Loxias | Loxias 17 Littérature à stéréotypes | I. Littérature à stéréotypes 

Daniel Couégnas  : 

Dénouement et stéréotypes dans quelques romans populaires français du XIXe siècle

Résumé

La fin du récit – le roman populaire est majoritairement narratif –, donc la sortie de l'univers fictionnel, est un moment de l'écriture et de la lecture du roman populaire particulièrement riche d'enseignements. A travers ses règles propres, liées à la nécessité de la clôture narrative (le récit « complet en un volume »), mais aussi, très fréquemment et de manière paradoxale, à la continuité sérielle, le dénouement du roman populaire du 19ème siècle apparaît comme un lieu privilégié d'étude des formes répétitives figées, dans les différents domaines du stéréotype narratif (motifs obligés et thèmes identiques, péripéties finales attendues), des idées reçues (contenu moral, politique, idéologique en général, lourdement souligné), des clichés (épithètes de nature, « langue de bois » avec métaphores convenues). L’analyse s’appuiera sur quelques grands romans populaires français de 1830 à 1914.

Index

Mots-clés : dénouement , happy end, retour à l’ordre, roman populaire

Chronologique : XIXe siècle

Plan

Texte intégral

A la mémoire d’Ellen Constans

1Cet exposé, à travers quelques œuvres célèbres, porte sur le roman populaire français du dix-neuvième siècle, de 1836 à 1914. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la fin du récit. La sortie de l’univers fictionnel est un moment de l’écriture et de la lecture particulièrement riche d’enseignements. Le roman populaire a ses règles propres, liées à la nécessité de la clôture narrative (le récit « complet en un volume »), mais aussi, très fréquemment et de manière apparemment paradoxale, à la continuité sérielle. Par manque de temps, il ne sera pas question ici de ce second point.

2Le dénouement du roman populaire du 19ème siècle apparaît comme un lieu privilégié d’étude des formes répétitives figées, dans les différents domaines du stéréotype narratif (motifs obligés et thèmes identiques, péripéties finales attendues), des idées reçues (contenu moral, politique, idéologique en général, lourdement souligné), des clichés (épithètes de nature, « langue de bois » avec métaphores convenues).

3Après avoir rappelé d’une manière générale les relations existant entre formes répétitives figées et roman populaire, nous nous attacherons à examiner quelques cas de dénouements susceptibles de vérifier, voire de compléter ou de nuancer les remarques de notre première partie.

4Le roman populaire est censé remplir l’ultime clause du contrat de lecture particulier à la littérature bon marché de grande consommation, clause qui peut se résumer ainsi : l’achat du livre n’entraîne aucune obligation de consommation ultérieure réitérée. Ainsi, l’acheteur « en aura pour son argent » en matière de plaisir de lecture. On se souvient des formules ultra célèbres qui, inscrites dans la partie supérieure des premières de couverture de la série des Fantômas, rassuraient le futur lecteur : « Chaque volume forme un récit complet ». La pastille placée en bas à gauche de cette même couverture, en partie redondante, complétait cette clause en posant clairement les termes du contrat : « Le volume complet – 65 centimes ». En s’engageant sans équivoque sur la complétude du volume, donc sur une certaine forme de clôture du récit, l’éditeur informait le dénouement : un cahier des charges implicite contraignait l’auteur à écrire la fin de son roman selon certaines règles, dans certaines formes qui allaient forcément réapparaître d’une œuvre à l’autre. Qui dit procédé dit répétition. Les stéréotypes – au sens large du terme – sont présents dans le dénouement du roman populaire. Nous aurons l’occasion de le montrer infra à travers des études de cas. Mais il est important de noter que la nécessaire stéréotypie des dénouements est en relation étroite avec une certaine manière de concevoir la lecture, donc l’écriture, du roman populaire. Il nous semble en effet que la clôture liée à ce type de dénouement implique une écriture romanesque essentiellement narrative – nous l’avons déjà signalé – axée plus particulièrement sur le déroulement complet du code herméneutique et sur un discours monologique excluant toute ambiguïté finale. C’est de cela qu’est faite la clôture présente au dénouement. Sont éclaircis les mystères et résolues les énigmes qui avaient « noué » l’action. L’univers fictionnel ne recèle plus la moindre zone d’obscurité ou même de pénombre. L’ordre qui règne au sein de la diégèse reflète et confirme sans ambiguïté l’armature axiologique du roman. L’épuisement du dynamisme scriptural entraîne la disparition de l’intérêt romanesque, la dissipation de l’attention lectoriale, l’interruption du processus d’identification émotive et idéologique. Tous ces éléments constitutifs d’un « happy end », c’est-à-dire d’un dénouement apaisant lié à une sorte de satiété fictionnelle, constituent le stéréotype fondamental des fins de roman populaire.

5Ainsi, à de rares exceptions, dont une notable, examinée infra, le roman populaire « se termine bien ». Le lecteur assidu le sait, sans que pour autant, semble-t-il, cette répétitivité engendre chez lui le sentiment d’une désagréable monotonie : dans le cas contraire, le « marché » aurait dicté sa loi aux producteurs (auteurs, patrons de presse, éditeurs) de feuilletons, modifiant alors les formes romanesques. Dans son livre, Le Roman du quotidien, lecteurs et lectures populaires à la Belle Epoque1, Anne-Marie Thiesse analyse les réponses d’une enquête auprès de personnes âgées sur leurs habitudes et leurs réactions de lecteurs de feuilletons au début du siècle. Ses conclusions sont formelles : ces lecteurs appréciaient que ces œuvres se ressemblent, ils trouvaient du plaisir dans la répétition. Leurs commentaires, loin d’ériger l’originalité et l’invention littéraire en critères cardinaux d’appréciation des oeuvres, étaient sous-tendus par une esthétique de la reprise inlassable du même, c’est-à-dire sans doute, pour une part, du connu, du déjà-éprouvé2. Le plaisir du lecteur et la satisfaction du consommateur de fiction semblent donc passer par le cheminement le long d’une structure narrative et thématique stéréotypée laquelle, susceptible de variations superficielles diverses, comporte un certain type, répété d’une œuvre à l’autre, de dénouement.

6Le point d’arrivée est aussi celui où l’on sort de la fiction. Parce qu’il montre le plus souvent, et de manière superlative, le bonheur des protagonistes, il ponctue et ferme péremptoirement le récit en même temps qu’il achève le processus de consommation de l’objet commercial-livre. Il s’agit bien d’une fermeture absolue puisque l’état de bonheur est implicitement représenté, sauf exception, comme uniforme, immuable, atemporel et éternel, donc foncièrement impropre à faire l’objet d’une narration (« Les gens heureux… »), du moins d’une narration à la manière du roman populaire dans laquelle il faut qu’alternent moments angoissants et moments rassurants, rythme qui « secoue » la sensibilité du lecteur. Par ailleurs, ce type de dénouement est tout aussi indispensable à la clôture, emphatisée, de l’acte de consommation fictionnelle. Le « happy end » univoque, terme d’un type d’œuvres dans lesquelles l’intérêt romanesque procède pour l’essentiel de la narrativité, participe des mécanismes de « machines à lire3 » qui, idéalement, ne sont pas conçues pour être relues puisqu’il faut bien que le lecteur renouvelle régulièrement le geste de l’acheteur. Le dénouement du roman populaire pourrait alors apparaître métaphoriquement comme le fond d’un emballage rigoureusement vidé par la lecture (curiosité de connaître non pas tant la fin de l’histoire que la manière dont l’auteur pourra nous y conduire), vidé de son intérêt romanesque. Il faut alors lire une autre œuvre à la diégèse complètement indépendante de celle de la précédente, ou bien un autre volume appartenant au même cycle ou à la même série. Le lecteur n’a pas envie d’être surpris : le stéréotype à l’œuvre dans le roman de grande consommation et particulièrement dans son dénouement contribue parfaitement à l’obtention de ce résultat. Le lecteur éprouve le besoin de renouveler le même type de plaisir de lecture. Ce sont là quelques éléments qui permettent peut-être de mieux comprendre cette esthétique du même qu’a mise en lumière Anne-Marie Thiesse. On pourrait affirmer qu’à l’opposé le lecteur de romans de littérature difficile acquiert le goût et l’habitude du changement et de la surprise puisque ses préférences le portent vers des œuvres qui procèdent d’une recherche esthétique du renouvellement novateur.

7Le phénomène de répétition au cœur du stéréotype contribue largement à produire un effet de vraisemblable. Ici, ce terme renvoie à deux acceptions qui ne sont pas sans lien l’une avec l’autre. D’une part, sera « vraisemblable » tout ce qui est conforme aux représentations dominantes d’une époque et d’un lieu donnés. Le vraisemblable mime donc le vrai, naturalisant et universalisant ce qui n’est que construction idéologique à caractère provisoire. En tant que tel, il intervient dans l’acte de lecture comme un efficace moyen de mimesis. D’autre part, le vraisemblable, dans une autre acception qui est proche de la précédente parce que en relation causale avec elle, renvoie à la capacité d’un texte de reproduire fidèlement les traits du genre auquel il appartient4. La ressemblance de ce texte avec les textes lus antérieurement contribuera à renforcer l’effet de mimesis et la créance du lecteur.

8Autrement dit, et pour résumer : par un double mécanisme de superposition/confusion, identité de l’idée reçue et de la vérité (poncif idéologique) et conformité du texte à son genre par l’intertextualité (stéréotype narratif) contribuent à produire l’illusion référentielle par laquelle le lecteur oublie provisoirement qu’il lit (confusion lecture/réalité). Comme dans toutes les littératures de genre (pour employer un terme fréquemment employé aujourd’hui), ce processus joue un rôle important dans le roman populaire et intervient d’une manière très efficace au moment du dénouement.

9D’une manière générale, la répétition stéréotypique, par la relation figée entre signifiant, signifié et référent (cliché), entre un trait narratif (par exemple le « happy end ») et un genre, produit un effet d’effacement de la forme, du support de signification, contribuant à accréditer le sentiment d’une évidence ou d’une nécessité qui, comme telles, ne sauraient être remises en cause.

10Sont alors réunies les conditions pour que, au dénouement, en ce lieu où s’achève le texte, un discours explicite ou implicite délivre son ultime message, concentré et emphatisé. Du moins est-ce ainsi que « fonctionne » le roman populaire. Ce discours est le plus souvent conformiste et conservateur et ce, pour de multiples raisons. Tout autant que la nécessité de donner à lire des œuvres d’accès facile susceptibles d’atteindre sans le rebuter le plus large public, il s’agit de se trouver en harmonie avec l’opinion majoritaire, avec l’idéologie dominante – la littérature de grande consommation a fréquemment été accusée d’être immorale et subversive avant d’être accusée d’endoctrinement conservateur –, voire de ne pas attirer l’attention de la censure quand elle existe. Plus encore, sans doute faut-il prendre pour cible celui qu’Edgar Morin appelle « l’homme moyen », « le modèle d’une part idéal et abstrait, d’autre part syncrétiste et multiple auquel s’adresse la culture industrielle »5. Morin précise bien que cet « homme universel » est « […] l’homme imaginaire, qui partout répond aux images par l’identification ou la projection […] l’homme-enfant qui se trouve en tout homme, curieux, aimant le jeu, le divertissement, le mythe, le conte […]. Dans ce sens, l’homme moyen est une sorte d’anthropos universel6. »

11En s’adressant à cette partie de chaque individu, laquelle serait, selon Morin, commune à tout le genre humain, la littérature de grande consommation en général, le roman populaire en particulier, utilise le stéréotype comme un formidable outil de cohésion sociale. Peut-on exclure que cette dernière puisse être interprétée comme « une forme d’aliénation7 » ?

12On essaiera maintenant de vérifier, mais aussi de nuancer, à travers quelques exemples, la pertinence des remarques générales qui précèdent.

13Un excellent exemple du conformisme et du conservatisme du roman populaire pourrait être Le Maître de forges, de Georges Ohnet, paru en feuilleton dans Le Figaro en 1882. On verra, par l’examen du dénouement de cette œuvre, confronté au reste du roman et notamment à son début, comment les stéréotypes idéologiques donnent forme au mouvement général de l’action romanesque. On comprendra mieux ainsi la fonction essentielle de fermeture lénifiante du « happy end8 ».

14Pour que notre propos soit plus clair, nous empruntons à Lise Queffélec, auteur d’un « Que sais-je ? » sur le roman-feuilleton le début du résumé de l’œuvre :

Claire de Beaulieu, jeune aristocrate pleine de morgue nobiliaire, est délaissée par son cousin et fiancé, le duc de Bligny, qui lui préfère les millions de la jeune Athénaïs, fille d’un bourgeois fortuné et ridicule. Par dépit, Claire épouse aussitôt le maître de forges Philippe Derblay, beau et généreux héros, passionnément épris d’elle, qui, parvenu à la richesse par le travail et la capacité, est devenu la providence du pays. Mais, le soir des noces, Claire, qui dédaigne son mari, se refuse à lui. Philippe Derblay entreprend de reconquérir sa femme par un dédain courtois et une froideur calculée 9.

15Le roman se termine sur l’accord sentimental, enfin atteint, des deux époux : « […] leurs lèvres se touchèrent et, dans une extase inexprimable, ils échangèrent leur premier baiser d’amour10 ». Ce que le lecteur, que tout le texte incitait à s’identifier au maître de forges, peut considérer comme une sorte de retour à l’ordre, n’est autre chose que la restauration d’un ensemble de stéréotypes et d’idées reçues dont la mise en question au début du roman avait dynamisé la narration. Enonçons sans équivoque cette caractéristique fondamentale du roman populaire : son intérêt dramatique est lié pour l’essentiel à la mise en place des éléments fictionnels qui vont permettre aux personnages d’illustrer un ou plusieurs stéréotypes. Quand la situation sera parfaitement conforme à ces stéréotypes, le dynamisme dramatique du roman sera épuisé. Le roman populaire ne tient que par cette armature de situations convenues et d’idées reçues. Dans Le Maître de forges, Ohnet construit son univers romanesque à partir de la doxa politique de l’unité nationale11. Par ailleurs, il fait triompher une idée peu dérangeante sur les rapports homme-femme au sein du mariage. On verra comment les deux sont liées.

16Pour l’essentiel, le message idéologique de l’auteur, la vision politique présents en arrière-plan du roman sont les suivants : le conflit historique entre bourgeoisie et noblesse, entré dans sa dernière phase au début de la IIIème République, est parfaitement soluble, et doit l’être, en vertu du poncif idéologique de l’unité nationale indispensable à la Revanche12. Philippe Derblay, le maître de forges, incarne idéalement la méritocratie bourgeoise, sa science, sa compétence, sa volonté de réussir, sa rigueur morale assez austère. Il a épousé Claire de Baulieu, jeune aristocrate imbue des privilèges orgueilleux de sa caste13. Philippe aime sa femme, qui se refuse à lui. Comme on l’a vu, le dénouement ramènera la jeune femme vers un époux dont les vertus ne pourront plus la laisser indifférente. Cette harmonie conjugale in fine est la synecdoque, transposée au plan sentimental, de l’harmonie sociopolitique dont rêve sans équivoque le romancier. Conservatisme bourgeois et aspiration réactionnaire aristocratique y font bon ménage. Ohnet invite le lecteur à rêver au monde brillant mais déchu de la noblesse d’Ancien régime. Il sait cependant qu’il n’y a pas de retour en arrière possible et ses préférences politiques vont à l’évidence vers une république bourgeoise très conservatrice14 bien que méritocratique et ouverte à tous les talents, de quelque origine sociale qu’ils soient. C’est ce que théorise le frère de Claire de Baulieu, Octave, jeune aristocrate décidé à réussir par ses études et son travail, et présenté par l’auteur comme un personnage entièrement positif :

Tâchons de constituer une aristocratie dans la démocratie même. Pour y arriver, prenons la médiocrité comme niveau, et au-dessus d’elle mettons tout ce qui aura du mérite. Nous fonderons ainsi l’aristocratie du talent, la seule qui soit digne de succéder à l’aristocratie de naissance. (chap. 6, p. 581)

17Le personnage d’Octave de Baulieu intervient comme élément de l’appareil idéologique et démonstratif de ce qui peut apparaître comme un véritable roman à thèse : plusieurs « cas », avec leurs différences relatives, illustrent les préjugés idéologiques restaurés et confirmés par le dénouement. Cette variété superficielle est celle des trois couples mis en scène par l’auteur. Deux d’entre eux trouvent grâce à ses yeux. Outre celui des deux protagonistes, Claire et Philippe, le couple formé par Octave de Baulieu et Suzanne, sœur de Philippe, est promis au bonheur. En revanche, le troisième couple tient lieu de contre exemple et apparaît comme antagoniste de celui de Claire et Philippe tout en reproduisant, mais négativement, l’alliance aristocratie-bourgeoisie : le jeune duc Gaston de Bligny, cousin de Claire, débauché et ruiné, a épousé pour sa dot Athénaïs Moulinet, fille d’un parvenu aussi ridicule que son patronyme. Athénaïs joue les duchesses, manifeste à l’égard de Claire, son ancienne compagne de pensionnat, une jalousie odieuse et essaie de perturber les relations au sein du couple de cette dernière. Son mari le duc lui reproche ses manières qui « […] sentent la boutique à plein nez !15 ». On comprend donc que le critère de la mixité sociale aristocratie-bourgeoisie ne saurait à lui seul fonder le système axiologique du roman. Il existe des nobles incapables de s’adapter aux nouvelles valeurs de la république bourgeoise, mais aussi des nouveaux riches arrogants et vulgaires, incapables d’apprécier comme il se doit la distinction native (!) des aristocrates.

18Le bonheur d’un couple socialement mixte, image d’une société heureuse, est en fait lié à un autre critère procédant d’un stéréotype qui traverse tout le roman et contribue également, comme le confirme le dénouement, à construire la dynamique narrative de l’œuvre. Comment expliquer l’échec du couple « mixte » Bligny-Moulinet en regard de la réussite du couple (également « mixte ») Octave de Baulieu-Suzanne Derblay ? Il faudrait pour cela revenir au premier chapitre dans lequel est évoquée brièvement la manière dont sont éduqués les deux enfants de la marquise de Bligny :

Octave et Claire grandirent, élevés par leur mère. L’héritier gravement, et de façon à devenir un homme utile. La fille délicatement, pour qu’elle fût le charme de l’existence de celui qu’elle viendrait à aimer16.

19On comprend rétrospectivement que le drame de la mésentente entre le maître de forges et son épouse tient en ceci que cette dernière avait refusé de se conformer au stéréotype moral de l’épouse aimante et docile vouée au bonheur de son seigneur et maître. Ce stéréotype est illustré par le dénouement au cours duquel, à la dernière ligne du roman, « […] ils échangèrent leur premier baiser d’amour17. » Mais cette fin heureuse n’est compréhensible et cohérente par rapport à l’axiologie du récit que si l’on prend en compte une phrase de l’avant-dernier chapitre : « La femme altière qui l’[Philippe] avait si rudement repoussé s’était fondue en une femme humble, tendre et dévouée18. »

20On voit ainsi comment la confirmation (ou la restauration) du stéréotype ferme le récit. Les idées reçues excluent le dialogisme, elles ont l’autorité que leur confère la doxa. Si l’on ajoute à cela qu’au plan de la forme, la présence des clichés connote l’impossibilité d’une expression alternative, on ne s’étonnera pas que Le Maître de forges s’achève sur la mention de l’« extase inexprimable19 » qui s’empare des deux époux quand leurs lèvres se touchent pour la première fois…

21Pour évoquer La Porteuse de pain (1884) de Xavier de Montépin, nous utilisons de nouveau le début du résumé de l’œuvre, rédigé par Lise Queffélec :

Injustement condamnée et emprisonnée pour un crime qu’elle n’a pas commis (le meurtre de son patron, l’ingénieur Labroue, et l’incendie de son usine), Jeanne Fortier devient folle, tandis que le vrai coupable, le contremaître Jacques Garaud, fait fortune en Amérique, où il s’est enfui, grâce aux plans volés à l’ingénieur Labroue. Vingt ans plus tard, Jeanne retrouve la raison fortuitement et part à la recherche de ses deux enfants, Georges et Lucie. A Paris, où elle a perdu leurs traces, elle prend l’identité de Maman Lison, porteuse de pain, pour les retrouver.

22Le dernier chapitre du roman raconte les circonstances dans lesquelles le criminel Jacques Garaud est démasqué et arrêté avec son complice, ce qui entraîne la mise en liberté provisoire de Jeanne Fortier, la porteuse de pain. Dans le prolongement de cette scène (« Une demi-heure plus tard […]20 »), est évoquée brièvement la mort de Mary, fille du criminel et rivale en amour de Lucie, la fille de Jeanne. Les quelques paragraphes qui suivent et qui achèvent le roman constituent un épilogue à part entière : « décrochés » chronologiquement de ce qui précède (« Trois mois après ce jour terrible […]21 »), ils informent rapidement le lecteur sur les derniers développements du récit et sur le sort des personnages, y compris les seconds rôles. Cet épilogue n’étant lié à aucun enjeu narratif réel, on peut s’interroger sur sa fonction au sein d’un univers textuel dans lequel l’intérêt dramatique est essentiel.

23Dans La Porteuse de pain, comme dans bien d’autres romans populaires, il nous semble que l’épilogue mime la rigueur, l’exigence d’exhaustivité, la clarté monologique d’un discours de type juridique. Nous avons pu parler ailleurs, à propos du dénouement de ce roman, d’apurement du contrat narratif22. Peut-être faudrait-il corriger ou nuancer la formule. Sans doute les dernières pages du roman s’attachent-elles avec application à résorber les derniers « trous noirs » du récit, à satisfaire complètement la curiosité du lecteur. En ce sens, le texte se clôt sur le plan narratif. Mais, au-delà, la fermeture est également discursive et idéologique. Fermeture absolue des menaces virtuelles contre l’avenir des personnages positifs : la mort de Mary lève l’hypothèque qui pesait sur l’amour existant entre Lucie Fortier et Lucien Labroue, et entraîne le suicide de son père. Le complice de ce dernier, Ovide Soliveau, est condamné aux travaux forcés à perpétuité. On voit combien est systématique et rigoureuse la justice qui sourd de l’épilogue. Sans nuances, elle accorde aux héros le bénéfice d’un bonheur dont l’évidence ne peut se passer des clichés : Lucie et Lucien « s’adorent et sont aussi complètement heureux qu’on puisse l’être ici-bas23 ». Notons d’ailleurs que l’excès même, caricatural, laisse planer un soupçon de distance ironique sous la plume de l’auteur. Il n’en reste pas moins que le cliché lénifiant de « l’amour toujours », complémentaire de l’élimination définitive des menaces pesant sur le bonheur des héros, est sous-tendu par l’aspiration rassurante à un état atemporel qui ne laisse aucun recours au romancier. Le bonheur est absolu et éternel, bloquant définitivement la poursuite du récit : clichés (signifiants figés) et idées reçues (représentations dominantes) évacuent toute velléité de débat, de contestation d’un univers convenu qui a pris les apparences fallacieuses de la naturalité et qui, le temps de la lecture, a permis au lecteur, réellement dupe ou simplement feignant de jouer le jeu, de se rassurer.

24Il faut bien que le lecteur-consommateur en ait pour son argent, mais pas plus. Le dénouement et ses stéréotypes remplissent aussi cette fonction commerciale. Bonheur, clôture. Ni récit, ni discours possibles au-delà.

25Le dénouement du roman populaire a donc un caractère péremptoire24 par cela même qu’il se construit sur un ensemble de stéréotypes narratifs dont la répétition a créé une sorte de jurisprudence des règles de l’écriture romanesque, et sur un corpus d’idées reçues qui, outre leur pseudo pertinence extralittéraire, en deçà de tout débat, interviennent stratégiquement au terme du récit. C’est peut-être dans le dénouement qu’apparaît de la manière la plus flagrante le monologisme du roman populaire, son « prêt-à-penser », la représentation du monde, non susceptible de discussion, qu’il tente d’imposer au lecteur. Le Bossu (1857), de Féval, en fournit un excellent exemple, notamment par la présence en arrière-plan d’une morale et d’une métaphysique banalisées et simplifiées à l’extrême.

26Chez Féval, plus encore que chez la plupart des romanciers populaires qui en usent et en abusent parce que cela fait consensus en France au 19ème siècle, le stéréotype de la remise en ordre de l’univers romanesque trouve sa légitimité dans sa culture et sa foi chrétiennes. Fervent catholique, l’auteur du Bossu ne trahit donc pas ses croyances religieuses quand il convoque la justice divine pour achever son roman selon les normes feuilletonesques : il se contente de se glisser dans le moule, la référence à Dieu ayant alors la discrétion d’un cliché. Conventionnellement, comme si c’était dans l’ordre des choses, Lagardère tient donc l’emploi du héros instrument de la justice divine. A son arrivée devant le tribunal qui va le condamner pour le meurtre du duc de Nevers, Lagardère apparaît « […] beau comme le Christ, entouré de soldats et les mains liées sur sa poitrine25. » C’est lui-même qui revendique le rôle de bras armé de Dieu : « – Une épée, au nom de Dieu, une épée ! 26 » Donnant à l’ultime duel du roman sa signification explicite de « jugement de Dieu27 », il est « transfiguré tout à coup28 ». Dès cet instant, d’une manière cohérente avec le rôle que le romancier prête à son héros, le duel avec le traître Gonzague ne donne plus lieu à aucun échange d’attaques, d’esquives et de parades, et l’épée guidée par Dieu tue instantanément29.

27Cette remise en ordre par la puissance divine prend aisément chez le conservateur Féval les formes du retour au point de départ par un mouvement à tendance circulaire. Dans le dénouement du Bossu, lieux et objets, actes des personnages le montrent de façon tangible, allégorique. Le dernier affrontement entre le héros et le traître a lieu dans la chapelle qui abrite le tombeau du duc de Nevers assassiné par Gonzague. Le « jugement de Dieu » n’intervient que lorsque Lagardère s’est emparé de l’épée du traître :

– Monseigneur répliqua Lagardère, cette épée a frappé Nevers ; je la reconnais… Cette épée va punir l’assassin de Nevers !30

28 Enfin, après le châtiment, le retour à l’ordre est parachevé par la clausule : la voix du régent annonce la résurrection symbolique de Nevers en la personne de Lagardère31. Retour à l’ordre, quasi retour au point de départ, à la situation initiale : ce stéréotype fondamental du roman populaire qui tend à rassurer le lecteur reste néanmoins encadré par les règles d’un vraisemblable réaliste proscrivant une résurrection effective. L’écriture du conte de fées l’aurait autorisée…

29Que le roman populaire, comme le conte de fées, soit un genre « rassurant » n’entraîne pas obligatoirement qu’il se termine par un dénouement heureux. Sans doute la représentation d’un paroxysme de malheur est-elle susceptible de plaire par son excès même, de produire un effet de miroir grossissant générateur d’une sorte de délectation morbide. Mais elle peut également rassurer, donc produire une autre forme de satisfaction chez le lecteur, si elle illustre une idée reçue, si elle restaure un stéréotype, comme nous l’avons vu supra en étudiant Le Maître de forges. Qu’un roman s’achève en mettant en scène le comble du malheur peut satisfaire le lecteur conformiste si une certaine morale y trouve son compte. C’est le cas de ce livre exceptionnel par le succès qu’il obtint lors de sa parution en 1842-1843, Les Mystères de Paris.

30Au terme de la Dixième partie, le dernier chapitre (Chap. III, « Le Doigt de Dieu ») raconte la mort du Chourineur, poignardé par le Squelette, et évoque le pressentiment qui frappe Fleur-de-Marie, reconnue par l’Ogresse. Rodolphe et sa fille quittent Paris « pour jamais32 ». La tonalité sombre de ces dernières pages ne clôt pas le livre, mais au contraire ouvre la possibilité d’un « Epilogue » que Sue développe en 8 chapitres33, le dernier s’intitulant : « Dernier chapitre – le 13 janvier ».

31Cet ensemble soigneusement construit sur le plan de la chronologie, décalé de quinze mois par rapport au départ de Paris de Rodolphe34, est homogène et cohérent par son cadre, le Grand-duché de Gerolstein, et son sujet, l’histoire sentimentale, qui s’achève tragiquement, du prince Henri d’Herkaüsen-Oldenzaal et de la princesse Amélie de Gerolstein, alias Fleur-de-Marie. Essayons de proposer quelques hypothèses permettant de comprendre les choix d’Eugène Sue lors de l’élaboration de la dernière partie de son roman.

32Le romancier a exclu un possible dénouement heureux dans lequel Rodolphe et ses deux protégés, le Chourineur et Fleur-de-Marie, auraient quitté définitivement Paris pour rejoindre l’idyllique grand-duché de Gerolstein. Ce dénouement sans nuance aurait parfaitement cadré avec les stéréotypes narratifs et moraux du roman populaire : les personnages principaux, criminel régénéré moralement ou victime innocente étaient récompensés, ainsi que les personnages secondaires (Rigolette et Germain). Les méchants (Chouette, Maître d’école etc.) avaient préalablement été punis. Dans cette perspective de justice distributive rappelant le dénouement de La Porteuse de pain (cf. supra), le romancier pouvait faire l’économie de l’épilogue.

33Sue aurait pu adopter une solution différente qui, tout en faisant passer la mort du Chourineur au chapitre des profits et pertes, donnait au lecteur un « Epilogue » globalement heureux : amour partagé d’Amélie et d’Henri, le jeune prince ayant la grandeur d’âme de pardonner à la fille de Rodolphe son passé « déshonorant » dans les bas-fonds parisiens.

34A l’inverse, les choix effectifs de Sue sont susceptibles de frustrer le lecteur attendant le « happy end » convenu du roman populaire. Et ce, d’autant plus que l’épilogue amorce une possible romance dans la caste privilégiée d’un royaume allemand gouverné par un grand-duc idéalement attentif au sort des déshérités. Mais les choses tournent mal in fine. Le chourineur était mort au dernier chapitre, Fleur-de-Marie meurt aussi au terme de l’ « Epilogue », laissant Rodophe écrasé par le chagrin… Le juriste Bernard Vareille, qui a étudié le discours social, judiciaire et pénal de Sue dans ce roman, observe :

[…] un thème qui n’est guère novateur se répète tout au long de l’ouvrage, de manière insensible mais insistante ; celui de la rétorsion, que l’on appelle de façon approximative la loi du talion (Lévitique, XXIV, 19-20). Rodolphe le parricide verra mourir sa fille retrouvée. Le Chourineur sera suriné. Le notaire Ferrand, débauché, se consumera de désir pour la diabolique Cecily ; avare, il sera ruiné […]35.

35Cette analyse confirme l’usage d’un cliché narratif du roman populaire, destiné à satisfaire chez le lecteur le besoin fantasmatique de compensation des déséquilibres ou des scandales initiaux. Une sorte de retour à l’ordre, comme nous en avons trouvé divers avatars dans les analyses supra. Cependant, le plus souvent, ce retour à l’ordre réconforte le lecteur en lui offrant l’image du bonheur (sur le modèle de La Porteuse de pain). Dans Les Mystères de Paris, c’est l’inverse. Bernard Vareille considère par ailleurs qu’en matière de châtiment légal, Sue fait des « propositions rétrogrades », imaginant des « sanctions impitoyables36 ». Fallait-il que le hasard, manipulé par l’auteur, fasse mourir le Chourineur ? Le motif du mauvais sujet repenti et finalement récompensé est fréquent dans les dénouements des romans populaires, quand il n’est pas au cœur même de l’intrigue. Pourtant, dans ce processus d’inversion du stéréotype du retour à un ordre heureux, le cas de Fleur-de-Marie, qui décède à la fin du roman, est celui qui nous trouble le plus. Pour le lecteur d’aujourd’hui, Fleur-de-Marie, alias « la Goualeuse », alias Son Altesse Amélie de Gerolstein, alias Sœur Amélie n’est rien d’autre qu’une victime totalement innocente. En la faisant mourir en odeur de sainteté, Eugène Sue nous apprend deux choses, sur ses idées, sur le roman populaire. D’une part, ce dénouement fait apparaître les limites, voire le peu de consistance du réformateur social qu’une partie du lectorat de l’époque avait cru voir en lui37. On avait pu penser qu’il envisageait des solutions humaines et institutionnelles, au moins pragmatiques, aux misères et aux injustices d’ici bas. En réalité, mélangeant discours politique et discours moral, il délègue à Dieu ( !) le pouvoir de rendre justice à l’infortunée Fleur-de-Marie38… D’autre part, on peut se demander si, dans l’esprit de l’auteur, il était bien moral, et supportable pour le public du roman populaire39, de mettre en scène le bonheur d’un couple princier dans lequel la jeune épouse était une ancienne prostituée40. Ce dénouement transgressif, beaucoup plus contraire à la doxa et aux règles d’un genre très conformiste et conservateur que le fait de renoncer au « happy end », Sue n’a sans doute pas osé l’écrire. La tonalité sombre du dénouement des Mystères de Paris rompt certes avec le stéréotype de la fin heureuse mais, ce faisant, va dans le sens de celui du retour à l’ordre, celui de la morale catholique de l’époque41. On fait pleurer Margot, certes, mais on ne la choque pas, on ne la trouble pas dans ses idées reçues sur la « pureté », considérée comme définitivement perdue, d’une jeune femme.

36On l’a vu, le dénouement des romans populaires étudiés contribue à la restauration d’un poncif idéologique ou moral. Par là même, le trajet narratif et idéologique affecte un mouvement quasi circulaire : l’ordre qui prévalait au début du roman est rétabli, ou bien le désordre est compensé, au moins symboliquement. Par leur nature même, les formes répétitives figées (stéréotypes narratifs, idées reçues, clichés) évitent au lecteur de s’interroger sur une écriture romanesque facile qui, ici, mime la naturalité. Partant, le contenu idéologique semble peu susceptible de discussion. Le dénouement est alors le lieu du récit dans lequel sont assénées des « vérités » rien moins qu’incontestables. Péremptoire, clos, le dénouement est sans doute le moment où se révèle de la manière la plus forte le monologisme du roman populaire.

37Le mécanisme de fermeture stéréotypée du dénouement du roman populaire présente par ailleurs une particularité liée aux divers avatars de la répétition ou de la sérialité de la littérature de grande consommation. La structure de quasi circularité d’un roman permet de répéter indéfiniment à coût relativement modique d’invention et d’écriture romanesques (types de personnages, de décors, de situations) les éléments d’un cycle et surtout d’une série. Mais l’examen du dénouement en tant que pièce importante du mécanisme de reproduction sérielle mériterait de faire l’objet d’une autre communication…

Notes de bas de page numériques

1 Le Chemin vert, 1984.
2 « L’esthétique populaire est une esthétique de la répétition et de la conformité, qui n’est conformiste que dans la mesure où tout élément insolite y est tenu pour incongru dans l’univers préalablement délimité des possibles. » (Anne-Marie Thiesse, Le Roman du quotidien, lecteurs et lectures populaires à la Belle Epoque, p. 49).
3 Pour reprendre le titre d’un essai de Thomas Narcejac : Une Machine à lire : le roman policier, Denoël/Gonthier, 1975.
4 Cf. la revue Communications n° 11, 1968, dossier « Le vraisemblable », Seuil.
5 Cf. Communications n° 1, 1961, article : « L’industrie culturelle », p. 56, Seuil. Ce texte a été recueilli dans l’ouvrage L’esprit du temps, Essai sur la culture de masse, Grasset, 1962.
6 Communications n° 1, 1961, article : « L’industrie culturelle », p. 56, Seuil, op. cit.
7 Cette expression, appliquée en réalité à la littérature de colportage, est empruntée à Robert Mandrou (De la Culture populaire aux 17ème et 18ème siècles, La Bibliothèque bleue de Troyes, [1 ère édit. en 1964], réédition chez Imago, 1999, p.181). Mandrou considère (p. 179) que « la bibliothèque troyenne cultive le conformisme social » et s’autorise une mise en perspective historique défendant la thèse d’une sorte de continuité idéologique entre le colportage, la presse et l’édition du 19ème siècle et l’époque contemporaine : « Ce temps du quotidien et de l’hebdomadaire, de l’imagerie d’Epinal et de l’almanach Vermot, nous apparaît maintenant comme un relais, une transition : entre l’Ancien Régime culturel (si l’on peut dire) et notre temps, où le cinéma, la radio, la télévision et le livre de poche constituent les supports de ce qu’il est convenu d’appeler la culture de masse du 20ème siècle. » (pp. 194-195)
8 « LENIFIANT, IANTE […] 1. MED. Qui lénifie. => calmant, lénitif. 2. FIG. Qui calme, apaise (en général en trompant). Propos lénifiants. – Un climat lénifiant, qui ôte toute énergie. CONTR. Irritant. » (Petit Robert, Dict. de la langue française).
9 Lise Queffélec, Le Roman-feuilleton français au XIXe siècle, « Que sais-je ? », P.U.F., 1989, pp. 87-88.
10 Mélos, Présentation et dossier historique de Claude Aziza, coll. « Omnibus », Presses de la Cité, 1992, p. 730.
11 Sur ce point, cf. les articles suivants : Angels Santa d’Usall, « Individu et société dans l’univers romanesque du Maître de forges de G. Ohnet », in Le Roman sentimental (Ellen Constans, dir.), P.U. de Limoges, 1990, tome 1 ; Jean-Claude Vareille, « Georges Ohnet : amour et société », ibid., tome 2. 
12 « En ces années 1880 le roman sentimental ou populaire, qu’il soit de Decourcelle, Mérouvel, Richebourg ou Ohnet, illustre largement, avec les moyens qui lui sont propres, l’idéologie quasiment officielle de l’unité nationale et de la conciliation des classes, nécessaire pour préparer la Revanche et consolider la République naissante. » (J.-Cl. Vareille, « Georges Ohnet : amour et société », p. 54).
13 « Il [Philippe Derblay] est rude comme tout ce qui émane du peuple, et cela vous [Claire de Baulieu] choque. Vous êtes fière comme tout ce qui tient à la noblesse, et cela le froisse. » (Chap. 15, p. 684)
14 Ohnet désapprouve et méprise les révolutionnaires de 1848 qui, « […] électrisés par les tirades socialistes de quelques meneurs, se mirent en tête de récompenser la généreuse assistance que leur donnait le marquis en saccageant son château. » (chap. 1, p. 517)
15 Le Maître de forges, chap. 15, p. 689.
16 Le Maître de forges, chap. 1, p. 518.
17 Le Maître de forges, chap. 19, p. 730.
18 Le Maître de forges, chap. 18, p. 717.
19 Le Maître de forges, chap. 19, p. 730.
20 La Porteuse de pain, in Mélos, coll. « Omnibus », Presses de la Cité, 1992, p. 508. Toutes nos références au roman renvoient à cette édition établie et présentée par Claude Aziza.
21 La Porteuse de pain, p. 509.
22 Introduction à la paralittérature, coll. « Poétique », Seuil, 1992, p. 118.
23 La Porteuse de pain, « Omnibus », p. 509.
24 « PEREMPTOIRE […] Qui détruit d’avance toute objection ; contre quoi on ne peut rien alléguer, rien répliquer. » (dict. Robert)
25 Le Bossu, in Le Bossu, Le roman de Lagardère de Paul Féval père et fils (présentation de Claude Aziza), coll. « Omnibus », Presses de la Cité, 1991, p. 692. Toutes nos références renvoient aux deux derniers chapitres dans cette édition. « – Ceux qui sont dans la tombe ne parlent pas, dit Gonzague. – Ils parlent quand Dieu le veut ! répliqua Lagardère. » (p. 694) Lagardère, toujours : « – Dieu a mis vingt ans à déchirer le voile. Dieu ne voulait pas que la voix du vengeur s’élevât dans la solitude. Dieu a rassemblé ici les premiers du royaume présidés par le chef de l’Etat ; c’est l’heure. » (p. 696). On se souvient peut-être que la porteuse de pain s’écriait au dénouement du roman de Montépin : « Ah ! Dieu est bon ! » (« Omnibus », p. 509).
26 Le Bossu, p. 697.
27 Le Bossu, p. 704.
28 Le Bossu, p. 705 (c’est la dernière page du roman).
29 « Le dénouement de Féval entre tout à fait dans les conventions du roman populaire : il est rapide et heureux », note Ellen Constans dans son édition du Bossu, GF Flammarion, 1997, p. 813.
30 Le Bossu, « Omnibus », p. 704.
31 « – Comte de Lagardère, le roi seul, le roi majeur, peut vous faire duc de Nevers. », Le Bossu, p. 705.
32 Les Mystères de Paris, édition établie par F. Lacassin, coll. « Bouquins », Robert Laffont, 2003, p. 1245.
33 61 pages sur les 1277 que comporte le roman dans la collection « Bouquins ». Même si cette œuvre dans son ensemble est très longue, on peut observer que, dans l’absolu, peu de romans s’achèvent sur une partie conclusive aussi importante quantitativement !
34 Cette précision nous est fournie par une note de bas de page de l’auteur lui-même (« Bouquins », p. 1247).
35 Bernard Vareille, « Crime et châtiment dans Les Mystères de Paris d’Eugène Sue », in Crime et châtiment dans le roman populaire de langue française du XIXe siècle (E. Constans & J.-Cl. Vareille, dir.), Pulim, 1994, pp. 227-228.
36 Bernard Vareille, « Crime et châtiment dans Les Mystères de Paris d’Eugène Sue », pp. 226-227. Rodolphe, « justicier » implacable, condamne le Maître d’école à l’aveuglement afin que, devenu inoffensif, il puisse, dans la nuit qui va désormais l’entourer, se repentir (Première partie, chap. XXI : « La Punition »).
37 Pour Marx, dans La Sainte Famille (1845), le discours de Sue est mystificateur.
38 La présence de Dieu se fait sentir également par le stéréotype narratif des dates fatidiques (Dictionnaire Robert : « FATIDIQUE […] qui révèle les arrêts du destin. ») : Fleur-de-Marie meurt un 13 janvier, date à laquelle, dans le passé, Rodolphe avait tiré l’épée contre son père (Les Mystères…, « Bouquins », p. 1293).
39 Les lecteurs de Sue réagissent, lui donnent des conseils, expriment des désirs quant à l’évolution de l’intrigue des Mystères de Paris. Cf. la Préface de l’édition « Bouquins », par F. Lacassin, et les informations qu’elle contient sur ce point.
40 Interrogeant les lecteurs de romans populaires de la Belle époque, Anne-Marie Thiesse observe : « Ce qui est en effet manifesté par les intéressés, c’est avant tout un sens et un respect des convenances sociales et sexuelles selon lesquelles un certain type de sujet est correct ou incorrect pour un lecteur déterminé. » (Le Roman du quotidien, lecteurs et lectures populaires à la Belle Epoque, p. 43).
41 A noter que Sue, catholique sincère – si l’on en croit le discours qui sous-tend le dénouement des Mystères de Paris –, n’en sera pas moins violemment anti-clérical dans Le Juif errant (1844-1845).

Pour citer cet article

Daniel Couégnas, « Dénouement et stéréotypes dans quelques romans populaires français du XIXe siècle », paru dans Loxias, Loxias 17, mis en ligne le 11 mai 2007, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=1637.


Auteurs

Daniel Couégnas

Maître de conférences de littérature générale et comparée à l'Université de Nantes, HDR en langue et littérature françaises ; animateur de 1980 à 1992 des Cahiers de l'Imaginaire, revue d'analyse des paralittératures. Auteur de Introduction à la paralittérature, Seuil, 1992, « Poétique » ; Le roman historique, récit et histoire (co-dir. avec D. Peyrache-Leborgne), Editions Pleins feux et U. de Nantes, 2000 ; Fictions, Enigmes, Images, PULIM, 2001, « Médiatextes » ; Poétiques du roman d'aventures (co-dir. avec A.-M. Boyer) Edit. Cécile Defaut, Nantes, 2004 ; Seconds rôles et comparses dans le récit de grande consommation (dir.), Revue en ligne Belphegor, Dalhousie University, Nelle Ecosse, Canada, 2006 ; et de nombreux articles sur les littératures romanesques populaires.