Loxias | Loxias 1 (2003) Idiomes, fleurs obscures |  articles 

Jean-Marie Seillan  : 

Nord contre Sud. Visages de l'antiméridionalisme dans la littérature française de la fin du XIXe siècle

Résumé

Les idiomes se dressent alors les uns contre les autres, sur le terrain littéraire, dans la France des années 1890. Nord et Midi s'y sont constitués en deux camps que la Loire sépare comme un limes. De chaque côté, le propre de l'autre est jugé « hideux » – le nom « Huysmans » est, pour Maurras, intolérable dans la littérature française comme un barbarisme ; on s'accuse mutuellement de dénaturer le génie français en y introduisant des ferments exogènes. L'idiome et la race doivent être gardés purs, sans lézardes et sans mélanges ; mais qu'est-ce que ce pur ? L'exemple du roman Jean Révolte, de Gaston Méry, témoignage de la haine anti-méridionale, montre à quelles aberrations conduit la recherche du propre quand elle croit, en construisant des mythes historiques et géographiques, trouver la « fleur » de la race, ce qui n'a jamais pu pousser que « chez nous », sur notre sol, ce qui est notre « nature » et n'est déparé par aucune défroque exotique, aucune greffe culturelle.

Index

Mots-clés : langue d’oïl   , Méry Gaston, Nord-Sud, régionalisme

Chronologique : XIXe siècle

Plan

Texte intégral

1Pour évoquer quelques-uns des épisodes de l’affrontement Nord/Sud qui a divisé la République des lettres il y a une centaine d’années, sans doute faudrait-il commencer par en exposer les fondements géographiques et historiques ainsi que les antécédents littéraires. Rappeler d’abord la réalité de la dualité française sur le terrain de l’histoire comme sur celui de la géographie. Dans la France moderne, la célèbre « ligne Saint-Malo-Genève » définit avec plus ou moins de netteté des écarts bien connus en matière d’agriculture, d’élevage, d’économie et de développement qui remontent fort loin dans l’histoire. Différences culturelles aussi : les spécificités linguistiques (langue d’oc et langue d’oïl), l’histoire du droit (terres de droit coutumier au nord, terres de droit romain au sud), les rémanences de l’histoire religieuse (les protestants sont plus nombreux au sud parce qu’ils ont dû prendre leurs distances vis-à-vis du pouvoir monarchique septentrional) ou les fidélités politiques (en témoigne encore la carte d’implantation des partis de la France d’aujourd’hui), permettent de dire à Emmanuel Le Roy Ladurie que « quelle que soit l’imprécision ou la variabilité des limites géographiques, le Sud est autre, et la France est duelle »1.

2Sur un terrain plus proprement littéraire, il faudrait aussi garder en mémoire quelques-unes des tentatives de théorisation dont cette bipartition a fait l’objet depuis L’Esprit des Lois en 1748. La célèbre théorie des climats prétendait rendre compte expérimentalement des différences (juridiques, politiques, économiques, affectives) entre peuples des pays chauds et peuples des pays froids. « S’il est vrai, avançait Montesquieu avec une prudence que ses lecteurs ne conserveront pas toujours, que le caractère de l’esprit et les passions du cœur soient extrêmement différents dans les divers climats, les lois doivent être relatives à la différence de ces passions, et à la différence de ces caractères »2. Mais Montesquieu ne développait pas les virtualités littéraires de ce système, et c’est Germaine de Staël, son héritière intellectuelle directe sous ce rapport, qui distinguera dans De la Littérature (1800) une littérature du midi dont la source gréco-latine alimente – ou alimentait – le classicisme français, d’une littérature d’ascendance anglo-saxonne ou germanique appelée à nourrir le futur romantisme : « Le climat est certainement l’une des raisons principales des différences qui existent entre les images qui plaisent dans le nord, et celles que l’on aime à se rappeler dans le midi ». De cette bipolarisation géographique résumée par les deux noms, Homère et Ossian, qui furent les repères essentiels d’un Romantisme désireux d’ancrer la littérature dans les cultures nationales, elle tire les principes d’une critique littéraire tournée moins vers la singularité d’un écrivain que vers un imaginaire transindividuel : « Les ouvrages littéraires ayant le succès pour but, l’on y retrouve communément moins de traces du caractère personnel de l’écrivain, que de l’esprit général de sa nation et de son siècle »3. Programme similaire plus tard chez Taine : la méthode critique proposée par l’Histoire de la littérature anglaise (1864) s’inscrit dans cette lignée en invitant les lecteurs désireux d’accéder à une œuvre à définir préalablement ce qu’il nomme la « race » et le « milieu » de l’écrivain, c’est-à-dire pour l’essentiel ce qui inscrit cette œuvre dans l’histoire d’un peuple et de son territoire. Mais si la pensée de Mme de Staël, profondément cosmopolite, était exempte de xénophobie, on ne saurait en dire autant de la démarche tainienne qui, en dépit de ses prétentions à la science, est infusée d’idéologie antigermanique et de préjugés ethniques :

La profonde différence qui se montre entre les races germaniques d’une part, et les races helléniques et latines de l’autre, provient en grande partie de la différence des contrées où elles sont établies, les uns dans les pays froids et humides, au fond d’âpres forêts marécageuses ou sur les bords d’un océan sauvage, enfermées dans les sensations mélancoliques ou violentes, inclinées vers l’ivrognerie et la grosse nourriture, tournées vers la vie militante et carnassière ; les autres au contraire au milieu des plus beaux paysages, au bord d’une mer éclatante et riante, invitées à la navigation et au commerce, exempte des besoins grossiers de l’estomac, dirigées dès l’abord vers les habitudes sociales, vers l’organisation politique, vers les sentiments et les facultés qui développent l’art de parler, le talent de jouir, l’invention des sciences, des lettres et des arts.

3Si l’on mesure ici de quoi peut être grosse la théorie des climats ainsi revisitée, il reste que les écrivains français, dans les décennies précédant la défaite de 70 contre la Prusse et l’expansion du sentiment nationaliste que le tainisme n’a pas manqué de nourrir, n’éprouvent pas le besoin de se définir d’abord, à titre personnel ou mutuellement, en termes d’appartenance ou d’exclusion géographique.

4C’est pourquoi paraît si brutale la reviviscence de ce clivage Nord/Sud quand, autour de 1890, il réinvestit le champ littéraire avec une véhémence et une agressivité inédites. Dans ces décennies de division (culture politique française de la Revanche, affaire Dreyfus, officialisation de l’antisémitisme, laïcisme militant, etc.), écrivains et écoles littéraires se territorialisent et se défient de part et d’autre d’une ligne scindant l’Europe et la France en deux parti(e)s, sans se soucier toujours d’ailleurs de préciser la nature du clivage que cette ligne, elle-même mouvante, dessine. Tel est le phénomène dont nous nous proposons de décrire succinctement quelques aspects en privilégiant ici sa version antiméridionale. Seulement, la gravité de ce qui est en jeu dans ces chamailleries d’écrivains concurrents ne devient explicite qu’à la condition d’en suivre les prolongements sur le double terrain de l’histoire et de la politique. De là le triple besoin d’établir un certain nombre de faits en décrivant les lézardes ou les fractures qui divisent la République des lettres « fin-de-siècle », d’évaluer les implications historiques sous-jacentes aux polémiques littéraires, avant d’en venir aux collusions unissant les controverses littéraires aux affrontements politiques, par le moyen d’un roman aujourd’hui oublié mais dont la virulence peut encore prêter à réfléchir.

5Tout dans ces années 1880-90 semble alimenter le nationalisme des écrivains français. Par leur succès de librairie ou à la scène, leurs concurrents étrangers éveillent une animosité qui culmine avec le « véritable accès de chauvinisme littéraire » provoqué par le triomphe du Quo Vadis ? de Sienckiewicz en 19004. Tous les cinq ans en effet, une vague nouvelle de littérature étrangère s’est abattue sur la critique française : vague anglaise vers 1880 qui a fait connaître George Eliot, Dickens et Thackeray, russe en 1886 lorsque Melchior de Voguë révèle Tolstoï et Dostoïewski, scandinave autour 1890 avec la découverte du théâtre d’Ibsen, de Björnson et de Strindberg. Devant la menace coalisée d’un Waterloo littéraire, on forme le carré autour de l’esprit français. Pour Edmond Haraucourt, « la France […] a le génie net et précis, l’esprit droit et le parler clair. Tout ceci nous vient ou nous revient de l’étranger. Dans les écoles en question, on est volontiers Belge ou Roumain, Suisse ou Anglo-Saxon, la petite Pologne et la grande Bohème »5. Trop, c’est trop, pense également Jules Lemaître qui s’élève en 1894 contre « les dévots des littératures du nord » et leur promet « une réaction du génie latin »6. L’année suivante, c’est à Brunetière, le « préfet de police de la littérature » selon une formule de Coppée, de craindre que « nous n’y perdions notre génie national »7. Et en 1901 à Catulle Mendès de s’exclamer : « Ah ! combien est fâcheuse l’intrusion persévérante, et trop complaisamment acceptée, de la littérature étrangère en l’esprit de notre race ! »8 Certains, à vrai dire, ont une idée moins désintéressée du génie ou de l’esprit national. Eugène Montfort « demande des mesures protectionnistes contre [la littérature] de l’étranger. Assez de Kipling, de Mathilde Serao, de Sienckiewicz ; éditeurs littéraires, pitié ! »9 « On a estimé, calcule même un certain J. Rameau, à plus d’un million la somme que fait perdre annuellement à la France la vogue des Sienckiewicz, des Fogazzaro, des Kipling, des Ibsen… »10.

6En même temps que cette fièvre littéraire nationaliste aux accents parfois franchement xénophobe, se développe en France un chauvinisme intranational qui procède par stéréotypes et caricatures. Si à l’échelle européenne l’axe de partage sépare en deux blocs tout ce qui est britannique, germanique, russe et scandinave de tout ce qui avoisine le bassin méditerranéen et la latinité, antique ou moderne, c’est la Loire qui divise au niveau hexagonal septentrionaux et méridionaux, Français d’Oïl et Français d’Oc. La littérature épousant cette dichotomie géolinguistique, la mouvance décadente et symboliste est globalement jugée septentrionale : l’indécis verlainien, l’artificialisme de des Esseintes, l’hermétisme mallarméen, la vogue du wagnérisme sont imputés à des esprits insatisfaits et embrumés ; en face, le naturalisme zolien, avec sa robuste esthétique de la mimésis et de la transparence, relève du délinéé méridional, auquel on associe Daudet et ses tartarinades. Et au moment où Zola – que les antidreyfusards appelleront bientôt Zola-le-Génois, Zola-le-Vénitien – achève son Cycle de Plassans, c’est l’école romane adossée au Félibrige qui prend la relève. D’une rive à l’autre de la Loire, on s’invective et on se menace en des termes dont la violence ne manque pas aujourd’hui de surprendre.

7S’il fallait décerner la palme de l’antiméridionalisme, Huysmans la recevrait sans injustice. Dans un carnet inédit, il pose en 1887 une équation dont il ne démordra jamais : « Midi – race de mendiants et de lâches, de fanfarons et d’imbéciles »11. Germanophile, il avoue l’être avec provocation à une époque où domine l’esprit de revanche anti-allemand : « Je me sentirai toujours plus d’affinités, déclare-t-il dans un autoportrait datant de 1885, pour un homme de Leipzig que pour un homme de Marseille. Tout, du reste, tout, excepté le Midi de la France »12. Déjà dans une lettre de 1884, c’est à la ville de Marseille et aux Félibres qu’il s’en prenait, avec une agressivité verbale et une imagination scatologique dont il ne cherchait pas, selon les pratiques de son temps, à voiler ce que le nôtre appelle des accusations racistes.

Ne trouvez-vous point que la fête des niais félibres et que les oraisons obituaires stillées sur la tombe de l’intéressant Chapron, cet homme « nourri de la moelle des maîtres », ce grand cœur, bon fils, bon locataire, journaliste de bonne foi, etc. etc., sont d’un comique dont la noirceur déconcerte ?

Je voudrais être Dieu pour verser les tinettes de Bondy sur la ville et embrener à jamais cet odieux Midi pour lequel je me sens une haine d’Inquisiteur.

Vive l’Allemagne et à bas Marseille ! - ah ! les Valmajour et les Mistral, la Provence et le Quercy ! - quand je me sonde, je me sens une haine de catholique contre l’ignoble juif qui domine maintenant le monde et une exécration de vieux saxon contre la bruyante race latine. Non, vrai, je ne suis pas de mon temps ! et surtout pas de la nationalité qu’on m’impose !13

8Au début des années 1890, le conflit se précise et prend un tour plus littéraire. Fondée par Jean Moréas, l’École romane se donne une identité géographique (« Le nom de poésie Romane dit clairement notre intention. Il suppose l’unité de l’art du Midi de l’Europe »14) et fixe à ce titre l’hostilité des antiméridionaux. Huysmans, qui tient « ce parfait con qui se dit nommé Moréas »15 pour un « rastaquouère sans talent »16, juge le Pèlerin passionné avec une franche xénophobie.

Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? Moréas ! […] Savez-vous l’effet qu’il me fait ? Imaginez une poule (et encore ! une poule de Valachie17) qui picorerait des verroteries dans le Lacurne de Sainte-Palaye (oui, c’est l’auteur d’un dictionnaire de la langue du moyen âge18). Avec cela si, au moins, il picorait les jolis mots ! Mais non ! c’est qu’il a un goût de Caraïbe ! Ce rêve ! Faire du moderne avec la langue romane ! Quelle folie !… […] Vous croyez que c’est malin, un bonhomme qui met « coulomb » pour ne pas dire « pigeon » ?19

9À la question du lexique s’ajoute celle du vers, essentielle dans ces années. Verlaine, qui voit monter en Moréas un rival inquiétant depuis le banquet offert à ce dernier en février 189120, adopte pour évoquer devant Jules Huret, le reporter de L’Écho de Paris qui enquête auprès des écrivains sur l’évolution littéraire, les libertés prises par la poésie contemporaine vis-à-vis de la métrique, le ton et l’élégance verbale des nationalistes de l’époque.

Pour qu’il y ait des vers, il faut qu’il y ait rythme. À présent, on fait des vers à mille pattes ! Ça n’est plus des vers, c’est de la prose, quelquefois même ce n’est que du charabia… Et surtout, ça n’est pas français, non, ça n’est pas français ! On appelle ça des vers rythmiques ! Mais nous ne sommes ni des Latins, ni des Grecs, nous autres ! Nous sommes des Français, sacré nom de Dieu !

– Mais… Ronsard ?… hasard[e le journaliste].

– Je m’en fous de Ronsard ! […] Ronsard ! Pffff ! Encore un qui a traduit le français en moldo-valaque !21

10Confirmant que dans ce débat l’injure tient souvent lieu d’argument, Adolphe Retté, polémiste intransigeant qui n’en passera pas moins du drapeau noir de l’anarchie au confessionnal du catholicisme, raille de son côté, pour des motifs plus politiques que littéraires, les « sottes homélies de patoisants venus de la Cannebière [sic] pour convertir Paris aux rites burlesques du Félibrige »22.

11La réplique du Midi aux septentrionaux est, on s’en doute, à la hauteur de l’attaque. Moréas excipe d’abord de son origine hellène pour expliquer que la « renaissance romaine […] rejette toute pessimisterie et tout vague à l’âme germanique » et se proclamer doublement français :

Puisqu’on m’y force, je répondrai à certaines personnes qui, à bout d’arguments, ont la sottise d’agiter mon origine hellénique : que je m’estime, en mon art, deux fois Français, étant né Grec. Car, à la vérité, le brandon de poésie que la France – qui m’apprit à chanter – porte aujourd’hui avec tant d’éclat, elle le tient de Rome laquelle le tenait de la Grèce immortelle – qui me donna naissance.23

12Mais l’intolérance de l’époque le contraint à assortir cette noble réplique d’accusations moins pures où sonnent des accents maurrassiens. Opposant la santé physique, idéologique et intellectuelle des méditerranéens aux perversions des septentrionaux décadents, il rappelle que son Pèlerin passionné se propose de « démontrer au public qu’il n’est ni décadent, ni névrosé, ni anti-patriote, ni sceptique ; que le Satanisme et les « bonnes pourritures bien gratinées » n’existent que dans le cerveau sordide d’un Hollandais, Joris-Karl Huysmans »24.

13Retour de bâton bien mérité, Huysmans va servir de cible aux écrivains lassés de l’influence septentrionale dans les lettres françaises et hostiles à ce qui, anglo-saxon, germanique et scandinave, relève de près comme de très loin du symbolisme. Certains, il est vrai, traitant les étrangers à la grosse, s’en prennent par anticosmopolitisme à tout ce qui provient d’ailleurs. Ajalbert, par exemple : « les symbolistes ! Ils sont Grecs, Espagnols, Suisses, Belges… »25. Mais la plupart distribuent leurs controverses et leurs injures en fonction de l’axe Nord/Sud. Dans ce florilège aurait sa place le périgourdin Léon Bloy qui, à titre d’ancien ami, assure dans les Dernières colonnes de l’Église que « Joris-Karl est infiniment Hollandais », de la « patrie des immenses pions bataves »26. Mais aussi le poète Charles Vignier : « M. Joris-Karl Huysmans [s’obstine] à triturer quelques hosties parmi ses biles pessimistes et ses acrimonies de pompier schopenhauérien et ses ironies de Batave mal dégrossi »27. Ou encore Laurent Tailhade, pyrénéen d’origine : « M. Zola postulant l’Académie, les jeunes disciples de ces maîtres inventèrent le roman slave et le drame norvégien, sans compter le parler belge qui est le fonds même de leur quiddité littéraire »28. Et la Belgique lui paraissant sans doute trop proche de la France, Tailhade relègue Huysmans jusqu’au Canada en l’accusant ailleurs d’avoir « transposé le Génie du Christianisme en patois algonquin »29. Quant au martigal Maurras, jeune mais déjà menaçant, il saisit en Là-bas l’occasion de défendre la romanité classique contre cet hyperboréen doloriste qui ose offrir aux artistes français, pour modèle de « naturalisme spiritualiste », la peinture convulsive du germanique Grünewald.

La violence pour la violence, la grossièreté qui hurle pour le plaisir, les enfantines crudités, les naïvetés, rien ne répugne davantage au pur génie français. L’essentiel, qui est l’Ordre, lui plut toujours. Que les Belges […] poursuivent leur carnaval d’art. Cette race si fine qu’ils voudraient conquérir les déteste du fond du cœur. Ils ne tarderont pas à être reconnus pour les étrangers qu’ils sont bien et pour les Adversaires.30

14Pour faire bonne mesure, il ajoutera en 1897 que « M. Joris-Karl Huysmans jargonne, déraisonne, donne à chaque ligne qu’il trace un spectacle ignominieux, je ne dis pas seulement pour l’esprit français, mais pour la race entière »31. Rien de moins.

15Nul besoin, au demeurant, d’être méridional de naissance pour appeler à résister au prestige des littératures du nord. En 1885, on voit Mallarmé définir, en des termes infiniment moins polémiques il est vrai, l’esprit français par son aptitude à se différencier du wagnérisme : « Si l’esprit français, strictement imaginatif et abstrait, donc poétique, jette un éclat, ce ne sera pas ainsi: il répugne, en cela d’accord avec l’Art dans son intégrité, qui est inventeur, à la Légende »32. Edmond de Goncourt, qui forme alors à lui seul une institution littéraire, juge nécessaire en 1893 de jeter sa notoriété dans la polémique. En préfaçant une petite « bouffonnerie satirique » intitulée À bas le progrès, il prend solennellement la défense, malgré certains jugements peu favorables aux Méridionaux consignés dans son Journal33, de la limpidité latine contre les nébulosités des âmes hyperboréennes.

En cette heure d’engouement de la France pour la littérature étrangère, en cette latrie des jeunes écrivains dramatiques pour le théâtre scandinave, dans cette disposition des esprits contemporains à se montrer les domestiques littéraires de Tolstoï et d’Ibsen […], j’ai tenté de réagir et de faire […] une œuvre dramatique ayant les qualités françaises : la clarté, l’esprit, l’ironie, l’ironie blagueuse de cette fin de siècle, et peut-être de cette fin de monde.

J’ai la conviction qu’il faut laisser, selon l’expression de Tourguéneff, le brouillard slave aux cervelles russes et norvégiennes, et ne pas vouloir le faire entrer de force dans nos lucides cervelles, où je crois, qu’en sa maladive transposition, « ce brouillard » n’est appelé qu’à produire de maladroits plagiats.34

16L’Église de Rome elle-même n’est pas en reste. En raison de sa culture latine et peut-être d’un antiprotestantisme inavoué, il semble qu’elle choisisse souvent le parti du Sud contre le Nord. Les jugements littéraires qui en découlent ne manquent parfois pas de saveur, comme celui de l’abbé Delfour sur La Cathédrale de Huysmans en 1898.

Il n’est pas Français, non, Dieu merci, il n’est pas Français. Il admire Baudelaire et Edgar Poe, mais il ne comprend rien, le malheureux, à Bossuet, à Racine et à Louis Veuillot. Ses succès de librairie coïncident avec le triomphe du cosmopolitisme qui nous a permis de connaître les Ibsen, les Bjornson, les Danois, les Scandinaves voisins des Lapons. Par bonheur, le snobisme exotique de Paul Bourget commence à perdre de son prestige ; le septentrion, qui nous avait envahis, recule et de nouveau retentissent les notes claires du coq gaulois.35

17On en vient ainsi de part et d’autre à se jeter les écrivains à la tête. Quand un antiméridional militant plastronne : « Nous avons Lamartine, vous n’avez que Zola »36, il se trouve un antiseptentrional pour riposter : « Vive […] la croisade anti-belge ! vive la croisade contre la Douleur, la Nuit, la Mort et vive la Vie et le Soleil ! »37 Cette spatialisation manichéenne, qui répond sans doute pour partie à des régimes de l’imaginaire différents, finit par fournir aux écoles littéraires leurs critères d’admission et d’exclusion. Et comme la géographie humaine tient pour l’essentiel au passé des peuples, les théoriciens de l’affrontement Nord/Sud s’ingénient à remonter le cours de l’Histoire dans l’intention d’identifier les événements coupables d’avoir fracturé la mythique unité originelle dont ils déplorent consciemment ou non la disparition.

18Évidemment, la divergence est de règle sur les motifs historiques de ce supposé clivage. Si l’on classe les causes alléguées selon un ordre chronologique inversé, on en découvre, sauf oubli certain, pas moins de sept. Mais nous ne les citerons toutes succinctement que pour en examiner une seule avec un peu d’attention.

19Par référence d’abord à la vie politique contemporaine, les antiméridionaux s’en prennent au radicalisme dont l’implantation, c’est un fait, est particulièrement forte dans la moitié sud de la France. Huysmans est de ceux qui alimentent leur rejet du système parlementaire par leur hostilité physique aux hommes du Midi : « Prenez les hurleurs de la Chambre, explique-t-il, et dites-moi s’ils ne sont pas tous de ce Midi odieux ! J’ai déjà écrit qu’elles empoisonnaient le pays ces faces d’ébène et de pain trop cuit ! »38. Député de Lorraine, Maurice Barrès dénonce vers 1900 la surreprésentation politique de la France du sud, aggravée par la perte des deux provinces de l’est en 1870. S’adressant aux Méridionaux au nom des gens du nord, il écrit :

Par-dessus la Loire, deux Frances irritées se regardent. Qu’y a-t-il désormais de commun entre nous ? Nos intérêts ? Vous les sacrifiez. Nos vénérations instinctives ? Vous les bafouez. Notre titre de Français ? Mais si nous mettons sous le mot France des conceptions opposées ?39

20Et contre Jaurès qui incarne tout ce qu’il combat en politique, il affirme : « Il est déplorable que l’âme de la République actuelle soit une âme méridionale »40.

21D’où vient donc historiquement, se demande-t-on alors, cette République radicale et méridionalisée ? Certains l’imputent à la Révolution française, soldée en Thermidor par la victoire des Girondins sur les Montagnards, c’est-à-dire du Sud sur le Nord. Thèse soutenue par Agénor Bardoux à en croire le Journal de Goncourt : « Il y a encore un grand malheur dans la Révolution, lui fait-il dire, ç’a été la prédominance du Midi sur le nord, l’influence girondine. C’est depuis ce temps, il faut l’avouer, que la France est déséquilibrée »41. D’autres portent plus loin leurs regards et situent la rupture historique à la Renaissance. Aux yeux de catholiques misonéistes comme Léon Bloy ou Huysmans, le retour à l’antique a ruiné le monde gothique septentrional, infesté l’art religieux de paganisme en imitant des modèles esthétiques transalpins et remplacé Marie par des Vénus impudiques. Au fond de l’hostilité d’un Huysmans au classicisme – antique ou français puisqu’il déteste Virgile autant que Racine – réside un rejet du monde et de l’imaginaire méditerranéens.

22Remontant plus haut encore dans le temps, certains pensent que tout s’est joué à l’époque de la Guerre de Cent ans. Vers la fin du siècle dernier, la personne et le rôle historique de Jeanne d’Arc se trouvent ainsi au centre d’une controverse révélatrice de la profondeur des divisions Nord/Sud. Choqué par la dualité d’une France touchant à l’Espagne et la Belgique, mi-partie Oc et Oïl, Huysmans regrette qu’un découpage géographique et ethnique différent ne l’ait pas rendue plus homogène au moment de sa formation. La coupable, il la connaît : c’est Jeanne d’Arc qui aurait mieux fait, pense-t-il, de s’occuper de ses moutons. C’est ce qu’explique des Hermies, personnage de son roman Là-Bas paru en 1891, dans une explication antiméridionale de la Guerre de Cent ans.

Les défenseurs de Charles VII, explique-t-il, étaient, pour la plupart, des pandours du Midi, c’est-à-dire des pillards ardents et féroces, exécrés même des populations qu’ils venaient défendre. La guerre de Cent Ans ç’a été, en somme, la guerre du Sud contre le Nord. L’Angleterre, à cette époque, c’était la Normandie qui l’avait autrefois conquise et dont elle avait conservé et le sang, et les coutumes, et la langue. À supposer que Jeanne d’Arc ait continué ses travaux de couture auprès de sa mère, Charles VII était dépossédé et la guerre prenait fin. […]. Il y aurait eu ainsi un unique et puissant royaume du Nord, s’étendant jusqu’aux provinces de la langue d’oc, englobant tous les gens dont les goûts, dont les instincts, dont les mœurs étaient pareils.

Au contraire, le sacre du Valois à Reims a fait une France sans cohésion, une France absurde. Il a dispersé les éléments semblables, cousu les nationalités les plus réfractaires, les races les plus hostiles. Il nous a dotés, et pour longtemps, hélas ! de ces êtres au brou de noix et aux yeux vernis, de ces broyeurs de chocolat et mâcheurs d’ail, qui ne sont pas du tout des Français, mais bien des Espagnols ou des Italiens. En un mot, sans Jeanne d’Arc, la France n’appartenait plus à cette lignée de gens fanfarons et bruyants, éventés et perfides, à cette satanée race latine que le diable emporte !42

23Cette lecture audacieuse du rôle de Jeanne d’Arc dans la formation de l’unité nationale prend évidemment le contre-pied de l’interprétation nationaliste dominante, à droite comme à gauche, depuis Michelet, même si Huysmans n’est ni le seul ni le premier au XIXe siècle à s’interroger sur l’hétérogénéité ethnique et culturelle de la France. Bien avant lui, Ernest Renan l’avait fait avec des termes voisins dans sa Réforme intellectuelle et morale parue après la défaite de 1870.

Pourquoi le Languedoc est-il réuni à la France du nord, union que ni la langue, ni la race, ni l’histoire, ni le caractère des populations n’appelaient ? […] Notre étourderie vient du Midi, et, si la France n’avait pas entraîné le Languedoc et la Provence dans son cercle d’activité, nous serions sérieux, actifs, protestants, parlementaires. Notre fond de race est le même que celui des Iles-Britanniques.43

24Mais tandis que Renan développait cette analyse pour louer la politique unificatrice des Capétiens et engager la République amputée de deux provinces à la poursuivre, Huysmans juge explicitement que cette République soi-disant une et indivisible est duelle et de ce fait divisible. On devine que des propos aussi graves pour l’unité de la nation ne manquèrent pas de susciter des répliques, directes ou non44. En voici deux, venant de bords politiques opposés.

25Du côté des républicains progressistes, libres-penseurs mécontents d’assister à la récupération de Jeanne par les partisans avoués ou non du trône et de l’autel, un certain Louis Martin publie en 1896 une plaquette intitulée L’Erreur de Jeanne d’Arc45. Comme Huysmans, il juge désastreuse l’intervention de Jeanne aux côtés du dauphin Charles, mais pour des raisons diamétralement opposées. Dans la Guerre de Cent ans, il déplore, lui, qu’ait été manquée, par la faute de cette bergère trop ignorante pour dissocier le sort du royaume de celui du monarque, l’occasion de faire de l’Angleterre et de la France entière une nation unique. Les Anglais, explique-t-il, étaient alors bien plus français qu’anglais ; les deux peuples, prêts à s’unir, jouissaient de vertus et de défauts complémentaires : l’élan admirable des Français, leur esprit d’initiative dont la hardiesse risque parfois, si elle n’est pas pondérée, d’aller jusqu’à la folie, auraient été heureusement équilibrés par la modération et le sens pratique anglais qui menace, à demeurer isolé, de verser dans l’égoïsme. Or Jeanne en les divisant a ruiné l’espoir d’une fusion harmonieuse entre sud et nord : « son intervention a été funeste à notre patrie et une calamité pour l’Europe ».

26Tout autre est la réaction du nationaliste Maurras, saisi d’un haut-le-corps devant le double attentat perpétré par Là-bas contre Jeanne et contre la France. Jamais il ne pardonnera ces lignes à Joris-Karl Huysmans. Il suivra l’œuvre de ce « métèque », de ce « batave » détesté (dont il n’omet jamais de citer le double prénom, si possible en le déformant, comme preuve de sa barbarie), pour dénoncer son influence pernicieuse. En 1896 il rappelle que « dans Là-bas, M. Huysmans a gravement insulté l’histoire de France : on l’a décoré là-dessus »46. Développement plus argumenté en 1903 quand il réfute certaines accusations d’antipatriotisme lancées contre des méridionaux.

L’antithèse nord et midi, du point de vue du patriotisme, est proprement une nuée. Incriminer le patriotisme du midi, c’est oublier toute l’histoire du midi. […] Qui soutint Charles VII ? Des capitaines du midi, Dauphinois et Gascons, ces Armagnacs qui tuèrent dans l’œuf ce « puissant royaume du nord » formé de l’union de l’Angleterre et de la moitié de la France dont M. Karl Joris Huysmans porte encore le deuil.47

27En 1904 encore, il republie dans la Gazette de France l’intégralité de la page de Là-bas incriminée, pourtant vieille de quinze ans, sous le titre « Un ennemi de Jeanne d'Arc ». Et après avoir pratiqué le rituel d’exclusion de l’étranger (« M. Joris-Karl Huysmans n’est peut être pas un Français de race très pure. On le dit né en Belgique, de parents hollandais. Sans doute naturalisé, ou fils de naturalisés […] »), il rappelle la persévérance de sa campagne anti-huysmansienne.

Je n'oubliai jamais, écrit-il, comme en feraient foi bien des textes, de ranger M. Joris Karl Huysmans parmi les pires ennemis de la tradition, de l'ordre et de la patrie. Que l'on n'en doute pas : les basses injures prodiguées ces temps-ci à Jeanne d'Arc sont toutes imprégnées de l'ignoble esprit de Là-bas. M. Huysmans a écrit là de grandes sottises. mais elles ont vécu, duré, germé. […] M. Huysmans agissai[t] et pensai[t] en 1891 comme le font depuis 1896 nos plus précieux intellectuels dreyfusiens.48

28Qu’importe à Maurras que Huysmans ait été comme lui antidreyfusard : son antigermanisme l’emporte sur les éventuelles solidarités politiques et lui fait rejeter celui qu’il appelle dans le même article « le hideux Joris-Karl ».

29Bref, le rôle de Jeanne dans la Guerre de Cent ans alimente de trois façons au moins la controverse Nord/Sud. Pour Huysmans Jeanne a créé une France incohérente en réunissant à tort les incompatibilités du sud et du nord ; pour Martin elle a empêché deux nations sœurs de fusionner et exacerbé des différences de caractère national sur le point alors de s’effacer ; pour Maurras, elle a miraculeusement rejeté l’ennemi septentrional et préservé la prédominance latine. Divergences permettant de mesurer l’angoisse avec laquelle la fin de siècle observe la fissure censée diviser le territoire national et menacer l’unité de la langue française et de la patrie.

30C’est bien pourquoi la tentation vertigineuse de réclamer à l’Histoire les causes de cette disparité ethno-linguistique ne saurait s’arrêter là. En-deçà de la Guerre de Cent ans, c’est à la double conquête franque et romaine que l’époque s’en prend pour expliquer la perte de sa mythique unité. Barrès voit dans la géographie ethnique de la Gaule la source des divisions modernes. « Il y a des lézardes sur la maison », explique-t-il en 1903 dans un article du Gaulois, et ces lézardes « dessinent sur notre pauvre pays des divisions qui correspondent assez exactement  aux régions que César trouva dans les Gaules »49. Mais pourquoi ne pas remonter plus loin encore dans le temps, jusqu’à ce point où l’histoire, devenue préhistoire, finit par se résorber dans la géographie ? C’est bien ce que fait Huysmans dans le texte de Là-bas déjà cité pour expliquer l’hybridité de la France moderne : France et Angleterre « ne formaient […] dans les temps préhistoriques, alors que la Manche n’existait point, qu’un seul et même territoire, qu’une seule et même souche »50. Autant dire que si la moitié de ses compatriotes ont le défaut intolérable d’aimer la cuisine à l’ail, c’est la faute à la transgression flandrienne, voire à la dérive des continents…

31On imagine jusqu’où pouvait conduire, à une époque où le nationalisme le plus intransigeant était de règle, où le racisme était un discours admissible, où La Croix se flattait à la une d’être le « journal le plus antisémite de France », une telle rage de fonder en nature les faits de culture. Un roman permet de le mesurer, qui illustre mieux qu’aucun autre les outrances de cette territorialisation de la culture et des faits littéraires.

32Ce roman porte pour titre le nom programmatique de son héros, Jean Révolte, et a pour auteur un journaliste parisien nommé Gaston Méry. Quand Méry le publie chez Dentu en 1892, il fait ses débuts au service des faits-divers de La Libre Parole, le quotidien que vient de lancer Édouard Drumont. Mais son adresse dans l’exploitation des affaires scandaleuses et son audace dans l’invective lui gagneront vite le rang de rédacteur en chef. Au sommaire de ce journal qui, on le sait, affiche pour devise La France aux Français, un antisémitisme systématique dont Drumont, tel un nouveau saint Georges, se fait le champion au nom de l’autorité intellectuelle et morale que lui avait gagnée le triomphe éditorial des huit cents pages de sa France juive en 1886. Méry, qui porte à Drumont une profonde admiration, modèle la carrière de son personnage fictif éponyme, Jean Révolte, sur celle de son maître, comme certains détails permettent de l’assurer. Pour citer une preuve indubitable, il prête au héros de son roman le duel célèbre qui avait opposé Drumont à Arthur Meyer, directeur du Gaulois : durant le combat, Meyer avait commis la faute de saisir un instant de la main gauche l’épée de Drumont, qui vit dans ce geste proscrit par les règles de l’escrime le symbole, infatigablement réexploité par la suite, de la lâcheté et de la félonie sémites. Comme Drumont l’avait été lui-même, Jean Révolte est un journaliste obscur et désargenté qui profite du succès d’un de ses livres pour lancer un quotidien et entrer dans la bataille politique. La différence entre eux tient à ceci que Méry et son héros Révolte tournent contre les Méridionaux la haine que Drumont portait aux Juifs. Pour épigraphe de son livre, Méry reprend en effet en le démarquant le cri de ralliement des libres-penseurs lancé par Gambetta en 1877, « le Cléricalisme, voilà l’ennemi », sous la forme : « Le Méridional, voilà l’ennemi ». C’est dire que ce roman à thèse, dont la grossière maladresse fait l’effet d’une loupe, clame ce que pense l’antiméridionalisme latent de ces années 90, en même temps qu’il s’efforce de l’attiser.

33Tout comme Drumont avait connu avec sa France juive l’un des plus gros succès d’édition de la fin du siècle, le Jean Révolte du livre de Méry triomphe d’abord en publiant un essai intitulé L’Invasion méridionale. Du méridional, il dénonce d’abord la prolifération au moyen des métaphores animales et des comparaisons biologiques communes aux discours racistes. Le méridional, écrit-il, « s’étend comme un filet, une toile d’araignée monstrueuse, sur le pays tout entier. La politique, l’administration, le clergé, la littérature, l’art, il a tout envahi. Il est devenu la cuscute de la France, une sorte de parasite vorace qui nous ronge et nous ruine »51. Et Révolte, après avoir dressé la longue liste des ministres issus des pays d’Oc (Freycinet, Constans, Rouvier, Fallières, Barbey, Étienne, de Selves, Larroumet, sans oublier Gambetta), de conclure : « Le Midi a conquis le Nord. Zola, sans s’en douter peut-être, a fait l’histoire de cette conquête. Les Rougon sont du Midi »52. Si Zola, aixois d’origine italienne, est ici visé, c’est que les méridionaux, à en croire Méry, ont préparé l’accaparement du monde politique par l’occupation préalable du terrain littéraire. « Tous ces ambitieux à cocardes de poètes, Félibres et Cigaliers […] tous ces polichinelles de l’art » ont pour seul but de « se pousser à la fortune, aux grasses sinécures ». De là le programme électoral défendu par Jean Révolte au moment où il passe lui aussi de l’écriture à la politique : « il faut résolument [les] retrancher de chez nous comme une excroissance infectieuse, comme une loupe hideuse absorbant le meilleur de nos veines »53.

34Si cette sinistre rhétorique est dépourvue d’originalité, l’analyse de Méry a pourtant celle de dépasser le clivage Nord/Sud habituel. Révolte propose en effet un système tripolaire lui permettant de renvoyer dos à dos Germains et Romains, Nord et Sud, au bénéfice des Gaulois dont les descendants ont su préserver, prétend-il, leur pureté ethnique originelle. C’est ce qu’il expose au moyen de métaphores assimilant à nouveau les phénomènes humains à des éléments naturels.

Nous sommes restés – en dépit des apparences, en dépit des idées reçues – des Celtes, de purs Celtes, et il est temps de nous dégager des influences que nous avons subies à travers les âges pour être nous mêmes enfin ! Un peuple aussi compact que l’étaient les Gaulois est une mer sur laquelle les invasions passent comme des courants sans pénétrer les couches profondes. Nous ne sommes pas plus une race latine parce que la Gaule a été conquise par les Romains, que nous ne sommes une race germaine parce qu’elle a été envahie par les Francs. […] Notre sang est intact, notre race est pure !54

35De là le nom donné par Jean Révolte à la Ligue qu’il ne manque pas de créer pour rassembler les militants de l’antiméridionalisme : La Gaule aux Gaulois ! Peu flatteur pour l’imagination de Méry, ce nouveau démarquage d’une formule célèbre prêterait à sourire si la revendication en faveur de l’identité et de la culture celtes ne débouchait sur une politique explicitement raciste. Raciste dans ses principes, puisqu’elle invite les Français à préférer le droit du sang au droit du sol (« Nous ne reconnaissons comme nos compatriotes que les gens de notre sang ») et raciste dans ses mots d’ordre : « Rentrons dans notre race comme dans une citadelle ». Devenue l’unique critère d’appartenance nationale, la référence territoriale débouche sur la xénophobie : « Le vrai parti national [est] le parti des gens d’ici contre les gens d’ailleurs »55.

36Il ne faudrait pas croire pour autant que les Celtes soient appelés à lutter sur un double front, antiseptentrional et antiméridional. Le seul ennemi désigné reste l’homme du Sud pour des raisons de nature historique longuement exposées dans l’un de ces dialogues idéologiques où se complaisent les romans à thèse. Jean Révolte rappelle en effet que les Celtes, premiers occupants du territoire, ont été deux fois envahis et colonisés : par les Latins puis par les Germains. La Rome antique, explique-t-il, a servi de tête de pont à l’expansion méridionale vers l’Europe du Nord et donc d’agent de corruption raciale et morale. Rome était, prétend Méry qui fait évidemment bon marché de la vérité historique, « le rendez-vous de tous les brigands, de tous les gens tarés, de tous les chevaliers d’industrie, de tous les Juifs de l’époque. Rome, ville de bandits, avait gangrené toute la contrée »56. Car le Méridional se confond à ses yeux avec le Juif. « En grattant le Latin, dit-il, on trouve le Sémite »57. Redoutable en lui-même, le méridional l’est donc plus encore dans son rôle d’instrument docile aux mains des Juifs. « Dans la politique, c’est le Juif qui dirige, et le Méridional qui agit. Derrière Rouvier, il y a Rothschild ». « Si le Juif veut de l’argent, assure-t-il encore, le Méridional veut des places »58. Drumont, en lançant sa croisade antisémite, n’a donc effectué que la moitié de la tâche, son épigone Méry se charge de la seconde en appelant à la résistance antiméridionale. Mais en réassumant l’antisémitisme du maître pour le parachever, l’antiméridionalisme de l’imitateur acquiert une portée et un contenu politiques.

37De fait, si Méry dresse à coups d’antithèses axiologiques simplistes le tableau des caractères ethniques comparés des Celtes et des Latins, ce n’est pas seulement pour apporter la preuve, inutile à ses yeux, de l’infériorité des seconds, c’est dans le dessein avoué d’ébranler les trois piliers sur lesquels reposent les sociétés de droit latin – la loi, la cité, la patrie – dont les Celtes, à l’en croire, se passaient fort bien avant l’assujettissement de la Gaule aux Romains.

Le Celte est généreux, brave et chimérique. Le Latin, au contraire, c’est l’homme positif, sans idéal, dont l’âme sèche et rude, n’a trouvé qu’une expression adéquate à elle-même : la Loi, toujours la Loi ! Est-ce que nos pères avaient besoin de codes ? Leur bonne foi leur suffisait. Ce sont les Romains qui ont introduit le Droit chez nous. Avant eux, nous n’avions pas de lois écrites. L’équité était dans les âmes. […] Toutes nos qualités dérivent du sentiment. Toutes les conceptions latines ont leur fondement dans l’égoïsme.59

38De là le programme de sa Ligue de la Gaule aux Gaulois : « À l’idée de patrie, dérivée de l’idée de Cité, idée latine, […] substituer l’idée de Race, dérivée de l’idée de Tribu, idée celtique »60. C’est donc aux fondements juridiques de l’État républicain que s’en prend cette théorie dont on aurait tort de réduire le projet politique à une simple réaction épidermique antiméridionale.

39Quant à la seconde invasion colonisatrice, celle des Germains, elle a composé, Méry retrouvant ici la théorie des deux races développée par Augustin Thierry, les rangs de la noblesse médiévale. À ce titre, elle ne s’est pas montrée moins nuisible que la première en s’appliquant à dénaturer et les Celtes originels et leurs colonisateurs latins. Seulement elle n’est plus à craindre du fait qu’elle a été historiquement vaincue. Elle a d’abord été concurrencée par le « retour offensif du Latin » que fut la Renaissance (« à partir de la Renaissance […], explique Révolte, tout tend à se méridionaliser chez nous »61), puis elle a définitivement perdu la partie avec la Révolution anti-nobiliaire : « Quatre-vingt-neuf, en détruisant les restes de la féodalité, nous a débarrassé de la défroque germaine. La moitié de la besogne est faite. La prochaine révolution nous débarrassera de la défroque latine »62. Car tout comme les Germains avaient constitué une noblesse ethniquement homogène, les Latins, épris de lois et de lucre, ont formé l’essentiel de la bourgeoisie. Ni nobles ni bourgeois, les Celtes, eux, sont restés peuple, sont le peuple. « La bourgeoisie était surtout latine comme la noblesse était surtout germaine; mais la masse du peuple, les vilains, les serfs, est restée, sous cette double domination, pure comme l’eau sous les mailles d’un filet » 63. Dénoncer la suprématie méridionale est donc un droit et un devoir pour le peuple français. Défendre la cause des Celtes constitue une lutte de libération politique autant qu’ethnique. Autrement dit, pour Méry comme pour Drumont, c’est une illusion de croire que l’Histoire ait pour moteur une quelconque lutte de classes. La résistance au capitalisme bourgeois dissimule l’essentiel : « la grande lutte sociale de cette fin de siècle, assure-t-il, sera bien plus une lutte de races qu’une lutte de classes »64. Expulser le Méridional, c’est mettre un terme à la domination et à l’exploitation du peuple celte par la bourgeoisie latine, c’est résoudre du même coup ce qu’on appelait alors la « question sociale ». Bref, l’antiméridionalisme devient une clé politique universelle permettant à Méry d’expliquer – pour prendre un exemple – que le massacre de Fourmies (neuf morts le 1er mai 1891, Constans étant ministre de l’Intérieur) a été « commandé par des Latins et exécuté par des Juifs sur une population purement Gauloise »65. Le Méridional prend ainsi place auprès du Juif dans un rôle de bouc émissaire dont l’élimination promettrait de résoudre tous les conflits de la société moderne.

40Pour ce qui est de la littérature enfin, Méry lui assigne un rôle important dans le combat auquel il exhorte ses militants. La spécificité raciale doit s’y appliquer comme en politique puisque les Celtes, explique-t-il, ont aussi bien sauvegardé leur langue au travers de l’histoire qu’ils ont su préserver leur pureté ethnique – cette langue étant le Français. Et Méry que le racisme érigé en système explicatif universel conduit à entasser billevesées sur calembredaines, de soutenir que « la structure [de notre langue] est aussi différente de la structure de l’idiome romain qu’un nègre est différent d’un blanc »66. On ne s’étonnera pas que la critique littéraire, assise sur de tels principes, se borne à lancer en guise d’analyses des imputations injurieuses. Témoin Alphonse Daudet traité sans autre argument esthétique de « pitre » et de « singe »67, ou Maurras vilipendé pour avoir osé déclarer (avec un art de la nuance égal en subtilité, on le notera, à celui de son contradicteur Méry) que « les gens du Nord ont enlaidi tous les arts, sans les augmenter ; [qu’] ils sont incapables de disposer une harmonie ». L’heure de la mobilisation littéraire antiméridionale a donc sonné et c’est sur un ton de va-t’en-guerre que Jean Révolte réplique au bellicisme attribué au camp méridional adverse, puisque les manifestes et les écoles poétiques ne sont dans son esprit que la formulation culturelle de l’affrontement racial imminent. Témoin le nom donné à l’école littéraire qu’il fonde dans l’intention de faire pièce à celle de Jean Moréas :

N’ont-ils pas aussi fondé une école Romane ? Moréas, Morice, Maurras, ils sont tous Maures dans cette école-là ! Et vous ne trouvez pas que le moment est venu de nous associer à notre tour, nous les vrais Gaulois, nous les gens d’ici, pour résister à cette nouvelle invasion de l’esprit latin. Et pourquoi ne fonderions-nous pas, nous, l’école des Racistes. Elle rallierait vite des adhérents, je vous en réponds ; car on doit être las de l’exotisme à la fin ! Oui, l’école des Racistes, qui combattrait tout ce qui n’est pas dans le génie de notre race, toutes ces influences étrangères qui ont dénaturé notre littérature, l’influence russe, l’influence allemande, l’influence anglaise, mais surtout celle qui nous a le mieux pénétrés, l’influence méridionale représentée aujourd’hui par les Romans, les Cigaliers et les Félibres !68 

41Et les amis de Jean Révolte d’entrer sur le champ dans la bataille en criant « À bas les Cigaliers, les Félibres, les Romans, les Symbolistes, et tout le tremblement ! »69 et d’enrôler dans leurs rangs – sans que l’on sache ce qu’il en a pensé – l’antiméridional Huysmans, « cet idéaliste un moment fourvoyé parmi les méridionaux du réalisme » et décoré désormais du titre de « Raciste avant la lettre »70. On s’étonnera à bon droit aujourd’hui de voir opposer au manifeste poétique proposé par l’école Romane rien moins qu’une « école des Racistes ». Moréas, que le dandysme un peu arrogant qu’il arborait dans ses premières années parisiennes avait fait surnommer par certains « Matamoréas », trouve sur son chemin, au sens propre, un Matamore qui lance contre les siens un authentique appel à la haine raciale.

42L’exemple du Jean Révolte de Gaston Méry nous servira, sinon de leçon, du moins de conclusion. Il nous rappelle que les débats littéraires, les débats entre littéraires ne sont pas, à certaines époques, littéraires pour tout le monde. Ce serait de la naïveté de ne voir dans les controverses poétiques des années 1880-90 qu’affaire de métrique, de lexique ou de référents culturels. Deux ans avant l’arrestation de Dreyfus, c’est bien un protofascisme français, singulièrement actif sur le terrain littéraire où il rôde ses arguments, qui est en train de se constituer. La France n’aura pas besoin, trente ans plus tard, de l’importer d’Italie ou d’Allemagne : elle en avait forgé elle-même – fût-ce dans la fiction – la plupart des composantes : rejet de la démocratie parlementaire, élaboration du mythe de la pureté ethnique, hiérarchisation et exclusion raciales, constitution de ligues militantes, etc. Finalement l’obscur Gaston Méry, s’il est mauvais romancier, se révèle excellent prophète, et son antiméridionalisme peut à bon droit nous apparaître comme la face obscure, infiniment moins analysée que ses versants mythiques ou oniriques, de l’imaginaire fin-de-siècle.

Notes de bas de page numériques

1. Dans « Nord-Sud », Les Lieux de mémoire, La Nation II, Gallimard, 1992.
2. L’Esprit des lois, XIV, 1.
3. De la littérature, ch. XI, éd. Garnier-Flammarion, 1991, respectivement p. 205 et p. 211.
4. Maria Kosko, Un «  Best-seller » 1900, «  Quo Vadis ? », Corti, 1960, p. 37. Nous empruntons plusieurs des citations suivantes à cet ouvrage.
5. Jules Huret, Enquête sur l’évolution littéraire (1891), texte réédité par Daniel Grojnowski, éd. Thot, Vanves, 1984, p. 280.
6. « De l’influence récente des littératures du Nord », Revue des Deux-Mondes, 25 décembre 1894.
7. « La Littérature européenne », ibid., 15 septembre 1900.
8. Le Journal, 18 mars 1901.
9. « Variations sur la littérature : Sienckiewicz », Revue naturiste, 15 janvier 1901.
10. « Le nationalisme littéraire », Le Gaulois, 1er mars 1901.
11. Carnet vert, Bibliothèque de l’Arsenal, fonds P. Lambert, ms 75.
12. « Joris-Karl Huysmans » par A. Meunier [J.-K. Huysmans], fascicule n° 263 de la série Les Hommes d’aujourd’hui, Vanier, 1885.
13. Lettre à Émile Hennequin, datée du 31 mai 1884 par P. Lambert. – Valmajour est le nom du tambourinaire de Daudet dans Numa Roumestan (1881) ; la mention du Quercy vise probablement Léon Cladel. – Décédé le 27 mai, Léon Chapron, avocat et journaliste au Gaulois puis au Figaro, avait été enterré le 30 ; cinq cents personnes suivirent son convoi ; Aurélien Scholl prononça l’oraison funèbre. – L. Tailhade formule un jugement similaire sur les Symbolistes : « Le principal effort des jeunes littérateurs contemporains consiste […] à découvrir la Pléiade et à la traduire en moldo-valaque » (Jules Huret, Enquête sur l’évolution littéraire, op. cit., p. 276).
14. Texte cité par Robert Jouanny, Jean Moréas, écrivain français, Minard, 1969, p. 536.
15. Lettre à Verlaine, 14 janvier 1888.
16. Lettre au Dr Roger Dumas, avril 1891.
17. Jean Moréas (pseudonyme de Ioannis Papadiamantopoulos, 1856-1910), né à Athènes « au bord d’une mer dont la couleur passe / En douceur le saphir oriental », était issu d’une famille originaire non de Valachie mais d’Epire. Célèbre dans les milieux littéraires pour son dandysme ostentatoire et pour le Thé chez Miranda (1886, en collaboration avec Paul Adam), il passe pour le chef de l’école symboliste depuis son « Manifeste littéraire » paru dans le supplément littéraire du Figaro le 18 septembre 1886.
18. Dictionnaire de l’ancien langage françois ou Glossaire de la langue françoise depuis son origine jusqu’au siècle de Louis XIV, par Jean-Baptiste La Curne de Sainte-Palaye (1697-1781).
19. Huysmans fait référence à des vers du Pèlerin passionné : « Puisqu’Alison s’en vient, allons / Sous la feuillée où s’aiment les coulombs ».
20. Présidé par Mallarmé, ce banquet de cent convives avait réuni le 2 février Anatole France et Maurice Barrès, Octave Mirbeau et André Gide pour fêter le Pèlerin passionné paru l’année précédente.
21. Enquête sur l’évolution littéraire, op. cit., pp. 83-84.
22. Dans La Plume du 15 mai 1895, article cité par R. Jouanny, op. cit., p. 561.
23. Lettre du 19 mai 1891 de J. Moréas à Jules Huret, ibid., p. 347.
24. Ibid., p. 348. Le Figaro du 13 septembre 1891 lui fait déclarer que « le génie français doit être pur et non barbouillé d’obscurités septentrionales » (cité par R. Jouanny, op. cit., p. 552).
25. Cité par R. Jouanny, op. cit., p. 484.
26. Édition de J. Bollery et J. Petit, Mercure de France, 1965, p. 254.
27. Lettre à J. Huret, 1891, op. cit., p. 106.
28. Ibid., p. 274.
29. L’Aurore, 14 juillet 1902.
30. L’Événement, 21 juin 1891.
31. La Gazette de France, 14 octobre 1897. Jacques Bainville pensera comme son maître : « Il faut prendre M. Huysmans tel qu’il est, et ne voir en lui qu’un Flamand. Il se flatte en effet de descendre d’un peintre de Neederlande dont on connaît des paysages assez fameux » (L’Action française, 7 décembre 1901).
32. « Richard Wagner. Rêverie d’un poète français », La Revue Wagnérienne, 8 août 1885, Bibliothèque de la Pléiade, éd. de H. Mondor et G. Jean-Aubry, 1945, p. 544. Un nommé Louis Bertrand ayant écrit sur le renouveau du classicisme un manifeste intitulé Le Sang des races, Jean Lorrain lui répond dans une interview recueillie par G. Le Cardonnel et Ch. Vellay : « Son classicisme, comme école, n’a pas d’avenir.  Peut-être pourrait-il convenir aux Français, et seulement, sans doute, à ceux du bassin du Rhône ; mais il ne saurait satisfaire une sensibilité du Nord » (in La Littérature contemporaine, Mercure de France, 1905, p. 260).
33. Par exemple à la date du 16 avril 1889 quand il accuse l’Exposition universelle d’être livrée au « rastaquouérisme » : « Le Parisien, la Parisienne, ça commence à devenir un être rare dans cette société sémitique, auvergnate ou marseillaise, par suite de la conquête de Paris par la juiverie et le Midi » (éd. Ricatte, Laffont, coll. Bouquins, t. III, p. 258).
34. Charpentier et Fasquelle, 1893, préface, pp. 5-6. Signe des temps, en rééditant en 1901 Au-dessus des forces humaines, Björnstjerne Björnson remercie dans une note liminaire les Éditions de la Revue blanche « dont la direction s’est toujours montrée si hospitalière aux lettres de tous les pays, si soucieuse des droits des écrivains étrangers ».
35. L’Université catholique de Lyon, 15 mai 1898.
36. Gaston Méry, Jean Révolte, Dentu, 1891, p. 116.
37. La grande Revue dans un article hostile à Là-bas, 29 septembre 1891. Sur ces controverses, on lira Le Symbolisme belge de Jeannine Paque, éd. Labor, Bruxelles, 1989, pp. 137-153.
38. Cité par Gustave Coquiot, Le vrai Huysmans, Charles Bosse, 1912, p. 108.
39. Cité par Zeev Sternhell, Maurice Barrès et le nationa­lisme français (1972), réédition Complexe, 1985, pp. 328-331.
40. Ibid., p. 330.
41. 28 décembre 1875, éd. citée, t. II, p. 675.
42. Là-bas (1891), éd. d’Y. Hersant, Gallimard, Folio, 1985, pp. 72-73.
43. La Réforme intellectuelle et morale, 1871, rééd. Complexe 1990, p. 9 et p. 27.
44. Il se prêtait aussi à toutes les récupérations racistes et xénophobes. Dans un journal de province, Le Charentais, paru à Angoulême le 25 juin 1894, un nommé Louis Brunet associe son hostilité à l’immigration italienne à l’assassinat le même jour du président de la République Sadi Carnot par l’anarchiste italien Caserio : « Ce qu’il y a de révoltant c’est que les troubles affreux dont nous sommes menacés peuvent venir de cette misérable nation italienne, de ce ramassis de mendiants à musique, de crève-de-faim, de paresseux, de saligauds, de crasseux et de lâches, pour qui nous avons bêtement sacrifié notre sang et notre or. Qu’est-ce, en effet, que ce peuple de chanteurs ambulants, de paillards banals se nourrissant de macaronis et de soleil, sinon une race toute désignée pour l’esclavage et le fouet. Sacrée sale race latine comme dit Huysmans qui, dans l’éloquence de son scepticisme, a parfois raison ». On aura noté que l’auteur de ces lignes a rajouté au texte de Huysmans sur la « sacrée race latine » l’adjectif sale.
45. Paris, Bibliothèque des Modernes, 36 pages.
46. La Gazette de France, 24 juillet 1896.
47. Ibid., 22 décembre 1903.
48. Ibid., 17 avril 1904.
49. Le Gaulois, 14 juin 1903, cité par Zeev Sternhell, op. cit., p. 329, note 44.
50. Là-bas, p. 72.
51. P. 24.
52. P. 97.
53. P. 113 et p. 305.
54. Pp. 60-61.
55. Respectivement p. 303, p. 306 et p. 158.
56. P. 90.
57. P. 89.
58. Respectivement p. 167 et p. 23.
59. P. 87.
60. P. 71.
61. P. 64.
62. P. 61.
63. P. 63.
64. P. 305.
65. P. 250.
66. P. 62.
67. Respectivement p. 110 et p. 112.
68. Pp. 120-121.
69. Ibid.
70. P. 123. Il va sans dire que Méry cite intégralement (pp. 123-124) et approuve le texte de Là-bas sur le rôle néfaste de Jeanne d’Arc dans la Guerre de Cent ans.

Pour citer cet article

Jean-Marie Seillan, « Nord contre Sud. Visages de l'antiméridionalisme dans la littérature française de la fin du XIXe siècle », paru dans Loxias, Loxias 1 (2003), mis en ligne le 15 décembre 2003, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=6.


Auteurs

Jean-Marie Seillan