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Mélinda Caron  : 

Les pratiques d’écriture de Louise d’Épinay à la lumière du « Rêve de Mlle Clairon »

Résumé

Une courte fiction dialoguée signée Mme*** ouvre la première livraison de l’année 1772 de la Correspondance littéraire. Louise d’Épinay, auteure de ce « Rêve », y imagine une démarche d’apprentissage pouvant servir à la formation d’un jeune comédien. Ses idées sur l’art dramatique et sur l’éducation s’imbriquent dans une conversation entre un aspirant acteur et une comédienne de renom, Mlle Clairon. Les positions qu’elle défend ayant été exposées quelques mois plus tôt aux mêmes lecteurs dans le cadre d’une critique de spectacle, il convient de se demander pourquoi elle a choisi de les illustrer par la fiction. Contemporaine d’une redéfinition du rapport des comédiens au public, le « Rêve » de Louise d’Épinay prolonge sa critique sur les débuts médiocres d’un acteur et permet l’exploration des conditions de la formation à l’art dramatique. La structure donnée au récit épouse ses vues sur l’exigence de la sincérité de l’élève, tant par l’opposition structurante des visiteurs qui sont mis en présence que par la démarche que propose le personnage de Mlle Clairon. Les réflexions pédagogiques qui occupent l’auteure des Conversations d’Émilie à cette époque imprègnent sa fiction, ce que soulignent explicitement Grimm et Galiani, qui commentent tous deux son texte. L’étude de ses dynamiques dialogiques intrinsèques et extrinsèques contribue à l’éloigner d’une simple association au célèbre Paradoxe sur le comédien de Diderot, auquel l'on demeure souvent tenté de le réduire.

Index

Mots-clés : éducation , Femme de lettres , littérature française du XVIIIe siècle , Louise d’Épinay , pratiques d’écriture 

Plan

Texte intégral

1Une courte fiction dialoguée signée Mme*** ouvre la première livraison de l’année 1772 de la Correspondance littéraire. Louise d’Épinay, auteure de ce « Rêve », imagine une démarche d’apprentissage pouvant servir à la formation d’un jeune comédien. Ses idées sur l’art dramatique et sur l’éducation s’imbriquent dans une conversation entre un aspirant acteur et une comédienne de renom, Mlle Clairon. Les positions qu’elle défend ayant été exposées quelques mois plus tôt aux mêmes lecteurs dans le cadre d’une critique de spectacle, il convient de se demander pourquoi l’auteure a choisi de les illustrer par la fiction. Que permet notamment la fusion onirique de la narratrice et de la célèbre actrice ? Afin de mieux comprendre les pratiques d’écriture et de pensée de la « femme d’esprit » qui collabore étroitement aux feuilles clandestines de Grimm, une analyse de la structure du récit sera conjointe à une étude des représentations féminines et du cadre interactionnel de ce dialogue, par ailleurs commenté par Grimm et envoyé à Galiani. L’on ne saurait négliger son contexte de diffusion, auquel la conversation fictive fait écho. Il permet de comprendre les pratiques d’écriture de Louise d’Épinay et, plus globalement, de dégager l’imaginaire de la femme du monde duquel elles procèdent. Cette analyse invite d’abord à présenter ― pour mieux y revenir ― la réception critique du « Rêve » de même que les conditions de sa première édition.

2Peu connu, le « Rêve » de Louise d’Épinay a été édité par Maurice Tourneux en 1885 avec un autre texte de la femme de lettres écrit à la même époque, le « Dialogue copié d’après nature, ou de l’amitié de deux jolies femmes », qui avait été envoyé aux abonnés de la Correspondance littéraire au cours de l’année 17711. Ces deux pièces de société se distinguent de l’ensemble de la production « journalistique » de l’auteure, qui est principalement composée de critiques d’ouvrages et de spectacles au cours de la décennie 1770. Elles ont intéressé Maurice Tourneux parce qu’elles avaient été insérées dans le périodique alors que Diderot, avec Louise d’Épinay, était en charge de la « boutique » en l’absence de Grimm2. Il souligne le contexte de production de ces textes dans sa préface :

La biographie de Mme d’Épinay n’est plus à faire depuis que deux lettrés, MM. Lucien Perey et Gaston Maugras, nous ont conté, avec force documents inédits, sa Jeunesse et ses Dernières années. On sait donc qu’à diverses reprises elle aida de son mieux à « porter le tablier » de la correspondance littéraire de Grimm durant les absences de celui-ci, et notamment en 1771, pendant qu’il accompagnait en Angleterre le prince Louis de Hesse-Darmstadt. C’est à cette époque qu’elle remit à Diderot les deux dialogues qu’on va lire et qui furent adressés aux abonnés royaux et princiers de Grimm pour suppléer à la disette des comptes rendus dramatiques dont elle s’était chargée3.

3Le fait qu’il s’agisse de fictions et que celles-ci se présentent sous une forme dialogique laisse penser à l’éditeur qu’elles pourraient être partiellement dues au philosophe. Son insistance sur le « Rêve » souligne nettement l’influence qu’il confère à Diderot dans son appréciation des productions de Louise d’Épinay. Alors qu’il ne fait que mentionner que « L’amitié de deux jolies femmes » a été tardivement découverte par le grand public4, il établit plusieurs rapprochements entre le second dialogue et le Paradoxe sur le comédien, qui a été composé à la même époque :

Les dates ont ici, comme toujours, leur importance et leur signification. C’est à la fin de 1770 que Diderot jeta sur le papier les réflexions que lui avait inspirées la brochure de Sicotti sur Garrick et les acteurs anglais, d’où devait naître le Paradoxe sur le comédien : le Rêve de Mlle Clairon, comme l’Amitié de deux jolies femmes, est de 1771 ; or, ce serait ne pas connaître le philosophe que de supposer qu’ils sont sortis de son cabinet tels qu’ils y étaient entrés. Non seulement la forme souple et flottante du dialogue, où il était passé maître, et qui permet toutes les objections, tous les retours et toutes les incidences, se prêtait mieux qu’aucune autre à ces collaborations tacites dont il était coutumier, mais on retrouve dans la pensée dominante du Rêve, comme dans les réflexions chagrines de Grimm, l’écho de ses théories5.

4L’importance de la figure tutélaire de Diderot pour la Correspondance littéraire, jointe aux préjugés du XIXe siècle à l’égard de l’autonomie intellectuelle des femmes, contribue à projeter les idées et les pratiques du philosophe sur la production de la « femme d’esprit » qui collabore au périodique. Maurice Tourneux suggère même que les positions de Diderot auraient dicté celles de Grimm dans son commentaire qui accompagne le « Rêve ». De ce postulat découle une approche des auteur(e)s mineurs considérés comme des penseurs sous influence. Cette perspective est, en l’occurrence, tributaire d’un état des mentalités et d’une conception de la littérature organisée autour de la notion de canon. Force est de constater que, en dépit du développement des études en histoire de la littérature et en histoire des femmes, de tels réflexes orientent encore parfois l’appréciation des textes. Le discours de modestie qui précède les productions féminines dans l’espace mondain conforte d’ailleurs ce type d’approche si l’on fait l’économie d’une analyse des représentations topiques de l’époque.

5Les pratiques d’écriture des femmes des Lumières sont soumises aux impératifs d’un imaginaire qui exclut de la sphère mondaine les représentations associant féminité et publication du savoir. La manière dont l’auteure du « Rêve » est présentée aux lecteurs de la Correspondance littéraire en 1772 fait état de ces lieux communs, que Maurice Tourneux cite tout en les reprenant à son compte dans son « Avertissement ». Diderot, qui s’est chargé d’introduire le « Dialogue copié d’après nature », souligne qu’il a été écrit par une « femme du monde » qui souhaite préserver son anonymat :

Le petit ouvrage qui suit est d’une femme du monde qui a beaucoup de talent, qui vit avec quelques amis qui lui sont tendrement attachés, et qui donne à la lecture, à l’étude et à la composition de quelques ouvrages délicats les momens qu’elle dérobe à ses fonctions domestiques. Je n’ai obtenu d’elle ce Dialogue qu’à la condition que je ne la nommerais pas6.

6Grimm, qui commente le second, insiste également sur le talent de Louise d’Épinay, toujours sans la nommer :

Le Rêve que vous venez de lire est d’une femme, et je n’ai pas besoin d’ajouter d’une femme de beaucoup d’esprit. Ceux qui connaissent Mademoiselle Clairon, y reconnaîtront son ton, c’est à s’y tromper ; quant à ses principes sur l’art dramatique, ce n’est pas tout à fait la même chose, et l’auteur a raison de craindre qu’elle ne se souvienne jamais d’un seul mot de son entretien avec le protégé de M. Monet7.

7La fiction offre à cette « femme d’esprit » un terrain favorable à la réflexion, ce sur quoi Grimm attire l’attention de ses abonnés. Le respect des convenances sociales, sur lesquelles l'on insiste dans ces discours de présentation, légitime la poursuite de ses réflexions pédagogiques et dramatiques. Les divertissements lettrés de cette femme du monde et le mystère entourant son identité permettent de conjoindre ses pratiques d’écriture et l’espace (imprégné des logiques mondaines) dans lequel elle fait circuler ses écrits. Sans pour autant nier la dimension collaborative qui a présidé au travail effectué pour la Correspondance littéraire, une prise en compte du contexte de diffusion du « Rêve » favorise une lecture dégagée des a priori idéologiques de l’époque des Lumières.

8Dans son « Rêve », Louise d’Épinay imagine une conversation entre deux jeunes hommes souhaitant devenir acteurs et une des comédiennes les plus connues de l’époque : Mlle Clairon. Ayant l’habitude de recevoir les comptes-rendus des pièces présentées sur les principales scènes parisiennes, les abonnés de la Correspondance littéraire savaient bien qui était Claire-Josèphe-Hippolyte Leris de La Tude, dite Mlle Clairon, de même que ce qu’elle représentait au sein du milieu théâtral français8. Elle faisait partie de cette génération d’acteurs qui a procédé à une réflexion sur la construction psychologique des personnages dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, alors que le rapport du comédien au public était en pleine transformation9. À cette époque où « la recherche de quelque chose de vrai au théâtre a favorisé à la fois plus d’introspection et un sens accru de l’ensemble10 », cette comédienne est célébrée pour sa quête d’un jeu « naturel » et reconnue pour l’intellectualité de son approche11.

9Le cadre fictionnel de la réflexion de Louise d’Épinay ancre ses idées de même que celles de l’actrice dans une conversation onirique. En quelques lignes, l’auteure situe sa narratrice dans une retraite domestique propice à la création et à la réflexion :

Un soir j’étois seule au coin de mon feu ; je me mis à composer une pièce de clavecin. Je l’écrivis : je la cru superbe. Je la jouai : elle me parut détestable. Je me dis : « Voilà deux heures de temps perdu ; il faut le réparer. » Je me remis dans mon fauteuil, et je m’endormis. Endormie, je rêvai. Je rêvai de la beauté, de la profondeur, de la simplicité des arts ; et, quoique en rêvant, la difficulté d’y exceller ne m’échappa pas. Mais peu à peu le délire se mêla à la vérité, il me sembla que j’étois Mlle Clairon : malgré cette métamorphose j’étois pourtant aussi un peu moi, et nous n’y perdions ni l’une ni l’autre. Je me promenois dans ma chambre d’un pas majestueux, je me regardois avec satisfaction dans toutes les glaces dont mon appartement étoit décoré12.

10Quelques détails ― la solitude, le coin du feu, la chambre, le fauteuil ― créent un espace d’intimité propice à la méditation artistique. Le rêve dans lequel bascule l’esprit de la narratrice opère ensuite une fusion de ses pensées avec celles de Mlle Clairon. En superposant sa personnalité à celle de la comédienne, la narratrice acquiert une compétence pour proposer ses idées sur l’art dramatique. Cet angle focal permet la conjugaison d’une conception introspective du jeu et des réflexions de la narratrice, dont on sait d’ailleurs très peu de choses, si ce n’est qu’elle est amatrice d’art.

11Seule dans sa chambre, Mlle Clairon est absorbée par ses pensées. Deux visiteurs se présentent chez elle et la tirent de ses rêveries et des évocations de sa carrière passée :

Me trouvant une démarche si imposante, je regrettois avec amertume d’avoir quitté le théâtre, et puis je m’avouois que je n’y avois réussi qu’à force d’art, et il me sembloit que, si j’avois à recommencer cette carrière, je prendrois une autre route, plus simple, plus sûre, qui demanderoit peut-être autant d’étude, mais plus de génie et moins d’efforts. Tandis que j’étois livrée à une foule de réflexions assez contradictoires, on m’annonce deux jeunes gens qui demandent à me parler, l’un de la part de M. de Voltaire, l’autre de la part de Monet, ancien directeur de l’Opéra-Comique. Je les admis tous deux en ma présence. Le protégé de M. de Voltaire me remit une lettre de sa part, par laquelle il me supplioit, moi Clairon, d’aider de mes conseils l’homme du monde qui avoit le plus de dispositions pour le théâtre : car jamais, selon lui, on n’avoit débité des vers avec plus de grâce, et peu d’acteurs savoient faire autant valoir le mérite d’un auteur13.

12Fort d’une référence du grand Voltaire, le premier visiteur de Mlle Clairon est un homme du monde qui entre chez elle grâce au poids de sa référence. Il n’y demeure cependant pas très longtemps :

Je le priai de déclamer quelque scène ; il en choisit une d’Alzire, et je crus entendre Le Kain. Son jeu en étoit une copie fidèle ; mais son beau visage restoit toujours le même, et toute son expression résidoit dans ses gestes et dans son attitude14.

13Le protégé de Voltaire se trouve rapidement discrédité à titre d’éventuel élève par le fait qu’il borne sa technique à la reproduction fidèle d’attitudes qui ne sont ni comprises ni ressenties. De surcroît, il se montre hostile à toute critique :

Je voulus lui faire quelques observations ; mais sa réponse fut toujours : “Mademoiselle, M. Le Kain fait ce geste… c’est son attitude à cet endroit.”

14Renvoyé – « Je vais vous donner une lettre pour mes anciens camarades, et je ne doute pas que vous ne soyez admis au début15 » –, cet aspirant acteur, s’il ne permet d’avancer aucune idée pédagogique, puisqu’il ne reçoit aucun enseignement, s’inscrit en contrepoint par rapport à son successeur.

15Aux apparences avantageuses de l’homme du monde est d’abord opposée l’irrégularité des traits du second visiteur :

Lorsque je me fus débarrassée de cette sublime merveille, je m’occupai de l’autre jeune homme. Il étoit moins grand et moins régulièrement fait que le premier ; il n’étoit point beau, mais il avoit beaucoup de physionomie16.

16Sa démarche est sans « apprêt » et sans « disgrâce », mais également sans « noblesse »17. Les deux hommes se distinguent par leur maîtrise de la gestuelle, mais aussi par leur maîtrise des codes sociaux. Si l’un se déplace dans le monde grâce à ses lettres d’introduction – Mlle Clairon le renvoie d’ailleurs en usant de ce moyen –, l’autre avoue d’emblée son absence de protection en admettant qu’il a produit une fausse lettre :

– Je comptois aller jouer en province ; mais M. Monet, qui m’a reconnu des dispositions, m’a conseillé de chercher plutôt auprès de vous quelque recommandation assez puissante pour vous engager, Mademoiselle, à me donner des avis : comme je n’en ai point trouvé, j’ai hasardé de me présenter seul, et je me suis fait annoncer de la part de M. Monet.

– Ce n’est donc pas lui qui vous envoie ?

– Non, Mademoiselle. Je vous avoue que j’ai pris son nom sans sa permission, le croyant plus recommandable que le mien qui est tout à fait inconnu.

– Ah ! le sien me l’est presque autant ; mais n’importe, votre physionomie m’intéresse. Asseyez-vous, Monsieur, et causons…18

17Même si Mlle Clairon accueille ce nouveau venu chez elle en dépit de son mensonge, elle continue d’insister sur sa méconnaissance des règles de la bienséance :

– Madame, je me destine au Théâtre-François.

– Monsieur, appelez-moi mademoiselle ; on ne m’appelle plus madame19.

– Avez-vous jamais eu l’occasion de voir des gens de qualité dans la société ?

– Non, Mademoiselle.

– Je le vois bien.

– Je sens, Mademoiselle, que j’ai mal pris mon moment ; le monsieur que je viens d’entendre…

– On ne dit point le monsieur, mon ami, cela est de mauvais ton…20

18Enfin, il échoue à l’épreuve de la déclamation :

Eh bien ! tout cela ne vaut rien. Vos traits m’annoncent un mouvement violent dans votre âme, et votre corps est immobile, cela n’est pas possible ; vous jouez l’amour, la fureur, mais vous n’êtes ni amoureux ni furieux21.

19Une opposition est construite entre les hommes qui rendent visitent à Mlle Clairon. L’envoyé de Voltaire, qui récolte la faveur des gens du monde et qui sait circuler selon les convenances, fait d’emblée ombrage au faux protégé de M. Monet, qui est sans nom, sans grâce, sans manières, sans protection. Les pôles négatif et positif de cette dualité initiale s’inversent cependant au fil de la conversation, le deuxième visiteur étant celui qui est accepté par la comédienne. Sa naïveté et sa franchise sont le signe d’une humilité favorable à l’introspection et au travail sur soi et elles le qualifient aux yeux de l’artiste. Celle-ci s’investit d’ailleurs d’autant plus dans le partage de son expérience qu’elle mesure la réceptivité de son élève. Le « sublime » ― ironique ― de l’homme du monde hautement recommandé est donc délaissé au profit du dénuement et de la disponibilité du comédien qui se dira simplement « né avec la passion du spectacle ».

20Le rêve, qui est dominé par le point de vue d’énonciation de Mlle Clairon, occupe presque tout l’espace de la narration ; seules les premières et les dernières lignes ne lui appartiennent pas. La rêveuse apparaît au lecteur à son clavecin. Elle constate l’échec d’une pièce qu’elle avait intellectuellement jugée prometteuse et qui, une fois jouée, ne vaut rien. En dépit de sa connaissance des codes de la composition, le résultat de son travail est sans art. La focalisation subjective permet donc à l’auteure de penser par osmose, semblablement à ce que Mlle Clairon enseigne à son jeune visiteur.

21La conversation qu’entame l’actrice avec son élève s’ouvre par un échange qui l’amène à exposer les trois étapes successives et complémentaires que celui-ci devra suivre pour se former au métier de comédien. La première étape portera sur les connaissances historiques qui conduisent à une meilleure compréhension des rôles. Mlle Clairon le convainc de leur importance en lui montrant l’insuffisance de l’état de son savoir :

– Mademoiselle, le rôle de Néron répond à une partie de vos questions, mais pas à toutes.

– Monsieur, il faut non seulement répondre à ces questions, mais à toutes celles que je vous ferai encore. Et comment pourrez-vous rendre le rôle de Néron ou tel qu’il vous plaira, si vous ne connoissez pas la vie du personnage que vous voulez représenter comme la vôtre même ?

– J’ai cru, Mademoiselle, qu’il suffisoit de bien connoître la pièce pour saisir le sens de son rôle.

– Vous avez mal cru, Monsieur, vous allez en convenir ; écoutez-moi22.

22Par ce premier précepte, Mlle Clairon insiste sur la capacité du comédien à intérioriser la position de celui qu’il veut incarner. Nécessaire à la saisie de la psychologie des personnages, une connaissance approfondie de l’histoire favorise une composition nuancée des rôles.

23La deuxième étape l’entraînera dans la salle de spectacle et favorisera son émulation. La comédienne lui donnera cette fois pour objet d’étude le jeu des autres acteurs. L’annonce de cette fréquentation de la scène s’accompagne de mises en garde allant dans le sens de ce qui avait implicitement été reproché au premier comédien :

– Vous avez à Paris un modèle unique, que vous irez voir rarement, s’il vous plaît : car ce sont les grands modèles qui perdent les élèves.

– Et ce grand modèle ?

– C’est M. Caillot : examinez-le bien, ne le copiez pas ; mais tâchez de deviner les ressorts qui le font mouvoir ; ils sont tous dans son âme. […] Si vous vous surprenez à vouloir l’imiter, ne le voyez plus ; vous profiterez plus peut-être à voir jouer les mauvais acteurs, pourvu que vous sentiez qu’ils sont mauvais, qu’à suivre pas à pas les acteurs sublimes. Lorsque vous commencerez à être un peu formé, je vous permettrai d’aller admirer le jeu de M. Le Kain […]. Mais, je vous l’ai dit, vous n’êtes pas encore en état de profiter de ce grand modèle, vous tomberiez dans l’écueil de tous ses jeunes admirateurs, vous en deviendriez le froid copiste ; il faut que vous vous soyez fait un jeu à vous avant de le suivre23.

24Selon Mlle Clairon, un travail intellectuel doit précéder l’élaboration des gestes et des attitudes du corps. Les conseils qu’elle prodigue mettent en évidence l’importance accordée au jugement de l’individu et au rapport qu’il doit entretenir avec les rôles à construire. Le contre-modèle pédagogique qu’incarne le premier visiteur dans le « Rêve » souligne la posture épistémologique adoptée. S’il faut puiser ses connaissances à l’extérieur des pièces pour mieux éclairer leur contexte, il importe tout aussi bien de garder un contact avec le monde de la scène, sans risquer d’y perdre son individualité :

– Dites-moi, qui vous a montré à déclamer ?

– Personne, Mademoiselle : je suis né avec la passion du spectacle, j’y ai beaucoup été ; mais, depuis un an que je me destine au théâtre, M. Monet m’a empêché d’y aller ; il m’a prêté des livres, et a voulu que je bornasse mon étude à lire et à déclamer devant une glace24.

25Contrairement à M. Monet, la comédienne défend une position qui est tout à la fois dans et hors du monde théâtral. Son approche des rôles y est intellectualisée, mais le jeu s’y construit aussi par observation et par empirisme.

26Partant de la sensibilité du comédien et de la psychologie des personnages, le parcours qu’elle propose guidera son élève dans le développement du travail de la voix et des attitudes corporelles en suivant le sens d’une extériorisation. La troisième étape confirme cette orientation :

Un cours de tableaux et de statues vous sera, avec le temps, fort utile. Peut-être le ferai-je avec vous, pour vous apprendre à bien voir et à faire bon usage de ce que vous aurez vu. Je n’aurai garde de diriger votre coup d’œil sur telle ou telle attitude. Si le statuaire ou le peintre a bien rempli sa tâche, vous apercevrez dans l’instant le sentiment, la passion qu’il a voulu rendre25.

27Il s’agit, au final, de former aussi un bon juge. Grâce au dialogue esthétique avec d’autres arts représentatifs, le comédien saura parfaire son jeu, créer l’illusion et produire davantage d’effet sur le public. Cela ne sera toutefois possible que s’il place l’étude de l’homme (de celui qu’il est, de celui qu’il voudra incarner) au cœur de sa démarche, ce qui ne manque pas d’être réaffirmé au jeune élève avant qu’il ne quitte son professeur :

je vous dirai seulement qu’il faut toujours étudier la nature de préférence à l’art26.

28Les abonnés de la Correspondance littéraire ont certainement reconnu dans cette fiction l’écho d’un commentaire émis quelques mois plus tôt dans un article signé Mme*** de la livraison du 15 octobre 1771. Cet article portait sur les débuts du comédien Ponteuil, formé par l’acteur Préville. Les conseils donnés à l’élève fictif de Mlle Clairon s’y trouvaient déjà sous la forme d’une apostrophe à ces « messieurs » du public :

Préville n’a pu que guider son éleve et l’éclairer des lumieres que vingt années de réflexions et de travail lui ont acquises, et heureusement pour l’éleve il n’avait rien à imiter, écueil presque inévitable pour tous les débutans formés par des acteurs célèbres dans l’emploi où ces jeunes gens se proposent de le [sic] remplacer. Ces copies sont toujours froides, postiches et maniérées. Eh, Messieurs, étudiez la nature et non pas les copies de la nature27.

29Le rapprochement avec cet article était d’autant plus facile à faire que le jeune Ponteuil y était précisément comparé à Le Kain :

Il a trop de chaleur et pas assez de nuances ; c’est une copie gauche de Le Kain, et je ne vois pas qu’il annonce aucun talent naturel, ni que ce début donne plus d’espérance que les précédens28.

30La teneur de la critique laissait elle-même entrevoir le contenu du dialogue qui allait paraître quelques mois plus tard :

J’espérais que le sieur Ponteuil aurait à lui ses défauts et le germe de quelque talent, il est déjà gâté par l’imitation ; s’il peut revenir sur ses pas, il faut que Préville lui dise bien qu’on ne montre pas à jouer la comédie, c’est une affaire de sentiment : il faut pour y réussir être favorisé de la nature ; réunir à la figure et à l’organe une ame mobile et flexible, un esprit juste, observateur et cultivé, des mœurs honnêtes et assez d’agrément pour être admis dans le grand monde d’où il doit principalement tirer ses remarques et ses réflexions. Il faut encore qu’il ait l’espece d’orgueil qui rend l’applaudissement du public si précieux et la modestie si nécessaire pour se soumettre à ses rigueurs sans en être rebuté [...]29.

31Les exigences du métier y sont clairement exposées de même que les positions de la collaboratrice de Grimm qui insiste ici aussi sur l’importance des sentiments et des dispositions « naturelles » de l’élève. Dans une lettre qu’elle adresse à Galiani en décembre 1771, Louise d’Épinay fait explicitement le lien entre son article sur les débuts de Ponteuil et son « Rêve » :

L’ordinaire prochain je vous enverrai une des feuilles que j’ai faites pour la Correspondance de notre voyageur [i.e. Grimm], qui vous divertira. Il était question de rendre compte du début d’un nouvel acteur à la Comédie française [,] élève de Préville et cependant acteur tragique. Après avoir rendu compte de ce qu’il est, et il ne vaut rien, je dis un mot sur la difficulté et même l’impossibilité d’apprendre aux autres à jouer la comédie et puis je conte un rêve que j’ai fait [:] c’est ce rêve que je veux vous envoyer. Je vous ferai grâce de ce qui précède30.

32Alors qu’elle fait allusion dans son article à « la difficulté », voire à « l’impossibilité d’apprendre aux autres à jouer la comédie », ainsi qu’elle le précise à son correspondant, la critique illustre dans son « Rêve » les conditions d’éducation qui pourraient en favoriser l’apprentissage. La mise en fiction met à l’épreuve son premier jugement, et les conclusions qu’elle tire de l’un et l’autre textes ne sont pas exactement les mêmes : s’il faut être d’abord favorisé par la nature, force est de constater que la gestuelle, l’usage du monde, les convenances s’acquièrent, mais que cet apprentissage suppose une démarche adéquate. La dernière question que pose l’élève à Mlle Clairon sur la manière dont on peut se faire un modèle pour jouer la comédie31 entraîne une réponse ambiguë, qui rend incertaine l’issue de la formation du comédien, toute rigoureuse qu’elle soit :

– Et comment se fait-on un modèle ?

– Comment, Monsieur ? comme un peintre se représente la physionomie de ses personnages ; avec du génie : le génie devine tout.

– Et si je n’en ai pas ?

– Vous renoncerez à jouer la comédie, Monsieur, ou vous renoncerez du moins à la réputation de grand acteur ; vous gesticulerez, vous crierez, vous prendrez des attitudes, vous vous mettrez en scène avec le parterre et les loges ; et, lorsque vous passerez dans certains quartiers de Paris, vous aurez la consolation de vous entendre préférer à Caillot et à Le Kain, et vous vous persuaderez à la fin que vous les surpassez, tant le public est connoisseur et l’amour-propre crédule.

– Le mien n’est pas, je m’en flatte, si aisé à contenter ; ce genre de succès ne me suffiroit pas.

– En ce cas, Monsieur, je vous en promets d’autres32.

33La critique des usages du monde qui se devinait derrière le renvoi du protégé de Voltaire s’affirme dans les dernières répliques de l’actrice, qui ironise sur le goût ― superficiel ― du public. Par-delà les codes et les modes, par-delà la gestuelle et les attitudes corporelles, le succès se mesure à la profondeur de l’investissement personnel du comédien, ce que favorise une approche pédagogique individuée. Si l’éducation peut quelque chose, elle ne peut cependant pas tout, et la fiction achoppe à la question du génie.

34Les dernières paroles que professe Mlle Clairon à son élève suggèrent que si le talent peut se remarquer rapidement, le génie, lui, ne s’aperçoit qu’à force de travail. Latente dans le récit, la question aporétique de l’art et du génie ouvre et clôt un dialogue consacré aux exigences de la formation du comédien. Comment penser la part d’inné et jusqu’où aller dans la structuration de l’acquis ? La construction narrative du « Rêve », par sa subjection, épouse les ambiguïtés et témoigne de l’évolution de la pensée de l’auteure, qui sera précisée et illustrée dans une production plus tardive. À l’époque, Louise d’Épinay commence en effet à travailler au seul ouvrage publié de son vivant, Les conversations d’Émilie, qui paraîtront en 1774. Plusieurs aspects du « Rêve » font écho aux principes pédagogiques qui commencent à prendre forme dans cette fiction dialoguée de grande ampleur (dont la seconde édition sera notamment récompensée par le prix d’utilité de l’Académie française en 1781) sans qu’ils y soient pour autant formulés explicitement. La démarche empirique de l’acquisition des connaissances, l’accès à la sensibilité de l’élève, la valorisation d’une transmission individuée du savoir ― tous ces principes d’éducation qui sont au fondement des Conversations d’Émilie sont déjà présents dans la courte pièce qui est envoyée aux abonnés de Grimm.

35Pour l’heure, toutefois, le rêve s’achève. L’auteure-narratrice quitte sa retraite, elle retrouve les logiques du monde (théâtral) réel et, avec lui, sa déception ; mais elle continue néanmoins de rêver…

Tout mon regret, à présent que je suis bien éveillée, est que Mlle Clairon ne se souviendra jamais d’avoir dit un mot de tout cela, et que ce sera autant de perdu pour le premier écolier qui viendra la trouver. Ce qui m’afflige encore, c’est de ne point revoir mon élève. Depuis ce temps, je ne manque pas d’aller à tous les débuts annoncés, dans l’espérance de le retrouver ; mais je ne vois jusqu’à présent que des protégés de M. de Voltaire33.

36En reprenant son statut de spectatrice, la narratrice se dissocie de l’actrice rêvée. Lorsqu’il fait la lumière sur les dimensions réelle et fictionnelle du personnage de Mlle Clairon, Grimm contribue à départager les idées de la femme de théâtre et celles de l’auteure. Il souligne aussi la portée réflexive du dialogue :

Vraisemblablement elle [i.e. Mlle Clairon] se trouverait offensée de la justice qu’elle rend ici au charmant Caillot à qui je la crois fort éloignée d’accorder le rang qu’il mérite et qu’il prendra bien tout seul. Quant à Le Kain, ce nom sinistre n’a jamais souillé sa bouche, ou pour parler un langage moins partial, M. Le Kain et Mademoiselle Clairon se sont illustrés par une inimitié si franche, si sincere, si invétérée qu’il est impossible qu’ils se rendent jamais justice. […] Une remarque plus importante que vous tirerez de la lecture de ce Rêve, c’est que l’éducation la plus libérale et l’instruction la plus soignée sont de premiere nécessité pour former un grand acteur, et qu’aussi longtemps que cette profession restera avilie par nos préjugés gothiques, l’art théatral ne sera jamais porté au degré de perfection dont il est susceptible34.

37Les allusions de Grimm aux préjugés de la société et à la nécessité d’une éducation libérale font signe vers des implications plus générales concernant l’éducation. Galiani, à qui Louise d’Épinay envoie son texte, éclaire encore les positions qui y sont défendues dans une de ses lettres. Il ne manque pas de relever la teneur pédagogique du « Rêve » en affublant Le Kain du prénom d’Émile, dans un clin d’œil à l’ouvrage de Rousseau :

Je n’ai qu’une difficulté à faire à vos raisonnements. Je conviens que l’étude de l’histoire est nécessaire à l’acteur. Toutefois, pourtant, que l’auteur de la pièce l’ait étudiée lui-même […] ; mais s’il n’en a rien fait, comme cela arrive presque toujours, l’acteur serait mille fois plus embarrassé, s’il connaissait l’histoire. […] En vérité, ma belle dame, il me paraît que l’ignorance des auteurs a engendré l’ignorance des acteurs, et de ces deux ignorances a procédé l’ignorance des spectateurs, qui n’a été ni créée ni engendrée, mais qui procède des deux. Voilà une trinité d’ignorance qui a créé le monde théâtral. […] Je renonce donc à l’espoir d’une tragédie vraie, et je consulterais mon acteur [pour] avoir les postures les plus pittoresques, la voix la plus terrible, la démarche la plus chargée, les passions les plus outrées. Toute fois qu’en faisant une grimace il est applaudi, je lui conseillerais de faire le lendemain une véritable contorsion : tâcher de se faire bien payer, coucher avec toutes les dames, qui le lui demanderont, et demander à coucher avec toutes les actrices, qui paraîtraient vouloir le lui refuser. Voilà l’éducation de mon Emile Le Kain le jeune. Voyez comme nous sommes peu d’accord. Mais si nous l’avions été, malheureusement je n’aurais eu rien à vous mander sinon que je vous adore toujours35.

38Fidèle à lui-même, Galiani tire matière à railler en renversant le problème de la formation des acteurs et en critiquant l’ignorance des auteurs. Il n’en poursuit pas moins la réflexion amorcée dans le « Rêve » et décèle les positions pédagogiques qui s’y trament. Chargée à cette époque de la rédaction des ordinaires de Grimm, Louise d’Épinay avait l’esprit occupé d’art dramatique, mais aussi d’éducation, ce que ne manque pas de soulever chacun de ses interlocuteurs. Terrain d’imagination des possibles dans le domaine de la formation théâtrale, le dialogue devient aussi celui de la mise en place d’idées plus ou moins achevées qui occuperont Louise d’Épinay jusqu’à la fin de sa vie.

Contemporain d’une redéfinition du rapport des comédiens au public, le « Rêve » que Louise d’Épinay donne à lire aux abonnés de la Correspondance littéraire à l’hiver 1772 prolonge non seulement une critique formulée quelques mois plus tôt sur les débuts médiocres d’un acteur, mais il permet d’explorer plus avant les conditions de la formation à l’art dramatique et, plus généralement, de l’éducation. La structure donnée au récit épouse les vues nuancées de l’auteure sur la sincérité et la sensibilité de l’élève, tant par l’opposition structurante des aspirants acteurs qui sont mis en présence que par la démarche que propose le personnage de Mlle Clairon. Les réflexions pédagogiques qui occupent l’auteure et la pédagogue à cette époque imprègnent sa fiction, ce que soulignent explicitement Grimm et Galiani dans leurs commentaires. Une attention portée aux dynamiques dialogiques intrinsèques et extrinsèques au texte contribue à l’éloigner d’une simple association au célèbre Paradoxe sur le comédien de Diderot, ce à quoi l’on demeure pourtant tenté de le réduire. Le contexte de diffusion du « Rêve » et la prise en compte de l’imaginaire de la femme de lettres qui lui est contemporain mettent en évidence la portée réelle des idées qui y sont proposées et éclairent les pratiques d’écriture de Louise d’Épinay. Sa « modeste » pièce de société s’en trouve extraite de sa dimension anecdotique et dégagée du préjugé d’influence dans lesquels les usages topiques de la fin de l’Ancien Régime, repris à bon compte par la critique littéraire, l’avaient initialement plongée.Image1

Notes de bas de page numériques

1 Louise d’Épinay, « Un rêve de mademoiselle Clairon », dans L’amitié de deux jolies femmes ; suivie de Un rêve de mademoiselle Clairon, éd. Maurice Tourneux, Paris, Librairie des bibliophiles, 1885, « Chefs-d’œuvre inconnus », pp. 43-60. Les références sont à cette édition. Le « Rêve » paraît aussi dans l’édition du périodique : Grimm et al., Correspondance littéraire, philosophique et critique. Par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, etc., éd. Maurice Tourneux, Nendeln, Kraus Reprint, 1968 [Paris, Garnier frères, 1877-1882], vol. 9, pp. 401-408, de même que dans les lettres de Louise d’Épinay à Galiani des 19-20 décembre 1771 et du 22 mars 1772 : Louise d’Épinay et Ferdinando Galiani, Correspondance [1769-1783], éd. Daniel Maggetti, notes par Daniel Maggetti en coll. avec Georges Dulac, Paris, Desjonquères, 1992-1997, « XVIIIe siècle », vol. 2, pp. 249-256 et vol. 3, pp. 39-40.
2 Pour une présentation de la Correspondance littéraire et de la collaboration de Diderot et de Louise d’Épinay au périodique de Grimm, voir Ulla Kölving et Jeanne Carriat, « Introduction », dans Inventaire de la Correspondance littéraire de Grimm et de Meister, Oxford, The Voltaire Foundation, 1984, « Studies on Voltaire and the Eighteenth Century », vol. 1, pp. xiii-cxxiii et Ulla Kölving, « Introduction générale » dans Friedrich Melchior Grimm, Correspondance littéraire, tome 1, 1753-1754, éd. Ulla Kölving, Ferney-Voltaire, Centre international d’étude du XVIIIe siècle, 2006, pp. xxi-lxxii.
3 Maurice Tourneux, « Avertissement », dans Louise d’Épinay, L’amitié de deux jolies femmes ; suivie de Un rêve de mademoiselle Clairon, op. cit., p. I.
4 « Jamais secret ne fut si bien gardé, » écrit-il, « et, quand le dialogue vit le jour en 1879, il était aussi parfaitement inconnu que s’il avait été écrit la veille ; mais il n’échappa pas à l’attention des bons juges, et M. Alphonse Daudet le signalait en ces termes aux lecteurs du Journal officiel (12 mai 1879) […]. » Maurice Tourneux, « Avertissement », op. cit., p. V.
5 Ibidem.
6 Diderot, s.t. [présentation du « Dialogue copié d’après nature ou de l’amitié de deux jolies femmes » de Louise d’Épinay], Correspondance littéraire, 1er septembre 1771, f. 137. Mises à part celles du « Rêve » de Louise d’Épinay, toutes les références des textes diffusés dans la Correspondance littéraire renvoient aux manuscrits conservés à la Bibliothèque historique de la ville de Paris (cotes CP3855 et CP3856 pour les années 1771 et 1772).
7 Grimm, s.t. [commentaire sur le « Rêve » de Louise d’Épinay], Correspondance littéraire, 1er janvier 1772, f. 4.
8 Plus d’une vingtaine d’articles, de lettres, de notices, de billets avaient déjà circulé dans la Correspondance littéraire au sujet de la comédienne. Voir Jeanne Carriat et Ulla Kölving, Inventaire de la Correspondance littéraire de Grimm et de Meister, op. cit., vol. 3, p. 252.
9 David Trott, « De la théâtralité à l’effet de réel », dans Théâtre du XVIIIe siècle. Jeux, écritures, regards, Montpellier, Éditions Espaces 34, 2000, pp. 183-249 et Sabine Chaouche, « Introduction », dans Écrits sur l’art théâtral (1753-1801), tome 1, Spectateurs, éd. Sabine Chaouche, Paris, Champion, 2005, « L’âge des Lumières », pp. 13-42.
10 Martine de Rougemont, La vie théâtrale en France au XVIIIe siècle, Paris, Champion, 2001 [1988], p. 119.
11 À l’époque, on opposait au jeu de Mlle Clairon celui, « inspiré », de Mlle Dumesnil : « C’est une autre version du naturel, celle d’un naturel inspiré, qui triomphe avec Mlle Dumesnil, plus remarquable à ce qu’on en dit par l’instinct que par l’intelligence. […] elle a été la principale partenaire de Lekain, et l’inspiratrice de toute une école d’acteurs et d’actrices, qui opposent son jeu d’identification et d’émotion aux constructions plus intellectuelles de Clairon. », Martine de Rougemont, La vie théâtrale en France au XVIIIe siècle, pp. 116-118.
12 Louise d’Épinay, « Un rêve de mademoiselle Clairon », op. cit., pp. 43-44.
13 Ibid., pp.  44-45
14 Ibid., p. 45.
15 Ibidem.
16 Ibidem.
17 « Ah ! allez me chercher mon sac à ouvrage que voilà sur cette console, au bout de cet appartement ; que je vous voie marcher, s’il vous plaît… Là, près de ce nécessaire du Japon… Monsieur, je vous rends grâces. Cela est bien, vos mouvemens sont aisés ; vous n’avez point d’apprêt, point de disgrâces ; mais vous n’avez point de noblesse. » Louise d’Épinay, « Un rêve de mademoiselle Clairon », op. cit., pp. 46-47.
18 Ibid., p. 46.
19 Ibidem.
20 Louise d’Épinay, « Un rêve de mademoiselle Clairon », op. cit., p. 47.
21 Ibid., pp. 53-54.
22 Ibid., pp. 49-50.
23 Ibid., pp. 56-57.
24 Ibid., pp. 47-48.
25 Ibid., pp. 57-58.
26 Ibid., p. 57.
27 Louise d’Épinay, « Autre article de Mme*** » [Les débuts de l’acteur Ponteuil], Correspondance littéraire, 15 octobre 1771, op. cit., f. 166-166v ; ici f. 166v.
28 Ibid., f. 166.
29 Ibid., f. 166v.
30 Louise d’Épinay, lettre du 8 décembre 1771, dans Louise d’Épinay et Ferdinando Galiani, Correspondance, vol. 2, op. cit., p. 241.
31 Une distinction est faite, dans le dialogue, entre la construction des rôles tragiques et celle des rôles comiques. On précise essentiellement qu’il faut savoir étudier l’histoire pour les premiers et le monde pour les seconds. Bien que la question de l’acteur concerne ici la comédie, la réponse de Mlle Clairon peut être interprétée comme ayant une portée plus générale.
32 Louise d’Épinay, « Un rêve de mademoiselle Clairon », p. 59.
33 Ibid., pp. 59-60.
34 Grimm, s.t. [commentaire sur le « Rêve » de Louise d’Épinay], op. cit., f. 4-4v.
35 Ferdinando Galiani, lettre du 29 février 1772, dans Louise d’Épinay et Ferdinando Galiani, Correspondance, vol. 2, op. cit., pp. 288-290.

Pour citer cet article

Mélinda Caron, « Les pratiques d’écriture de Louise d’Épinay à la lumière du « Rêve de Mlle Clairon » », paru dans Loxias, Loxias 22, mis en ligne le 15 septembre 2008, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=2448.


Auteurs

Mélinda Caron

Mélinda Caron est étudiante en doctorat à l’Université de Montréal et à l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV). Elle a terminé sa maîtrise à l’Université Laval en 2003 ; son mémoire avait pour titre « Conversation intime et pédagogie dans Les Conversations d’Émilie de Louise d’Épinay ». Conjointement dirigées par messieurs Benoît Melançon et Michel Delon dans le cadre d’une cotutelle de thèse franco-québécoise, ses recherches de thèse sont consacrées aux pratiques d’écriture intellectuelle des femmes en France dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.