Loxias | Loxias 29 Eros traducteur | I. Eros traducteur |  2. Expériences 

Olivier Kachler  : 

Nier l’intraduisible, qui ment

Résumé

Il s’agit ici de parler de la question de l’intraduisible, du problème de la retraduction (à partir de l’expérience de retraduction d’un long poème russe écrit en 1917, Douze d’Alexandre Blok) et de montrer que traduire est concevable comme un désir de poème, plutôt qu’une perte.

Index

Mots-clés : Blok , Coleridge, désir, Etkind, intraduisible, Jakobson, Lacan, Meschonnic, Regnaut, retraduction

Texte intégral

« Poetry is what gets lost in translation »

R. Frost

« Poetry is what is gained by traduction »

Joseph Brodsky

1L’association de la poésie avec la notion d’intraduisible est aujourd’hui un truisme. Elle n’empêche pourtant pas de traduire. Bien au contraire, elle lui sert souvent, paradoxalement, de justification théorique. On commence, comme l’a montré Maurice Regnaut, par poser que « traduire est impossible », en toute généralité, « après quoi, après accomplissement de ce rituel aussi convenu que vain, on traduit bien sûr, on est même, c’est ainsi, d’autant plus en droit de traduire, alors, qu’on aura commencé par sacrifier au grand Intraduisible »1. Que l’intraduisible soit pensé comme une essence du poétique pose alors la question : qu’est-ce qu’on traduit quand on traduit un poème ? Question à laquelle il ne peut y avoir de réponse que par cette seconde : qu’est-ce qu’un poème ?

2Je pars ici d’un problème, celui de la retraduction. À partir d’une expérience, non limitative, celle de la retraduction d’un long poème russe écrit en 1917, Douze d’Alexandre Blok2. Ce poème composé de douze sections a été précédemment traduit plus de dix fois, sous le titre Les Douze. Je ne suis pas venu fanfaronner avec une nouvelle traduction, mais essayer de penser les implications de cette entreprise en regard des théories de la traduction poétique. Et vous parler d’un essai fondamental, mystérieusement passé inaperçu : « Traduire », de Maurice Regnaut.

3Le désir de retraduire pose de fait la question du partage entre traduisible et intraduisible. Mais la retraduction, tout autant, pose le problème du rapport du traduire au désir, comme relation circulaire entre l’original, ses traductions disponibles et la position culturelle-historique du traducteur. Et ce désir ferait, selon le mot de Frost, de la traduction un paradoxe, au sens où elle organiserait une perte de la poéticité qui, comme originalité de l’original, est pourtant ce qui la suscite. Quel sens alors peut prendre l’inversion de J. Brodsky ? En quoi, c’est notre objet de le montrer, traduire est-il concevable comme un désir de poème, plutôt qu’une perte ? Si toute nouvelle traduction en est empiriquement le pari, le montrer théoriquement suppose d’abord de percevoir que l’intraduisible, comme l’a rappelé H. Meschonnic, « n’est pas une donnée empirique, c’est un effet de théorie3 ». Une théorie qui a son histoire.

4L’impossibilité de traduire est implicitement introduite dans la culture occidentale par saint Augustin dans son opposition à saint Jérôme à propos de la traduction de l’Ancien Testament. Deux modes du traduire sont confrontés : « veritas hebraïca » d’un côté (saint Jérôme), conformation aux présupposés culturels du public récepteur (la Septante) de l’autre (saint Augustin). La seconde suppose l’intraduisible comme hétérogénéité des cultures (ici chrétienne et juive). Mais l’intraduisible n’est encore que culturel. Il faut attendre le romantisme pour qu’il soit explicitement théorisé en association avec la poésie. L’âge classique ne le connaît pas. Samuel Taylor Coleridge est le premier, en 1817, à le mentionner dans sa Biographia literaria. Tentant de définir la poéticité, Coleridge évoque un « test infaillible » pour établir « le style irréprochable », à savoir « son intraductibilité dans des mots de la même langue sans que le sens en soit altéré »4. Est donc en cause pour Coleridge moins la traduction d’une langue à une autre que la possibilité de transposition sans altération sémantique d’une forme littéraire en une autre dans la même langue. L’intraduisible désigne alors le processus de signification qui caractérise la spécificité d’un texte, ici poétique. C’est cette question de la spécificité littéraire qui forme l’horizon romantique de théorisation de l’intraduisible. Le Romantisme, on le sait, représente le moment de crise à la fois épistémologique (le rationalisme) et esthétique de l’âge classique. Dans ce contexte, que la poéticité d’un poème ne soit plus mesurable en termes de conformité à un idéal esthétique qui lui est présupposé, cela revient à supposer que tout poème devient invention d’une forme singulière qui est à elle-même sa propre norme de littérarité. Ce qui ouvre aux expériences de la modernité. Il s’agit alors de savoir comment la modernité a pensé, à la suite du romantisme, la singularité du poème et son intraduisible.

5La linguistique structurale a continué le Romantisme avec les savoirs qui lui sont propres, en posant la solidarité entre écriture poétique et travail sur les signifiants d’une langue. R. Jakobson écrit : « En poésie, les équations verbales sont promues au rang de principe constructif d’un texte. […] la paronomase règne sur l’art poétique ; que cette domination soit absolue ou limitée, la poésie, par définition, est intraduisible. Seule est possible la transposition créatrice »5. À quoi il faut encore ajouter les contraintes formelles, rime et mètre. Si la rime n’est que la formalisation du système plus général de paronomase signifiante, le problème du mètre est du même ordre que celui du lien entre langue et discours : il est à la fois une contrainte externe au discours poétique et le lieu même de son élaboration. L’hétérogénéité des langues engendre celle des systèmes métriques : vers syllabique en français, et syllabo-tonique dans les langues à accent de mot. De là leur caractère intraduisible. E. Etkind avait mis en relief cette incompatibilité des métriques dans le cadre de ce qu’il appelait une « crise de la traduction6 ». On voit par là que si l’intraduisible qualifie la poésie c’est que la textualisation, comme rapport entre une écriture et sa langue-culture y est la plus forte. En d’autres termes, l’intraduisible tient au problème d’une interaction entre, d’une part, une langue donnée avec toutes ses contraintes (lexicales, syntaxiques), les traditions formelles (la métrique) et les présupposés culturels qui y sont attachés et, d’autre part, un discours qui en est une réalisation particulière. Cette triade Langue-Culture-Discours forme un continu et c’est ce continu qui est le mode de signification proprement poétique. Pour exemple, Mandelstam termine un poème des Cahiers de Voronej sur ce vers : « O Voronezh, blazh ! Voron, nozh »7. Littéralement : « O Voronej, délire ! Corbeau, couteau. » Mais comment rendre la paronomase qui fait de « corbeau-couteau » une recomposition (avec balance de l’accent)8 de « Voronej », signifiant et ville de l’exil ? Jaccottet, traduisant par « voran, neige », a cherché à garder le son mais a perdu le sens9. Et un sous-entendu culturel. Voron, le corbeau, connote dans le langage de la Russie stalinienne les voronki, fourgonnettes noires dans lesquelles se faisaient les arrestations. L’adieu désiré à l’exil est aussi la mort consentie, adieu prophétiquement, poétiquement et ironiquement funèbre. Dans et par un continu signifiant langue-culture-écriture. Il semble bien qu’on soit là face à un radicalement intraduisible.

6Cependant, ces considérations reposent sur un présupposé, concernant l’opération même de traduction. Conclure en effet comme Jakobson à « la traduction impossible » de la poésie en général suppose que traduire est assimilé à reproduire. Le subjectivisme d’une « transposition créatrice » n’y change rien dans la mesure où il est compensatoire. Etkind reprend l’expression, après bien d’autres, en 198210. Mais reproduire n’a de sens qu’à produire de l’identique.En toute logique, une telle conception suppose la pure et simple négation de toute traduction. C’est, dans la nouvelle de Borges, l’expérience de Pierre Ménard lisant le Quichotte11. Après avoir tenté toutes les opérations de substitution possibles de l’espagnol au français, Pierre Ménard conclut à leur faiblesse, et pour ne rien « trahir » de l’œuvre de Cervantes, il la réécrit, mais en la recopiant mot pour mot. Aussi étrange que cela paraisse, certains ont pu voir en P. Ménard des solutions plutôt qu’un problème. P. Leyris, traduisant The Waste Land de T.S. Eliot, rend « I remember / Those are pearls that were his eyes » par « Je me souviens / Those are pearls that were his eyes »12. Traduction et reproduction et mêlées qui abondent dans tout son texte sans aucune systématicité. On voit là, pour la traduction, l’impasse des notions traditionnelles de fidélité et d’équivalence. Il faut donc interroger leur présupposé théorique.

7Dans son article « Traduire », M. Regnaut a montré sur quoi repose l’impasse de Pierre Ménard : « …cette réflexion à chaque fois, quelque forme qu’elle prenne, est une enquête, aussi précise et subtile et profonde qu’elle soit, qui n’aboutit jamais qu’à s’assurer en fait d’une chose, à savoir que le jour est le jour et ne saurait en vérité être der Tag, que der Tag est der Tag et ne saurait en vérité être the Day, que the Day est the Day et ne saurait etc… autrement dit que la langue anglaise est la langue anglaise et ne saurait en vérité être ni l’allemande et ni la française et ni etc…, bref, que toute langue irrémédiablement est elle-même et ne saurait être une autre – en conclusion de quoi […], quel constat établir, sinon que traduire est effectivement, est désespérément impossible ? »13. L’intraduisible, en d’autres termes, avant d’être celui du langage poétique, procède de l’irréductibilité des langues-cultures14. Elle lui sert de fondement, sous la forme d’un « postulat » qui, précise Maurice Regnaut, « en général implicitement, fonde à chaque fois cette réflexion, postulat qui est : traduire, c’est traduire une langue. »15 Postulat qui lui-même repose sur un second, à savoir que lire un texte c’est lire de la langue, ce qui revient à définir un texte par l’ensemble des constituants linguistiques qui le composent. Le pessimisme traductologique vient donc d’une confusion dans le désir lui-même, entre l’individu-texte et l’individu-langue/culture, le second étant pris pour le premier. Résultat : un poème n’est alors plus que du sens linguistique avec un supplément stylistique-formel.

8La traduction dès lors ne peut que s’enfermer dans l’interminable débat entre traduire le sens, et/ou la forme. R. Caillois par exemple en fait son expérience de traduction des poèmes de Borges16. C’est le dilemme entre le philosophe et le poète, le premier mis dans le signifié, le second dans le signifiant. Les traductions successives de Douze reproduisent leur conflit. B. Parain, philosophe, traduit le signifié, il généralise, résume, efface l’oralité des répétitions voire un distique entier17. A. Robin, lui-même poète, donne des calques de signifiant (« faire du gnan-gnan » pour « nian’tshitsia », bercer) modulés en calembours (« c’est le tour au tourlourou ») ou en mots-valises (« étripétripailler »). S’il paraît évident, comme le remarquait Gide, que quand le traducteur « n’a rendu que le sens du texte, il n’a rien fait ; presque rien fait »18, il en est de même quand on n’a rendu que la forme. Autrement dit, tant qu’on en reste au postulat linguistique de la reproduction, le résultat ne peut être que le « compromis » de Caillois qui engendre l’intraduisible, simplement local plutôt que total. Signifié contre signifiant, on a dissocié ce qui fait l’unité et l’originalité d’un poème, leur articulation en une signifiance19. Sont donc à distinguer traduire et reproduire. H. Meschonnic a pu écrire : « Il y a à produire ce qu’il n’est pas question de reproduire20. » Mais une telle affirmation pose les problèmes plus qu’elle ne les résout. Si en effet l’exigence première, sous peine d’échec fondamental, montre que traduire doit faire un autre texte, selon un processus de recréation, ce texte se doit en même temps de rester le même, au sens où c’est sa fidélité au processus créateur de l’auteur qui en fait une traduction ou non. D’où l’impossibilité de se défaire complètement des notions de reproduction et de fidélité. La question devient alors fidélité à quoi, reproduction de quoi. Si tout énoncé, poétique ou non, se fait dans et par une langue, il s’agit alors d’interroger le comment de cette intrication dans le poème, en tant qu’elle fait sa spécificité.

9Si toute parole est évidemment une actualisation des possibles de la langue, à la différence d’un message s’épuisant dans la transmission d’un sens par la mise en jeu des structures linguistiques, un texte poétique (littéraire) est une actualisation agissante sur ces structures. Les contingences linguistiques y deviennent des valeurs signifiantes, de la prosodie à la syntaxe. Par quoi un poème signifie par son mode de dire et pas seulement par le sens des mots21. Le poème n’est donc pas dans la langue comme un contenu dans un contenant. Il agit sur elle. M. Deguy écrit justement que « la manière dont peut battre une langue, c’est le poème qui le révèle22. » Un poème n’est donc pas une expression d’un état de la langue ou même du langage poétique, mais leur transformation par l’invention d’un langage. La singularité d’un poème, faut-il alors dire, sa poéticité, n’est autre que ce que fait un poème à une langue-culture autant qu’à une tradition poétique. Et qu’il fait de façon unique et donc originale, en quoi il est un événement de langage.

10Il en résulte pour la traduction qu’il n’y a plus à choisir entre signifiant et signifié, mais que c’est une activité signifiante qui est à traduire, dans sa cohérence et son unité. Si donc des contraintes linguistiques et formelles sont bien dans un texte, comme ses composantes, et peuvent sembler intraduisibles, le point essentiel est que ce ne sont pas elles qui sont à traduire mais ce qu’un poème fait avec et par elles. En d’autres termes, dans le jeu du même et de l’autre, le même est la singularité d’une écriture, qui est à reproduire à l’identique, et l’autre tout ce qui relève de l’irréductibilité des langues-formes-cultures, qui est à produire à neuf. De ce passage d’une logique des unités linguistiques à celle de l’unité d’un discours poétique, M. Regnaut a donné une formulation simple et forte. Traduire consiste à « trouver un langage identique en usant d’une langue autre ». Ce qui a pour conséquence que « traduire Rilke, en français par exemple, c’est idéalement non pas germaniser la langue française, mais la "rilkéiser", au sens de « ce que Rilke a fait de sa propre langue »23. « Rilkéiser » le français, ou le « blokiser » dans notre cas, c’est donc traduire un rapport : celui qu’instaure, comme sa singularité, un événement de langage avec ses contraintes linguistiques-formelles, rapport qui donc est à recréer avec d’autres contraintes. D’où il découle notamment que le cliché qui oppose traduction littérale à belle infidèle n’a pas de pertinence. Simplement parce que c’est la fidélité à la poétique de l’auteur et elle seule qui détermine l’originalité d’une traduction24.Pas plus qu’il n’y a de méthode pour inventer ce rapport comme poème, pas plus n’y en a-t-il pour le traduire. J’aimerais simplement en donner trois exemples pour montrer comment du point de vue du rapport l’intraduisible devient traduisible.

11Premier exemple : rythme et rime. Dans Douze Blok écrit : « Vot tak Vanka – on pletshist ! / Vot tak Vanka – on retshist ! ». Littéralement « Voilà comme il est Vanka – il est large d’épaules / Voilà comme il est Vanka – il est un moulin à paroles. » Rendre le néologisme (retshist, un faiseur de discours) tout en maintenant le parallélisme de la construction (les dissyllabes « pletshist » et « retshist ») et en même temps la rime s’avère impossible. Mais on peut traduire la rythmique sémantique avec le travail de la rime par le jeu baraqué / baratin : « voilà, c’est ça, le Vania – du baraqué ! / voilà, c’est ça, le Vania – du baratin !». La rime est simplement remontée à l’initiale des mots. Elle n’est plus une forme à reproduire en soi, mais le point de passage d’une signifiance qui fait l’ironie du distique. E. Etkind affirmait à juste titre que la rime « n’est pas un simple ornement sonore, elle n’est pas un écho, mais un principe de composition, le moteur de l’ininterrompu ». Si c’est l’ininterrompu d’une signifiance qu’on tente de traduire, il en va alors de même, deuxième exemple, de la prosodie dont la rime est le moteur. Le début de Douze dit : « Tshornii vetsher. / Belii sneg. / Veter, veter ! […] Na vsjem bozhem svjete » (littéralement : Soir noir. / neige blanche. / Vent, vent ! / Sur toute ce sacré monde »). La « paronomase » qui va de vetsher (soir) à veter (vent) et à svjete (monde) semble impossible à reproduire en français. Si on s’en tient aux mots. Mais du point de vue d’une activité signifiante, on peut tenter, par un déterminant et un changement lexical, de faire entendre ce continu dans jeu des consonnes (s / t) et de la voyelle ouverte (è) : « Soir noir. / Neige blanche. / Ce vent, ce vent ! / Sur toute cette sacrée terre ». Troisième exemple, la syntaxe. Le russe omet souvent les marques d’énonciation et contient nombre de tournures impersonnelles. Comme langue. Mais comme écriture, le poème russe de Blok est leur mise en œuvre signifiante : douze soldats, qui sont douze figures anonymes avancent dans une tempête de neige, métaphore du processus révolutionnaire. Le poème s’en fait l’écoute par l’invention d’un langage neuf, en rupture avec le lyrisme subjectif traditionnel. Les structures ne sont pas reproductibles. Mais est à produire en français une écriture de l’impersonnel dans laquelle à aucun moment un sujet de l’énonciation identifiable n’apparaît. Ce qui explique aussi que la traduction du titre par l’article (Les Douze) connotant immédiatement le référent humain (les douze soldats) repsychologise le travail d’une écriture qui s’en écarte, tandis que son absence (Douze) fait signe vers la composition rythmique en douze sections.

12Traduire un rapport, c’est ce qu’A. Berman a appelé une « épreuve de l’étranger », comprise non comme un « infra-métissage » mais comme travail vers « une langue neuve » dans la langue d’arrivée25. H. Meschonnic le théorise comme décentrement, qu’il oppose à l’annexion26. Le calque et la correction linguistique sont alors les deux formes corrélatives d’effacement du rapport. Le calque parce qu’il reproduit en mimant, et oublie les valeurs signifiantes comme différence marqué/non marqué, la correction parce qu’elle se replace dans un état de langue acquis, et inverse donc le travail d’un poème qui est sa transformation. Entre ces deux écueils traduire le rapport se situe à un point de tension entre les contraintes d’une langue et les possibles d’une écriture, entre l’autre (langue) et le même (texte).

13S’il n’y a pas de méthode pour traduire un rapport, il y a un prérequis. C’est d’identifier l’activité signifiante spécifique d’un texte.Là aussi, les versions successives de Douze sont emblématiques. Douze est une rupture dans l’œuvre de Blok et une date dans la poésie russe. Parce que Blok y congédie d’un coup l’éloquence classique et la poésie néo-romantique de ses débuts. Ce qui pose le double problème d’un rapport nouveau entre l’oralité et l’écriture, et entre la prose et le vers. Pasternak est le premier, en Russie, à avoir clairement perçu cette prose du vers27. Elle passe aussi par la création du vers tonique libre28. Mais les traducteurs l’ont doublement effacé, en s’en tenant à l’opposition traditionnelle du parlé et de l’écrit, au profit de l’un ou de l’autre.

14Premier effacement, le classicisme littéraire surdétermine les traductions. Par des atténuations, « bise » pour « vent », « tête de fat » pour « idiot », G. Arout nous invite même à l’opéra avec un élégant « entrechat » pour dire la chute d’un « pauvre diable » dans le Pétersbourg de 1918. Par une syntaxe classicisante aussi : les traducteurs coordonnent, subordonnent, là où Blok est paratactique, elliptique. Emblématique de ce conservatisme est le recours au passé simple, à rebours du parlé : « je l’ai perdue, bougre d’idiot », devient chez Robin « je fis sa perte, ô folie ». Second effacement, et inverse, les traductions forcent sur l’argot. Les insultes fusent : « toute la sale bourgeoisie » chez Robin, « Ohé, épiciers, sale clique » et « sale vache » chez Arout, sans que le russe n’ait eu recours à ces termes. Les deux conceptions sont d’une logique solidaire et quelquefois d’ailleurs simultanée29. On fait du classicisme littéraire, mais plaqué argot, comme si ce dernier relevait par un piquant moderne le conventionnel de l’écriture. Mais la cuisine reste de tradition. Le problème, qu’on ne peut ici qu’indiquer, est que l’oralité est au contraire chez Blok massive, parce qu’elle s’invente dans la systématicité d’une écriture. L’impersonnel, évoqué plus haut, est le lieu d’une théâtralisation du poème à la faveur de laquelle il suscite différents niveaux énonciatifs (répliques, inflexions populaires, allusions à des chansons) tout en rendant leur identification impossible. Articulant ainsi une discontinuité énonciative à une continuité rythmique, ces voix deviennent alors la voix sans identité du poème, dans son devenir propre, comme exploration d’un inconnu, historique et poétique. Rater cette activité signifiante c’est autant rater la forme d’un sens que le sens d’une forme, parce qu’on n’a pas identifié le rapport à une tradition comme travail poétique novateur.

15Douze est loin d’être un cas isolé. P. Leyris fait la même chose sur T.S. Eliot que Robin sur Blok30. J.L. Backès a montré sur Tchekhov que l’oralité de l’écriture n’est pas un problème lexical31. La non-traduction de l’interaction entre l’oralité et l’écriture est le problème français de traduction par excellence. Il procède d’une coupure culturelle entre l’écrit et le parlé, recouvrant la coupure entre culture populaire et culture savante32. Il faudrait en faire l’histoire, ici impossible. A. Berman a analysé en profondeur ce manque d’oralité sur l’exemple des traductions de John Donne. La comparaison avec la version d’O. Paz montre les traducteurs français « corsetés par un projet formalisant33 ». Leurs textes archaïsants d’une « préciosité digne d’un magasin d’antiquaire » ratent « l’entrelacement entre colloquialisme, rhétorique, logique, poéticité propre à Donne […]34. » H. Meschonnic est arrivé aux mêmes conclusions par l’analyse de trois sonnets de Shakespeare35. C’est encore la même question que fait apparaître la discussion autour de la traduction d’un poème de Yunus, dans le colloque organisé par Étiemble. « Tout le génie de Yunus, c’est d’avoir donné un rythme poétique au langage parlé » rappelle Mme Dino, turcophone, à son co-traducteur Delouze qui n’y voit que du pittoresque et fait du tourisme littéraire36. C’est ici qu’apparaît la solidarité entre la question du désir, du traduire et de ce qu’est un poème comme tel.

16Tout désir est affirmation double, à la fois celle d’un possible et celle d’un inconnu. Comme possible, il suppose qu’intraduisible à un moment pour certains peut devenir traduisible à un autre, pour d’autres. L’intraduisible n’est donc pas une essence du poétique. Il est historique et non ontologique. Pas plus qu’on n’écrit un poème aujourd’hui comme on l’écrivait au XVIe siècle, pas plus ne traduit-on de la même manière. Précisément, parce que l’historicité de l’écriture et celle de la traduction ne sont pas séparables. Le possible de chaque traduction est en effet fonction, en toute conscience ou non, de l’état du langage poétique à un moment donné. Pour H. Meschonnic par exemple, l’apport propre de la poétique surréaliste a rendu possible de nouvelles traductions de la Bible37. Mais l’inverse est tout aussi vrai, à savoir que les traductions ouvrent de nouveaux possibles d’écriture dont les œuvres héritent. Le poème en prose par exemple, naît en France à partir des traductions des romantiques allemands et anglais. M. Deguy écrit ainsi, à propos d’une traduction de Dante, que « le but lointain est de servir les possibilités poétiques de notre langue, pour le poème original dont elle est à chaque nouvelle époque capable38. » Ainsi les traductions sont portées par leur époque d’écriture et porteuses de possibles d’écriture nouveaux. Ce qui suppose alors aussi une interaction entre la redécouverte des œuvres du passé et l’écriture des œuvres à venir. Des « possibilités poétiques » de la langue au nouveau « poème original », on a glissé du possible à l’inconnu qui travaille le désir, et qu’il travaille comme désir. Et ce désir, dans la conscience poétique de chaque traducteur est donc à cheval sur ce qu’il connaît, ou reconnaît dans le texte à traduire, et sur ce qu’il ne sait pas qu’il peut écrire, mais invente dans sa langue.

17Le glissement du possible à l’inconnu montre alors qu’un poème du passé, aussi connu soit-il, n’est un poème que d’être toujours à venir, et toujours inconnu. Par quoi il peut rester présent indéfiniment au présent dont il est l’invention et qui se réinvente dans les historicités qu’il traverse. Et dont la retraduction, comme relecture-réénonciation, est un révélateur. Elle montre, rendant poème et désir solidaires, indissolublement l’autre d’un même et le même d’un autre. Elle se montre en lui comme capacité de langage poétique et le montre en elle comme poème dont elle est capable. En passant du modèle de la perte à celui d’une capacité renouvelée de poème, traduire et écrire ont, comme désir, un enjeu commun : l’invention d’un sujet. Comme langage, ce sujet est à la fois collectif et individuel. Parce qu’un poème vit de sa réénonciation infinie, de bouche à bouche, et que donc, comme le savait P. Ménard, sa simple lecture comme sa traduction en est déjà la réinvention.

18 C’est en quoi la traduction peut être collective ou individuelle, réflexion comme écriture, contrairement à la conclusion que tirait Étiemble d’un atelier de japonais39. Une traduction individuelle, comme recherche d’un sujet poétique, est déjà une traduction à plusieurs, parce que son travail est avant tout d’auto-retraduction40. Travail qu’on peut donc penser comme celui du « désir de l’autre » au double sens de l’expression de Lacan. Pour le traducteur aussi, l’altérité du texte à traduire est à la fois l’objet de son désir de poème et son sujet : c’est elle qui désire diversement, indéfiniment, les traducteurs et les époques de traductions pour des possibles nouveaux. Accédant à ce désir le traducteur accède au sujet d’une écriture qui déborde la sphère psychologique, sienne et autre.

19Dès lors, paradoxalement, l’intraduisible ne procède jamais des poèmes originaux eux-mêmes. Il est à la fois produit et détruit par l’historicité des traductions. Chaque traduction, même par ses manques, féconde ainsi des possibles nouveaux puisqu’en montrant ce qu’elle ne traduit pas, elle fait relire, selon la méthode d’A. Berman, et donc retraduire l’original41. On dira donc finalement, pour parodier une formule de Mallarmé qui ne parle pas de traduction que, consciemment ou non, chaque traduction implique, comme désir de poème, de nier l’intraduisible, qui ment. « Là-bas, ou que ce soit, nier l’indicible, qui ment » écrivait Mallarmé à propos du poème42. Si le poème fait mentir l’indicible, c’est en tant que dire n’est pas nommer. L’innommable relève du nom, ou du mot, et donc du discontinu de la langue. Mais ce qui n’est pas nommable fait parler, il fait dire43. C’est pourquoi Mallarmé oppose dans le même passage au fait de « choisir les mots, les aptes mots, de l’école, du logis au marché » le vers qui « va s’émouvoir de quelque balancement, terrible et suave, comme l’orchestre, aile tendue ». Le référent musical désigne, par la mobilité qui le constitue, une irréductibilité du dire à l’ensemble des éléments qui le composent. Le « là-bas » inconnu (« ou que ce soit ») où le vers transporte est donc un innommable devenu infiniment dicible. L’exercice même de la littérature : dire ce pour quoi il n’y a pas d’« aptes mots ». L’intraduisible, mutatis mutandis, en devient alors lui aussi un infiniment traduisible, dont l’infini est l’historicité.

20Pas plus hier qu’aujourd’hui ou demain, il ne peut y avoir de méthode. Un risque simplement, un désir qui en général, comme le crime, ne paie pas. Mais qui comme tout désir, peut s’avérer fécond d’inconnu. A chacun de lever l’archet d’un langage. Que d’autres reprendront, effaceront, réénonceront.

Notes de bas de page numériques

1  Maurice Regnaut, « Traduire », texte d’abord paru dans Action Poétique et consultable aujourd’hui sur : http://www.maurice-regnaut.com, dans la rubrique « traductions ».

2  A. Blok, Douze, traduction Olivier Kachler et Maurice Regnaut, inédit.

3  H. Meschonnic, Poétique du traduire, Verdier, Lagrasse, 1999, p. 79.

4  Le passage entier est le suivant : « In poetry, in which every line, every phrase, may pass the ordeal of deliberation, and deliberate choice, it is possible, and barely possible, to attain that ultimatum which I have ventured to propose as the infaillible test of blameless style ; namely : its untraslatableness in words of the same language without injury to the meaning. ». Dans S. T. Coleridge, Biographia literaria, chap. XXII.

5  R. Jakobson, Essai de linguistique générale, coll. « double », éd. de Minuit, 1994, p. 86.

6  « Quels moyens utiliser en français pour rendre le pentamètre iambique des drames de Shakespeare, de Goethe, de Schiller, de Pouchkine, d’A. Tolstoï ? » de même que « les finales dactyliques des vers de la poésie populaire ». Dans E. Etkind, Un art en crise, Essai de poétique de la traduction poétique, Lausanne, L’âge d’homme, 1982, p. 155.

7  Voir O. Mandelstam, Les cahiers de Voronej, t. 1, éd. bilingue, trad. Ch. Mouze, Harpo&, 1999.

8  « Vorónezh / Vóran », séquence prononcée en russe : A/O – O/A.

9  Dans O. Mandelstam, Simple promesse : choix de poèmes, 1908-1937, trad. du russe par Philippe Jaccottet, Louis Martinez, Jean-Claude Schneider, Genève, La Dogana, 1994.

10  E. Etkind, Un art en crise, Essai de poétique de la traduction poétique, Lausanne, L’âge d’homme, 1982, p. 51.

11  Voir J.L. Borges, « Pierre Ménard, auteur de Don Quichotte », dans Fictions, Gallimard.

12  T.S. Eliot, Poésie, éd. bilingue, traduction de P. Leyris, Paris, éd. du Seuil, 1969, pp. 64-65.

13  M. Regnaut, « Traduire », http://www.maurice-regnaut.com.

14  Les mots-concepts du chinois ou du japonais, zen, zazen, tao, tao-tö king par exemple, en sont sans doute l’exemple le plus frappant, et qui le plus souvent ne sont pas traduits. Pour exemple des difficultés de traduction, voir la préface d’Étiemble dans Philosophes taoistes, Paris, Gallimard, 1980, Bibl. de la Pléiade, notamment t. 1, pp. LXI-LXII

15  Voir aussi H. Meschonnic, « Propositions pour une poétique de la traduction », dans Pour la Poétique II, Paris, Gallimard, 1973, p. 312 et Poétique du traduire, op. cit., p. 152.

16  « La vérité est que je me suis aperçu que je trahissais, par exemple, la poésie des poèmes de Borges en m’efforçant d’en respecter trop fidèlement la cadence et les rimes. Mais d’évidence, je la démantelais en renonçant à en procurer un aussi rigoureux équivalent prosodique. » Dans R. Caillois « Postface » au Colloque sur la traduction poétique, Paris, Gallimard, 1978, p. 306.

17  « Se réveillant – le voilà / le féroce ennemi » a disparu de sa traduction. Voir A. Blok, Les Douze, trad. B. Parain, Paris, Le nouveau commerce, Cahier 2, 1963 (rééd. 1978).

18  Lettre-préface de 1946, dans Shakespeare, Œuvres complètes II, Paris, Gallimard, 1959, Bibl. de la Pléiade, pp. 1542-1543.

19  Il faut prendre garde de ne pas confondre des points de vues théoriques divergents que l’emploi de ce terme recouvre. On rappelle ici que c’est Benveniste le premier qui l’utilise, en opposant « système sémiotique » et « système sémantique » et en montrant, à propos de la peinture, qu’elle signifie partout, même là où aucun objet n’est représenté. Le concept n’a pas le même sens ensuite chez Henri Meschonnic par exemple, qui le pense à partir du rythme, et chez J. Kristéva qui l’utilise à partir de la psychanalyse et de la linguistique structurale.

20  H. Meschonnic, « Traduire situer aujourd’hui Trakl », dans Pour la poétique V, Paris, Gallimard, 1978, p. 262.

21  C’est ce que Meschonnic appelle « l’agir du langage » :« La poétique est l’essai de penser le continu dans le discours. Elle tente d’atteindre, à travers ce que disent les mots, vers ce qu’ils montrent mais ne disent pas, vers ce qu’ils font […]. C’est l’agir du langage. Il agit sur nous-même si nous ne savons pas ce qu’il nous fait. Il le fait. Et il recommence. », dans H. Meschonnic, Poétique du traduire, op. cit., p. 140.

22  Dans M. Deguy, Actes, Paris, Gallimard, 1966, p. 47.

23  M. Regnaut, « Traduire », http://www.maurice-regnaut.com.

24  « Il peut sembler paradoxal a priori de poser que de l’identification à l’auteur dépend l’originalité de la traduction et que par conséquent manque d’originalité tout exercice où le traducteur crée selon sa propre poétique et fait du coup comme on dit ‘‘œuvre originale’’ : il suffit d’imaginer le même traducteur L traduisant ainsi plusieurs auteurs, X, Y, Z, pour comprendre en quoi il n’y a nullement paradoxe, en quoi ce que fera L ne sera nullement ni de X, ni de Y, ni de Z, mais à chaque fois texte de L, pour simplement comprendre, autrement dit, qu’original, si le texte de L l’est, en effet en tant que texte propre, il ne l’est pas en tant que traduction. Originale est une traduction dont le processus créateur est identique au processus originel créateur du texte traduit. » M. Regnaut, « Traduire », http://www.maurice-regnaut.com.

25  Voir « Hölderlin : le national et l’étranger », dans A. Berman, L’épreuve de l’étranger, Paris, Gallimard, 1984, p. 275.

26  Décentrement d’une langue (d’arrivée) vers la poétique d’une œuvre (de départ) plutôt qu’annexion de cette œuvre vers une langue d’arrivée. Voir Poétique du traduire, op. cit., pp. 95-96 et la proposition 30 dans Pour la poétique II, op. cit., pp. 313-314.

27  « La poésie, c’est la prose, la prose non pas au sens de la totalité de l’œuvre de tel ou tel écrivain, mais la prose elle-même, la voix de la prose, la prose en acte et non en paraphrase littéraire » écrit Pasternak en 1934, dans son « Discours au premier congrès des écrivains soviétiques » ; dans Pasternak, Œuvres, trad. C. Perrel, Paris, Gallimard, 1990, Bibl. de la Pléiade p. 1553. Dans « Hommes et propositions » (1956), il réfère ces analyses à Douze de Blok, op. cit., pp. 658-659.

28  On attribue traditionnellement à Blok la création du vers tonique libre en russe. Il repose sur une radicalisation des omissions d’accents qui brouille la lisibilité métrique en rapprochant, écrit le métricien Ungebaum « le rythme des vers binaires de la cadence du russe parlé ». Dans V.O. Ungebaum, La versification russe, Paris, Librairie des cinq continents, 1958, pp. 57-58. Voir aussi sur ce point H. Meschonnic, Critique du rythme, Verdier, Lagrasse, 1982, p. 461 et suiv.

29  Arout par exemple traduit ainsi (je souligne): « Il fut des nôtre Vania – il est soldat » mais au vers précédent, Katia « a du pèze dans son bas ».

30  Dans The Waste Land, Leyris traduit : « Ce dimanche qu’Albert est rev’nu, ils avaient une jambe de cochon / Même qu’i m’ont dit de v’nir manger pasqu’i a rien d’tel qu’un jambon chaud… ». Le texte anglais dit simplement : « Well, that Sunday Albert was home, they had a hot gammon, / And they asked me in to dinner, to get the beauty of it hot – ». Dans T.S. Eliot, Poésie, op.cit., pp. 68-69.

31  Dans J.-L. Backès, « Remarque sur des problèmes de traduction », Revue de littérature comparée 4/1995, pp. 427-435.

32  A. Markowicz écrit à juste titre dans une « note de traducteur » : « Le français est peut-être la langue où le fossé entre le style écrit et la langue vivante, parlée tous les jours, est le plus grand ». Sauf que le problème tient moins à une essence de la langue qu’à une histoire. Dans A. Tchekhov, Le Violon de Rotschild, trad. A. Markowicz, Paris, Alinéa, 1986.

33  A. Berman, Pour une critique des traductions : John Donne, Paris, Gallimard, 1995, p. 170. Il s’agit des traductions d’Y. Denis et J. Fuzier, de Ph. de Rotshild et de J. Morel du poème « Going to bed » de Donne.

34  A. Berman, Pour une critique des traductions : John Donne, Paris, Gallimard, 1995, pp. 138-139.

35  H. Meschonnic, Poétique du traduire, op. cit., pp. 275-308.

36  « Nous n’avons en effet pas toujours compris ou senti de la même manière le texte turc. Disons que, si je ne connais pas le turc, je connais un peu la Turquie, ce qui me permet de me faire une certaine idée de la poésie de Yunus ». Dans Colloque sur la traduction poétique, op. cit., respectivement p. 179 et p. 183.

37  « Le français n’est plus ce qu’il était avant le surréalisme. […] Peut-être le langage poétique moderne pourra donner au domaine français la Bible avec toute sa force de langage consonantique, avec ses absolus paratactiques, qui sont des paradigmes de prosodie et de rythme – alors que le langage poétique ancien était surtout de subordination, rythmes externes. » Dans Les cinq rouleaux, trad. H. Meschonnic, Paris, Gallimard, 1970, Préface, p. 9.

38  Revue de poésie, n°70, Dante, janvier 1966, p. 4.

39  À propos de la traduction d’un waka (n° 495) qui réunissait nombre de spécialistes, Étiemble conclut, au terme d’une journée de travail : « aujourd’hui, on aura prouvé que, lorsque trop de spécialistes travaillent sur un texte, le travail commun ne peut pas déboucher sur un résultat commun. » Pourtant, l’envoi, six mois après, d’une traduction par deux des participants, Yann Mouliero et Okubo Takaki, prouve le contraire, parce que le texte intègre tous les éléments de la discussion et leur a trouvé des solutions poétiques. Voir Colloque sur la traduction poétique, op. cit., pp. 275-304, et p. 293 pour la remarque d’Étiemble.

40  A. Markowicz reconnaît élaborer jusqu’à dix versions du même texte.Voir Conférence du 15/09/06, Université Concordia, à Montréal : http://francais.concordia.ca/index.php

41  Voir A. Berman, « Esquisse d’une méthode », dans Pour une critique des traductions : John Donne, op. cit., pp. 64-83.

42  Mallarmé, « La Musique et les Lettres », dans Œuvres Complètes, Paris, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1945, p. 653.

43  Pour une analyse plus développée de ce point voir Gérard Dessons, « Le Mallarmé des sixties : l’absente de tous bouquets », Europe, n° 825-826, 1998, pp. 64-77.

Pour citer cet article

Olivier Kachler, « Nier l’intraduisible, qui ment », paru dans Loxias, Loxias 29, mis en ligne le 21 juin 2010, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=6214.


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Olivier Kachler