Loxias | 73. Lazare et le Mauvais riche. Regards croisés sur les réceptions d'une parabole | I. Lazare et le Mauvais riche. Regards croisés sur les réceptions d'une parabole | 2. Recherches créatives: -- propositions de traduction ou remise en scène de l'Histoire et tragedie du Mauvais riche, extraicte de la saincte Escriture, et representee par dix huict personnages (Master 1, 2020-2021) 

Magali Munter  : 

Traduire une œuvre latine : le complexe du « traduttore, traditore »

Résumé

L’Âne d’or ou les Métamorphoses d’Apulée est une œuvre narrative complexe au style foisonnant qui daterait de 161 après JC. En raison des particularités de la langue latine et de l’esthétique très élaborée d’Apulée, de multiples problèmes de traduction se posent. En donner un aperçu permet de saisir concrètement les difficultés et les enjeux inhérents à la mise en français de textes antiques. Comment peut-on parvenir à traduire sans trahir ? C’est la grande question que se pose le traducteur, une question à la fois fructueuse et déstabilisante. Mais qu’entendre par « trahir » un texte ? Faut-il faire sentir le latin sous le texte français ? Ou la fidélité au texte latin peut-elle passer par une traduction donnant l’impression d’être une œuvre littéraire écrite directement en français ? Les différents exemples considérés ici, issus de la lettre même du texte, tendent à apporter une réponse nuancée à ces interrogations, en soulignant l’intérêt réflexif des traductions, leur complémentarité avec l’œuvre source et leur force signifiante et créatrice.

Abstract

The Golden Ass or the Métamorphoses by Apuleius is an intricate narrative with an abundant writing style, which approximately dates from 161 A.D. Due to the peculiarities of the Latin language and to Apuleius’ sophisticated aesthetics, many translation problems arise. Giving an overview of these problems allows us to concretely grasp the difficulties and the challenges inherent in the translation of ancient texts into French. How can we manage to translate without betraying? That is a question that the translator must keep in mind, a fruitful and destabilizing question at the same time. But what exactly does it mean to “betray” a text? Should we hear Latin beneath the French text? Or can the faithfulness to the Latin text be expressed by a translation giving the impression of being a literary work directly written in French? The various examples discussed in this paper, taken from the letter of the text, aim at providing a qualified answer to these questions by highlighting the reflexive interest of translations, their complementarity with the original text and their signifying and creative power.

Index

Chronologique : Antiquité romaine

Plan

Texte intégral

1 Sans doute la paronomase de l’adage « traduttore, traditore » l’a-t-elle aidé à traverser les frontières… sans justement changer de langue. Toujours est-il que le soupçon ainsi exprimé pèse et pourrait dissuader. De fait, le traducteur serait un traître dans la mesure où il ne parviendrait pas à rendre avec justesse le contenu et la forme du texte source en raison des irréductibles écarts entre les deux langues. L’adage a le mérite d’exprimer la position délicate dans laquelle se trouve le traducteur qui se voit contraint d’opérer des choix de traduction. Ces choix de traduction entraînent, comme tout choix, une sélection de certains termes ou expressions et une mise à l’écart d’autres. Par conséquent, on aboutit, au terme du processus de traduction, à une inévitable prise de distance vis-à-vis du texte source avec lequel le texte cible ne peut jamais coïncider totalement. Le traducteur, qui d’une part doit bien souvent accepter la frustration de ne pas pouvoir tout restituer, et d’autre part doit infléchir le texte d’origine pour l’adapter à sa langue, est sans cesse tiraillé entre deux exigences : celle d’être fidèle au texte écrit en langue étrangère1 et celle de traduire avec une certaine élégance, ou du moins avec correction, le niveau de la traduction strictement littérale étant souvent irrecevable2. Ces difficultés semblent décuplées quand le texte source est écrit dans une langue qui, mis à part dans des cercles très étroits, n’est plus parlée de nos jours, une langue figée dans le temps et renvoyant à un univers souvent peu familier3. C’est le cas de la langue latine qui pose de réelles difficultés de traduction. Nous avons pu y être confrontée lors de notre étude portant sur l’œuvre foisonnante d’Apulée, Les Métamorphoses4. C’est un modeste aperçu de ces différents problèmes et interrogations sur la mise en français que nous allons donner ici.

Comment transposer en français des tournures idiomatiques ?

2 C’est une question technique qui se pose tout d’abord. En effet, la langue latine se caractérise par certains tours idiomatiques pour lesquels nous n’avons plus d’équivalent immédiat en français. Il s’agit par exemple de l’ablatif absolu, du relatif de liaison ou même de l’adjectif verbal, tours qui sont légion dans les Métamorphoses. Leur traduction est possible mais elle peut bien souvent se révéler délicate en raison d’un risque de lourdeur dans la mise en français, et aussi d’un manque de naturel certain. Commençons par l’ablatif absolu. Il peut être traduit de différentes manières. Ainsi l’exemple canonique de César présent dans toutes les grammaires, « Quibus rebus factis », littéralement « Ces choses ayant été faites », peut-il être traduit de manière plus élaborée par la temporelle « Une fois ces choses faites », voire par une tournure active « Ayant fait ces choses »... Au livre III des Métamorphoses se trouve un exemple intéressant pour réfléchir à la traduction de ce tour : « Tandem denique reuersus ad sensum praesentium adrepta manu Photidis et admota meis luminibus […] » (III, 22) que nous avons choisi de traduire de cette façon : « Enfin, à nouveau capable de percevoir ce qui se trouve devant moi, saisissant la main de Photis et la portant à mes yeux […] ». Bien évidemment, nous avons décidé ici de ne pas garder la traduction littérale (« la main de Photis ayant été prise et ayant été portée à mes yeux »), inacceptable en français. Le choix du participe présent se veut plus léger et a le mérite de faire sentir la précipitation dans le déroulement des actions. Ce parti-pris semble en outre apte à restituer l’ébahissement de Lucius exprimé précédemment : « defixus stupore » (littéralement « immobile de stupeur ») et « attonitus » (« stupéfié5 », « hébété »). D’autres choix de traduction restent possibles, et certains sont particulièrement stimulants pour l’interprétation. Évoquons ceux de Pierre Grimal et de Géraldine Puccini qui font largement autorité. Géraldine Puccini écrit : « je saisis la main de Photis et l’approchai de mes yeux6 ». L’ablatif absolu est ici rendu par la forme active mettant l’accent sur l’initiateur du mouvement, et par des verbes exprimant la rapidité des actions effectuées, verbes conjugués, de surcroît, au passé simple, temps de l’avant-plan. Grimal, quant à lui, fait un choix hybride, qui mêle participe présent et verbe conjugué : « saisissant la main de Photis, je la portai à mes yeux7 ». Une forme de juste milieu semble être trouvée entre fidélité au texte et élégance de la traduction. En effet, une des deux formes participiales de l’ablatif absolu latin est conservée, tandis que l’autre est traduite par un verbe conjugué, ce qui met l’accent à la fois sur l’enchaînement rapide des actions et sur le narrateur-personnage qui les accomplit en tant que sujet explicite du deuxième verbe. De plus, par rapport aux deux propositions de traduction précédentes, une relation de subordination est introduite. Il s’agit d’un ajout, car le texte latin se contente de juxtaposer les deux actions. Mais l’introduction de cette subordination, qui relève proprement de l’arbitraire du traducteur, a un intérêt pour l’interprétation. Elle permet d’insister sur la deuxième action, qui est la plus riche de sens : elle met en relief dans toute sa force la stupéfaction du narrateur-personnage.

3 Parmi les difficultés que l’on peut rencontrer pour traduire les tournures spécifiquement latines, un deuxième exemple est éloquent tant il concentre de tours idiomatiques. Nous nous trouvons désormais au livre VI, c’est-à-dire au cœur des Métamorphoses, au sein du conte d’Amour et Psyché8. Durant la scène de confrontation entre Vénus et Psyché, Apulée, maître dans l’art du déploiement élaboré et esthétisé des phrases, fait montre de sa capacité de resserrement, de brevitas. L’on peut ainsi être confronté à trois problèmes de traduction en l’espace de six mots : « Quibus intro vocatis torquendam tradidit eam » (VI, 9). Nous reconnaissons ici le relatif de liaison9, l’ablatif absolu et l’adjectif verbal à valeur d’obligation, autant de tournures propres à la langue latine. La traduction mot-à-mot se formulerait ainsi : « Et, ces dernières ayant été appelées à l’intérieur, elle [Vénus] la [Psyché] leur livra, elle qui doit être torturée ». C’est extrêmement lourd et pénible à lire en français. D’où des choix divers pour rendre le sens de cette construction très économe et l’exprimer correctement en français. Pierre Grimal propose la traduction suivante : « On les appela et elle leur remit Psyché pour qu’elles la torturent10 ». Nous avons traduit de la même manière l’adjectif verbal : « Elles furent alors appelées à l’intérieur, et Vénus leur livra Psyché pour qu’elles la torturent ». Géraldine Puccini fait le même choix de traduction : « Lorsque celles-ci furent introduites, elle leur remet11 Psyché pour qu’elles la torturent12 ». La finale « pour qu’elles la torturent » fait l’unanimité au sein des traductions à l’étude, car elle rend bien l’ordre de Vénus. On aurait pu choisir également les traductions suivantes : « elles doivent la torturer » ou « il leur faut la torturer13 », plus légères et présentant l’avantage de ne pas nécessiter de subjonctif (imparfait en toute rigueur quand la principale est au passé). Toutefois, on peut remarquer à quel point il est nécessaire de « déplier » le texte latin pour le traduire correctement en français. Cette opération fait perdre au texte latin une partie de sa puissance d’expression, son style lapidaire qui le rend si percutant. Le traducteur doit donc, avec les ressources de sa propre langue, limiter cette déperdition. Il peut le faire de différentes manières, d’où les variations de traduction pour rendre la première partie de la phrase dans les trois propositions citées. Géraldine Puccini choisit de rendre l’ablatif absolu par une proposition temporelle, ce qui est souvent le choix de traduction privilégié. Cette tournure a le mérite de restituer la valeur temporelle de l’ablatif absolu mais perd peut-être en rythme avec l’introduction d’une subordination qui allonge la phrase et la ralentit dans son débit. Notre traduction choisit de faire de l’ablatif absolu latin une proposition indépendante en français pour tenter de souligner davantage la concision du style. Cependant, la tournure passive choisie pour rendre fidèlement l’ablatif absolu dont la valeur est passive, alourdit quelque peu la phrase et ne rend pas assez justice à la brièveté latine. La solution trouvée par Pierre Grimal y est plus sensible, et le choix du pronom indéfini « on » dans une tournure active rend efficacement la structure passive d’origine. Toutefois, l’adverbe « intro » latin n’y est pas traduit. La valeur de coordination du relatif de liaison non plus, pas plus que dans la proposition de Géraldine Puccini. La traduction perd alors en précision pour privilégier la dimension esthétique. Nous comprenons bien à travers cet exemple toute la difficulté du travail de traduction qui a pour objectif de concilier ces deux pôles fondamentaux.

Comment traduire le style de l’auteur ?

4 Les éléments évoqués, certes envisagés sous un angle technique, ont bien évidemment des conséquences sur la restitution du style de l’auteur. C’est dans leur prolongement que s’inscrivent les réflexions suivantes, plus centralement dirigées vers les effets de style. Traduire un style est, l’on peut s’en douter, hautement problématique. Il ne s’agit pas en effet de produire un calque littéral de la langue source mais de procéder à différentes sélections pour trouver dans la langue cible les équivalents des effets de style de la langue de départ. Il est donc légitime et même nécessaire de s’éloigner de la littéralité d’une première traduction pour exprimer l’effet recherché par l’auteur. Quand bien même les artifices littéraires pour le produire seraient différents, le but est de restituer en français l’impression esthétique du texte latin. Rendre le sens du texte latin ne suffit pas, il faut rendre son style, et cette opération relève de ce qu’Apulée nomme lui-même un « art de la voltige » (I, 1). Cette problématique est abordée dans le prologue des Métamorphoses qui ne manque pas d’évoquer les difficultés pour un locuteur étranger de s’exprimer en latin. Cette remarque qui cherche à s’attirer la bienveillance du lecteur laisse supposer qu’il traduirait des schémas de pensée et d’écriture grecs en latin : « En ecce praefamur ueniam, siquid exotici ac forensis sermonis rudis locutor offendero. Iam haec equidem ipsa uocis immutatio desultoriae scientiae stilo quem accessimus respondet. Fabulam Graecanicam incipimus. » (I, 1) : « Voilà, je demande donc avant tout de la bienveillance, si je commets une quelconque faute, en tant que locuteur ignorant d’un langage étranger et extérieur. Dès lors, assurément, ce changement même de langue est digne du style propre à l’art de la voltige que nous avons abordé. C’est un récit à la grecque que je commence. » (nous traduisons). Cette mise en abyme liminaire du travail de traduction semble bien mettre en évidence les difficultés qui lui sont inhérentes et la nécessaire adaptation d’une langue à l’autre qui requiert une certaine habileté dans le maintien d’une forme d’équilibre. Le lien établi entre le sens et la forme est précisément au centre de nos réflexions, puisque dans une traduction il faut restituer les deux.

5 Un passage du livre V est stimulant à cet égard. Il traite de la belle Psyché qui se demande si elle doit découvrir à la lumière d’une lampe le visage de son mari endormi. La jeune femme ne sait que faire, car d’une part elle se rappelle que son mari lui a formellement interdit de chercher à voir son visage, et d’autre part elle est grandement effrayée par les propos de ses méchantes sœurs lui ayant dit par jalousie que son mari est un monstre. L’auteur exprime par son style cette situation de dilemme particulièrement angoissante pour le personnage : « Festinat, differt ; audet, trepidat ; diffidit, irascitur ; et, quod est ultimum, in eodem corpore odit serpentem bestiam, diligit maritum » (V, 21). Nous avons traduit cet extrait de la manière suivante : « Elle se hâte, elle repousse son action ; elle prend sur elle, elle est agitée par la crainte ; elle désespère, elle s’emporte ; et, pire encore, dans le même corps, elle déteste la bête-serpent et aime le mari. » Pour la traduction des verbes, nous nous accordons pleinement avec la traduction qu’en propose Pierre Grimal : « Elle se hâte, puis elle tarde14, elle est pleine d’audace, puis elle tremble, elle se défie d’elle-même, puis elle s’irrite, et, pour tout dire, en un même être elle déteste la bête et aime le mari15. » Une différence notable concerne cependant l’introduction par Pierre Grimal du connecteur temporel « puis », qui a certes le mérite d’exprimer clairement la succession rapide et antithétique des différents états d’esprit qui traversent l’hésitante Psyché. Toutefois, ce choix de traduction fait perdre quelque peu la force de suggestion de la tournure paratactique qui permet d’insister de façon extrême sur les revirements psychologiques de la protagoniste. Tout dépend alors de ce que l’on veut privilégier : la clarté, la lisibilité ou la fidélité la plus totale possible, au risque parfois d’étonner un peu le lecteur. Une autre divergence importante a trait à la traduction du syntagme nominal « serpentem bestiam ». Nous avons décidé de conserver les deux substantifs pour rendre compte de la répétition dans le texte latin, répétition qui nous apparaissait comme un effet d’insistance sur la monstruosité supposée du mari. Mais le traduire simplement par « bête » avec toutes les connotations négatives possiblement attachées à ce terme, pouvait également suffire et même être plus évocateur. Cette dernière traduction présente aussi l’avantage de conserver une part d’indéfini qui contribue à exprimer l’effroi éprouvé par Psyché. D’autres traductions sont possibles comme celle, plus ancienne, de Victor Bétolaud : « l’impatience, l’indécision, l’audace, la frayeur, la défiance, la colère ; et, ce qu’il y a de plus terrible, dans le même être elle déteste un affreux reptile et adore un époux16. » Notons d’emblée que Bétolaud fait un choix très personnel concernant la traduction des verbes conjugués, qu’il rend par des substantifs abstraits. Si les énumérations de substantifs abstraits sont plutôt rares en latin, il est vrai qu’à l’inverse elles peuvent être assez fréquentes en français. Cette différence d’usage justifierait ce choix de traduction qui prend quelque peu ses distances avec le texte latin. Le rythme soutenu qu’exprimaient les verbes d’action conjugués dont le sujet était explicitement Psyché, est ici remplacé par cette succession de noms communs. Si elle permet une très grande brièveté de la phrase, elle entraîne, par l’emploi des substantifs plutôt que des verbes, une expression plus statique des sentiments de la jeune femme et une forme de désincarnation avec la disparition du sujet censé les éprouver. Il paraît ici évident que privilégier la restitution d’un effet de style peut s’opérer au détriment d’un autre. Il est donc nécessaire de conserver autant que possible un juste milieu dans la transposition en français du style de l’auteur latin. Quant à la solution apportée par Victor Bétolaud au problème de la traduction de « serpentem bestiam », on peut la considérer comme un choix intermédiaire par rapport aux deux propositions précédentes. En effet, par fidélité envers le texte latin, elle conserve les deux termes mais transforme l’un deux – » bestiam » – en adjectif dont elle ne conserve que les sèmes d’effroi et de laideur. « Serpentem » est traduit par le terme « reptile », hyperonyme de « serpent », ce qui permet de rendre en partie l’idée d’indétermination présente dans le substantif « bête ». Ainsi, les différentes propositions de traduction, plus ou moins fidèles à la lettre du texte, recèlent chacune une richesse interprétative qui leur est propre et qui éclaire le texte latin dans ses différentes dimensions.

Comment rendre l’esprit du texte latin ?

6 Qu’entendons-nous tout d’abord par l’esprit du texte latin ? Il s’agit de l’intention de l’auteur à l’œuvre dans son texte. Le traducteur se trouve alors face à un véritable défi, puisqu’il doit se mettre autant que possible à la place de l’auteur et s’efforcer de penser dans les termes de la langue source. Il doit par là même comprendre le but visé par l’auteur à travers son récit. Nous pouvons, certes, nous appuyer sur les déclarations d’intention des auteurs, bien qu’elles soient parfois lacunaires voire inexistantes. Cependant, elles sont à prendre avec précaution : il serait tout aussi naïf d’y accorder un crédit aveugle que de les négliger. Ce qui permet de mettre au jour plus sûrement encore cette intention de l’auteur, c’est le traitement littéraire qu’il adopte pour traiter les différents thèmes abordés dans son œuvre. L’exigence primordiale, présidant majoritairement à toute entreprise d’écriture, est celle de la lisibilité. Rien de plus évident : l’auteur écrit pour des lecteurs et cherche donc à ce que son texte soit compris par eux, et même à ce qu’il soit compris – au moins en son sens littéral17 – avec une certaine facilité. De même, le traducteur doit-il s’efforcer de rendre sa traduction aisée à lire, surtout s’il s’adresse à un public de non-spécialistes peu habitués à l’univers référentiel antique et à la réalité de la langue latine. Reprenons un de nos exemples pour donner à voir la manifestation concrète de cette exigence de lisibilité dans la traduction : « Quibus intro vocatis torquendam tradidit eam » (VI, 9). Le latin est clair dans sa formulation. C’est la traduction littérale en français qui pose problème : « Elles furent appelées à l’intérieur et elle leur livra celle-ci pour qu’elles la torturent. » Nous avons en effet des difficultés à reconnaître les référents de ces pronoms personnels. Ce vertige qui rend le texte obscur doit être clarifié et il semble préférable de dire : « Elles18 furent appelées à l’intérieur et Vénus19 leur livra Psyché20 pour qu’elles la torturent. » Cette explicitation du référent des pronoms pour éviter toute confusion, est aussi un moyen de rendre la lecture plus agréable, ce qui coïncide avec l’intention de l’auteur dont un des objectifs principaux est de plaire. En témoignent les derniers mots du prologue adressés directement au lecteur qui se voit ainsi apostrophé et impliqué dans le récit qui va suivre : « Lector intende : laetaberis » (I, 1) : « Lecteur, sois attentif : tu vas te réjouir » (nous traduisons). Il est nécessaire pour le traducteur de rendre ce souci du lecteur dont fait montre l’auteur.

7 Ce travail qu’effectue le traducteur pour être fidèle à l’intention de l’auteur soucieux de produire certains effets sur son lecteur, est surtout sensible quand il s’agit de rendre les dimensions comique et ironique qui parcourent le texte latin. Le traducteur doit essayer de faire ressortir, autant qu’il le peut, la tonalité humoristique afin que le lecteur moderne puisse bénéficier d’une expérience de lecture authentique, afin qu’il puisse ressentir le plus possible ce qu’a pu éprouver le lecteur antique ou du moins ce que l’auteur voulait susciter en lui. Prenons l’exemple des propos conclusifs que tient le narrateur à la fin du conte d’Amour et de Psyché : « Sic captiuae puellae delira et temulenta illa narrabat anicula ; sed astans ego non procul dolebam mehercules, quod pugillares et stilum non habebam, qui tam bellam fabellam praenotarem » (VI, 25), discours que nous proposons de traduire ainsi : « Cette petite vieille dans son délire et dans son ivresse faisait un tel récit à la jeune fille captive ; mais moi qui me tenais non loin de là, je me désolais, parbleu, de ne pas avoir de tablettes ni de graphe, pour noter un si beau conte. » Concernant la caractérisation de la narratrice, notre traduction est très proche de celle de Géraldine Puccini : « Tel était le récit que cette petite vieille, dans sa folie et son ivresse, faisait à la jeune fille captive. Et moi, qui me tenais debout non loin de là, je souffrais, par Hercule, de ne pas avoir de tablettes ni de poinçon pour noter par écrit cette si belle historiette21. » Dans les deux cas, le substantif « anicula » a été traduit littéralement par « petite vieille », ce qui réunit à la fois la fidélité au texte latin et la dimension comique du commentaire du narrateur avec toute la familiarité exprimée par ces termes, que ce soit en latin ou en français. Cette coïncidence des connotations entre un mot latin et son équivalent littéral en français n’est pas toujours assurée. De ce fait, quand littéralité et littérarité semblent aller de pair, nous aurions tort de nous en priver dans notre entreprise de traduction. Toutefois, Pierre Grimal traduit d’une manière différente, à la fois originale et stimulante : « Voilà comment, à la jeune fille captive, la vieille radoteuse, à moitié ivre, faisait des contes. Et moi, à quelque distance, je me désolais, par Hercule, de ne pas avoir de tablettes ni de stylet pour prendre en note une si belle histoire22. » Cette manière de désigner la narratrice est particulièrement évocatrice et provoque le sourire complice du lecteur. De plus, en allégeant l’expression par le transfert du sens du substantif « délire » dans l’adjectif désignant la vieille femme, « radoteuse », il met l’accent sur l’ivresse du personnage – » à moitié ivre » – propre à souligner l’aspect burlesque de la situation. En ce qui concerne le dernier mot de cette phrase, Géraldine Puccini fait le choix très intéressant de traduire « fabella » par « historiette », ce qui met bien plus l’accent sur la légèreté, la dimension anecdotique que l’auteur donne à son récit encadré. Par rapport aux deux autres propositions plus neutres, « conte » ou « histoire », le choix d’« historiette » permettrait de percevoir une certaine distance voire une ironie de l’auteur. En outre, il nous faut évoquer l’interjection du narrateur « mehercules », car elle est vectrice, elle aussi, de la dimension comique du passage. Nous avons choisi de la traduire de manière très personnelle par l’interjection « parbleu » afin de proposer une autre traduction qui pourrait avoir aussi un intérêt par sa dimension suggestive. En effet, selon nous, bien que la traduction littérale permette de faire sentir le texte latin sous la traduction et d’éviter tout anachronisme, choix que nous avons pu faire par ailleurs, il nous est apparu que l’exclamation « par Hercule » n’avait plus vraiment de sens pour un lecteur contemporain et qu’elle perdait ainsi de sa force, du relief qu’elle avait en latin. C’est pourquoi notre choix s’est porté sur des expressions beaucoup plus courantes en français, bien que vieillies, pour donner à ce juron un aspect plus cocasse. Parmi ces expressions, « parbleu » avait l’avantage de conserver la référence à un être surnaturel23, et même la préposition « par » présente dans la traduction littérale « par Hercule ».

8 Pour finir, disons quelques mots d’un exemple extrême aussi divertissant que révélateur. Il fait référence aux paroles de la matrone zoophile du livre X : « “Amoˮ et “Cupioˮ et “Te solum diligoˮ et “Sine te iam uiuere nequeoˮ […] “Teneo teˮ, inquit, “teneo, meum palumbulum, meum passerem […]ˮ » (X, 21-22). Les mœurs de la matrone sont châtiées par le rire. Apulée reprend en cela l’esprit de la comédie de Plaute qui, dès l’ouverture de sa pièce La Marmite, met en scène de manière burlesque l’avare Euclion : « Je crains bien qu’elle [la servante d’Euclion] ne me joue quelque mauvais tour au moment où je m’y attendrai le moins. Si elle flairait mon or, et découvrait la cachette ? c’est qu’elle a des yeux jusque derrière la tête, la coquine. Maintenant, je vais voir si mon or est bien comme je l’ai mis. Ah ! qu’il me cause d’inquiétudes et de peines. » (I, 1) La condamnation de son attitude s’opère en effet par sa ridiculisation. C’est ce même dispositif qui est adopté par Apulée. C’est pourquoi il est essentiel de restituer pleinement le comique dans la traduction : « “Je t’aimeˮ et “Je te désireˮ et “Tu es l’élu de mon cœurˮ et “Je ne peux plus vivre sans toiˮ[…] “Je te tiensˮ, dit-elle, “je te tiens, mon tourtereau, mon passereau […]ˮ ». Les termes « tourtereau » et « passereau » permettent d’évoquer la réalité du texte latin tout en reprenant le jeu humoristique sur les sonorités. La traduction bénéficie aussi de la connotation amoureuse associée au substantif « tourtereau ». Pour traduire « Te solum diligo » (littéralement « C’est toi seul que je choisis ») en « Tu es l’élu de mon cœur », nous avons pris quelques libertés avec le texte latin pour proposer une traduction plus audacieuse mais plus à même, selon nous, de restituer l’effet comique grâce à cette expression quasi figée. On le voit, si le traducteur est parfois amené à s’éloigner du texte, c’est toujours, semble-t-il, pour mieux y revenir. Ces va-et-vient incessants paraissent donc légitimes du moment que nous ne perdons pas de vue le sens du texte latin et que nous restons fidèles à son esprit.

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10 Par conséquent, traduire serait trouver un compromis entre diverses exigences et accepter de privilégier les unes ou les autres. C’est pourquoi toutes les traductions, bien que globalement similaires au niveau du contenu du texte, divergent. L’utilité de cet exercice provient de ces divergences. En nous confrontant à cette pluralité, nous pouvons nous donner une idée précise de ce qu’était le texte antique et des difficultés qu’il peut poser pour la mise en français. Finalement, loin de faire oublier le texte d’origine, le traducteur doit susciter le désir de s’y rapporter, et ce, que l’on soit spécialiste ou non, car il lève la « barrière de la langue » tout en ayant conscience des limites de sa traduction. De ce fait, si lire en langue originale est toujours préférable, les traductions ont leur intérêt propre en véhiculant des interprétations qui éclairent le texte ou du moins le présentent au lecteur sous des angles particuliers posant toujours question. Intérêt réflexif de la traduction donc, et « traîtrise » assumée par le traducteur scrupuleux. Le traducteur deviendrait en définitive un double de l’auteur dont la force est de re-créer le texte, d’assurer par là même sa transmission et sa postérité. C’est bien lui en effet, qui s’efforce de restituer par son travail, le souffle de la pensée, le style de l’auteur, et de donner à lire un texte qui continue à être pleinement vivant24.

Notes de bas de page numériques

1 Au sens large d’une langue qui n’est pas la sienne.

2 Nous en avons pour preuve concrète l’impossibilité de recourir aux traducteurs automatiques pour aboutir à une traduction qui fasse sens. En repassant sans cesse par la langue anglaise et en tombant dans les pièges de la fausse synonymie et de la polysémie, Google traduction produit un texte tout aussi infidèle au texte source qu’il est incompréhensible dans la langue cible. Reverso dans le mode « contexte » est un outil plus fiable, mais dans tous les cas, une bonne connaissance préalable des deux langues est indispensable pour utiliser ces outils de manière critique. Pour la traduction littéraire, on se référera plutôt à des dictionnaires unilingues ainsi qu’à des dictionnaires des synonymes dans chacune des deux langues. Barbara Cassin s’est interrogée sur ce problème (Éloge de la traduction. Compliquer l’universel, Paris, Fayard, 2016). Selon elle, la traduction automatique « fait advenir un monde où la qualité est, et n’est que, une propriété émergente de la quantité. » (p. 72).

3 Le statut du latin a beaucoup évolué. Sur ce sujet, nous renvoyons à l’ouvrage codirigé par Stéphanie Le Briz et Géraldine Veysseyre, Approches du bilinguisme latin-français au Moyen Âge : linguistique, codicologie, esthétique, Turnhout, Brepols, 2010, dont nous citons ici un extrait de l’introduction (p. 18) : « Au Moyen Âge, les grandes villes universitaires (Paris, Montpellier, Orléans...) concentraient beaucoup de latinistes. Reste que les clercs comme les praticiens du droit – qui étaient certes des latinistes de niveau plus disparate que les théologiens – étaient passablement éparpillés. La carte de la diglossie français-latin au Moyen Âge ne se laisse donc pas dessiner aisément. » Sur l’usage du latin à l’époque classique, nous proposons également comme lecture, l’ouvrage collectif dirigé par Emmanuel Bury, « Tous vos gens a latin » : le latin langue savante, langue mondaine (XIVe-XVIIe siècle), Genève, Droz, 2005. Emmanuel Bury se donne pour objectif de faire le point sur les rapports entre le latin, considéré comme « la langue savante par excellence » (p. 19), et les « savoirs » qu’il a pris en charge, et il souligne le rôle essentiellement fondateur du latin pour notre culture et son influence persistante : « Notre conception de la culture... bâtie sur la mémoire et sur l’écrit, mais toujours prêtes aux nouvelles aventures de l’esprit, ne serait sans doute pas ce qu’elle est sans l’identité latine qui la fonde. » (p. 21).

4 Avant même de parler de traduction du corps du texte, le titre lui-même est un parti-pris de lecteur puis de traducteur. Géraldine Puccini le rappelle dans sa préface précédant sa traduction de l’œuvre : « les Métamorphoses (ou L’Âne d’or, si l’on accepte le titre que donne Augustin, mais qui n’est pas celui des manuscrits) » (p. 13). Dans sa préface à la traduction de Pierre Grimal, Jean-Louis Bory évoque également dans un sourire cette question du titre : « Dans Asinus aureus, l’épithète aureus, si l’on en croit les grammairiens (je les crois), s’applique à l’Âne en tant qu’ouvrage d’Apulée, non en tant qu’animal. C’est une épithète pour catalogue de libraires ; cela signifie que cet âne-là est “extraˮ, qu’Apulée y parle d’or. Et c’est sous ce titre publicitaire, ou avec ce sous-titre : L’Âne d’or, que Les Métamorphoses d’Apulée ont traversé le Moyen Âge et la Renaissance pour arriver jusqu’à nous. » (pp. 7-8)

5 On ne choisira pas cette possibilité de traduction pour éviter une répétition absente du texte latin.

6 Apulée, L’Âne d’or (Les Métamorphoses), traduit du latin, présenté et annoté par Géraldine Puccini, Paris, Arléa, 2021, p. 104. Nous avons choisi sa traduction car elle fait autorité. En effet, c’est cette traduction de l’œuvre d’Apulée qui est cette année au programme de l’Agrégation de Lettres modernes pour la littérature comparée. De plus, l’éditeur parle à son sujet de « traduction nouvelle, à la fois littérale et littéraire. » (quatrième de couverture) C’est ce qui a particulièrement suscité notre intérêt.

7 Apulée, L’Âne d’or ou Les Métamorphoses, préface de Jean-Louis Bory, traduction du latin et notes de Pierre Grimal, Paris, Gallimard, 1975, p. 109. Nous travaillons sur la traduction de Pierre Grimal car ses travaux font indéniablement autorité dans le domaine des lettres latines, comme le rappelle Roger Lambrechts dans le Bulletin de la Classe des lettres et des sciences morales et politiques, tome 9, n° 7-12, 1998 : « Pierre Grimal fait donc connaître, par édition, traduction, commentaire, les plus grands textes de la littérature latine. Outre Frontin, il donne encore à la prestigieuse collection “Budéˮ le Contre Pison, le Pour Plancius, le Pour Scaurus de Cicéron, ainsi que des Études de chronologie cicéronienne et un commentaire de Sénèque, De la constance du sage. Pour la Bibliothèque de la Pléiade, il traduit et annote les Romans grecs et latins, il y publie les Œuvres complètes de Plaute et de Térence, puis encore celles de Tacite. » (pp. 487-488).

8 Il s’agit du principal récit enchâssé dans le récit-cadre des aventures de Lucius, un principe qui, nous le savons, a connu une postérité très grande, bien plus encore que l’œuvre elle-même.

9 Le relatif de liaison se présente sous la forme d’un pronom relatif de type qui, quae, quod placé en tête de phrase, reprenant un nom de la phrase précédente et doté d’une valeur de conjonction de coordination ; on le traduit généralement par une conjonction de coordination – souvent et, la plus neutre – suivie d’un démonstratif, déterminant (alors suivi lui-même du nom repris) ou pronom.

10 Apulée, L’Âne d’or ou Les Métamorphoses, trad. Pierre Grimal, op. cit., p. 182.

11 Le choix du présent permet d’éviter la concordance des temps au subjonctif imparfait (l’inacceptable « torturassent ») attendue après un verbe au passé simple dans la principale (« remit »).

12 Apulée, L’Âne d’or (Les Métamorphoses), trad. Géraldine Puccini, op. cit., p. 175.

13 Suggestions de Madame Stéphanie Le Briz, restituant mieux, selon nous, la fluidité et l’efficacité de cette tournure latine.

14 Le choix du verbe « tarder », contextuellement « tarde » pour traduire « differt » est intéressant car il permet de conserver la concision du texte latin.

15 Apulée, L’Âne d’or ou Les Métamorphoses, trad. Pierre Grimal, op. cit., p. 166.

16 Apulée, L’Âne d’or ou Les Métamorphoses, texte intégral, traduction de Victor Bétolaud, Clermont-Ferrand, Paléo, 2007 [1re éd. 1862].

17 Il ne s’agit pas ici de négliger la grande profondeur des textes antiques et notamment des Métamorphoses, mais de souligner que l’auteur antique comme l’auteur moderne, en règle générale, fait en sorte que son lecteur puisse appréhender assez aisément le texte à un premier niveau de lecture, ce qui n’empêche en rien la complexité et la stratification des différents niveaux de signification, plus ou moins métaphoriques ou allégoriques.

18 Le pronom personnel sujet « elles » renvoie aux servantes de Vénus nommées par cette dernière dans la phrase précédente (VI, 9).

19 On aurait pu aussi expliciter ce pronom par le groupe nominal « la déesse » ne pouvant renvoyer ici qu’à Vénus.

20 De même, Psyché aurait pu être désignée par le groupe nominal « la jeune femme ».

21 Apulée, L’Âne d’or (Les Métamorphoses), trad. Géraldine Puccini, op. cit., p. 186.

22 Apulée, L’Âne d’or ou Les Métamorphoses, trad. Pierre Grimal, op. cit., p. 195.

23 Ce choix de traduction soulève aussi une interrogation quant à la possible valeur d’atténuation portée par le datif éthique me dans l’interjection mehercules, atténuation comparable à celle que permet la déformation dieu > bleu (suggestion de Mme Le Briz). C’est une interrogation sur laquelle la critique ne semble pas avoir tranché. Nous renverrons le lecteur à l’ouvrage suivant : Michèle Fruyt et Christian Nicolas (éd.), La Création lexicale en latin [Actes de la table ronde du IXe Colloque international de Linguistique latine, Madrid 16 avril 1997], Paris, PUPS, 2000. Dans le chapitre « Éléments “asyntaxiquesˮ ou hors structure dans l’énoncé latin », l’expression mehercules y est seulement évoquée comme une interjection permettant de renforcer le propos ou comme une « formule de serment par référence aux dieux » (p. 269). Toutefois, dans un autre chapitre du même ouvrage, « Bilinguisme gréco-latin et créations éphémères de discours », il est aussi question de l’interjection mehercules considérée comme une version plus développée de « l’obscur hapax pétronien matavitatau » qui, selon L. Deroy qui y a consacré un article, « Matavitatau, un juron grec chez Pétrone », doit être lu « avec le vocalisme du grec moderne », ce qui donne une « abréviation de la formule de serment utilisée en fonction d’exclamation et sans doute de juron “par la fortune d’Héraclèsˮ » (p. 101). Il est donc possible de voir dans le rapprochement de ces deux manières de jurer une forme d’atténuation du juron. Même si le juron de Pétrone est destiné à faire rire, il détourne par l’utilisation du Grec d’une part et par l’abréviation d’autre part, une offense directe qui pourrait sinon être faite au dieu. Ce rapprochement montre du moins tout l’intérêt qu’il y aurait à considérer mehercules sous ce prisme de l’atténuation ici entraînée par le datif éthique me comme suggéré. Toutefois, nous n’avons pas trouvé d’étude plus poussée sur la question, ce que nous regrettons.

24 Barbara Cassin, dans Éloge de la traduction. Compliquer l’universel, fait de l’ouverture et de la pluralité, les caractéristiques fondamentales de toute entreprise de traduction : « Le chantier est ouvert et j’aime à penser que la traduction peut servir de modèle de savoir-faire avec les différences. » (pp. 202-203) Elle évoque également un ouvrage dont elle a été la maîtresse d’œuvre, un ouvrage pratique, véritable offensive contre ce qu’elle appelle le « globish », volonté de réduction des différences au profit de l’universalisme : « Le Dictionnaire des intraduisibles ne fournit pas la bonne traduction de quelque intraduisible que ce soit, il explicite les discordances, il met en présence et en réflexion, il est pluraliste et comparatif en un geste sans clôture, beaucoup plus borgésien ou oulipien que destinal et heideggérien. » (p. 54).

Bibliographie

Texte

APULÉE, Asinus aureus (L’Âne d’or), texte latin disponible sur Itinera Electronica – Bibliotheca Classica Selecta, les dernières mises à jour sur le texte datent du 22 mars 2002, URL : http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/intro.htm#apu ; consulté pour la dernière fois le 10 novembre 2021

APULÉE, L’Âne d’or (Les Métamorphoses), traduit du latin, présenté et annoté par Géraldine PUCCINI, Paris, Arléa, 2021

APULÉE, L’Âne d’or ou Les Métamorphoses, traduction du latin et notes de Pierre GRIMAL, préface de Jean-Louis Bory, Paris, Gallimard, 1975

APULÉE, L’Âne d’or ou Les Métamorphoses, texte intégral, traduction de Victor BÉTOLAUD, Clermont-Ferrand, Paléo, 2007 [1re éd. Paris, Garnier, 1862]

Essais et études

BERMAN Antoine, L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans l’Allemagne romantique. Herder, Goethe, Schlegel, Novalis, Humboldt, Schleiermacher, Hölderlin, Paris, Gallimard, 1995, « TEL »

BURY Emmanuel, « Tous vos gens a latin » : le latin langue savante, langue mondaine (XIVe-XVIIe siècle), Genève, Droz, 2005

CASSIN Barbara, Éloge de la traduction. Compliquer l’universel, Paris, Fayard, 2016

FRUYT Michèle et NICOLAS Christian (éd.), La Création lexicale en latin [Actes de la table ronde du IXe Colloque international de Linguistique latine, Madrid, 16 avril 1997], Paris, PUPS, 2000

LE BRIZ Stéphanie et VEYSSEYRE Géraldine (dir.), Approches du bilinguisme latin-français au Moyen Âge : linguistique, codicologie, esthétique, Turnhout, Brepols, 2010

Pour citer cet article

Magali Munter, « Traduire une œuvre latine : le complexe du « traduttore, traditore » », paru dans Loxias, 73., mis en ligne le 28 mars 2022, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=9979.


Auteurs

Magali Munter

Magali Munter est actuellement étudiante en Master 2 de Lettres Modernes et Classiques à l’Université Côte d’Azur. Dans le cadre de son mémoire de recherche de Master 1 (2020-2021), elle a travaillé en Littérature générale et comparée sur le sujet de l’énigme du sens dans une étude croisée des Métamorphoses d’Apulée dans le texte latin et des Tiers et Quart Livres de François Rabelais.