nous devons nous demander s’il ne faisait pas partie du langage courant, à la manière d’une métaphore.

7La tapisserie devient donc un moyen d’expression pour une fille à qui on a imposé le silence, de manière métaphorique et réelle. Le silence dans lequel on l’a cantonnée est surpassé par un substitut du langage qui est en mesure d’exprimer ce que la langue coupée ne peut pas: la violence, la cruauté et l’injustice subies. Des ouvrages proprement féminins tels que le tissage et la broderie deviennent donc un code d’expression qui permet à la parole confisquée des femmes de refaire surface sur un autre mode.

2. Le silence verbal et la transcendance

8L’étouffement de la parole féminine passe aussi par d’autres voies. Apollon, dieu de l’art divinatoire, a lui aussi sa part dans les transformations de l’expression verbal des femmes.

2.1. Daphné et la transposition de la parole

9Daphné, qui en grec signifie « laurier », est la fille de Gaïa, déesse primordiale de la Terre, qui fait partie des divinités dont le culte était antérieur à celui des dieux de l’Olympe qui les ont remplacées au fil des ans. Le sanctuaire de Gaïa était installé à Delphes, à l’endroit même où gisent aujourd’hui les reliques du fameux sanctuaire d’Apollon. Le premier sanctuaire, celui de Gaia, pratiquait aussi, entre autres devoirs cultuels, la divination. Il semble que le VIIIe siècle connaisse un déclin du culte de Gaïa, et une progression du culte d’Apollon qui s’installe dans le pays et remplace celui des divinités précédentes. Cette pratique était très habituelle en Grèce de l’époque9. La fusion des deux cultes est renforcée par le fait que le nouveau sanctuaire d’Apollon est gardé par un serpent appelé Python, qui était le fils de Gaïa. Il semble que Daphné ait été elle aussi une divinité ou une prophétesse dans le temple de Gaïa. Selon le mythe, le dieu Apollon dès qu’il la voit, tombe amoureux d’elle et la poursuit. La jeune fille, ne voulant pas s’unir à lui, et voyant qu’elle ne peut lui échapper, prie sa mère de la sauver. Gaïa s’ouvre et avale sa fille. De la fente surgit une plante, le laurier. Dans le nouveau sanctuaire d’Apollon, l’art divinatoire était pratiqué par une prêtresse appelée Pythie qui mastiquait des feuilles de laurier pour tomber en extase et énoncer par sa bouche l’oracle du dieu que les prêtres de dieu mettent par la suite en ordre.

10Sur ce mythe Christa Wolf observe avec perspicacité :

Parallèlement au processus de formation des Etats, les anciennes déesses de la tribu sont soumises aux nouveaux dieux officiels de l’Etat. Et c’est au cours de ces mêmes siècles qu’à partir du culte de la nymphe des montagnes Daphné (« laurier »), installée comme prêtresse divinatrice par la mère-terre Gaia et accomplissant son service à Delphes dans une simple hutte faite de branches de laurier au deuxième millénaire avant notre ère (l’époque de Cassandre « historique » !), à partir donc de ce culte exclusivement matriarcal des prêtresses qui accompagnaient de chants choraux, de danses, de sacrifices rituels et d’oracles chaque événement public important de leur clan, de leur tribu ; que plus tard, à partir d’un « temple de cire et de plumes » construit, dit-on par des abeilles (cet animal du clan féminin), se dressa finalement, au septième siècle, le premier grand temps de bronze à Delphes qui, consacré cette fois sans équivoque au seul Apollon, aurait eu recours aux « chanteuses dorées » comme seul ornement de façade : « les femmes qui appellent », allant une fois par mois aux carrefours pour invoquer la Lune- un culte lié à Déméter et à Artémis, sœur d’Apollon…10.

11Il est évident que l’ancien culte de Daphné est relégué au niveau des feuilles qui produisent l’extase de la Pythie, qui à son tour, fonctionne en tant que medium entre le monde des mortels et celui du transcendant incarné dans la figure du nouveau maître-dieu Apollon. Le passage de la période où les femmes étaient vivement impliquées aux rites cultuels à celle du patriarcat a changé la donne. L’élément féminin avec ses prérogatives dans l’espace des services cultuels11 se trouve relégué et remplacé par les nouveaux maîtres du monde. La parole de Daphné est estompée par la parole d’Apollon qui a occupé sa place.

12Mais Daphné n’est pas la seule divinité dont la parole soit annulée par celle d’Apollon et son art divinatoire.

2.2. La parole non écoutée : Cassandre

13Cassandre est selon le mythe coupable et victime. Selon le récit légendaire, elle avait donné des promesses à Apollon si ce dernier lui révélait son art divinatoire. Mais comme elle n’a pas tenu sa promesse et s’est refusée au dieu, celui-ci l’a maudite pour que personne ne croie à ses oracles.

14Dans les sociétés de la guerre de Troie, qui date du XIIe siècle avant notre ère, (l’Iliade date du VIIIe siècle), la place de la femme était restreinte à ses devoirs familiaux et religieux12. La politique et la guerre était l’affaire des hommes. Il semble que Cassandre n’accepte pas la confiscation de sa parole, ni les marges étroites de sa place en tant que femme, car elle s’obstine à parler, librement, clairement. Qui plus est, elle ne parle pas des sujets féminins, mais de la politique en suggérant ce que la cité doit ou ne doit pas faire. Cette attitude est inouïe pour son époque. La place de la femme est restreinte exclusivement au secteur privé. Les affaires de la cité sont confiées aux hommes13. Dans ce cas d’une femme rebelle, qui n’étouffe pas sa parole comme elle le devrait, la société a inventé ses anticorps : personne ne la croit. Et comme dans d’autres cas, on invente un mythe, cette fois pour cacher la vérité.

15Cassandre devait recourir à la provenance transcendante de ses paroles, censées provenir de l’art divinatoire (μαντική) dont Apollon l’avait gratifiée. Mais la société contemporaine, si l’on en croit la tradition, ressentait de la répulsion pour un discours politique énoncé par la bouche d’une femme et y restait sourde. Pire encore, elle a fabriqué son auto-innocence en accusant Cassandre de ruse. La société est ainsi parvenue à s’innocenter, Cassandre devient une folle, personne ne l’écoutant, ne considérant sa parole comme digne d’attention. C’est l’inverse du silence, c’est la non-écoute, la non-réception du message ; cette attitude constitue néanmoins la même rupture de communication que le silence et puisque personne ne prête attention à ce qu’elle dit, son discours est annulé.

16Au fil des ans cependant, les réécritures du mythe rétablissent cette personnalité. Les hypertextes du XIXe et du XXe siècle présentent une Cassandre bien logique qui participe aux conseils d’État et dont le jugement est sollicité et pris au sérieux14. Ce fait montre l’évolution des mentalités et que le mythe de sa folie, et de la provenance divine de son discours inspiré, n’est plus valable. Dès que les structures sociales libèrent l’expression des femmes, le discours transcendant cède au discours logique.

17Il semble que le passage de l’époque archaïque où les femmes jouissaient de quelques prérogatives – au moins dans les services cultuels – au patriarcat des époques historiques, a scellé pour toujours la parole des femmes. Le remplacement du rôle prépondérant de Daphné par le culte d’Apollon, l’imposition de la punition sévère à la parole divinatoire de Cassandre (tandis que celle de son frère Hélénos, obtenue elle aussi grâce au même dieu, demeure valable) montre ce recul de la parole magique féminine au profit des nouveaux maîtres, les hommes.

18Cependant le discours féminin au fil du temps va renouer ses liens avec le transcendant. Sur ce point, il est intéressant de voir comment la parole féminine confisquée se transforme en discours transcendant.

3. Parole silence et discours transcendant

3.1 Andromaque iliadique

19Dans l’Iliade, Andromaque a sa propre voix. Durant le siège de la ville par les Grecs, dès qu’elle apprend la tournure défavorable du combat pour les Troyens, elle abandonne son domicile, presque affolée, avec son bébé Astyanax dans les bras, (accompagnée toutefois de la nourrice), et elle monte sur les remparts de la ville pour voir de ses propres yeux ce qui est en train de se passer sur le champ de bataille. La femme homérique se déplace dans l’espace public, sans cause spécifique d’un devoir à accomplir par exemple, avec une facilité dont ne dispose pas une femme d’Athènes15. C’est à son arrivée aux remparts de la ville que se déroule la fameuse scène « des adieux » entre Andromaque et Hector16. Lors de cette rencontre, Andromaque craignant la mort de son mari, tente de le dissuader de participer aux combats et de le retenir dans la ville, loin des champs de bataille. Elle lui dit :

Pauvre fou ! Ta fougue te perdra. Et n’as-tu pas pitié non plus de ton fils si petit, ni de moi, misérable, qui de toi bientôt serai veuve ? Car les Achéens bientôt te tueront, en se jetant tous ensemble sur toi ; et pour moi alors, si je ne t’ai plus, mieux vaux descendre sous terre. […] Je n’ai déjà plus de père ni de digne mère. […] Dans ma maison, j’avais sept frères, et tous, en un seul jour, s’en furent chez Hadès, tous abattus par le divin Achille aux pieds infatigables, […] Hector tu es pour moi tout ensemble, un père, une digne mère ; pour moi tu es un frère autant qu’un jeune époux. Allons ! cette fois, aie pitié ; demeure ici sur le rempart ; non ne fais ni de ton fils un orphelin ni de ta femme une veuve17.

20Ces vers montrent clairement que la mort imminente d’Hector est très nette pour Andromaque, qui comprend que la « fougue » de son mari le conduira vite à la mort. Ce discours ne comporte rien de transcendant ou d’extraordinaire, Andromaque ne lit pas l’avenir d’une façon surnaturelle, mais, comme le dit Christa Wolf (à propos de Cassandre), « elle prévoit l’avenir parce qu’elle a le courage de voir le présent tel qu’il est ». L’avenir est défini par le caractère fougueux de son mari et les conditions de la guerre dans lesquelles ils vivent.

21Comme on pouvait s’y attendre, Hector ne se laisse pas persuader, il développe ses contre-arguments en évoquant l’idéal héroïque basé sur l’honneur et la dignité, ( v. 441-465 ), et il prononce son discours de façon à ne plus permettre à sa femme de parler :

Pauvre folle ! Que ton cœur, crois-moi, ne se fasse pas tel chagrin. Nul mortel ne saurait me jeter en pâture à Hadès avant l’heure fixée. Je te le dis : il n’est pas d’homme, lâche ou brave, qui échappe à son destin, du jour qu’il est né. Allons ! Rentre au logis, songe à tes travaux au métier, à la quenouille, et donne ordre à tes servantes de vaquer à leur ouvrage. Au combat veilleront les hommes, tous ceux – et moi, le premier – qui sont nés à Ilion18.

22Cependant le discours de son mari n’est pas suffisant pour qu’Andromaque soit persuadée. Mais elle obéit, elle cesse de parler, et elle

s’en revient chez elle, en tournant la tête et en versant de grosses larmes. Elle arrive bientôt à la bonne demeure d’Hector meurtrier. Elle y trouve ses servantes en nombre ; et chez toutes, elle fait monter les sanglots. Toutes sanglotent sur Hector encore vivant, dans sa propre maison. Elles ne croient plus désormais qu’il puisse rentrer du combat, en échappant à la fureur et aux mains des Achéens19.

23La clairvoyance des femmes n’est pas prise en considération dans une société qui est basée sur l’idéal héroïque et l’honneur gagné sur les champs de bataille. Ce milieu exclusivement réservé aux hommes exclut la parole féminine. La parole confisquée des femmes tourne en lamentations.

24À l’époque latine et médiévale, le mythe de Troie connaît un nouvel essor grâce à des réécritures successives qui tantôt s’inspirent des épopées existantes, tantôt prennent leurs aises à l’égard du mythe. Dans quelques-unes de ces épopées qui puisent dans la scène « des adieux » de l’Iliade, la parole d’Andromaque revêt une nouvelle allure.

3.2. Le songe prémonitoire dans le récit de Darès

25Dans l’épopée en langue latine intitulée Histoire de la Destruction de Troie attribuée à un certain Darès, datée, d’après le manuscrit qui est parvenu jusqu’à nous, d’avant 565 de notre ère20, le récit de la fameuse scène comprend un nouvel élément, le songe :

Mais lorsqu’arrive le moment de la bataille, Andromaque, la femme d’Hector, voit en songe qu’Hector ne doit pas s’engager dans la bataille. Quand elle lui fait part de ce qu’elle a vu, Hector rejette ces paroles, bien dignes d’une femme21.

26L’intertexte avec les vers iliadiques est flagrant. Toutefois, ce qui est altéré, c’est le discours d’Andromaque. Cette fois, elle recourt au songe, au songe prémonitoire, c’est-à-dire qu’elle prétend avoir un lien mystique avec le transcendant, qui lui révèle l’avenir et plus précisément ce que Hector doit faire. Hector refuse la validité du rêve, il refuse donc que sa femme possède ces forces surnaturelles de communiquer avec l’au-delà. Le mythe ainsi transformé laisse entendre qu’Hector, l’infidèle, fait fi de la prémonition envoyée par le surnaturel. Cependant Andromaque n’abandonne pas ses efforts, et elle ne se tait pas comme le fait son prédécesseur iliadique. Elle recourt à Priam avec qui elle utilise le même processus :

Elle se précipite chez Priam, au palais, lui dit ce qu’elle a vu en songe, qu’Hector veut, à bonds rapides, partir à la bataille. […] À tous, Priam donna l’ordre de partir à la bataille, il retint Hector22.

27L’attitude de Priam montre clairement qu’il prend au sérieux le songe prémonitoire d’Andromaque. Sa parole niée par Hector, trouve toute sa splendeur une fois que son beau-père l’accepte comme digne d’attention. Néanmoins, il ne s’agit pas de sa propre parole, mais d’un signe surnaturel, exprimé par ses lèvres. Il n’est pas donc question d’une parole humaine, mais d’une parole censée divine qui circule à travers elle. Cette transformation du mythe implique entre autres la revalorisation de la figure du roi-père présenté comme plus pieux et plus sensé que son vaillant fils. L’idéal héroïque est légèrement modifié par le renforcement de la figure du roi médiéval qui laisse à la piété une place importante.

3.3 La multiplication de la puissance surnaturelle : Le Roman de Troie

28La même mentalité domine dans Le Roman de Troie, une épopée française du XIIe siècle. Cette épopée, de l’aveu de son auteur, Benoît de Sainte-Maure, est composée de deux épopées antérieures : celle de Darès, et d’une épopée de la même époque environ, intitulée l’Éphéméride de la guerre de Troie, attribuée à un certain Dictys le Crétois23. Le Roman constitue une épopée beaucoup plus longue que les deux précédentes. La scène du songe d’Andromaque est également plus développée et enrichie de multiples éléments qui renforcent la provenance censée surnaturelle du songe. Andromaque s’adresse à son mari :

Seigneur, lui dit-elle, je veux vous faire part d’un prodige qui me cause une si vive douleur que peu s’en faut – si grands sont mon effroi et ma crainte – que moi-même je ne défaille et perde conscience. Les plus puissants des dieux m’on fait savoir, afin que je vous le répète, que vous ne deviez pas aller au combat. C’est par moi que, d’une manière très extraordinaire, ils vous en avertissent et vous en font défense. Autrement, c’est sur une bière que vous reviendrez du champ de bataille. Les dieux, les puissances célestes ne veulent pas que vous mouriez, ils me d’on clairement indiqué. La défense qu’ils vous font est nette : si vous allez vous battre, ce jour sera le dernier de votre vie. Et à partir du moment où ils vous l’ont interdit, si vous m’en croyez, vous n’irez pas vous battre contre leur gré. Je vous le dis : vous devez par-dessus tout faire attention à ne pas vous opposer à leur volonté, ne rien faire qui n’ait pas leur agrément24.

29Il est évident qu’Andromaque tente de mettre en valeur sa parole en évoquant une puissance supérieure à elle et supérieure même à Hector, celle du surnaturel. Les énoncés qui soulignent dans ce passage ce rapport privilégié entre Andromaque et la parole divine sont beaucoup plus nombreux que ceux de l’hypotexte : Les plus puissants des dieux m’on fait savoir, afin que je vous le répète, C’est par moi que, d’une manière très extraordinaire, ils vous en avertissent et vous en font défense, Les dieux, les puissances célestes ne veulent pas que vous mouriez, ils me l’ont clairement indiqué. Ces énoncés montrent un chevauchement de la parole providentielle et de la parole d’Andromaque afin que cette dernière soit mise en valeur.

30L’Andromaque homérique, bien que soumise à son époux, avait le droit de penser et d’exprimer sa propre considération – quoique limitée – en tenant compte d’éléments tout à fait logiques, la fougue de son mari et la supériorité des ennemis. Cependant les Andromaques latine et médiévale ont perdu définitivement leur droit de penser et d’exprimer leurs propres jugements. Seule leur est permise l’inspiration divine, la situation de medium entre la parole surnaturelle et le monde des mortels. La révélation de la volonté sacrée à un mortel constitue indubitablement un honneur suprême, qui le rend supérieur à ses semblables. Cette révélation compense la dissymétrie entre l’homme et la femme. La parole confisquée de la femme est revalorisée par l’appel à la révélation divine. Or, ce n’est plus la femme qui parle, Andromaque, mais le surnaturel, dont la volonté est exprimée par sa bouche.

31Le récit retient la structure de Darès ; Hector couvre Andromaque de reproches qui s’adresse à Priam. Celui-ci ne reste pas du tout indifférent aux histoires de sa bru :

La peur et la crainte envahissent le roi Priam : il voit bien en effet que le danger est grand et il n’a confiance en personne d’autre qu’en Hector ; c’est son espérance et son refuge. S’il ne va pas au combat, les Troyes auront le dessous, les choses tourneront mal pour eux aujourd’hui. Pourtant, il ne peut faire autrement que de lui interdire d’y aller. Il connaît la très grande sagesse d’Andromaque et on ne doit pas refuser les bons conseils que l’on vous donne25.

32Il est évident que l’énoncé a changé complètement de sens. Priam ne compte plus sur la prémonition divine, mais sur les conseils d’Andromaque. Or le conseil sérieux, nécessite une certaine activité d’esprit et une capacité de jugement de la part de la personne qui l’énonce. Les deux passages précédents expriment deux attitudes différentes, controversées quoique présentes en même temps. D’une part, la parole féminine confisquée trouve son exutoire via la médiation de la parole divine, elle n’est pas prise toutefois au sérieux. D’autre part, la même parole est qualifiée de conseil judicieux ; libérée apparemment de son lien au divin, elle est appréciée et prise en considération.

33Pourquoi au fil des ans est-on passé à une étape où la femme n’a plus le droit de parole ? Sur ce point, nous nous risquerons à une hypothèse. Le christianisme avec les nouvelles mœurs qu’il a établies, circonscrit aussi la place de la femme de façon très stricte. C’est surtout par les épîtres de Saint Paul Apôtre que la nouvelle place de la femme est établie. Tout d’abord, et malgré l’égalité de tous les êtres humains prônée par le Christ, Saint Paul énonce clairement dans son Epître aux Ephésiens que le maître de la femme est son mari26. Quant au droit de la femme à l’expression libre, celui-ci est banni de l’espace public. Selon la Première épître aux Corinthiens, la femme n’a pas le droit de parler dans les assemblées. La même épître commande aussi que si une femme veut apprendre quelque chose, elle devrait le demander à son mari, une fois le couple rentré chez lui27. Conformément à cette mentalité, dans son première Epitre à Timothée il interdit aux femmes le droit d’enseigner28. Ces épîtres sont conformes sans doute à la mentalité de l’époque, elles dévalorisent toutefois la femme. Ainsi que Michelle Perrot le dit : « C’est que le Verbe est l’apanage de ceux qui exercent le pouvoir. Il est le pouvoir. Il vient de Dieu. Il fait l’homme. Les femmes sont exclues du pouvoir, politique et religieux. Au Paradis, Eve a définitivement perverti la parole des femmes. Le christianisme les admet à la foi et à la prière, mais dans le silence du repentir29 ». Toutefois, il faut mentionner le fait que dans les premiers siècles du christianisme les femmes pouvaient assumer la fonction de diaconesse (femme diacre), une institution qui a duré jusqu’au XIe siècle à l’empire byzantin30. Cette fonction et valorisation ne concernent que les femmes dédiées à la religion, les femmes laïques demeurent soumises à la volonté de leur mari.

34Il semble que cette tendance d’affinité spirituelle constitue au XIIe siècle (justement au temps du Roman de Troie) et plus encore au XIIIe siècle, un mouvement mystique composé des femmes qui prétendaient avoir « le don du mysticisme » ou être « des envoyées de Dieu31 ». La parole d’Andromaque du Moyen Âge, suit, par un syncrétisme intéressant, cette tendance de son époque.

3.4 Le chemin du songe dans le théâtre français

35Le Roman de Troie a nourri l’inspiration des écrivains d’épopées postérieures sur le même sujet. Guido delle Colonne écrit son Historia destructionis Troiae basée sur le texte de Benoît de Sainte-Maure. Ce dernier texte sert d’hypotexte pour l’Histoire de la Destruction de Troye la Grande de Jacques de Milet qui en fait l’adaptation en français32. Le théâtre français naissant s’inspire beaucoup de ces épopées qui à leur tour, nourrissent les tragédies comme Hector d’Antoine de Montchrestien33. Dans cette tragédie du début du XVIIe siècle, Andromaque recourt une fois encore au surnaturel pour communiquer sa pensée : « Enfin mon cher époux, ferez-vous rien pour moi ?/Sera doncques la mort le paiement de ma foi ?34 »

36Lui, cependant, ne prend pas au sérieux son inspiration censée être divine et il lui répond doucement mais fermement :

L’honneur sauf, Andromaque, à toi je m’abandonne,
Car à l’égal de toi je n’estime personne ;
Mais pour un songe vain omettre son devoir,
C’est une loi, mon cœur, trop dure à recevoir35.

37Cette réponse ne persuade pas Andromaque qui poursuit ses efforts et s’attire la réponse suivante :

Cela qui nous advient par causes naturelles
Ne doit nous tenir lieu de règles éternelles ;
Et c’est vraiment fureur, non simple impiété,
D’imputer aux bons Dieux notre légèreté,
Qui tient l’âme de crainte et de douleur saisie,
Pour un monstre forgé dedans la fantaisie36.

38Le texte théâtral réécrit ici assez fidèlement son hypotexte. Lorsqu’Andromaque comprend qu’elle ne peut plus retenir Hector, elle s’adresse à Priam qui lui aussi refuse d’accepter sa cause. Andromaque s’insurge contre ce deuxième refus et éclate contre son beau-père tout en mettant en avant la validité surnaturelle de ses propos :

O Priam incrédule ! est-ce ainsi que tu nommes
Cette image d’un Dieu qui communique aux hommes,
Ce héraut véritable attestée du soleil ?
Baste, soit fait d’Hector ! Que jamais plus mon œil
Ne regarde sa face ! À moi seule ne touche
Le salut de sa vie, ains son père farouche,
Sa mère, ses parents, ses amis obstinés
Pour l’avoir méprisé se verront ruinés37.

39L’appropriation de la parole divine permet à Andromaque de revêtir une autorité qu’elle ne possède pas. Privée d’une vraie parole, qui serait prise en considération et au sérieux, dans son milieu, elle est reléguée en fin de compte dans le silence. Elle n’a pas d’autre recours que le transcendant qui lui permet de donner un certain poids à ses propos. Or, dans ce cas aussi, ce n’est pas Andromaque qui parle et qui exige d’être entendue, mais le « surnaturel » qui est censé transmettre son discours par sa bouche.

40Après un intervalle, le mythe refait surface au XIXe siècle. L’épisode du songe est toutefois effacé dans la réécriture du mythe au XIXe siècle dans la tragédie Hector de Luce de Lancival38. Dans cet hypertexte Andromaque s’efforce de retenir Hector sans recourir au songe prémonitoire. Ce changement d’attitude est probablement dû à l’impact des Lumières mais aussi aux progrès (quoique faibles) du statut de femmes qui après la Révolution sont parvenues à obtenir quelques droits. Il en va de même dans la pièce de Giraudoux39, où le recourt au surnaturel est affectée aussi à l’expression de Cassandre.

41L’affinité des femmes avec les rêves est constatée de façon perspicace par Hélène Cixous qui dit d’elles : « Au long assourdi de leur histoire, elles ont vécu en rêves, en corps mais tus, en silence, en révoltes aphones40 ». Cet énoncé ne concerne pas les rêves prémonitoires, mais le rêve en tant qu’imagination, en tant que recours ultime pour les femmes opprimées, privées de la parole et de l’action. Cet énoncé toutefois apparente le rêve et le silence, les deux pôles alternés de la condition féminine du passé.

Conclusion

42Cette étude évoque différents types de silence imposé aux femmes au cours de l’évolution de la société humaine. Ce rapide examen laisse par ailleurs de côté le silence qui recouvre les œuvres des femmes au fil des siècles.

43La limitation de la femme à son rôle de reproduction, et la privation de l’éducation ainsi que de la participation à l’espace public étaient un processus valable pendant toute l’Antiquité, où la société avait constamment besoin de nouveaux guerriers et de nouvelles reproductrices41. Néanmoins le monde antique laissait une certaine marge – quoique très faible – aux femmes éduquées ainsi qu’aux femmes qui enseignaient42. Nous rappelons brièvement que sur l’île de Lesbos existait une école pour femmes où enseignait la poétesse Sappho ; le philosophe Pythagore acceptait des femmes dans son école – sa femme et ses filles étaient également philosophes. De même pour les hétaïres de l’époque classique, qui étaient des femmes instruites. Aussi à l’époque hellénistique brille indubitablement la philosophe Hypatie d’Alexandrie, morte justement à cause du fanatisme chrétien qui interdisait la parole des femmes.

44Dans l’Antiquité comme dans les Temps modernes, il y a des femmes qui malgré toutes les difficultés sont parvenues à réaliser une œuvre et qui se trouvent soit confrontées à l’oubli soit en proie à l’hostilité d’une société qui ne veut rien entendre des œuvres intellectuelles ou artistiques des femmes. Il est bien connu que pendant une longue période, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les écrits des femmes devraient être soit anonymes soit signés d’un pseudonyme masculin. Claire Lesage43 révèle que Lucrezia Marinella, une écrivaine italienne du XVIe siècle, croit que les œuvres des femmes ont disparu à cause de « la jalousie (des hommes) et le désir de ne pas partager le « Royaume de la Gloire “avec les femmes” », ce qui a entraîné « la perte des ouvrages des écrivaines de l’Antiquité, dont seuls les historiens nous ont transmis les noms44 ». Pour cette raison elle déconseille dans ses Essortationi à ses semblables la carrière littéraire, puisque les ouvrages féminins sont destinés à devenir « la proie des teignes et des mites45 ».

45Ce silence qui a couvert les œuvres des femmes, perdues pour toujours, est irrévocable.

Notes de bas de page numériques

1  Sur ce sujet, les écrits les plus éminents de l’époque sont les suivants : Olympe de Gouges, Déclaration de droits de femme et de citoyenne, Etta Palm d’Aelders, Nécessité de l’influence des femmes dans un gouvernement libre, Condorcet, Sur l’admission des femmes au droit de cité, Mary Wollstonecraft, Vindication of the Rights of Woman. Sur les débats de cette période, voir Elisabeth Sledwiezski, « Révolution Française, Le tournant » in Geneviève Fraisse, Michelle Perrot, Histoire des femmes en Occident, t. IV, Le XIXe siècle, Paris, Plon, 2002, pp. 45-62.

2  Ioanna Papadopoulou-Belmehdi, Le chant de Pénélope, Paris, Belin, 1994, « L’Antiquité au présent », pp. 55-56.

3  Louise Bruit Zaidman, « Les filles de Pandore », in Pauline Schmitt Pantel (dir.), Histoire des femmes en Occident, t. 1 L’Antiquité, Paris, Plon 2002, p. 441-493, citation p. 464.

4  N.C. Hourmouziades, « Sophocles’ Tereus », Studies in Honour of TBL Webster, n.101, p. 134-142, cité dans Nicole Loraux, Les mères en deuil, Paris, Seuil, 1990, n.134, p. 144.

5  Homère, Odyssée, XIX, v. 518-528.

6  Prokné-Aédon après avoir appris les événements grâce à la tapisserie que sa sœur avait tissée, crie vengeance. Elle tue le seul fils qu’elle a eu avec Terée pour se venger, puis, écrasée par le malheur, elle ne cesse plus de se lamenter sur son propre sort, jusqu'à ce que Zeus la transforme en rossignol.

7  Nicole Loraux, « Le deuil du rossignol », Les mères en deuil, Paris, Seuil, 1990, p. 87-100.

8  Françoise Létoublon fait la liste exhaustive de l’apparition du paradigme dans les tragédies grecques. Françoise Létoublon, « Le rossignol, l’hirondelle et l’araignée », Europe, N°904-905, août-septembre 2004, pp. 89-91. Elle suit aussi le chemin du mythe dans les lettres antiques.

9  Nous mentionnons à titre d’exemple la fusion du culte d’Iphigénie ancienne divinité de la région d’Aulis, avec le culte d’Artémis qui fait partie de nouveaux dieux et d’où probablement provient l’ancien mythe du sacrifice. Sur ce sujet de la fusion des cultes d’Iphigénie et d’Artémis, voir M. J. Cropp, Euripides Iphigenia in Tauris, England, Aris & Phillips Ltd, 2000, et Euripide, Iphigénie en Tauride, texte établi et traduit par Léon Parmentier et Henri Grégoire, t. IV, Paris, Les Belles Lettres, 1956, Notice, pp. 86-97.

10  Christa Wolf, Cassandre, [1ère publ. Hambourg, Luchterhand Literaturvrlag, 1983] traduit de l’allemand par Alain Lance et Renate Lance-Otterbein, [1ère publ. 1983], Paris, Stock, 2003, pp. 228-229.

11  Sur les fonctions des femmes en tant que prêtresses et prophétesses dans le monde antique voir Louise Bruit Zaidman, « Les filles de Pandore », in Pauline Schmitt Pantel (dir.), Histoire des femmes en Occident, t. 1 L’Antiquité, Paris, Plon 2002, pp. 488-493.

12  François Lissarrague, « Femmes au figuré » in Pauline Schmitt Pantel (dir.), Histoire des femmes en Occident, t. 1 L’Antiquité, éd. cit., pp. 203-301.

13  Paul, Faure, La vie quotidienne en Grèce au temps de la guerre de Troie, Paris, Hachette, 1975 ; Moses Finley, Le monde d’Ulysse, [1ère publ. N.York, The Vikhing Press, 1954] traduit de l’anglais par Claude Venrant-Blanc et Monique Alexandre, Paris, La Découverte, 1986.

14  Dora Leontaridou, « Où la parole féminine s’établit », Le mythe troyen dans la Littérature française, thèse de doctorat, Paris III, 2008, pp. 854-863.

15  Robert Flacelière, La Vie quotidienne en Grèce au siècle de Périclès, Paris, Hachette, 1976.

16  Homère, Iliade, texte établi et traduit par Paul Mazon, notes d’Hélène Monsacré, Paris, Les Belles Lettres, 2002, VI, v. 406-502.

17  Homère, Iliade, éd. cit., VI, v. 406-432.

18  Homère, Iliade, éd. cit., VI, v. 486-493.

19  Homère, Iliade, éd. cit., VI, v. 495-502.

20  Il est probable qu’il existe un prototype grec antérieur à cette date, qui n’a pas été néanmoins retrouvé, de même pour l’épopée Dares Uberior dont L’Histoire de la destruction de Troie est censée être le résumé. Sur les manuscrits existants et les preuves de leur datation, voir Récits inédits sur la guerre de Troie, trad. et commentés par Gérard Fry, [1ère éd.1998], Paris, Les Belles Lettres, 2004, pp. 233-241.

21  Darès, Histoire de la destruction de Troie, éd. cit., 24, p. 268.

22  Darès, Histoire de la destruction de Troie, éd. cit., 24, p. 269.

23  Darès le Phrygien et Dictys le Crétois sont censés être contemporains de la guerre de Troie. Néanmoins aucune preuve ne vérifie cette assertion. Sur le récit de Dictys, voir Récits inédits sur la guerre de Troie, trad. et commentés par Gérard Fry [1ère éd.1998], Paris, Les Belles Lettres, 2004, pp. 71-89.

24  Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, extraits édités, présentés et traduits par Emmanuelle Baumgartner et Françoise Vielliard, Paris, Librairie Générale Française, Le livre de Poche, « coll. Lettres gothiques », 1998 v. 15301-15324.

25  Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, éd. cit., v. 15363-15373.

26  « Que les femmes soient soumises à leurs maris, comme au Seigneur ; car le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’Eglise, son corps, dont il est le Sauveur » Saint Paul Apôtre, Epître aux Ephésiens, 5 : 22-23, document électronique : http://bible.catholique.org

27  « […] que vos femmes se taisent dans les assemblées, car elles n'ont pas mission de parler ; mais qu'elles soient soumises, comme le dit aussi la Loi. Si elles veulent s’instruire sur quelque point, qu’elles interrogent leurs maris à la maison ; car il est malséant à une femme de parler dans une assemblée ». Saint Paul Apôtre, Première épître aux Corinthiens,1, 14 : 34-5, document électronique : http://bible.catholique.org

28  « Que la femme reçoive l'instruction en silence, avec une entière soumission. Quant à enseigner, je ne (le) permets pas à la femme, ni de prendre autorité sur l'homme ; mais (elle doit) se tenir dans le silence ». Saint Paul Apôtre, Première épître à Timothée, 2, 11-12, document électronique http://bible.catholique.org

29  Michelle Perrot, Les Femmes ou les silences de l’histoire, Paris, Flammarion, 1998, p. 260.

30  Monique Alexandre, « De l’annonce du Royaume à l’Eglise, Rôles ministères, pouvoirs de femmes », in Pauline Schmitt Pantel (dir.), Histoire des femmes en Occident, t. I, L’Antiquité, Paris, Plon, 2002, pp. 537-579, cit. pp. 563-568.

31  Claudia Opitz, « Les mystiques : saintes ou hérétiques ? » in Christiane Klapisch-Zuber (dir.) Histoire des femmes en Occident, t. II, Le Moyen Age, Paris, Plon, 2002, pp. 412-418.

32  Sur les métamorphoses du mythe troyen dans l’Antiquité et dans les Lettres françaises, voir Dora Leontaridou, Le mythe troyen dans la littérature française, thèse de doctorat, Paris III, 2008.

33  Selon Jacques Scherer, Montchrestien tire aussi son inspiration de l’Histoire de la Destruction de Troye la Grande de Jacques de Milet. Jacques Scherer, Théâtre du XVIIe siècle, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1975,notice, p. 1151.

34  Antoine de Montchrestien, Hector, in Théâtre du XVIIe siècle, textes choisis, établis, présentés et annotés par Jacques Scherer, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1975, I, v. 149-151.

35  Antoine de Montchrestien, Hector, éd. cit., I, v. 149-154.

36  Antoine de Montchrestien, Hector, éd. cit., I, v. 179-184.

37  Antoine de Montchrestien, Hector, éd. cit., IV, v. 1689-1696.

38  Jean-Charles-Julien Luce de Lancival, Hector,[1ère publ. Paris, J. Chaumerot, 1809] Paris, Hachette, 1975.

39  Jean Giraudoux, La guerre de Troie n’aura pas lieu, [1ère publ. 1935] dans Théâtre complet, édition sous la direction de Jacques Body avec la collaboration de Marthe Besson-Herlin, Étienne Brunet, Brett Dawson, Janine Delort, Lise Gauvin, Gunnar Graumann, Wayne Ready, Jacques Robichez, Guy Teissier, Colette Weil, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1982, I, 1.

40  Hélène Cixous, Le rire de la Méduse, [1ère publ. L’Arc, 1975] Paris, Galilée, coll. «Lignes fictives », 2010, p. 56.

41  Françoise, Hériter, Masculin/Féminin, t. I, La pensée de la différence, Paris, Odile Jacob, 1996. Pierre Bourdieu, La Domination masculine, [1ère publ.1998], Paris, Seuil 2002.

42  Sur l’œuvre philosophique et poétique des femmes de l’Antiquité et du monde latin, voir (entre autres) Yves Battistini, Poétesses grecques, Paris, Imprimerie nationale, « La Salamandre », 1998 ; Jane Mc Cintosh Snyder, The Woman and the Lyre : Women Writers in Classical Greece and Rome [1ère publ. 1989], Carbondale, Southern Illinois University Press, 1991 ; Mary Ellen Waithe (dir), A History of Women Philosophers. Vol. : Ancient women philosophers 600 B.C-500 A.D, Dordrecht, Nijhoff, 1987.

43  Claire Lesage, « Femmes de lettres à Venise aux XVIe et XVIIe siècles : Moderata Fonte, Lucrezia Marinella, Arcangela Tarabotti », Clio, numéro 13-2001, Intellectuelles, mis en ligne le 19 juin 2006. URL :http://clio.revues.org/index138.html

44  Marinella 1645 : 61, cité dans Claire Lesage, « Femmes de lettres à Venise aux XVIe et XVIIe siècles : Moderata Fonte, Lucrezia Marinella, Arcangela Tarabotti », Clio, numéro 13-2001, note n°22.

45  Marinella 1645 : 28, cité dans Claire Lesage, « Femmes de lettres à Venise aux XVIe et XVIIe siècles : Moderata Fonte, Lucrezia Marinella, Arcangela Tarabotti », Clio, numéro 13-2001, note n°23.

Pour citer cet article

Dora Leontaridou, « Silences, métamorphoses de la parole et transcendance dans le discours féminin », paru dans Loxias, Loxias 32, mis en ligne le 04 mars 2011, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=6628.


Auteurs

Dora Leontaridou

Elle a soutenu une thèse à Paris III en 2008 portant sur le mythe troyen dans la littérature française. Dernières publications : « La constitution du féminin dans le théâtre d’Anne Hébert », Dialogues francophones, n° 16, Editura Eurostampa, Timisoara, 2010 ; « Le religieux et le politique : filiations et divergences dans Les Justes », Contact, n° 50, Athènes, juin-juillet-août 2010. Derniers colloques : « Calypso et Télémaque : réécritures du mythe et débats d’idées », La variatio : l’aventure d’un principe d’écriture, de l’Antiquité au XXIe siècle, CELIS, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 25-27 mars, 2010 ; « Décomposition et recomposition de l’identité féminine dans l’œuvre de Jacqueline Harpman », Autour de Jacqueline Harpman, Edimbourg, Centre de recherches Francophones Belges, déc. 2010. Elle enseigne en Grèce dans le secteur public où elle a obtenu (avec ses élèves) deux fois le prix du concours de la Francophonie, avec le lycée de Milo et le collège de Naxos. Elle a obtenu trois prix littéraires pour trois nouvelles respectivement et elle a publié aussi un conte pour enfants, L’enfant qui rêvait des mélodies, (Athènes, Papadopoulos, 2007). Ses domaines de recherche portent sur le politique dans la littérature et le théâtre, et l’écriture féminine.