Loxias | Loxias 5 (juin 2004) Doctoriales I 

Stéphanie Guérin  : 

L'envers du romanesque dans A vau-l'eau de Joris-Karl Huysmans

Résumé

A la fin du XIXe siècle, le roman voit ses fondements traditionnels remis en question par une crise appelée « crise du roman ». Avec A vau-l’eau paru en 1882, Joris-Karl Huysmans prend part à la crise : l’intrigue, le héros, le cadre spatio-temporel, la composition sont mis à mal et constituent les terrains de prédilection où Huysmans et d’autres écrivains s’affranchissent de la « tradition romanesque ». A vau-l’eau s’inscrit dans la mouvance du « livre sur rien » instauré par Flaubert avec L’Éducation sentimentale et pose le paradoxe suivant : comment écrire un roman lorsqu’on le vide de son contenu ? Huysmans ne fonde pas sa démarche uniquement sur une opposition, il cherche à renouveler le genre pour « faire du vrai ». Il dote ainsi les éléments constitutifs d’A vau-l’eau d’une nouvelle logique. Celle-ci interroge sur le statut générique d’A vau-l’eau : s’agit-il encore d’un roman ?

Index

Mots-clés : A vau-l'eau , exténuation, genre, Huysmans, identité générique, intrigue, roman, romanesque

Plan

Texte intégral

1Le concept de crise n’est pas rare dans l’histoire de la littérature romanesque. Les polémiques concernant le développement du genre romanesque et son affirmation au XIXe  siècle, ainsi que des conflits internes au genre en sont des exemples. Le phénomène d’exténuation de l’intrigue dans A vau-l’eau1 de Joris-Karl Huysmans (1882) constitue l’une de ces crises. Michel Raimond a qualifié cette dernière de « crise du roman »2 et a vu, en Gustave Flaubert, l’initiateur de ce changement d’esthétique : l’écrivain doit rendre compte de ce qui est et se garder d’idéaliser le monde et son texte à la manière romantique. Le livre sur rien prend naissance avec les premiers refus d’un roman romanesque, d’une intrigue conçue comme une histoire captivante destinée à tenir éveillée la curiosité du lecteur3. Huysmans exprime à plusieurs reprises son admiration pour L’Education sentimentale et  cherche dans A vau-l’eau à appliquer les conseils du maître. Pour cette raison, A vau-l’eau trouve malaisément sa place dans la définition traditionnelle du mot roman telle qu’on la trouve dans le dictionnaire Littré : « histoire feinte, écrite en prose, où l’auteur cherche à exciter l’intérêt par la peinture des passions, des mœurs, ou par la singularité des aventures ». A vau-l’eau va en effet détourner les traditions et les conventions romanesques : nature de l’intrigue, rôle et psychologie des personnages, déroulement du récit bâti sur une structure linéaire, chronologique, notions d’espace et de temps, pour permettre l’apparition de nouvelles voies. Parler d’envers du romanesque dans A vau-l’eau, c’est donc montrer la stratégie de détournement employée par Huysmans. Celui-ci n’annule pas en totalité les conventions romanesques mais estompe les normes en conservant les traditions en arrière-plan. Tout en s’inscrivant dans la mouvance naturaliste qui se détachait déjà du romanesque, Huysmans va bien plus loin dans la pratique de l’exténuation que Zola, au point d’annoncer l’esthétique décadente d’A Rebours4. Huysmans ne se contente pas de bouleverser les traditions romanesques, il les renouvelle et poursuivra ce processus dans son œuvre ultérieure. « Roman-frontière », A vau-l’eau articule son récit autour d’une bipolarité : tradition/démarcation.

2Il s’agira d’observer les différents phénomènes induits par cette bipolarité, source d’un paradoxe problématique, à savoir : comment écrire un roman lorsqu’on le vide de ses contenus (thématiques, narratifs) traditionnels ? Cette problématique en commande une autre plus générale concernant la notion de genre puisqu’un livre qui n’aurait quasiment pas de sujet devient un livre dont la forme s’exalte : peut-on encore qualifier A vau-l’eau de roman, si la forme conventionnelle fait défaut5 ?

3La subversion des motifs traditionnels et la défection des programmes narratifs révèleront de nouveaux principes d’organisation.

4Au XIXe siècle, le roman ne possède pas de poétique clairement définie mais des conventions s’imposent comme des règles du genre. Dans A vau-l’eau, Huysmans utilise ces dernières pour mieux les subvertir : il ne reproduit pas ce qui a déjà été fait, mais prend appui sur ces bases pour mieux dévier, inverser, nier les tendances d’alors.

5Huysmans bâtit volontairement A vau-l’eau sur un paradoxe : il choisit pour thème un de ceux que la tradition a le plus rebattu : l’épopée. Cette démarche lui permet d’écrire le roman en défaisant le thème. Issu de la tradition chevaleresque, le roman de quête avait la propriété de contenir un fort potentiel romanesque grâce aux multiples rebondissements et obstacles du périple. Or, Huysmans évacue ce potentiel en éliminant le développement de l’imagination. Dès lors, les différents éléments propres à l’épopée subsistent en creux mais travestis. En qualifiant Folantin « d’Ulysse des gargotes »6, Maupassant révélait que  l’intertexte épique est encore présent mais déplacé7.

6Le vocabulaire du parcours lié à l’accomplissement d’une quête demeure mais désamorcé par des verbes de mouvement inopérants et par des compléments inappropriés. Les exemples abondent : « au milieu des rafales, M. Folantin avait dû piétiner dans des parfaits de fange, dans des sorbets de neige, pour atteindre son logis » (p. 9), « Enfin, l’idée de faire des étapes, le soir, pour chercher pâture, l’horripila » (p. 19), « Plusieurs fois il franchit les ponts et tenta de nouveaux restaurants » (pp. 38-39). De même, l’objet de la quête a perdu sa grandeur. Le but n’est plus de trouver un objet de valeur (tel l’archétype du Saint Graal), de délivrer une reine mais de trouver de la nourriture saine. Avec A vau-l’eau, l’épopée s’effondre dans la trivialité : « Il tâtait maintenant de tous les godiveaux ratés, de toutes les pâtisseries brûlées ou gâtées par les cendres » (p. 49). Les étapes du parcours ne peuvent donc plus être des lieux fantastiques et se transforment en cantines médiocres. Elles sont synonymes d’errances : « il recommença à brouter au hasard, tantôt ici et tantôt là » (p. 38). Du même coup, les obstacles n’ont plus la même ampleur. Le personnage n’affronte plus des chevaliers robustes, des monstres imaginaires, mais des mauvais repas : « M. Folantin para énergiquement ce nouveau coup ; il renonça aux sauces, aux assiettes maculées » (p. 48), des intempéries, des tracas domestiques : « son feu hésitait, sa lampe charbonnait, son tabac était humide et s’éteignait, mouillant le papier à cigarette de jus jaune » (pp. 9-10). La société n’est plus le lieu de conquêtes et de luttes romanesques, elle est impropre à l’aventure. Les combats sont bas ou triviaux, ils nuisent au développement de l’intrigue.

7L’issue de ce parcours est donc l’échec, mais là où il était exceptionnel dans le traditionnel roman de quête, il est ici plat, sans relief : « mal m’en a pris de quitter un mauvais restaurant pour en parcourir de non moins mauvais, et tout cela pour échouer dans les sales vol-au-vent d’un pâtissier ! » (p. 55). Le roman de quête n’en est plus un, car ce n’est plus l’histoire d’une évolution qui nous est contée, mais celle de l’immobilisme : « M. Folantin se le tint pour dit et il resta désormais dans son arrondissement, bien résolu à n’en plus démarrer » (p. 39).

8Outre l’histoire, c’est aussi le personnage que l’on considère comme moteur de l’intrigue. Ce moteur tournait à plein lorsque ce dernier avait la qualification de héros et lorsque son être et son faire permettaient le foisonnement de l’intrigue. Mais dès lors que le héros romanesque est mis à mal, son statut change. Zola précise ce bouleversement : « Fatalement, le romancier tue le héros, s’il n’accepte que le train ordinaire de l’existence commune »8.

9En appréhendant dans le tableau suivant Folantin en termes de pouvoir (d’après la sémiotique de Greimas), nous constatons combien le faire du personnage est atteint et comment Huysmans bloque l’entreprise de ce dernier.

 

PERSONNAGE

FOLANTIN

MODALITÉS

 

 VIRTUALITE

 DEVOIR-FAIRE

=devoir manger 1

 
VOULOIR-FAIRE

=vouloir changer de restaurant 2>
#non vouloir-faire: volonté faible 3

 

 

 

 ACTUALITE

 SAVOIR-FAIRE

# non savoir-faire pour trouver les bons lieux 4

 
POUVOIR-FAIRE

#non pouvoir-faire: peu de courage, manque d’appétit 5

Les bouleversements des modalités du faire

Légende : = : la modalité du faire demeure ; > : la modalité se transforme en son contraire ; # : la modalité est son contraire ; 1 : citations

  • 1 « son énergie se désarmait, en même temps que son corps, déplorablement nourri, criait famine » (p. 49).

  • 2 « Après de longues délibérations, il se décida à ne plus vivre ainsi enfermé et à varier ses restaurants » (p. 18).

  • 3 « Si j’avais le courage de l’ abandonner [l’arrondissement] » (p. 18).

  • 4 « Mais il resta découragé, se rappelant ses inutiles chasses dans le quartier à la recherche d’un établissement qui consentît à porter au-dehors de la nourriture » (p. 43).

  • 5 « il se laissait aller à vau-l’eau, incapable de réagir contre ce spleen qui l’écrasait » (p. 18) + « son estomac s’était rouillé » (p. 17).

10Si les modalités de la virtualité semblent effectives au début d’A vau-l’eau, elles sont rapidement atteintes dans l’actualité et se transforment en leur contraire. Le héros n’acquiert pas de compétence, il ne peut réaliser de performance et demeure dans la virtualité. Il est désormais marqué par son manque de désir : « il n’avait plus envie de rien » (p. 13). Le blocage du faire est à l’origine de l’envers du romanesque. Le texte refuse de pourvoir le héros d’une quelconque capacité.

11Parce que Folantin est un personnage de prostration, incapable de produire du romanesque, il est légitime de remettre en question son appellation. Pour un être qui subit plus qu’il n’agit, la qualification de héros ne semble plus valable (à moins de limiter la définition de héros à celle de personnage principal du roman). Huysmans suit l’idée de Zola selon laquelle  « le premier homme qui passe est un héros suffisant »9. Il remplace la figure du héros par celle du « petit bourgeois », incarnation de la médiocrité. Ce « petit bourgeois » se caractérise par son enlisement dans la conformité, bien que sa volonté première soit celle de se démarquer. Folantin désire ainsi posséder des objets d’art : « Un amateur eût certainement haussé les épaules devant ces estampes sans aucune marge » (p. 47). Sa médiocrité se manifeste aussi par de multiples disqualifications : affectives par son mépris du foyer, intellectuelles parce qu’il ne possède : « aucun talent de société, aucune gaieté libertine, aucun bagou » (p. 14) et physiques car : « son aspect chétif ne prévenait pas en sa faveur et sa jambe gauche boitait » (p. 11). De tels handicaps limitent les ambitions : Folantin ne désire qu’être en paix avec son estomac : « Est-ce que ce rêve si longtemps caressé de se faire monter à dîner chez soi allait pouvoir enfin se réaliser ? » (p. 43). Désormais, le héros existe en fonction de ce qu’il n’est pas ou de ce qu’il n’a pas.

12L’espace et le temps sont des fondements capitaux du texte : ils apportent des repères et fournissent une logique au déroulement de l’histoire. Or, l’espace et le temps traditionnels sont connotés négativement dans A vau-l’eau et n’exercent plus leur fonction de repérage. Ils empêchent les rouages habituels (potentialités du passé dans le souvenir, du présent dans les actions et du futur dans les projets d’avenir) de se développer, bouchant ainsi tout horizon possible.

13L’impression est alors celle d’un temps insupportable : « Le dimanche devenait interminable » (p. 41). Le temps individuel est celui d’un éternel présent ; il est vide, c’est le temps de l’attente : Folantin attend le bon restaurant. C’est donc un temps entre le pas encore et le déjà plus, un idéal d’immobilisme pour suggérer le dépérissement : « Aussi n’est-ce point la peine de tenter d’accélérer ou de retarder la marche du balancier » pense Folantin (p. 55). Bien que le temps pèse sur le personnage, il n’a plus de force transformatrice sur lui. Il bloque le développement de l’intrigue, à tel point que, paradoxalement, c’est son poids qui fournit une nouvelle logique au récit.

14D’autre part, pour renforcer l’intrigue, le roman adopte le plus souvent une solidarité organique entre l’histoire et l’espace. Dans A vau-l’eau cette solidarité est souvent mise à mal. L’espace amoureux traditionnel est celui de l’intimité ; or Huysmans le transfère dans une cantine, c’est-à-dire dans un espace public. De même « l’ailleurs », indispensable pour offrir un dépaysement au lecteur, est désormais impossible car le choix des lieux, lié à la vacuité quotidienne, conduit à une dévalorisation du romanesque. Désormais, tous les lieux se valent : les différentes cantines testées par Folantin sont égales les unes aux autres, toutes définies par leur saleté et leur mauvaise nourriture. Cette désolidarisation entre espace et personnage, espace et roman, contribue à une immobilisation des lieux qui fige les personnages et par extension, l’intrigue. Cette sensation de figement est renforcée par le choix d’un monde clos, privé d’ouverture : Folantin est muré dans son bureau de petit fonctionnaire et le parcours des cantines qu’il effectue est en boucle. L’espace romanesque s’est donc épuisé avec le héros par un système d’inversion. L’espace et le temps, dotés d’attributs négatifs, privent Folantin d’échappatoire, et empêchent l’histoire de s’épanouir. L’avenir est insatisfaisant pour le personnage : Folantin se borne à la routine et au vide, bloqué dans sa progression professionnelle et sans possibilité de mariage. Le passé et la nostalgie pourraient être des  solutions, des refuges pour Folantin : « il avait vingt-deux ans alors et tout l’amusait » (p. 12), mais, le contraste est tel avec son présent que le souvenir perd son caractère bénéfique et aggrave l’état présent. Aucune échappée durable vers la nature n’est possible. Là où le romantique voyait un soulagement et une communion, l’espace naturel est désormais tristesse et grisaille : la pluie et l’hiver sont à l’origine d’une atmosphère pesante. Aucune échappée vers l’espace mystique enfin, car Folantin n’y voit qu’un éventuel avantage culinaire : « Il fallait être ordonné prêtre pour trouver des ressources, des dîners spéciaux dans des tables d’hôtes réservées aux ecclésiastiques » (p. 18).

15Si la première impression est celle de l’enlisement, le fil continu d’un espace/temps négatif réintroduit au sein des romans une certaine logique. C’est donc l’envers du romanesque qui va prendre structurellement la place de l’intrigue et en tenir lieu dans A vau-l’eau.

16Huysmans met à mal les principes d’organisation traditionnels en se détachant des schémas-types préétablis. Il ne se contente pas de leur faire subir des modifications en les tronquant, les perturbant, il fait de ce rejet un nouveau principe d’écriture.

17Les écrivains prennent appui sur des programmes narratifs afin d’assurer la rigueur du roman et la réalisation de la lecture. Traditionnellement, le parcours adopté permet de retarder la fin par le biais de nombreux événements. Or, la défection des programmes et du fil conducteur dans A vau-l’eau pose la question de la construction du roman. La rupture d’ordre frappe la logique typique du déroulement de l’intrigue : le schéma narratif est miné de l’intérieur par l’absence de nœud. La tradition critique introduit en effet une transformation, une crise qui fait passer le récit d’un état à un autre : « Tout récit est un récit de rupture d’ordre » précise Charles Grivel10. Or, dans A vau-l’eau le « malheur » n’a pas lieu car la crise, présente dès le départ, est permanente et exclut un brusque bouleversement : les problèmes de solitude et de nourriture rencontrés par Folantin apparaissent dès l’incipit : « Et M. Jean Folantin, assis devant une table encombrée d’assiettes où se figeaient des rogatons et des bouteilles vides [...] fit la moue, ne doutant pas qu’il allait manger un désolant fromage ; son attente ne fut nullement déçue » (p. 7). Lorsqu’un nœud pourrait se former, par exemple lorsque Folantin décide de sortir avec M. Martinet ou qu’il découvre une pâtisserie à son goût, très vite ces découvertes retombent dans la négativité initiale : « son désir de se rapprocher, de toucher le coude d’un voisin cessa » (p. 37) et plus loin, « le pâtissier mettait de côté toute pudeur, toute vergogne et lui dépêchait tous les résidus de sa cuisine » (p. 49). Le drame est annulé11, assénant un coup fatal au développement de l’intrigue.

18D’après Roland Barthes dans S/Z12, et Charles Grivel dans Production de l’intérêt romanesque, tout texte est construit sur la réponse à une question : « il n’est d’intérêt romanesque que le déchiffrement [...] car dès le départ, le romanesque doit être précisément considéré comme rétention de la signification dont il fait sa visée »13. Là réside l’intérêt de la lecture. Or, la reconstitution dans A vau-l’eau du code herméneutique – support du trajet qui conduit de la question à sa réponse – se révèle quasiment impossible. La phrase herméneutique14 qui dirige le code est dès le départ altérée, car Huysmans ne développe pas de question capable de porter le code herméneutique et menace ainsi de disparition les étapes suivantes. L’incipit abandonne la fonction stratégique de séduction, renonce à captiver l’intérêt et la curiosité du lecteur, pour se consacrer à une fonction purement informative. Les précisions sont telles que le quotidien de Folantin est cerné en trois pages (pp. 7-9) et que la question du vide de son existence et de ses problèmes culinaires est résolue quelques pages plus loin :

« Il se fit quelques camarades, quelques amis, puis arriva le moment où les uns quittèrent Paris et où les autres se marièrent ; il n’eut pas le courage de nouer de nouvelles liaisons et, peu à peu, il s’abandonna et vécut seul » (p. 12)

19puis

« Depuis ce temps, la victuaille avait été aussi invraisemblable qu’indécise ; les stations chez les nourrisseurs du quartier n’avaient plus cessé et son estomac s’était rouillé » (p. 17).

20En remplacement du code herméneutique qui constituait un moteur pour la tradition romanesque, Huysmans adopte une structure déceptive, c’est-à-dire, une succession de désillusions et d’espoirs sans cesse trompés, « un continuel avortement »15 qui règle désormais l’avancée des textes. Cinq programmes narratifs sont lancés, réalisés mais aboutissent à la situation contraire de celle qui était prévue : ils sont frappés de négativité :

  • se soigner : « Ce n’est pas tout cela, il s’agirait de trouver un remède aux attaques d’hypocondrie » (p. 18), échoue deux pages plus loin : « Il se mit au fer mais toutes les préparations martiales qu’il avala lui noircirent, sans résultat appréciable, les entrailles [...] puis il mêla le tout, associant ces substances les unes aux autres, ce fut peine perdue » (p. 21).

  • sortir : « Après de longues délibérations, il se décida à ne plus vivre enfermé et à varier ses restaurants » (p. 18) est annulé deux pages plus loin : « Mais partout il en était de même ; les inconvénients variaient en même temps que les râteliers » (p. 20).

  • trouver un autre restaurant : « En voilà assez, se dit M. Folantin, essayons d’autre chose » (p. 20) est mis en échec : « La nourriture n’était pas supérieure à la rive gauche [...] Il constata une fois de plus l’inutilité des stomachiques et des stimulants » (p. 39).

  • se divertir : « il dressa de nouveau ses plans » (p. 29) (consistant à se divertir) entre dans la structure déceptive : « son désir de se rapprocher, de toucher le coude d’un voisin cessa » (p. 37).

  • décorer son logis : « il était déterminé à dépenser les quelques sous qu’il entassait depuis des années dans ce but » (p. 46) échoue rapidement : « son intérieur se rembrunit » ( p. 49).

21Avec les programmes narratifs, toutes les actions et les circonstances secondaires sont frappées par cette négativité : le fromage commandé par Folantin est mauvais (p. 7), l’attente d’un feu allumé est déçue (p. 8), la tentative d’avoir une bonne échoue par l’incompétence de la veuve Chabanel (p. 16), les œufs commandés ne sont jamais cuits (p. 19), le plaisir de fumer un cigare est impossible (p. 34), la découverte du pâtissier ne le satisfait pas plus de huit jours (p. 47) etc. Dans une telle logique déceptive, aucun programme narratif ne parvient à une sanction positive. Les promesses de romanesque sont donc annulées par l’échec des programmes narratifs principaux et remplacés par un principe déceptif systématique.

22La volonté de se démarquer du romanesque se prolonge par la création de nouveaux fondements qui ruinent la rigueur romanesque traditionnelle.

23De nouveaux principes d’organisation confèrent un nouveau rythme au récit :

24Désormais, la structure est régie par le fragment qui accorde une place inédite à la microstructure. La composition de type sériel dans A vau-l’eau rompt le continuum romanesque au bénéfice d’une suite de « tableaux », de « scènes » et d’anecdotes qui morcelle le texte : retard au bureau (pp. 8-9), renvoi de la servante Chabanel (p. 16), sortie avec M. Martinet au théâtre, rencontre avec la prostituée (p. 53). Les transitions, volontairement mises à mal, accentuent l’esthétique fragmentaire : les paragraphes se succèdent et s’opposent de manière brutale : « Plusieurs semaines s’écoulèrent et son collègue de bureau déclara que M. Folantin rajeunissait » (p. 38) et quelques lignes plus bas : « Il atteignit ainsi l’hiver ; mais aux premières neiges, sa mélancolie reparut » (p. 38). De même, le pâtissier est tout d’abord loué : « Mais ce n’est pas mauvais, se dit-il, en goûtant à chacun de ces plats » (p. 46) pour être critiqué la page suivante : « Sans doute, huit jours ne s’étaient pas écoulés, et déjà le pâtissier se relâchait » (p. 47). L’épisode de la prostituée (p. 54) évite tout développement narratif par l’insertion d’un blanc typographique et de points de suspension.

25La figure de la répétition remplace la linéarité. Elle s’observe au niveau du vocabulaire sélectionné et s’étend au niveau des situations : Folantin se rend à plusieurs reprises dans de mauvais restaurants. La répétition intègre donc un nouveau rythme par les nombreux renvois qu’elle permet.

26C’est aussi la figure de la circularité qui succède dans les trois romans à celle de la linéarité. Le cercle a remplacé le nœud et devient un nouveau mécanisme textuel. Le périple d’échecs réalisé par Folantin le fait aboutir, dans le dénouement, à la cantine de départ qu’il voulait quitter : « Le plus simple est de rentrer à la vieille gargote, de retourner à l’affreux bercail » (p. 55). La fin est remplacée en conséquence par une non-fin. Huysmans invalide ici le processus consistant à faire tendre l’ensemble du récit vers le dénouement.

27Un autre principe organisateur consiste à réduire la charge fictionnelle pour privilégier la place du document16. Huysmans présente des boutiques d’antiquaires et en profite pour démontrer sur deux pages ses connaissances en la matière (pp. 26-27). Il procède de la même manière à l’énumération ostentatoire des médicaments possédés par Folantin :

« c’étaient chez lui des masses de boîtes, de topettes, de fioles, une pharmacie en chambre, contenant tous les citrates, les phosphates, les proto-carbonates, les lactates, les sulfates de protoxyde, les iodures et les proto-iodures de fer, les liqueurs de Pearson, les solutions de Devergie, les granules de Dioscoride, les pilules d’arséniate de soude et d’arséniate d’or, les vins de gentiane et de quinium, de coca et de colombo ! » (p. 21).

28Dans cette longue énumération et ce vocabulaire spécialisé, un effet « poétique » innovant apparaît car le signifiant prend le pas sur le signifié. L’auteur va même jusqu’à insérer un document brut : l’avis de décès d’une cousine de Folantin envoyé par des religieuses (p. 50).

29Le contraste entre réduction de la charge fictionnelle et excroissance du détail constitue un nouveau mode d’écriture.

30Si le texte ne se construit plus en fonction de programmes narratifs complets, de structure rigide, il retrouve en revanche une cohérence et un rythme dans un système d’échos. La thématique principale de la nourriture et du dégoût crée une nouvelle logique d’écriture qui soutient le développement du roman, car d’autres thèmes sont appréhendés en termes métaphoriques culinaires ; les exemples abondent :

  • l’espace devient nourriture :  « M. Folantin avait dû piétiner dans des parfaits de fange, des sorbets de neige » (p. 9), « par de funèbres boulevards, rissolés l’été et glacés l’hiver » (p. 19), « les ciels faisandés » (p. 29).

  • la femme est exprimée en termes culinaires : « Tout un fumet de femme » (12), « Ainsi que dans ces gargotes où son bel appétit lui faisait dévorer des basses viandes, sa faim charnelle lui permettait d’accepter les refus de l’amour » (p. 13).

  • au sujet de recueils littéraires : « une louange banale dans une feuille de chou », « il abominait le bouillon de veau de Cherbuliez et des Feuillet », « cette disette de livres à lire » (p. 25), au sujet du théâtre : « – Eux ! s’écria M. Folantin, allons donc ! ce sont des Vatel de Palais-Royal, des sauciers, et voilà tout ! – Ils ne sont bons qu’à enduire les portions qu’on leur apporte, de l’immuable sauce blanche, s’il s’agit d’une comédie, et de l’éternelle sauce rousse, s’il s’agit d’un drame » (p. 36).

31Cette longue métaphore culinaire compense le déficit de cohérence recherché par Huysmans au niveau de la macrostructure. A la linéarité du schéma narratif a succédé une structure étoilée.

32A vau-l’eau abandonne le monde extérieur pour effectuer un repli sur le moi. Le récit se focalise sur l’intériorité du personnage pour mettre au jour un cas pathologique qui souffre, en proie à des pulsions contradictoires. A la manière du récit, le personnage se disloque. L’analyse des problèmes d’identité, liés à l’intrusion de la « loi du tiers intrus »17, fait prendre conscience à l’homme de la présence d’un double en lui : la santé n’est plus de mise, c’est la dégénérescence du sujet qui est étudiée au moyen d’une riche information médicale. Le narrateur présente les manifestations de la névrose de Folantin : hypocondrie, insomnie, manque d’appétit et surtout dédoublement dans l’euphorie et dans la dépression souligné par les deux passages suivants : « Puis il eut, un beau matin, un réveil [...] Il se sentait ragaillardi » (p. 18), « Mais aux premières neiges, sa mélancolie reparut » (p. 38). De multiples contradictions assaillent aussi le personnage : il regrette dans un premier temps  « de ne pas s’être marié » (p. 17) puis se reproche peu après d’avoir pu émettre cette idée : « Il fallait que je fusse bien bas, le soir où j’ai pleuré sur mon célibat » (p. 22). De même, il considère un moment qu’il aurait pu assumer la responsabilité quotidienne d’enfants : « Eh bien, quoi ? les enfants on les élèverait, on se serrerait un peu plus le ventre » (p. 17), mais rejette ensuite violemment cette pensée : « Et encore, si l’on ne procréait aucun enfant ! » (p. 23). L’unité du moi se dissout, l’instabilité de l’homme est mise au jour dans ses multiples contradictions. Dès lors, la complexité du personnage compense la simplicité de l’intrigue. Il rénove par là même la nature du roman car ce roman de « la vie cérébrale » annonce pleinement les thématiques à venir du mouvement décadent.

33Par l’intériorisation, Huysmans atteint une autre dimension temporelle, celle de l’instantanéité. Le travail sur la syntaxe qui intègre la subjectivité du discours permet d’accéder à une autre représentation du temps : la profondeur18. La rareté des dialogues est compensée par un déferlement intérieur, une « radiographie des âmes »19 qui s’efforce de rendre les sentiments et les pensées de façon immédiate. Certains passages au style indirect libre permettent à la conscience de se dévoiler et à la complexité des émotions de se traduire instantanément. C’est le cas lorsque Folantin évoque sa nostalgie de la jeunesse : « Comme le mariage brisait tout ! On s’était tutoyé, on avait vécu de la même existence, l’on ne pouvait se passer les uns des autres et c’est à peine si l’on se saluait à présent lorsqu’on se rencontrait [...] Tout cela, c’est bien bête » (p. 12) ou encore ses plaintes : « Ah ! le blanchissage, quel aria pour un garçon ! On me visite quand on a le temps et l’on m’apporte des chemises molles et bleues, des mouchoirs en loques, des chaussettes criblées de trous comme des écumoires » (p. 17). Défaillante sous le rapport du romanesque, la continuité est réinvestie par le continu du flux mental.

34Les sensations rendent aussi l’instantanéité. Huysmans ne vise plus à produire un effet de totalisation du réel mais à accentuer un trait, d’où son attention à des aspects menus et fugaces. Travail avant-gardiste lorsque le présent permet de revivre fugitivement et involontairement l’instant du passé. Trois instants précis de la pièce de théâtre que Folantin est en train de regarder le ramènent à son passé grâce à la réminiscence d’une sensation fugitive :

« M. Folantin éprouva, pendant le premier acte, une impression étrange ; cette série d’épinettes lui rappelait le tourniquet à musique d’un marchand de vins qu’il avait quelquefois hanté.  [...] L’air "Une fièvre brûlante" évoqua en lui l’image de sa grand-mère, qui le chevrotait sur le velours  d’Utrecht de sa bergère et il eut, pendant une seconde, dans la bouche, le goût des biscottes qu’elle lui donnait, tout enfant, lorsqu’il avait été sage . [...] Puis au troisième acte, M. Folantin [...] eut subitement dans le nez l’odeur d’une antique boîte qu’il avait chez lui, une odeur moisie, vague, dans laquelle était resté comme un relent de cannelle » (p. 35).

35On pense bien évidemment à la madeleine de Proust et aux multiples réminiscences de Marcel.

36Le renouvellement du genre au niveau textuel implique une perturbation de la réception. Il pose par là même le problème de l’intérêt de la lecture. Il faut réévaluer la motivation du lecteur ainsi que son travail d’analyse.

37Le lisant est considéré comme un premier stade de lecture par Vincent Jouve, c’est : « le mouvement naturel du lecteur qui se laisse prendre au piège de l’illusion référentielle » de « l’effet de vie »20. La tradition romanesque use dans ce cas de nombreux effets de suspense pour attiser la curiosité du lecteur. Or, A vau-l’eau remet en question l’intérêt et le plaisir de ce dernier : la simplicité et la platitude de l’intrigue ne motivent pas la lecture. A plusieurs reprises, un lecteur épris de rebondissements pourrait « décrocher » et arrêter de lire. Bien que le récit joue régulièrement sur l’horizon d’attente, ce dernier est sans cesse déçu. Comme le souligne Huysmans, si le roman divertissant n’est plus, le système de sympathie n’en est pas pour autant annulé : « le romancier n’a pas besoin d’intrigue pour émouvoir le public »21. L’identification au personnage laisse place à un certain pathétique. Folantin nous touche par l’inutilité de ses efforts, la déception de ses attentes. Le stade du lisant est donc perturbé ; toutefois, si nous reprenons la définition de la lecture selon Charles Grivel : « le récit étonne, il éveille, il excite, nourrit la curiosité, il est la manifestation du curieux, du non-arrivé, du scandaleux », il semble que l’étonnement du lecteur face à ces thèmes inédits, à ce « scandale » de construire un livre sur le quotidien finisse par réactiver la curiosité. Au lieu de la question habituelle, « Que va t-il se passer ? » la question deviendrait alors « va-t-il finir par se passer quelque chose ? ». Paradoxalement, la platitude est telle qu’elle en devient relief.

38Pour saisir toute l’originalité d’A vau-l’eau, il semble donc nécessaire de passer à un second stade de lecture. Le code herméneutique fait certes défaut, mais le travail herméneutique du lectant22 demeure. D’après Maupassant, le lecteur doit  découvrir « tous les fils si minces, si secrets, presque invisibles, employés par certains artistes modernes à la place de la ficelle unique qui avait pour nom : l’Intrigue »23. Le travail du lectant consiste davantage en un effort de recomposition que d’élucidation ; à ce titre le lectant devient co-créateur de l’œuvre. Il apprécie la performance de l’écrivain qui a écrit sur du rien, et par son travail de lecture, il relève le défi de recomposer le récit. Le parcours lectoral est donc modifié : à l’image du texte, il se renouvelle.

39Après avoir constaté les déplacements, les annulations et les renouvellements effectués dans A vau-l’eau, est-il encore possible pour le lecteur et le critique de qualifier ce texte de roman ?

40Si nous considérons tout d’abord l’opinion des auteurs qui se sont exprimés au XIXe siècle sur la question, l’appellation roman ne convient plus, elle est même contradictoire à leur dessein. Certains commentaires mettent en évidence la crise générique : pour Zola, les malentendus et les critiques provoqués par ce type de roman :

« viennent de l’idée fausse qu’on continue à se faire du roman. Il est fâcheux d’abord que nous n’ayons pu changer ce mot roman qui ne signifie plus rien, appliqué à nos œuvres naturalistes. Ce mot entraîne une idée de conte, d’affabulation, de fantaisie qui jure singulièrement avec les procès-verbaux que nous dressons [...] Le mot roman se maintient quand même, et il faudrait aujourd’hui une heureuse trouvaille pour le remplacer »24.

41Le jugement du genre est clair : roman ne convient plus et cette analyse s’adapte parfaitement à A vau-l’eau. Pour parer au problème, Sylvie Thorel-Cailleteau25 propose la catégorie plus généralisante de récit dans laquelle prendrait place le roman. Bien que plus large, cette catégorie ne résout pas pour autant le problème du déterminisme face auquel Huysmans et d’autres romanciers s’opposent. Le récit, notion élastique, se définit aussi par le principe de succession et celui de transformation. Or, dans A vau-l’eau, Huysmans cherche et parvient à mettre à mal ces principes. Toutefois pour se revendiquer autre, Huysmans se voit contraint de dire la tradition – toute adverse qu’elle soit – et réintègre malgré lui la causalité. J-M. Schaeffer parle à ce sujet de « modulation générique »26, car aucun texte n’étant similaire à un autre, il exemplifie un genre et le modifie en même temps. Le problème générique soulevé par l’envers du romanesque est donc entier, mais ce qui est acquis, c’est que l’exténuation de l’intrigue propose un renouvellement du roman en conduisant les auteurs à s’interroger sur la notion de genre et à effectuer un travail avant-gardiste de réflexivité.

Notes de bas de page numériques

1 Huysmans, Joris-Karl, A vau-l’eau, (Kistemaeckers, 1882), édition Mille et Une Nuits, 2000.
2 M. Raimond, La Crise du roman des lendemains du Naturalisme aux années vingt, Paris, José Corti, 1966.
3 « Ce que je voudrais faire, c'est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style [...] un livre qui n'aurait presque pas de sujet, ou du moins où le sujet serait presque invisible si cela se peut », Flaubert, Lettre à Louise Colet du 16 janvier 1852, Correspondance, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, éd. de Jean Bruneau, t. II, 1980.
4 « Il me souvient du temps où Huysmans passait pour emboîter le pas à M. Zola – Les Sœurs Vatard, Marthe [...] Mais une lecture attentive d'A vau-l'eau suffit pour se persuader que le jeune maître répudiait déjà les procédés lassants et ressassés du grand chef », Léo Trézenick, rédacteur en chef de la revue Lutèce, n° des 17-24 avril 1886, Huysmans, Lettres inédites à Emile Zola, Genève, Droz, 1953, p. 119, note 1.
5 Nous ne chercherons pas ici à déterminer si A vau-l'eau est un roman ou une nouvelle.
6 Maupassant, Le Gaulois du 9 mars 1882 : l'auteur fait de Folantin un héros burlesque.
7 Nous découvrons aussi l'intertexte de la figure christique, figure travestie dans l'assimilation de la vie de Folantin à un chemin de croix : « le front sur le rebord de la cheminée [M. Folantin] se mit à parcourir le chemin de croix de ses quarante ans, s'arrêtant, désespéré, à chaque station » (p. 10).
8 Zola, Du Roman. Sur Stendhal, Flaubert et les Goncourt, Préface d’Henri Mitterand, Paris, éd. Complexe, coll. « Le Regard littéraire », 1989, p. 133.
9 Emile Zola, Deux définitions du roman, Œuvres complètes, Tome XI, p. 281.
10 Charles Grivel, Production de l'intérêt romanesque. Un état du texte (1870-1880), un essai de constitution de sa théorie, The Hague-Paris, Mouton, 1973, p. 186.
11 Zola préconisait de diminuer l'importance du drame : « Il n'est plus nécessaire de nouer, dénouer, de compliquer le sujet dans l'antique moule », Le Roman expérimental, Cercle du livre précieux, Œuvres complètes, tome XI, édition Henri Mitterand, 1968, p. 220.
12 Roland Barthes, S/Z, Paris, Seuil, 1970.
13 Charles Grivel, op. cit. , p. 90. Le texte est donc écrit en fonction de la fin.
14 La phrase herméneutique se compose d'herméneutèmes principaux : la question où l'énigme tout d'abord se pose, puis se formule, se retarde, et enfin se dévoile. Les phases où la question se pose et se formule sont regroupées sous l'appellation exposition, la phase du retardement est appelée divertissement et enfin, celle du dévoilement est appelée conclusion, S/Z, op. cit. , pp. 91-95 et 215-216.
15 Chevrel, Yves, « Le modèle du roman naturaliste : L'Education sentimentale », sous la direction de Henri Mitterand,  Au bonheur des mots. Mélanges en l'honneur de Gérald Antoine, Presses Universitaires de Nancy, 1992, pp. 505-514.
16 Ce trait est caractéristique de la poétique du roman des années 1880, dans le cadre des romans célibataires à venir. Cf Jean-Pierre Bertrand, Michel Biron, Jacques Dubois, Jeanine Pâque, Le Roman célibataire, d'A Rebours à Palude, Paris, José Corti, 1996.
17 Sylvie Thorel-Cailleteau, La tentation du livre sur rien : naturalisme et décadence, Mont-de-Marsan, éd. Interuniversitaires, 1994, p. 418.
18 On assiste ici à un travail d'innovation formelle très originale et annonciateur des techniques du roman au XXe siècle
19 Lettre de Céard publiée dans L'Information le 22 juillet 1918 citée par C. A Burns, Henry Céard et le naturalisme, John Goodman & Sons, Birmingham, 1982, chap. I.
20 Vincent Jouve, L’effet-personnage dans le roman, Paris, Presses universitaires de France, 1992 , pp. 108-149.
21 L'Actualité, le 25 mars 1877.
22 Il représente le travail d'enquête, de repérage d'indices.
23 Guy de Maupassant, préface à Pierre et Jean, Paris, Grands textes classiques, 1993, (Ollendorff, 1888), p. 17.
24 Emile Zola, Du Roman, op. cit. , p. 56.
25 Sylvie Thorel-Cailleteau, op. cit.
26 J.-M Schaeffer, Qu'est-ce qu'un genre littéraire ?, coll. Poétique, Seuil, 1989, chap. IV.

Pour citer cet article

Stéphanie Guérin, « L'envers du romanesque dans A vau-l'eau de Joris-Karl Huysmans », paru dans Loxias, Loxias 5 (juin 2004), mis en ligne le 15 juin 2004, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=45.


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Stéphanie Guérin