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Editorial : « Littératures du Pacifique »

sous la direction d'Odile Gannier et Sandhya Patel

Plan

Texte intégral

1 L’espace du Pacifique ne produit pas un univers littéraire homogène et univoque. Issues d’influences très diverses, les littératures du Pacifique constituent évidemment une somme d’œuvres particulières et ne sauraient se conformer à un modèle unique, mais elles se conçoivent avant tout comme faisant partie d’un ensemble de référence signifiant. Les études actuelles tendent souvent à fragmenter les domaines en se fondant sur des répartitions entre aires anglophones et francophones, alors que d’autres liens existent indéniablement à l’intérieur de la zone Pacifique, avec une circulation des œuvres et des thèmes. Ce numéro de Loxias vise à examiner la production littéraire dans une aire géographique cohérente.

2Un certain nombre d’œuvres écrites par des voyageurs ou des résidents d’origine étrangère ont été situées, au moins en partie, dans le Pacifique, ce qui a donné aux métropoles et à l’Occident en général des représentations de type exotique. Mais aujourd’hui, les écrivains du Pacifique s’expriment et se publient eux-mêmes, en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux Samoa, à Hawai’i, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie… Les problèmes de langue certes y croisent les questions des minorités (aborigènes, maories, ainsi que toutes les populations qui habitaient les îles avant l’arrivée des étrangers ou des colons). La littérature née dans le « triangle polynésien », dans les îles du Pacifique, n’est pas exclusivement, tant s’en faut, écrite en langues polynésiennes : le français et l’anglais particulièrement fournissent une part importante de la production. Des écrivains comme Albert Wendt, Alan Duff, Sia Figiel écrivent en anglais, mais un anglais parfois très mâtiné de samoan ou d’autres langues de la zone Pacifique. Chantal T. Spitz a opté pour un français véhiculaire. Certains auteurs ont fait un choix radical en utilisant la langue d’origine étrangère, d’autres ont décidé d’écrire dans les langues vernaculaires, d’autres enfin accommodent dans des proportions variables les deux modes d’expression. La littérature pour la jeunesse, les comptines et chansons de Nouvelle-Calédonie par exemple sont le reflet de cette coexistence de langages.

3L’ancrage dans une réalité locale est donc essentiel dans la caractérisation de ces littératures. Aussi est-il tentant de proposer de ces textes une lecture anthropologique, qui met les romans en correspondance avec les grands mythes polynésiens. En Australie également, la réalité aborigène se perpétue grâce à des romans contemporains, comme ceux d’Alexis Wright.

4Cependant, il serait réducteur de ne considérer les œuvres nées dans le Pacifique que comme purs produits d’un espace et d’une culture : elles peuvent aussi relever tout simplement de la Littérature et être appréciées comme telles en dehors d’un lectorat auquel, peut-être, on les a crues réservées et auprès duquel on pense qu’elles font exclusivement sens. Des rapprochements avec des écritures des Antillaises ou de l’Océan Indien permettent d’élargir la perspective en soulignant les parentés de ces littératures insulaires. De la sorte, ces œuvres qui sont souvent lues avec la grille de la critique postcoloniale n’en sont pas pour autant nécessairement appréciées avec plus de justesse si l’on se focalise sur cette approche. Si les questions d’identité, de représentations préconçues, de clichés, sont des thèmes fréquemment abordés, ces textes résonnent aussi d’autres échos et il est utile de se poser avec plus d’acuité la question de la réception et examiner des thèmes propres à cet espace, entre autres les rapports complexes que ces îles entretiennent avec leurs (ex-)métropoles. Il ne s’agit pas d’appliquer simplement une lecture « postcoloniale » à une œuvre particulière, quelque intérêt qu’elle puisse revêtir.

5Odile Gannier

6Directrices du numéro :

7Odile Gannier, Professeur de littérature comparée, Université de Nice, gannier@unice.fr

8Sandhya Patel, MCF de Langues et Littératures du Commonwealth, Université de Clermont-Ferrand, sandhya@thinkingapp.com

9Sandhya Patel

10The Pacific Ocean's many territories do not generate an unequivocal, homogenous body of literature. Pacific literature is subject to range of influences and obviously constitutes a diverse corpus which cannot be understood as being bound by any specific literary model. Recent  research focuses on mutually exclusive boundaries between Pacific literature in English and in French which promotes a fragmented conception. Nevertheless, Pacific literatures form a significant ensemble within which works and themes take interactive shape.

11A significant body of literature by travellers and foreign residents is wholly or partially set in the Pacific and has produced representations which deploy concepts of exoticism for perusal by readers at home or in the West in general. More local authorship and publication have though recently come to the fore in Australia and New Zealand, in Samoa and Hawai'i and in French Polynesia and New Caledonia. This literary production addresses minority issues (Aborigines, Maori and other local populations) and develops considerations on language concerns. These Melanesian, Polynesian and other authors have not chosen to write exclusively in Pacific languages and much of the writing is in French or in English. Some authors thus have adopted exercised a radical linguistic option by choosing to write in the colonisers' languages; some use local languages and still others employ both modes of expression to varying degrees. Defining the nature of this Pacific writing then implies identifying a sense of local reality. However, arguing that this literary creation is the product of a specific environment and culture would be simplifying. These works may also be considered as "Literature" available to a wider audience and not only intended for a chosen few often considered as the target readership. The latter methodology reduces the number of possible theoretical approaches and postcolonial critique emerges as the sole analytical tool available which in turn forecloses on other rewarding viewpoints. Though questions of identity and clichéd representations are often broached in Pacific literature, other thematic motifs also emerge and interrogate thus the nature and extent of the putative intended readership. Papers will focus on literary production in Pacific localities which addresses issues specific to that geographical environment and notably that of the relationships forged between two nations namely that of the ex-colonised and that of the ex-colonisers. Postcolonial critique addresses these issues in powerful ways but this call for papers focuses on alternative analytical approaches.

12Loxias : Trimestrial online journal published by CTEL (Centre Transdisciplinaire d'Épistémologie de la Littérature), Université de Nice. Free access. Editor : Pr. Odile Gannier. – Editors for the June issue : Pr. Odile Gannier, University of Nice (Comparative Literature) Dr. Sandhya Patel, University of Clermont-Ferrand II (Languages and Literatures of the Commonwealth.)

Pour citer cet article

« Editorial : « Littératures du Pacifique » », paru dans Loxias, Loxias 25, mis en ligne le 15 juin 2009, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=2613.