Loxias | Loxias 27 Autour des programmes de lettres aux concours 2010: agrégation, CPGE | I. Autour du programme d'agrégation 2010 

Anna Lushenkova  : 

Le Poème sans héros d’Anna Akhmatova à la lumière de la tradition épique russe et face au poèma romantique

Résumé

Le Poème sans héros d’Anna Akhmatova s’inscrit dans la tradition épique de la littérature russe, tout en renouvelant les canons de ce genre poétique. Eu égard aux chants épiques russes des XIe-XIIe siècles, l’innovation porte sur l’objet et sur la temporalité du récit. En outre, le choix du titre de l’ouvrage est révélateur du positionnement de ce dernier face au genre du poèma lyrico-épique. D’une part, le premier mot du titre situe cette œuvre dans la lignée de cette catégorie générique : Poèma. D’autre part, les deux mots qui terminent le titre – bez geroâ – sont appelés à manifester la transformation que l’ouvrage opère au regard de la tradition littéraire. En effet, l’ouvrage d’Anna Akhmatova est structuré autour de l’absence de héros dont la figure a pourtant joué un rôle central dans le poèma russe romantique du XIXe siècle.

Index

Mots-clés : Akhmatova , épopée, poésie

Géographique : Russie

Chronologique : XXe siècle

Plan

Texte intégral

I. Le genre du Poème sans héros : le poèma

1En langue russe, deux termes viennent définir la forme de l’ouvrage de poésie : stihotvorenie1 (стихотворение), du grec stichos (ligne), et poèma (поэма), du grec ποιεμα (faire, fabriquer, créer). Ces deux notions sont traditionnellement traduites en français par le nom commun poème. Toutefois pour la poésie russe, leur emploi distinct permet la mise en exergue de nuances relatives aux productions désignées. Divergentes d’un point de vue formel, les œuvres de poésie distinguées par ces deux termes russes connaissent également des différences d’ordre générique.

2Ainsi, le poèma caractérisé par sa longueur, se singularise notamment par son appartenance simultanée aux genres lyrique et épique. D’après Jean-Louis Backès, poèma peut être traduit par « petite épopée2 » en français.

3Le terme stihotvorenie désigne, quant à lui, un court poème lyrique. Au début du XXsiècle, à travers la pratique de cette forme poétique, Anna Akhmatova fait son entrée sur la scène littéraire russe avec le recueil Le Soir (Večer, 19123). Cependant, les premiers stihotvoreniâ d’Anna Akhmatova aspirent déjà au dépassement du lyrisme pur, et ce, notamment par le rôle qu’y joue l’évènement. La prégnance de l’événement est mise en évidence par Viktor Jirmounski. Cet auteur russe a consacré d’importants travaux à Anna Akhmatova. Il rapproche ses stihotvoreniâ au genre prosaïque de novella (новелла)4. La novella, également connue sous le nom de short story, qualifie un récit court qui s’organise autour d’un événement particulier. Dans une perspective de dépassement analogue, les émotions se concrétisent souvent au travers de leurs manifestations extérieures chez Anna Akhmatova : les « mains crispées5 » (« Сжала руки6 »), une cravache et un gant oubliés sur la table du jardin7, le gant de la main gauche mis « par mégarde8 » à la main droite.

4Dès la parution de ses premiers poèmes lyriques, Anna Akhmatova ambitionne de regrouper ces derniers en cycles. Dans son article consacré au Requiem, Efim Etkind, historien de la littérature russe, souligne que le caractère cyclique de l’œuvre d’Anna Akhmatova traduit également son intention de déborder le pur lyrisme9.

5La question du genre se pose tout particulièrement pour le Poème sans héros. Cette production littéraire possède les traits d’un ouvrage dramatique et poétique, épique et lyrique. À titre d’exemple, les parties et les chapitres du Poème sans héros sont précédés non seulement par de nombreuses épigraphes, mais aussi par des passages revêtant l’aspect de didascalies, à savoir des indications scéniques propres aux pièces de théâtre. En outre, parmi les manuscrits de travail sur cet ouvrage se trouvent les esquisses du scénario pour le ballet10. Anna Akhmatova définit le Poème sans héros et le Requiem comme appartenant au registre du poèma. Concernant le Poème sans héros, l’écrivain nomme le genre dans son titre : Poèma bez geroâ [Поэма без героя]. Dès le début de la rédaction de ce poème, Anna Akhmatova considère celui-ci comme un ouvrage « non-lyrique11 » (нелирически[й]). Selon elle, ce poème se différencie de ses autres œuvres par sa forme – laquelle ne cesse de s’amplifier, de s’enrichir et de se complexifier tout au long de sa genèse – et par la maturité des aspirations épiques de son écriture.

6L’idée selon laquelle ces deux grands poèmes sont des œuvres à la fois lyriques et épiques – c’est-à-dire des œuvres au sein desquelles s’exerce l’interaction des genres – est récurrente dans les études consacrées à l’œuvre d’Akhmatova en Russie. Ainsi, Efim Etkind développe l’idée selon laquelle le Requiem d’Akhmatova apparaît comme une œuvre épique composée de fragments lyriques12.

II. Le Poème sans héros à la lumière de la tradition épique russe

7Dans ses commentaires sur la notion du genre littéraire, Mikhail Bakhtine souligne que le genre se renouvelle à chaque étape de son existence et dans chaque œuvre particulière appartenant à cette même catégorie générique. Dans un même temps, Bakhtine soutient que le genre entretient des liens avec ses conceptions précédentes : il « se rappelle son passé13 », explique l’auteur. Anna Akhmatova affirme quant à elle que le poèma est de qualité à condition d’avoir été écrit à contre-courant des canons du genre14. En s’exprimant ainsi, la poétesse fait plus précisément référence au genre du poèma romantique qui s’épanouit au XIXe siècle avec notamment l’œuvre d’Aleksandr Pouchkine. Il semblerait intéressant d’observer la façon dont les poèmes lyrico-épiques d’Anna Akhmatova s’inscrivent dans la tradition épique de la poésie russe et la manière dont son œuvre renouvelle cette même tradition.

8Le genre épique de la littérature russe trouve ses origines dans la tradition orale des bylines (bylina, былина). Ce terme vientdu verbe bylo (было) qui correspond à la forme du verbe exister au passé : a existé. Selon l’étude d’Alfred Rambaud, basée sur des recherches effectuées en Russie au XIXe siècle, les bylines font leur apparition aux alentours du XIe siècle15. En raison de leur caractère oral, il est difficile de déterminer la date d’apparition des bylines avec précision. Les bylines désignent des chants poétiques ordonnés en cycle autour de la narration des exploits des héros légendaires, et, plus tard, de ceux des personnages historiques.

9Les héros du premier type de bylines sont traditionnellement des bogatyrs (богатыри), c’est-à-dire des cavaliers errants dotés d’une force prodigieuse. L’un de leurs illustres représentants est Ilia de Mourom ou Ilia Mouromets (ИльяМуромец). L’aspect légendaire domine les éléments historiques dans ce premier type de bylines.

10Plus tard, aux alentours du XIIe siècle, apparaît un second type de bylines : il s’agit de chants épiques basés sur les exploits des personnages historiques russes. L’exemple le plus connu de ce type de chants épiques est Le Dit de la campagne d’Igor (Slovo o polku Igoreve, Слово о полку Игореве16). Ce chant épique, datant des XIIe-XIIIe siècles, comporte un passage lyrique dans lequel la princesse Iaroslavna, inquiète du sort réservé à son époux Igor, se lamente dès l’aube sur les remparts de la ville de Poutivl17. Cet extrait est connu sous le titre « Lamentation de Iaroslavna » (« Plač Âroslavny », « Плач Ярославны »). Ce passage trouve une résonance dans le Requiem d’Anna Akhmatova, notamment dans la partie V: « Voilà dix-sept mois que je crie… »(« Семнадцать месяцев кричу… »). D’autres figures féminines légendaires et historiques sont présentes dans les poèmes lyrico-épiques d’Anna Akhmatova. Ainsi, la célèbre formule attribuée à l’impératrice Eudoxie, également connue sous le nom d’« Avdotia la tsarine18 », femme de Pierre le Grand, est employée comme l’une des épigraphes du Poème sans héros : « Que reste vide ce lieu…19 ». L’emprunt de cette malédiction destinée à la ville de Saint-Pétersbourg participe à la mythologisation de l’image d’une ville déjà ancrée dans la tradition littéraire russe.

11De nombreuses figures féminines traversent les bylines. Cependant, les histoires d’amour restent rares, et ce malgré la représentation de la célèbre figure de la princesse de Iaroslavna, comparable à Pénélope de l’Odyssée. En revanche, les figures de femmes jouent souvent un rôle actif dans les bylines : elles participent aux exploits. Ainsi, Vasilisa, fille de Mikula, parvient habilement à délivrer son mari, Stavr Godinovič, parce qu’elle accomplit d’incroyables prouesses dans les jeux, la lutte et le tir à l’arc20. Une autre héroïne, Avdot´â Râzanočka, emploie tout son courage, sa sincérité et sa sagesse pour la libération des russes prisonniers du roi turc. L’héroïne apparaît ainsi à l’origine de la reconstruction de la ville de Râzan´21.

12Dans un article consacré aux conflits engendrés par l’action des bylines traditionnels, G. A. Petrov fait référence à d’autres personnages féminins qui se trouvent au cœur de l’action dans les bylines. L’auteur met en évidence la fréquence de la participation féminine – plus souvent basée sur la ruse que la force physique – dans les conflits22.

13En 1900, Kazimierz Wasislewki note également que les femmes, souvent, « triomphent […] au-dessus de l’élément masculin, et ce n’est ni à l’amour ni à leur charme qu’elles le doivent23 ». En guise d’exemple, Wasislewski évoque les héroïnes de Polénitsas24, des viragos immenses qui errent dans la steppe avec des massues gigantesques et attaquent des bogatyrs tel que Ilia de Mourom. Wasislewski signale qu’à la différence des représentations des figures des Amazones et des Walkyries, celle des Polénitsas n’évoque pas leur beauté. Effectivement, la présence des Polénitsas dans les bylines ne suscite aucune intrigue amoureuse. Wasislewski commente : « [o]n se bat avec elles, et on est souvent battu ; on ne leur fait pas la cour25 ».

14La mère est une figure féminine généralement présente dans les chants épiques russes. En effet, dans le cycle des bylines consacré à bogatyr Dobrynâ Nikityč, le lecteur découvre que l’un des héros les plus célèbres des bylines vit avec sa mère. Le dévouement de la mère pour son fils est souvent opposé à l’inconstance dont l’épouse peut faire preuve : « Le chevalier perspicace vante la bonté de sa mère, le chevalier insensé vante les mérites de sa belle épouse26 ».

15Dans le Requiem, la figure féminine devient centrale. Chez Anna Akhmatova, l’image de la mère qui souffre du fait que son fils lui soit arraché, devient le symbole de la Russie de son époque.

16Dans le Poème sans héros, Anna Akhmatova intègre à la figure de Colombine sa vision de la femme russe d’avant-guerre. En effet, dans ses entretiens avec Lydia Tchoukovskaïa, Anna Akhmatova revient sur la figure féminine de cet ouvrage : « À l’époque, nous étions toutes comme ça27». Cette image féminine ne cesse de se dédoubler tout au long du poèma : « Les uns disent que c’est Colombine, les autres y voient Donna Anna (celle des « Pas du Commandeur »)28 ».

III. L’objet de l’épopée : « L’histoire héroïque de mon pays »

17Les transformations apportées au genre épique par Anna Akhmatova concernent les trois aspects de ce genre tel qu’ils sont formulés par Mikhaïl Bakhtine. En effet, ce dernier relève trois traits majeurs constitutifs d’une épopée. Le premier touche à l’objet de l’épopée : celui-ci est constitué par le passé épique national. La seconde caractéristique du genre épique découle de la première et consiste dans la non-intervention de l’expérience de l’auteur dans la mesure où seule la légende traditionnelle nationale compose ses sources.

18Quant à Anna Akhmatova, elle transcrit l’histoire récente et hautement tragique à ses yeux, de son pays. La poétesse fait référence aux deux guerres mondiales, à la révolution de 1917 ainsi qu’à la répression dont elle a elle-même souffert. Dès lors, ses œuvres participent au renouvellement de la tradition épique par le choix de l’objet de la narration. En revanche, le passé récent de son peuple est l’objet de ses ouvrages lyrico-épiques, il reste pour elle de l’ordre de l’héroïque. En 1965, elle conclut sa note autobiographique de la façon suivante :

Je n’ai jamais arrêté d’écrire des poèmes. Pour moi, ils représentent mon lien avec l’époque, avec la vie nouvelle de mon peuple. Lorsque je les écrivais, je vivais par les rythmes qui résonnaient dans l’histoire héroïque du mon pays29 .

19L’auteur perçoit le fait de rester fidèle à son pays natal malgré la terreur qui y règne comme un acte héroïque :

Non, je n’étais pas sous un ciel étranger
Ni protégée par les ailes étrangères
J’étais alors avec mon peuple
Là où mon peuple malheureusement était30.

20Le choix de l’attitude à adopter face à l’éventualité de l’exil fut un sujet de division au sein de l’intelligentsia russe qui n’avait pas accepté la révolution. Ceux qui sont partis concevaient leur départ précisément dans une perspective de fidélité à leur patrie. Dans son ouvrage, « Ils ont emporté la Russie avec eux… », René Guerra fait référence à l’idée émise par l’auteur russe Ivanov-Razumnik en 1920. Guerra rend compte du positionnement de ces auteurs face au pouvoir soviétique et face à l’impératif du départ : « Leur Russie n’est pas la nôtre, et la nôtre n’est pas la leur31 ». Ainsi, pour ces raisons, Ivan Bounine, exilé en France à partir de 1920, refusait le retour dans son pays. Selon son propre aveu, l’écrivain ne pouvait accepter de revenir dans un pays « dont la capitale porte le nom de Leningrad, où Nijni est devenu Gorky, et où Tver s’appelle désormais Kalinine32 ». Dans la perspective de la défense de « leur Russie », l’exil fut ainsi considéré par ces artistes précisément comme un acte de résistance. De son côté, Anna Akhmatova refuse d’accepter cette position qui apparaît à ses yeux comme une trahison. Cette idée est exprimée dans de nombreux poèmes :

Ils ont abandonné leur terre
Aux ennemis qui la déchirent,
Je ne suis pas de leur côté.
Leurs flatteries sont grossières,
Je ne les écoute pas.
Ils n’auront pas mes chansons33.

IV. Les rapports du présent et du passé : « Pour les faire arriver aux siècles à venir… »

21La troisième caractéristique du genre épique soulignée par Bakhtine touche à la spécificité de sa temporalité. Pour définir le caractère du passé épique, cet auteur emprunte à Goethe et Schiller le terme de « passé absolu34 ». En effet, au sens de Bakhtine, le passé épique étant « absolu », cela implique une distance irrévocable entre le monde épique et la temporalité du moment de la récitation de l’épopée. Cela signifie que le monde épique se replie sur lui-même et apparaît ainsi achevé.

22Dans l’introduction au Poème sans héros, la voix narratrice annonce une distance temporelle à l’égard des événements dont il sera question :

DU HAUT DE L’ANNÉE QUARANTE,
COMME D’UNE TOUR, JE REGARDE TOUTE CHOSE […]35.

23La traduction de Jean-Louis Backès est fidèle au texte original dans sa transcription de l’élévation de l’auteur au-dessus de la temporalité des faits annoncés par la narration. En revanche, d’autres traductions du poème ne maintiennent pas cette nuance. Ainsi, celle de Jeanne et Fernand Rude ne reprend pas la notion de l’élévation de l’auteur au-dessus des évènements dont il sera question. Ici, l’expression « du haut de l’année quarante » est supplantée par « du fond de l’an mille neuf cent quarante36 ».

24Néanmoins, la proclamation d’une distance temporelle ne rend pas cette dernière absolue. La narration convoque le passé sans pour autant se soustraire au présent. Les deux périodes désignées explicitement dans le poème, à savoir l’an mille neuf cent quarante et l’an mille neuf cent treize, se trouvent superposées dans la narration. Dans l’épigraphe, « la dernière37 » désigne mille neuf cent treize. Cette année précède l’éclatement de la Première Guerre mondiale, subséquemment suivie par la révolution de 1917. La voix narratrice se positionne à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Dans le texte du poème, des liens sont tissés entre les deux époques qui se reflètent l’une dans l’autre. Les personnages masqués naviguent entre ces deux époques et propagent au sein de chacune la frénésie d’une atmosphère festive cependant dépourvue de joie véritable. D’après Jean-Louis Backès, le poème peut être appréhendé comme une « longue méditation sur les liens secrets qui unissent le passé de la Russie et son présent38 ».

25En outre, dans le Poème sans héros, l’idée du temps officiel (« календарный39 ») est opposée à l’idée du temps « vrai40 » (« настоящий41 »). Ici, le temps historique est opposé au vrai temps. Cette idée se fait l’écho d’une représentation notamment exprimée par Proust : celle qui oppose le temps subjectif et vrai au temps conventionnel. C’est ainsi que l’élément d’une nature subjective, et donc d’ordre lyrique, prend part à l’œuvre épique.

26Selon Bakhtine, les genres du sérieux-comique introduisent l’abolition de la distance épique dans la mesure où ils désignent le moment actuel comme étant le point de départ de leur narration tournée vers le passé. Précurseurs du roman, ces genres permettent à l’auteur d’apparaître librement « sous tous ses masques et faux visages42 » puisqu’ils abrogent la distance éloignant l’auteur et les lecteurs de l’œuvre des héros représentés. En effet, dans le Poème sans héros, la représentation des personnages masqués, et en particulier celle des héros de la Commedia dell’Arte, au sein du texte épique, concoure au mélange des niveaux traditionnels et entraîne un effet de parodie. Cet effet était particulièrement recherché aux XVIe et XVIIe siècles dans les épopées baroques, et notamment dans Paradise Lost (1667) de John Milton43. Dans cette perspective, certains auteurs distinguent des traits baroques au sein du Poème sans héros. Ainsi, Georges Nivat souligne que les échos réguliers des arts visuels, et en particulier celui du ballet, constituent l’une des manifestations du caractère baroque du Poème sans héros44. De plus, comme le rappelle Alfred Rambaud, l’épopée traditionnelle russe « passe librement du sublime au trivial, et du solennel au bouffon45 », et ce bien avant l’apparition de l’épopée baroque.

V. La présence d’aède épique et l’absence de héros traditionnel du poèma romantique : « Qui est auteur, qui est personnage ? »

27Bakhtine distingue une dernière caractéristique propre à l’épopée : l’absence de participation de l’« aède46 » (c’est-à-dire du poète récitant l’épopée) aux actions du récit. Dans le Requiem et dans le Poème sans héros, le conteur participe aux évènements. L’« auteur » figure en effet dans les didascalies de l’ouvrage au même titre qu'un personnage. C’est notamment le cas dans la didascalie qui ouvre le premier chapitre de la première partie du poème : « La Maison sur la Fontanka. Au lieu de celui qu’on attendait, l’auteur voit arriver des ombres de 1913, masquées et déguisées47 ». En outre, la narration opère la superposition des voix. C’est tantôt le vent48, tantôt le froid hivernal49, ou le « Silence lui-même50 » qui prennent la parole. Dans son poème « La création » (appartenant au cycle Les secrets du métier) Anna Akhmatova affirmait déjà transcrire des « voix inconnues, voix prisonnières51 » dans sa poésie. C’est la raison pour laquelle de nombreuses voix surgissent tout au long du texte poétique.

28Anna Akhmatova se situe dans la lignée du poèma romantique. Cette dernière connut son essor au XIXe siècle avec les poèmes romantiques de Pouchkine et plus particulièrement avec Eugène Onéguine (Евгений Онегин, 1833). Dans le poèma romantique russe, la narration n’est plus centrée autour des événements héroïques. Le rôle central est attribué au héros : sa représentation revêt des caractéristiques lyriques et se rapproche ainsi du genre romanesque. A cet égard, la récurrente définition d’Eugène Onéguine par Pouchkine en tant que roman en vers apparaît significative. De plus, le poète Osip Mandelshtam affirme qu’Anna Akhmatova a apporté dans la poésie lyrique russe toute la complexité et la richesse psychologique du roman russe du XIXe siècle. Cette déclaration fait notamment allusion à la combinaison des genres pratiquée par la poétesse. Mandelshtam affirme de surcroît que la formation artistique d’Anna Akhmatova procède de sources prosaïques et non poétiques52.

29Cependant, Anna Akhmatova opère un renversement des canons du genre dans lequel elle inscrit le Poème sans héros,puisqu’elle prive son œuvre du centre organisateur traditionnel du poèma romantique, c’est-à-dire du héros. Lorsqu’elle commente le Poème sans héros, la poétesse revient sur l’absence de celui qu’elle mentionne pourtant dans le titre du poème : l’absence de héros structure le poème, organise l’ensemble de ses éléments et en constitue le fondement53. La présence des absents apparaît dès lors constituer un aspect fondateur de l’œuvre. La préface du poème le confirme : « Je dédie ce poème à la mémoire de ceux qui l’ont entendu pour la première fois, et à mes amis et concitoyens qui sont morts à Léningrad pendant le siège54 ».

VI. La prosodie : le résonnement du chœur héroïque des absents

30D’un point de vue technique, l’importance du mètre et de la strophe pour les œuvres relevant du genre du poèma apparaît capitale chez Anna Akhmatova. Dans le Requiem, le mètre et la strophe varient d’un vers à l’autre. À l’image de Pouchkine, de Nikolaï Nekrassov, d’Aleksandr Blok et de Vladimir Maïakovski, qui souhaitaient donner une forme inédite à leurs poèmas, Anna Akhmatova s’essaie à une forme nouvelle et originale dans le Poème sans héros. La poétesse associe à son mètre de prédilection (le dol´nik), un nouveau type de strophe. Dans le dol´nik (дольник), le nombre de syllabes brèves est variable d’un vers à l’autre, tandis que le nombre de syllabes longues est égal dans chaque vers. Jusqu’à la fin du XXe siècle, dans la poésie russe, le dol´nik, basé sur la métrique ternaire (et en particulier sur l’anapeste), occupe une place dans la poésie et les chants populaires et reste inexploré par la poésie russe académique. Le dol´nik s’étend dans la poésie russe symboliste au début du XXsiècle et devient par la suite caractéristique de la poésie russe de la première moitié du XXsiècle. Cette époque fut celle de l’« Âge d’Argent » (Серебряный век) de la poésie russe ou encore celle de son « Siècle d’argent55 » pour reprendre la traduction de Jean-Louis Backès. Si ce mètre est tout particulièrement associé au nom d’Anna Akhmatova, c’est essentiellement dans la structure de la strophe qu’Akhmatova recherche d’inédites solutions. La structure de la strophe employée dans le Poème sans héros se voit même attribuer le nom de l’auteur – « la strophe d’Akhmatova » (ahmatovskaâ strofa56) – dissipant ainsi l’appréhension de cette dernière :

On ne va pas désigner par le nom d’Akhmatova
Ni la rue, ni la strophe57.

31Si le nombre de vers par strophe varie dans le poème, la strophe comporte en général huit vers divisés en deux parties de quatre vers chacune. Les trois premiers vers se rejoignent dans la rime féminine. C’est également le cas des cinquième, sixième et septième vers. Les quatrième et huitième vers de la strophe s’associent dans la rime masculine qui dénoue la tension interne de la strophe. Lorsque la strophe comporte six vers, les deux premiers vers de chaque partie de la strophe sont réunis par la rime féminine, tandis que les troisième et sixième vers se retrouvent dans la rime masculine. Graphiquement, la séparation des vers dans la strophe de six vers connaît la représentation suivante :

Полно мне леденеть от страха,
         Лучше кликну Чакону Баха,
               А за ней войдет человек...
Он не станет мне милым мужем,
         Но мы с ним такое заслужим,
               Что смутится Двадцатый Век58.

32Viktor Jirmounski souligne que les vers d’Anna Akhmatova sont appelés à être récités à voix haute et nécessitent le déploiement des intonations de la parole. La poétesse elle-même précise qu’en écrivant ses vers, elle « vivait par les rythmes qui résonnaient dans l’histoire héroïque de [s]on pays59 ». Dans une perspective analogue, dans le texte en prose « En guise de préface » du Poème sans héros, Anna Akhmatova affirme entendre le chœur de ses concitoyens décédés pendant le siège de Leningrad lorsqu’elle lit le poèma à voix haute : « J’entends leurs voix, je me les rappelle quand je dis ce poème à haute voix, et ce chœur secret est devenu pour moi la justification définitive de cette chose60 ». Jean-Louis Backès revient également sur l’importance d’entendre la voix de la poétesse récitant ses poèmes. Le lecteur mesure ainsi la portée du rôle des intonations et du rythme du poème chez Akhmatova61. Dans la didascalie qui précède l’épilogue du poème, l’importance de la résonance de la voix de l’auteur est soulignée : « La voix de l’auteur, qui se trouve à sept mille kilomètres de là, récite : […]62 ». Le caractère récitatif des vers (« “напевн[ый]” стил[ь]63 ») renvoie à des caractéristiques techniques propres aux bylines. En effet, du point de vue de la métrique, les bylines traditionnels russes sont caractérisés par le déploiement du vers récitatif (речитативный). Celui-ci se caractérise par l’égalité du nombre de syllabes accentuées dans chaque vers, et la variation du nombre de syllabes non-accentuées d’un vers à l’autre. La récitation des bylines nécessite le recours à une technique de récitation située à mi-chemin entre la déclamation parlée et le chant.

Да Владимир-князь да стольноиевский
Поразгневался на старого казáка Илью Муромца64.

33De ce fait le rythme du Poème sans héros comporte des similitudes avec les œuvres épiques traditionnelles russes. En revanche, les vers d’Anna Akhmatova possèdent  des rimes qui différencient nettement le poèma des bylines. Les rimes occupent une fonction primordiale dans l’œuvre d’Anna Akhmatova, l’auteur les compare à des « ailes65 ».

34D’autre part, le Poème sans héros fut exclusivement perpétué par le biais des récitations d’amis fidèles de l’auteur qui mémorisaient le texte66. Ce procédé commémore la tradition de la transmission orale collective des épopées populaires.

VII. Ouvertures vers d’autres champs d’investigation : « Le coffret n’est-il pas à triple fond ? »

35En réalité, de nombreux aspects du Poème sans héros mériteraient de faire l’objet d’analyses spécifiques, et depuis quelques années, les études sur l’œuvre d’Anna Akmatova sont en plein essor en Russie67. La complexité de la genèse de cette œuvre, dont il existe de nombreuses versions, ainsi que l’échappée de ses « vers errants68 » offrent un champ d’études très vaste. L’analyse pourrait également considérer la complexité de l’intertextualité à l’œuvre dans ce poème. En effet, l’intertextualité possède ici les caractéristiques d’interpolation et de surimpression. L’emploi de ces caractéristiques intertextuelles est répandu dans la littérature moderne (en particulier chez Marcel Proust69), et concerne même d’autres champs d’analyse dans la littérature postmoderne, et notamment l’approche géocritique du texte70. Concernant l’interpolation, Anna Akhmatova introduit dans le texte du Poème sans héros des passages et des titres de ses autres ouvrages. L’auteur replace ainsi le poèma dans le contexte de la globalité de son œuvre. Notamment dans la didascalie qui ouvre « Revers », l’évocation du Requiem conduit au fusionnement des sonorités de ces deux ouvrages à voix multiples : « Le vent hurle dans la cheminée ; dans ce hurlement on peut deviner, profondément et habilement cachés, des fragments du Requiem71 ». En ce qui concerne la surimpression des images, l’œuvre d’Akhmatova fait figure de symbole, car les citations cachées, les allusions et les renvois littéraires, musicaux et artistiques se superposent : « Le coffret n’est-il pas à triple fond ?72 »

Notes de bas de page numériques

1  Dans le présent article, les normes de l’Organisation internationale de normalisation sont utilisées pour la translittération des noms et des titres russes, exception faite pour les noms propres dont il existe déjà une version française admise, dont Anna Akhmatova, Viktor Jirmounski, Mikhaïl Bakhtine, Lydia Tchoukovskaïa, Osip Mandelshtam, Ivan Bounine, tout comme les noms des personnages Ilia de Mourom et Iaroslavna, ainsi que le nom de la ville de Poutivl.

2  Jean-Louis Backès, « Notes », in Anna Akhmatova, Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 351.

3  En russe : Вечер.

4  Viktor Jirmounski, Œuvre d’Anna Akhmatova [Tvorčestvo Anny Ahmatovoj], Leningrad, Nauka, 1973, p. 99.

5  Anna Akhmatova, « Les mains crispées sous le voile sombre… », in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, trad. de Jean-Louis Backès, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 25.

6  Anna Akhmatova, « Sžala ruki pod temnoj vual´û… », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 21.

7  Anna Akhmatova, « La porte est entrouverte… », in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, trad. de Jean-Louis Backès, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 27. Orig. : « Dver´ poluotkryta… », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 25.

8  Anna Akhmatova, « Chanson de la dernière fois », in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, trad. de Jean-Louis Backès, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 28.

9  Efim Etkind, Bessmertie pamâti : Poèma Anny Ahmatovoj “Rekviem” », in Tam, vnutri : O russkoj poèzii XX veka, Saint-Péterbourg, Maksima, 1995, p. 343-368.

10  Viktor Jirmounski, Œuvre d’Anna Akhmatova [Tvorčestvo Anny Ahmatovoj], Leningrad, Nauka, 1973, p. 169.

11  Lettre écrite entre 1942 et 1944, cité par Viktor Jirmounksi, Œuvre d’Anna Akhmatova [Tvorčestvo Anny Ahmatovoj], Leningrad, Nauka, 1973, p. 133.

12  Etkind Efim, « Bessmertie pamâti : Poèma Anny Ahmatovoj “Rekviem” », in Tam, vnutri : O russkoj poèzii XX veka, Saint-Péterbourg, Maksima, 1995, pp. 343-368.

13  Mikhaïl Bakhtine, Èstetika slovesnogo tvorĉestva, Moscou, Iskusstvo, 1986, p. 199. Orig. : « помнит свое прошлое ».

14  L’entretien d’Anna Akhmatova avec le critique littéraire Dmitrij Hrenkov, publié dans Le journal littéraire [Literaturnaâ gazeta], 23 novembre 1965.

15  Alfred Rambaud, La Russie épique : Étude sur les chansons héroïques de la Russie, Paris, Maisonneuve, 1876, p. 11.

16  Jean-Yves Le Guillou (dir.), Le Dit de la campagne d’Igor, Slovo o polku Igoreve, Montréal, Presses de l’Université de Québec, trad. de Jean-Yves Le Guillou, 1977. Titre original : Слово о полку Игореве.

17  Voir : Dmitrij Lihačev, éd., Slovo o polku Igoreve, in Izbornik. Sbornik proizvedenij literatyry drevnej Rusi, Moscou, Hudožestvennaâ literatura, 1969, p. 211.

18 Anna Akhmatova, « Poème sans héros », in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, trad. de Jean-Louis Backès, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 252. Orig. : « « цариц[а] Авдоть[я] », Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 588.

19  Anna Akhmatova, « Poème sans héros », in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, trad. de Jean-Louis Backès, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 266. Voir également la note de Jean-Louis Backès, Ibid., p. 363. Orig. : « Быть пусту месту сему... », Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 599.

20  Petr Kireevskij, Pesni, sobrannye P .V. Kireevskim, Moscou, Obŝestvo lûbitelej russkoj slovesnosti, 1929, t. 1, issue 4, pp. 59-68.

21  Aleksandr Gil´ferding, « Avdot´â Râzanočka », in Onežskie byliny, zapisannye Aleksandrom Fedorovičem Gil´ferdingom letom 1871 goda, Saint-Pétersbourg, tipografiâ Akademii Nauk, t. III, 1900. Cité à partir de Russkie narodnye byliny, Moscou, Gosudarstvennoe izdatel’stvo detskoj literatury, 1958, p. 186-191.

22 G. A. Petrov, Les conflits entre les héros des bylines [Protivopostavlenie personažej v bylinah], in N. I. Kravcov, éd., Genres du folklore russe [Voprosy žanrov russkogo fol´klora], Moscou, Izdatel´stvo Moskovskogo Universiteta, 1972, p. 63.

23  Kazimierz Wasislewki, Littérature russe, Paris, Armand et Cie, « Histoire des littératures », 1900, p. 22.

24  L’orthographe de Kazimierz Wasislewski dans Littérature russe, Paris, Armand et Cie, « Histoire des littératures », 1900.

25  Kazimierz Wasislewki, Littérature russe, Paris, Armand et Cie, « Histoire des littératures », 1900, p. 22.

26  Russkie narodnye byliny, Moscou : Gosudarstvennoe izdatel’stvo detskoj literatury, 1958, p. 229. La traduction est la nôtre. Orig. : « Иной хвалится родной матушкой, / А безумный хвастает молодой женой ».La traduction est d’Anna Lushenkova.

27  Lydia Tchoukovskaïa, Entretiens avec Anna Akhmatova [Zapiski ob Anne Ahmatovoj], Moscou, Soglasie, 1997, t. 1, p. 395.

28  Anna Akhmatova, Poème sans héros, in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 237. Orig. : « Одним кажется, что это Коломбина, другим – Донна Анна (из “Шагов Командора”) », Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 583.

29  Anna Akhmatova, « Korotko o sebe », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 8. La traduction est d’Anna Lushenkova.

30  Orig. : « Нет! и не под чуждым небосводом / И не под защитой чуждых крыл – / Я была тогда с моим народом, / Там, где мой народ, к несчастью, был. » Anna Akhmatova, « Tak ne zrâ my vmeste bedovali… », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 528. La version française de Jeanne Rude, Anna Akhmatova, une étude de Jeanne Rude. Avec un choix de poèmes, Paris, P. Seghers, 1968, p. 154.

31  René Guerra, « Oni unesli s soboj Rossiû… », Saint-Pétersbourg, Blic, 2004, p. 313. Orig. : « Их Россия – не наша, и наша – не их ». La traduction est d’Anna Lushenkova.

32 IvanBounine, « Dnevniki. 1881-1953), in BuniniKuznecova. Iskusstvonevozmožnogo. Dnevniki, pis´ma, Moscou, Griffon, 2006, p. 204. Latraductionestd’AnnaLushenkova. Orig. : « столица которой – Ленинград, Нижний – Горький, Тверь – Калинин […] ».

33  Anna Akhmatova, « Ils ont abandonné leur terre… », in Jean-Louis-Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 149. Orig. : « Не с теми я, кто бросил землю / На растрзание врагам. / Их грубой лести я не внемлю, / Им песен я своих не дам. » Anna Akhmatova, « Ne s temi â, kto brosil zemlû… », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 249.

34  Mikhaïl Bakhtine, « Récit épique et roman », in Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, « Tel », 1978, p. 449. Orig. : « абсолютное прошлое », Mikhail Bakhtine, « Récit épique et roman » [Èpos i roman (O metodologii issledovaniâ romana) »], in Voprosy literatury, 1970, n° 1.

35  Anna Akhmatova, « Poème sans héros », in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 237. Orig. : « ИЗ ГОДА СОРОКОВОГО, / КАК С БАШНИ, НА ВСЕ ГЛЯЖУ. » Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 575.

36  Jeanne et Fernand Rude, éd., « Poème sans héros », in Poème sans héros et autres œuvres, Paris, François Maspero, 1982, p. 199.

37  Anna Akhmatova, « Poème sans héros », in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 251. Orig. : « То был последний год... », Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 587.

38  Jean-Louis Backès, « Notes », in Anna Akhmatova, Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 353.

39  Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 588.

40  Anna Akhmatova, « Poème sans héros », in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 252.

41  Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 588.

42  Mikhaïl Bakhtine, « Récit épique et roman », in Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, « Tel », 1978, p. 461.

43  Voir notamment : Francis C. Blessington, Paradise Lost and the Classical Epic, Boston – London – Henley, Routledge & K., 1979, p. 1, p. 8, p. 17.

44  Georges Nivat, « Le poème baroque » [« Baročnaâ poèma »], in Serge Deduline, Gabriel Superfin, éds., Ahmatovskij sbornik, Paris, Institut d’Études slaves, 1989, « Bibliothèque russe d’Institut d’Études slaves », p. 99.

45  Alfred Rambaud, La Russie épique : Étude sur les chansons héroïques de la Russie, Paris, Maisonneuve, 1876, p. 28.

46  Mikhaïl Bakhtine, « Récit épique et roman », in Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, « Tel », 1978, p. 449. Orig. : « пев[ец]», Mikhail Bakhtine, « Récit épique et roman » [Èpos i roman (O metodologii issledovaniâ romana) »], in Voprosy literatury, 1970, n° 1.

47  Anna Akhmatova, Poème sans héros, in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 238. Orig. : « […] Фонтанный Дом. К автору вместо того, кого ждали, приходят тени из тринадцатого года под видом ряженых », Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 575.

48  Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 587 ; Anna Akhmatova, Poème sans héros, in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 251.

49  Anna Akhmatova, Poème sans héros, in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 250. Orig. : Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 587.

50  Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 589 ; Anna Akhmatova, Poème sans héros, in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 254.

51  Anna Akhmatova, « Création », in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 311. Orig. : « Неузнанных и пленных голосов », Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 250.

52  Osip Mandelshtam, La parole et la culture [Slovo i kul´tura], Moscou, Sovetskij pisatel´, 1987, p. 175. Orig. : « Ахматова принесла в русскую лирику всю огромную сложность и богатство русского романа. […] Генезис Ахматовой лежит в русской прозе, а не в поэзии ».

53  Anna Akhmatova, « La prose sur le poème » [« Proza o poème »], in Œuvres en six volumes [Sobranie sočinenij v 6 tomah], Svetlana Kovalenko, éd., Moscou, Èllis Lak, 1998, t. 3, p. 219. Orig. : « Того же,кто упомянут в ее заглавии [...], в Поэме действительно нет, но многое основано на его отсутствии... »

54  Anna Akhmatova, Poème sans héros, in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie »,2007, p. 234. Orig. : « Я посвящаю эту поэму памяти ее первых слушателей – моих друзей и сограждан, погибших в Лениграде во время осады », Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 571.

55  Jean-Louis Backès, « Notes », in Anna Akhmatova, Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 360.

56  Viktor Jirmounski, Œuvre d’Anna Akhmatova [Tvorčestvo Anny Ahmatovoj], Leningrad, Nauka, 1973, p.175. Orig. : « ахматовская строфа ».

57 Anna Akhmatova, « Iuvidelmesâclukavyj », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Bibliotekapoèzii », 1999, p. 502. La traduction est d’Anna Lushenkova.

58 Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 574.

59 Anna Akhmatova, « Korotko o sebe », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 8. La traduction est d’Anna Lushenkova.

60  Anna Akhmatova, « Poème sans héros », in Jean-Louis-Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 234. Orig. : « Их голоса я слышу и вспоминаю их, когда читаю поэму вслух, и этот тайный хор стал для меня навсегда оправданием этой вещи », Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 572.

61  Jean-Louis Backès, « Notice sur la présente édition », in Anna Akhmatova, Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 333. L’enregistrement du Poème sans héros lu par l’auteur est accessible en ligne sur le site russe consacré à l’auteur, [en ligne], http://www.akhmatova.org/sound/aa/akhmatova.htm, cons. 29/03/2010.

62  Anna Akhmatova, Poème sans héros, in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 266. Orig. : « Голос автора, находящегося за семь тысяч километров, произносит : […] », Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 599.

63  Viktor Jirmounski, Œuvre d’Anna Akhmatova [Tvorčestvo Anny Ahmatovoj], Leningrad, Nauka, 1973, p. 86.

64  « Il’â Muromec i Kalin-car’ », in Aleksandr Gil´ferding, Onežskie byliny, zapisannye Aleksandrom Fedorovičem Fil´ferdingom letom 1871 goda, Saint-Pétersbourg, tipografiâ Akademii Nauk, 1896, t. II. Cité à partir de Russkie narodnye byliny, Moscou, Gosudarstvennoe izdatel´stvo detskoj literatury, 1958, p. 229. Dans cette citation, afin de transcrire les particularités du mètre, toutes les voyelles sont mises en gras, tandis que toutes les voyelles accentuées sont soulignées.

65  Lydia Tcoukovskaïa, Entretiens avec Anna Akhmatova, trad. Lucile Nivat et Geneviève Leibrich, Paris, Albin Michel, « Les grandes traductions, domaine russe », 1980, p. 235.

66  À ce propos, voir notamment : Lydia Tchoukovkaïa, Entretiens avec Anna Akhmatova, trad. Lucile Nivat et Geneviève Leibrich, Paris, Albin Michel, « Les grandes traductions, domaine russe », 1980, p. 429.

67  Voir notamment la bibliographie des travaux récents consacrés à l’œuvre de la poétesse publiée sur le site www.akhmatova.org

68  Jean-Louis Backès, « Strophes errantes », in Anna Akhmatova, Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 271.

69  Luc Fraisse, Le processus de la création chez Marcel Proust : le fragment expérimental, Paris, J. Corti, 1988, p. 188.

70  Voir à ce propos : Bertrand Westphal, La Géocritique : réel, fiction, espace, Paris, Les Éditions de Minuit, « Paradoxe », 2007, p. 174.

71  Anna Akhmatova, Poème sans héros, in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 258. Orig. : « В печной трубе воет ветер, и в этом вое можно угадать очень глубоко и очень умело спрятанные обрывки Реквиема », Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 592.

72  Jeanne et Fernand Rude, « Poème sans héros », in Poème sans héros et autres œuvres, Paris, François Maspero, 1982, p. 199. Trad. de Jean-Louis Backès : « Mais ma boîte a un double fond », Anna Akhmatova, Poème sans héros, in Jean-Louis Backès, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p. 262. Orig. : « У шкатулки ж тройное дно », Anna Akhmatova, « Poèma bez geroâ », in Izbrannoe, Smolensk, Rusič, « Biblioteka poèzii », 1999, p. 596.

Bibliographie

Bibliographie sélective des ouvrages en langue française consacrés à l’œuvre d’Anna Akhmatova

Aucouturier Michel, « Anna Akhmatova », in Écrivains soviétiques, 1978, p. 28-29

Backès Jean-Louis, éd., Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, trad. de Jean-Louis Backès, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, 381 p.

Bickert Eliane, Anna Akhmatova. Silence à plusieurs voix, Paris, Editions Resma, 1970, 126 p.

Deduline Serge, Superfin Gabriel, éds., Ahmatovskij sbornik, Paris, Institut d’Études slaves, « Bibliothèque russe d’Institut d’Études slaves », 1989, 281 p.

Etkind Efim, « Anna Akhmatova », in Histoire de la littérature russe. Le XXe siècle. Gel et Dégels, Paris, Fayard, 1990, pp. 504-526.

Henry Hélène, « Akhmatova épique (remarques sur le genre du Poème sans héros) », in Formes Modernes de la poésie épique. Nouvelles approches, Nouvelle poétique comparatiste, n° 12, Bruxelles, 2004, pp. 189-203.

Lossky Véronique, Chants de femmes. Anna Akhmatova, Marina Tvetaeva : biographie, Bruxelles, Le Cri, 1994, 264 p.

Nivat Georges, « La poétique d’Anna Akhmatova », in Histoire de la littérature russe. Le XXe siècle. Gel et Dégels, Paris, Fayard, 1990, pp. 526-552.

Tchoukovskaïa Lydia, Entretiens avec Anna Akhmatova, trad. Lucile Nivat et Geneviève Leibrich, Paris, Albin Michel, « Les grandes traductions, domaine russe », 1980, 555 p.

Bibliographie sélective des ouvrages en langue russe

Etkind Efim, « Bessmertie pamâti : Poèma Anny Ahmatovoj “Rekviem” », in Tam, vnutri : O russkoj poèzii XX veka, Saint-Péterbourg, Maksima, 1995, pp. 343-368.

Jirmounski Viktor, Tvorčestvo Anny Ahmatovoj, Leningrad, Nauka, 1973, 182 p.

Tchoukovskaïa Lydia, Zapiski ob Anne Ahmatovoj, Moscou, Soglasie, 1997, 3 t.

Pour la bibliographie des ouvrages dans d’autres langues européennes, consulter

http://www.vox-poetica.org/sflgc/concours/biblioakhmatova.html

À propos du genre épique

Bakhtine Mikhaïl, « Récit épique et roman », in Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, « Tel », 1987, pp. 439-473.

Rumeau Delphine (dir.), Permanence de la poésie épique au XXe siècle : Akhmatova, Hikmet, Neruda, Césaire, Paris, CNED, 2009, 198 p.

Vion-Dury Juliette (dir.), Permanence de la poésie épique au XXe siècle : Akhmatova, Hikmet, Neruda, Césaire, Paris, SEDES, 2010, 207 p.

Pour citer cet article

Anna Lushenkova, « Le Poème sans héros d’Anna Akhmatova à la lumière de la tradition épique russe et face au poèma romantique », paru dans Loxias, Loxias 27, I., Le Poème sans héros d’Anna Akhmatova à la lumière de la tradition épique russe et face au poèma romantique, mis en ligne le 03 avril 2010, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=6026.


Auteurs

Anna Lushenkova

Anna Lushenkova enseigne la langue russe à l’Université de Nice. Elle prépare une thèse de doctorat en Littérature générale et comparée à l’Université de Limoges (EHIC) sous la direction du professeur Juliette Vion-Dury. Sa thèse porte sur la figure de l’artiste en tant que lecteur dans les Künstlerromane de Marcel Proust et d’Ivan Bounine.