Loxias | 67. Autour des programmes d'agrégation 2020 | I. Autour des programmes d'agrégation 2020 |  Agrégation de Lettres 

Mohamed Semlali  : 

Poète et politique dans la comédie d’Aristophane

Résumé

Le théâtre d’Aristophane est le fruit d’une conjonction quasi indéfectible entre l’engagement politique du dramaturge qui déclare ouvertement son refus des choix du parti populaire (Cléon entre autres) et son engagement esthétique puisqu’il défend une comédie qui est à la fois divertissante par ses inventions et militante par les sujets d’actualité qu’elle met en scène. Le poète, dans l’imaginaire d’Aristophane, est un agent essentiel de la démocratie ; il est à la fois le "purificateur" qui défend la Cité contre les monstres, et l’empêche, tel le taon de Socrate, de dormir sur ses lauriers, mais il est aussi le "générateur" qui cultive et sème les bonnes idées parmi ses concitoyens. Aristophane consacre presque toutes ses comédies à la satire de la guerre du Péloponnèse et aux dysfonctionnements de la démocratie (la manie des procès, la sycophantie, la corruption, etc.) Pourtant, au fil des années, Aristophane devient de plus en plus sceptique quant à la possibilité d’instaurer une paix durable, il consacre alors plusieurs comédies (Les Oiseaux, Les Femmes à l’Assemblée, Lysistrata) à l’élaboration d’une utopie politique et sociale qui critique le réel décevant en lui faisant subir une distorsion et en lui substituant un rêve de paix et de prospérité.

Index

Mots-clés : Aristophane , démocratie, engagement, poésie, utopie

Plan

Texte intégral

« Je vais pourtant parler devant les Athéniens de politique, en pleine trygédie1 » (Les Acharniens, 34)

1. Le contexte historique

1Le Ve siècle avant Jésus-Christ est la période la plus florissante de l’Antiquité grecque et la plus riche en termes de productions philosophiques, artistiques et littéraires, mais aussi en termes d’événements politiques majeurs. Dans cette période marquée par la guerre, le miracle grec prend ses racines dans les victoires éclatantes remportées par la jeune démocratie athénienne contre la Perse à Marathon (-490) et à Salamine (-480), des victoires qui consolident l’identité et le sentiment national grec comme en témoignent quelques tragédies d’Eschyle (Les Perses), celui-ci étant l’un des modèles esthétiques de la tradition littéraire si chère à Aristophane. Revigorée par ses réussites militaires et désireuse de contrer toutes éventuelles incursions futures des Perses dans son espace vital, Athènes, devenue la principale puissance dominante du monde grec et la plus importante force maritime, consolide son nouveau statut hégémonique en dirigeant la ligue de Délos. Progressivement, le rapport entre Athènes et ses alliés change de nature. Le trésor de la ligue a été transporté de l’île de Délos à Athènes et déposé au sein du Parthénon qui domine l’Acropole. D’alliées, les autres cités se sont transformées en cités vassales soumises à la domination militaire, politique, financière et culturelle d’Athènes à laquelle elles paient le tribut pour le maintien de sa puissance militaire et de son impérialisme. Des rivalités ne pouvaient qu’éclater au sein de cette ligue comme en atteste la révolte de Samos en -440 qui a été écrasée par Périclès. Les cités qui étaient en dehors de la ligue de Délos, comme Mégare et Corinthe, avaient de plus en plus de raisons de craindre la puissance grandissante d’Athènes, aussi avaient-elles rejoint Sparte, la puissante cité lacédémonienne, qui était décidée à rétablir l’équilibre des forces, à contrer l’hégémonie athénienne en formant et en dirigeant la ligue du Péloponnèse. Une confrontation des deux ligues était devenue inévitable, surtout après l’embargo économique exercé par Athènes contre Mégare, cité alliée de Sparte qui se trouvait aux frontières de l’Attique et qui était accusée d’offrir le refuge aux esclaves fugitifs d’Athènes2.

2. Le théâtre comme conjonction de la politique et de l’esthétique

2C’est dans ce contexte particulièrement mouvementé et dense en événements que la comédie ancienne, dont Aristophane est le principal représentant, s’est épanouie et s’est développée. La comédie et la tragédie comme la philosophie et la rhétorique étaient, en tant qu’exercices publics de la parole, profondément ancrées dans la jeune démocratie athénienne. À côté de l’Agora et du Pnyx où se déroule l’Assemblée du peuple, l’Orchestra était aussi un lieu hautement politique financé par les citoyens. La particularité de la comédie ancienne réside dans la force et la virulence avec laquelle elle s’en prend à tous les postes de responsabilité, à toutes les personnalités au pouvoir, y compris aux hommes politiques, aux juges et aux généraux, critiquant tout dysfonctionnement qui se rapporte à la gestion des affaires politiques, économiques et administratives de la cité. Le théâtre n’avait pas seulement une fonction divertissante et festive ; en plus de sa fonction religieuse, il constituait un pouvoir de contrôle et un instrument de questionnement politique. On n’hésitait pas à dénoncer publiquement, en présence des intéressés, tout ce que le dramaturge considère comme une infraction au comportement civique ou comme un abus de pouvoir à des fins individuelles. La comédie s’est transformée en un lieu de règlement des comptes dirigé contre ceux qu’Aristophane appelle la canaille, c’est-à-dire ces politiciens prolétaires et véreux qui agissent quelque temps en honnêtes gens avant de devenir des corrompus du pouvoir, s’enrichissant sur le dos de Démos et complotant contre ses intérêts. Par sa forme même, ses rituels et sa structure, la comédie ancienne devient le lieu d’une violente satire politique à laquelle se développe une réflexion esthétique sur l’originalité des moyens dramaturgiques employés, sur le courage du dramaturge qui ose aborder des questions d’actualité épineuses et embarrassantes en s’attaquant aux personnalités politiques influentes, ne cherchant que le seul bien de la cité, là où d’autres dramaturges préfèrent la facilité d’un rire à moindre coût, d’un rire sans engagement politique.

3Dans chacune des comédies anciennes d’Aristophane, la parabase et l’agôn sont le lieu où se déroule une double lutte : une lutte artistique pour obtenir le premier prix des concours organisés lors des fêtes dionysiaques urbaines ou agricoles, et une lutte politique contre des adversaires et des dirigeants puissants comme Cléon, Hyperbolos et autres personnages influents de la Cité. La parabase, rituel spécifique de la comédie antique et plus particulièrement de la comédie ancienne, est le moment où se concrétise de manière évidente la conjonction entre le message artistique et le message politique. Au cours de ce rituel, le jeu dramatique proprement dit est momentanément suspendu ; le coryphée s’adresse directement au public, au nom du dramaturge, pour lui passer le double message politique et esthétique de la pièce. C’est là que le dramaturge défend ses choix esthétiques, l’originalité de ses procédés et le courage avec lequel il représente les affaires de la cité et les préoccupations de ses compatriotes, critiquant au passage les pièces de ses adversaires, invitant, au final, les spectateurs à voter pour lui ; c’est là également qu’il joint à son plaidoyer un réquisitoire politique et social où il dénonce les dysfonctionnements de la cité et les défauts des politiciens qui sont chargés de la gérer. Comme le souligne bien le Coryphée au début de la parabase des Grenouilles, ce rituel dramaturgique est aussi le lieu où la comédie antique revendique une fonction propédeutique et didactique : le dramaturge s’adresse à ses concitoyens comme un donneur de leçons. Le théâtre devient un lieu d’apprentissage et de mobilisation : « il est juste, dit le Coryphée des Grenouilles, que le chœur sacré donne aussi à la Cité de bons conseils et d’utiles leçons3 ». La parabase tournait fréquemment en diffamation publique puisque la loi de la cité ne défendait contre ces attaques acerbes que les morts. C’est, d’ailleurs, ce qui a amené Cléon en personne, le puissant démagogue de la cité, à menacer Aristophane de le traîner devant les tribunaux, notamment après la satire acerbe dont le stratège a été victime dans Les Cavaliers.

4Comme la parabase, l’agôn, qui désigne à la fois un combat, un débat, un concours ou un procès, est un autre moment fort de la comédie ancienne où se confrontent dans un corps à corps verbal deux discours ou deux visions antagonistes. La joute verbale est chaque fois couronnée par la victoire du camp le plus fort et le plus convaincant. Sans briser l’illusion dramatique comme la parabase, l’agôn est un rituel qui permet au dramaturge de mettre en avant une vision politique ou esthétique ou les deux à la fois. On peut évoquer, à titre d’exemple, l’affrontement, dans Les Guêpes, entre le vieux Philocléon et son fils Bdélycléon (VomiCléon) dont les deux noms les destinent déjà à se heurter puisque le père, amoureux des procès et des tribunaux, est convaincu que sa fonction de juge et les oboles qu’elle lui rapporte lui donnent un pouvoir immense et une valeur certaine dans la société, alors que son fils, plus convaincant, parvient à démontrer que les juges (dicastes ou héliastes) d’Athènes ne sont que des esclaves de Cléon qui a su les acheter pour consolider son pouvoir en leur cédant ses restes misérables. Lysistrata nous offre un autre exemple d’un affrontement entre le protagoniste éponyme et le Commissaire athénien ; ce combat langagier est soldé par une victoire éclatante de la sagesse féminine favorable à un prompt retour de la paix sur le discours belliciste des mâles. Dans l’agôn des Nuées, la victoire momentanée de la nouvelle éducation sur l’ancienne permet à Aristophane de louer les vertus de l’éducation traditionnelle et de critiquer l’éducation sophiste qui corrompt les jeunes, détruit les valeurs de la cité et porte atteinte à ses croyances religieuses ancestrales. Nous retrouvons une approche identique dans l’agôn des Grenouilles où Aristophane oppose, cette fois, deux esthétiques différentes. Ayant en dégoût les nouveaux poètes dont il compare les vers au coassement des grenouilles, Dionysos, le patron qui préside aux représentations théâtrales, descend aux enfers pour ramener à la vie l’un des deux poètes sublimes (Eschyle ou Euripide). Même si, au départ, le dieu avait une certaine prédilection pour Euripide, Dionysos hésite entre Eschyle, le maître tragique vénéré, mort depuis une cinquantaine d’années, qui a participé aux guerres médiques et a contribué à l’émergence de l’art tragique comme de la puissante Athènes, et Euripide, l’esprit inventif et léger, mort en exil depuis quelques années seulement, et qui représente le goût contemporain. Dionysos ne voulait pas choisir entre ces deux grands poètes qu’il apprécie également :

Ces hommes sont des amis, et moi, je ne choisirai pas entre eux
ainsi, je ne deviendrai l’ennemi d’aucun des deux ;
l’un, je le trouve profond, mais l’autre me charme4

5Mais Pluton, le roi des enfers, l’oblige à faire ce choix : « Tu pourras t’en aller avec celui que tu auras choisi5 » lui dit-il. Le débat littéraire imposé aux deux grands poètes donne lieu à un affrontement entre le goût ancien consacré et le goût contemporain, avatar antique de la sempiternelle lutte de l’ancien et du moderne. Dionysos demande aux deux poètes tragiques de défendre leur art dans un agôn qui permettra de les départager. Or, la position esthétique d’Aristophane lui-même est bien connue puisqu’il la défend avec acharnement dans presque toutes ses comédies.

6En tant que conservateur, Aristophane voit d’un mauvais œil toute nouveauté qui vient corrompre la pureté des formes traditionnelles consacrées : dans Les Nuées, il critique la nouvelle éducation, les nouvelles religions et le nouveau calendrier. Dans Les Femmes à l’Assemblée, Praxagora, l’héroïne principale, fait l’éloge de l’ancienne coutume et des pratiques du bon vieux temps et critique les hommes de la Cité qui cherchent incessamment des nouveautés pernicieuses. Praxagora justifie la supériorité morale des femmes et leur droit de gouverner la Cité par leur respect scrupuleux de la tradition : « toutes autant qu’elles sont, proclame-t-elle, on ne les verrait pas expérimentationner, alors que la cité d’Athènes, même si cela lui convenait, elle ne se croirait pas sauvée si elle n’allait pas chercher quelque nouveauté6. »

7L’issue de l’agôn des Grenouilles ne fait pas exception, elle confirme le parti pris idéologique et esthétique d’Aristophane qui affiche son aversion pour les formes nouvelles que ce soit en politique ou en art dramatique. En effet, même si Dionysos montrait initialement une certaine préférence pour Euripide, le choix final du dieu porte sur Eschyle : « je choisirai celui que mon âme désire7 », conclut-il. La réponse à la dernière question posée aux deux concurrents a déterminé cette décision finale ; Dionysos demande aux deux poètes de proposer un moyen de sauver la Cité. Aristophane attribue à Euripide une réponse fantasque puisqu’il propose, en cas de bataille navale, d’asperger depuis les airs les yeux des ennemis de vinaigre. Eschyle, au contraire, est un soldat qui a participé à la bataille de Marathon et à la bataille navale de Salamine. Sa réponse est beaucoup plus réaliste et permet à Aristophane de rattacher le débat esthétique qui a opposé les deux poètes à la question politique. Apprenant que la Cité a désormais en horreur les honnêtes gens auxquels elle préfère les canailles, Eschyle soutient que la Cité ne peut être sauvée sans inverser la tendance politique dominante : « si nous voulions bien nous défier des citoyens auxquels nous faisons confiance aujourd’hui, et employer ceux que nous n’employons pas, nous serions sauvés8 ». En attribuant cette réponse à Eschyle, Aristophane désavoue le gouvernement du peuple et tourne en dérision une démocratie qui met le destin de la Cité entre les mains de roturiers corrompus et d’esprits bellicistes de la trempe de Cléon le corroyeur et d’Hyperbolos le lampiste alors que l’élite de la société (ses intellectuels) est complètement négligée, laissée à la marge de l’action politique malgré ses compétences, sa culture, sa bonne éducation et son expérience. Cet argument d’Eschyle, celui qui fait pencher la balance en sa faveur auprès du juge Dionysos, est exposé par le Coryphée dans la parabase des Grenouilles :

Souvent, oui, nous avons eu l’impression qu’il arrivait à cette cité avec l’élite des citoyens la même chose qu’avec la monnaie, l’ancienne et la récente en or.
Elles ne sont pas contrefaites, celles-là, non : de l’avis général, ce sont les meilleures de toutes les monnaies, les seules de bonne frappe et de bon aloi, qui ont cours partout chez les Grecs et chez les Barbares.
Cependant, ce ne sont pas elles que nous utilisons, mais ces méchantes pièces en cuivre frappées hier ou avant-hier au plus mauvais coin.
De même, les citoyens que nous savons être de pure souche, réfléchis, justes, honnêtes hommes, élevés dans les palestres, les chœurs et la culture, nous les maltraitons, tandis que les cuivrés, les étrangers, les rouquins, les canailles et les fils de canailles, nous les utilisons pour tous les usages [...]. Eh bien, pour l’heure, bande d’insensés, changez de comportement, utilisez à nouveau les gens utiles !9

8Comme Aristophane, Eschyle préconise un changement radical de politique qui mettrait le gouvernail entre les mains des gens meilleurs (aristocratie, technocratie) qui sont les mieux aptes à diriger la Cité vers le salut. Le conservatisme artistique et le conservatisme politique se rejoignent pour fournir le socle de l’idéologie aristophanéenne.

9Reste à savoir ce qui motive la dérision amère de la démocratie athénienne dans la comédie d’Aristophane ? En quoi cette comédie est-elle à la fois porteuse d’un projet esthétique et d’un projet politique qui poussent l’homme de lettres à endosser le rôle du réformateur politique et social ?

3. La mission du poète

10Sans doute, Aristophane, en tant que grand partisan de la paix et en tant qu’esprit raffiné et choqué par l’ampleur de la corruption, de la sycophantie et de la délation qui gangrènent la société athénienne, rêvait d’un idéal social qui trahit l’insatisfaction et la frustration que lui inspire la démocratie telle qu’elle était pratiquée à son époque. Toutes les déceptions occasionnées par l’atmosphère délétère de la guerre du Péloponnèse et le déclin à vue d’œil de la Cité d’Athènes expliquent la dimension utopique qui prévaut dans plusieurs comédies d’Aristophane, notamment dans Les Oiseaux, La Paix, Lysistrata et Les Femmes à l’Assemblée, et même, à moindre mesure, dans Les Acharniens. La perspective utopique fonctionne comme un refuge contre la trivialité du réel. Le théâtre d’Aristophane est un théâtre militant qui revendique une utilité politique et entend l’assumer pleinement. Reprenons Les Grenouilles qui interrogent la fonction du poète et de l’art en général. L’intrigue principale de cette comédie tourne autour de Dionysos qui descend aux enfers pour choisir parmi les poètes morts celui qu’il faut rendre à la vie pour assurer le salut de la Cité et ressusciter les temps sublimes de la tragédie grecque. Dionysos considère, en effet, que les poètes tragiques qui sont encore en vie ne sont pas à la hauteur de leur fonction10 et les représente comme une petite grappe de parasites, de gâte-métiers qui éjaculent une seule fois sur la tragédie avant de s’évanouir. L’art dramatique et la tragédie en particulier subissent après la mort d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide la même dégénérescence que subit la politique après le grand Périclès. Dionysos cherche ce qu’il nomme « un poète générateur capable de faire résonner un noble propos11 ». Eschyle et Euripide qui s’affrontent dans cette comédie font partie de ces poètes au pouvoir régénérateur parce qu’ils ne se contentent pas d’imiter ce que font les autres ; ils guident les citoyens et leur servent de pilotes et de conseillers. C’est Eschyle lui-même qui pose dans l’agôn des Grenouilles la question de la fonction du poète en demandant à Euripide : « réponds-moi : quelle qualité doit-on admirer chez un poète ? » (790) Dans sa réponse, Euripide énumère les principales qualités du bon poète : « Sa capacité et son bon sens, répond-il, parce que nous nous efforçons de donner aux cités de meilleurs citoyens12. » Le dramaturge s’octroie ainsi le rôle de l’éducateur et du formateur qui a pour mission de transformer les spectateurs en bons citoyens.

11Le choix imposé à Dionysos se révèle très difficile. Eschyle et Euripide, deux grands poètes dont la renommée n’est plus à faire, représentent deux esthétiques et deux mentalités différentes qui revendiquent au même titre le bien de la Cité comme objectif principal. Dans la joute qui reprend la bataille éternelle de l’ancien et du moderne, Eschyle, se réclamant d’Orphée, d’Hésiode et du divin Homère, soutient que les grands poètes tragiques doivent dispenser aux citoyens de bonnes leçons de tactique, de vertus et d’armements militaires13, en leur inculquant le goût de la victoire et en leur inspirant le courage nécessaire à l’accomplissement de leur devoir civique. Eschyle accuse Euripide d’avoir avili toutes les hautes valeurs qu’il a défendues dans ses tragédies ; il lui reproche d’avoir perverti les gens honnêtes en représentant le vice et en peuplant ses pièces de gredins, d’entremetteuses, de catins et autres Phèdre sans moralité : « le poète, dit-il, est tenu de celer le vice au lieu de l’étaler et de le donner en spectacle. Les enfants, ajoute-t-il, sont éduqués par le maître d’école, les jeunes gens par les poètes. Nous sommes strictement tenus de parler un langage élevé14 ». De son côté, Euripide, faisant référence à l’atmosphère guerrière des tragédies de son rival, l’accuse d’être un « fabricant de casques15 » insensible à l’amour. Il affirme avoir débarrassé la tragédie qu’il a héritée d’Eschyle de la boursouflure des vocables emphatiques et insupportables qui en alourdissaient l’expression, faisant le choix d’un langage plus naturel, léger et clair. Il soutient que le poète doit « tenir un langage humain16 » et représenter la vie avec ses hauts et ses bas, son sublime et son grotesque : « j’ai mis en scène les choses de la vie domestique usuelles et familières17 », en donnant la parole à tous les personnages, y compris aux femmes et aux esclaves.

12L’approche dramaturgique d’Euripide qui ramène la tragédie à une dimension humaine là où Eschyle la maintient dans une hauteur sublime et divine justifie pleinement l’importance d’Euripide, non seulement comme poète tragique, mais aussi comme personnage comique récurrent des comédies d’Aristophane. Dionysos choisit Eschyle comme le meilleur poète, celui qui incarne l’éternel sublime tragique, le miracle grec et l’âge d’or de la Cité d’Athènes. Mais, Euripide, qui n’hésite pas à insulter Dionysos à l’issue de cette confrontation en le traitant de scélérat, représente l’âme bouffonne de la comédie, celle-là même qui anime Aristophane et lui permet de remplir sa fonction de poète comique qui défend à sa manière un certain idéal politique et esthétique.

13En effet, Aristophane avait une haute idée de sa mission de poète. Le théâtre était pour lui une scène privilégiée où il peut défendre la force et l’inventivité de sa dramaturgie ainsi que ses idées et ses convictions politiques. Les parabases de ses comédies en témoignent parfaitement. Aristophane s’autoproclame comme « le plus glorieux de tous les auteurs comiques du monde18 » ; il se présente comme la voix de la justice et du bon sens qu’aucun homme, aussi puissant soit-il, ne peut bâillonner ou faire taire. Rappelant à ses concitoyens tous les bienfaits dont il les a comblés, il se définit, un peu à la manière de Socrate, comme « le meilleur des poètes , celui qui a pris le risque de dire aux Athéniens ce qui est juste19 ». Il s’enorgueillit d’avoir osé tenir tête aux hommes politiques les plus puissants pour leur dire leur vérité en face. Dans la parabase des Cavaliers, comédie qui critique de manière très mordante le démagogue Cléon, le Coryphée soutient qu’Aristophane, contrairement aux vieux poètes comiques, est digne de s’adresser directement au public dont il a gagné le respect en défendant les intérêts des citoyens : « aujourd’hui, dit-il, ce poète en est digne, car il hait les mêmes gens que nous, ose dire ce qui est juste, et marche crânement contre Typhon et l’ouragan20 ». Le même argument revient dans la parabase des Nuées :

Moi, j’ai frappé Cléon en plein estomac quand il était tout-puissant, et je ne me suis pas permis de continuer à le piétiner après sa mort21.

14À l’opposé de ses rivaux, Aristophane n’hésite pas à s’en prendre aux hommes politiques lorsqu’ils sont au faîte de leur pouvoir, mais ne s’abaisse pas à les maltraiter lorsqu’ils sont affaiblis, et encore moins lorsqu’ils sont morts, car il était mal estimé celui qui ose noircir la mémoire des morts. Le courage de s’opposer à ceux qui ont le pouvoir est aussi un argument développé dans la parabase des Guêpes. Se décrivant comme un homme qui a des intentions honorables et qui refuse de prostituer son art pour plaire aux puissants, Aristophane affirme avoir osé affronter, dès ses débuts, Cléon, le pire de tous les démagogues, l’épouvantail du peuple, celui qu’il qualifie de Croque-mitaine :

Quand il a commencé à monter ses pièces, ce n’est pas à des hommes ordinaires qu’il s’est attaqué… parole d’honneur ! Non ! il a affronté les pires adversaires avec une ardeur héracléenne : dès son coup d’essai, il a hardiment engagé le combat contre le Croque-mitaine en personne22.

15La même image est reprise en des termes similaires dans la parabase de La Paix :

Et il n’a jamais ridiculisé d’humbles particuliers ou des femmes ! Non ! il a affronté les pires adversaires avec une ardeur héracléenne, n’hésitant pas à traverser d’abominables odeurs de cuir23 au cœur d’un bourbier de menaces ! Mon premier combat, c’est contre le Croque-mitaine en personne que je l’ai livré […]. À la vue d’un tel monstre, je n’ai pas cédé à la peur ! Non, j’ai continué à, batailler pour vous et pour ceux des îles, sans jamais lâcher pied24.

16Les rapports entre Aristophane et le démagogue Cléon étaient très conflictuels. On sait d’ailleurs que Cléon, après les représentations des Babyloniens (-426) et des Cavaliers (-425), avait accusé Aristophane de diffamation et d’atteinte à la sûreté de l’État ; il le menaça de lui intenter un procès avec, en guise de chef d’accusation, une naissance étrangère. Cependant, Cléon, selon plusieurs données, avait probablement retiré sa plainte. Aristophane évoque explicitement les démêlés qu’il a eus avec Cléon dans un passage des Acharniens où Dicéopolis, l’honnête citoyen, s’exprime en ces termes : « Moi-même, avec ce que j’ai subi par la faute de Cléon pour ma comédie de l’an dernier, j’en sais quelque chose25. » Quelques épisodes plus tard, le même personnage revient à la charge en proclamant le droit de la trygédie26 à dénoncer les travers de la société et de la politique tant que le poète reste en conformité avec l’esprit de l’équité : « L’équité, elle connaît ça elle aussi, la trygédie ! Or, je vais dire, moi, des choses terribles mais justes. En tout cas Cléon ne pourra pas m’accuser, cette fois, de médire de la Cité devant des étrangers !27 »

17Au fil des représentations, Aristophane construit une sorte de mythe personnel en brossant son propre portrait comme un Héraclès glorieux, un redresseur des torts et un défenseur courageux du peuple contre les monstres qui le terrifient et l’oppriment. À chaque représentation, il appelle le public à voter pour lui non seulement pour l’originalité et la force de sa comédie mais aussi pour le risque auquel il s’expose pour défendre les intérêts du peuple contre les démagogues corrompus et les sycophantes :

Notre poète ne s’est pas laissé corrompre, pris de peur à la vue d’un tel monstre... parole d’honneur ! Au contraire, maintenant encore, il continue à batailler pour vous ! Et après celui-là... parole d’honneur, il s’est attaqué l’an dernier aux démons des cauchemars et des fièvres28, qui, durant la nuit, étranglaient vos pères, étouffaient vos grands-pères, et, penchés au-dessus des lits, sur ceux de vous qui se tiennent à l’écart des affaires, accumulaient prestations de serments, citations et témoignages […]. Voilà le purificateur que vous aviez trouvé pour détourner les fléaux de ce pays !29

18Aristophane s’adjuge la fonction du purificateur qui veille sur le peuple et sur la cité en remplissant en parallèle le rôle du générateur que Dionysos attribue au poète authentique. Comme il le rappelle lui-même, dans la parabase des Guêpes, il est le cultivateur qui sème des idées très originales dans les esprits, celui qui montre le chemin à suivre, celui qui tient en éveil ses concitoyens pour les empêcher de s’endormir sur leurs lauriers. En cela, Aristophane, bien qu’il ait tourné Socrate en dérision dans Les Nuées en le représentant comme un grotesque professeur sophiste, ressemble beaucoup à ce philosophe, d’autant plus que les deux intellectuels appartiennent, sur le plan politique, à la même école aristocratique.

19Dans Criton, Socrate soutient que l’intellectuel ne doit pas être tributaire de la doxa et, d’un autre côté, le peuple est tenu de prendre « l’avis d’un seul individu, celui qui s’occupe de lui et qui s’y connaît, et non pas celui du grand nombre en bloc30. » Rejetant l’ochlocratie comme la démocratie, Socrate est d’avis que le gouvernement doit être assuré par l’individu expert (le technocrate) qui maîtrise l’art de la gestion et du gouvernement. Semblablement à Socrate, Aristophane se proclame comme un bienfaiteur de la cité qui dit sans crainte aucune ce qui est juste ; il demande à ses concitoyens de reconnaître l’utilité de son rôle et de le traiter comme un précieux présent des dieux que les ennemis envieux d’Athènes aimeraient bien leur enlever :

Mais vous, ne le laissez surtout pas échapper : car il exprimera dans ses comédies ce gai est juste. Il assure qu’il vous donnera tant de bonnes leçons que vous serez radieux, et cela sans utiliser ni flatteries, ni propositions de pots-de-vin, ni supercheries, ni filouteries, ni pommade... mais en vous donnant les meilleures leçons. Dès lors, que Cléon ourdisse, qu’il trame tous ses complots contre moi ! Car le bon droit sera avec moi et la justice mon alliée : pas de danger que je sois pris un jour à me conduire envers la Cité comme lui, en couard et en sale inverti !31

20Si Aristophane n’hésite pas à transformer ses comédies en une arène où il règle ses comptes avec sa bête noire, Cléon, et avec d’autres adversaires qu’il représente comme des monstres et comme des fléaux qui menacent la cité, il développe aussi tout un discours méta-dramaturgique en réfléchissant sur la comédie comme genre esthétique et comme pratique de la scène. En sa qualité d’éducateur de goût, il s’adresse constamment à son public pour attirer son attention sur les subtilités de l’art dramatique qu’il met en œuvre pour lui donner un produit de bonne facture, une comédie capable de le faire rire, mais aussi de lui apprendre des choses utiles, sachant que le théâtre antique s’adresse à des spectateurs qui sont en même temps appelés à juger la qualité des représentations auxquelles ils assistent. Outre Les Grenouilles, comédie entièrement consacrée à une réflexion sur l’art dramatique, Aristophane dissémine ses réflexions esthétiques sur la comédie dans chacune de ses pièces. Dans La Paix comme dans Les Nuées, il revendique le mérite d’avoir banni du théâtre les banalités d’usage et d’avoir délaissé les gags trop usés et les obscénités que ne cessent de reproduire ses adversaires. Il affirme avoir substitué à ces gags traditionnels une comédie de qualité supérieure de son propre cru :

Il a supprimé ce genre de pauvretés, de vulgarités, de bouffonneries de bas étage, pour nous construire un grand art, qu’une fois bâti, il a flanqué de tours à l’aide de vers et de pensées de haut niveau, et de plaisanteries sans trivialité !32 

21L’image est sublime : la comédie ne se contente plus d’être une masure délabrée ouverte à tout va, elle réclame le statut d’un château fort construit selon les règles de l’art. Dans la parabase des Nuées, Aristophane reproche aux spectateurs de ne pas lui avoir octroyé le premier prix et d’avoir sacré à sa place des comiques vulgaires qui se contentent de railler des chauves, de mettre en scène de méchantes plaisanteries et des danses obscènes. Il se proclame comme le poète qui a donné à la comédie ses lettres de noblesse, une comédie qui s’avance « confiante en elle-même et en ses vers33 », tirant sa valeur de la force de sa construction, de l’originalité de ses procédés et de la beauté de ses vers et non d’artifices ressassés qui ne procurent qu’un comique trivial :

Quant à moi, malgré ma valeur de poète, je ne crâne pas, je ne cherche pas à vous abuser en vous présentant deux ou trois fois les mêmes sujets ; non, je m’ingénie chaque fois à introduire des innovations très différentes les unes des autres et toujours astucieuses34.

22S’il est vrai qu’Aristophane fait montre d’une grande originalité et contribue largement au renouvellement de la comédie à son époque, il n’hésite nullement à utiliser tous les procédés comiques usuels et tous les gags qu’il évoque avec mépris et qu’il définit comme le fruit d’une bouffonnerie de bas étage. Dans son théâtre aussi, les personnages multiplient les allusions et les accessoires obscènes et érotiques ; les esclaves sont fréquemment battus par les maîtres, et les sujets les plus sérieux sont traités de manière burlesque et triviale.

23Dans cette atmosphère marquée par une forte subversion comique de la scène politique et sociale, le spectateur tient une place importante. Il est sans cesse interpellé et impliqué dans le spectacle. Toutes les réflexions sur la comédie s’adressent à ce public dont on cherche les faveurs et dont on veut éduquer le goût. Ainsi, dans le prologue des Guêpes, les deux esclaves de Bdélycléon entreprennent d’expliquer au public le sujet de la comédie et l’étrange maladie de Philocléon. Ce faisant, ils définissent aussi la nature et la facture de la comédie représentée :

N’attendez de nous rien de trop recherché, mais rien, non plus, qui vienne en douce de la farce mégarienne ! Non ! Nous n’avons pas de noix puisées dans une corbeille par une paire d’esclaves pour les jeter aux spectateurs [...]. Non ! Nous avons un petit sujet plein de jugeote, qui ne dépasse pas vos capacités, mais qui est quand même plus fin qu’une comédie de bas étage35.

24Aristophane pose ici le problème ardu de la réception qui détermine le travail du dramaturge. Traitant un phénomène de société des plus sérieux (la manie des procès qui corrompt le principe démocratique), il s’adapte au niveau intellectuel de ses spectateurs tout en veillant à ne pas sacrifier complètement la qualité esthétique de son œuvre. Aristophane soulève, en l’occurrence, l’éternel écueil de la réception de l’œuvre d’art : l’artiste doit-il écrire pour une élite intellectuelle et se priver d’une grande audience ou, au contraire, doit-il céder à la loi de la demande en sacrifiant la qualité aux goûts de la foule ? Le dramaturge opte pour un compromis acceptable entre la qualité esthétique de l’œuvre et les capacités des récepteurs. Ainsi, il lui arrive de reprendre quelques motifs de la farce mégarienne et de reproduire des gags qui plaisent à la foule, mais il tient, en contrepartie, à traiter des sujets qui interpellent le public et le forcent à réfléchir.

25Le rire, comme le souligne Ploutos dans la comédie éponyme, ne doit pas avoir sa source dans la trivialité de quelques pratiques scéniques courantes : « il n’est pas convenable, dit-il, que la dramaturge fasse jeter des figues sèches et des friandises aux spectateurs juste pour les forcer à rire avec ces procédés36. » S’opposant à ce comique artificiel et forcé, Aristophane exige un rire intellectuel qui serait le fruit d’une intelligence et d’une complicité du spectateur et du dramaturge. La comédie, telle qu’Aristophane la conçoit, n’a pas pour seule fonction de divertir, elle est aussi le support d’une conscientisation et d’une éducation du peuple ; elle est un acte politique à part entière, et en tant que telle, elle exige des spectateurs qui ne viennent pas à l’orchestra uniquement pour rigoler un bon moment, mais un public actif qui considère le théâtre comme un haut lieu de l’expression de sa volonté et de ses griefs. Aussi, Aristophane n’hésite-t-il pas à secouer de temps en temps son public en lui suggérant l’attitude qu’il doit adopter au théâtre devant un discours qui, au-delà de sa nature artistique, affiche ouvertement sa teneur politique : « Veillez bien maintenant, lance le Coryphée des Guêpes aux spectateurs, à ce que les bonnes paroles qui vont suivre ne tombent pas piteusement à terre. En fait, à des spectateurs bornés cela pourrait arriver, mais à vous, non !37 ».

4. Contre la guerre

26Aristophane se définit lui-même comme l’un de ces fanatiques de paix38 qui déploient tous les efforts pour réprimer les ardeurs des « semeurs de boucliers39 ». Dans presque toutes ses comédies, il s’attaque à la politique belliqueuse d’Athènes et de ses rivales, une politique hostile qui empêche les Grecs de mener une vie prospère et tranquille dans la chaleur du foyer et les douceurs des fêtes champêtres. Dans Les Acharniens, la première comédie conservée, Dicéopolis, le protagoniste et le porte-parole d’Aristophane, est dégoûté de la guerre, mécontent de la politique corrompue de ses compatriotes qui refusent d’écouter ses arguments à l’Assemblée. Ne se reconnaissant plus dans une démocratie qui mène au désastre et qui ne sert que les intérêts de ceux qui gouvernent au nom du peuple, il décide de briser le pacte de soumission en insistant sur la non compatibilité entre son projet personnel et celui des dirigeants. À la cité d’Athènes, il substitue une cité miniature dans son propre oikia (sa maison et les siens), ce qui se traduit sur le plan politique par la signature d’une trêve individuelle avec les Laconiens, les Mégariens, les Béotiens et autres ennemis d’Athènes, le but étant de retrouver les bienfaits d’une paix qui a désaffecté la Grèce depuis de longues années.

27Le même contexte politique conflictuel est repris comme sujet principal dans plusieurs autres comédies, notamment dans Les Cavaliers, La paix, Lysistrata, Les Oiseaux, Les Femmes à l’Assemblée, pour ne citer que ces comédies-là. Dans La Paix, comédie composée après l’échec de la trêve de Lachès (-423) et à la veille de la signature du traité de paix de Nicias en -421 qui stipule une trêve de 50 ans entre Sparte et Athènes, Trygée, le vieux vigneron athénien, craint de voir la guerre balayer la Grèce tout entière. Il enfourche un gigantesque scarabée et s’envole vers la demeure de Zeus en personne pour lui demander de révéler le sort qu’il réserve à ses compatriotes. Courroucés contre les Grecs belliqueux, les dieux avaient décidé d’emprisonner la déesse Paix et de livrer la Grèce à Polémos, le dieu guerrier qui se charge de broyer les cités dans son énorme mortier. Mais il lui fallait un pilon, des fervents défenseurs de la guerre, pour actionner son mortier fatal. Pour le bien de la Grèce, les deux partisans radicaux de la guerre, Cléon, le démagogue athénien, et Brasidas, le général spartiate, meurent tous les deux à la bataille d’Amphipolis en -422, ce qui donne aux Grecs modérés une réelle opportunité pour ranger les boucliers et renouer avec une vie champêtre et paisible. Trygée profite de cette chance inouïe pour déterrer au plus vite la déesse Paix avant qu’un nouveau pilon ne fasse son apparition. Bien avant Clausewitz qui soutient que la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens, Aristophane situe l’origine de la guerre et de la destruction dans les politiques de certains dirigeants qui sacrifient la Grèce à leurs intérêts individuels et à leur mégalomanie.

28Plusieurs comédies témoignent du désir d’Aristophane, et d’une large frange de la population grecque, de mettre fin aux hostilités qui ont déchiré la patrie, de faire passer le bien général devant les ambitions individuelles de certains individus (les pilons) qui tirent profit du conflit et ont tout intérêt à le voir s’éterniser. Le théâtre, moment important de dialogue et occasion de consolider la cohésion des citoyens grecs et d’influencer leur décision politique, était pour Aristophane un exercice hautement démocratique qui permet de critiquer les politiques belliqueuses des dirigeants et de promouvoir une forme de panhellénisme qui dépasserait les rivalités bilatérales afin de retrouver une Grèce unie et prospère. C’est le message principal de La paix où le coryphée Comarchidès encourage ses compatriotes à profiter du traité de Nicias pour instaurer une paix durable et profitable à tous :

Par ici, vous tous… empruntez pleins d’ardeur la voie qui mène au salut !
À la rescousse, Panhellènes – c’est l’occasion ou jamais – délivrés des bataillons et de ces maudits manteaux écarlates : voici que brille enfin un jour antilamachique !40

29La paix de Nicias qui instaure le statu quo sans proposer une solution réelle au conflit de base ne durera finalement que quelques années. Alcibiade, un autre pilon aussi radical que Cléon, s’oppose à Nicias et encourage des actes guerriers qui vont rallumer la guerre du Péloponnèse. Suite à la désastreuse expédition de Sicile (-415) la guerre reprend de plus belle et conduit à une défaite totale d’Athènes. Tous ces événements et les angoisses qui en résultent alimentent les comédies d’Aristophane. Celui-ci, étant de plus en plus pessimiste, se réfugie dans une utopie politique et sociale qui trahit son désespoir et ses déceptions.

5. L’utopie, ou « la fascination de l’impossible »

30À quoi sert de représenter une utopie sur scène quand les choses vont mal et quand les spectateurs savent très bien que la solution fantasque proposée par le dramaturge s’inscrit dans un rapport de non-congruence avec le réel ? Paul Ricœur pense que « l’effet que produit la lecture d’une utopie est la remise en question de ce qui existe au présent : elle fait que le monde actuel paraît étrange41. » Cioran voit, quant à lui, dans l’utopie « un principe de renouvellement des institutions et des peuples [...] à la longue, ajoute-t-il, la vie sans utopie devient irrespirable [...] sous peine de se pétrifier, il faut au monde un délire neuf42. » Le recours à l’utopie témoignerait donc d’une volonté de conscientisation et de renouvellement. Plus la situation mise en scène s’écarte du réel, plus elle amène le spectateur à réfléchir à sa propre situation politique et sociale.

31Après La Paix qui témoigne de l’euphorie passagère alimentée par une fragile accalmie suite à la mort du démagogue Cléon, Aristophane, constatant la résurgence du conflit et l’échec de la paix de Nicias, propose à ses concitoyens plusieurs comédies utopiques. Ces utopies sont une réaction contre la guerre et contre la folie des hommes, mais elles témoignent aussi d’une forme de désespoir de l’intellectuel. Dans l’impossibilité de retrouver une paix durable et réelle, le dramaturge se réfugie dans une atopie ou un non-lieu qui fonctionne comme une image négative et inversée43 d’Athènes, laquelle est devenue un espace de la corruption, de la violence et de la dystopie. L’utopie, en l’occurrence, semble offrir un dernier recours à Aristophane désespéré par le réel, une échappatoire qui lui sert d’argument pour convaincre ses concitoyens de la possibilité du bonheur. Une telle possibilité ne peut cependant se réaliser sans l’acceptation d’une remise en cause radicale des mentalités et du système social et politique. L’utopie, comme le souligne Paul Ricœur, « est peut-être mieux définie par sa revendication, qui est de miner l’ordre établi, que par le manque de congruence avec le réel44 » ; elle profite du bénéfice de son extraterritorialité pour élargir les champs du possible au-delà de l’existant qui est contesté : « L’imagination d’une autre société située nulle part, remarque-t-il, ne permet-elle pas la plus fantastique contestation de ce qui est ?45 » S’inscrivant dans une logique de la déviation du présent décevant, de l’ici et du maintenant (hic et nunc), l’utopie se réfugie dans un ailleurs inaccessible qui dénonce le manque d’imagination et l’étroitesse pathologique de l’idéologie dominante. Ce qui caractérise surtout l’utopie, ajoute encore Ricœur dans la conclusion de son livre, c’est son aptitude « à ouvrir une brèche dans l’épaisseur du réel46. »

32La comédie Les Oiseaux jouée en -414 est la première des comédies aristophanéennes résolument utopiques. Cette pièce propose au spectateur athénien un reflet inversé de sa propre cité. D’entrée de jeu, Évelpide et Pisétaire, deux citoyens athéniens de souche, ont décidé de fuir leur terre natale où la vie devenait insupportable à cause de la manie des procès qui s’est emparée de leurs compatriotes. Se présentant comme des antihéliastes47, dégoûtés par les procès et les tribunaux, ils ont décidé d’aller à la recherche de Térée, la huppe, qui pourrait leur indiquer une ville où il serait possible de mener une vie tranquille à l’abri des sycophantes qui persécutent et sucent le sang des citoyens : « Nous errons tous deux, dit Évelpide, à la recherche d’un endroit sans histoires, où nous puissions nous fixer et couler des jours paisibles48 », une cité fortunée où, comme le souhaite Pisétaire, ils peuvent « se vautrer sur une moelleuse peau de bête49 » sans craindre la corruption des hommes ni leur méchanceté. Avec l’aide de Térée, Pisétaire parvient à persuader les oiseaux de la légitimité et de la viabilité de son entreprise : il leur propose la fondation d’une cité colossale, une sorte de Babylone dans l’immensité du ciel. Cette nouvelle cité permettra aux oiseaux de reconquérir parmi les hommes leur statut antique de dieux vénérables et de revendiquer le pouvoir auprès de Zeus. Ainsi, la comédie des Oiseaux se présente à la fois comme une utopie de fuite, car les protagonistes ont quitté Athènes que les sycophantes et la manie des procès et des impôts ont transformée en une cité invivable, et comme une utopie de reconstruction du moment que Pisétaire substitue à sa cité d’origine, bien ancrée dans la terre et dans le réel d’une Grèce déchirée par la guerre et corrompue par les hommes, Coucouville-sur-Nuages, une cité aérienne et vierge bâtie sur des bases saines et fermée à tous les fauteurs de troubles50. Convaincus du bien-fondé de ce projet, les oiseaux délèguent à Pisétaire le rôle de tête pensante et le désignent comme l’architecte de cette nouvelle utopie51.

33La cité céleste de Pisétaire fonctionne sur le mode de l’inversion et de la distorsion du réel : le chœur des oiseaux décrit la nouvelle Utopia comme un monde à l’envers : « tous les comportements qui sont ici infamants et réprimés par la loi, sont tous bien vus chez nous les oiseaux52. » Coucouville-sur-Nuages est décrite comme une cité paradisiaque.

Car peut-on nier que dans cette cité sont réunies
toutes les félicités pour l’homme qui vient s’établir ?…
Sagesse, Désir, immortelles Charites,
et l’apaisante Sérénité
au visage si doux !53

34L’essentiel de la trame de cette comédie utopique repose sur un rejet du modèle athénien, lequel est considéré comme un modèle répulsif qu’il faut éviter de reproduire. Quand la construction de Coucouville-sur-Nuages est enfin achevée, le coryphée pose la question de la divinité tutélaire. Évelpide propose Athéna comme protectrice de la nouvelle cité. Mais, Pisétaire oppose un refus catégorique à cette suggestion et décide de confier les murs de la nouvelle cité à un coq, marquant, de ce fait, la nécessité de rupture avec la réalité qu’il a fuie. « Et comment, proteste-t-il, l’ordre pourrait-il régner dans une cité où la puissance divine s’incarne en une femme qui se dresse en brandissant un arsenal54 ». La guerre et ses attributs n’ont pas leur place dans la nouvelle cité comme beaucoup d’autres personnages qui sont représentés comme les plaies de la cité terrestre. Aristophane imagine une cité idéale qui doit se préserver d’un ensemble de personnes et de métiers qui risquent d’y introduire le désordre et la corruption.

35En effet, la cité céleste est à peine achevée, et alors que Pisétaire s’apprête à faire le sacrifice baptismal pour célébrer la naissance de Coucouville-sur-Nuages, voilà que son œuvre est déjà assaillie par une procession de personnages représentant les pires nuisibles qui ravagent les cités terrestres. La neutralisation de ces nuisances est une nécessité vitale pour préserver l’harmonie de la cité aérienne. Les métiers parasites qui utilisent la parole pour tromper et instaurer la fausseté sont bannis comme dans La République de Platon. Expurgée des charlatans, la cité aérienne ne peut que se porter mieux comme le soulignent, de manière allégorique, les oiseaux qui débarrassent les cultures des parasites : « Je préserve le bel épanouissement des fruits en détruisant la race des bêtes nuisibles de tout genre qui, avec de voraces mâchoires, de tout fruit qui du bourgeon foisonne, dans la terre et posées sur des arbres, se régalent55. »

36Ayant purgé Coucouville-sur-Nuages des nuisibles, Pisétaire est sacré roi par les oiseaux et par les hommes qui reconnaissent sa sagesse et son habileté politique ; ils lui offrent une couronne d’or et l’honorent en tant que « fondateur de la plus glorieuse cité céleste56 ». Pisétaire incarne le roi philosophe qui, selon Socrate dans La République de Platon, doit non seulement gouverner, mais aussi être l’honnête gardien de la cité. En tant que maître du langage et en tant qu’éducateur, le philosophe doit remplir une fonction opposée à celle des charlatans qui utilisent la parole pour emberlificoter les gens. Recevant le fils dénaturé qui souhaite étrangler son père pour avoir ses biens, il lui donne des ailes et le persuade de laisser vivre son père et d’aller guerroyer aux confins de la Thrace. Vient ensuite le jeune sycophante qui se repaît de procès et qui souhaite avoir des ailes pour distribuer plus rapidement ses assignations en justice et moucharder les étrangers. Pisétaire, agissant pour la deuxième fois comme un éducateur et comme un réformateur des mœurs57, tente de le persuader de chercher un métier plus convenable :

Pisétaire : […] en te parlant, lui dit-il, je suis en train de t’ailer !
Le jeune Sycophante : Et comment avec des paroles pourrais-tu ailer un homme, toi ?
Pisétaire : C’est grâce aux paroles que tout le monde se sent des ailes !58

37Pour Pisétaire, la parole sage est un moyen d’élévation morale ; elle peut soustraire les gens à leur misère quotidienne pour leur donner envie d’accomplir des choses sublimes : « grâce aux paroles, l’esprit gagne les hauteurs et l’homme s’élève. De même, pour toi, je veux que tu te sentes des ailes grâce à mes bonnes paroles et que tu tournes vers un métier correct. » (544). Devant le refus du sycophante de changer le métier de ses aïeux, Pisétaire se voit dans l’obligation de le traiter comme les autres nuisibles, l’expédiant en dehors des murs de la ville à coups de fouet.

38Débarrassé de la canaille terrestre, Pisétaire a tout loisir de revendiquer le pouvoir suprême aux dieux de l’Olympe qui lui envoient une délégation composée de Poséidon, d’Héraclès et de Triballe pour tenter de trouver un arrangement. Mais avant de recevoir ces ambassadeurs, Pisétaire avait eu la visite secrète de Prométhée. Celui-ci, fidèle à son rôle d’adjuvant des humains, avait donné à Pisétaire des informations sensibles qui pourraient faire pencher le rapport des forces en faveur de Coucouville et de ses habitants. Il lui apprend notamment que l’édification de la cité aérienne des oiseaux et la colonisation de l’air ont grandement affaibli le pouvoir de Zeus. Les dieux ne reçoivent plus le moindre sacrifice des humains et sont contraints de jeûner. Un vent de révolte gronde à l’Olympe. Zeus est contraint d’envoyer des ambassadeurs pour tenter une conciliation. Se retrouvant dans une position de force, Pisétaire peut facilement imposer ses conditions. Prométhée lui conseille d’exiger de Zeus, avant tout accord de paix, la rétrocession du sceptre (symbole du pouvoir) aux oiseaux et de son intendante générale Basiléia, laquelle deviendra l’épouse de Pisétaire. Si les ambassadeurs de Zeus acceptent ces conditions, Pisétaire pourrait alors avoir le sacre suprême en détenant le pouvoir ultime et toutes les richesses qui revenaient à Zeus. Ayant mené les négociations avec brio, Pisétaire est transfiguré à la fin de la comédie en une sorte d’astre éblouissant qui illumine l’univers, tenant à son bras une épouse dont la beauté sublime rend les mots mêmes impuissants59. Le terrestre a fécondé le céleste, et de cette union qui clôt la comédie, naît la suprême divinité qui fait régner l’allégresse et la joie sur le monde. Ainsi, comme le souligne Paul Ricœur60, nous pouvons déceler dans cette utopie politique d’Aristophane une forme biaisée d’opposition au pouvoir qui domine à Athènes. En mettant en scène une cité utopique qui affronte à la fois ses démons inférieurs (le terrestre) et ses démons supérieurs (les divinités olympiennes), Aristophane rêve d’une existence qui réaliserait la difficile harmonie entre le bas et le haut, entre le corps et la pensée, entre la politique et la philosophie.

39Comme le souligne Paul Ricœur en analysant la pensée de Mannheim « l’utopie est le discours d’un groupe, et non une œuvre littéraire flottant en l’air61. » Cela est d’autant plus valable pour le théâtre antique qui se donne ouvertement comme l’expression publique des préoccupations politiques des citoyens. En tant qu’utopie politique, Les Oiseaux témoignent du désir d’Aristophane et de toute une classe d’intellectuels de transcender un réel décevant en donnant le pouvoir aux philosophes. Il faudrait cependant se demander si l’utopie de Pisétaire et de la cité des oiseaux n’est que, finalement, le point de départ d’un nouvel Olympe, d’une société qui porte déjà en elle les germes de sa propre perversion.

40Quelques années après, Aristophane reviendra à la charge dans Lysistrata et dans Les Femmes à l’Assemblée où il développe une autre forme d’utopie politique en donnant aux femmes, c’est-à-dire à une couche sociale opprimée, un rôle prépondérant. Comme on le sait, jusqu’au XXe siècle, et même encore aujourd’hui dans certaines sociétés, les droits politiques sont un privilège masculin. Or, Aristophane, au Ve siècle avant Jésus-Christ, imagine une société où les femmes s’adjugent, par leur seule habileté, le pouvoir politique suprême. Dans Lysistrata et dans Les Femmes à l’Assemblée, les femmes, ayant constaté la stérilité du gouvernement masculin et l’incapacité des hommes à cesser des hostilités qui entraînent la ruine, la mort et le gaspillage des ressources, décident de prendre le sort de leur cité et de la Grèce tout entière en main. Elles se révoltent contre la politique populiste corrompue qui ne sert que les intérêts égoïstes de quelques dirigeants encanaillés.

41De fait, nous retrouvons là la double détermination de toute utopie : la révolte des femmes, comme classe éjectée de la sphère politique, contre la domination masculine, et la mise en avant d’un projet de substitution qui propose une contre-société comme alternative viable au pouvoir des hommes. Mais, il ne faut pas se méprendre, derrière l’insatisfaction des femmes se cache aussi l’insatisfaction de l’intellectuel, Aristophane en premier. Les femmes de tête qui mènent la douce révolution dans ses comédies, à l’instar de Praxagora et de Lysistrata, sont elles-mêmes des intellectuelles qui ont appris la stratégie et l’art de mener les troupes bien qu’elles n’aient pas un accès direct aux espaces de la formation politique (l’Agora, l’Assemblée et le théâtre). Ces meneuses qui revendiquent une action motivée par le seul intérêt général de la nation sont le fruit d’une forte personnalité et d’une éducation de qualité, et en tant que telles, elles sont le versant féminin de cet intellectuel philosophe qui constitue pour Aristophane, pour Socrate, pour Platon et d’autres intellectuels de l’époque, l’unique bouée de salut pour un modèle politique démocratique qui sombre de plus en plus dans ses propres contradictions62.

Notes de bas de page numériques

1 Aristophane, Théâtre complet, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », (traduction, présentation et notes de Pascal Thiercy), 1997. Le volume contient Les Acharniens (-425), Les Cavaliers (-424), Les Nuées (-423), Les Guêpes (-422), La Paix (-421), Les Oiseaux (-414), Lysistrata (-411), Les Thesmophorieuses (-411), Les Grenouilles (-405), Les Femmes à l’Assemblée (-392), Ploutos (-388)]. Toutes les références aux comédies d’Aristophane dans cet article renvoient à cette édition.

2 Abriter les esclaves fugitifs d’une autre cité était considéré comme un acte d’hostilité.

3 Aristophane, Les Grenouilles, op. cit., p. 773.

4 Aristophane, Les Grenouilles, op. cit., p. 814.

5 Aristophane, Les Grenouilles, op. cit., p. 814.

6 Aristophane, Les Femmes à l’Assemblée, op. cit., p. 834.

7 Aristophane, Les Grenouilles, op. cit., p. 817.

8 Aristophane, Les Grenouilles, op. cit., p. 817.

9 Aristophane, Les Grenouilles, op. cit., p. 774-775.

10 « Dionysos : J’ai besoin d’un poète subtil, « car les uns n’existent plus, et ceux qui existent encore sont mauvais » (Les Grenouilles, 733).

11 Aristophane, Les Grenouilles, op. cit., p. 735.

12 Aristophane, Les Grenouilles, op. cit., p. 790.

13 Aristophane, Les Grenouilles, op. cit., p. 792.

14 Aristophane, Les Grenouilles, op. cit., p. 794.

15 Aristophane, Les Grenouilles, op. cit., p. 791.

16 Aristophane, Les Grenouilles, op. cit., p. 794.

17 Aristophane, Les Grenouilles, op. cit., p. 789.

18 Aristophane, La Paix, op. cit., p. 413.

19 Aristophane, Les Acharniens, op. cit., p. 49.

20 Aristophane, Les Cavaliers, op. cit., p. 113.

21 Aristophane, Les Nuées, op. cit., p. 204.

22 Aristophane, Les Guêpes, op. cit., p. 333.

23 Encore une référence directe à Cléon qui était un tanneur de profession comme son père.

24 Aristophane, Les Paix, op. cit., p. 413.

25 Aristophane, Les Acharniens, op. cit., p. 27.

26 Autre nom de la comédie.

27 Aristophane, Les Acharniens, op. cit., p. 35.

28 C’est-à-dire les sycophantes, les délateurs professionnels.

29 Aristophane, Les Guêpes, op. cit., p. 333.

30 Platon, Apologie de Socrate, Criton, GF Flammarion, Trad. Luc Besson, Paris, 1997, p. 212

31 Aristophane, Les Acharniens, op. cit., p. 42-43.

32 Aristophane, La Paix, op. cit., p. 413.

33 Aristophane, Les Nuées, op. cit., p. 203.

34 Aristophane, Les Nuées, op. cit., p. 203-204.

35 Aristophane, Les Guêpes, op. cit., p. 273.

36 Aristophane, Ploutos, op. cit., p. 948.

37 Aristophane, Les Guêpes, op. cit., p. 332.

38 Aristophane, La Paix, op. cit., p. 399.

39 Aristophane, La Paix, op. cit., p. 440.

40 Aristophane, La Paix, op. cit., p. 385. Les manteaux rouges désignent les taxiarques, les commandants d’infanterie. Lamachos est un militaire athénien dont le nom signifie « bataillard ». Il est considéré par Aristophane comme le symbole du clan guerrier.

41 Paul Ricœur, L’Idéologie et l’utopie, Le Seuil, [traduit de l’anglais en français par Myriam Revault d’Allonnes et Joël Roman], 1997, p. 394.

42 Emil Cioran, Histoire et utopie, [1960], Gallimard, « folio », 1987, p. 6-7. Nous lui empruntons aussi la formule du titre : « la fascination de l’impossible », ch.V : « mécanisme de l’utopie », p. 36.

43 Cette inversion de la réalité, comme l’a montré Paul Ricœur dans L’idéologie et l’utopie, est un trait caractéristique commun de l’idéologie et de l’utopie.

44 Paul Ricœur, L’Idéologie et l’utopie, op. cit., p. 375.

45 Paul Ricœur, L’Idéologie et l’utopie, op. cit., p. 36.

46 Paul Ricœur, L’Idéologie et l’utopie, op. cit., p. 405.

47 La figure de l’héliaste est représentée par Philocléon dans Les Guêpes. C’est un vieux citoyen qui peut siéger au tribunal (l’héliée : tribunal d’Athènes qui se tenait en plein air sous les rayons d’Hélios, le soleil).

48 Aristophane, Les Oiseaux, op. cit., p. 458.

49 Aristophane, Les Oiseaux, op. cit., p. 465.

50 Paul Ricœur attribue cette distinction entre les utopies de fuite ou d’évasion et les utopies de reconstruction qui prétendent réaliser un programme à Lewis Mumford et à son livre Histoire des utopies, voir L’idéologie et l’utopie, op. cit., p. 357 ou p. 381.

51 Les Oiseaux d’Aristophane inspirera plus tard d’autres utopies littéraires notamment L’Autre monde, Les États et Empires du Soleil, de Cyrano de Bergerac. Dyrcona, le héros de cette utopie, voyage au soleil et découvre une civilisation des oiseaux qui fonctionne comme une inversion de la civilisation des hommes.

52 Aristophane, Les Oiseaux, op. cit., p. 503.

53 Aristophane, Les Oiseaux, op. cit., p. 536.

54 Aristophane, Les Oiseaux, op. cit., p. 507. (Le refus s’explique aussi par le fait qu’Athéna est déesse protectrice d’Athènes.)

55 Aristophane, Les Oiseaux, op. cit., p. 522.

56 Aristophane, Les Oiseaux, op. cit., p. 534.

57 L’éducation est composante essentielle des utopies humanistes et libertaires.

58 Aristophane, Les Oiseaux, op. cit., p. 543.

59 Basiléia est le fruit de l’union du ciel (Ouranos) et de la terre (Gaïa). C’est elle qui conçoit Hélios et Séléné (le soleil et la lune). En tant que telle, elle est celle qui assure la conjonction du haut et du bas.

60 « Si toute idéologie tend ultimement à légitimer un système d’autorité, toute utopie, le moment de l’autre, ne doit-elle pas s’affronter au problème du pouvoir ? », in L’idéologie et l’utopie, op. cit., p. 37.

61 Paul Ricœur, L’idéologie et l’utopie, op. cit., p. 361.

62 Nous avons un article entier aux revendications féminines dans la comédie d’Aristophane. Je vous renvoie à https://www.opinaverba.com/livres/9789920358040/2/. L’article est aussi disponible sur Google books : https://books.google.co.ma/books ?id =dwh0DwAAQBAJ&pg =PA16&lpg =PA16.

Bibliographie

Aristophane, Théâtre complet, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade » (traduction, présentation et notes de Pascal Thiercy), 1997. Le volume contient Les Acharniens (-425), Les Cavaliers (-424), Les Nuées (-423), Les Guêpes (-422), La Paix (-421), Les Oiseaux (-414), Lysistrata (-411), Les Thesmophorieuses (-411), Les Grenouilles (-405), Les Femmes à l’Assemblée (-392), Ploutos (-388).

Cioran Emil, Histoire et utopie, [1960], Paris, Gallimard, « folio », 1987.

Ricœur Paul, L’idéologie et l’utopie, Paris, Le Seuil, [traduit de l’anglais en français par Myriam Revault d’Allonnes et Joël Roman], 1997.

Semlali Mohamed, « Revendications des femmes dans la comédie d’Aristophane », in Revendications féminines dans la littérature, Saïs-Fès, Publications de la FLSH, ISBN : 9789920358040 [https://www.opinaverba.com/livres/9789920358040/2/]

Pour citer cet article

Mohamed Semlali, « Poète et politique dans la comédie d’Aristophane », paru dans Loxias, 67., mis en ligne le 15 décembre 2019, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=9298.


Auteurs

Mohamed Semlali

Professeur de littérature générale et comparée, Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Faculté des lettres et des sciences humaines, Saïs-Fès, Maroc.