Loxias | Loxias 32 « Qu’il parle maintenant ou se taise à jamais… »: Les effets du silence dans le processus de la création (1) | I. Le sceau rompu du silence 

Paola Martini  : 

Entre le désir de dire et la tentation du silence : la narrativité de Maïssa Bey

Résumé

Le silence n’est pas situé à l’extérieur du discours narratif, mais il en fait partie intégrante : les pauses, les hésitations du récit, les éléments typographiques (les points de suspension ou les espaces blancs) sont constitutifs du discours et disent les difficultés et les pièges de l’acte de raconter. Cela est encore plus évident dans la littérature maghrébine, surtout chez les femmes écrivaines. Leur prise de parole est devenue un véritable engagement, un instrument de lutte contre le silence imposé par leur culture et leur société. La femme, selon le mot de Marc Gontard, se libère ainsi des mythes et assume son regard sur le monde en tant qu’acteur et témoin social en prise avec l’Histoire et le temps. Le désir de narrativité participe souvent du besoin de “se raconter”, de se re/construire une identité – perdue, cachée, oubliée, niée – face à l’anonymat auquel sont traditionnellement réduites les femmes. L’écriture est ainsi étroitement liée à la convocation des souvenirs ensevelis, à l’exploration de la mémoire, en ayant parfois recours à la structure du récit encadré dans un autre récit avec une conteuse qui remémore son passé et devient personnage. Le silence et la parole se modulent avec une constante tension émotionnelle dans les romans et récits de Maïssa Bey, où l’auteur prend la parole pour revendiquer la liberté de vivre le désir et la passion, pour donner corps à l’insatisfaction et à l’ennui dans la relation de couple et pour lever le voile sur les crimes de guerre. Mais le silence reste toujours aux aguets : contrepartie de la parole, tentation dangereuse, espace suggestif qui, comme l’affirme Michel Le Guern, seul peut dire l’indicible.

Abstract

Between the desire of telling and the temptation of silence : the narrative by Maïssa Bey: Silence is not situated outside narrative speech, but it is an integral part of it: pauses, hesitations in the storytelling, typographic features (such as for example suspension points or blank spaces) constitute the narration and tell us about the difficulties and the traps of the narrative act. This is even more evident in the field of the Maghrebi literature, especially produced by women. Their embrace of the word has become a real engagement, an instrument to fight against that silence imposed by their culture and their society and by which they free themselves and take a look at the world as protagonists and social witnesses, in contact with History and time. The desire of narrative is often linked to the need of “self telling”, to the search for identity re-construction. So writing becomes strictly connected with the evocation of hidden memories, resorting sometimes to the structure of second degree narrative with the presence of a storyteller. Silence and words modulate themselves with a constant emotional tension in the novels such as in the short stories by Maïssa Bey, especially in Sous le jasmin la nuit (2004), where she takes up the challenge to revenge her freedom for life, her desire and passion, or to denounce war crimes. But silence always lies in ambush, as a dangerous temptation and an attractive space that only it can express what is inexpressible. Narratological instruments will be helpful to analyse the unpredictable alternation of silence and words.

Index

Mots-clés : femmes , littérature maghrébine, narrativité, prise de parole, silence

Keywords : Maghrebi literature , narrative, silence, storytelling, women

Géographique : Maghreb

Plan

Texte intégral

Maintenant que je suis sortie,
je ne rentrerai pas
Maintenant que j’ai parlé,
je ne me tairai pas.
Fawzia Zouari, Pour en finir avec Shahrazad

1Au commencement était la mer est le premier roman de Maïssa Bey, écrit dans l’urgence de mettre noir sur blanc quelques scènes dramatiques et douloureuses dont elle avait été témoin quand elle était jeune. Cet ouvrage, qui aurait dû significativement s’intituler La Faiseuse d’histoire1, est situé pendant les années noires du terrorisme, dans une Algérie ravagée par la haine et par la guerre civile, où « plus personne ne rêve2 ».

2À la base des dix nouvelles qui composent le recueil Nouvelles d’Algérie, il y a le besoin viscéral de dire et de mettre en évidence les atrocités d’une guerre occultée par les médias, en Algérie comme ailleurs. L’écrivaine a ressenti la nécessité et l’urgence de combler par l’écriture cette lacune de représentation, consciente des difficultés de dire l’indicible3. L’intention est celle de préserver de l’oubli la douleur de la Guerre, de donner la parole au peuple algérien, surtout à ses femmes, souvent réduites au silence. La première nouvelle de ce recueil s’intitule avec pertinence « Le Cri ». Le cri représente le retour à la ‘non-parole’, à la parole première ou, comme affirme Dominique Le Boucher, à l’ « acte fondateur de la naissance à la parole4 ». Le cri d’une mère face à la mort de son mari traverse l’espace rassurant de sa fille, coupe le silence et semble transpercer son corps qui ignore encore la notion de douleur : « Elle a mal, très mal, mais elle ne sait pas où. C’est dans sa tête. Dans son corps5 ». Le langage de la protagoniste de « Quand il n’est pas là elle danse », nouvelle du même recueil, est aussi fait de silence. La femme expérimente la réappropriation d’un moyen expressif hors du système linguistique construit sur la parole et se révolte contre le verbe patriarcal. Le silence arrive jusqu’à assumer le rôle d’un amant imaginaire capable de combler le vide affectif. L’explicit reste inachevé par des points de suspension laissant deviner une fin qui n’est tragique que partiellement : avec la mort, une mort choisie, la femme a finalement confirmé sa propre liberté.

3La protagoniste du roman Cette fille là recompose son arbre généalogique imaginant les possibles versions de sa naissance et de son enfance en recourant à la fantaisie et à une « parole fiévreuse6 ». Comme on le comprend dès le prologue, le but de Maïssa Bey est celui de « lever le voile sur les silences des femmes7 » et donner ainsi la voix à « une parole tue le plus souvent, refoulée ou interdite, une parole qui noue entre elles des vies ignorées8 ».

4À partir des textes cités on comprend que le silence et la parole se côtoient et s’alternent le long des pages et des œuvres. Le silence n’est plus un moment ou un espace à l’extérieur du discours, mais il fait partie de ce dernier avec ses pauses, ses hésitations, ses intrigues inachevées, ses points de suspension. Il exerce donc sa fascination en devenant présence éloquente et, d’après ce qu’affirme Michel Le Guern, il est le seul à pouvoir dire l’indicible9.

5Avec Sous le jasmin la nuit, Maïssa Bey continue son travail de « décryptage » de la société algérienne contemporaine avec la détermination, la lucidité et le sens critique qui la caractérisent depuis toujours. Les onze nouvelles qui composent le recueil se focalisent autour des figures de femmes – épouses, mères, filles, maîtresses, sœurs – qui aiment, souffrent, dorment, rêvent et meurent dans la solitude ou sous le regard indifférent et parfois cruel des hommes. S’animent ainsi des portraits vivants où l’auteur met en relief le défi d’héroïnes courageuses en quête de liberté et d’affirmation identitaire à travers la parole.

6L’enjeu est très grand et le risque aussi, puisqu’une femme qui parle ou écrit, dans les pays du Maghreb, peut aujourd’hui encore risquer jusqu’à sa propre vie. Alors, la lutte est engagée contre la dissimulation et contre le silence imposé par la religion et la tradition patriarcale et machiste qui veulent enfermer la femme dans les seuls rôles de génitrice et de nourrice, en lui soustrayant toute possibilité de choix personnel. C’est cette tension continue entre parole et silence qui alimente la recherche et l’écriture de Maïssa Bey :

C’est dans cet équilibre précaire entre le désir de dire et la tentation du silence que je peux me sentir exister. Prendre les chemins de l’écriture, aller à contre-silence, accepter de naître au verbe, c’est accepter la souffrance et le bonheur qui accompagnent toute naissance au monde10.

7La parole dite, murmurée, chuchotée, criée, tue se module ainsi, au cours des onze nouvelles, en donnant vie à un espace où mémoire et désir de révolte prennent corps avec une intensité et une résonance extraordinaires. Cette étude se propose donc d’analyser les stratégies de l’acte de se raconter auxquelles Maïssa Bey a recours en défiant le silence, imposé ou choisi, à travers une approche narratologique focalisée dans le recueil Sous le jasmin la nuit.

La parole en scène

8Quelle meilleure modalité pourrait-il y avoir pour signifier la prise de parole sinon celle de mettre en scène un personnage qui se présente à une audition théâtrale ? Plus qu’une nouvelle, « Improvisation » est le monologue d’une femme « entre deux âges » qui, en répondant à l’annonce d’une compagnie théâtrale, tente sa chance sur la scène. La parole devient donc voix et, dans son passage à l’oralisation11, elle se fait exhibition et don, agression, conquête et espoir de consommation de l’autre ; intériorité manifestée12. La structure monologique est tout à fait propice à l’affirmation du sujet qui, à travers la communication orale, exerce un acte d’autorité et d’appropriation de l’espace verbal. Cela est évident lorsque la femme-personnage, à peine s’est-elle rendue compte que la scène est dépouillée, n’hésite pas à meubler l’espace, aidée par son imagination, avec des objets évocateurs de l’ambiance et susceptibles d’inspirer une histoire, son histoire :

Un plateau nu. On ne m’avait pas prévenue. Ils auraient pu faire un effort pour le décor ! Il manque... des fauteuils, un lit... Avec un lit, on peut improviser, on peut tout inventer, des histoires d’amour et de mort, ou bien... dans un coin une porte dérobée par où s’enfouir [...] une armoire pleine de ces tiroirs secrets qu’on finit toujours par ouvrir, jamais à temps, avec un miroir à l’intérieur. Un grand miroir qui apparaît dès qu’on ouvre la porte. Un miroir à remonter le temps...13

9Le récitatif du monologue qui, par sa nature, n’attend pas de réponse d’un interlocuteur présent sur scène, ici, au contraire, implique le public dans son rôle d’audience afin que la transmission du message verbal ait lieu. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans le théâtre d’improvisation, un genre auquel le texte se réfère dans le titre, et dans les contes oraux, alors que le conteur met en acte des stratégies pour solliciter l’attention de son auditoire. Voilà quelques-uns des exemples les plus significatifs :

Dites, comment vous me trouvez ? […] Elle regarde le public silencieux et hausse les épaules14.

Il y a un courant d’air, vous ne sentez pas ?15

Et je sais même lire et écrire ! Elle éclate de rire Non, non ce n’est pas une blague, attendez, je vais tout vous dire16.

Vous là, et vous... Vous n’avez pas choisi de venir ici pour m’écouter, c’est votre travail, mais vous pouvez à présent choisir de ne pas m’engager17.

10La longue tirade de la femme, coupée par des didascalies de proxémique et par une voix hors-champ qui annonce le temps encore disponible pour l’achèvement de la performance, procède sur deux niveaux de lecture. À un premier niveau textuel où la protagoniste affirme avoir voulu aller en scène pour « postuler pour le rôle (Jasmin, 50) » en vertu de ses capacités d’actrice et de mimétisme, sous-tend un deuxième niveau qui fait allusion à la recherche identitaire et à la pratique de la dissimulation où, en tant que femme, elle affirme exceller18. L’accent est posé dès le début sur l’importance d’avoir un rôle et sur la possibilité de prendre la parole pour pouvoir tisser ensuite une intrigue. Ce n’est pas un hasard si les modèles de référence cités sont de courageuses héroïnes du théâtre classique, Phèdre et Antigone : la première est le symbole des passions vécues au prix de la vie, tandis que la deuxième est la « défenseure » de la justice humaine. Les deux trouveront la mort pour avoir essayé avec la parole de rétablir la vérité et la justice.

11Au centre du monologue s’ouvre un passage sur un épisode qui peut-être appartient à l’histoire personnelle de l’actrice narratrice autoconsciente19, où les épisodes se suivent, à travers de fugaces analepses et des associations d’idées, selon une stratégie narrative très proche du flux de conscience. Le mot « choix » déclenche par exemple la tirade sur la question « avoir ou ne pas avoir le choix (Jasmin, 51) » et ouvre une digression sur une série de non-choix qui ont marqué sa vie et celle de sa mère. À propos de cette dernière, elle se souvient par exemple qu’elle n’a pas pu choisir de mettre au monde sa fille20, ni l’homme avec qui se marier, encore moins « les mots pour se dire (Jasmin, 53) ». La digression déplace ensuite le plan focal sur le père, figure redoutable et autoritaire dont les colères étaient subies en silence par son épouse21. La prégnance de l’oralité est renforcée par une série de didascalies qui soulignent la qualité de la voix de l’actrice et dans lesquelles on fait allusion à deux tentatives d’esquisser un chant22. Par la chanson, même d’après ce que Zumthor affirme, la voix est totalement désaliénée et la parole en résulte magnifiée, moins comme langage que comme affirmation de puissance23.

12Dans la dernière partie du monologue l’actrice explique avec pathos et lyrisme un sentiment de distance envers sa terre natale, la nostalgie et le risque de l’oubli, mais à la fin elle est incapable de trouver le mot pour traduire cette sensation : « … mais j’oublie ce mot… même ça…(Jasmin, 56) ». La fin rend la parole à un metteur en scène hypothétique qui remercie la femme pour sa performance et dont la présence, bien que discrète, a été nécessaire pour rendre signifiant l’énoncé du locuteur24. Dans le sillage du théâtre épique brechtien, les conventions du genre théâtral se rompent et les composantes de fiction sont donc mises en évidence. La représentation devient ainsi métaphore de la capacité de se conter et de se réinventer à l’infini – « il suffit de mettre le masque, de placer sa voix (Jasmin, 57) » – afin que la mémoire soit gardée.

13Dans « Nonpourquoiparceque » Maïssa Bey analyse la grammaire du discours, en mettant en lumière d’un côté ses fonctions logiques, de l’autre les dynamiques sociales et interpersonnelles qui y sont soumises. À travers un narrateur à la première personne incarnant le symbole de toutes les femmes en quête d’émancipation et de réponses à leur condition de marginalisation, on passe en revue quelques formules de phrases interrogatives se focalisant sur une demande de permission. La réponse se profile toujours comme un obstacle à l’accomplissement de sa propre volonté et de ses désirs, et elle est représentée avec des images qui renvoient à des barrières insurmontables comme « mur (Jasmin, 89) », « infranchissable frontière », « chaîne », « barre », « nasse aux entrelacs inextricables (Jasmin, 90) ». Dans un contexte linguistique marqué par une société prisonnière des tabous, la dynamique du refus implique que l’on réponde à un ‘pourquoi’ avec un ‘parce que’ suivi d’un point final, ou d’un ‘c’est comme ça’ qui n’ajoutent pas de contenu, ou encore avec du silence. Au-delà, il y a l’abîme, la limite où il est opportun de ne pas s’aventurer.

14La diégèse englobe ici et là des fragments de mimesis, mais dans le seul but d’exemplifier les théories sur l’incommunicabilité. Cela assume ainsi les contours d’un traité de grammaire et devient une réflexion métalinguistique qui raisonne sur le fonctionnement du langage et sur ses implications, comme on peut l’observer aussi dans ce passage :

Parce que : conjonction de subordination. Suivie, dans des conditions normales, d’une phrase qu’on appelle dans les livres et chez les profs : proposition subordonnée de cause. Avec un verbe à l’indicatif. Subordonnée, oui, c’est ça ! Mais chez nous les causes sont tellement indiscutables que les propositions sont supprimées, d’office. On ne fonctionne plus que par ellipses25.

15Ainsi sectionné, l’énoncé révèle son projet de censure et de discrimination : à la femme, toute proposition de cause est coupée. L’ellipse devient alors le symbole du non-dit et véhicule un sentiment de déception et de mortification par rapport à n’importe quelle attente de communication et de réalisation personnelle.

16La narratrice-agent sélectionne d’autres fragments de conversations appartenant à son passé pour démontrer comment des stratégies adéquates de persuasion et de fiction sont capables de renverser les rapports de force à l’intérieur du discours26 pour pouvoir ainsi jouir des moments de liberté conditionnelle. La narratrice affirme être devenue avec le temps très douée dans cet art, à tel point qu’elle laisse son interlocuteur sans paroles :

– Tu sais, le prof qui s’était absenté la semaine dernière…
– ...
– Il veut rattraper ses heures de cours. Le lundi après-midi ! Le seul jour où...
– ...
– J’ai vraiment pas envie... mais c’est obligatoire. Tu te rends compte, trois heures de maths un lundi après-midi !27

17L’ironie qui caractérise la nouvelle démasque les paradoxes d’une culture fondée sur le respect des bienséances dictées par des préceptes moraux et religieux profondément liberticides pour la femme. Pour preuve, l’épisode qui relate le traitement différent, par rapport à son frère, réservé à la protagoniste lorsqu’elle était jeune. En effet, l’interdiction de sortir de chez elle était motivée, comme on le voit, par les raisons les plus absurdes :

Si je ne peux pas sortir librement, c’est que je suis trop petite pour marcher seule dans la cour ou dans la rue. Ou il fait trop chaud, trop froid, trop nuit dehors […] ou que la porte est fermée et les clés sont perdues, ou encore que derrière la porte se cache un loup […] ou un homme tout en noir avec un grand couteau... oui, c’est ça, on a peur pour moi. L’idée me rassure. Je suis donc précieuse. On veut me protéger, me soustraire aux innombrables dangers qui me guettent, tapis à l’extérieur28.

18Au-delà de certaines attentions présumées, la voix narrante insinue en effet qu’il y a le reflet d’une attitude discriminatoire et sexiste perpétrée contre elle :

Mais… je serais donc plus précieuse que mon frère ? Il sort, lui. Il n’a même pas besoin de poser des questions, de demander des permissions. Les portes s’ouvrent grandes devant lui. […] Alors, on aurait peur de quoi ?29

19L’anatomie attentive du discours opérée par l’écrivaine algérienne révèle que la dissimulation constante de la vérité, à travers la parole camouflée, conduit progressivement à l’accoutumance au mensonge, en supprimant tout instinct de révolte pour l’auto-affirmation. L’incommunicabilité se dresse alors toujours plus épaisse, toujours plus insurmontable, transformant en pure illusion le langage qui, comme d’ailleurs la voix narrante met en garde, « dit tout, sauf l’essentiel (Jasmin, 95) ».

20La nouvelle se termine sur un ton provocateur et d’une façon cyclique avec une question – « Dis, maman, est-ce que je peux… ? (Jasmin, 95) » – que la narratrice, désormais adulte, attribue hypothétiquement à sa fille. Une question qui en sous-entend une autre bien plus délicate et urgente : est-il possible de se libérer des spirales de cette rhétorique qui condamne les rapports à l’incompréhension et à l’incommunicabilité ?

21La nouvelle « C’est quoi un Arabe ? » aussi réfléchit sur le langage et analyse les stéréotypes qui se cachent derrière les définitions identitaires. La protagoniste, narratrice omnisciente, se met en scène elle-même à l’époque de son enfance et, se désignant avec le pronom ‘elle’, donne la voix à sa curiosité de jeune fille. À un premier niveau diégétique, qui s’annonce comme une partition scénique au présent, sont intercalés des fragments d’un deuxième niveau diégétique mis en évidence en italique, dont la voix narrante, ici extra-diégétique, commente et dialogue avec le premier niveau de la narration. Tout commence avec la fatidique question « c’est quoi un Arabe ? ». Dans l’espace qu’elle s’est découpé pour donner la voix à sa propre pensée, la narratrice avoue ne plus se rappeler qui lui a répondu à cette question et surtout ce qu’on lui a dit. Dans sa mémoire restent imprimés des souvenirs visuels qu’elle invite proleptiquement à saisir, puisqu’on y trouve la réponse à la question cruciale. On voit donc les images de longs vêtements, de foulards, de burnous, de mystérieux tatouages et de longues barbes remonter à la surface : des éléments de la différence, des traits distinctifs à travers lesquels l’Occident reconnaît l’Arabe comme autre par rapport à soi. Et c’est de ces clichés que Maïssa Bey veut partir pour rechercher le signifié de son identité et de son passé. L’image du grand-père émerge de l’oubli et se projette dans le présent, sur la page, avec toute sa prégnance émotionnelle : « Oui, c’est bien là. Encore présent. Tellement présent que les larmes me montent aux yeux. (Jasmin, 136) » Un nouveau fragment se dégage imprégné d’ailleurs d’éléments autobiographiques sur l’adolescence de l’écrivaine, concernant l’école et son expérience précoce de la lecture grâce à son père instituteur.

22Le passage en italique qui suit se profile alors comme une remise en question de la modalité de conter et donc comme métadiégèse : « Non, quelque chose ne va pas ! Il faut refaire la fin(Jasmin, 137) ». Il devient une sorte d’aperçu proleptique allusif lorsqu’elle annonce la possible révélation d’un drame, pris au piège dans les mailles plus étroites et douloureuses de la mémoire, configurant l’écriture comme le seul moyen pour parvenir à vaincre le silence :

M’imprégner de ces instants, avant, avant cette chose terrible autour de laquelle je tourne depuis le début et que je n’arrive pas à dire. Pas encore30.

23La déconstruction de la pensée stéréotypée se poursuit avec le souvenir des parents dont elle évoque quelques images significatives : sa mère Zahra, avec une robe courte à fleurs, sans voiles ni tatouages, et son père, la tête nue, en veste et pantalon, sans ce costume traditionnel que ses oncles portaient encore. La langue non plus – les deux parlaient français – n’aide pas à les classer comme arabes, ou comme ce qu’on croit être un Arabe. Mais parler une langue – souligne la narratrice – n’indique pas une appartenance, mais une « inextricable souffrance (Jasmin, 138) », parce que dans son cas elle est liée au passé colonial de son pays.

24L’anecdote d’une punition manquée de la fille par son père soulève l’interrogation sur la légitimité du châtiment pour une faute non commise. Dans sa mémoire s’ouvre une brèche, un passage à travers lequel il est possible de s’enfoncer pour exhumer les premiers traumas liés à un passé douloureux. Sa pensée va à un bulletin de janvier 1957 dans lequel ‘la petite Mauresque’, comme la mère d’une copine avait l’habitude de l’appeler, avait obtenu zéro dans toutes les matières parce que, à la demande de son père, elle n’était pas allée à l’école afin d’adhérer à la grève générale décrétée par le FLN, organisation où son père militait. Le deuxième niveau de diégèse semble peu à peu devenir une véritable écriture sur l’écriture : le narrateur se regarde pendant qu’il écrit/raconte, à la recherche des nuances, des sentiments et des mots pour décrire sa mémoire marquée par la douleur :

Que je retrouve l’exacte nature de mes sentiments à cet instant. Que j’écarte, sans concession au présent, ceux qui sont venus se greffer bien plus tard et qui font corps avec tout ce qui s’est accumulé en moi depuis, au point qu’il m’est difficile de faire le tri. Première tentation, dire la peine. Les larmes. En rajouter même. […] Il y a aussi ce mot qui s’impose avec une telle force qu’il me fait rejeter tous les autres : humiliation.[…] Mais ce mot est trop difficile pour être pensé par un enfant. Trop lourd. Première expérience de l’injustice me semble plus adapté31.

25En recouvrant les mots du père – « Guerre. Ennemis. Français. Arabes. Libération (Jasmin, 143) » – et en tentant de combler le vide de mémoire autour d’eux, commence la prise de conscience de sa propre différence par rapport à ses copines françaises32 et, en même temps, de cette guerre qui, en silence, était en train de se préparer. Ensuite une nouvelle date est citée, le 7 mai 1957, moment où le conflit fait irruption avec toute sa portée de violence et de mort dans la vie de la jeune fille en la privant de son père. D’autres mots précisent, avec le temps, la réalité de ce qui s’est passé : « torture, exécution, mort. Et plus tard encore, martyre. Mais par-dessus tout, absence33».

26L’écriture se révèle donc un véritable art maïeutique en mettant en lumière le passé et en recomposant aussi bien l’histoire d’un peuple que celle d’un simple individu, en défiant l’occultation mise en acte par les moyens d’information et les répressions dictées par l’inconscient collectif et individuel.

27Au centre de « En tout bien tout honneur » il y a une crise conjugale et la menace d’abandon avec répudiation qui pèse sur la femme protagoniste, dont la voix relate les faits dans son rôle du je narrant. Une lecture attentive de la nouvelle met en évidence la structure complexe du monologue dramatisé34 : un seul personnage parle à un autre qui reste en silence et dont on ne commence à percevoir l’existence que par une diégèse avancée, grâce à des indices fugaces faisant allusion à un interlocuteur invisible désigné par ‘tu’. Citons comme exemple la phrase où la femme cherche la complicité de son interlocuteur lorsqu’elle tente d’expliquer le sentiment d’effarement ressenti face à l’indifférence de son mari : « Ce que j’ai lu dans son regard, je ne peux pas te l’expliquer, mais c’est ça qui a fait refluer le sang en moi (Jasmin, 36) ». Ou quand elle essaye d’expliquer les raisons qui l’avaient poussée à demander à son mari de s’en aller, en avouant aussi la tentation, effleurée un instant, de le tuer avec un couteau :

Oui, je sais, je n’aurais pas dû lui dire de s’en aller. Pas comme ça. On ne parle pas comme ça à un homme, même quand il fait naître en vous des idées de meurtre. Mais crois-moi, à ces moments-là, il ne reste plus rien de l’éducation qu’on a reçue depuis des siècles35.

28Il convient de souligner que la première partie du discours cité semble se configurer comme la réponse à une réaction verbale occultée dans le texte de la part de l’interlocutrice. Une telle dialogicité cachée36 s’intensifie dans la deuxième partie de la nouvelle37 jusqu’à ne rendre manifeste l’identité de la mystérieuse femme qu’au seuil de la conclusion, suscitant étonnement et désarroi :

Quand il a enfin prononcé ton nom, j’ai même pensé, oui je m’en souviens, je me suis dit, elle a de la chance d’avoir un si joli prénom […]. Et si nous nous levions maintenant ? viens là, laisse-moi te coiffer ma douce rousse, fille de Satan, et dépêche-toi de t’habiller, il ne va pas tarder à rentrer38.

29L’interlocutrice ‘muette’ révèle donc son identité de concubine de son mari, en résolvant ainsi l’énigme qui enveloppe le « ça39» mentionné au début de la nouvelle et avec lequel la narratrice-personnage aurait dû, selon ce que son mari prétendait, commencé à se confronter. La longue diégèse qui précède cette découverte ne se profile qu’à ce moment-là comme un récit au deuxième degré parfaitement autonome, à l’intérieur duquel la voix narrante est celle d’une narratrice intradiégétique. L’expédient du récit enchâssé40 exalte le rôle de la parole conteuse et Maïssa Bey en est parfaitement consciente puisqu’elle en fait une stratégie de revanche de la part de la narratrice contre son mari et contre la concubine de celui-ci, à laquelle elle racontera sa propre vérité sur son décevant ménage sans lui laisser la possibilité de répliquer.

30Le récit au deuxième degré exalte le pouvoir de la parole dite et arrive à lui donner le caractère concret d’une présence tangible dès son incipit. En effet, la narratrice répète la phrase prononcée par son mari qui a déclenché le désaccord sans remède – « il m’a dit, à partir de maintenant tu dois apprendre à vivre avec ça » (Jasmin, 33) –, elle s’en empare et en pèse la gravité : « Le ÇA a claqué, comme une gifle, puis s’est mis à enfler démesurément, envahissant toute la pièce. Un ballon de baudruche tendu à l’extrême, prêt à exploser (Jasmin, 33) ». Les mots donnent réalité aux intuitions –la découverte du concubinage – et se transforment dans son imaginaire en obscurs animaux symboliques – « des mouches à charogne (Jasmin, 34) » – porteurs de déchéance et de mort. La réaction face à la scène de désolation qui lui est présentée commence juste avec l’appropriation de ces mots qu’il lui faut pour créer des micro-histoires satellites imaginaires, conçues pour supposer un futur moins funeste et un possible horizon de fuite, comme par exemple celle d’un malheur qui pourrait solliciter la compassion de son mari :

[…] et j’ai pensé, et si maintenant je m’écroulais, là, devant lui paralysée… hôpital, et tout le reste. Il serait bien obligé de. Et j’ai projeté tout le film dans ma tête. D’abord les jambes qui fléchissent, et puis le corps qui suit, au ralenti, et la chute. Il se précipiterait pour me rattraper. Il n’aurait alors dans les bras qu’un pantin désarticulé, et peut-être pas assez de force, ou tout simplement pas envie de me toucher pour m’empêcher de m’écraser sur le sol. L’image d’un oiseau foudroyé en plein vol m’a soudain traversée. J’ai relevé la tête, pour voir si 41.

31Ou la fantaisie d’une vengeance consommée dans le sang, suggérée à la vue d’un couteau de cuisine qui la pousse jusqu’à la tentation de l’homicide, en préfigurant la scène du crime dans le moindre détail :

Sur l’évier, tout près de moi, un rayon de soleil faisait briller la lame du couteau avec lequel, la veille, j’avais découpé la viande pour le dîner. […] Et alors, à cet instant, que fait l’héroïne ? Que dicte le scénario ? Irrésistiblement attirée par l’éclat aveuglant de la lame qui semble être posée là par un de ces hasards qui convoquent le destin, elle tend la main, il a le dos tourné, il ne peut pas voir ce qui se passe derrière lui, elle saisit le couteau, il est maintenant dans le couloir, elle le suit, pas trop près, en essayant de faire le moins de bruit possible […]42.

32Le défi dans le regard de la femme, son impassibilité devant l’abandon et le courage qui l’a poussée à demander à son mari de s’en aller43 ont trouvé ce dernier déconcerté devant une telle audace. Mais à la fin une autre voix aura le dessus, « la voix de la sagesse (Jasmin, 40) », qui évoque celle de sa mère et d’autres femmes avant elle, unies par un destin de soumission et d’obéissance. Ce rappel devient un avertissement qui lui rappellera de devoir penser à sa fille aussi et que, afin d’éviter la répudiation, il vaudra mieux prononcer les mots prévus par le scénario de la reddition sans conditions, bien qu’elle ne les reconnaisse plus comme les siens. Pouvoir raconter l’histoire de l’humiliation subie devient alors la seule façon pour prendre conscience de l’aliénation induite par l’asservissement à la culture machiste qui relègue la femme à la condition de simple objet. Il est significatif de remarquer à ce propos que les mots utilisés par la narratrice pour se décrire renvoient à des images désolantes, sans vie, comme « pantin désarticulé (Jasmin, 36) » et « oiseau foudroyé (Jasmin, 36) ». Plus tard, après avoir accepté les compromis imposés par les circonstances, elle ne réussit à parler d’elle-même qu’à la troisième personne, en affirmant ne plus se reconnaître dans les mots prononcés, voire, par conséquent, ne plus se reconnaître tout court : « cette femme habitée par quelque chose de plus fort qu’elle, ce n’était plus moi (Jasmin, 23) ».

33À travers l’autonarration, le je narrant fait affleurer les vérités inavouables qui la dérangent le plus et lui permettent, de cette façon, d’avoir accès à une nouvelle dignité. Dans le même temps, la narratrice, jusque-là suffoqué par ses peurs et par le pouvoir assujettissant des discours, apprend, sous le regard de l’autre, à prendre ses distances avec un passé douloureux construit sur des certitudes précaires, pour chercher dans ce qui est source de malaise un nouveau sens. La nouvelle met ainsi en scène l’érosion de la subjectivité et la tentative de revanche de la parole sur des siècles de silence et de résignation.

Le silence entre risque et tentation

34La protagoniste de « En ce dernier matin »est une femme malade, désignée par le seul pronom ‘elle’ et dont le corps inerte, au seuil de la mort, végète dans une sorte de suspension qui n’est « ni vie, ni veille, ni sommeil (Jasmin, 23) ». La nouvelle est narrée par une voix à la troisième personne qui réfère, dans une diégèse dépourvue de dialogues, les derniers instants de vie de la femme dans une atmosphère de silence raréfié : ses perceptions, ses souvenirs. Le silence qui enveloppe son corps est renforcé par la solitude et par une paralysie qui paraît avoir congelé le temps aussi44. Dans le texte revient l’image des mouches, auxquelles maintenant elle n’associe plus des mots, mais ces questions qui sont restées, et resteront toujours, sans réponse : « des foules de questions, plus agaçantes que les mouches, frôlent son corps inerte (Jasmin, 36) ».

35La parole est désormais exilée dans la partie la plus intime de sa pensée et la voix lui est donnée à travers le narrateur omniscient dans deux seules occasions. Au début, lorsque la femme se plaît à avoir sa famille à son chevet : « elle pense, dans un bref éclat, avec une ironie totalement dénuée d’amertume “pour la première fois dans ma vie ” – <ils> ne pourront pas se dérober, parce que c’est ainsi […] (Jasmin, 24) ». Et vers la fin, quand elle se souvient, comme un regret brûlant, de cette phrase qui lui indiquait les pas à accomplir pour vivre une passion extraordinaire : « Une porte, rien qu’une porte à pousser (Jasmin, 24) ». Les mots acquièrent alors une matérialité et une mobilité nouvelles – « ce sont des mots qui volètent en essaims compacts au-dessus d’elle45 » –, mais puisqu’ils sont l’expression d’un sentiment prohibé, ils finissent eux aussi par être ensevelis dans la mémoire.

36Son Fils Rachid aussi est présent au moment du dernier hommage à sa mère. Il refuse de penser au mot ‘cadavre’. L’idée de la mort est inacceptable et les remords qui tourmentent sa conscience laissent l’espace à de nouvelles questions sans réponse : « A-t-elle été heureuse ? (Jasmin, 25) », « La paix. A-t-elle su seulement ce que ce mot voulait dire ? (Jasmin, 25) » Ces phrases sont intercalées dans le texte dans le style typique du discours indirect libre, sans aucun signe distinctif, presque comme si on voulait véhiculer l’idée d’un espace polyphonique où se croisent les pensées de la femme mourante, les angoisses de son fils et les commentaires narratoriels. À l’intérieur du texte il se crée d’ailleurs un véritable espace de confluence de ces voix, arraché à la diégèse et mis en relief par l’italique, dont les instances se superposent et se confondent en empêchant parfois l’identification exacte :

Elle a eu vingt ans. Elle ne s’en souvient pas. Ne résonnent dans sa mémoire que les cris de l’enfant, son premier fils, très vite arrivé. Trop vite ? Mais... quelle importance ? Que pouvait-elle attendre d’autre ?46

37Par sa nature de voix off, on peut raisonnablement attribuer le commentaire qu’on vient de citer au narrateur omniscient ou à la conscience de la protagoniste même qui, désormais au seuil de la séparation du corps sensible, est en mesure, dans une sorte de dédoublement, de parler d’elle-même comme d’une autre personne, en s’exprimant à travers un discours qui, au fond, ne reste qu’une pensée non prononcée, sans un vrai destinataire.

38Le silence est mis en relief aussi dans l’analepse où la voix narrante revit des souvenirs du passé de la femme, lorsque, déjà morte dans le désir de son mari, elle passait des nuits entières éveillée à l’attendre, même si elle savait qu’il était dans les bras d’une autre. Ainsi l’attente de son mari se consomme dans le silence et la solitude, guettant les bruits imperceptibles d’un espace plongé dans la torpeur nocturne :

L’attente rythmée par le souffle perceptible des autres qui dormaient à côté, tout près, dans les chambres voisines. […] Seconde après seconde, guetter le bruit trop rare des pas dans la rue, les échos trop rares des voix au-delà des fenêtres fermées, le grincement d’une porte qu’on n’a pas encore ouverte, pas encore, que personne n’ouvrira47 .

39Condamnée à dissimuler et à se réprimer depuis toujours, à la fin ce n’est qu’à travers son corps qu’elle a réussi à manifester son existence et à trouver une élémentaire possibilité d’expression : son corps, rempli et vidé pendant la jeunesse à la suite de sept grossesses, devient ainsi le seul moyen pour compenser le vide, la désaffection et puis la haine insinuées dans le couple ; plus tard ce corps encore jeune, mais déformé par de nombreuses maternités et non plus désiré, sera obligé de se cacher par honte et par pudeur48. À la fin, sur le lit de mort, l’éternelle contraction des lèvres confirme le silence auquel depuis toujours elle avait décidé de céder.

40L’explicit de la nouvelle se ferme sur un lointain souvenir exhumé par la mémoire – le désir d’un autre homme – qui lui donne, pour un instant, un sursaut de vie. Le silence de la femme mourante devient donc métaphore du danger de l’annulation que chaque femme risque en supprimant sa voix.

41Dans « Sous le jasmin la nuit », nouvelle du recueil homonyme, Maïssa Bey s’engage dans l’exploration du vide communicatif qui s’est insinué à l’intérieur d’un couple, dans ce malaise sans nom, presque métaphysique, qui un jour s’installe et consomme jusqu’aux mots pour le dire. Dans l’atmosphère raréfiée d’une chambre à coucher un homme guette le sommeil de sa femme, Maya, et cherche à saisir sur son visage les traces de ces rêves qui l’excluent. Grâce à une focalisation variable, le narrateur omniscient réussit à faire pénétrer le lecteur jusque dans l’intimité des deux personnages, là où se nichent les questions destinées à rester sans réponse. On citera quelques brefs passages où le secret tourment de l’homme trouve sa voix :

Elle est ailleurs, seule. Seule ? Si seulement il pouvait en être sûr. Comment saisir cette part d’elle qui lui échappe ?49

Vers quel voyage solitaire est-elle emportée sans qu’il puisse la retenir, la ramener vers lui, ni même la suivre ?50

Tout le jour il pense à ce qu’il ne peut saisir d’elle. Ce mystérieux sourire sur ses lèvres au cœur du sommeil. Ses yeux baissés pour éviter de la regarder. Eaux troubles profondes. Qu’a-t-elle, enfoui, là, tout au fond d’elle ? Comment venir au bout de cette infime crispation qui la raidit lorsqu’il pose les mains sur...51

42Ensuite, la focalisation se déplace sur Maya, ce qui permettra au lecteur d’apprendre sa soustraction préméditée aux attentions de son copain en faisant semblant de dormir :

Très vite, sous ce regard posé sur elle, elle a fait semblant de dormir. Elle contrôle sa respiration, en ralentit le rythme, souffle lent, puis régulier, yeux scellés, détente de tout le corps, relâchement progressif, jusqu’à feindre l’abandon du sommeil52.

43Le silence et l’absence de dialogue se prolongent dans le couple pendant le reste de la journée. L’homme se tait face à ces mots qu’il ne sait pas prononcer. Certaines pensées inavouables qui remontent à l’état de conscience n’arrivent pas à trouver une adéquate verbalisation : « il la regarde, le corps encore engourdi juste cette pensée surgie au fond de son silence elle est à moi (Jasmin, 11) ». La syntaxe traduit ainsi la dissimulation de la parole à travers l’emploi du discours libre intercalé dans le texte sans aucun signe de ponctuation, ni formules dialogiques. L’effet de dissimulation est renforcé par la présence de phrases incomplètes, interrompues, tranchées net dans leur partie conclusive, comme pour suggérer la réticence absolue, sans aucune concession à l’allusion :

Comment être sûr que sous ces yeux fermés53

Dans le jour qui commence, cette54

Il lui suffirait de se retourner, peut-être ainsi pourrait-il55

Oui, se répète-t-il agacé, irrité, tourmenté, la réduire, qu’elle ne soit qu’à moi, philtres et sortilèges, aller jusqu’au bout briser la coque, extraire d’elle tout ce qui la rend si lointaine, inaccessible, comme si56

44Au silence de l’homme s’oppose le chant de la femme, sous le jasmin la nuit, à peine murmuré, qui n’est pas communication avec l’autre, mais l’intime recherche d’une douceur d’autrefois par laquelle combattre ce tourment qui chaque jour la creuse. Mais un vieux refrain ne sera pas suffisant pour oublier le malaise qu’elle ressent ; les masques de la docilité et du bonheur quotidiennement affichés ne suffiront pas pour se cacher au regard inquisiteur du mari. L’aliénation l’a rendue désormais aride et impénétrable, « comme une plante qui dépérit alors même qu’elle a tout ce qu’il lui faut pour s’épanouir (Jasmin, 14) ». La nouvelle termine cycliquement avec des images qui confirment le silence et la distance interposées entre femme et mari, avec la sensation d’impuissance déchirante vécue par l’homme qui voudrait réussir à contrôler jusqu’au plus imperceptible frémissement de sa femme, en la soumettant au pouvoir assujettissant de son regard57.

45La stagnation gluante qui emprisonne la protagoniste dans une routine suffocante trouve son épanchement dans les rêves, dont les visions permettent à la douleur muette qui l’afflige de s’exprimer :

Aveuglée, égarée, elle avance dans un dédale de rues, meurtrie, les mains en sang à force de se heurter aux murs qui la cernent. […] Elle patauge elle bute tombe se relève s’accroche aux buissons de ronces recouverts de neige elle tremble elle appelle elle n’entend que l’écho de ce long hurlement qui sort d’elle et se fracasse contre nos silences58.

46La révolte de la femme pour la conquête d’un espace d’auto-affirmation et d’autonomie commence à travers ce regard qui, jusque-là, était l’instrument de pouvoir et de contrôle exclusif de l’homme. Maintenant ce regard devient son défi au silence : « Elle ne referme pas les yeux. Ne détourne pas la tête. Elle le regarde (Jasmin, 19) ».

47L’épisode narré à la première personne par la protagoniste de « Nuit et silence » représente lui aussi un défi au silence. Il s’agit peut-être d’une des nouvelles les plus tragiques du recueil, où l’histoire personnelle de la voix narrante se détache sur le fond d’une page dramatique de l’histoire algérienne : la guerre civile et les représailles du Front Islamique du Salut dans les années ’90. Dans une sorte de soliloque, une femme hospitalisée revit en pensée les épisodes les plus sanglants d’un passé qui reste encore une blessure ouverte. Une blessure qu’elle aussi porte indélébile sur son corps, à la suite d’un viol. À travers quelques analepses on apprend les horreurs perpétrées dans les champs de travail et du fond de sa mémoire remontent à la surface les visages d’autres femmes victimes, comme elle, d’abus atroces. Sa pensée va à Kheïra : « Tous, tous, ils l’ont prise, la même nuit. Tous, l’un après l’autre. Elle a crié un peu, au début, comme nous toutes. Et elle a fini par se taire. Comme nous (Jasmin, 101) ». Et à Fadéla aussi qui, en silence, a décidé un jour de mettre fin aux abus en se pendant. Fadéla qui une nuit paraît en rêve à la protagoniste en l’invitant à la fuite. Mais dans cette circonstance aussi la voix pour répondre lui manque, comme toute capacité de mouvement, et son salut sera rendu vain :

Mes pieds étaient attachés à des piquets solidement plantés au sol. J’aurais voulu qu’elle me détache, mais je ne pouvais rien lui dire. J’étais privée de la voix, je ne pouvais même pas lui faire un signe59.

48La diégèse alterne des fragments analeptiques à des moments en direct se référant au présent de l’acte narratif, caractérisé par une constante tension entre désir de parler60 et impossibilité de s’exprimer : « Elle m’a demandé si je voulais me lever. Si je voulais parler. Je n’ai même pas pu lui répondre (Jasmin, 103) ». Les raisons d’une telle paralysie, on le découvrira plus tard, doivent être attribuées au trauma vécu par la protagoniste lorsqu’elle a assisté à l’homicide de son petit frère par des terroristes et dont le souvenir revient tantôt pétri de douceur et de regret, tantôt de souffrance inextinguible. D’autre part, si donner voix à sa propre douleur devient difficile, oublier est impossible, puisqu’elle attend maintenant un enfant, signe tangible de l’horreur vécue et cause de son intime sens de culpabilité pour avoir contribué au déshonneur de sa famille. La nouvelle se termine par une histoire racontée par une infirmière et qui concerne la présence d’une femme sauvage rôdant dans les environs de l’hôpital. Certaines nuits, on l’entend même crier, affirment quelques-uns. Aucun détail ultérieur n’est fourni pour en éclaircir l’identité, qui reste donc enveloppée dans la légende et le mystère. Chez le lecteur s’insinue ainsi le soupçon qu’elle représente le destin de toutes les femmes abusées : contraintes à rôder cachées par la honte, et sans répit car on ne peut pas donner une raison au crime.

49Le désir de narrativité, qui a animé la volonté de combattre le silence ancestral infligé aux femmes, a transformé l’écriture de beaucoup d’écrivaines maghrébines contemporaines, telle Maïssa Bey, en puissant instrument de dénonciation. L’écriture devient donc porteuse d’un genre, elle se veut féminine puisque réfléchissant des sujets concernant la femme, mais pour sortir du silence elle cherche avec l’homme un dialogue paritaire. Le caractère oral, renforcé par le redoublement de l’instance narrative61 du récit enchâssé qui caractérise les nouvelles de l’écrivaine algérienne, ne renforce pas – selon les mots de Marc Gontard62 – le maintien d’archaïsmes dont les femmes ont été les premières victimes. Au contraire, il semble être au service du changement de leur propre condition, le seul moyen capable de rendre la complexité d’un monde suspendu entre tradition et émancipation, parole foisonnante et silence.

Notes de bas de page numériques

1  Le premier titre confirmait la prégnance de la figure de la protagoniste, Nadia, et en exaltait sa qualité d’habile conteuse : pas seulement d’histoires imaginaires pour entretenir ses frères, mais de mensonges aussi pour réussir à vivre des moments de liberté. Avec ces mots, Maïssa Bey décrit la protagoniste à Martine Marzloff : « Un personnage féminin très proche d’une part de ce que j’ai été, et d’autre part semblable à bien des jeunes filles que je côtoie journellement. Volonté de dire, avec toute la liberté que peut donner l’alibi de la fiction, la réalité vécue par les femmes en Algérie ». Maïssa Bey, À contre-silence, Grigny, Paroles d’Aube, 1999, p. 26.

2  Maïssa Bey, Au commencement était la mer, Paris, Marsa, 1996, p. 120.

3  Il faut rappeler à ce propos les mots de Rachid Boudjedra : « Parfois, écrire les mots sur la page blanche fait prendre conscience de leur incapacité à dire la cruauté des choses. Ils en deviennent indécents, obscènes, odieux, inutiles. Juste un fatras de gribouillages venimeux, vipérins. […] Mais non ! Il n’est pas question de laisser sa main rester inerte devant ce cataclysme, ce fatalisme, qui mènent tout droit à l’abattoir. […] Parce que seul le silence est haïssable dans ces cas-là. Dire, épeler, nommer les choses par leur nom est la seule attitude capable de calmer cette affreuse démangeaison au niveau du cortex, parce que les mots non-dits peuvent macérer, pourrir, tourner comme du mauvais lait, noircir très vite comme du mauvais sang ». Birgit Mertz-Baumgartner,« Algérie sang écriture »,Francofonìa, 12, primavera 2003, p. 94.

4  Dominique Le Boucher, Un corps qui danse, dans Maïssa Bey, À contre-silence, Grigny, Paroles d’Aube, 1999, p. 99.

5  Maïssa Bey, « Le Cri », dans Nouvelles d’Algérie, Paris, Grasset, 1998, p. 20.

6  Jean-Louis Joubert, « Cette fille-là », Le Français dans le Monde, 317, septembre-octobre 2001, p. 68.

7 Maïssa Bey, Cette fille-là, La Tour d’Aigues, L’Aube, 2001, p. 11.

8  Dominique Le Boucher, « Maïssa Bey, Cette fille-là. Lecture/Dialogue », Algérie Littérature/Action, 55-56, novembre-décembre 2001, p. 140.

9  Michel Le Guern, « Sur le silence », Littérature, 149, 1/2008, p. 42.

10 Christiane Chaulet Achour, « L’auteur répond aux questions d’Algérie Littérature/Action », Algérie Littérature/Action, 5, novembre 1996, p. 76.

11  Cf. Paul Zumthor, Introduction à la poésie orale, Paris, Le Seuil, 1987.

12  Paul Zumthor, Introduction à la poésie orale, Paris, Le Seuil, 1987, p. 14.

13  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, La Tour d’Aigues, L’Aube-Barzakh, 2004, p. 48. Les citations dans le texte seront désormais abrégées Jasmin.

14  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 47.

15  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 49.

16  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 49.

17  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 52.

18  « J’ai toujours joué la comédie. Sans arrêt, comme toutes les femmes. Depuis toute petite... bien obligée... », Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 52.

19  On définit un narrateur autoconscient lorsqu’il est conscient du fait qu’il est en train de conter et qu’il commente la fatigue de son acte de conter. Cf. Gerald Prince, Dizionario di narratologia, Firenze, Sansoni, 1990, p. 87.

20  « Ma mère… le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle n’a pas choisi de me mettre au monde. Il paraît même qu’elle a tout essayé pour m’empêcher de voir le jour. Les potions, les bains chauds, les cabrioles, les sauts périlleux, peut-être même les aiguilles à tricoter, allez-vous savoir... », Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 51.

21  « On n’osait jamais le <le père> regarder dans les yeux. Alors on fixait la moustache. Et on savait interpréter le moindre frémissement. On appelait ça les perturbations atmosphériques. […] Et c’était ma mère qui essuyait tout en silence. Les tempêtes, les bourrasques, entre de trop rares accalmies ». Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, pp. 54-55.

22  « […] elle chantonne Nour, Nora, Nour, Nora », Maïssa Bey, Jasmin, p. 50; « Elle fredonne : En ce temps-là la vie était si belle... les souvenirs et les regrets aussi... », Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 53.

23  Cf. Paul Zumthor, Introduction à la poésie orale, Paris, Le Seuil, 1987, pp. 220-221.

24  Cf. Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, 1974, pp. 85-86.

25  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 53.

26  « Ainsi, il suffit de s’arranger avec la vérité pour faire une brèche. Pour entamer le mur. Et voilà ! C’est ainsi qu’on peut avancer. À pas feutrés, enrobés de mensonges. » Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 92.

27  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 94.

28  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 93.

29  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 93.

30  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 137.

31  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 143.

32  « Non, elle ne voit rien. Mais elle le croit, et elle sait qu’à cet instant sa vie vient de basculer, même si les jours suivants elle n’en montre rien. Elle finit par poser une question, une seule : «Est-ce que je pourrai continuer à jouer avec Annie, Françoise et Pauline ?». Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 144.

33  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 146.

34  Cfr. Seymour Chatman, Storia e discorso. La struttura narrativa nel romanzo e nel film, Milano, Il Saggiatore, 2003, pp. 184-190.

35  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 39.

36  Cfr. Michail Bachtin, Dostoevskij. Poetica e stilistica, Torino, Einaudi, 1968.

37  Voilà un exemple ultérieur : « Tu vois, ce qui m’étonne un peu, c’est qu’il se soit laissé convaincre si facilement de ma docilité soudaine […] ». Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 43.

38  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 43.

39  « Il m’a dit, à partir de maintenant tu dois apprendre à vivre avec ça », Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 33. 

40  Cf. Tzvetan Todorov, Poétique de la prose, Paris, Le Seuil, 1971.

41  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 36.

42  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, pp. 38-39.

43  « Va-t-en ! Je ne veux plus te revoir ici ! J’ai levé le bras en direction de la porte. C’étaient les premiers mots que je prononçais depuis qu’il était entré. J’avais dans la voix une stridence inhabituelle. Et surtout incontrôlable ». Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 40.

44  « Le temps est tapi au-dessus d’elle, immobile, comme un battement arrêté dont les échos lointains viennent frapper les rives encore perceptives de sa conscience ». Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 36.

45  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 36.

46  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 25.

47  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 28.

48  « Et puis, à trente ans, peut-être même avant, éviter de se déshabiller entièrement pour ne pas avoir à regarder, à affronter la vision rebutante d’un ventre tellement plissé, froissé, des dépressions de chair flasque sous ses doigts. Et de ses seins prématurément flétris, comme des outres vides ». Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit,p. 26.

49  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 9.

50  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 10.

51  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 13.

52  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 10.

53  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 10.

54  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 11.

55  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 13.

56  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 14.

57  « Penché sur elle, il la regarde ».Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 17.

58  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 18.

59  Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 102.

60  « Quand elle reviendra, il faudra que je lui parle. Je n’ai pas fauté, il faut qu’elle le sache. [...] Qui voudra m’accueillir ? Me nourrir ? [...] J’aurais dû crier, ne pas me laisser faire. J’aurais dû les pousser à me tuer. Je voudrais mourir. Qui voudra de moi maintenant ? J’ai déshonoré la famille ». Maïssa Bey, Sous le jasmin la nuit, p. 108.

61  Marta Segarra, Leur pesant de poudre : romancières francophones du Maghreb, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 27.

62  Marc Gontard, Le récit féminin au Maroc, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005, p. 31.

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 Corpus

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Pour citer cet article

Paola Martini, « Entre le désir de dire et la tentation du silence : la narrativité de Maïssa Bey », paru dans Loxias, Loxias 32, mis en ligne le 02 mars 2011, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=6607.


Auteurs

Paola Martini

Paola Martini est docteur de recherche à l’Université de Bologne, dans le département des littératures francophones. Après avoir consacré ses recherches à la littérature des Antilles françaises, qui ont abouti à un mémoire de maîtrise sur le théâtre d’Aimé Césaire, elle a focalisé ses études doctorales sur la culture maghrébine, avec une attention particulière à la littérature féminine contemporaine. À la recherche et à l’enseignement, elle unit depuis quelques années ses activités de traduction et de rédaction pour un site de culture contemporaine www.alleo.it