Loxias | Loxias 38. Doctoriales IX |  Doctoriales IX 

Laurent Lachaise  : 

Littérature et paléontologie : une contribution double à la définition de l’Homme

Résumé

Dans son roman intitulé Préhistoire, Éric Chevillard décrit la régression à l’état d’homme préhistorique d’un paléontologue déchu devenu gardien de musée. À l’opposé de cette métamorphose, Andrée Chedid, dans son œuvre intitulée Lucy, La femme verticale, imagine le récit de l’entrée en humanité d’un de nos tout premiers ancêtres. Le sens du voyage dans le temps auquel procède Éric Chevillard est à l’inverse de celui imaginé par Andrée Chedid. Pourtant, en confrontant l’homme moderne à la figure de l’homme ou de la femme des origines, les deux récits se rejoignent au sein d’un même questionnement sur le statut particulier du genre humain dans le monde et dans l’histoire de celui-ci.

Index

Mots-clés : corps , évolution, filiations, Homme, origine, paléontologie

Géographique : France

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

1Comme le remarque Éric Chevillard, l’« homme des origines » est un être dont il est délicat, pour ne pas dire impossible, de définir les caractéristiques : s’agissait-il d’un singe sur le point de devenir homme, d’un homme sur le point de n’être presque plus singe, d’un mélange parfaitement équitable constitué physiologiquement et spirituellement d’autant d’attributs simiesques que d’attributs humains1 ? Le simple fait de poser cette question révèle notre incapacité à y répondre, car, pour ce faire, il faudrait être en mesure de définir respectivement l’humanité et l’animalité or ces « états » se font écho en termes d’analogies et de différences, en terme de comparaisons. Dans son livre Eating Animals2l’écrivain américain Jonathan Safran Foer évoque le travail de l’anthropologue Tim Ingold :

[Il a demandé] à un groupe diversifié de savants œuvrant dans les domaines de l’anthropologie sociale et culturelle, l’archéologie, la biologie, la psychologie, la philosophie et la sémiotique de définir ce qu’est un animal. […] Ils ont été dans l’incapacité de parvenir à un consensus sur la signification du mot […] Ce qui s’est finalement révélé, c’est que se demander : qu’est-ce qu’un animal ? […] C’est se demander : qu’est-ce qu’un homme3 ?

2Du premier représentant de son espèce aux derniers, l’homme serait ainsi, à la limite d’un certain nombre de frontières métamorphiques, au seuil de l’animalité.

3Pour introduire ma réflexion sur l’histoire des origines, je ferai référence au paléontologue français Yves Coppens. Dans son livre au titre évocateur Le Présent du passé, le codécouvreur du squelette fossile de Lucy écrit :

L’histoire qui est la nôtre inquiète et fascine les êtres humains que nous sommes. Héritier d’un monde vivant lui-même héritier d’un monde inerte, l’être humain ne cesse de se poser la même question, inhérente à sa conscience et à sa condition : ce qu’il fait ici, d’où il vient et où il va4.

4Dans L’Homme des origines5, l’historienne des sciences Claudine Cohen dresse une importante liste de romans dits « préhistoriques6 ». Elle compare ce genre apparu au XIXe siècle à celui du roman historique qui : « en faisant revivre le passé peut constituer la vérité de l’histoire7 ». Pourtant, Claudine Cohen conclut le chapitre qu’elle consacre, dans son ouvrage, aux fictions littéraires par l’évocation d’une série de romans « préhistoriques » ne « se conformant [pas] à une vérité8 ». Elle écrit à leur propos : « Le récit peut alors se déployer dans l’espace de la fiction, de l’invention, pour donner vie à nos rêves et à nos fantasmes des origines9 ». Entre recherche d’authenticité et réinterprétation, la paléontologie mise à l’épreuve de la fiction prolonge ainsi de façon significative sa participation à la recherche des origines de l’homme.

5J’ai choisi de travailler particulièrement sur deux romans contemporains au sein desquels le thème de la paléontologie est essentiel et qui m’ont paru représentatifs de cette préoccupation ontologique. Parmi les romans qui mêlent fiction et paléontologie, ces deux œuvres se distinguent par le statut du narrateur et le dialogue singulier que celui-ci semble engager avec le lecteur. Dans Préhistoire d’Éric Chevillard, comme dans Lucy, la femme verticale d’Andrée Chédid10, le problème résultant de la tentative, rarement concluante, d’une définition du genre humain est central. Ici, les interrogations sur les origines de l’homme en tant qu’espèce enrichissent un autre débat visant à définir, au-delà de la dimension biologique, ce qu’est l’humanité. Même si la question visant à déterminer ce qui distingue l’humain des autres êtres vivants est parfois posée de manière explicite, il s’agit davantage ici de voyager à travers le temps pour prendre toute la mesure des incessantes variations et des métamorphoses de ce qui caractérise ou non celui-ci. Dans un premier temps, je propose donc d’expliquer comment le voyage temporel symbolique auquel procède la « paléo-fiction »11 participe à une remise en question du statut même de l’humanité. J’insisterai ensuite sur la manière dont chaque être vivant, membre de l’espèce humaine ou non, se définit par le rapport qu’il entretient avec les autres, entre entité unique, profondément distincte, et prolongement d’une généalogie qui suppose une origine commune à tous. Pour finir, je montrerai l’influence de ces rapports à la vie sur les corps même des personnages dont il est question.

I. L’humain face à l’Histoire

6Préhistoire et Lucy sont principalement écrits à la première personne du singulier. Chez Éric Chevillard, le lecteur suit les pensées d’un gardien de grotte procrastinateur qui réfléchit autant à sa condition personnelle qu’à celle de l’espèce à laquelle il appartient. Ancien archéologue aujourd’hui obligé de surveiller les vestiges d’un passé qu’il contribuait auparavant à mettre en lumière, il n’accepte vraisemblablement pas la nouvelle place qu’on lui a attribuée12. Cette remise en question professionnelle trouve alors un écho dans l’analyse qu’il fait aussi de la condition humaine. Il superpose ainsi sa propre histoire, manifestée par l’usage du pronom personnel « je », à celle de l’humanité qui se trouve alors désignée par le truchement d’un « nous » collectif. À l’image de la méfiance qu’il éprouve à l’égard de son nouveau statut de gardien, le narrateur de Préhistoire formule de sérieux doutes quant à la légitimité de la fonction que l’homme s’attribue dans l’histoire. Il expose ainsi une vision des plus radicales de ce que nous sommes réellement, voire de ce que nous ne sommes pas :

[…] nous sommes nous-mêmes aujourd’hui les descendants d’une espèce voisine et rivale de l’espèce humaine anéantie dont nous usurpons le prestige et les privilèges et dont nous singeons les civilités […] je ne vois partout que des chimpanzés qui s’appliquent […] nous avons éliminé l’homme, puis nous avons pris sa place, et je le prouve : jamais l’homme, doué de la double faculté de raisonner et de rire, la seconde pour contrer la première, jamais l’homme ainsi éclairé ne serait entré dans l’Histoire13.

7Comme Éric Chevillard, Andrée Chedid substitue le « nous » de l’espèce au « je » individuel pour dénoncer les agissements de ses semblables, capables des pires atrocités. Dans Lucy, cependant, il n’y a pas un narrateur unique. Deux narratrices prennent ici la parole au sein d’un récit polyphonique et pluritemporel : la voix de la femme-singe du passé répond à celle de la narratrice du présent. Les « je » sont ainsi doublés, voire élevés au carré d’une espèce dont les narratrices sont d’une certaine manière les deux extrémités sur l’axe du temps. Le message que chacune adresse à sa façon, à l’autre, est en réalité destiné au lecteur. Chez Éric Chevillard comme chez Andrée Chedid, le narrateur, concerné tant par le présent que par l’avenir du monde qu’il partage avec chacun, délivre à tous un message aux allures de mise en garde. Pour eux, l’espèce humaine se caractérise par le fait que ses membres ne semblent pas percevoir les conséquences de leurs actes vis-à-vis du monde qui les entoure. Tout au long de Préhistoire, le gardien de la grotte de Pales fuit d’ailleurs très manifestement cette humanité défaillante. Conscient de l’absurdité de la société dans laquelle il vit, il cherche progressivement à s’en isoler. Il s’oppose d’abord à sa bureaucratie en refusant de prendre ses fonctions, avant de s’enfermer chez lui pour tenter de revenir à l’état sauvage. Il figure à sa manière l’Angelus Novus du tableau de Klee auquel Walter Benjamin fait référence dans son texte Sur le concept d’histoire14. Comme l’ange, le narrateur de Préhistoire n’admet pas la marche galopante d’un progrès qui ne prend pas toute la mesure du passé. Il cherche ainsi à remonter le temps, consterné par une actualité qui dresse principalement le constat affligeant d’une humanité violente et destructrice, une humanité qui court visiblement à sa perte. Il propose d’ailleurs une lecture à rebours de l’histoire de l’humanité tout entière, en imaginant un avenir qui, en plus d’être séduisant, ne peut qu’inciter le lecteur à rêver à un monde différent :

[…] partant d’aujourd’hui, en commençant donc par la fin pour remonter le cours des âges jusqu’aux plus anciens vestiges connus, […] On mesurerait avec le même ébahissement le chemin parcouru par les hommes depuis l’époque des villes automobiles, téléphoniques, peu à peu débarrassées de ces nuisances, déconstruites quartier par quartier pour laisser place à la campagne paisible et isolée, à ces villages fermiers où les toits des maisons prenaient appui sur des nids d’hirondelles, avant que de nouvelles améliorations n’interviennent, toujours dans le sens de la simplification, les lourdes pierres des murs si difficiles à extraire étant astucieusement remplacées par de légères cloisons de branches ou de torchis, pour en arriver enfin au confort de nos cavernes modernes, tandis que les ingénieurs militaires parvenaient dans le même temps à réduire considérablement la portée de nos armes grâce à des perfectionnements successifs destinés à les rendre moins meurtrières, d’abord, puis à peu près inoffensives : cette aventure, esquissée ici à grands traits, n’eût pas été plus insensée que l’histoire véritable15.

8Ces différents éléments amènent à s’interroger sur un des motifs récurrents des récits paléontologiques, qui est le rapport étroit que ceux-ci entretiennent avec l’eschatologie. Plus l’on s’éloigne vers le passé et plus la peur de la fin des temps se fait sentir. En réalité, origine et fin du monde coexistent dans ces textes pour converger vers le temps présent. Michel Lantelme met ce phénomène en valeur dans son livre Le Roman contemporain : « Le préhistorique et le post-historique se rejoignent en ce qu’ils ne portent, au fond, que sur le présent, et offrent une méditation sur l’actualité la plus brûlante, aussi bien que sur l’état de la littérature16 ». Ainsi, le personnage de Lucy s’interroge-t-il sur le sens de nos actes : « [nous] qui [célébrons nos] morts, mais [produisons] mille cruelles façons de [nous] exterminer et de disparaître, avant que la nature ne [nous] interrompe17 ». Loin de la contredire, celle qui l’écoute et lui répond du fond des âges ne trouve aucune excuse à ses contemporains : « Je vois deuil, je vois sombre ; je vois massacres, carnages, souffrances sans fin. Je refuse de nous engager dans cette action absurde et malfaisante18 ». « J’enrayerai la race humaine et son destin pervers19. » Le gardien de Préhistoire incrimine la science toute puissante : « […] jusqu’où […] peut-elle aller, où s’arrêtent ses droits, qui sommes-nous pour jouer avec le principe même de la vie20 ? » Il dépeint le même triste tableau que la narratrice moderne de Lucy, celui de « l’érosion anthropique et autres déprédations humaines21 ». Son contemporain « jonche le sol de papier, c’est la marque de son passage et le seul souvenir qu’il laissera22 ». Alors que la paléontologie se fonde justement sur la recherche puis l’analyse des traces fossiles laissées par la minéralisation des êtres vivants, cette sentence est terrible pour l’espèce humaine. Comment « avoir été » si les seules traces de notre existence s’avèrent aussi peu caractéristiques de notre nature charnelle ?

9La mise en perspective de l’absurdité de la conduite humaine est bien souvent révélée par son opposition à une nature bienveillante. L’homme est présenté comme en rupture avec son environnement. Nombreux sont d’ailleurs les penseurs de l’évolution, parmi lesquels Tournal et Lamarck23, qui considèrent que l’homme est responsable de l’extinction de certaines espèces24. Éric Chevillard écrit ainsi que « le pire ennemi du bois est le ventre de l’homme25 », ce même bois qui protège Lucy, « blottie dans l’épais feuillage d’un acacia26 », son « refuge et sa jouissance27 ». La nature est luxuriante, abondante, fertile et protectrice, quand l’homme est irrespectueux et destructeur. Les arbres dont les rameaux permettent à Lucy d’échapper aux moustiques portent aussi les fruits qui sont sa nourriture principale. A contrario, l’homme moderne fait subir à ce qu’il mange des transformations qui vont à l’encontre du cycle naturel de la vie28. Dans Préhistoire, la nourriture est littéralement dénaturée : les conserves dans lesquelles nous enfermons certains de nos aliments n’ont effectivement plus grand-chose à voir avec les fruits et légumes qui sustentaient notre ancêtre.

10Les représentants actuels de l’espèce humaine, pour Éric Chevillard comme pour Andrée Chedid, manquent très manifestement d’une conscience écologique. Ils auraient techniquement et technologiquement progressé, mais auraient oublié par ailleurs dans quelle mesure leur espèce serait dépendante de leur environnement. Car, comment s’affirmer au sommet de l’évolution lorsqu’on nie avec autant de violence la légitimité, pour ne pas dire la supériorité même de la vie ? Comme le souligne Michel Lantelme : « l’homme n’est pas au centre de l’univers, il est plutôt une espèce zoologique parmi d’autres, et aurait pu ne pas advenir29 ». Alors que l’homme moderne est ainsi si mal intégré à l’environnement qui l’entoure et qu’il partage avec les autres espèces vivantes, les liens qui existent pourtant entre eux sont forts. Leur mise en valeur, dans les textes qui nous intéressent, mérite d’être étudiée.

II. Filiations et parentés

11Dans un article sur l’implication des théories de la paléontologie, de la biologie et de la géologie dans l’œuvre du Britannique Graham Swift, George Letissier met en valeur l’importance de « la thématique de la parenté, ou plus largement de la succession des générations30 ». Il s’agit effectivement d’un thème central chez de nombreux auteurs qui mettent en scène dans leurs romans le thème de la paléontologie. Éric Chevillard et Andrée Chedid ne dérogent pas à la règle : les liens qu’ils établissent manifestement entre les individus, qu’ils soient proches ou non, sont fréquemment déterminés par ces notions de filiations. De surcroît, ils remontent tous deux à travers le temps jusqu’au point d’origine de ces différents liens, insistant régulièrement sur l’idée d’une origine commune à tous les hommes, voire à tous les êtres. Cette notion est véritablement significative, à tel point que les tableaux, dressés par les deux auteurs, du processus de l’évolution de la vie se ressemblent et se font écho d’une façon troublante31. On notera d’ailleurs l’influence des théories darwiniennes sur chacune de ces descriptions. Ainsi, Éric Chevillard évoque :

la fameuse planche où l’encyclopédiste a retracé en accéléré l’évolution de la vie terrestre, partant des origines, du protozoaire qui se hisse péniblement hors de l’eau, sur les coudes, et subit jusqu’au quaternaire une série de métamorphoses animales qui jonchent les âges géologiques de leurs mues de chairs et d’os, d’écailles, de cheveux blancs, pour aboutir en fin de parcours à l’être humain et s’y tenir plus ou moins32.

12Andrée Chedid retrace selon le même principe le parcours qui a permis à Lucy, puis à la narratrice de voir le jour :

D’abord bactérie ; puis algue flottante, créature d’eau ; je m’apparente, plus tard, au poisson, qui se vertèbre ; ensuite aux petits mammifères terrifiés par les dinosaures. Ces colosses périront tandis que, de métamorphoses en métamorphoses, je me perpétuerai jusqu’à vous33.

13La question des origines de l’homme s’articule ainsi couramment autour de la question, plus universelle, des origines de la vie. Le personnage de Lucy utilise la métaphore de l’arbre de vie pour signifier à son interlocutrice qu’elle se considère comme la génitrice de toute l’humanité34, puis elle insiste encore sur sa responsabilité vis-à-vis de l’espèce qu’elle va engendrer35. Cependant, au-delà de la seule espèce humaine, ce sont bien toutes les espèces vivantes qui sont manifestement reliées les unes aux autres. Comme un écho à la première loi de l’écologie établie par Barry Commoner, qui considère que « tout est connecté avec tout le reste36 », Andrée Chedid écrit : « Tout se tient et se relie. Tout est de même commune origine37 ». Partant de ce principe fondateur, il est révélateur de constater comment la profusion des lignes tracées par la vie ne donne pas lieu, comme il serait possible de l’envisager, à une forme de dissolution qui nous éloignerait tous profondément les uns des autres. Bien au contraire, dans les récits auxquels il est fait référence, l’idée d’une origine commune génère entre les individus d’étroites relations d’unisson. Ils sont véritablement liés les uns aux autres selon différentes modalités. Les liens dits familiaux, dont il a déjà été dit qu’ils se prolongeaient bien au-delà de la famille au sens le plus strict du terme, méritent tout de même d’être mis en valeur. Ainsi Andrée Chedid établit entre Lucy et celle qui envisage de l’assassiner différents degrés de parentés qui les unissent invariablement au sein d’une même famille38. Elles sont parfois sœurs39. Ailleurs, le rapport de parentalité déjà souligné s’inverse et Lucy devient alors la fille de la narratrice40. Chez Éric Chevillard, ces liens s’entremêlent parfois à tel point que les parents du narrateur « furent liés d’abord par un étroit cousinage41 », relation incestueuse qu’il faut considérer de manière littérale, même s’il s’agit ici d’insister sur le maillage complexe des liens familiaux auxquels il est constamment fait référence. Le narrateur persévère d’ailleurs dans ce sens avec cette étonnante affirmation : « […] puisque nous sommes tous frères, nous sommes à plus forte raison tous cousins42 ». Toutefois, et pour reprendre la formule de George Letissier citée précédemment, c’est peut-être avant tout l’idée d’une succession de générations qui est ici véritablement mise en avant. Il est alors intéressant de remarquer comment cette notion de répétition et de succession n’est pas seulement représentée chez Éric Chevillard par l’unique facteur biologique sur lequel se fonde traditionnellement la notion de famille. Dans Préhistoire, chaque gardien est avant tout représenté comme le successeur de l’autre. Il est celui qui est arrivé après la mort du précédent, comme une nouvelle espèce qui prendrait la place d’une autre au cours de l’évolution ou comme un enfant qui survivrait à la mort de ses parents. Les gardiens de la grotte de Pales se transmettent d’ailleurs en héritage, comme s’il s’agissait de reliques familiales, le costume et les chaussures représentatifs de leur fonction. Mais, alors qu’ils pourraient correspondre davantage à sa morphologie, ils s’avèrent particulièrement mal adaptés au corps du nouveau gardien43. Dans Lucy comme dans Préhistoire, seul le sang se fait le symbole organique inaltérable de ce qui se transmet d’individu en individu. Andrée Chedid écrit ainsi : « On dirait qu’un même sang nous relie44 », tandis qu’Éric Chevillard affirme que : « Nous sommes tous consanguins, de la même veine, nous baignons tous dans le même sang45 ».

14L’interprétation des relations de filiation et de transmission qui ont été mises en valeur varie profondément selon les différents courants de la pensée évolutionniste auxquels on se réfère. Ainsi, contrairement à Darwin, Lamarck niait « la réalité de l’espèce au profit de la notion d’un continuum du vivant en transformation46 ». Selon sa théorie : « chaque nouvelle génération hérite des acquis accumulés par ses prédécesseurs en les améliorant. La vie de chaque être est ainsi une amélioration graduelle – un dépassement – de celle de son ancêtre, processus au cours duquel il devient son descendant47 ». Chez Lamarck, ce n’est pas l’environnement qui impose ses contraintes à l’individu, mais bien l’individu qui agit directement sur ses caractéristiques propres afin de faire face à ces contraintes. Il lègue ainsi à sa descendance le meilleur de lui-même. Mais le sens des textes auxquels nous nous intéressons permet-il ou non de valider cette théorie ? Les corps des personnages de Préhistoire et de Lucy bénéficient-ils des avantages que devrait leur conférer l’évolution ?

III. Le corps et les stigmates du temps

15Dans une conférence donnée dans le cadre de la célébration de l’année Darwin, Stéphane Schmitt cite le naturaliste français Pierre Belon : « Le simple fait de parler de foie, de poumon ou de cœur pour les animaux, c’est déjà admettre que l’homme et l’animal partagent une certaine forme d’identité48 ». Le corps serait donc l’espace au sein duquel s’articuleraient les similitudes autant que les différences entre les individus d’une même espèce, d’abord, puis d’espèces a priori distinctes. Michel Serres, dans Hominescence, évoque d’ailleurs l’importance de l’influence de l’évolution sur les corps. Selon lui, les modifications corporelles qu’elle engendre sur de très longues périodes sont inévitables. Il écrit : « L’évolution sculpte les corps des vivants au moyen de la mort. Que change celle-ci et comment les hommes et leur corps ne se transformeraient-ils pas49 » ? Il paraît donc pertinent d’envisager qu’opère une forme de répercussion du processus évolutif dans la représentation des corps mêmes des différents personnages.

16Chez Éric Chevillard, l’être humain est souvent composite, hybride. Il peut ainsi être affublé d’attributs animaliers50, voire être confondu avec d’autres espèces aussi différentes les unes que les autres51. L’interprétation des formes reproduites en peinture par les artistes des cavernes est caractéristique de cette ambiguïté. Celle-ci donne ainsi naissance à des chimères étonnantes52 aussi bien qu’à des motifs dont la nature diffère au gré des observateurs53. Cependant, les peintures rupestres qui trônent sur les parois de la grotte imaginaire de Pales sont autant de références à une faune préhistorique reconnaissable, aussi variée que dangereuse54 :

Le catalogue de reproductions n’omet aucune des peintures de la grotte. Les figures animales dominent, achevées ou non, parfois juste ébauchées, puisqu’il recense vingt-huit chevaux, vingt-six mammouths, vingt bisons, seize bouquetins, seize rennes, sept aurochs, six félins, cinq poissons [salmonidés], deux élans, deux cerfs, un ours, un rhinocéros laineux, un sanglier, un loup, un oiseau, plus une centaine d’autres mammifères incomplets, ou bâclés, ou maladroits, ou dégradés, sur la nature desquels les préhistoriens se disputent55.

17Le caractère souvent fragmentaire ou altéré de nombre de ces images d’animaux est significatif. Le narrateur éprouve même l’envie de l’accroître, d’intervenir sur les figures restées indemnes. Il imagine alors un bestiaire édulcoré dans lequel le bison serait écorné pour être moins dangereux pour le chasseur, le cheval sans sabots pour éviter qu’il ne lui échappe et le fauve sans mâchoire pour qu’il ne puisse le mettre en pièces56. Les mutilations imaginaires prêtées à certains animaux du récit d’Éric Chevillard auraient probablement permis aux hommes préhistoriques d’affirmer leur supériorité : cependant, la tâche n’aurait pas été nécessairement rendue plus simple pour leurs lointains descendants dont l’habileté est à plusieurs reprises remise en question57.

18Il arrive aussi que du fait de l’accentuation de leur difformité, de leurs particularités physiques ou de leur motricité imparfaite ce soient les corps des personnages de Préhistoire qui soient mis en relief. Le responsable de la grotte de Pales, le Professeur Glatt, souffre ainsi d’une difformité : il a « la tête taillée en brosse, nul front visible, mais l’occiput hypertrophié, les temporaux proéminents, une tête large et plate que son poids mal réparti entraînerait irrésistiblement en arrière n’était ce cou terrible58 ». Mais alors que la « monstruosité59 » du Professeur se manifeste ici par une sorte de trop-plein, dont le narrateur estime qu’il figure d’ailleurs certainement « la nouvelle forme humaine agréée60 », celle dont souffrent ses employés est davantage caractéristique d’une forme d’absence, d’un manque. Ainsi, le narrateur, accidenté à la suite d’une chute, a un problème de claudication61. Boborikine, l’ancien gardien, qui est décédé, était « paralysé du bras droit62 » tandis que Crescenzo, premier gardien de la grotte, avait dû être « amputé du pied droit, suite à un accident63 ». Les gardiens de la grotte de Pales sont ainsi tous infirmes, atteints dans leur chair. De la même manière, chez Andrée Chedid, Lucy est reconnaissable à « ses courtes jambes, à ses longs pieds, à son bassin rétréci, mais évasé […] à ses épaules étroites, à ses bras qui n’en finissent plus ; à ses larges mains, à ses phalanges recourbées64 ». Ailleurs, elle est décrite comme « malingre, ratatinée65 », « la cervelle en gestation66 », le « cerveau somnolent67 ». Elle est semblable à une poupée fragile qui peine à se maintenir dans une position qui n’est a priori pas dans sa nature première. L’importance du rapport entretenu par les corps de chacun de ces personnages avec l’espace est ici primordiale : alors que la verticalité de l’un n’est due qu’à l’énormité atypique de son cou, l’équilibre des autres ne fait manifestement qu’osciller. La tension du récit d’Andrée Chedid se focalise d’ailleurs essentiellement autour de l’irrésistible envie de Lucy de dépasser son statut primitif de quadrupède. Elle hésite, découvre les possibilités de son corps, renonce et revient à la charge. De sa verticalité dépend en vérité toute la définition même de sa nature, de ce qu’elle est ou de qui elle devient, car de sa réussite dépend l’avenir de toute l’humanité68. Elle réussira finalement à faire ses premiers pas de bipède69. Toute l’ironie de la situation de déséquilibre permanent dans laquelle se trouvent alors les différents gardiens de Préhistoire, est ainsi soulignée par la performance « inverse » de leur lointain ancêtre.

19La vie peut alors se concevoir comme une succession de répétitions aux variations parfois infimes, qui semblent relier dans leur chair même les êtres vivants à travers le temps. Les nombreuses similitudes dont témoignent ces différents personnages, du tout premier membre de l’espèce humaine à ses derniers représentants, si lointains et pourtant si proches, sont troublantes. Elles démontrent, entre autres, toute la relativité de la durée d’existence de l’espèce humaine à l’échelle de la vie, relativité à laquelle les récits qui mêlent fiction et paléontologie ne cessent de faire référence. À ce propos, Claude Lévi-Strauss écrit d’ailleurs dans Tristes tropiques : « Le monde a commencé sans l’Homme et il s’achèvera sans lui70 ».

Conclusion

20Il reste bien difficile de cerner ce qui caractérise exactement l’homme, ce qui le différencie des autres espèces vivantes. Même si la question ne saurait déboucher sur une réponse exclusivement biologique, l’apport de la paléontologie à la recherche de l’essence de l’homme est déterminant. La figure de l’homme – ou de la femme – des origines mérite à coup sûr que l’on s’y intéresse avec la plus grande attention. À l’image des paléontologues, une série d’écrivains l’ont au demeurant bien compris. L’homme des origines sait entraîner celles et ceux qu’il fascine dans un parcours à rebours qui le transforme en surgeon lointain de notre humanité présente, avec laquelle il entretient une étrange familiarité. Sur le sujet de l’homme ou de la femme des origines, comme sur d’autres, la littérature a la faculté de proposer plusieurs scenarii qui ne s’excluent pas mutuellement. Mais peut-être son rôle est plus important encore : il se pourrait qu’elle constitue elle-même une des réponses les plus éclatantes à la question de savoir ce qu’est l’homme, car, après tout, comme l’a écrit Joseph W. Meeker dans The Comedy of Survival : « Les êtres humains sont les seules créatures terrestres littéraires71 ».

Notes de bas de page numériques

1  Voir Éric Chevillard, Préhistoire, Paris, Éd. de Minuit, 1994, p. 90. « […] il y eut en somme tant de créatures humanoïdes avant l’homme, qui n’étaient plus des singes, ou pas encore des singes, tant qu’il serait bien hardi de prétendre le distinguer, lui précisément, entre toutes ».

2  Jonathan Safran Foer, Eating Animals, New-York, Little, Brown and Company, 2009.

3 Jonathan Safran Foer, Eating Animals, p. 24. « Anthropologist Tim Ingold posed the question to a diverse group of scholars from the disciplines of social and cultural anthropology, archaeology, biology, psychology, philosophy, and semiotics. It proved impossible for them to reach a consensus on the meaning of the word. […] To ask “What is an animal?” […] It is to ask, “What is a human?” » Traduction française par Gilles Berton et Raymond Clarinard.

4  Yves Coppens, Le Présent du passé, Paris, Odile Jacob, 2009, p. 48.

5  Claudine Cohen, L’Homme des origines, Paris, Le Seuil, 1999.

6  Claudine Cohen, L’Homme des origines, pp. 199-224.

7  Claudine Cohen, L’Homme des origines, p. 202.

8  Claudine Cohen, L’Homme des origines, p. 223.

9  Claudine Cohen, L’Homme des origines, p. 224.

10  Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, Paris, Flammarion, 1998.

11  Le terme est emprunté à Michel Lantelme, Le Roman contemporain. Janus postmoderne,Paris, L’Harmattan, 2008, p. 123.

12  Voir Éric Chevillard, Préhistoire, p. 11. « Je ne suis décidément pas l'homme qu’il lui faut ».

13  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 90-91.

14  Voir Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire »[1940], Œuvres III, Paris, Gallimard, 2000, p. 434. « Il existe un tableau de Klee qui s’intitule "Angelus Novus". Il représente un ange qui semble avoir dessein de s’éloigner du lieu où il se tient immobile. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. Tel est l’aspect que doit avoir nécessairement l’ange de l’Histoire. Il a le visage tourné vers le passé. Où se présente à nous une chaîne d’événements, il ne voit qu’une seule et unique catastrophe, qui ne cesse d’amonceler ruines sur ruines et les jette à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si forte que l’ange ne les peut plus refermer. Cette tempête le pousse incessamment vers l’avenir, auquel il tourne le dos, cependant que jusqu’au ciel devant lui s’accumulent les ruines. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès. » Traduction par Maurice de Gandillac.

15  Éric Chevillard, Préhistoire, pp. 129-130.

16  Michel Lantelme, Le Roman contemporain. Janus postmoderne, p. 29.

17  Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 31.

18  Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 49.

19  Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 50.

20  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 120.

21  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 110.

22  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 57.

23  Claudine Cohen, L’Homme des origines, p. 44.

24  Voir à ce sujet Jean-Jacques Barloy, Lamarck contre Darwin. L’évolution des êtres vivants, Paris, Études vivantes, 1980, p. 34.

25  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 33.

26  Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 20.

27  Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 23.

28  Voir Éric Chevillard, Préhistoire, pp. 142-143. « L’alcool ou les conservateurs chimiques que nous utilisons dans certains cas ne sont pas non plus éternellement actifs, les acides sorbique ou acétique, l’anhydride sulfureux, les antibiotiques et les antioxydants retardent juste un peu l’attaque des micro-organismes destructeurs ».

29  Michel Lantelme, Le Roman contemporain, p. 25.

30  Georges Letissier, « Ever After de Graham Swift : paléontologie, géologie, biologie et fiction romanesque », Études anglaises, 2001/3 Tome 54, p. 287.

31  Parmi les nombreuses similitudes que comportent les deux textes, l’idée d’une vie qui aurait commencé dans l’eau a son importance. L’eau comme symbole de vie, sans laquelle il est connu de tous que la vie ne peut exister. Pourtant, si le milieu aquatique est effectivement synonyme de vitalité, le rapport de l’eau à la vie est parfois inversé puisque la narratrice de Lucy envisage de tuer notre lointain ancêtre en la noyant, tandis que le gardien de grotte de Préhistoire s’imagine revenir à l’état de poisson après l’éclatement de ses poumons conséquent, pour lui aussi, à une noyade.

32  Éric Chevillard, Préhistoire, pp. 28-29.

33  Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, pp. 33-34.

34  Voir Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 22. « Pourtant, c’est moi, ta racine, fixée dans le mythe du temps ».

35  Voir Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 30. « Que ferez-vous de ces dons que je m’acharne à vous transmettre ? Qu’en ferez-vous ? ».

36  Cité par Michael Egan, Barry Commoner and the Science of Survival, MIT Press, 2007, p. 126. « Everything is connected to everything else » (traduction personnelle).

37  Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 66.

38  Voir Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 89. « elle m’indiquait que je lui étais proche, familière »

39  Voir Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 39. « Face au temps démesuré qui nous précède, au temps sans mesure qui nous suivra, nous sommes soudain très proches, toi et moi.  Tellement proches. Fraternelles. Étroitement apparentées. »

40  Voir Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 85. « Il me sembla soudain que c’était moi qui venais d’enfanter Lucy. »

41  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 35.

42  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 36.

43  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 10. « En attendant, je suis obligé de porter l’uniforme de Boborikine. Il ne me va pas du tout. »

44  Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 64.

45  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 35-36.

46  Claudine Cohen, L’Homme des origines, p. 241.

47  Tim Ingold, Une Brève histoire des lignes [2007], Bruxelles, Zones sensibles, 2011, p. 148.

48  Stéphane Schmitt, « Anatomie comparée et transformisme : de Buffon à Darwin », http://www.canalacademie.com/ida5330-Annee-Darwin-Anatomie-comparee-et-transformisme-de-Buffon-a-Darwin-2-3.html (consulté le 10 avril 2012).

49  Michel Serres, Hominescence, Paris, Le Pommier, 2001, p. 11.

50  VoirÉric Chevillard, Préhistoire, p. 100. « les griffes de l’homme » ou p. 34. « quatre poings de singe ».

51  Voir Éric Chevillard, Préhistoire, p. 115. « le doute touche même un profil humain qui serait plutôt une croupe de bison, selon certains, ou plutôt, selon d’autres, le seul exemple de pingouin relevé dans une grotte située à cette distance des côtes ».

52  Voir Éric Chevillard, Préhistoire, pp. 115-116. « […] on croit d’abord reconnaître une tête d’isard et on se demande où est le problème, seul l’isard possède de telles cornes courbes, mais on distingue alors deux traits plus fins qui les prolongent et se ramifient pour former en fait la puissante ramure d’un cerf mégacéros, voici donc la question résolue, c’était bien une pauvre énigme, puis l’œil dégage de l’enchevêtrement des andouillers la silhouette très pure d’un félin rugissant et tout s’organise différemment, on prenait pour une corne le jet d’urine dru par lequel le fauve marque son territoire, et, maintenant que cette nouvelle représentation s’est imposée, on ne parvient même plus à retrouver les contours de l’isard, ni du mégacéros, ce prétendu profil de ruminant évoque d’ailleurs bien davantage l’aile déployée d’un aigle, et en effet je distingue nettement le bec crochu du rapace, comment avons-nous pu y voir la tête d’un félin rugissant, c’est un aigle saisi en vol, inutile de chercher plus loin, la ligne incurvée de son dos ne ressemble pas plus à un jet d’urine qu’à une trompe de mammouth, par exemple, force est de constater qu’elle ressemble trop à une trompe de mammouth pour ne pas en être une, le pachyderme tout entier apparaît aussitôt, vu de trois quarts face, on prenait pour une aile d’oiseau de proie sa terrible défense droite – telle est cette étrange figure qu’une observation plus soutenue nous donnerait encore pour un saumon, un crabe ou un bison, à en juger son col roulé de fourrure laineuse ».

53  Voir Éric Chevillard, Préhistoire, pp. 150-151. « […] le corps d’un tigre gravé à mi-hauteur de la paroi, dans une salle de la galerie supérieure, au flanc marqué de quatre zébrures profondes, parallèles, rehaussées de rouge, inspira jadis au professeur Opole une étude sèche et péremptoire, Le dieu-tigre des hommes de Pales, reposant sur une analyse minutieuse de ce tigre symboliquement réduit aux motifs de sa livrée et dévotement placé au centre même de la grotte, qui fit grand bruit avant d’être démolie par le professeur Glatt. Dans son article de contre-attaque, A l’heure où le professeur Opole va boire, Glatt apporte en effet la preuve incontestable que les prétendues rayures du tigre furent en réalité gravées par un ours ».

54  Voir Éric Chevillard, Préhistoire, p. 69. « leurs fresques exaltent un monde vigoureux, dominé par les figures puissantes et résolues des mammouths, des bisons ».

55  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 115.

56  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 85.

57  Voir Éric Chevillard, Préhistoire, p. 87. « […] jusqu’à ce rejeton ultime qui entra dans l’Histoire, enfin, fondateur de toutes les traditions qui engendra pour la première fois des enfants moins débrouillards que leur père mais auxquels il donna une excellente éducation et qui devinrent des hommes dignes de ce nom ».

58  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 28.

59  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 30.

60  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 30.

61  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 13.

62  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 13.

63  Éric Chevillard, Préhistoire, p. 14.

64  Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 55.

65  Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 22.

66  Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 19.

67  Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 29.

68  Voir Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 15. « il m’a été donné d’être l’amorce, le fondement de votre humanité ».

69  Voir Andrée Chedid, Lucy. La femme verticale, p. 92. « […] je l’ai vue : toute seule, debout ».

70  Claude Levi-Strauss, Tristes tropiques, Paris, Plon, 1955, p. 447.

71 Cité par Glen Love, « Revaluing Nature », The Ecocriticism Reader, Athens, University of Georgia Press, 1996, p. 228. « Human beings are the earth’s only literary creatures » (traduction personnelle).

Bibliographie

 Corpus

CHEDID Andrée, Lucy. La femme verticale, Paris, Flammarion, 1998

CHEVILLARD Éric, Préhistoire, Paris, Éd. de Minuit, 1994

 Textes de référence

BARLOY Jean-Jacques, Lamarck contre Darwin. L’évolution des êtres vivants, Paris, Études vivantes, 1980

BENJAMIN Walter, « Sur le concept d’histoire » [1940], Œuvres III, trad. Maurice de Gandillac Paris, Gallimard, 2000

COHEN Claudine, L’Homme des origines, Paris, Le Seuil, 1999

COPPENS Yves, Le Présent du passé, Paris, Odile Jacob, 2009

EGAN Michael, Barry Commoner and the Science of Survival, MIT Press, 2007

INGOLD Tim, Une brève histoire des lignes [2007], Bruxelles, Zones sensibles, 2011

LANTELME Michel, Le Roman contemporain. Janus postmoderne, Paris, L’Harmattan, 2008

LETISSIER Georges, « Ever After de Graham Swift : paléontologie, géologie, biologie et fiction romanesque », Études anglaises, 2001/3 Tome 54

LÉVI-STRAUSS Claude, Tristes tropiques, Paris, Plon, 1955

LOVE Glen,« Revaluing Nature », The Ecocriticism Reader, Athens, University of Georgia Press, 1996

SAFRAN FOER Jonathan, Eating Animals, New-York, Little, Brown and Company, 2009

SCHMITT Stéphane, « Anatomie comparée et transformisme : de Buffon à Darwin », http://www.canalacademie.com/ida5330-Annee-Darwin-Anatomie-comparee-et-transformisme-de-Buffon-a-Darwin-2-3.html (consulté le 10 avril 2012)

SERRES Michel, Hominescence, Paris, Le Pommier, 2001

Pour citer cet article

Laurent Lachaise, « Littérature et paléontologie : une contribution double à la définition de l’Homme », paru dans Loxias, Loxias 38., mis en ligne le 02 septembre 2012, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=7166.


Auteurs

Laurent Lachaise

Laurent Lachaise prépare une thèse de doctorat en Littérature générale et comparée à l’Université de Limoges (EHIC) sous la direction du professeur Bertrand Westphal. Il a récemment participé à la coordination du volume d’actes du colloque « Parole au silence », publié en mai 2012 aux PULIM (Limoges). Sa thèse porte sur la thématique de la paléontologie dans la littérature contemporaine.