Loxias | Loxias 31. Autour des programmes de concours 2011 (agrégation, CPGE) | I. Agrégation de Lettres et d'Anglais, CPGE Lettres | Montaigne: livre I des Essais
Blandine Perona :
« Il y a prou loi de parler partout et pour et contre ». Sophistique et scepticisme dans les chapitres « Des noms » et « De l’incertitude de notre jugement »
Plan
- Le renom comme paradigme
- Faire et défaire la renommée de César et Pompée
- Opinions contre opinions : une image des Essais
Texte intégral
1La critique a montré la fécondité de la réflexion de Montaigne sur les « noms »1 (mot qui recouvre chez Montaigne la double signification de « nom propre » et de « prénom ») : le nom supporte le renom, mais en revanche n’est nullement relié à l’individu qui le porte, si bien que lorsque la personne meurt, le nom se confond avec le renom, avec l’opinion qu’on se faisait de cette homme ou de cette femme, renommée qui peut être trompeuse ou infondée. Pour dépasser cette aporie du nom propre, pour que son nom fasse sens après sa mort, Montaigne écrit un livre qui lui est consubstantiel. Le nom « Montaigne » suppose alors pour le livre avec lequel il ne fait qu’un. « Des noms » porte en germe cette angoisse de l’arbitraire du nom propre2.
2Si cet aspect du chapitre est bien connu, il gagne sans doute encore à être lu à la lumière du chapitre « Du jeune Caton » et surtout comme le premier tableau du diptyque qu’il forme avec le chapitre « De l’incertitude de notre jugement ». L’articulation entre ces différents chapitres permet de montrer que le renom fonctionne comme un paradigme. À l’image de tout discours, le renom est une construction artificielle, très largement indépendante du réel. Alors que le chapitre « Des noms » consiste pour beaucoup en un catalogue de faits, « De l’incertitude de notre jugement » propose, en revanche, un certain nombre de conclusions : le scepticisme de Montaigne commence à savoir mieux s’écrire. Il déploie les artifices de la rhétorique pour mieux les démystifier. Reste donc à montrer que le choix de la déclamation associée à la prosopopée ou à un dispositif énonciatif proche trouve sa fondation dans les considérations linguistiques que Montaigne commence à développer dans « Des noms ». L’écriture des Essais prend une inflexion sophistique dans le chapitre « De l’incertitude de notre jugement » : elle exhibe les discours comme opinions, comme miroirs trompeurs qui s’interposent entre deux interlocuteurs, entre auteur et lecteur3.
Le renom comme paradigme
3Le chapitre « Des noms » est composé de deux parties. Dans un premier temps, Montaigne propose un catalogue d’exemples, d’anecdotes qui permettent d’évaluer la part d’arbitraire d’un nom propre. Puis, comme Montaigne l’indique lui-même, le chapitre prend une nouvelle direction4 . La générale « mutation et confusion5 » que constate Montaigne dans l’histoire de l’attribution des noms propres l’amène à parler, dans le second temps de son chapitre, de la gloire. Le support du renom qu’est le nom ne présente aucune stabilité, la renommée s’ancre par conséquent sur du vent.
4« Quelque diversité d’herbes qu’il y ait, tout s’enveloppe sous le nom de salade6 » : on a déjà beaucoup commenté cette première phrase. Le langage crée des espèces quand il n’existe qu’une infinité diversité de cas particuliers7. « Salade » est un mot-écran qui cache une forêt de plantes. Autrement dit, les mots s’interposent entre nous et les choses et nous les cachent certainement autant qu’ils les révèlent. Après ce début sans préambule, en guise d’annonce de plan, Montaigne propose une « galimafrée de divers articles8 ». Il ne ménage pas son lecteur à qui il propose de ruminer un ensemble de réflexions éparses. À lui alors de mettre en évidence les tensions implicites de ce catalogue, en tentant de l’organiser.
5Nous passons rapidement sur les deux exemples qui illustrent le plus évidemment la première phrase du chapitre, en mettant immédiatement en valeur l’arbitraire du nom. Il s’agit de l’anecdote, empruntée à Jean Bouchet, où Henri II d’Angleterre organise un festin et réunit les gens en fonction de la première lettre de leurs noms et de celle qui lui est associée et raconte que l’empereur Geta faisait distribuer les plats « par considération des premières lettres du nom des viandes9 ». Il n’y a pas plus de raison de croire qu’il y ait des affinités entre les personnes portant le même prénom qu’entre les saveurs de mets dont le nom commencent par la même lettre. L’arbitraire du nom se lit ici dans le hasard des rencontres dont il est à l’origine.
6Plutôt que d’énumérer la totalité des exemples choisis par Montaigne, il semble préférable de repérer des réseaux d’anecdotes. Le travail de recoupement et de regroupement met alors en valeur qu’il existe, selon Montaigne, un usage du nom qui permet d’échapper à une illisible confusion10. Le premier exemple et plusieurs autres font référence aux modes : certains noms sont « pris en mauvaise part11 » ; la Réforme choisit des noms « beaucoup mieux sentant de la foi12 » ; chaque époque a ses préférences et le voisin de Montaigne regrette la grandeur des noms du passé13. La mode est un exemple de « mutation14 ». L’attribution d’un nom en fonction de l’acquisition d’une terre en est un autre. L’instabilité des titres de noblesse donne en outre l’occasion de se trouver des origines prestigieuses à peu de frais et la mutation se fait alors « falsification15 ». L’infidélité au nom du père, qu’elle passe par l’achat d’une terre ou par une stricte malhonnêteté, rend illisible les généalogies.
7À ces cas d’infidélité, s’oppose un cas de fidélité remarquable, celui d’Amyot qui restitue les noms latins dans leur forme originelle (à rebours des historiens français qui s’efforcent de donner aux noms une allure grecque ou romaine) : « Item, je sais bon gré à Jacques Amyot d’avoir laissé, dans le cours d’une oraison Française, les noms Latins tous entiers, sans les bigarrer et changer, pour leur donner une cadence Française16 ». Les noms propres, s’ils ne sont le signe authentique de l’histoire réelle d’une famille, s’ils ne relient pas les pères aux fils, sont des instruments de confusion. En déguisant les noms, on masque les identités et le monde se fait mascarade, « farce » à l’image de celle que joue l’ami de Montaigne17. C’est notre connaissance de nous-mêmes et des autres qui est alors directement menacée. Latinisons les noms français, « nous ne savons où nous en sommes et en perdons la connaissance18 » ; on donne aux hommes le nom de leur terre, c’est la « chose du monde, qui fait plus mêler et méconnaître les races19 » ; un homme meurt, un autre prend son nom en achetant ses biens : « devinez où nous sommes de la connaissance des hommes20 ». Cette confusion est le fruit de mutations dont les hommes sont responsables et auxquelles ils peuvent mettre fin par conséquent. Le maintien du nom propre depuis l’origine va de pair avec fidélité et constance, comme le montre la réplique de l’ami furieux : « Contentez vous, de par Dieu, de ce de quoi nos pères se sont contentés : et de ce que nous sommes, nous sommes assez, si nous le savons bien maintenir21 […] ». Il ne faut pas que l’ « originel de la tige22 » disparaisse. Cette fidélité aux origines lorsqu’elle se lit dans le nom, donne au nom propre une motivation qu’il n’avait pas initialement. Ainsi, une lignée qui se transmet toujours un même prénom donne à ce prénom un sens dont il était initialement dépourvu comme le montre le deuxième exemple du florilège : « Item, il semble y avoir en la généalogie des Princes certains noms fatalement affectés : comme des Ptolémées à ceux d’Égypte, de Henris en Angleterre, Charles en France, Baudouins en Flandres, et en notre ancienne Aquitaine des Guillaumes […] ». Ce qui est pure convention, le choix délibéré au sein d’une famille d’attribuer au fils le même prénom que celui du père, paraît ensuite comme un nom fondé, décidé par le sort ou le destin plus que par les hommes, tant il fait à la fois signe et sens. Constance dans l’usage et fidélité aux aïeux motivent le nom propre qui se caractérise à l’origine par la « non-motivation23 ». La fidélité à soi et à son histoire garantit une justesse acquise du nom. Le ridicule de la « farce », où chacun cache qui il est, pourrait dans ces conditions laisser la place à une société davantage fondée sur la confiance.
8La seule lecture du chapitre I, 46 montre que ce sont des considérations éthiques qui permettent de résoudre les difficultés qui tiennent à l’arbitraire du nom propre. Au mensonge des origines usurpées, Montaigne oppose la fidélité à son ascendance et à soi. Le nom qui change au gré des modes ou des acquisitions nouvelles est absolument vide : le renom repose donc sur du néant. Montaigne frappé par cette conséquence en vient à montrer la vanité de la gloire. Mais finalement cette partie n’est pas réellement digressive et illustre surtout avec de nouveaux arguments combien le nom auquel se rattache la gloire n’a aucune consistance : « Qu’est-ce qu’une voix pour tous potages24 ?». Traits de plume ou éphémère émission sonore, il peut en outre se partager entre plusieurs hommes. L’abandon du nom propre pour un nom inventé est encore un cas d’infidélité où les hommes perdent leur identité en perdant une partie de leur histoire. Ces remarques sont dans le strict prolongement de ce qui précède. Dans l’édition de 1580, le second temps du chapitre se caractérise essentiellement par un infléchissement moral plus net : les hommes qui veulent gloire et renom s’agitent en vain ; cette réprobation se lit tout particulièrement dans la citation de Juvénal qui conclut le chapitre. L’expression « voix glorifiée » montre bien que c’est au fragile support du nom que se rattache la gloire et non à l’homme. La mort évoquée avec force par le vers de Virgile inséré juste avant ceux de Juvénal dans l’édition de 1588 souligne encore combien nom et renom se révèlent impuissants à faire vivre encore celui qui a disparu25. C’est seulement dans les modifications de l’exemplaire de Bordeaux que le second temps du chapitre des noms permet vraiment de tirer des conclusions plus poussées. La réflexion sur la nature des noms se prolonge par une réflexion plus générale sur le lien entre le discours et le réel. Jusqu’en 1588, Montaigne semble en rester au simple constat de la vanité du nom et du renom. Les ajouts postérieurs témoignent d’un élargissement de ses conclusions à la nature même de nos discours, dont le renom n’est qu’un cas particulier.
9À première lecture, les lignes écrites dans les marges de l’exemplaire de Bordeaux sont redondantes avec ce qui précède. Morts et enterrés, Épaminondas et Scipion l’Africain n’ont que faire des vers inscrits sur sa statue pour l’un et inventés par Ennius pour l’autre. Consiliis nostris laus est attonsa Laconum26 : la gloire de Sparte a été (littéralement) tondue par les décisions que j’ai prises. Le caractère hyperbolique et provocateur de ces mots prêtés à Épaminondas a dû plaire à l’orgueil thébain. Nemo est qui factis me aequipare queat27:il n’est personne qui puisse m’égaler par ces exploits. Ni plus ni moins. L’exagération est plus flagrante encore. Ennius pouvait aussi avec ce vers se flatter d’une amitié glorieuse et aiguiser la fierté romaine. Ces mots mis à chaque fois dans la bouche des héros, concises éthopées, se révèlent surtout comme d’outrancières vantardises qui ne disent rien ni d’Épaminondas, ni de Scipion, mais qui construisent des personae fictives. Nom propre et gloire ont en commun d’être des masques. Les hommes veulent y voir des miroirs, sans prendre garde qu’ils sont trompeurs, c’est le commentaire que fait Montaigne :
Les survivants se chatouillent de la douceur de ces voix, et, par icelles sollicités de jalousie et désir, transmettent inconsidérément par fantaisie aux trépassés cettui leur propre ressentiment, et d’une pipeuse espérance se donnent à croire d’en être capables à leur tour. Dieu le sait28.
10Le nom et le renom, constructions purement artificielles, sont le point de départ de nouvelles illusions. Après s’être enivré de la grandeur fictive de Scipion, le lecteur d’Ennius s’invente une grandeur d’âme purement imaginaire. Nom et renom sont des obstacles insidieux à la connaissance de soi. Ils restent à la surface et cachent l’obscurité des intentions. Au regard superficiel des hommes, s’oppose la lucidité et l’omniscience divine : « Dieu le sait ».
11Le nom propre sans la recherche de constance, de fidélité à soi et au père est extérieur à la personne qui le porte et ne donne aucun accès à la connaissance de celle-ci, moins encore lorsqu’il se confond avec le renom et le supporte. Le renom est, à son image, un masque qui s’interpose entre lui et les autres ; il se construit parallèlement au réel sans avoir prise sur lui ; il est inessentiel, accessoire, comme l’« affiquet » dont parle Montaigne dans le chapitre « Du jeune Caton29 ».
12Caton est un aussi un nom couvert de gloire. Mais pour ceux qui jugent ce personnage et font sa renommée, le plus souvent, la vertu reste de mots, comme le dit le vers d’Horace30 ajouté dans l’exemplaire de Bordeaux. En marge encore, à la suite de la citation de l’épître, Montaigne précise : « C’est un affiquet, à pendre en un cabinet, ou au bout de la langue comme au bout de l’oreille, pour parement31 ». La gloire est une parure, un déguisement. Dans le chapitre « Du jeune Caton », Montaigne montre en outre la plasticité du nom/renom qui, puisque rien ne l’attache à la personne réelle de Caton, se modèle au gré des imaginations de tous. Le courage de Caton pour les uns est lâcheté pour les autres : « Grande subtilité ! Qu’on me donne l’action la plus excellente et pure, je m’en vois y fournir vraisemblablement cinquante vicieuses intentions. Dieu sait, à qui les veut étendre, quelle diversité d’images ne souffre notre interne volonté ». La renommée est un discours qui ne fait appel qu’à l’imagination. À un nom s’attachent quelques faits biographiques : ils sont l’objet d’une infinité de reconstructions fictives possibles. L’éloge se transforme aisément en blâme. Là encore, aux discours non maîtrisés de l’homme, à la confusion d’images que fait jaillir un nom s’oppose la stabilité de l’omniscience de Dieu qui connaît Caton et pour qui les opinions des hommes sur Caton ne sont pas éclairantes sur Caton mais sur eux-mêmes, car à travers ses jugements il lit des intentions obscures à ceux mêmes qui prononcent ces jugements.
13Cicéron se méprend donc en citant dans les Tusculanes les vers à la gloire d’Épaminondas et Scipion, car il fait de ces noms et des figures hyperboliques qui en émanent des modèles. De plus, Cicéron affirme dans le même passage que la vie d’un homme de bien est une vie qui doit être louée32, c’est pourquoi il est certainement le premier accusé quand Montaigne évoque ceux qui « se chatouillent de la douceur de ces voix ». Il se trompe en se laissant ainsi séduire, en accordant un grand crédit à ce qui n’est qu’un « affiquet ». Lui aussi se plaît et se complaît sans doute en se voyant dans le miroir trompeur de ces exemples illustres et en imaginant sa gloire future. Cependant, la vie d’un homme de bien ne peut s’ancrer dans la gloire qui est une chose strictement extérieure à la personne, elle doit s’appuyer sur une juste connaissance de soi qui est à l’opposé de la renommée.
14La renommée qui s’attache au nom propre s’avère un discours purement fictif, à l’image de la persona qui en émane. C’est un discours qui reste à la surface et se confond avec tous les autres discours comme opinion. Caton est un lâche, c’est la croyance de ceux qui ne savent percevoir sa vertu, selon Montaigne. Caton est un être exemplaire de courage, c’est la croyance de Montaigne qui se fie à l’autorité des « sages ». C’est en effet parce que Caton fait partie de « ces rares figures et triées pour l’exemple du monde par le consentement des sages33 » que Montaigne se prononce en faveur de Caton. La justesse acquise du nom tient à la fidélité aux origines ; la justesse acquise du renom tient au crédit qu’on accorde à des témoins dignes de confiance.
15Sortis des garanties qu’apportent fidélité et confiance, nom et renom ne peuvent nous assurer d’aucune connaissance des êtres. L’extension du nom en renom jette finalement le soupçon sur la crédibilité de tous les discours. Le renom est engendré non pas à partir d’une connaissance fondée de la personne mais à partir de son nom et des représentations qu’il charrie. Le discours s’engendre du discours et se construit indépendamment du réel. Le discours, dont le renom apparaît comme un cas particulier, se comprend finalement toujours comme opinion. Seul « Dieu sait ». Les considérations linguistiques amorcées par une réflexion sur le nom propre donnent une fondation théorique au scepticisme de Montaigne. Le chapitre « Des Noms » est un chapitre clef où la conscience de l’arbitraire du nom amène progressivement Montaigne à considérer le discours comme construction fictive à laquelle on est libre d’adhérer ou non ; comme le montre aussi la lecture du chapitre « Du jeune Caton », c’est en particulier dans les ajouts de l’exemplaire de Bordeaux que le renom s’affirme comme construction et croyance. Reste à montrer à présent que cet infléchissement sceptique qui part d’une réflexion linguistique se confirme et se développe dans « De l’incertitude de notre jugement ».
Faire et défaire la renommée de César et Pompée
16Le chapitre « De l’incertitude de notre jugement » expose six dilemmes auxquels les généraux antiques ou contemporains de Montaigne ont pu être confrontés. Pour chaque cas, Montaigne montre que l’histoire ne permet pas de tirer de leçons, pas plus que la raison qui trouve autant d’arguments pour défendre une thèse plutôt qu’une autre. La citation inaugurale d’un vers de l’Iliade en particulier témoigne du lien entre « Des noms » et « De l’incertitude notre jugement » et montre que le développement sur hasard et fortune s’inscrit dans le prolongement des considérations linguistiques amorcées dans le chapitre « Des noms ».
17Le chapitre commence ainsi : « C’est bien ce que dit ce vers : Epeaon de polus nomos entha kai entha. il y a prou loi de parler partout, et pour, et contre34 ». La citation d’Homère est déjà donnée comme une explicitation du titre : le jugement ne peut s’appuyer sur rien de sûr, car le discours peut défendre avec vraisemblance une thèse et son contraire. Le discours n’ayant pas de prise sur le réel, le jugement n’en a pas davantage. Le « pâturage de paroles » évoqué dans ce vers n’est pas sans rappeler les « herbes » du début du chapitre précédent. La diversité du réel suggérée par la richesse et la variété de la nature se double de la prolixité du langage, mais le foisonnement du langage ne semble d’aucun secours pour pénétrer le foisonnement du réel ; au contraire. Replacée dans son contexte, la citation constitue aussi une transition habile entre les deux chapitres, car il est question de noms glorieux et de renommée dans ce passage extrait du chant XX. Énée et Achille se trouvent face-à-face. Achille cherche à irriter son ennemi, en lui disant qu’il n’est pas le fils du roi Priam et n’héritera pas de Troie. Énée répond en rappelant sa prestigieuse généalogie, mais il sait aussi que nom et renom peuvent être des masques et que seuls les faits parlent, c’est pourquoi il ajoute que les mêmes mots peuvent parler pour Achille, comme pour Énée, « dans un sens, comme dans l’autre ». Ce ne sont pas les mots qui tranchent, mais les actes ; ce vers est par conséquent aussi dans la bouche d’Énée une invitation à se battre. Diogène Laërce, dans la vie de Pyrrhon, a emprunté, avant Montaigne, les vers 248 à 250 du chant XX de l’Iliade : « Ployable est la langue des mortels, beaucoup de paroles l’ont pour demeure/ Riche paturâge de mots, dans un sens et dans l’autre/ Tel le mot que tu as dit, tel celui que tu entends en retour35 ». Ces trois vers justifient selon Diogène qu’on puisse voir dans Homère un ancêtre du scepticisme. Ils montrent certainement chez Montaigne la solidarité de l’impuissance de la parole et de la raison36 dont le chapitre I, 47 est une démonstration implacable. Le contexte guerrier de cette citation introduit enfin parfaitement la série d’exemples militaires qui jalonnent « De l’incertitude de notre jugement ».
18L’arbitraire du langage dont Montaigne commençait à prendre la mesure dans I, 46 a pour principale conséquence l’impuissance de la raison, qui va de pair avec l’incertitude du jugement. C’est bien dans une réflexion linguistique que le scepticisme de Montaigne trouve ses racines : le vers d’Homère montre la parfaite articulation entre les deux chapitres. Discours, raison et opinion ne font qu’un, c’est tout l’objet de la démonstration du chapitre « De l’incertitude de notre jugement ».
19À travers six cas d’école, Montaigne montre qu’à chaque fois, expérience et raison fournissent autant d’arguments pour défendre deux décisions parfaitement contraires. Malcom C. Smith rappelle rapidement le contenu des six dilemmes traités au début de son article, puis met en valeur le fait que Les Discours sur la première décade de Tite-Live sont une cible privilégiée du chapitre37. Montaigne, en choisissant de montrer la faiblesse de l’argumentation de Machiavel, s’attaque à tous ceux qui prétendent par la raison ou par la connaissance de l’histoire acquérir une quelconque maîtrise des événements38.
20Les Vies des hommes illustres de Plutarque constituent l’autre source importante de « De l’incertitude de notre jugement ». Montaigne y puise la majorité de ses exemples. Leur insertion dans un chapitre où Montaigne révèle à merveille la réversibilité des discours qui font le blanc noir et le noir blanc apporte la démonstration convaincante que la renommée d’un homme est une construction fictive a posteriori qui peut se faire et se défaire. Le renom de César et de Pompée ne sont guère dignes de crédit, puisqu’on confond bien souvent le mérite, avec les dons de Fortune. La matière malléable des « vies » qui donnent tort à Pompée et raison à César et inversement prolonge elle aussi parfaitement les développements du chapitre précédent.
21La première mention de César est implicite. Montaigne cite un vers de Lucain : Dum fortuna calet, dum conficit omnia terror39 . Pompée a été vaincu lors de la bataille de Pharsale ; César souhaite s’assurer que l’ennemi est définitivement anéanti et profitant de l’enthousiasme de la victoire, il enjoint à ses soldats de piller le camp adverse40. Le vers de Lucain suggère surtout qu’il saisit le moment où la « fortune41 est à point ». César semble avoir le mérite d’être cohérent, car il a su retenir la leçon que lui avait inspirée une expérience encore récente ; c’est l’observation que Montaigne fait lui même :
En cette escarmouche où Caesar eut du pire près la Ville d’Oricum, il reprochait aux soldats de Pompeius, qu’il eût été perdu, si leur Capitaine eût su vaincre, et lui chaussa bien autrement les éperons, quand ce fut à son tour42.
22La bataille de Pharsale est à la fois évoquée une première fois indirectement par le vers de Lucain et, quelques lignes après, Montaigne y fait de nouveau allusion dans cet extrait. César a poursuivi l’ennemi jusqu’au bout, quand il en a eu l’occasion et précisément lors de cette bataille décisive. Montaigne s’inspire ici d’un passage de Plutarque :
[…] quand Pompée, pour quelque crainte ou par quelque envie de fortune, eut failli de mettre fin à cette grande besogne et se fut retiré en son camp, se contentant d’avoir rembarré et chassé ses ennemis jusques dans le leur, César retournant au sien avec ses amis, dit haut et clair : « La victoire était aujourd’hui à nos ennemis s’ils eussent eu un chef qui eût su vaincre »43.
23Le texte d’Amyot fait lui aussi référence à la fortune. Ne pouvant se prononcer sur les intentions de Pompée et encore moins sur celles de Fortune, le texte suspend son jugement, sachant combien justement celui-ci serait incertain. En revanche, César, tel que le représente Plutarque du moins, n’a pas cette réserve et semble bien faire preuve de présomption44, jugeant avec sévérité un aussi grand chef que Pompée. En outre, dans une situation identique, il n’a pas toujours fait le même choix. César sait aussi qu’un ennemi acculé et sûr de sa défaite est un ennemi dangereux : c’est le sens du deuxième vers de Lucain cité dans ce chapitre : Vincitur haud gratis jugulo qui provocat hostem45. Ce passage de Pharsale46fait allusion à un épisode de la bataille d’Espagne où César a encerclé ses ennemis qui se sont retranchés dans un camp privé d’eau. Au lieu de mourir de soif, les hommes préfèrent se précipiter sur leurs adversaires pour mourir au combat. César ordonne à ses soldats de ne pas répondre à cette attaque qui serait trop coûteuse en vies humaines. Il attend patiemment le désespoir des vaincus et Afranius finit effectivement par demander la paix. Le premier dilemme traité à travers le seul exemple de César montre que le jugement est impuissant à choisir définitivement entre deux options contraires. César a trouvé bon de ne pas achever l’ennemi en Espagne ; lors de la bataille de Pharsale, il l’a poursuivi jusque dans son camp. Personne n’a reproché à César cette incohérence, car la fortune en ces deux occasions lui a souri. En revanche, Pompée, parce qu’il fut vaincu, ne bénéficia pas de cette clémence.
24L’exemple de la bataille de Pharsale revient dans l’exposé du cinquième dilemme. Montaigne démontre que, là encore, ni la raison ni l’expérience n’apportent de réponse satisfaisante. Impossible d’affirmer s’il faut charger plutôt qu’attendre l’ennemi de pied ferme et pourtant, « [à] la bataille de Pharsale entre autres reproches qu’on donne à Pompeius, c’est d’avoir arrêté son armée pied-coi attendant l’ennemi47 ». De nouveau, Montaigne s’inspire très largement de Plutarque et même lui reprend presque exactement ses mots :
César depuis blâma ce commandement-là [d’attendre l’ennemi sans bouger], pour autant (disait-il) que cela affaiblit la violence que le courir donne aux premiers coups, et quant et quant ôte l’élancement des combattants les uns contre les autres, qui a accoutumé de les remplir d’impétuosité et de fureur plus que nulle autre chose, quand ils viennent à s’entre-choquer de roideur, leur augmentant le courage par le cri et la course, et rend la chaleur des soudards, en manière de dire, refroidie et figée48.
25Seulement, ces paroles dans les Essais ne sont pas attribuées à César, mais à Plutarque lui-même49. Cette infidélité au texte fait lire finalement le discours de César comme une reconstitution artificielle à attribuer moins à César lui-même qu’à l’habileté et au talent de Plutarque. De la même façon, un soupçon pèse alors sur l’authenticité de l’autre mot de César qui, à propos de la bataille près d’Oricum, aurait dit qu’« il eût été perdu, si leur Capitaine eût su vaincre ». Dans ces deux exemples, Plutarque fait réécrire l’histoire au vainqueur qui voit dans les décrets de Fortune les erreurs du vaincu. Plutarque, en écrivant les vies de César et Pompée, construit un récit qui donne peut-être plus à connaître les caprices du sort que les hommes. La renommée de l’un comme de l’autre est une fiction50, où la chance d’un homme peut être lue comme le fruit de son intelligence, où les sévérités de Fortune sont interprétées comme le résultat de maladresses.
Opinions contre opinions : une image des Essais
26Les Vies de César et de Pompée lues par Montaigne montrent que le masque du nom/renom se double des masques de Fortune51. Les intentions profondes des grands hommes demeurent obscures52. On ne sait jamais à quel point ils sont les acteurs de leurs victoires ou de leurs défaites ou si parfois les événements ont agi pour eux. Fortune avec ses renversements et ses contradictions confirment l’artifice du renom, où sont confondus parfois la chance et le mérite. La raison est impuissante à distinguer l’un de l’autre. Le règne de la Fortune rend plus dérisoire encore la tentative de mettre de l’ordre par un discours dans une vie ou plus généralement dans le déroulement des choses. L’opacité du réel confirme et conforte l’arbitraire du langage et le caractère hasardeux de nos propos. C’est la conclusion du chapitre :
[…] les événements et issues dépendent notamment en la guerre, pour la plupart de la fortune, laquelle ne se veut pas ranger et assujettir à notre discours et prudence […]. Mais à le bien prendre, il semble que nos conseils et délibérations en dépendent bien autant, et que la fortune engage en son trouble et incertitude, aussi nos discours. Nous raisonnons hasardeusement et inconsidérément, dit Timaeus53.
27La Fortune que nous ne pouvons déchiffrer est pour nous hasard54 ; de même, puisque nous ne sommes pas en mesure de juger du bien-fondé des discours d’autrui et que nous ne sommes pas davantage capables de donner une solide fondation aux nôtres, il faut admettre que les discours également relèvent du hasard et ne se déchiffrent guère mieux que Fortune : le moteur véritable des paroles, des actes et des événements nous échappe. Par conséquent, tous les discours se ramènent à des opinions et il nous faut choisir entre elles sans jamais avoir l’assurance qu’une hypothèse est plus fondée qu’une autre. La raison ne peut fonctionner comme critère, la confiance et la fidélité à soi-même dont on a montré qu’elles garantissaient une motivation acquise du nom propre doivent tout autant déterminer Montaigne à se prononcer pour une opinion plutôt qu’une autre55.
28Il reste enfin pour Montaigne à prendre garde que jamais les opinions qu’il préfère et choisit n’apparaissent comme autre chose que des opinions. Le chapitre « De l’incertitude du jugement » propose un ensemble de moyens stylistiques pour que tout discours apparaisse toujours comme opinion et en aucun cas comme une appréhension qui se veuille exact du réel. Montaigne donne magistralement corps au « on-dit » comme tel.
29D’une part, l’emploi des pronoms montre le caractère impersonnel de l’opinion qui court dans la bouche de l’un et de l’autre. Même si chaque thèse est illustrée d’exemples précis, elle appartient à une masse indéfinie d’individus qui la défendent, et la thèse contraire appartient à une autre masse indéfinie d’individus. L’opinion n’appartient à personne en propre ; comme le disait le vers d’Homère, Tel le mot que tu as dit, tel celui que tu entends en retour, une idée circule dans une bouche puis dans une autre. Aussi, Montaigne emploie à la fois le relatif sans antécédent56 et le pronom « on ». L’opinion est un discours qui n’appartient à personne en propre et qui en outre n’est qu’un discours possible parmi tant d’autres : ainsi, l’emploi du relatif se double souvent de l’usage du futur à valeur modale : « Qui voudra être de ce parti … il pourra dire57 …» ou du conditionnel : « Qui aurait à choisir…il se présenterait…mais il s’offrirait aussi de58 …». Montaigne utilise également une phrase interrogative : « Mais pourquoi ne dira-l’on aussi au contraire59… ». Cette varietas témoigne du grand soin avec lequel Montaigne écrit ce chapitre qui peut se ramener à un vaste exercice de style.
30Chaque passage argumentatif s’apparente en effet à un exercice scolaire : Montaigne traite un sujet imposé. Le chapitre se construit ainsi, comme une succession de déclamations. L’argumentation n’a d’autre fin qu’elle même, la recherche de la vérité étant exclue. Non seulement chaque passage est donné comme un exercice gratuit, proche de la déclamation ou meletê60, mais en outre, cette argumentation détachée de toute exigence de référentialité se complique encore du fait que le déclamateur ne parle jamais en son nom. La déclamation se double souvent d’une prosopopée ou d’un dispositif énonciatif proche. Ce n’est pas Montaigne qui parle ; il fait parler l’opinion. On a pu voir ainsi que Montaigne rapporte les mots de Plutarque (que Plutarque attribue lui-même à César61), presque à la manière d’un discours direct : « Voilà ce qu’il dit pour ce rôle », conclut-il. Montaigne se fait le porte-voix d’une parole vive, ce qui est très sensible dans le traitement du premier dilemme : le discours indirect (« il pourra dire cette faute partir d’une âme enivrée de sa bonne fortune et d’un courage, lequel plein et gorgé de ce commencement de bonheur, perd le goût de l’accroître62 ») se mue en discours direct. Les marques de subordinations ont disparu : « il en a sa brassée toute comble63… ». L’animation de ce discours est à son sommet dans la succession de trois interrogations rhétoriques. La condamnation, enfin, de ceux qui se reposent bien trop vite sur leurs lauriers se termine sur une phrase complexe ternaire sans appel : « ce n’est pas victoire64… ». Montaigne construit une petite éthopée : en inventant un discours, il crée un personnage. Il fait vivre cette parole scandalisée et par elle, donne corps à un être dont il se moque sans doute un peu, car il a l’indignation bien facile.
31Comme déclamation, chaque construction argumentative relève de la fiction et en outre, comme parole d’autrui, devient l’objet d’une distanciation ironique. Montaigne excelle dans ces exercices pratiqués par les sophistes. Il semble prendre la suite de Protagoras, à propos de qui Diogène Laërce écrit : « Il fut le premier à dire que sur toute chose il y a deux arguments qui s’opposent entre eux ; et il proposait ces arguments opposés, chose qu’il fut le premier à faire65. » Diogène le dit en outre l’auteur de deux livres d’Antilogies66 (Thèses opposées). Protagoras ne fut pas le premier en réalité, comme l’atteste l’existence d’un petit traité ancien intitulé Dissoi logoi, qui montre effectivement que deux thèses contraires peuvent être soutenues. Montaigne avait probablement lu ce bref texte67qu’Henri Estienne découvrit dans les manuscrits des œuvres de Sextus Empiricus et publia à la fin de son édition des Vies de Diogène Laërce. Le voisinage de ce court traité68 avec les œuvres de Sextus Empiricus fait se rencontrer sophistique et scepticisme69. De même, le chapitre « De l’incertitude de notre jugement » montre que le scepticisme de Montaigne s’appuie sur des considérations linguistiques parfaitement conformes à celles de Protagoras et s’incarne dans une écriture qui doit beaucoup aux exercices sophistiques.
32Tout discours est opinion et le renom en est un parfait exemple. Il est une construction fictive qui ne donne nullement accès à la connaissance de la personne, d’autant que le masque du nom propre se double de ceux de Fortune, dont les intentions sont tout aussi indéchiffrables que celle des hommes. Confronter des opinions entre elles, c’est donc ce à quoi Montaigne peut uniquement prétendre, puisque les mots ne donnent pas accès aux choses, pas plus que les noms aux êtres. Le chapitre « De l’incertitude de notre jugement » comme virtuose exercice de style propose une forme d’écriture où l’opinion prend corps comme telle. Elle est une construction verbale qui n’est pas propre à Montaigne : anonyme, elle appartient à tous, mais peut aussi s’incarner dans un discours emprunté à un autre. Pour que le lecteur ne se méprenne pas sur la nature des propos qu’il doit toujours considérer in fine comme opinion, Montaigne invente une écriture de la distanciation qui doit beaucoup à la Sophistique. D’une part, le chapitre emprunte les tours de la déclamation qui démystifie les efforts argumentatifs de la raison comme des spéculations sans prise sur le réel. En outre, Montaigne souligne que la matière première des Essais, le langage, est toujours nécessairement une matière seconde en recourant systématiquement, de manière plus ou moins explicite, au détournement de la parole des autres. Ainsi, chaque citation latine ou grecque doit se lire comme une prosopopée : « Homère a dit…, Plutarque a dit… ». Montaigne multiplie les discours offerts par la tradition pour aussi mieux faire mesurer leurs limites. Le lecteur se trouve alors, comme Montaigne, en position de choisir, non pas celui qui est vrai, puisque le critère de la vérité lui échappe, mais celui qui lui parle davantage, celui qui lui semble adressé. Dans le prolongement de la réflexion linguistique du chapitre « Des Noms », le chapitre « De l’incertitude du jugement » est un temps où le projet des Essais se cherche et se trouve progressivement une forme qui se signale par son infléchissement sophistique. Ce diptyque trouve son pendant dans le livre II où la réflexion linguistique de « De la Gloire » conduit au projet assumé et conscient de l’écriture de soi dans « De la présomption ».
Notes de bas de page numériques
1 Ce qui faisait déjà dire à James Dauphiné : « Tout semble avoir été écrit sur le chapitre ‘Des noms’ » (« De la ‘galimafrée’ des noms (I, 46) à la ‘fricassée’ des Essais », Montaigne – Études sur le Livre I des Essais, seconde journée d’études du xvie siècle de l’université de Nice-Sophia-Antipolis, Nice, Publication de la faculté des lettres, arts et sciences humaines, 1993, p. 109), http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=6531 .
2 Le livre d’Antoine Compagnon, Nous, Michel de Montaigne (Paris, Éditions du Seuil, 1980) reste l’ouvrage fondateur qui pose les jalons essentiels de cette enquête : « s’il est un nom propre, c’est le nom du père, c’est le nom d’auteur, Pierre ou Michel qui consiste après coup et subsiste réellement, car il suppose, supponit pro, pour le fils, pour le livre » (p. 230). Antoine Compagnon utilise la pensée d’Ockam pour éclairer la démarche de Montaigne. Abandonnant la question de l’ockamisme, plusieurs travaux confirment les conclusions d’Antoine Compagnon par d’autres chemins : François Rigolot, « Sémiotique et onomastique : le nom propre de Montaigne », Le Parcours des Essais, Montaigne 1588-1988, textes réunis par Marcel Tétel et G. Mallary Masters, Paris, Aux amateurs de livres, 1989 ; Raymond Esclapez, « Le nom de Montaigne dans les Essais : Mythe, réalité, littérature », Bulletin de la société des amis de Montaigne, 1991, janvier-juin 1991, 23/24, p. 45-61 ; Philippe Desan, « Nommer, dénommer, renommée : le nom propre de Montaigne », Corpus, Revue de philosophie, 2006, p. 19-38 (Une partie des conclusions est reprise dans l’article « nom (propre) » du Dictionnaire Montaigne, édité par Philippe Desan, Paris, Champion, 2007).
3 Notre article s’inscrit dans la suite des conclusions d’André Tournon qui montre que le chapitre « De l’incertitude de notre jugement est l’« un des premiers [chapitres] à présenter l’organisation caractéristique des Essais » (La Glose et l’essai, édition revue et corrigée précédée d’un Réexamen, Paris, Champion, 2000, p. 226). Notre apport sera de montrer la solidarité des questions linguistiques et des solutions rhétoriques et énonciatives trouvées par Montaigne. Même si, selon nous, c’est moins le genre du paradoxe, que celui de la déclamation qui informe les Essais, notre démarche reste proche de celle d’André Tournon qui cherche lui aussi à mettre en évidence une « corrélation entre des exigences philosophiques et des structures de texte » (ibid., p. 104).
4 « Mais cette considération me tire par force à un autre champ » : Montaigne, Essais I, édition d’Emmanuel Naya, Delphine Reguig et Alexandre Tarrête, Paris, Gallimard, 2009, p. 495. Si nous ne donnons pas de précisions contraires, nous citerons toujours cette édition, édition de référence au programme de l’agrégation cette année.
5 I, 46, p. 495.
6 I, 46, p. 491.
7 Quand Antoine Compagnon reconnaît ici un écho à la querelle des universaux, Marie-Luce Demonet y voit plutôt les Catégories d’Aristote : « ’Herbe’ est le genre, ‘salade’ une espèce, et la ‘diversité d’herbes’ serait l’ensemble des herbes singulières. Voilà raisonné comme un commentaire des Catégories d’Aristote » (À plaisir – Sémiotique et scepticisme chez Montaigne, Orléans, Paradigme, 2002, p. 220).
8 I, 46, p. 491.
9 I, 46, p. 492.
10 Antoine Compagnon fait une lecture linéaire du chapitre, analysant chaque élément du florilège. Il est, par conséquent inutile de revenir par exemple sur l’analyse très intéressante du détournement de l’histoire du jeune poitevin débauché (« l’ensemble des simplifications que Montaigne fait subir au récit vont sans doute dans le même sens : elles éliminent sa dimension proprement surnaturelle pour ne conserver du miracle que le nom », Nous, Michel..., p. 67).
11 I, 46, p. 491.
12 I, 46, p. 493.
13 Ce n’est pas sans ironie que Montaigne fait entendre les regrets de ce personnage : « à les ouïr seulement sonner, il se sentait qu’ils avaient été bien d’autres gens » (I, 46, p. 493). En croyant que des noms différents supposent des hommes différents, le vieux gentilhomme semble supposer un peu naïvement que le nom dit effectivement directement quelque chose de celui qui le porte.
14 Il y a deux occurrences du mot « mutation », la première dans l’exemple précédemment cité qui associe « mutation et confusion », la seconde, lorsque Montaigne condamne le changement des noms en fonction des terres acquises par achat ou par héritage : « Il y a tant de liberté en ces mutations que, de mon temps, je n’ai vu personne, élevé par la fortune à quelque grandeur extraordinaire à qui on n’ait attaché incontinent des titres généalogiques nouveaux et ignorés à son père » (I, 46, p. 494.).
15 I, 46, p. 494.
16 I, 46, p. 493. James Dauphiné observe qu’« à partir de 1588, Montaigne accepte les noms antiques francisés » (« De la ‘galimafrée’ des noms... », art. cit. p. 114).
17 « Après sa farce, il leur dit mille injures » (I, 46, p. 495). Pendant, un temps, l’ami de Montaigne fait semblant d’entendre ce qui se dit et se prête à ce jeu de dupes. Cette anecdote en rappelle une autre, très proche, racontée dans le chapitre « Du pédantisme » : « J’ay vu chez moi un mien ami, par manière de passetemps, ayant affaire à un de ceux-ci [des « savanteaux »], contrefaire un jargon de galimatias, propos sans suite, tissu de pièces rapportées, sauf qu’il était souvent entrelardé de mots propres à leur dispute, amuser ainsi tout un jour ce sot à débattre, pensant toujours répondre aux objections qu’on luy faisait; et si était homme de lettres et de réputation » (I, 25, p. 303-304). Dans cet extrait, les mots savants fonctionnent comme les noms propres, ils sont des coquilles vides. Cet autre ami de Montaigne (à moins que ce soit le même, ou que tous deux soient inventés) a le même plaisir à participer à la comédie pour mieux en montrer le mensonge, l’artifice et la vanité.
18 I, 46, p. 494.
19 I, 46, p. 494.
20 I, 46, p. 494
21 I, 46, p. 495.
22 I, 46, p. 494.
23 « La notion de vide nominal est en rapport avec la non-motivation » (Marie-Luce Demonet, À plaisir..., p. 221).
24 L’expression « pour tous potages » signifie « en tout et pour tout ». Mais, comme l’avait bien montré James Dauphiné (« De la ‘galimafrée’ des noms à la ‘fricassée’ des Essais », article cité ci-dessus), il est beaucoup question de nourriture dans ce chapitre : « galimafrée », « salade » et « potages ». Il s’agit toujours de savoir s’il y a effectivement « quelque chose à se mettre sous la dent », si le vide nominal peut ou non se remplir. L’usage métaphorique de ces termes montre déjà la capacité du langage à donner fictivement consistance à ce qui n’en a pas nécessairement.
25 Pour faire ces remarques sur les modifications de la fin du chapitre, nous avons utilisé les éditions suivantes : Michel Eyquem de Montaigne, Essais, reproduction photographique de l’édition originale de 1580 publiée par Danièle Martin, Genève/Paris, Slatkine/Champion, 1976 et Essais, reproduction en fac-similé de l’Exemplaire de Bordeaux 1588 annoté de la main de Montaigne, édition établie par René Bernoulli avec une préface de Claude Pichois, Genève-Paris, Slatkine, 1987.
26 I, 46, p. 497.
27 I, 46, p. 497.
28 I, 46, p. 497.
29 I, 37, p. 430.
30 « Virtutem verba putant », (I, 37, p. 430).
31 I, 37, p. 430.
32 « Iam vero qui potest vir bonus non ad id quod laudabile sit omnia referre quae agit quaeque sentit ? »,« Mais encore, comment l’homme de bien ne pourrait-il pas subordonner tous ses actes et ses pensées à une fin digne d’éloges ? » Cicéron, Tusculanes, texte établi par Georges Fohlen et traduit par Jean Humbert,Paris, Belles Lettres, 1968, V, xvii, 48, p. 130.
33 I, 37, p. 431 ; ce passage se lit dans les marges de l’exemplaire de Bordeaux. La suite montre bien que la renommée de la vertu de Caton (ou d’un autre) est bien une construction elle aussi, tout autant que les calomnies que Montaigne condamne : « C’est l’office des gens de bien de peindre la vertu la plus belle qui se puisse » (ibid.).
34 I, XLVII, p. 498. Il nous semble difficile d’affirmer que Montaigne traduit le vers dans la phrase qui suit la citation comme le supposent Villey et les éditeurs de notre texte de référence. Le sens de « loi » dans l’expression « il y a loi » ne correspond pas au sens courant de « nomos », mais à « loisir ». Par conséquent, notre hypothèse est que Montaigne lisait bien le mot « nomos » comme « pâturage ».
35 Vies et doctrines des philosophes illustres, traduction française sous la direction de Marie-Odile Goulet-Cazé, Paris, Livre de Poche, 1999, Livre IX, 73, p. 1110. Cette source n’est mentionnée ni dans notre édition de référence, ni dans l’édition Villey.
36 Il y a en effet une équivalence entre parole et raison chez Montaigne. C’est ce que révèle une correction de l’exemplaire de Bordeaux : Montaigne modifie un passage du chapitre « De la coutume et de ne changer aisément une loi reçue » en remplaçant le mot « raison » par le mot « discours » : « J’estime qu’il ne tombe en l’imagination humaine aucune fantaisie si forcenée qui ne rencontre l’exemple de quelque usage public, et par conséquent que notre discours n’étaye et ne fonde » (I, 23, p. 262). Comme le dit Frédéric Brahami, « Montaigne invalide la raison comme purement verbale. Raisonner, ce n’est que parler, et parler, ce n’est jamais parler du réel » (Le Scepticisme de Montaigne, Paris, Puf, 1997, p. 34).
37 « A source of Montaigne’s uncertainty », Bibliothèque Humanisme et Renaissance, L, 1988, n°1, p. 95-100.
38 André Tournon a en outre signalé que Montaigne s’en prend de la même façon à Guillaume Du Bellay qui, dans ses Mémoires, prête ses mots à Charles V : « J’ayme mieux fonder mes entreprises sur la raison qui est tousjours certaine que sur l’exemple qui à bien grande difficulté se peut alleguer en cas entierement pareil » (La Glose et l’essai..., p. 102).
39 I, 47, p. 499.
40 « Mais de peur que le camp ne rappelât les fuyards et que le repose nocturne ne chassât la peur, il décida aussitôt de marcher au pied du retranchement ennemi, dans toute l’ardeur du succès et le désordre de la panique » (La Guerre Civile (La Pharsale), texte établi et traduit par A. Bourgery, Paris, Belles Lettres, 1962, VII, 731-734, p. 77).
41 Alors que ce vers est encore au début du chapitre, c’est déjà la troisième occurrence du mot « fortune ». Si on compte le mot latin, « fortune » apparaît douze fois dans « De l’incertitude... ».
42 I, 47, p. 499.
43 Plutarque, Les Vies des hommes illustres,traduction de Jacques Amyot, texte établi et annoté par Gérard Walter (l’orthographe est modernisée ; l’ordre des Vies est celui de l’édition Vascosan (1567)), Paris, Gallimard, 1937, LI, p. 456.
44 Machiavel et César sont tous deux coupables de prétendre pouvoir lire et comprendre l’ordre des choses. Comme l’a déjà fait remarquer Malcom C. Smith (« A source of Montaigne’s uncertainty », art. cit., p. 98), Machiavel est en effet mentionné dans le chapitre « De la présomption » dans un passage qui reprend l’essentiel de l’argumentation de I, 47 : « Les discours de Machiavel , pour exemple, étaient assez solides pour le sujet, si y a-il eu grand aisance à les combattre; et ceux qui l’ont fait, n’ont pas laissé moins de facilité à combattre les leurs. Il s’y trouverait toujours, à un tel argument, dequoy y fournir responses, dupliques, repliques, tripliques, quadrupliques ... » (II, 17, p. 471-472).
45 « Qui provoque l’ennemi en tendant sa gorge fait payer chèrement sa défaite » (I, 47, p. 500).
46 Pharsale,IV, p. 108.
47 I, 47, p. 502.
48 Vies des hommes illustres, XCIX, p. 303.
49 « [...] (je déroberai ici les mots mêmes de Plutarque, qui valent mieux que les miens) » (I, 47, p. 503).
50 Le caractère fictif de la reconstruction historique se lit aussi dans l’exemple où Montaigne invente aussi bien ce qu’aurait pu penser François Ier, s’il avait choisi d’aller au devant de Charles Quint en 1536 et ce qu’il a pu pensé (« il put imaginer au contraire »), en décidant finalement de l’attendre sur ses terres (I, 47, p. 504-505).
51 « Le portrait de la déesse aux deux visages, lorsqu’on le considère avec attention, révèle son secret : il ne repose que sur une combinaison de masques, qui tantôt sourient, tantôt grimacent, mais toujours abusent » (Yasmina Foehr-Janssens et Emmanuelle Métry, Introduction « Ensi Fortune se desguise », La Fortune – Thèmes, représentations, discours, Études rassemblées par Yasmina Foehr-Janssens et Emmanuelle Métry, Genève, Droz, 2003, p. 9).
52 Celui qui veut connaître un autre homme n’a jamais que pour matière les « apparences externes » ; c’est ce qui oppose fondamentalement le renom et la connaissance de soi, comme le montre aussi très bien « De la présomption » : « Les plus notables hommes que j’ai jugé [sic] par les apparences externes (car pour les juger à ma mode il faudrait les éclairer de plus près) ce ont été pour le fait de guerre et la suffisance militaire, le Duc de Guyse, qui mourut à Orleans, et le feu Maréchal Strozzi » (II, 17, p. 480).
53 I, 47, p. 506.
54 « Peut-être en effet ce qu’on appelle vulgairement la fortune, est-il régi par un ordre caché et ce que nous nommons hasard dans les événements n’est-il rien autre chose que ce dont la raison et la cause sont inconnues », extrait de Contre les académiciens de Saint Augustin cité par Emmanuelle Métry, (« Fortuna et Philosophia : une alliance inattendue. Quelques remarques sur le rôle de Fortune dans la Consolation de Philosophie de Boèce », dans La Fortune – Thèmes, représentations, discours, éd. cit., p. 61).
55 C’est ce qu’affirme Montaigne dans « De la présomption » qui, sur plus d’un point, prolonge et confirme les analyses de « De l’incertitude » : « S’il faut courir le hasard d’un choix incertain, j’aime mieux que ce soit sous tel, qui s’assure plus de ses opinions et les épouse plus que je ne fais les miennes, auxquelles je trouve le fondement et le plant glissant. Et si ne suis pas trop facile au change, d’autant que j’aperçois aux opinions contraires une pareille faiblesse » (II, 12, p. 471).C’est également le sens de notre lecture du chapitre « Que philosopher, c’est apprendre à mourir » : Montaigne élit Sénèque parmi la profusion des discours antiques sur la mort, non parce qu’il a raison contre tous les autres, mais que la parole authentique d’amitié adressée à Lucilius lui parle plus que les autres. (« Que philosopher c’est apprendre à mourir » - Un exercice de réception, Nouveau Bulletin de la Société des Amis de Montaigne, n°49, premier semestre 2009, p. 7-32).
56 Comme l’atteste la Grammaire méthodique du français de Martin Riegel, Jean-Christophe Pellat et René Rioul (Paris, Puf, 2006, p. 210), les relatifs sans antécédent « s’apparentent à des pronoms indéfinis ».
57 I, 47, p. 498.
58 I, 47, p. 500.
59 I, 47, p. 499.
60 L’introduction de Michel Patillon à L’Art rhétorique d’Hermogène (traduction française intégrale, introduction et notes par Michel Patillon, préface de Pierre Laurens, Paris, L’Âge d’homme pour la préface et l’introduction et Les Belles Lettres pour la traduction française, 1997) fait une mise au point très parlante sur ce qu’est la déclamation : « On peut la présenter comme un sport ou un jeu. G. A. Kennedy dit ‘an intellectual game for adults’. Le fait est que les anciens s’en montraient très friands et qu’une vedette de la seconde sophistique pouvait déplacer des foules [...]. L’existence, parallèlement au discours pratique, de ce discours pour le discours est fort ancienne puisqu’on en trouve des traces dès le IIIe siècle av. J.-C.. [...] Les orateurs prenaient occasion des événements de la vie publique pour prononcer des discours d’apparat, ou bien il pratiquait la déclamation ou meletê au sens strict de ‘discours judiciaire ou délibératif sur des sujets fictifs’ » (p. 31-32).
61 I, 47, p. 503.
62 I, 47, p. 498.
63 I, 47, p. 498.
64 I, 47, p. 498.
65 Vies et doctrines des philosophes illustres, traduction française sous la direction de Marie-Odile Goulet-Cazé, Paris, Livre de Poche, 1999, IX, p. 1088.
66 IX, p. 1090.
67 « Im Jahr 1570 edierte der Humanist Henricus Stephanus erstmals einen eigentümlichen Text, den er in der handschrifltlichen Überlieferung den Schriften des Sextus Empiricus beigefügt fand – jedoch ohne Angabe von Titel und Autor » (Nous traduisons : En 1570, l’humaniste Henri Estienne a édité pour la première fois un texte étrange, qu’il trouva dans les manuscrits des œuvres de Sextus Empiricus, mais sans indication de titre ou d’auteur) : Dissoi logoi – Zweierlei Ansichten, Ein sophistischer Traktat, herausgegeben von Alexander Becker und Peter Scholz, Berlin, Akademie Verlag, 2004.Selon Émile Dupréel, ce petit traité pourrait être une des sources du dialogue de Platon, Protagoras (« Les thèmes du Protagoras et les Dissoi Logoi », Revue néo-scolastique de philosophie, 1921, volume 23, n°89, p. 26-40). Sur les manuscrits de Sextus Empiricus et la fortune des dissoi logoi, on peut également lire l’article de Gian Mario Cao « The Prehistory of Modern Scepticism: Sextus Empiricus in Fifteenth-Century Italy », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, Vol. 64 (2001), p. 229-280 et en particulier la note 27 p. 235. Henri Estienne a nommé les dissoi logoi dialexeis : il a ajouté ce texte à la fin de son édition de Diogène Laërce (Diogenis Laertii de vitis, dogmatis et apophthegmatis eorum qui in philosophia claruerunt libri X... cum annotationibus Henr. Stephani. Pythagoreorum philosophorum fragmenta. Cum latina interpretatione Gulielmi Canteri, 1570).
68 On date ce texte vers 400 avant J.-C (Émile Dupréel, « Les thèmes du Protagoras... », p. 29 ». Montaigne aurait pu être tout particulièrement intéressé par le chapitre 5, qui « présente le langage comme un objet matériel qu’on peut considérer indépendamment de toute fonction référentielle » (Françoise Desbordes, Scripta varia, Rhétorique antique et littérature latine, textes réunis par Geneviève Clérico et Jean Soubiran, Louvain - Paris - Dudley, MA, 2006, p. 14).
69 Sur les liens entre sophistes et sceptiques, on peut lire l’article de Françoise Caujolle-Zaslawsky, « Sophistique et scepticisme – L’image de Protagoras dans l’œuvre de Sextus Empiricus », dans Positions de la sophistique, colloque de Cerisy édité par Barbara Cassin, Paris, Vrin, 1986, p. 149-165. Les sceptiques ont en particulier en commun avec les sophistes de chercher d’autres critères que la vérité. Dans une circonstance donnée, sans être plus vraie qu’une autre, une opinion peut avoir plus de valeur qu’une autre. En revanche, si, ainsi que le fait remarquer Françoise Caujolle-Zaslawsky, les sceptiques « se sont tenus à l’écart de toute activité impliquant une grande capacité de discourir » (p. 151), Montaigne, comme les sophistes, maîtrise parfaitement la rhétorique.
Pour citer cet article
Blandine Perona, « « Il y a prou loi de parler partout et pour et contre ». Sophistique et scepticisme dans les chapitres « Des noms » et « De l’incertitude de notre jugement » », paru dans Loxias, Loxias 31., mis en ligne le 15 décembre 2010, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=6533.
Auteurs
ATER à l’université du Sud-Toulon-Var, elle prépare actuellement la publication de sa thèse, soutenue à l’Université Paris-Sorbonne sous la direction de Claude Blum. L’ouvrage intitulé Faire signe - Une étude de la prosopopée à la Renaissance, d’Érasme à Béroalde de Verville paraîtra aux Éditions Classiques Garnier. L’articulation entre théorie de la langue, rhétorique et éthique est au cœur de ses recherches. Elle est l’un des membres fondateurs et animateurs du site Panurge (www.panurge.org).