Loxias | Loxias 8 (mars 2005) Emergence et hybridation des genres 

Anna Jaubert  : 

Des genres comme précurseurs de style

Résumé

La notion de style est ambivalente. D'un côté, le mot renvoie à un style, avec un référent pluralisable, des styles, qui, depuis l'Antiquité, font l'objet de hiérarchisations plus ou moins concordantes et qui sont directement en prise avec la distinction des « genres ». D'un autre côté, le même mot tend à désigner une forme singulière, individuée, le style d'un auteur, ou, plus précisément comme le propose Genette, le style d'une œuvre particulière. Or, loin de s’opposer, les deux acceptions correspondent à une progressivité de la valeur venant au discours.
Sur le terrain, l'analyse consiste à dégager une spécificité perceptible à partir de déterminations génériques, car la réception du discours littéraire, comme celle de tout discours, se forge à l'aune de nos attentes. « Fond du sujet sans cesse rappelé à la surface », le fait de style requiert la superposition du point de vue local et global.
Style(s), médiation générique, attentes et contre-attente, valeur du discours, littérarité, projet communicationnel, forme-sens, variation, ordre englobant.

Plan

Texte intégral

1En se donnant pour thème fédérateur une réflexion sur les genres émergents, un récent séminaire du CTEL est allé au cœur d'une problématique fondamentale pour l'intelligence du texte littéraire, une problématique que je placerai ici dans la perspective du sentiment stylistique.

2Pourquoi solliciter une telle perspective ? C’est que les notions de genre et de style sont connexes, souvent même intriquées, et qu’il importe de les hiérarchiser pour mieux dégager leur caractère opératoire. En effet, la marque de l'homme dans ses activités artistiques, ou tout simplement dans ses comportements sociaux nous inspire un mouvement de reconnaissance ; motivée par des constantes, cette reconnaissance est porteuse d'un jugement de valeur. Là s’ébauchent les notions de genre et de style, qui dans le domaine social sont pratiquement interchangeables (on parle presque indifféremment d’un genre, ou d’un style de vie). En revanche, dans le domaine artistique, les termes tendent à se spécialiser. Il convient d’examiner ce processus, et, puisqu’il n’y a pas de reconnaissance sans repères, de se demander comment émergent les propriétés qui permettent ces reconnaissances, liées, qu’on le veuille ou non, au sentiment de formes requalifiées.

3À ce niveau d’approche, le style est perçu comme une notion transversale, une veine qui peut traverser tout système sémiotique, et qui le rend susceptible de transformer une production humaine en œuvre d’art. Mais à côté de cette acception générale, on ne peut faire abstraction de la spécificité du langage verbal, liée à son mode de signification et à sa réflexivité, c’est-à-dire au fait qu'il puisse parler de lui-même. Attachée aux ressources mêmes du langage mis en œuvre, la stylistique rend compte d’un style de discours, producteur de sens. Il se trouve que les ressources du langage sont mobilisables à des degrés différents, et que la production du sens est l’aboutissement d’une construction. Dans ces conditions, l’étrange objet de la stylistique est un objet à géométrie variable qui ne peut être appréhendé que « sur mesures »1.

4Ici précisément les repères fournis par les genres forment une étape décisive, une articulation qui, à mes yeux, permet d’unifier la démarche stylistique. Nos méthodes, nous le savons bien, résultent de partis pris épistémologiques2 : définir une notion en termes de processus, tourne résolument le dos à l’opposition historique entre une stylistique de la langue avec son potentiel expressif, dans la tradition de Charles Bally, et une stylistique restreinte au champ littéraire qui envisage le style comme la marque personnelle d’un auteur3, pratiquement une signature de l’œuvre. D’un côté le style se définit comme l'ensemble des sous-codes dont disposent les locuteurs pour adapter leur expression aux circonstances, la langue littéraire elle-même étant considérée comme une « transposition spéciale de la langue de tous »4 ; de l’autre, le style est avant tout l’expression d'une « vision », c’est-à-dire la manifestation d’une subjectivité. En fait la radicalité de l'opposition est illusoire. Si l’on oublie les pétitions de principes pour considérer les productions concrètes, on est parfois bien embarrassé pour tracer une frontière entre discours « ordinaires » et discours réputés « littéraires », et l’on ne peut davantage faire coïncider style et littérarité. L'adaptation aux circonstances peut se moduler à l’infini, elle dépend aussi, et en dehors même de toute prétention « littéraire », d’un talent personnel du locuteur : il y a des plaidoiries, il y a des discours politiques, des sermons, qui seront crédités d’un style; d’autre part, sur le versant littéraire, les singularités stylistiques sont aussi typiques, sans quoi on ne pourrait même pas les reconnaître, car le propre d'une singularité pure est d'échapper à l'identification5.

5C’est donc bien un continuum qu’il s’agit de baliser. Le style, processus de création d’une valeur du discours, se construit dans un mouvement de navette entre le pôle du particulier et celui de l’universel :

Le style n'est [...] ni le particulier pur, ni l'universel, mais un particulier en instance d'universalisation, et un universel qui se dérobe pour renvoyer à une liberté singulière6.

6Je voudrais montrer que ce mouvement de double appropriation du langage est bien conditionné par une appartenance, ou du moins une présomption d'appartenance, générique. D'où les premières et capitales distinctions relevant de la stylistique des genres.

7La notion même de style est ambivalente. D'un côté, le mot renvoie à un style, avec un référent pluralisable, des styles, qui, depuis l'Antiquité, font l'objet de hiérarchisations plus ou moins concordantes7, et surtout directement en prise avec la distinction des « genres »8 . D'un autre côté, le même mot tend à désigner une forme singulière, individuée, le style d'un auteur, ou, plus précisément comme le propose Genette, le style d'une œuvre particulière9. Or, loin de s’opposer les deux acceptions correspondent à différentes saisies de la valeur venant au discours.

8En effet, pris dans sa navette entre un pôle particularisant et un pôle universalisant, l'investissement du langage en discours marque des étapes. En s'actualisant dans telle ou telle production concrète, un discours manifestera plus ou moins les traces de la subjectivité du locuteur, il affichera plus ou moins les conventions du genre dans lequel il prétend s'inscrire, misant de préférence sur une légitimation générique, ou sur une singularisation pour motiver sa demande de reconnaissance10. En outre, il peut rebroder ou non la cohérence qui le pose en texte d'un genre donné, et la qualité littéraire de ce texte, à son tour, sera affaire de degré. Existe-t-il un rapport de proportionnalité inverse entre littérarité générique et littérarité singulière ?11 Les choses en fait sont plus complexes : s’il est vrai que certaines productions entrent en littérature pratiquement sous seule caution de leur profil générique12, et que d’autres, au contraire, revendiquent une conquérante singularité, il en est aussi qui jouent sur les deux tableaux, transformant, comme on sait, les contraintes en aiguillon.

9Nous mettrons donc en situation cette propriété graduelle qu'est la littérarité. Si, comme il a été dit, l'opposition entre une stylistique de la langue et une stylistique littéraire gagne alors à être repensée, cette démarche est en parfaite convergence avec l’attention qui a été portée à des « genres émergents ». Car l’existence même de genres émergents découle directement d'une instabilité des pratiques dans la Cité des Lettres, une cité ouverte et recomposable, et non forteresse figée hors du temps.

10Sur le terrain, l'analyse consiste donc à dégager une spécificité perceptible sur un fond de déterminations génériques, et donc de faire le lien entre genres de discours et styles

11Les discours se caractérisent d’abord par des choix énonciatifs. Ce sont ces choix qui, pour P. Larthomas, fondent le classement des genres littéraires, du plus oral et improvisé, la conversation, au plus « médité », la poésie, faisant au premier chef reconnaître un certain projet de communication. Une « description artisanale » des styles de Voltaire, conduite par J.-P. Seguin13 nous convainc aisément de la primauté de cette visée communicationnelle. À partir d’une thématique commune, la condamnation de l’intolérance, la démonstration confronte les incipit de trois textes : la phrase d'attaque et son développement immédiat dans le Traité sur la tolérance, le chapitre VI de Candide (le tremblement de terre de Lisbonne), et l'article « Fanatisme » du Dictionnaire philosophique. Une microanalyse de la syntaxe et des rythmes, du lexique, et des marques énonciatives, dégage des physionomies stylistiques reconnaissables : « éloquence de tribune » pour le premier, « captation d'auditoire du conteur » pour le second, « définitions analogiques du pédagogue » pour le troisième.

12Ces trois postures énonciatives correspondent à trois types de rapport avec le destinataire. Elles sont par elles-mêmes génératrices de sens, et montrent le lien entre un style de discours et un style de comportement social Rappelons au passage la parfaite coïncidence des deux sous la plume de La Bruyère : Nicandre est en train de pérorer : « il n’oublie pas son extraction et ses alliances : Monsieur le Surintendant qui est mon cousin, Madame la Chancelière qui est ma parente ; voilà son style »14 Chez Voltaire, les traits saillants repérés sont tels que le style se fond dans des matrices homologuées, faisant reconnaître, ici un « Voltaire-Bossuet », là un « Voltaire-La Fontaine », montrant que pour s'approprier la langue, l’homme, auteur ou animal sociable,  commence par emprunter nécessairement un style. Pourtant le sentiment qui nous fait parfois pressentir un style d'auteur est tenace, ce qui m'amène à la deuxième acception du mot.

13Outre les traits d'expression typiques, prédéfinis en effet par un projet communicationnel global, le lecteur de Voltaire, aujourd'hui surtout imprégné de sa prose, croit percevoir dans certains de ses tours favoris une empreinte personnelle, quasiment une signature offerte au jeu du pastiche; autrement dit l'indice d'un style individualisant15. L'un de ces tours caractéristiques m’est apparu naguère dans un usage significatif de la prédication incidente16.

14La syntaxe organise notre représentation des choses. Une phrase, basiquement, comporte un sujet et un prédicat, ce dont on parle et ce qu’on en dit. Mais souvent, dans la pratique, nos discours sont moins carrés : la prédication incidente des appositions, adjectivales, nominales, ou développées en subordonnées relatives, se signale toujours par une manière de louvoyer avec l'information. On peut l'analyser comme une des figures-clés du discours de Voltaire, en particulier dans le Dictionnaire philosophique où, selon un rituel polémique, cette construction vient d'infiltrer un deuxième foyer informatif dans l'énoncé :

Dix-sept évêques protestent contre l'arrêt, et une ancienne chronique d'Alexandrie, conservée à Oxford, dit que deux mille prêtres protestèrent aussi ; mais les prélats ne font pas grand cas des simples prêtres, qui sont d'ordinaire pauvres. (Dictionnaire Philosophique, GF., Conciles, p. 143).

15Le syntagme apposé ne s'affiche pas comme l'objet officiel du message (l'objet du message officiellement est véhiculé par le prédicat verbal), ici l'information se donne seulement comme la réactivation d'un tenu pour acquis : présentée comme une évidence partagée, elle prétend se soustraire à la mise en question, et se livre volontiers à un jeu de massacre :

L'impératrice Irène, la même qui depuis fit arracher les yeux à son fils, convoqua le second concile de Nicée en  787... (ibid., p. 145)
Un jour le prince Pic de la Mirandole rencontra le pape Alexandre VI chez la courtisane Émilia, pendant que Lucrèce, fille du saint-père, était en couches, et qu'on ne savait dans Rome si l'enfant était du pape, ou de son fils le duc de Valentinois, ou du mari de Lucrèce, Alphonse d'Aragon, qui passait pour impuissant...(ibid., Foi, p. 194).

16Mais au-delà des effets de sens divers liés à son contenu (et à son contexte), une propriété révélatrice lui est associée : il introduit insidieusement le ver dans le fruit. Précision simplement insolite, impertinente, ou agressive, c’est le détail qui tue. Leo Spitzer saluait chez Voltaire l'art et la manière de « faire tenir les contenus les plus grands dans les formes les plus petites », une aptitude [...] à toucher le cœur de la vie à partir de « questions de boutique »17. De fait, c'est bien la leçon et la façon de Micromégas.

17Toutefois, le sentiment d'adéquation profonde à un Voltaire escarmoucheur infatigable ne doit pas nous leurrer. Même si un tel parti pris, dans une œuvre qui a des allures de « pot-pourri », semble traverser les contraintes génériques, et donner l'impression que c'est là du Voltaire « tout craché », Voltaire, on l'a vu, manie bien d’autres traits, et sans doute d’autres que lui peuvent s’approprier celui-là. L’affinité entre le tour de plume et le tour d'esprit, sur laquelle on s’accorde volontiers, ne doit pas faire oublier une détermination plus terre à terre : ce tour même n’existerait pas sans un ancrage discursif. Perçu comme une parenthèse, introduisant un commentaire dans la narration, il joue sur les niveaux énonciatifs, et s’apprécie donc nécessairement sur la toile de fond générique.

18Quelle que soit la vocation des traits stylistiques envisagés, qu'ils dessinent un projet de communication global (celui d'un Voltaire prédicateur, ou d'un Voltaire conteur), ou qu'ils figurent une forme-sens personnalisée (le coup de patte agile de la prédication incidente), la démarche stylistique explique les conditions d'émergence d'une valeur du discours. La réception du discours littéraire, comme celle de tout discours se forge à l'aune de nos attentes. Et nos attentes elles-mêmes sont prédisposées par les modes d'organisation textuelle que nous prêtons aux genres. Les genres littéraires, qui représentent des bassins où pratiques et théories se sont accumulées et décantées, médiatisent la reconnaissance d'une littérarité : par conformité ou par transgression, ils offrent un relais, ou un tremplin à l'expression d'un style.

19Le roman Belle du Seigneur d'Albert Cohen fut salué lors de sa publication à la fois comme « un chef d'œuvre absolu »18, et comme un texte inclassable. Il m’a paru tout indiqué pour illustrer l’incontournable médiation générique qui conditionne la reconnaissance d’un style jusque dans la singularité extrême. Ici, une prose lyrique (plus encore que poétique) bourgeonne sur un discours du roman, et c’est leur lien à contre-attente qui s’impose comme valeur, offrant un fil d’Ariane à l’intuition spitzerienne d’un possible « étymon spirituel »19. La piste en l'occurrence m’a permis de raisonner les effets induits par la distension syntaxique qui caractérise de prose au long souffle20 d'A. Cohen.

20Au ras du texte, on observe une forme de laxité, un jeu d'accumulation qui, désarticulant les chaînes de la subordination, libère l'élan de la pensée. L'envol mystique et l’effet d'oralité se conjuguent pour faire entendre comme la voix d’un psalmiste, voix indéfiniment relancée :

Dans la forêt aux éclats dispersés de soleil, immobile forêt d'antique effroi, il allait le long des enchevêtrements, beau et non moins noble que son ancêtre Aaron, frère de Moïse, allait soudain riant et le plus fou des fils de l'homme, riant d'insigne jeunesse et amour, soudain arrachant une fleur et la mordant, soudain dansant, haut seigneur aux longues bottes, dansant et riant au soleil aveuglant entre les branches, avec grâce dansant, suivi des deux raisonnables bêtes, d'amour et de victoire dansant... (Belle du Seigneur, Gallimard, Pléiade, 1968, p. 7).

21L'expansion des phrases apparaît sans bornes, paragraphes, séquences, chapitres se gonflent, se diluent, et la lisibilité du texte se découvre à une autre échelle. Libéré de toute limite prévisible, l'énoncé dont la cohésion syntaxique est distendue au-delà de tout « bon usage » nous introduit dans un ordre régulateur englobant, un univers textuel d’anticipations et d’échos, de litanies et de variations.

22C’est dans cet ordre englobant que se dessine la clé de voûte de l’architecture de l’œuvre : l'imbrication entre les marques de cohérence textuelle et les marques de la subjectivité la plus exaltée. Une subjectivité polyphonique qui se décline à tous les niveaux narratifs. Le héros dit la même amertume que l’auteur: « ... et ils aiment écrire Mort aux juifs sur les murs », il utilise le même argument : « Bourrer [les hommes] de leur mort prochaine », un énoncé performatif ici, puisqu’il se confond avec le leitmotiv même de l’œuvre répétant en boucle notre « court temps de vie » et le gâchis de la méchanceté des hommes. Comme Hitchcock dans ses films, Albert Cohen entre dans la fiction, en se substituant fugitivement au narrateur : « Pour me réconforter de la mère Deume [un de ses personnages croqués au vitriol], je vais écrire au cher pasteur Georges-Emile Delay, de Cuarnens [un de ses amis personnels] ».

23Microlecture et perception globale ont permis de saisir la solidarité de la partie et du tout, et notamment la capacité d'un trait syntaxique à organiser l'œuvre entière sous le signe de la distension et de la prolifération. Alors le fait de style se reconnaît bien comme le texte lui-même21. « Fond du sujet sans cesse rappelé à la surface »22, la valeur qu’il représente n’est perceptible qu’à partir un double point de vue, local et global23. En effet, toute variation linguistique performante, précisément parce qu'elle est variation, s'adosse aux attentes d'une certaine configuration générique. Ici, la distension des phrases est une façon d'exploiter au maximum le cadre romanesque, elle s’approprie l’extensibilité du genre, et d'autre part elle le relève par un trait lyrique insolite, manifestation de la posture énonciative originale de l'auteur.

24Ainsi, la valeur style se construit-elle dans une perception en relief, qui fonde sur les possibles d’un genre la reconnaissance d’une réussite singulière. Au-delà, elle participe à la fluctuation des genres, ou si l’on veut à certaines recompositions du paysage générique, une déviation singulière réussie (et qui peut faire « modèle ») modifiera certains critères : la conjonction de constantes qui permet l’identification d’un genre n’est pas... constante a priori : tel roman est plus /roman/ que tel autre, comme l’hirondelle est plus /oiseau/ que le pingouin, mais la perception d’un objet culturel est évolutive. Entre stabilisations et innovations dont l’histoire et la théorie littéraire sont appelées à rendre compte, l’interaction entre genre et style peut être créatrice de nouveaux repères, et donc de nouvelles valeurs.

Notes de bas de page numériques

1 A. Jaubert, La stylistique et son domaine, L'Information grammaticale n° 70, juin 1996, « Présentation », p. 4.
2 A. Jaubert, « Corpus et champs disciplinaires, le rôle du point de vue », Corpus n° 1.
3 Une « idiosyncrasie individuelle » pour J.-M. Schaeffer, « La stylistique littéraire et son objet », Littérature n° 105, Paris, Larousse, mars 1997, p. 14-23.
4 Ch. Bally, Le langage et la vie, rééd. 1986, Genève, Droz, p . 62.
5 L. Jenny, « L'objet singulier de la stylistique », Littérature n° 89, Paris, Larousse, février 1993, p. 117.
6 J. Starobinski, « Leo Spitzer et la lecture stylistique », in L. Spitzer, Études de style, Gallimard, 1970, p. 23.
7 Rejoignant ou non la tripartition de base, de la « roue de Virgile » aux âges de l'humanité dont Hugo fait état dans sa Préface de Cromwell, en passant par L'Art poétique de Boileau.
8 C'est la démarche de P. Larthomas dans ses Notions de stylistique générale, Paris, PUF, 1998.
9  G. Genette, Fiction et diction,  Paris, Seuil, 1991.
10 Toute parole est prise dans un circuit d'échange, elle est à ce titre une « parole intermédiaire » (F. Flahault, La Parole intermédiaire, Seuil, 1978) qui véhicule l'image d'un « qui tu es pour moi/ qui je suis (= veux être) pour toi ». Pour le discours littéraire, la situation de communication, comme la demande de reconnaissance de place, sont médiatisées mais non moins déterminantes ; c'est en ces termes que se présente la nécessité d'une pragmatique littéraire (infra).
11  Pour une approche synthétique de ces problèmes, on se reportera à l’ouvrage de D. Combe, Les Genres littéraires, Paris, Hachette, « Contours littéraires », 1992.
12  Une caution qui du reste peut s’avérer à double tranchant, comme le montre H. Baby dans son étude sur la brève durée de vie de la tragi-comédie (« De la légitimation paradoxale : la tragi-comédie au temps de Richelieu », Littératures Classiques, 51, 2004, p. 287-303).
13 J.-P. Seguin, « Voltaire et la variation des styles », La stylistique et son domaine (A. Jaubert Dir.), L'Information grammaticale n° 70, juin 1996, p. 5-10.
14 La Bruyère, Les Caractères, « De la société et de la conversation, 82 ».
15 L'idée d'un style d'auteur, ou d'un style signature, fait partie de ces intuitions résistantes (cf. Vous avez dit « Style d'auteur ? », éd. M. Dereu, PU de Nancy, « L'esprit des mots », 1999) qui  cependant échappent au contrôle rigoureux : la critique d'attribution, comme l'expertise en peinture, préfère recourir à des informations périphériques sur l'œuvre.
16 A. Jaubert, « Voltaire et la question du style », Actes du Colloque Voltaire, Publications de la Faculté des Lettres de Nice, C.I.D. Diffusion, 1995, p. 121-138.
17 Leo Spitzer, Études de style, Paris, Gallimard, Bibl. des Idées, 1970, p. 362.
18 J. Kessel à la Radio suisse romande, le 15-12-1972.
19 Les Études de style de Leo Spitzer (Paris, Gallimard « Idées », 1970) restent l'emblème d'une ambition stylistique singularisante, réactualisée ou non (voir Jaubert 1996, « Le style et la vision. L'héritage de Leo Spitzer », L'Information grammaticale n° 70, p. 25-30, article précisément consacré à A. Cohen.
20 Ressentie comme telle aux deux pôles de l'énonciation. A. Cohen reconnaissait volontiers cette propension à l'ajout : « J'aime à en remettre. Oui, joie d'ajouter et non d'enlever, joie de découvrir de nouveaux détails vrais, crépitants, vivants. Et c'est alors une prolifération glorieusement cancéreuse » (Entretien avec J. Buenzod, Journal de Genève, 20-21 décembre 1969).
21 Je rejoins en la modifiant la proposition de G. Genette (« Le fait de style, c'est le discours lui-même », Fiction et Diction, Paris, Seuil, 1991, p. 151).
22 V. Hugo, Le Tas de pierres (1884-1889), Œuvres complètes, éd. du Club du livre, T. V, p. 991.
23 La démarche stylistique se caractérise à mon sens par la gestion d'un double point de vue, local et global, sur les corpus (A. Jaubert « Corpus et champ disciplinaires. Le rôle du point de vue », Corpus n° 1, Corpus et recherche linguistique, Publications de la Faculté des Lettres de Nice, 2002).

Bibliographie

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Pour citer cet article

Anna Jaubert, « Des genres comme précurseurs de style », paru dans Loxias, Loxias 8 (mars 2005), mis en ligne le 15 mars 2005, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=99.


Auteurs

Anna Jaubert

Anna Jaubert est Professeur de Langue française et de stylistique à l'Université de Nice. Membre de l'UMR 6039, Bases, Corpus, et Langage (CNRS), elle anime un groupe de recherche sur la linguistique et la pragmatique des textes littéraires. Des ouvrages illustrent sa réflexion, depuis La Correspondance entre Henriette *** et J.-J. Rousseau. La subjectivité dans le discours, Genève-Paris, Slatkine-Champion, 1987, première application suivie dans le domaine français de la pragmatique à la stylistique, et La Lecture pragmatique, Paris, Hachette, H.U. 1990, jusqu’aux récents articles publiés dans diverses revues et collectifs (Pragmatique et Analyse des textes, Tel-Aviv University, 2002, ou L’analyse du discours dans les études littéraires, P.U. du Mirail, 2004).