Loxias | 59. Autour du programme des concours 2018 | I. Autour du programme des concours 2018 

Odile Gannier  : 

Bouvier et la Topolino : les mécanismes automobiles de L’Usage du monde

Résumé

Que la Topolino, avec laquelle Nicolas Bouvier et Thierry Vernet partent en voyage en 1953, soit le troisième compagnon du voyage ne fait aucun doute. Ses pannes de plus en plus fréquentes ponctuent l’avancée cahotante sur la route de l’Inde et sa mécanique lente et malgré tout robuste leur permettent d’éprouver très loin la continuité continentale. Ce sont de nouveaux engrenages qui se mettent en mouvement dans la perception nouvelle des distances et des reliefs. Elle permet aussi la liberté des voyageurs. Mais elle détermine, comme pour Maillart et Schwarzenbach avant eux, avec leur Ford, une manière nouvelle de rentrer en contact avec les populations rencontrées. La route fait d’eux des nomades d’un genre outillé : car la relation utilise également la Topolino comme une clef dans la mécanique des voyages, et une nouvelle géographie de la décélération.

Index

Mots-clés : Bouvier (Nicolas) , Byron (Robert), dromologie, lenteur, Maillart (Ella), Schwarzenbach (Annemarie), Vernet (Thierry), voyage

Géographique : Asie

Chronologique : XXe siècle

Plan

Texte intégral

[U]ne machine sans doute, mais quel instrument d’analyse ! Cet instrument nous a fait découvrir le vrai visage de la terre. Les routes, en effet, durant des siècles, nous ont trompés. […] Ainsi, cheminions-nous le long des routes sinueuses. Elles évitent les terres stériles, les rocs, les sables, elles épousent les besoins de l’homme et vont de fontaine en fontaine. Elles conduisent les campagnards de leurs granges aux terres à blé, reçoivent au seuil des étables le bétail encore endormi et le versent, dans l’aube, aux luzernes. Elles joignent ce village à cet autre village, car de l’un à l’autre on se marie. Et si même l’une d’elles s’aventure à franchir un désert, la voilà qui fait vingt détours pour se réjouir des oasis.

1Saint-Exupéry faisait l’éloge de l’avion, dans Terre des hommes1, mais Nicolas Bouvier aurait pu faire celle de la voiture : car les routes, tout sinueuses qu’elles soient, ne l’ont pas trompé.

2Beaucoup a été dit sur l’art de voyager de Nicolas Bouvier, à commencer par l’« étonnant voyageur2 » lui-même, dont le livre L’Usage du monde est devenu l’archétype du récit de voyage moderne. Parti de Genève en juin 1953, il rejoint, avec sa petite voiture, une Fiat Topolino3, son ami Thierry Vernet déjà sur les routes de Bosnie.

J’examinai la carte. […] Je devais l’y rejoindre dans les derniers jours de juillet avec le bagage et la vieille Fiat que nous avions retapée, pour continuer vers la Turquie, l’Iran, l’Inde, plus loin peut-être…4

3C’est grâce à elle – avec elle –, que le bourlingueur a pu aller de Genève à Ceylan, où il l’a finalement vendue. Il en est question à plusieurs reprises dans la correspondance entre Thierry Vernet et Nicolas Bouvier5 ; et plusieurs photos montrent les deux amis et leur voiture en voyage. Il avait bénéficié de ce petit véhicule dès 1949 : en effet, victime, à l’armée, d’une grave blessure au genou, il s’était retrouvé momentanément handicapé. La voiture devient alors une heureuse prothèse qui accroît ses possibilités naturelles.

Le bon côté de cette longue infortune a été que j’ai reçu une petite voiture, la Fiat Topolino avec laquelle j’ai plus tard voyagé, pour que je puisse me rendre à l’Université. À l’époque, très peu d’étudiants possédaient une voiture. C’était un luxe sans commune mesure avec le train de vie de mes parents6.

4Cette Topolino7 – la « petite souris » italienne – leur vaudra de pouvoir faire toute la route par leurs propres moyens, entre la Suisse et l’Inde, ainsi que le raconte L’Usage du monde. Certes elle imposait le dénuement par son exiguïté, et la patience par ses performances limitées –conçue pour ne pas dépasser 70 km à l’heure, elle était poussive dans les montées, et tombait fort souvent en panne. Mais elle avait le mérite d’exister. Mieux, cette flâneuse leur permettait paradoxalement le luxe conjugué de l’aventure et de la lenteur.

5Certes, ils n’étaient pas non plus les premiers à tenter l’aventure et partir en voiture en Afghanistan, et à avoir pour but ultime le Khyber Pass. Ils avaient été précédés en particulier par deux femmes, suisses elles aussi : en 1939 – l’année où Saint-Exupéry publiait Terre des hommes –, Ella Maillart et Annemarie Schwarzenbach8, alias « Christina » dans le récit La Voie cruelle, étaient parties au volant d’une Ford Roadster « Deluxe », quittant l’Europe au bord de la guerre. Selon Maillart,

Christina avait probablement ajouté : « la pauvre voiture approche de sa fin et mon père m’a promis une Ford » ; je n’entendis que ce dernier nom. Il semble avoir été responsable de tout.
Un mot a suffi pour que s’ordonnent des idées éparses, pour que de vagues tendances se cristallisent en un plan bien établi. Comme un écho venant de loin j’entendis une voix ressemblant à la mienne dire :
– Une Ford ! C’est la voiture qu’il nous faut pour suivre la nouvelle route d’Hazarejat en Afghanistan9.

6Cette Ford était plus puissante mais plus lourde que la petite Topolino. Qu’importe.

Le programme était vague, mais dans de pareilles affaires, l’essentiel est de partir10.

7Et contrairement à Robert Byron, un autre voyageur célèbre pour The Road to Oxiana, qui sur les mêmes routes n’avait pas de véhicule à lui, la « Topo », comme les deux amis la nomment familièrement, est bien la troisième protagoniste du voyage11, elle aussi fin prête à partir.

8Ne manque plus que le coup de démarreur. Cette compagne de route leur permettra d’aller à leur guise, mais aussi les obligera à suivre son rythme. Par sa vitesse très réduite, le voyage relève nécessairement d’une musardise sur les routes du monde et détermine un certain regard : « c’est le voyage qui vous fait, et vous défait12 », ou plutôt vous démonte et vous remonte comme les pièces du Meccano géant de la Topolino. En outre ils s’ouvriront bien des portes, ce qui n’était pas complètement prévu. L’usage de la voiture, dans ce voyage-ci, de Genève à l’Inde, contredit en fait tous les qualités supposées d’une automobile, au profit d’un projet viatique tout autre.

Voyage à trois

9Vernet est parti seul, le premier. L’avant-propos tendrait à faire croire à un départ soudain de Nicolas Bouvier, sur un coup de tête : « j’avais quitté Genève depuis trois jours et cheminais à toute petite allure quand à Zagreb, poste restante, je trouvai cette lettre de Thierry […]13. » Ce début à la Laurence Sterne dans A sentimental Journey, ou à la Melville dans Moby Dick, par exemple, vise à donner l’impression d’une impulsion initiale donnée incidemment à un personnage alors sans projet défini : ce dispositif narratif du départ impromptu donne évidemment le change, puisque le voyage est non seulement programmé de longue date mais déjà commencé lorsque s’ouvre la relation. La ruse est vite éventée :

J’étais heureux de voir ce vieux projet prendre forme ; lui, d’être rejoint. Il avait eu du mal à s’arracher. Il avait fait sans entraînement des marches trop longues et la fatigue l’assombrissait14.

10C’est la voiture qui va leur permettre de poursuivre le chemin. Cependant, comme dans le Voyage sentimental de Sterne, il s’arrête en pleine course, ayant seulement quitté l’Afghanistan pour sauter dans le vide au-delà du Khyber Pass.

11Il topo, la souris. « Comme l’écrivait un poète, les projets des souris et des hommes parfois n’aboutissent pas15. »

Mécaniciens-voyageurs

12Petite citadine comme eux, elle n’était pas non plus initialement d’une fiabilité idéale pour ce genre d’expédition ; mais à la différence de Thierry Vernet peu habitué à de longues marches, la voiture a été soigneusement préparée pour l’expédition. Selon le témoignage de Bouvier, dans Routes et déroutes :

J’avais vingt-trois ans au début du voyage. Je suis parti le lendemain de mes derniers examens, sans même attendre les résultats. Oui, c’était un projet que nous avions cuit et recuit depuis longtemps. J’avais la chance d’avoir cette petite voiture très robuste, la Topolino, que j’ai entièrement démontée et transformée en huit mille pièces, que j’ai toutes lavées à l’essence et graissées. Et je l’ai entièrement remontée, comme un immense Meccano. […] cette voiture n’avait plus beaucoup de secrets pour nous. Nous sommes partis sans esprit de retour16.

13Ils n’ont donc pas voyagé « en s’improvisant mécaniciens17 » : ces précautions mécaniques ne sont pas un incident de parcours mais la préparation minutieuse de leur voyage, et sa condition expresse.

La Topo est admirable côté moteur ; la suspension et la direction ne sont pas encore au point, on réglera ça mardi (nous sommes dimanche). Je ferai blinder le carter d’huile par une plaque de tôle, et élever la suspension avant vraiment trop basse. Il y aura, après examen, très peu de pièces de rechange à prendre18.

14Leur correspondance montre que Bouvier a passé des journées à travailler avec un mécanicien, rejoint de temps à autre par Vernet, et qu’ils connaissaient la mécanique de la Topo jusqu’au dernier boulon, ses bruits et borborygmes, ses faiblesses et ses besoins, de sorte que leur vie commune passe par cette sollicitude.

Bref, la vie voyageante à cinq tomans par jour. Jusqu’à cette attention inquiète aux bruits du moteur, que je commence à aimer19.

15De fait, comme le rappelait Adrien Pasquali,

Il est alors possible de lire L’Usage du monde comme le récit d’une suite de pannes et de réparations dont la voiture a été l’objet ; protagoniste à part entière, son bon fonctionnement ou ses défaillances lui assignent le rôle essentiel d’adjuvant ou d’opposant20.

16L’entretien « normal » relève déjà de la mécanique.

Sur la place, je retrouvai Thierry absorbé dans la toilette du moteur. Il travaillait sans lever la tête au milieu d’une bonne centaine de curieux. C’était ainsi depuis que nous avions quitté Stamboul et nous avions eu le temps de nous y accoutumer. Nous retrouvions toujours la même foule : des ahuris, des donneurs de conseils, des aimables, des vieillards en pantoufles qui fouillaient leurs poches et nous tendaient un canif ou un bout de toile d’émeri pour aider à notre travail. Il fallait graisser les lames de ressorts pour les rendre moins cassantes, souffler dans les gicleurs, décrasser les bougies, la delco, et régler l’avance que les cahots et les secousses de la veille avaient chaque fois déplacée. Depuis que les routes étaient devenues mauvaises, nous répétions chaque jour cette opération pour gagner un peu de puissance et mettre la chance avec nous21.

17Malgré ces soins, les pannes sont fréquentes.

Toute la soirée, nous avions travaillé avec deux chauffeurs de camion bénévoles à réparer l’allumage qui ne donnait plus. À minuit, c’était fait et la voiture tirait comme un tracteur22.

18Mais « [a]vec un ressort arrière brisé23 », le « pignon de troisième vitesse24 » rompu, la batterie à plat, des pneus usés jusqu’à la corde qu’ils changent à Quetta après un an de route, le démarreur grillé, sans parler de la dizaine de fois où la lame du ressort avant se casse25, ni d’une bielle coulée en arrivant à Delhi26, les mécaniciens-voyageurs démunis s’avouent parfois découragés, loin de tout, sans possibilité de trouver des pièces de rechange.

Lorsqu’un camionneur appelé en consultation relève la tête et murmure : automat sukhté, cela ne signifie pas nécessairement que le rupteur soit brûlé. Mais cela voulait assurément dire que, quelque part sous la voiture, ou dans la voiture, dans un recoin inaccessible, dans un bobinage invisible, un fil – un entre vingt – s’était dégarni de son isolant, ou qu’un petit contact de platine avait fondu au cœur d’un appareil bien fermé, tel qu’on n’en ouvre jamais dans nos garages d’Europe, et que tous nos projets étaient remis, notre itinéraire différé – et pour combien de temps ?
Cela voulait dire : défaire tout le bagage, sortir la batterie, travailler sous un soleil terrible puisqu’il n’y a ici aucun moyen de se mettre à l’ombre, chercher des courts-circuits dissimulés par le cambouis, manier dans un éblouissement total des vis grosses comme des rognures d’ongle, qui vous échappent, qui tombent dans le sable brûlant ou dans des touffes de menthe, et qu’on cherche interminablement à quatre pattes parce qu’on n’en trouve de pareilles qu’à Chiraz où nous ne pouvons pas retourner avec nos djavass périmés27.

19Bref,

Les mécaniques, le progrès : bon ! Mais on mesure mal sa dépendance, et quand il vous lâche, on est moins bien partagé que ceux qui croyaient à la Dame Blanche, au Moine Bourru, ou devaient compter, pour leurs récoltes, sur les Génies les plus rétifs. […] Mais comment s’en prendre à l’électricité28 ?

20Il n’a garde d’en rejeter la faute sur la voiture elle-même.

Un (petit) centaure bicéphale

21Comme le souligne Anne Marie Jaton, la « Fiat Topolino, voiture minuscule et de très modeste cylindrée, est le troisième personnage de l’odyssée29. » Le sort du trio est conjoint, les besoins similaires et d’égale importance. La voiture est en effet personnifiée comme dans La Voie cruelle : « Dans des ornières profondes faites par les camions, la Ford restait coincée ou bien elle râpait son ventre et son tuyau d’échappement sur les cailloux30. » Et peu après, « on pouvait imaginer que la Ford était elle aussi contente de quitter cette Pera aux étroites rues pavées, sombres, sinueuses et malodorantes31 » – d’autant que « pendant la nuit, notre voiture devait avoir entendu une bonne histoire racontée par sa voisine de garage, la longue Mercedes rouges qui venait de soustraire le roi Zog d’Albanie à ses ennemis italiens. […] Une plaque vissée au tableau de bord indiquait que la limousine était un cadeau de Hitler !32 ». Il y aurait aussi une guerre dans le monde des voitures.

22Le récit recourant fréquemment à la première personne du pluriel ou à un impersonnel collectif, ce « nous » ou ce « on » peuvent parfaitement associer la voiture aux aventures des jeunes gens : « Il faisait nuit quand nous avons atteint Bogoiévo33. » Ses pannes et ses petits ennuis sont le pendant exact des maladies qui frappent régulièrement les jeunes gens : fièvre, malaria, refroidissement, jaunisse… Mais dans certains cas, l’anatomie morcelée des trois voyageurs compose un tableau où la confusion est volontairement entretenue entre hommes et véhicule.

Le toit ouvert, les gaz à main légèrement tirés, assis sur le dossier des fauteuils et un pied sur le volant, on chemine paisiblement à vingt kilomètres-heure […] le silence si parfait que le son de votre klaxon vous fait tressaillir. Puis le jour se lève et le temps ralentit. On a trop fumé, on a faim, on passe au large d’épiceries encore cadenassées en mâchant sans l’avaler un morceau de pain retrouvé au fond du coffre, dans les outils. […]. Vers midi les freins, les crânes, le moteur chauffent34.

23La posture adoptée par les voyageurs – assis sur les dossiers, et donc le corps à demi-sorti de l’habitacle par le toit ouvrant – métamorphose la Topolino en une sorte de centaure bicéphale. La voiture continue d’avancer toute seule, grâce à la tirette des gaz qui suffit à la faire avancer sans l’aide de l’accélérateur. Les photographies réalisées35 permettent de comparer la taille des jeunes gens et celle de la voiture, et d’imaginer l’encombrement intérieur, avec les bagages, la guitare, l’accordéon et l’avitaillement.

Repartis vers l’Est, la voiture lourdement lestée d’eau potable, d’essence, de melons, d’une bouteille de cognac – il en faut pour ces traversées – et de plusieurs flacons de ce vin de Kerman d’un rouge sang séché et fort à réveiller les morts36.

24Contrairement à toute logique apparente, ce sont les passagers de la Topo qui doivent lui permettre d’avancer – progressant aussi lentement et aux limites de leurs forces.

Ce n’est pourtant qu’un centimètre sur notre carte, entre les villages de Fatsa et de Babali, et cinq cents mètres au plus de dénivellation ; mais dès les premières rampes, il a fallu sauter et pousser. La piste étroite et grasse grimpait tout droit à travers un maquis de noisetiers et de sorbiers. Quand la pente devenait trop forte, le conducteur tirait les gaz-à-main, sautait lui aussi et aidait la voiture de l’épaule tout en conduisant par la fenêtre. Quand le moteur calait tout de même, il fallait aussitôt plonger sur le frein à main, ou placer une pierre sous les roues arrière pour éviter que la voiture lourdement chargée ne brise un pignon de vitesse en reculant37.

25Ainsi la voiture se trouve avancer sur quatre roues et quatre pieds – voire bien plus quand on les aide. Du reste le tableau ne manque pas de cocasserie. Le dernier démarrage de la Fiat en Afghanistan, poussée par des voyageurs compatissants, lui donne accès au continent indien.

Dans un tourbillon de robes blanches, de barbes, de babouches et de jambes crottées, la voiture s’est envolée vers Djellalabad38.

26D’une manière générale, la progression est lente, comme si les routes elles-mêmes n’étaient pas conçues pour des voitures.

Les militaires ont de ces jugements ! Il y a bel et bien des routes en Iran, mais il faut convenir qu’elles pourraient être meilleures. Celle qui va de Tabriz à Myané, par exemple, sur une vingtaine de kilomètres, le passage des camions l’a transformée en chemin creux. Deux ornières profondes et, au milieu, un remblai de glaise et de moellons […] comme en outre le capot repousse devant lui un amas de boue et de pierres qui s’accumulent, il faut s’arrêter tous les cinquante mètres et pelleter pour dégager l’avant39.

27En désespoir de cause, la voiture40 est elle-même hissée avec ses occupants, sur un camion qui, en panne à son tour, évite de très peu l’accident qui les aurait anéantis tous les trois41. Elle devient même « cette espèce de tortue poétique à moteur42 », mise en abyme par la traversée d’un vaste territoire de reproduction de tortues en Anatolie, que souligne la photo d’une tortue à côté d’une roue de la voiture. Sa forme basse et arrondie, sa lenteur, et jusqu’aux bruits qu’elle est susceptible de produire…

toc… toctoc… tac… une grêle de légers chocs clairs et irrités qui s’amplifiaient à mesure que nous avancions. Un peu semblables aux craquements […] du métal chauffé à blanc et qui travaille

28bruit qui évoquerait une fuite d’huile et ferait supposer que « les pignons du différentiel se “mangeaient” en chauffant » – mais qui s’avère être celui que font les tortues « en entrechoquant leur carapace43 ».

29« L’élément intéressant sur le plan narratif est le déplacement que l’écrivain effectue sur la voiture, qui devient le troisième personnage de l’aventure, celui auquel sont confiées les péripéties qui ne peuvent manquer dans un récit de voyage, mais que Bouvier répugne à s’attribuer. C’est la Topolino qui passe un pont branlant, elle qui traverse des cols touchant aux étoiles, et elle reçoit même une sorte de médaille d’honneur44 » d’avoir réussi une telle performance. En même temps, le récit ne lui est pas totalement inféodé, puisqu’on ignore beaucoup de son existence : on ne lui connaît que ses hoquets, mais il est très rarement question de sa marche ordinaire – où se procurer de l’essence (le terme n’apparaît que quatre fois dans tout L’Usage du monde, et deux fois seulement pour elle), par exemple. En deux mots, en passant, on apprend que la voiture sera à l’abri dans la remise d’un voisin pendant les mois d’hivernage à Tabriz. La question de l’endroit où se garer en ville est évoquée à Téhéran :

impossible de parquer sa voiture sans voir surgir une sorte d’escarpe qui prétende la « garder » pour un demi toman. Mieux vaut accepter, sans quoi votre gardien, déçu, risque bien de dégonfler les pneus en votre absence ou de disparaître avec la roue de secours en direction du Bazar, où vous pourrez aller la racheter. En somme, c’est d’eux-mêmes qu’ils s’offrent à vous préserver. Au début nous refusions ; nous étions serrés ; un toman comptait. On se disait aussi : notre voiture est trop minable. Un jour nous l’avons retrouvée en plein milieu du trottoir. Ils avaient dû s’y mettre à six, dans un concours de badauds et dans les rires, pour lui faire franchir le caniveau. À cet incident près, les voleurs l’ont toujours ménagée45 […].

Les tribulations de la Topo

30Mais qu’advient-il ensuite de la petite Fiat, après son propre Usage du monde ? On peut suivre les péripéties de son existence dans la correspondance entre Thierry Vernet et Nicolas Bouvier. Pressé de gagner Ceylan où il doit épouser Flo, Vernet laisse ensemble à Kaboul Bouvier et la Topolino, avec mission de « les retrouver là-bas quelques mois plus tard, avec le bagage et la voiture, à temps pour célébrer la noce46. » Un peu plus de trois mois après, dans une lettre écrite de Galle (26 février 1955), il écrit : « Je t’embrasse, j’embrasse la Topo47 ». Réponse de Bouvier (Madras, 7 mars 1955) : « La Topo marche. » Cette intimité particulière se manifeste par la différence de nomination du véhicule. Dans le texte de L’Usage du monde, le mot « Fiat » apparaît une seule fois, dans l’Avant-propos ; ensuite il n’est plus question que la « voiture » (à 77 reprises) – pas une seule fois de la « Topolino », encore moins du familier « la Topo », réservé à la correspondance.

31Cependant, en Inde, la petite voiture connaît même son heure de gloire. L’apogée de l’aventure coïncide avec la reconnaissance de l’exploit mécanique – une version miniature de la « Croisière jaune » lancée par André Citroën48 en 1931-1932 (qu’il cite dans sa préface à Ella Maillart, Oasis interdite). Bombay, début janvier 1955 :

Je suis très bien tombé à la Fiat sur un Florentin charmant [Francesco Carlo Griccioli della Grigia], très soufflé de voir une Topo par route à Bombay. Cette fois-ci laissant toute modestie, j’ai annoncé l’exploit, le jamais-fait, le jamais-vu. Ils vont me retaper la voiture ici, moteur, cylindres et tout, jusqu’aux flèches. Et lundi, avant les travaux y vont l’exposer à la Fiat et faire une petite réception pour mézigue et comme ça me paraîtra con et injustifié d’y paraître sans toi qui as des kilomètres de cols dans les biceps et deux ou trois dépannages géniaux dans ton livret49.

32Une série de photos immortalise l’exploit de la voiture, lors de cette réception organisée à la Bombay Cycle & Motor Agency Ltd le 17 janvier 1955. Une pancarte placée devant la petite voiture, à côté de son propriétaire, explique :

FIAT 500A-1948 MODEL
purchased by
M
R NICOLAS BOUVIER IN 1949
as third owner
mileage covered 47000 before reboring
and covered further 13000 miles
BETWEEN GENOVA AND BOMBAY
50

33Réponse de Thierry Vernet à Nicolas Bouvier, 18 janvier 55.

Bonne citrouille pleine des plus beaux pépins, bientôt carrosse. Qu’est-ce que tu en fais du boulot ! Bravo pour la Fiat. Je suis ravi de la réception qu’ils ont dû te faire avant-hier, j’espère que ça va te faire des invitations et places occupées à tes conférences. Une Topo neuve, tu l’auras bien méritée. Que comptes-tu en faire, après ? L’emmener, la vendre ici ?51

34Cependant, même s’il envisage de la vendre pour se soigner ou pour rentrer, Nicolas Bouvier ne peut s’en défaire en Inde, où il est entré avec elle.

Tu comprends, pour la voiture, y a pas à tortiller, faut la tirer jusqu’en bas.
Il y a une énorme amende si tu ne réexportes pas ta voiture (6000 Rs) ou si tu la vends en Inde, ou si elle est détruite en Inde. Les Indiens sont féroces là-dessus et ne font aucune exception globe-trotter. D’autre part le transport par train ou bateau est absolument exclu bicause prix – et d’autre part elle sera très utile pour une arrivée-journaux dont bénéficiera j’espouère votre exposition de printemps52.

35Pour l’aider à poursuivre ce rallye automobile à travers la péninsule, la Fiat se propose en effet de prendre en charge les travaux nécessaires.

La Topo sera finie le 6 février. Ce jour-là je descendrai comme une bombe vers Madras. Avec un moteur tout neuf y aura plus tant de questions. […] Mais dès le 12 le bruit de la Topo sera vraiment dans l’air. Il y a un renseignement dont j’ai besoin : sur la carte il y a une route qui descend de Madras à Madura et ensuite passe sur Anuradhapura franchissant un tout petit bras de mer. Alors là : y a t-il un bac, peut-on foutre les voitures dessus est-ce cher ?53

36Las ! le 27 février 1955,

J’étais tout désuni par d’horribles retards garage, puis quand la Topo a été finie (y a cinq jours) une ouverture que je m’étais faite au pied en grimpant à un cocotier s’est infectée et m’a tenu ici jusqu’à aujourd’hui.
[…] La Topo a passé hier le cap des vingt mille avec le ronron un peu râleux, d’un moteur neuf, tout acide et serré comme un jeune con pas visité.
J’irai en la rodant doucement jusqu’à Madras, puis vite. […] La Fiat à Colombo est déjà avertie, et m’attend54.

37Indécis face aux promesses non tenues, le 25 mai, il ne sait plus que faire : « j’ai trouvé un télégramme de la Fiat peu aimable et négatif. Tant pis, la Topo ne fera pas le tour du monde55. » En effet, le 31 mai,

hier lundi je suis allé avec une remorque chercher la Topo dont le pont arrière avait pété. Remorquée à la Fiat où on a commencé les réparations56.

38Il finit malgré tout par descendre l’Inde et passer vers Ceylan, après avoir acquitté un droit de douane de 150 roupies (« c’est très peu57 »). Il envisage alors très sérieusement de la vendre, et la transaction semble conclue début juin 1955. « Bravo pour la vente de la Topo », lui écrit Vernet – mais la séparation ne se fait pas de gaieté de cœur. Vers le 20 juin, il soupire :

Après-demain je vais à Colombo avec l’acheteur de la Topo, pour son honneur c’est un Indien pas un Cingalais. Mais pauvre chiotte elle méritait quand même mieux que ça.
Ça me permettra de racheter tous mes chèques à Sterchi, de payer un pont sur les Messageries et le fric de la ou des conférences servira à me faire vivre ici le temps de terminer mon programme58.

39Non seulement il se sépare de sa compagne de route, mais il la troque misérablement contre un peu d’argent – encore heureux si son sacrifice lui permet de continuer le périple. Il organise les derniers travaux nécessaires à la vente.

Jeudi matin [29 juillet 1955]
Mardi, j’ai passé à la Fiat, trouvé la Topo bien repeinte, avec un toit tout neuf. Mais il y [a] une foule de petits trucs qu’ils prétendent voir faits et qui ne l’étaient pas. Tous les ennuis de batterie (on m’avait dit à Galle qu’elle était foutue) c’était simplement les charbons de la dynamo ; les ressorts affaiblis ne les poussaient pas assez fort contre le rotor. Je te signale ce truc, parce que je suis sûr que chaque fois qu’on te dit qu’une dynamo est « foutue » en Suisse, c’est ça. Y faut rebander les quatre petits ressorts simplement. Ils l’ont fait tout de suite59.

40Puis, mi-juillet, les papiers sont enregistrés.

L’acheteur de la voiture est venu pour la registration. Ça s’est fait en une matinée. Il est rentré. J’ai gardé la chiotte sur laquelle les gars de la Fiat ont vraiment fait du bon travail60.

41Il se trouve, au moment où il écrit Le Poisson-scorpion, dans des dispositions dépressives qui se doublent manifestement de jalousie :

Puis occupé de la Topo avec le nouveau proprio qui la pelote, la chérit, donne ici et là de petits brins de soudure, de peinture, et porte les clefs sur son cœur. Elle sera choyée et très mal conduite. Je donnerai quelques vieilles pièces au vicieux, et tâcherai d’avoir sa voiture pour aller me baigner61.

42Quoique la vente de la Topo soit devenue nécessaire – il ne pourra faire la traversée vers le Japon avec elle –, Bouvier ne peut que regretter cet abandon qui se trahit, dans son récit, par l’expression de la mauvaise conscience et l’aveu d’une forme de proxénétisme. Piteux constat : « l’argent de la Topo me servira pour rentrer62. »

43Ainsi, la correspondance continue, jusqu’à la séparation, d’évoquer les aventures de la Topo, preuve que la voiture reste entre Vernet et Bouvier la représentation matérialisée de leur entreprise. La fin de leurs pérégrinations communes n’est pas due à une défaillance technique définitive, mais à l’obstacle invincible que constitue l’éloignement insulaire du Japon. La tentation s’était pourtant présentée, dans un cas de fatigue extrême, de se débarrasser de la voiture rétive et continuer sans elle – « Au bas de la seconde rampe le moteur s’étouffa. Il n’y a vraiment que les voyages à pied ! Cette voiture, nous l’aurions bien donnée… mais à qui ? pas une âme à trente kilomètres à la ronde63 » – Ella Maillart, dont Bouvier et Vernet suivent les traces, était beaucoup plus détachée.

Ce voyage serait le nôtre et non celui de la voiture. […]
Nous avions décidé aussi de ne pas être les esclaves de notre auto. Si elle tombait malade, nous ne devions pas en être tourmentées : nous voulions vouer toute notre attention à ce que nous verrions et non pas à ce qui nous véhiculait. Au cas où la voiture serait gravement atteinte, nous continuerions le parcours au moyen des transports locaux64.

44La voiture, dont Ella Maillart reconnaît elle-même être une piètre conductrice, appartient à la catégorie des impedimenta : utile certes, mais pas indispensable.

La clé du contact

45D’ailleurs, pour des voyageurs curieux de voir de larges paysages mais surtout d’aller à la rencontre d’autres gens et d’autres cultures, le choix du véhicule particulier peut paraître étonnant. Normalement, la voiture isole ses occupants du reste du monde et décourage les contacts – ce dont Ella Maillart avait parfaitement conscience.

Nous prétendions pouvoir nous arrêter au moindre prétexte […].
Nous ne voulions pas davantage permettre à la vitesse de construire un « mur » isolant entre nous et la vie des alentours – bruits de voix, odeurs de nouvelles épices sortant d’une ferme, fraîcheur d’une timide brise près d’une source65.

Rencontres

46Les deux portières de la Topo s’ouvrent vers l’avant, comme des bras étendus. Bouvier et Vernet font grâce à elle et à ses faiblesses l’expérience de rencontres très faciles et heureuses dans les situations de dépannage, ou lorsqu’ils tentent de souder un porte-bagage pour accroître ses capacités, et donc son autonomie. La mentalité du pays se manifeste dans la considération des travaux de mécanique, nécessitant de l’astuce, de l’inventivité, solides qualités qui montrent la différence avec la prétention suisse – toute autre analogie, habituellement courante dans les récits de voyage, étant rare dans la description du monde.

Ici, où l’on use les machines jusqu’à la ruine sans souci de les revendre, les garagistes ignorent ce répertoire de mimiques consternées ou méprisantes qui, chez nous, font honte au propriétaire d’un « clou » et l’obligent à acheter du neuf. Ce sont des artisans, pas des vendeurs. Une culasse éclatée, un arbre à cames en miettes, un carter rempli d’une sorte de farine d’acier ; il en faudrait plus pour les troubler. Les parties saines : phares, portes qui ferment, châssis solide, les impressionnent davantage ; quant aux autres, eh bien, précisément ils sont là pour les réparer. Les tacots les plus rebutants, ils les démontent, les renforcent avec des pièces arrachées aux camions, les transforment en blindés increvables. C’est un travail d’improvisation admirable, jamais pareil. Parfois, ils signent à coups de tournevis un rapiéçage particulièrement réussi. On ne s’ennuie pas, on gagne bien ; en soudant, en ajustant, on fait dorer des toasts sur le charbon de forge, on grignote des pistaches dont les coques recrachées couvrent l’établi, et la théière bouillante n’est jamais bien loin. La plupart de ces mécanos sont d’anciens camionneurs qui ont vu du pays ; leurs lieux, leurs souvenirs, leurs amours sont distribués sur une vaste province. Cela vous fait des gens éclairés et portés sur le rire. Impossible de travailler avec eux sans s’en faire des amis66.

47Nombre des hommes qu’ils rencontrent sont eux-mêmes des camionneurs, des routiers, des nomades qui ont troqué leurs bêtes de somme contre des fardiers à moteur. Aussi se trouvent-ils d’emblée en pays de connaissance par cette commune connaissance de la route, qui ne nécessite pas de parler la même langue pour communiquer. En Asie, déclarer tout bonnement que l’on voyage pour voir du pays est parfaitement reçu.

Autre présent de l’Asie à l’apprenti nomade : le voyage per se est considéré comme un emploi du temps du plus haut intérêt, comme un sort enviable. Que vous partiez pour échapper au poignard d’un cousin, visiter un lieu saint, vendre quelques balles de pistache ou de girofle ou satisfaire une curiosité importe peu : le trajet compte bien plus que les motifs. En persan, le mot saya (voyageur) est toujours prononcé dans un souffle révérent et une pointe de dépit par ceux qui ne partent pas. […] vous ne leur ôterez pas de l’idée – quoi que vous ayez pu dire – que si vous prenez la route c’est pour « acquérir de la sagesse »67.

48C’est aussi ce qui explique que, chez les sédentaires même, la mécanique puisse prendre des allures de réception.

La ville entière avait appris que deux firanghi (étrangers) passaient le jour du Seigneur à travailler sur leur moteur, et nombre de camionneurs endimanchés venaient faire salon dans le garage : Arméniens, Zoroastriens, Musulmans ; souliers vernis, turbans neufs, cols durs, tuniques blanches ou bretelles. Ceux auxquels venait une idée retournaient soigneusement leurs manchettes propres avant d’empoigner la clef anglaise ou le tournevis ; certains allaient même chercher leurs propres outils ; d’autres disparaissaient pour revenir chargés de gâteaux et de vodka. C’était fort gai, il ne manquait que la musique68.

49Une amitié brève mais empathique permet de surmonter toutes les différences, autour du véhicule et de l’idée même de voyage.

50De même, en Inde, Bouvier nouera d’excellents rapports avec les Sikhs, la mécanique devenant une autre manière de faire de l’ethnographie et de créer des liens, tricoter des réseaux de connaissances inattendues qui maillent l’altérité du pays comme le ferait un portulan.

Les Sikhs sont des gens fâcheusement épris de réel et donc, de ce fait, d’excellents mécaniciens.
Comme mon sort était de traverser toute l’Inde, ç’a été l’affaire de quatre mois, jusqu’au Cap Comorin, jusqu’à l’extrême sud, avec une voiture expirante, c’est dire si mes rapports avec les Sikhs ont été chaleureux.
les Sikhs, autre vertu, ont un grand esprit de famille, si bien que connaître un mécanicien sikh, c’est les connaître tous, car chaque Sikh avec lequel vous travaillez dans une fosse de vidange aura dans la ville voisine un oncle, un neveu qui bricole de la ferraille. Et vous vous constituez ainsi un véritable réseau mécanique qui couvre toute l’Inde du Nord et qui vous met à l’abri de bien des pépins69.

51La voiture devient le truchement qui facilite la prise de contact – corollaire du constat culturel que les personnes croisées au-delà des frontières de l’Europe sont presque toutes des hommes.

52Ces rencontres sont aussi liées au fait qu’une automobile, à cette époque du presque immédiat après-guerre, n’est pas un objet ordinaire et qu’elle suscite curiosité et envie. À plusieurs reprises, malgré sa toute petite taille, elle se voit le véhicule emprunté par plusieurs personnes. En Yougoslavie, elle embarque un passager clandestin qui tente d’échapper à la police, dissimulé sur la banquette arrière. Ailleurs, elle doit se charger, bon gré mal gré, d’un militaire qui les accompagne, comme à la frontière iranienne – comme la voiture est petite, elle en embarque « un tout petit » :

Nous assîmes le nabot sur le capot. Je conduisais très lentement sur une piste étroite et moelleuse. Thierry, perché sur le siège du passager, allumait des cigarettes pour le soldat qui chantait, les yeux mi-clos, une petite ritournelle, et émettait par bouffées une forte odeur de mouton70.

53La question de l’adéquation à leur échelle occasionne un autre trait d’humour :

Dans l’esprit des Kurdes, tout ce qui possède un moteur et quatre roues, c’est nécessairement l’autobus, et ils s’emploient à monter dedans. On a beau leur expliquer que le moteur est trop faible, que les ressorts vont casser… ils se récrient, vous claquent dans le dos, s’installent avec leurs paquets sur les ailes, les marchepieds, le pare-chocs, pour vous montrer comme ils seront bien, que l’inconfort ne leur pèse pas, qu’il ne s’agit après tout que de cinquante kilomètres… Lorsqu’on les fait descendre – avec ménagement car ils sont tous armés – ils pensent qu’il s’agit de négocier et sortent affablement un toman de leur ceinture. Ils ne pensent ni à la taille, ni à la capacité de la voiture, sorte de bourrique d’acier destinée à porter le plus possible et à mourir sous les coups. Pour nous : un adulte ou deux enfants, c’est le plus que nous puissions faire71.

54À leur tour de jouer les caravaniers, de faire le lien entre des étapes, de contribuer aux déplacements des locaux. C’est le monde inversé.

Des « marchandises exotiques et pérégrines »

55La Topo elle-même suscite le regard curieux des populations locales, devenant même plus exotique72 et plus intéressante que les deux voyageurs : s’ils avaient utilisé les transports en commun, ils n’auraient pas autant attiré l’attention.

On n’a pas, ici, l’habitude de si petites voitures ; et chargée comme est la nôtre, il faut vraiment approcher pour se persuader que c’en est bien une. Sur notre passage, on voit les prunelles s’arrondir et les mâchoires tomber. L’autre matin, dans un faubourg de Qum, un vieillard en a éprouvé tant de surprise, et s’est tant de fois retourné qu’il a fini par s’embarrasser dans sa robe et choir sur le cul en s’exclamant : « Qi ye Sheïtanha. »73

56Bouvier a bien conscience d’offrir une image très singulière :

Roulé de six heures à minuit à travers des montagnes couleur d’anthracite pour atteindre Zahidan : maigres eucalyptus, lune de comédie et, au centre d’un carrefour de sable, un gendarme qui n’en revenait pas de voir surgir à pareille heure et à ce bout du monde cette voiture sans lumière d’où dépassaient le manche d’une guitare et le col d’une bouteille, conduite par deux spectres qui paraissaient sortir de la saumure74.

57Ils en arrivent même à devenir une courte légende parmi les routiers.

Une petite voiture encadrée par deux coureurs qui la manœuvrent de l’extérieur, ça retient quand même l’attention. Les camions qui venaient d’Erzerum la connaissaient déjà par les récits de ceux qui nous avaient dépassés la veille. D’aussi loin qu’ils l’apercevaient, ils saluaient au klaxon. Parfois, au moment de croiser, ces monstres lancés dans la descente s’arrêtaient sur cinquante mètres en arrachant leurs pneus et les chauffeurs descendaient pour nous offrir deux pommes, deux cigarettes, ou une poignée de noisettes75.

58Leur voiture devient ainsi la raison de l’intérêt qu’ils suscitent sur leur passage. À la remarque d’A. Pasquali, il serait « ainsi possible de lire L’Usage du monde comme le récit d’une suite de pannes. Dans l’histoire, elles sont le fait de la voiture et mettent les voyageurs à la merci des garagistes plus ou moins établis le long de leur route76 », on peut apporter une nuance positive : les pannes attirent sur les voyageurs une attention très généralement bienveillante et souvent empressée. Ils n’arrivent pas en conquérants de la route, mais en modestes routiers. Cette minuscule voiture à bout de souffle ne leur attire pas l’animosité qui pourrait être réservée à des touristes arrogants et fortunés voire à des envahisseurs, leur faiblesse même leur ouvre des portes. Le même accueil avait été réservé à Ella Maillart et Annemarie Schwarzenbach :

Immer wieder kommt als Sujet das Wunder der Technik – der Ford – in elementaren Landschaften vor, umringt und bestaunt von Einheimischen, als käme der Wagen von einem anderen Stern.
Un sujet qui revient sans cesse, c’est ce prodige de la technique – la Ford – au milieu de paysages primitifs, environnée d’autochtones aussi ahuris que si elle était tombée d’une autre planète77.

59Les deux voyageuses avaient en outre pratiqué la solidarité entre routiers :

Comme les conducteurs de lorries nous donnent toujours un coup de main lorsque nous avons une roue à changer, nous aussi nous nous arrêtons lorsque l’un d’eux semble en panne au bord de la route78.

60Nul doute que ce faisant elles aient aussi suscité des regards étonnés. Dans tous les cas, le voyageur aux prises avec la route et ses difficultés fait l’expérience de ce regard inversé qui ne fait pas d’eux de simples passants mais les intègre à la communauté des nomades.

En pays de connaissance

61Au-delà de la première surprise, une autre forme de compréhension s’établit. Plusieurs photos montrent la Topo adoptée par un groupe d’hommes qui l’entourent au plus près, appuyés contre elle, comme elle était devenue partie intégrante du paysage local. Contre toute attente, l’étrangère absolue qu’est la Ford des deux voyageuses s’acclimate au pays.

La voiture elle aussi devenait persane : Christina avait fixé au radiateur quelques grosses perles bleues comme on en voit au cou des animaux qu’on veut protéger du mauvais œil79.

62La protection d’une bonne étoile locale remplace l’immunité diplomatique légendaire manifestée par les plaques d’immatriculation suisses, qui a peut-être cessé d’en imposer. D’ailleurs, en ce qui concerne la Topo,

La voiture, qui nous coûtait si cher, avait perdu ses plaques dans le désert d’Iran ; son triptyque était périmé, juridiquement elle n’existait plus80.

63À partir de Bombay, elle roulera même clandestinement : « Elle a une fausse petite plaque genevoise noire, comique81. » Son anonymat est compensé par une forme de visa de séjour, une protestation d’assimilation poétique :

sans doute à cause du quatrain de Hâfiz que nous avions fait inscrire en persan sur la portière de gauche :
Même si l’abri de ta nuit est peu sûr
et ton but encore lointain
sache qu’il n’existe pas
de chemin sans terme
Ne sois pas triste.
Pendant des mois cette inscription nous servit de Sésame et de sauvegarde dans des coins du pays où l’on n’a guère sujet d’aimer l’étranger82.

64Ainsi, le texte suffit à assurer la protection de la voiture, version poétique et culturelle de la fonction apotropaïque de l’écriture sacrée que le pèlerin garde sur lui : les vers d’un poète universellement connu en Iran se voient conférer un statut particulier – hâfiz signifiant le gardien (du sacré). Quelle meilleure sacralisation qu’une poésie à valeur de mot de passe, qui ne peut qu’attirer le respect, voire les sympathies, même si très vraisemblablement ils ne sont pas eux-mêmes capables de la lire.

Retrouvé, aux étapes, ces meutes de curieux serrés autour de la voiture, et le flic qui déchiffre laborieusement sur notre portière cette inscription qui pourrait être subversive. Dès le second vers, le public enchaîne en chœur, l’exercice se transforme en récitation murmurante, les visages grêlés s’éclairent, et les verres de thé qu’il était, tout à l’heure, impossible d’obtenir surgissent comme par enchantement83.

65Le texte est persan en Perse ; mais une fois en Inde, et avant la réception de la Bombay Cycle & Motor Agency Ltd, la voiture, anglicisée, s’orne d’un passage des Cahiers de Malte Laurids Brigge, de Rainer Maria Rilke, en anglais – langue que Bouvier n’a vraiment apprise qu’en arrivant dans le sous-continent84 – pour être compris par les habitants, à défaut d’être dans la langue originale :

In order to write a single verse
One must see many cities and men and things […]
One must be able to return in thought to roads in unknown regions, to unexpected encounters, and to partings that had long been foreseen
Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, beaucoup d’hommes et de choses [, il faut connaître les bêtes, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir le mouvement qui fait s’ouvrir les petites fleurs au matin.] Il faut pouvoir se remémorer des routes dans des contrées inconnues, des rencontres inattendues et des adieux de longtemps prévus85

66Le texte est lui-même découpé en tronçons de longueur approximativement égale qui deviennent de facto des vers – eu égard au format de la portière… qui ne permet pas d’en écrire beaucoup en majuscules d’imprimerie. La suite, lit-on dans la correspondance à Thierry Vernet, étant : « to days of childhood that are still indistinct, […] and to mornings by the sea, to the sea itself, to oceans, to nights of travel that rushed along loftily and flews with the stars86 », « des journées d’enfance restées inexpliquées, […] des matinées au bord de la mer ; et il faut avoir en mémoire la mer en général, et chaque mer en particulier, des nuits de voyage qui vous emportaient dans les cieux et se dissipaient parmi les étoiles ». Cette belle invitation à l’écriture n’est cependant pas calligraphiée à la mesure de ses espérances, transformant l’élan poétique en exhibition d’un goût douteux, et le voyageur en homme-sandwich.

Bombay le 17 janvier 1955
« Un peintre ici a écrit le beau Rilke sur la voiture mais hélas comme une réclame Suchard. Ces gens sentent d’autres choses, ils ont une peine infinie à comprendre nos rires, nos émotions. Il faudra ça refaire, en plus petit en plus discret. Horrible, mes excuses à Rilke87. »

67Contrairement à toute attente, donc, la minuscule voiture citadine, étrangère, incongrue, génère elle-même curiosité, bienveillance, compréhension – malgré la barrière de la langue, et renforce la confiance des voyageurs, devenus poètes eux aussi, sensibles à la beauté du monde.

Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu’on porte en soi, devant cette espèce d’insuffisance centrale de l’âme qu’il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement, est peut-être notre moteur le plus sûr88.

« Réflexions sur l’espace et l’écriture » : curriculum vitae

68S’ajoute un autre paradoxe : une voiture est normalement conçue pour accroître la vitesse de déplacement du voyageur ; or Bouvier semble apprécier surtout dans son automobile la possibilité de donner à son voyage le rythme du ralenti, et imposer lui-même le tempo « largo » de sa mobilité.

La plupart des automobilistes conduisent comme si c’était un crime de rompre la transe engendrée par le continuel élan des 80 km/h. Ils atteignent un état dans lequel ils perdent toute initiative, hormis celle d’aller de l’avant. Autant vouloir décrocher la lune que de chercher à leur faire faire trois cents mètres en arrière : le silence qui répond à votre demande serait à peine plus réprobateur que si vous leur proposiez de pousser l’auto à la main89.

69L’allure préconisée par Ella Maillart, adaptable et curieuse, est l’actualisation de la liberté que prône Montaigne en voyage ; « pour mettre cela en pratique, il nous fallait contrôler nos dix-huit chevaux d’une main ferme. » Son conseil sera suivi à la lettre par Bouvier et Vernet, autant par force que par goût, pour ne pas êtres « esclaves » de leur véhicule et jouir de leur absolue liberté. Ainsi la voiture devient l’expression d’une philosophie, un curriculum vitae au sens propre, le petit chariot de leur vie90.

Une géographie de la liberté

70En effet cette voiture qui leur a coûté tant d’efforts est le moyen de leur indépendance – celle qu’ils n’auraient pas eue s’ils avaient voyagé grâce aux transports locaux. Grâce à elle, ils sont maîtres de leurs mouvements, de leurs arrêts – si tant est que les conditions météorologiques et l’état de la route le permettent. Seuls les impératifs matériels peuvent freiner ou accélérer leur avancée.

Porté par le chant du moteur et le défilement du paysage, le flux du voyage vous traverse, et vous éclaircit la tête. Des idées qu’on hébergeait sans raison vous quittent ; d’autres au contraire s’ajustent et se font à vous comme les pierres au lit d’un torrent. Aucun besoin d’intervenir ; la route travaille pour vous. On souhaiterait qu’elle s’étende ainsi, en dispensant ses bons offices, non seulement jusqu’à l’extrémité de l’Inde, mais plus loin encore, jusqu’à la mort.
À mon retour, il s’est trouvé beaucoup de gens qui n’étaient pas partis, pour me dire qu’avec un peu de fantaisie et de concentration ils voyageaient tout aussi bien sans lever le cul de leur chaise. Je les crois volontiers. Ce sont des forts. Pas moi. J’ai trop besoin de cet appoint concret qu’est le déplacement dans l’espace. Heureusement d’ailleurs que le monde s’étend pour les faibles et les supporte, et quand le monde, comme certains soirs sur la route de Macédoine, c’est la lune à main gauche, les flots argentés de la Morava à main droite, et la perspective d’aller chercher derrière l’horizon un village où vivre les trois prochaines semaines, je suis bien aise de ne pouvoir m’en passer91.

71Certes, on croit lire, toute révérence gardée, une réponse au constat désabusé de Michaux dans Ecuador :

Maintenant, ma conviction est faite. Ce voyage est une gaffe. Le voyage ne rend pas tant large que mondain, « au courant » […]. L’air débrouillard aussi. Ne vaut pas mieux. On trouve aussi bien sa vérité en regardant quarante-huit heures une quelconque tapisserie de mur92.

72Sauf que Michaux avait continué à voyager, au point de se faire aussi « un barbare en Asie ». La curiosité remplace la fantasmagorie.

73Le voyage le plus authentique se conçoit comme une conscience constante du dépaysement, incompatible avec une trajectoire rapide, prédéfinie et pilotée de l’extérieur. « De ses textes se dégage un mélange de résistance, d’indifférence et de rire. Résistance à la bêtise, au système de crétinisation mis en place par la modernité, aux idées toutes faites93. » Le voyage selon Bouvier ne lâche pas la bride à l’imagination : la lenteur terre-à-terre de la voiture qui s’embourbe ou peine à gravir les côtes donne du poids à l’expérience. Ce voyage en voiture prend les mesures de la terre en fonction de leurs propres forces : la géographie ne se découvre qu’au tour de roue.

74Somme toute, si la rêverie d’enfant sur les atlas94 a été le déclencheur du désir de voyage, la carte ensuite tient une place curieusement effacée. Bouvier n’a pas souhaité insérer de carte dans son édition, pas plus qu’il n’a joint de photos : seuls les dessins de Thierry Vernet sont évocateurs, à gros traits, des « choses vues ». De sorte que si les voyageurs signalent à plusieurs reprises qu’ils examinent la carte, elles ne semblent pas réellement les guider. Certains détails de la route ne sont reconstitués que « deux ans plus tard sur une vieille carte allemande95 ». L’itinéraire reste un peu nébuleux du fait que les noms des lieux traversés ne sont guère connus et difficilement situables, en dehors des grandes villes : le lecteur en est donc réduit à l’imaginer plus qu’il ne le peut le concevoir clairement. L’Usage du monde offre la ligne sinueuse des routes96, qui ne semblent même pas clairement délimitées par rapport à l’espace du paysage, souvent simples pistes de terre ou chemins pierreux. Bon nombre de chapitres sont signalés dans cet « entre-deux » orienté vers un but lointain, « sur la route de… », dessinant une géographie prospective, un « voyage sentimental », un projet de vie :

J’avais envie d’aller égarer la mienne, par exemple dans un coin de cette Asie centrale dont le voisinage m’intriguait tellement. Avant de m’endormir, j’examinai la vieille carte allemande dont le postier m’avait fait cadeau : les ramifications brunes du Caucase, la tache froide de la Caspienne, et le vert olive de l’Orda des Khirghizes plus vaste à elle seule que tout ce que nous avions parcouru. Ces étendues me donnaient des picotements. C’est tellement agréable aussi, ces grandes images dépliantes de la nature, avec des taches, des niveaux, des moirures, où l’on imagine des cheminements, des aubes, un autre hivernage encore plus retiré, des femmes aux nez épatés, en fichus de couleur, séchant du poisson dans un village de planches au milieu des joncs (un peu puceau, ces désirs de terre vierge ; pas romantiques pourtant, mais relevant plutôt d’un instinct ancien qui pousse à mettre son sort en balance pour accéder à une intensité qui l’élève)97.

75Le titre du livre de René Grousset (qui d’ailleurs avait parcouru le même chemin, déjà, dans les bagages d’Ella Maillart), L’Empire des steppes, est propre à suggérer des formes et des lignes de fuite prometteuses : pouvoir grandiose de l’espace illimité. Les cartes qui illustrent cet essai historique, commençant aux Balkans et s’arrêtant au nord de l’Inde, semblent en fait délimiter exactement territoire parcouru par les deux compagnons. Bouvier confirme dans Routes et déroutes son goût pour les grands espaces désertiques :

D’ailleurs, je suis tout à fait eurasiatique, c’est-à-dire que je ne sens aucun point de césure. Ce n’est pas parce que je traverse le Bosphore que le monde change. Et comme j’ai voyagé extrêmement lentement sur cette route de l’Est, les changements sont toujours été annoncés de manière intelligible et graduelle. Vous faites étape dans un village, on vous parle du suivant. Il n’y a pas de surprise brutale, sauf celles de la météo ou de la situation politique98.

76Ce qui attire Bouvier est l’idée d’une « continuité continentale99 », qui permet de glisser d’un lieu à l’autre, insensiblement, de construire un paysage nouveau par de menus changements progressifs, qui déplace les perspectives d’un virage à l’autre, comme les clochers de Martinville du Côté de chez Swann, qui enthousiasme l’apprenti-écrivain proustien au point de lui faire noter ses impressions sur les cahots de la route.

J’ai été si content dans les solitudes du Kazakhstan. C’est une nature immense et vous sentez qu’elle va jusqu’à l’Oural. C’est la terre dépliée. Et les gens, peu nombreux, qui habitent ces régions ont toutes les vertus que donne la vie dans de grands espaces100.

77La petite Fiat à l’allure de tortue est la preuve tangible que cette continuité existe et qu’on peut en jouir presque indéfiniment – et le déplaisir de Ceylan, dévoilé par Le Poisson-scorpion, est concomitant de l’abandon de la voiture, dans une insularité oppressante qui la rend vaine.

78Les « paysages faits de peu101 », les espaces « lisses102 » (au sens de Deleuze et Guattari dans Mille plateaux) se laissent saisir par d’autres sens que la vue :

Dormir dans la voiture, dormir, rêver sa vie, le rêve changeant de cours et de couleur à chaque cahot, menant rapidement l’histoire à son terme lorsqu’un cassis plus profond vous ébranle, ou un changement soudain dans le régime du moteur, ou enfin le silence qui déferle quand le conducteur a coupé le contact pour se reposer lui aussi103.

79C’est l’ensemble de ces sensations – poussière, chaleur, cahots, odeurs et parfums, bruits, silence et musiques – qui dessine le paysage traversé. La Topolino voyageant souvent la nuit, la vue n’est plus aussi facile mais se laisse captiver par les ciels magnifiquement étoilés dont Bouvier fait l’essence du désert.

Éloge de la décélération

Pour le marcheur, le voyage, c’est ce qu’on subit activement et non pas ce qu’on vit passivement ; les limites du moi sont en jeu, puisqu’en marchant (comme l’a signalé Nicolas BOUVIER) on ne fait pas tout simplement un voyage, c’est le voyage qui vous fait – ou vous défait. Le voyage en train ou en voiture privilégie le seul regard et impose en même temps la passivité du corps et l’éloignement du monde ; la marche, elle, ne privilégie pas un sens sur les autres – elle est une expérience sensorielle totale qui permet des voyages de plus en plus difficiles à accomplir, tels que le voyage olfactif.
Dans les voyages pédestres, c’est donc la définition du voyage lui-même qui est en jeu. La fragmentation du trajet et sa ponctuation par une série d’étapes et de micro-étapes sert d’alternative à la vision brouillée et fragmentaire des voyages motorisés. Certes, les marcheurs ont besoin du spectre de l’accélération pour se définir […]. Les récits pédestres deviennent de longues réflexions sur la vitesse et la vision du monde qui en résulte104.

80Charles Forsdick souligne ainsi les effets du « sentiment de ralentissement qui se transforme en esthétique de la réintégration au paysage ». Or, Bouvier et Vernet à bord de leur automobile choisissent paradoxalement la décélération.

Assez d’argent pour vivre neuf semaines. Ce n’est qu’une petite somme mais c’est beaucoup de temps. Nous nous refusons tous les luxes sauf le plus précieux : la lenteur105.

81Ils appartiennent donc bien à cette catégorie de « l’immobilité motorisée », et sont ainsi à contre-courant du mouvement général de leur époque. En effet Paul Virilio propose le concept de « dromologie », qu’il définit ainsi :

À côté de la sociologie des transports, à côté de la philosophie du temps, à côté de l’économie, il y avait place pour une autre logique, une autre discipline que j’ai tenu à appeler dromologie. La racine du mot en explique le pourquoi : « dromos » en grec signifie course et le terme course montre bien comment notre société est représentée par la vitesse, tout comme par la richesse. Le « dromos », – je le rappelle c’est la « route » chez les Grecs, c’est « l’allée », « l’avenue », et en français le mot « rue » a la même racine que « ruée » ; se précipiter. Par conséquent la dromologie est la science, ou mieux, la discipline, la logique de la vitesse106.

82Ce « différentiel » de vitesse – cette accélération imposée par la modernité –, est rapproché par Paul Virilio du risque hégémonique de l’obligation de la rapidité – de la précipitation – et de l’impératif du résultat, l’arrivée immédiate.

Au siècle dernier, beaucoup percevaient déjà le paradoxe de la vitesse : « Le train ne fait pas de nous des voyageurs mais des colis qu’on expédie. » 107

83Seule la lenteur du déplacement peut faire savourer le plaisir du voyage. « À l’aide de la lenteur, les adeptes de la décélération cherchent à rétablir le paysage dans le champ visuel du voyageur, procédant ainsi à la réhabilitation de l’espace-temps108 », précise Halia Koo.

84À la différence des touristes pressés et des adeptes de la vitesse comme Paul Morand, Nicolas Bouvier apprécie la géométrie stable des espaces lisses, des espaces figés, instant après instant, par la progression mesurée de la voiture.

Une technique de transport impose en effet au voyageur des façons de faire, de sentir, de se repérer. Chaque grande technique de transport modèle donc une approche originale de l’espace traversé, chaque grande technique porte en soi un « paysage ». […] Ce sont les « paysages de la technique », termes qui désignent donc non pas les espaces marqués par l’omniprésence des infrastructures de transport, mais les regards induits par ces infrastructures sur le cadre qui les environne. […] La vitesse est sans doute la première donné qui vient à l’esprit lorsque l’on pense à l’incidence des transports sur la perception de l’espace109.

85Certes, la Topolino, poussive, impose de gros efforts à ses conducteurs, au point qu’à certains moments ils auraient avancé plus vite à pied qu’en voiture, s’ils n’avaient pas été en outre forcés de la pousser pour s’arracher à l’immobilité ou même conjurer le risque du recul. L’obligation de descendre du véhicule pour le pousser dans les montées procurerait aussi aux voyageurs les avantages de la marche à pied s’ils n’étaient absorbés physiquement et mentalement par le souci de faire aussi progresser une automobile qui ne porte pas toujours bien son nom. « J’ai mis trois ans pour gagner le Japon. J’allais plus lentement que les frères Polo110 » explique-t-il dans Routes et déroutes. L’image s’impose des bottes de sept lieues :

Assis sur le capot pour soulager la voiture malade, assommé de fatigue, je cherchais un mot pour m’approprier ces images, et je me répétais machinalement : Carabas111.

86Parfois cet étirement infini du paysage est heureux :

Les chemins de Batchka appartiennent aux furets, aux meneuses d’oies, aux carrioles noyées de poussière, et sont les plus mauvais du Balkan. Tant mieux pour la Batchka qui, à l’abri de ses ornières, n’a quasiment pas vu passer la guerre, et tant mieux pour nous qui n’étions pas pressés d’en finir avec ce paysage. C’est déjà la plaine à chevaux, l’horizon de pâtures vertes percé çà et là par un noyer solitaire ou l’antenne d’un puits à balancier112.

87Parfois il fait souffrir, comme sur la route de Kerman, en plein désert :

Lorsqu’on a enfin atteint Kerman, on s’aperçoit que le plus dur reste à faire : six cents kilomètres de fournaise et de montagnes désertes jusqu’à la frontière, et une fois autant à travers le désert Baloutch pour gagner Quetta. Sur les deux cents premiers kilomètres, jusqu’à l’ancienne forteresse de Bam, la piste est encore fréquentée. Au-delà, elle s’ensable, le trafic tarit, la vie s’épuise et le pays s’étire comme s’il n’avait plus l’énergie d’en finir. Mieux vaut ne rien dire du soleil ! Quant aux abris et aux rencontres : à peu près la densité d’une pincée de riz éparpillée par la tempête113.

88La lenteur de l’automobile allonge considérablement le temps des étapes, et étire le paysage en une Asie qui n’en finit pas. La lenteur, en estompant les changements géométriques du point de vue, arrête l’immensité de l’Asie en un tableau.

Dilué dans cet espace roux où parfois un cavalier laisse une trace de poussière, le présent ne pèse pas lourd114.

89Cette fascination pour l’espace distendu, dont les routes n’ont pas encore acquis la « conductibilité des lieux et des milieux traversés » qui, avec l’accroissement de la vitesse, « accélère aussi leur dissolution, leur dissipation115 », comme le note Paul Virilio, explique le goût manifeste de Bouvier pour l’histoire de l’infante.

Dans L’Empire des Steppes, de Grousset, je trouvai mention d’une infante chinoise dont un Khan de Russie occidentale avait demandé la main. Les émissaires ayant pris quinze ans pour faire l’aller-retour et rapporter une réponse favorable, l’affaire s’était finalement conclue… à la génération suivante. J’aime la lenteur ; en outre, l’espace est une drogue que cette histoire dispensait sans lésiner116.

90En réalité (s’il s’agit bien de cette mention, dans ce volume touffu), l’histoire certes fort parlante, est à peine une mention. Un empereur ouigour, dont le seul nom impose le temps de la majesté,

Aï tängrida qout boulmych alp bilgä (808-821) […] avait demandé, lui aussi, la main d’une infante chinoise. Par suite de retards, elle épousa seulement son fils et successeur Kün tängrida oulough boulmych kütchlug bilgä tch’ong-tö, qui régna de 821 à 824117.

91« Le nomade, lui, s’étale dans l’horizontal épanouissement de l’homme à la surface de la terre118 », commente J. Duvignaud, ce nomadisme défiant et compensant la stabilité prônée par les sociétés fixées. Le voyageur au pas peut prendre le temps de s’orienter et embrasser les panoramas. Comme le souligne Halia Koo dans Voyage, vitesse et altérité selon Paul Morand et Nicolas Bouvier,

Autant Morand est préoccupé par l’étroitesse décourageante de la planète, autant Bouvier est absorbé par l’extraordinaire étendue de la terre. […] [L]e regard expéditif de Morand compose un paysage aussi fracturé qu’un tableau cubiste ou futuriste, dépouillé de toute spatialité ou temporalité durable, et qui ne retient que l’immédiateté des sensations passagères et l’instantanéité du moment présent. Bouvier, par contre, procède à la réintégration de l’espace-temps dans le paysage par la lenteur de son regard119.

Le bonheur silencieux des cols

Route de Kazvin
D’abord elle suit le fond d’une vallée plantée de saules. Les montagnes sont rondes et toutes proches, la rivière bruyante et les gués mauvais. Puis la vallée s’évase, devient un large plateau marécageux encore taché de neige. La rivière s’y perd, le regard aussi. La première ondulation est à vingt kilomètres et l’œil en distingue une douzaine d’autres jusqu’à l’horizon. Soleil, espace, silence. […] Chemin faisant on rencontre aussi le héron cendré, la spatule, le renard, la perdrix rouge, et parfois l’homme avec son allure de flâneur qui dispose de son temps. C’est une question d’échelle, dans un paysage de cette taille, même un cavalier lancé à fond de train aurait l’air d’un fainéant120.

92Bouvier est assurément conquis par les grands espaces, comme il l’explique aussi dans « Réflexions sur l’espace et l’écriture », et les montagnes, quoique ce soit des espaces a priori impraticables et déroutants. D’où son intérêt pour les cols, lieux de passage, voies d’accès à l’au-delà de la barrière montagneuse.

À cette nature qui reste énorme et inhospitalière, un seul remède : les cols, cent fois plus intéressants, complices des hommes, et qui font échec aux massifs dont ils réduisent à rien les projets séparateurs.
Dans la littérature alpestre occidentale presque personne n’en parle. Les sommets ont acquis une fois pour toutes la valeur initiatique du mont Sinaï et tirent la couverture vers eux. […] alors que les cols ont, entre autres mérites, celui précisément de mener quelque part121.

93Ainsi ce sont les ascensions vers ces cols qui sont narrées, plus que le paysage du sommet.

Le sommet ne peut que dire : « Je domine, j’aplatis » ou : « J’ai porté ces gens sur mon dos ». Le col, lui, même le plus sauvage, même le plus perdu, a mille histoires à raconter122.

94De fait, on ne compte pas le nombre de fois où « la route de » franchit ces cols qui déterminent l’itinéraire, coupant court à toute fantaisie voyageuse. Par exemple,

La route du Cop est excellente parce que les militaires l’entretiennent soigneusement. Mais elle est très raide et monte à trois mille mètres. Il nous fallut pousser et courir constamment ; on atteignit le sommet, le cœur près d’éclater123.

95Quoique la Topolino soit un engin de bonne composition, ce refus réitéré de poursuivre plus haut ou plus loin, comme une mule épuisée, est aussi à l’image des pannes d’écriture ou de dessin des voyageurs artistes : « Thierry n’avait encore rien vendu. Je n’avais rien écrit124. » Mais enfin, une fois le Khyber Pass franchi, une part de l’aventure s’achève sur une ligne d’arrivée symbolique – « [s]ur les deux versants du col la route est bonne125 » ;

je me suis avisé alors que j’étais le premier occidental à avoir fait avec une Topolino la route de terre et notamment franchi les cols du Lataban et du Khyber, qui à l’époque étaient beaucoup plus difficiles à franchir qu’aujourd’hui126.

96Si le voyage n’est pas achevé, Bouvier a atteint une étape majeure : en quelque sorte, il a réalisé son pèlerinage vers les hauts-lieux de l’atlas compulsé dans son enfance.

97L’image de l’arrêt du récit en équilibre sur le col, avant que ne commence la redescente, montre bien que le seul intérêt du voyage est ce temps suspendu, qu’a permis l’usage du monde avec l’aide d’une petite voiture rampante au souffle court et qui menace constamment de s’arrêter, épuisée, au milieu de nulle part. Bouvier rompt ainsi avec la tendance générale de l’histoire des voyages, que brosse Paul Virilio :

Trois termes : le départ, le voyage, l’arrivée. Mais très vite, avec la révolution des transports, il n’y aura plus que deux termes et demi : on partira encore mais le voyage ne sera plus qu’une sorte d’inertie, d’intermède entre chez soi et sa destination. À partir de l’invention du train, par exemple, le voyage perdra sa capacité de découverte du monde pour devenir une sorte de moment à passer dans l’attente d’arriver à destination. Avec la révolution des transports aéronautiques, on s’apercevra que le départ et l’arrivée continuent à exister mais que le voyage n’existe absolument plus. La démonstration est donnée par le fait que l’on dort dans le train et dans l’avion et que sur les lignes aériennes de longue distance, on projette des films pour remplir cet intermède. D’une certaine manière donc, un des termes a disparu depuis la révolution des transports, et c’est le voyage127.

98Rien de tel avec l’aide de la Topo : incertain de l’arrivée, le voyageur se consacre entièrement au temps du voyage lui-même. L’aventure de l’écriture est engagée elle aussi, avec comme pour les routes, des hauts et des bas.

J’essayais d’écrire, péniblement.
Le départ est comme une nouvelle naissance et mon monde était encore trop neuf pour se plier à une réflexion méthodique. Je n’avais ni liberté ni souplesse ; l’envie seulement, et la panique pure et simple. Je déchirais et recommençais vingt fois la même page sans parvenir à dépasser le point critique. Tout de même, à force de me buter et de pousser j’obtenais parfois pour un petit moment le plaisir de dire sans trop de raideur comme j’avais pensé128.

99L’obstacle franchi, cette forme particulière de bonheur atteinte, l’écriture se fait plus proche, accordée au ralenti du voyage. Selon Nadine Laporte,

Voir et dire. Nicolas Bouvier ralentit encore ce rythme du voyage, en utilisant pour raconter une technique très ancienne, une technique d’action de grâces et de vinification, de parfumerie, et des vieilles civilisations attachées au thé, aux liqueurs de moines et aux tisanes d’aïeules. Il appelle ce processus de ralentissement commun au voyage et à l’écriture « incantation, puis décantation »129.

100En effet, Bouvier conclut dans « Réflexions sur l’espace et l’écriture » :

Incantation de l’espace, décantation du texte. Pendant des années j’ai suivi ce mouvement pendulaire qui passe du « voir » au « donner à voir », la parole naissant, non de l’exotisme qui n’est que preuve de malentendu, mais d’une géographie concrète patiemment investie et subie130.

101Ce mouvement balancé du voyage est fondé sur l’intermittence : le déplacement, l’écriture et le bonheur allant chacun à son rythme. « Si je n’étais pas parvenu à y écrire grand-chose, c’est qu’être heureux me prenait tout mon temps131. » La route pour éviter la routine. Le vagabondage serait coextensif de cette allure sinusoïdale que suit la petite voiture sur les routes de l’Asie (et « le temps d’Asie coule plus large que le nôtre132 ») et le voyageur qui progresse sur sa propre voie ascendante – il est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant, aurait dit Épicure : Michel Maffesoli montre que

« la continuité de l’existence est faite de multiples écarts, de bons moments particuliers, d’événements éphémères, où le danger et le hasard sont intimement mêlés. […] L’errance mystique l’a maintes fois souligné, le nomadisme existentiel le vit à sa manière : sans phrase, sans fioriture, parfois même sans conscience. C’est ce qui fait que la déréliction et la jubilation sont les caractéristiques spécifiques du temps […]. Dans chacun de ces cas s’exprime la déperdition du soi dans l’altérité, dans l’autre de la rencontre occasionnelle ou dans le Grand Autre (naturel ou divin) que l’on poursuit133.

« Un bonheur fourbu »

Trois arbres immenses, un mur de boue séchée, puis un plateau sableux plus vaste que la mer. Étendus dans le désert encore tiède, nous fumions sans mot dire, en nous demandant si nous en verrions jamais la fin. Ongles cassés, furtifs éclairs d’allumettes, trajectoires gracieuses et fatiguées des mégots qui fusaient dans le sable, des étoiles, des étoiles, des étoiles assez claires pour dessiner les montagnes qui barraient l’horizon vers l’Est… et peu à peu, la paix134.

102Le voyage commencé avec Thierry Vernet ne put jamais être complètement achevé, car la narration et l’écriture le firent revivre indéfiniment. Le choix de la voiture était peut-être conforme à une certaine modernité de la Suisse de l’après-guerre, confiante dans la technique et curieuse de sortir de ses frontières ; mais en réalité, la voiture fut, presque constamment, utilisée à contre-emploi : au lieu d’isoler les voyageurs, elle permit les rencontres ; loin de faire regarder le monde à travers l’encadrement d’une fenêtre, elle ouvrit les horizons ; étant improbable elle-même, elle fut autant regardée qu’elle permit de découvrir ; automobile dans son principe, elle n’en força pas moins ses passagers à jouer eux-mêmes les bêtes de trait ; conçue pour la vitesse, elle s’avéra tardigrade… Elle prend le contre-pied de la « citation de Sun Tse, un stratège chinois qui vécut il y a huit cents ans : "La promptitude est l’essence de la guerre"135 », rappelée par Virilio. La lenteur de la Topo – souvent en première vitesse, ou devenue voiture à bras – est la preuve de sa bienveillance. Délibérément apolitique, elle parcourut sans armes des pays tout juste entrés dans la paix. « Nous étions partis pour voir le monde, pas pour lui tirer dessus136 » : manières, selon le mot de cet autre « globe-trotter » que fut Bruce Chatwin, dignes de « gentilshommes de la route137 ». La Topolino, dont l’allure de croisière est le ralenti, illustre la contingence et montre à elle seule que le bonheur du voyage se mérite.

Genug von den Strassen. Wir haben vorgenommen, den Leser daheim nicht zu langweilen mit den Alltagssorgen unseres Autos. Warum haben wir uns darauf eingelassen, auf solche Wege ?
Assez parlé des routes, car nous avons décidé de ne pas ennuyer le lecteur avec les problèmes quotidiens de notre automobile. Pourquoi nous sommes-nous lancées sur pareils chemins ? 138

103Le voyage prend ainsi une dimension métaphysique : il allège et dépouille le voyageur de ses oripeaux, et lui fait saisir l’essence des choses. « Un bonheur fourbu nous faisait taire139 » – selon l’un des mots favoris de Nicolas Bouvier, celui d’une douce fatigue qui succède à l’extase.

L’initiation existentielle est à ce prix. La vie est une succession d’épreuves qu’il convient de dépasser ou, à tout le moins, d’assumer. L’œuvre d’art qu’est toute existence repose sur un tel processus. On peut penser que l’œuvre d’art, stricto sensu, n’échappe pas à cette dynamique. Elle est un perpétuel combat avec l’autre, avec l’adversité, avec l’environnement et avec soi. Ce qui donne l’aspect météorique, divagatoire de l’œuvre et de la vie de ces êtres d’exception140.

104Un certain silence, en passant, est le signe du contentement philosophique. « Ses livres, comme l’explique Anne Marie Jaton, ne sont pas absolument faits pour qu’on les lise vite : ils ne jouent pas sur la narration elle-même, sur le suspense, mais sur la réflexion ; ils sont faits pour être lus, relus et médités141. »

Notes de bas de page numériques

1 Saint-Exupéry, Terre des hommes [1939], Œuvres, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1959, p. 171.

2 L’expression est empruntée à Baudelaire, « Le Voyage ». Nicolas Bouvier a été l’un des invités de marque du festival « Étonnants voyageurs » de Saint-Malo, organisé par Michel le Bris.

3 https://www.formidablemag.com/nicolas-bouvier/ 

4 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde [1963], Paris, La Découverte, 2014, collection « La Découverte Poche/Littérature et voyages », n° 402. Dans Œuvres, Gallimard, « Quarto », 2004, pp. 59-388. Les indications de page entre parenthèses sont celles de l’édition Petite bibliothèque Payot/voyageurs n° 100, 1992.

5 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, Genève, Zoé, 2010.

6 Routes et déroutes, dans Œuvres, Gallimard, « Quarto », 2004, pp. 1249-1288, ici p. 1267.

7 Cette petite voiture devait être, lors de sa conception dans les années 30, le modèle que tout Italien pouvait se payer – projet mussolinien qui avait son pendant en Allemagne avec la Volkswagen « coccinelle » commandée à Porsche. La première version de la Fiat 500 Topolino sortit d’usine en 1936. http://www.lemonde.fr/m-voiture/article/2016/07/15/fiat-topolino-voiture-du-peuple-de-mussolini-au-front-populaire_4970114_4497789.html

8 Ella Maillart, La voie cruelle [The cruel way, 1947 ; La Voie cruelle, 1952, trad. par E. Maillart], Payot, 1987, « Petite Bibliothèque Payot », 2001. Annemarie Schwarzenbach, Alle Wege sind offen. Die Reise nach Afghanistan 1939-1940, Lenos Verlag, 2000/2011 ; trad. Où est la terre des promesses ? par Dominique Laure Miermont, Payot, « Petite Bibliothèque Payot », 2004.

9 Ella Maillart, La Voie cruelle, p. 22.

10 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 10 (12).

11 https://www.formidablemag.com/wp-content/uploads/2013/08/13bouvier-nicolasformidablemag-400x288.jpg. Dans Gallimard « Quarto » p. 391

12 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 10 (12).

13 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 7 (9).

14 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 13 (13).

15 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 115 (110).

16 Routes et déroutes, Gallimard « Quarto », p. 1287.

17 L’expression de Liouba Bischoff, « En s’improvisant mécaniciens… » dans Nicolas Bouvier, « L’Usage du monde », éd. Atlande, 2017, p. 132, n’est donc pas appropriée : les deux jeunes gens ont commencé par se faire mécaniciens avant de partir. On peut en revanche le dire d’Ella Maillart et d’Annemarie Schwarzenbach, qui trouvent sur place, et en avançant, le moyen de réparer les pannes ou se sortir des ornières. « Prévoyant un contretemps possible, nous transportions maintenant deux gouttières en métal qui se placeraient sous les roues si notre lourde voiture s’enlisait dans le sable ou la boue. » Ella Maillart, La Voie cruelle, p. 185.

18 Lettre de Nicolas Bouvier à Thierry Vernet, Cologny, 12 juillet 1953, dans : Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 305.

19 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 231 (216).

20 Adrien Pasquali, Nicolas Bouvier. Un galet dans le torrent du monde, Genève, Zoé Poche, 1996, p. 116.

21 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 100-101 (93-94).

22 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 110 (102).

23 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 231 (216).

24 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 288 (267).

25 « aux approches de la ville d’Ambala, j’ai cassé – c’était peut-être la dixième ou douzième fois que ça m’arrivait – la lame maîtresse de mon ressort avant. » Nicolas Bouvier, La Descente de l’Inde, Gallimard, « Quarto », p. 445. 

26 Nicolas Bouvier, La Descente de l’Inde, Gallimard, « Quarto », p. 447.

27 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 248 (230).

28 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 249-250 (231).

29 Anne Marie Jaton, Nicolas Bouvier. Paroles du monde, du secret et de l’ombre, p. 41. François Laut parle aussi de « la troisième personne du voyage » (François Laut, Nicolas Bouvier, L’œil qui écrit, p. 77).

30 Ella Maillart, La Voie cruelle, p. 61. Nous soulignons.

31 Ella Maillart, La Voie cruelle, p. 70.

32 Ella Maillart, La Voie cruelle, p. 71.

33 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 36 (36). Nous soulignons.

34 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 51 (48-49). Nous soulignons.

35 Nicolas Bouvier, « Thierry Vernet, entre Prilep et Istanbul, 1953 »
© Fonds Nicolas Bouvier / Musée de l'Élysée, Lausanne : https://www.formidablemag.com/wp-content/uploads/2013/08/12bouvier-nicolasformidablemag-400x262.jpg ; reproduite dans l’édition Gallimard « Quarto » p. 399. Voir aussi Nicolas Bouvier, « Sur la route de Shiraz, 1954 », © Fonds Nicolas Bouvier / Musée de l'Élysée, Lausanne, in Danielle Méaux, « Choses (entre)vues », Viatica [En ligne], Bouvier, intermédiaire capital, mis en ligne le 06/09/2017, URL : http://viatica.univ-bpclermont.fr/bouvier-intermediaire-capital/ii-recits-images-traductions/choses-entrevues.

36 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 262 (242).

37 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 96 (90).

38 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 371 (344).

39 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 206 (192).

40 La Fiat Topolino A pesait dans les 535 kg à vide.

41 https://www.formidablemag.com/wp-content/uploads/2013/08/14nicolas-bouvier-s-400x256.jpg

42 François Laut, Nicolas Bouvier, L’œil qui écrit, p. 77.

43 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 90 (84).

44 Anne Marie Jaton, Nicolas Bouvier. Paroles du monde, du secret et de l’ombre, p. 41.

45 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 223 (208).

46 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 341 (316).

47 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, Genève, Zoé, 2010, p. 402.

48 Cette équipée fut menée entre le 4 avril 1931 et le 12 février 1932, jusqu’à Pékin, divisée en plusieurs escouades sur des routes différentes ; l’ensemble des véhicules finit après bien des difficultés par arriver au point de ralliement, mais vit la mort de son organisateur Georges-Marie Haardt. Ce rallye est contemporain de l’expédition Dakar-Djibouti (1931-1933) menée par Marcel Griaule et racontée par Michel Leiris en 1934 sous le titre L’Afrique fantôme. Voir « Ella Maillart et la Chine centrale », in Œuvres, Gallimard, « Quarto », p. 1065-1067.

49 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 364.

50 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 394. Photo reproduite dans l’édition Gallimard « Quarto », pp. 482-483. Une autre photo de la cérémonie : https://www.formidablemag.com/wp-content/uploads/2013/08/15bouvier-nicolasformidablemag-400x358.jpg.

51 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 373.

52 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 358-359.

53 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 365.

54 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 402.

55 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 423.

56 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 434.

57 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 434.

58 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 514.

59 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 533.

60 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 561.

61 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 562-563.

62 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, le 22 mai 1955, p. 418.

63 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 317 (294).

64 Ella Maillart, La Voie cruelle, p. 49-50.

65 Ella Maillart, La Voie cruelle, p. 49.

66 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 282-284 (262). Nous soulignons.

67 Nicolas Bouvier, « Réflexions sur l’espace et l’écriture », Gallimard, « Quarto », p. 1058-1059.

68 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 260-261 (241).

69 Nicolas Bouvier, La Descente de l’Inde, Gallimard, « Quarto », p. 447.

70 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 113 (106).

71 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 167-168 (156-157).

72 « marchandises exotiques et peregrines » : l’expression est de Rabelais, Le Quart Livre [1548], LGF, le Livre de poche, 1994, p. 187.

73 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 231 (216).

74 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 271 (250).

75 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 102-103 (95).

76 Adrien Pasquali, « Le second voyage de Nicolas Bouvier, ou l’écriture comme « usage du monde » et effacement de soi », in François Moureau (dir.), Le Second Voyage ou le déjà-vu, Klincksieck, 1996, p. 129-138, ici p. 132.

77 Annemarie Schwarzenbach, Alle Wege sind offen, p. 146, Où est la terre des promesses ?, p. 185.

78 Ella Maillart, La Voie cruelle, p. 115.

79 Ella Maillart, La Voie cruelle, p. 159.

80 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 296-297 (274).

81 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 402.

82 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 223 (208). http://textespretextes.blogs.lalibre.be/media/02/00/473036400.jpg. Photo reproduite dans l’édition Gallimard, « Quarto », p. 486-487

83 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 231 (216).

84 La Descente de l’Inde : « En troisième lieu ma voiture, ma Fiat Topolino, était moribonde. Et le quatrième problème, je savais à peine l’anglais. » Gallimard, « Quarto », p. 465.

85 R. M. Rilke, Les Carnets de Malte Laurids Brigge, trad. Claude David, Gallimard, « Folio », 1991, p. 36, reprise dans la « Bibliothèque de la Pléiade », 1993, p. 446. « Um eines Verses willen muß man viele Städte sehen, Menschen und Dinge, man muß die Tiere kennen, man muß fühlen, wie die Vögel fliegen, und die Gebärde wissen, mit welcher die kleinen Blumen sich auftun am Morgen. Man muß zurückdenken können an Wege in unbekannten Gegenden, an unerwartete Begegnungen und an Abschiede, die man lange kommen sah, – an Kindheitstage, die noch unaufgeklärt sind, […] und an Morgen am Meer, an das Meer überhaupt, an Meere, an Reisenächte, die hoch dahinrauschten und mit allen Sternen flogen ». (http://www.gutenberg.org).

86 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 362. Traduction Les Carnets de Malte Laurids Brigge, éd. cit., p. 36.

87 Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, p. 372.

88 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 375 (348).

89 Ella Maillart, La Voie cruelle, p. 49.

90 En latin, le « curriculum » est aussi le diminutif de currus, le char de course.

91 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 51-52 (49).

92 Henri Michaux, Ecuador [1929], Gallimard, « L’imaginaire », 1990, p. 120. Même éphémère constat chez Bouvier : « Ce voyage ? un gâchis… un échec. On voyage, on est libre, on va vers l’Inde… et après ? » L’Usage du monde, p. 235 (219).

93 Pierre Minvielle, « Voyages et aventures », in Christiane Albert, Nadine Laporte et Jean-Yves Pouilloux, Autour de Nicolas Bouvier. Résonances, Éd. Zoé, 2002, p. 50.

94  » J’examinai la carte. […] C’est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi envie de tout planter là. […] Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon. », Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 10 (11-12).

95 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 269 (248).

96 https://www.formidablemag.com/wp-content/uploads/2013/08/14bouvier-nicolasformidablemag-400x275.jpg

97 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 158 (147).

98 Nicolas Bouvier, Routes et déroutes, Gallimard, « Quarto », p. 1282.

99 Nicolas Bouvier, Routes et déroutes, Gallimard, « Quarto », p. 1346.

100 Nicolas Bouvier, Routes et déroutes, Gallimard, « Quarto », p. 1347.

101 Nicolas Bouvier, Routes et déroutes, Gallimard, « Quarto », p. 1347.

102 Deleuze et Guattari, Mille plateaux, Éd. de Minuit, 1980, p. 476.

103 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 93 (87).

104 Charles Forsdick, « L’usage de la lenteur : l’immobilité motorisée, la marche, et le voyage aujourd’hui » , in Seuils et Traverses : enjeux de l’écriture du voyage, textes réunis par Jan Borm et Jean-Yves Le Disez, 2 t., Paris-Brest, Suds d’Amériques et CRBC, 2002, t. II, pp. 43-53, https://papiersuniversitaires.wordpress.com/2012/05/25/litterature-lusage-de-la-lenteur-limmobilite-motorisee-la-marche-et-le-voyage-aujourdhui-par-charles-forsdick/ ; cité aussi par Halia Koo, Voyage, vitesse et altérité selon Paul Morand et Nicolas Bouvier, Champion, 2015, p. 124-125.

105 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 50 (48).

106 Paul Virilio, « Dromologie : logique de la course », Multitudes, avril 1991, mis en ligne 14 juin 2004, https://notavparis.files.wordpress.com/2012/08/dromologie.pdf (cons. 15 nov. 2017).

107 Paul Virilio, Esthétique de la disparition, [1980], Le Livre de poche, 1989, p. 116.

108 Halia Koo, Voyage, vitesse et altérité selon Paul Morand et Nicolas Bouvier, Champion, 2015, p. 82.

109 Marc Desportes, Paysages en mouvement, Gallimard, nfr, 2005, p. 8.

110 Nicolas Bouvier, Routes et déroutes, Gallimard, « Quarto », p. 1282.

111 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 231 (216).

112 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 36 (34).

113 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 260 (241).

114 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 362 (336).

115 Paul Virilio, « Véhiculaire », in Nomades et vagabonds, Cause commune, 1975/2, UGE, 1975, coll. 10/18, p. 41-68, ici p. 49.

116 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 157 (147).

117 René Grousset, L’Empire des Steppes, Payot, 1939, 639 p., ici p. 174. Halia Koo dans Voyage, vitesse et altérité selon Paul Morand et Nicolas Bouvier, Champion, 2015, p. 132, cite un autre passage de Grousset, p. 379, évoquant les frères Polo, qui eux aussi accompagnent une princesse mongole qu’ils remettent au fils du khan persan Arghoun décédé peu auparavant.

118 Jean Duvignaud, « Esquisse pour le nomade », in Nomades et vagabonds, Cause commune, 1975/2, UGE, 1975, coll. 10/18, p. 13-40, ici p. 19.

119 Halia Koo, Voyage, vitesse et altérité selon Paul Morand et Nicolas Bouvier, Champion, 2015, p. 120.

120 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 208 (194).

121 Nicolas Bouvier, « Le silence des cols », in Œuvres, Gallimard, « Quarto », 2004, pp. 1180-1197, ici p. 1181.

122 Nicolas Bouvier, « Le silence des cols », in Œuvres, Gallimard, « Quarto », 2004, pp. 1180-1197, ici p. 1182.

123 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 103 (96).

124 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 24 (23).

125 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 375 (349.

126 Nicolas Bouvier, La Descente de l’Inde, Gallimard, « Quarto », p. 468.

127 Paul Virilio, « Dromologie : logique de la course », Multitudes, avril 1991, mis en ligne 14 juin 2004, https://notavparis.files.wordpress.com/2012/08/dromologie.pdf (cons. 15 nov. 2017).

128 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 146 (137).

129 Nadine Laporte, Nicolas Bouvier, passeur pour notre temps, Paris, Le Passeur, 2016, p. 75.

130 Nicolas Bouvier, « Réflexions sur l’espace et l’écriture », Gallimard, « Quarto », p. 1054.

131 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 46 (44).

132 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 342 (317).

133 Michel Maffesoli, Du nomadisme. Vagabondages initiatiques, Paris, La table ronde, 2006, p. 126-127.

134 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 261 (241).

135 Paul Virilio, « Dromologie : logique de la course », Multitudes, avril 1991, mis en ligne 14 juin 2004, https://notavparis.files.wordpress.com/2012/08/dromologie.pdf (cons. 15 nov. 2017).

136 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 166 (155).

137 Bruce Chatwin, Le chant des pistes, Grasset & Fasquelle, 2005, p. 897.

138 Annemarie Schwarzenbach, Où est la terre des promesses ?, p. 12. Alle Wege sind offen, p. 10.

139 Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, p. 278 (257). Nous soulignons.

140 Michel Maffesoli, Du nomadisme. Vagabondages initiatiques, Paris, La table ronde, 2006, p. 186.

141 Anne Marie Jaton, Nicolas Bouvier, Paroles du monde, du secret et de l’ombre, p. 40-41.

Bibliographie

Œuvres de Nicolas Bouvier

Œuvres, Paris, Gallimard, « Quarto », 2004

L’Usage du monde [1963], Paris, La Découverte, 2014, collection « La Découverte Poche/Littérature et voyages », n° 402 ; Œuvres, éd. Gallimard, « Quarto », pp. 59-388

La Descente de l’Inde, Œuvres, Gallimard, « Quarto », 2004, pp. 433-477

« Réflexions sur l’espace et l’écriture », Œuvres, Gallimard, « Quarto », 2004, pp. 1053-1062

« Le silence des cols », in Histoires d’une image [posthume], Genève, Zoé, 2001 ; Œuvres, Gallimard, « Quarto », 2004, pp. 1180-1197

Routes et déroutes, in Œuvres, Gallimard, « Quarto », 2004, pp. 1249-1288

BOUVIER Nicolas et VERNET Thierry, Correspondance des routes croisées, 1945-1964, éd. Daniel Maggetti et Stéphane Pétermann, Genève, Zoé, 2010

PLATTNER Patricia, Le Hibou et la baleine, Suisse, 1993, 56 minutes // Auteure et réalisatrice : Patricia Plattner // Image : Matthias Koelin // Son : Jean Faravel // Montage : Najet Ben Slimane // Producteur et diffusion : Light Night Production, La Sept ARTE

Autres textes

BYRON Robert, The Road to Oxiana, 1937 ; http://www.gutenberg.net.au/ebooks14/1403301h.html ], Route d’Oxiane, traduction Michel Petris, Paris, Payot & Rivages, « Petite Bibliothèque Payot », 2002

CHATWIN Bruce, [The Songlines, Londres, 1987], Le chant des pistes, trad. Jacques Chabert, Grasset & Fasquelle, « Bibliothèque Grasset », 2005

GROUSSET René, L’Empire des Steppes. Attila, Gengis-Khan, Tamerlan, Paris, Payot, 1939

MAILLART Ella, La voie cruelle [The cruel way, 1947 ; La voie cruelle, 1952, trad. par E. Maillart], Payot, 1987, « Petite Bibliothèque Payot », 2001.

SAINT-EXUPÉRY Antoine de, Terre des hommes [1939], Œuvres, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1959

SCHWARZENBACH Annemarie, Alle Wege sind offen. Die Reise nach Afghanistan 1939-1940, Lenos Verlag, 2000/2011 ; trad. Où est la terre des promesses ? par Dominique Laure Miermont, Payot, « Petite Bibliothèque Payot », 2004

Essais et études

BISCHOFF Liouba, Nicolas Bouvier, « L’Usage du monde », Paris, éd. Atlande, 2017

DELEUZE Gilles et GUATTARI Félix, Mille plateaux, Paris, Éd. de Minuit, 1980

DESPORTES Marc, Paysages en mouvement, Paris, Gallimard, nfr, 2005

DUVIGNAUD Jean, « Esquisse pour le nomade », in Nomades et vagabonds, Cause commune, 1975/2, UGE, 1975, coll. 10/18, p. 13-40

FORSDICK Charles, « L’usage de la lenteur : l’immobilité motorisée, la marche, et le voyage aujourd’hui » , in Seuils et Traverses : enjeux de l’écriture du voyage, textes réunis par Jan Borm et Jean-Yves Le Disez, 2 t., Paris-Brest, Suds d’Amériques et CRBC, 2002, t. II, pp. 43-53, https://papiersuniversitaires.wordpress.com/2012/05/25/litterature-lusage-de-la-lenteur-limmobilite-motorisee-la-marche-et-le-voyage-aujourdhui-par-charles-forsdick/

JATON Anne Marie, Nicolas Bouvier, Paroles du monde, du secret et de l’ombre, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2003, « le savoir suisse »

KOO Halia, Voyage, vitesse et altérité selon Paul Morand et Nicolas Bouvier, Paris, Champion, 2015

LAPORTE Nadine, Nicolas Bouvier, passeur pour notre temps, Paris, Le Passeur, 2016

MAFFESOLI Michel, Du nomadisme. Vagabondages initiatiques, Paris, La table ronde, 2006

MÉAUX Danielle, « Choses (entre)vues », Viatica [En ligne], Bouvier, intermédiaire capital, mis en ligne le 06/09/2017, URL : http://viatica.univ-bpclermont.fr/bouvier-intermediaire-capital/ii-recits-images-traductions/choses-entrevues

MINVIELLE Pierre, « Voyages et aventures », in Christiane Albert, Nadine Laporte et Jean-Yves Pouilloux, Autour de Nicolas Bouvier. Résonances, Éd. Zoé, 2002, p. 45-53

PASQUALI Adrien, « Le second voyage de Nicolas Bouvier, ou l’écriture comme « usage du monde » et effacement de soi », in François Moureau (dir.), Le Second Voyage ou le déjà-vu, Klincksieck, 1996, p. 129-138

PASQUALI Adrien, Nicolas Bouvier. Un galet dans le torrent du monde, Genève, Zoé Poche, 1996

VIRILIO Paul, « Véhiculaire », in Nomades et vagabonds, Cause commune, 1975/2, UGE, 1975, coll. 10/18, p. 41-68

VIRILIO Paul, Esthétique de la disparition [1980], Balland, 1989, « Le Livre de poche/ biblio essais »

VIRILIO Paul, La Machine de vision, Paris, Galilée, 1988

VIRILIO Paul, « Dromologie : logique de la course », Multitudes, avril 1991, mis en ligne 14 juin 2004, https://notavparis.files.wordpress.com/2012/08/dromologie.pdf (cons. 15 nov. 2017).

WHITE Kenneth, L’Esprit nomade, Grasset & Fasquelle, 1987, « Le Livre de poche/ biblio essais »

Cause commune, Nomades et vagabonds, 1975/2, UGE, 1975, coll. 10/18

Pour citer cet article

Odile Gannier, « Bouvier et la Topolino : les mécanismes automobiles de L’Usage du monde  », paru dans Loxias, 59., mis en ligne le 15 décembre 2017, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=8844.


Auteurs

Odile Gannier

Odile Gannier est professeur de littérature comparée à l’Université Nice Sophia Antipolis, membre du CTEL. Ses travaux portent en particulier sur la littérature de voyage.

Université Côte d’Azur, CTEL