Loxias | 70. Doctoriales XVII | I. Doctoriales XVII 

Nathalie Assan Libé  : 

Homère mendiant : la poésie épique en guenilles

Résumé

Le personnage d’Homère, tel qu’il a été reconstruit et élaboré par la doxographie postérieure, est présenté comme un mendiant. Cette contiguïté entre poésie épique et mendicité est révélatrice de la façon dont les Grecs de l’époque classique et hellénistique imaginaient les débuts de la poésie épique, soulignant la précarité d’une poésie anonyme et exclusivement orale. Mais nous voudrions montrer que cette proximité entre les figures du mendiant et de l’aède se retrouve déjà dans l’Odyssée, quand Ulysse, incognito, sous des hardes de mendiant, raconte ses prétendues aventures à Eumée (XIV, 192-359, 462-502), aux prétendants (XVII, 419-444) et à Pénélope (XIX, 165-303). Cet article a pour but d’étudier les parallèles lexicaux qui rapprochent ces deux figures et de comprendre pourquoi elles sont mises en parallèle.

Abstract

Homer’s character, as reconstructed and elaborated by the later doxography, is presented as a beggar. This contiguity between epic poetry and begging is indicative of how the Greeks of the classical and Hellenistic periods imagined the beginnings of epic poetry, underlining the precariousness of an anonymous and exclusively oral poetry. But we would like to show that this proximity between the figures of the beggar and the aedes is already found in the Odyssey, when Odysseus, incognito, under herds of beggars, tells his alleged adventures to Eumaeus (XIV, 192-359, 462-502), the suitors (XVII, 419-444) and Penelope (XIX, 165-303). The purpose of this article is to study the lexical parallels between these two figures and to understand why they are compared.

Index

Mots-clés : aède , épopée, Homère, mendiant

Plan

Texte intégral

1Le personnage d’Homère, tel qu’il a été reconstruit et élaboré par la doxographie postérieure et plus particulièrement dans la Vita Herodotea1, un biographie largement inventée datée entre 50 et 150 ap. J.-C., est présenté comme un mendiant. Pourquoi dépeindre le chantre de l’aristocratie guerrière archaïque sous les traits de l’indigence ? Il convient d’expliquer ce lien entre poésie épique et mendicité et ce qu’il signifie sur la place dévolue à la parole poétique dans la société grecque au cours du temps. Or, réunir le gueux et l’aède en une même figure n’est pas une nouveauté. Déjà dans l’Odyssée, Ulysse, revenu incognito à Ithaque, se fait passer pour un mendiant crétois et raconte2 le prétendu parcours qui l’a jeté sur les routes à Eumée (XIV, 192-359, 462-502), aux prétendants (XVII, 419-444) et à Pénélope (XIX, 165-303). La critique a considéré que ces mensonges constituaient des mini-épopées, qui, bien qu’elles soient privées de tout élément fabuleux, présentent une grande ressemblance avec le récit central des aventures d’Ulysse (IX, 1-XII, 453). C’est l’indigence qui justifie l’affabulation du mendiant : contrairement aux autres personnages, ce dernier a un cruel besoin que son récit émeuve son auditoire pour s’attirer aumônes et hospitalité. Il développe donc des péripéties rocambolesques, dépeint des situations propres à susciter la pitié et tente de charmer ses interlocuteurs. En cela, il rivalise avec l’aède, même s’il ne jouit pas de la même renommée sociale3. Il convient donc d’examiner les traits de ressemblances entre ces deux figures dans l’Odyssée et d’étudier ce que cette proximité révèle du statut de la poésie épique durant la période de fixation de l’épopée.

1. Homère mendiant dans la Vita Herodotea

2Parmi les douze vies d’Homère, ces biographies imaginées durant l’Antiquité du maître de la Grèce, nombreuses sont celles qui présentent l’auteur de l’Iliade et l’Odyssée comme un vagabond, un poète itinérant4. Mais une seule dépeint le grand poète sous les traits d’un mendiant : la Vita Herodotea, la plus ancienne, datée entre 50 et 150 ap. J.-C.5, élaborée à partir d’une source, comme on le suppose, du Ve s. av. J.-C. L’auteur de la Vita Herodotea raconte que, n’arrivant pas à vivre à Smyrne, Homère, de son vrai nom Mélésigénès, se rendit à Kymè, pour améliorer sa vie : Χρόνου δὲ προϊόντος, ἀπόρως κείμενος καὶ μόλις τὴν τροφὴν ἔχων ἐπενοήθη εἰς τὴν Κύμην ἀπικέσθαι, εἴ τι βέλτιον πρήξει, « Avec le temps, se trouvant dans la gêne, et ayant trop de mal à trouver sa subsistance, il eut l’idée de se rendre à Kymè, pour voir s’il pourrait y trouver un meilleur sort » (§9, l. 123-125)6. C’est donc l’indigence qui pousse Mélésigénès à voyager. Il s’arrête devant l’atelier d’un cordonnier dénommé Tuchios et, pour l’apitoyer, il met en valeur sa détresse matérielle en déclarant : αἰδεῖσθε ξενίων κεχρημένον ἠδὲ δόμοιο, « Ayez pitié d’un homme qui a besoin d’hospitalité, d’une demeure » (§9, l. 101). Le brave homme est ému par sa requête : ἠλέησε γὰρ αἰτέοντα τυφλόν, « Il prit en pitié un aveugle qui quémandait » (§9, l. 109). À son arrivée à Kymè, Mélésigénès s’installe dans la λέσχη, « parlotte », un préau réservé aux sans-abris dans l’Antiquité archaïque7 :

Κατίζων δὲ ἐν ταῖς λέσχαις τῶν γερόντων ἐν τῇ Κύμῃ ὁ Μελησιγένης τὰ ἔπεα τὰ πεποιημένα αὐτῷ ἐπεδείκνυτο, καὶ ἐν τοῖς λόγοις ἔτερπε τοὺς ἀκούοντας.

En prenant place dans les parlottes des vieillards à Kymè, Mélésigénès montra les poèmes qu’il avait faits, et il charma ses auditeurs dans ses discours (§11, l. 140-143).

3Le nom de ce lieu revient plusieurs fois, preuve de son importance dans la vie de ce poète mendiant (§9, 154-159). Quand Mélésigénès demande au Conseil des magistrats à être entretenu aux frais de la cité de Kymè, l’un d’eux s’oppose à sa requête en le rangeant dans la catégorie des ἀχρεῖοι, « bons à rien » :

[...] τῶν βουλευτέων ἕνα λέγεται ἐναντιωθῆναι τῇ χρήμῃ αὐτοῦ, ἄλλα τε πολλὰ λέγοντα καὶ ὡς εἰ τοὺς ὁμήρους δόξει τρέφειν αὐτοῖς ὅμιλον πολλόν τε καὶ ἀχρεῖον ἕξουσιν.

[…] on dit qu’un des bouleutes s’opposa à sa demande, sous prétexte notamment que s’ils décidaient d’entretenir les aveugles, ils recevraient une foule nombreuse de bons à rien (§12, l. 162-165).

4À la fin de la Vita Herodotea, il est appelé ἀνπηρος, « infirme » (§23, l. 323), un terme associé au champ lexical de la mendicité depuis Diogène le cynique8.

5Arrivé à Phocée, il rencontre un maître d’école peu scrupuleux, du nom de Thestoridès, qui lui propose le gîte et le couvert en échange du droit de retranscrire ses vers. Mélésigénès-Homère accepte et l’auteur de la vie explique pourquoi : ἐνδεὴς γὰρ ἦν τῶν ἀναγκαίων καὶ θεραπείης, « Car il manquait de moyens et de soins. » (§16, l. 202). C’est ainsi que Mélésigénès-Homère vit, ἀπὸ τῆς ποιήσιος τὴν βιοτὴν ἔχων, « tirant sa subsistance de la poésie » (§16, l. 218). Mais quand il comprend qu’il a été berné par Thestoridès, qui s’est arrogé la paternité de ses œuvres, il part sur un navire pour Chios et prononce un poème au ton vengeur qui se termine par la mention de Zeus hospitalier, le dieu protecteur des mendiants9 :

Φῶτά τε τισαίμην ὃς ἐμὸν νόον ἠπεροπεύσας
ὠδύσατο Ζῆνα ξένιον ξενίην τε τραπέζην.

Puissè-je faire payer l’homme qui, en enjôlant mon esprit,
A irrité Zeus Hospitalier et la table de l’hôte (§17, l. 241-242).

6Aux prises avec des marins qui initialement refusent de le prendre sur le pont, il mentionne de nouveau cette divinité tutélaire :

αἰδεῖσθε ξενίοιο Διὸς σέβας ὑψιμέδοντος·
δεινὴ γὰρ μέτὄπις ξενίου Διός, ὅς κἀλίτηται.

Révérez la majesté de Zeus Hospitalier qui règne sur les hauteurs ;
Car terrible est le regard de Zeus hospitalier contre celui qui s’en rend coupable (§19, l. 264-265).

7Arrivé à Chios, il rencontre un chevrier du nom de Glaucos qu’il apitoie en racontant sa vie : δὲ Ὅμηρος αὐτῷ πᾶσαν τὴν ἑωυτοῦ πάθην καταλεγόμενος εἰς οἶκτον προηγάγετο, « Homère, en racontant tout ce qui lui était arrivé, suscita la pitié » (§21, l. 297-298). Enfin, la dernière référence à la mendicité cette vie d’Homère est la mention d’un chant de quête sacrée, l’Eirésionè, une œuvre qu’il aurait composée pour les enfants de Samos quand ils faisaient la quête à l’occasion de la fête d’Apollon (§33, l. 462-482). Même s’il s’agit d’une quête cultuelle10, l’Eirésionè réunit les deux notions de mendicité et de poésie.

8Ce portrait d’un Homère mendiant est reprise ensuite par Pausanias, auteur du IIe s. ap. J.-C., qui, dans sa Périégèse, mentionne la mendicité d’Homère :

Καί μοι τὸ δαιμόνιον δεῖξαι μάλιστα ἐπὶ τούτου δοκεῖ καὶ Ὁμήρου πρότερον ὡς εἴη βάσκανον, εἰ δὴ Ὅμηρον μὲν προδιεφθαρμένον τοὺς ὀφθαλμοὺς ἐπὶ τοσούτῳ κακῷ κακὸν δεύτερον πενία πιέζουσα ἐπὶ πᾶσαν γῆν πτωχεύοντα ἦγε, [...].

Et il me semble surtout qu’il montre combien la divinité est jalouse contre ce dernier et, avant lui, contre Homère, s’il est vrai qu’Homère, ayant perdu la vue, outre ce si grand mal, fut conduit par une pauvreté accablante à mendier sur toute la terre [...] (II, 33, 3).

9Comme le notent de nombreux critiques, toutes les biographies antiques d’Homère, dépourvues de la moindre fiabilité historique, constituent plutôt une source d’information sur la réception de l’œuvre du grand poète au cours du temps11. Claude Calame remarque à ce titre que le nom d’auteur sert en Grèce ancienne à désigner le genre littéraire d’un texte12 : pour un Grec de l’Antiquité, à une époque où la classification générique de la littérature est encore à ses balbutiements et où les textes se définissent plus par leurs fonctions sociales que par leurs genres, la mention d’Homère sert de dénomination à toute la poésie épique. On peut même ajouter que les caractéristiques attribuées à un nom d’auteur correspondent à la définition que l’on souhaite donner au genre littéraire considéré. Concernant Homère, ce sont les homérides, une confrérie de rhapsodes se réclamant du grand poète, qui ont inventé les principaux traits de sa biographie pour définir leur art13. Pourquoi ont-ils représenté Mélésigénès-Homère sous les traits d’un mendiant ? Une première remarque consiste à noter que la Vita Herodotea forge la vie de son auteur en puisant largement dans les motifs et les personnages de l’Odyssée14. Il semble donc naturel que l’auteur de cette Vita ait attribué à Homère l’une des caractéristiques du héros de sa seconde épopée. Mais pourquoi la mendicité plutôt qu’un autre trait ? Pour Barbara Graziosi, la pauvreté de Mélésigénès-Homère serait une conséquence de sa cécité15. Mais il n’est pas satisfaisant d’expliquer la mendicité d’Homère par le simple souci de réalisme. Selon Gérard Lambin, l’un des principaux commentateurs des Vies d’Homère, cette importance de la pauvreté témoignerait d’un fort sentiment d’échec dû à l’exil chez les Ioniens, les principaux vecteurs de la poésie homérique16, une hypothèse intéressante mais qui postule sans preuve irréfutable l’origine ionienne de cette Vita Herodotea. Par ailleurs, selon une tradition herméneutique de l’Antiquité, relevée par Sophie Rabau17, attribuer tel ou tel trait à un auteur revient à émettre un jugement sur l’œuvre. Ainsi le pseudo-Longin, en affirmant qu’Homère avait écrit l’Odyssée dans sa vieillesse, voulait relever l’importance du passé et du souvenir dans cette épopée. Si cette hypothèse de lecture est satisfaisante, que signifie pour l’auteur de la Vita Herodotea représenter Homère sous les traits d’un mendiant ?

10Des études récentes ont montré qu’un trait commun à toutes les Vies d’Homère est de présenter son œuvre comme une performance et non comme un ouvrage écrit. Dans la Vita Herodotea, l’acte créateur d’Homère est désigné uniquement par le verbe ποιεῖν, « composer », jamais par γράφειν, « écrire » : à cette époque, la poésie d’Homère est donc perçue avant tout comme un spectacle en acte18, qui s’oppose au monde de l’écriture. Mélésigénès-Homère se fait voler ses compositions par un professeur de lettres nommé Thestoridès qui les retranscrit et prétend en être l’auteur. La Vita Herodotea oppose donc les γράμματα, « les écrits », de Thestoridès à l’ἐπός, « la poésie épique » de Mélésigénès-Homère19. On peut même aller plus loin en ajoutant que Thestoridès, qui symbolise la littérature déjà figée par l’écriture et l’enseignement, appartient à un monde du confort matériel, alors que Mélésigénès-Homère appartient à l’univers de l’oralité, symbolisé par sa précarité matérielle. Si l’on se réfère aux cinq étapes de la constitution du texte homérique définies par Gregory Nagy dans Homeric Questions20, on remarque que l’auteur de la Vita Herodotea écrit après la cinquième et dernière phase, c’est-à-dire celle de rigidité maximale du texte homérique21. Ainsi, dépeindre Mélésigénès-Homère sous les traits d’un mendiant aurait pour but de suggérer le caractère vulnérable, éphémère et transitoire de l’œuvre d’Homère à sa naissance. Cette précarité économique est d’ailleurs redoublée par d’autres formes d’exclusion : la solitude familiale, une origine périphérique en dehors de la cité et un exil volontaire22.

11Pourtant, comme nous l’avons mentionné en introduction, cette contiguïté entre les aèdes et les mendiants n’est pas une invention de la Vita Herodotea. On trouve déjà ces deux figures réunies dans l’Odyssée, ce qui n’est pas surprenant au vu des nombreuses références aux personnages et aux situations de l’épopée dans cette biographie.

2. Le mendiant et l’aède dans l’Odyssée

12Même si contrairement à Hésiode, il ne fait jamais de référence autobiographique dans son œuvre, l’auteur de l’Odyssée renvoie à sa propre activité poétique à travers les personnages de trois aèdes, Phémios à la cour d’Ithaque (I, 325-360 ; XXII, 330-356), Démodocos dans le palais des Phéaciens (VIII, 476-522) et un aède anonyme auquel Agamemnon avait confié la vertu de sa femme Clytemnestre avant son départ pour Troie (III, 267-268). D’autres personnages racontent aussi des exploits passés, à la manière des aèdes : Hélène (IV, 235-264), Ménélas (IV, 267-291, 351-586) et Ulysse, mis en parallèle avec l’aède Démodocos aux chants VIII à XII de l’Odyssée : le fils de Laërte arrive à la cour d’Alcinoos, entend l’aède Démodocos raconter la dispute d’Ulysse et Achille (VIII, 75-82), les amours d’Arès et d’Aphrodite (VIII, 266-366) et l’épisode du cheval de Troie (VIII, 499-520). Après la première et la troisième performance, il se met à verser des larmes (VIII, 85-86 ; 521-522). Alcinoos, interloqué de voir son hôte si affecté, lui demande de décliner son identité et de raconter ses aventures. Ulysse se met alors à conter son nostos, l’une des premières analepses de la littérature occidentale. Démodocos et Ulysse constituent donc deux figures miroirs, qui, selon Gregory Nagy, sont en opposition23. On note une nette rupture dans le déroulement de la soirée entre le chant de l’aède et le récit d’Ulysse, marquée notamment par l’expression τὼ νῦν, « donc à présent » (VIII, 548) prononcée par Alcinoos entre le récit de Démodocos et celui d’Ulysse. Le critère de différenciation entre le chant de l’aède et le récit d’Ulysse n’est pas le caractère fictionnel ou réel des faits évoqués, puisque dans l’Odyssée, les deux personnages racontent des faits tenus pour vrais. Ce n’est pas non plus le caractère autoptique ou non des faits rapportés, puisqu’Ulysse demande à Démodocos de raconter l’épisode du cheval de Troie, en ces termes : ὥς τέ που αὐτὸς παρεὼς ἄλλου ἀκούσας, « que tu y aies assisté ou que tu l’aies entendu d’un autre » (VIII, 491), preuve qu’un témoignage de première main a moins d’importance aux yeux du héros que le κλέος, « la renommée » de l’exploit en tant que tel24.

13L’opposition entre les deux conteurs se remarque notamment à travers les verbes employés pour désigner chacune des deux manières de raconter. Pour décrire l’activité de Démodocos, Homère emploie le verbe ᾄδειν, « chanter » (VIII, 266, 367, 489, 492)25, ou l’expression ὑφαίνειν […] ἀοιδήν, « tisser […] un chant » (VIII, 499). Pour Ulysse, les verbes employés sont φάσθαι, « parler » (VIII, 549), λέγειν, « dire » (VIII, 550, 555, 572, 573, 577), καταλέγειν, « raconter par le menu » (VIII, 572), μυθολογεύειν, « raconter » (XII, 450, 453), μυθεῖσθαι, « conter » (XII, 451). Ces deux groupes de verbes montrent que l’opposition des deux récits est avant tout formelle : l’aède élabore une poésie chantée, alors qu’Ulysse développe un récit en prose.

14Une autre différence résulte du fait qu’Ulysse n’aime pas répéter des histoires déjà connues, contrairement à l’aède qui développe à loisir des scènes typiques et des épisodes passés à la postérité, contés déjà de nombreuses fois :

[...] ἐχθρὸν δέ μοί ἐστιν
αὖτις ἀριζήλως εἰρημένα μυθολογεύειν.

[...] Il m’est odieux
De narrer de nouveau des faits qui ont été racontés précisément (XII, 452-453)26.

15Néanmoins, l’opposition entre Ulysse et l’aède, si marquée dans les chants VIII à XII, s’efface progressivement à partir du chant XIII. En effet, Ulysse, de ξένος, « hôte », naufragé, qu’il était chez les Phéaciens, devient à Ithaque un πτωχός, « mendiant », ou en tout cas, se fait passer pour tel. Plusieurs éléments rapprochent alors la figure du trimardeur de celui de l’aède.

16Tout d’abord, mendiant et aède doivent charmer un auditoire, l’un par ses mensonges, l’autre par ses fictions, s’ils veulent, à la fin de leur performance, recevoir une récompense. Ainsi, dans le palais d’Alcinoos, Démodocos participe au festin et reçoit des mains d’Ulysse une part de viande (VIII, 483) pour prix d’avoir si bien chanté les amours d’Arès et d’Aphrodite (VIII, 266-366). De même, aux dires d’Eumée, les mendiants courent aux palais d’Ithaque colporter de fausses nouvelles sur Ulysse et raconter des sornettes pour s’attirer les bonnes grâces de Pénélope qui leur offre le gîte et le couvert :

ὦ γέρον, οὔ τις κεῖνον ἀνὴρ ἀλαλήμενος ἐλθὼν
ἀγγέλλων πείσειε γυναῖκά τε καὶ φίλον υἱόν,
ἀλλἄλλως, κομιδῆς κεχρημένοι, ἄνδρες ἀλῆται
ψεύδοντοὐδἐθέλουσιν ἀληθέα μυθήσασθαι.
ὃς δέ κἀλητεύων Ἰθάκης ἐς δῆμον ἵκηται,
ἐλθὼν ἐς δέσποιναν ἐμὴν ἀπατήλια βάζει·

Vieillard, aucun homme de retour de ses errances,
S’il nous annonçait sa venue, ne persuaderait ni sa femme ni son fils.
Bien au contraire, parce qu’ils sont dans le besoin, les vagabonds
Mentent, et ne consentent même pas à raconter la vérité.
Celui qui arrive de ses errances au bourg d’Ithaque,
Se précipite chez ma maîtresse pour lui conter des balivernes (XIV, 122-125).

17Selon lui, les mendiants, κομιδῆς κεχρήμενοι, « parce qu’ils sont dans le besoin » (XIV, 124), οὐδἐθέλουσιν ἀληθέα μυθήσασθαι, « ne consentent même pas à raconter la vérité » (XIV, 125) et forgent des histoires rocambolesques. Eumée lui-même se déclare ἄπιστος, « incrédule », à l’égard des contes de mendiants (XIV, 150, 391). Homère insiste sur le caractère mensonger des histoires qu’Ulysse raconte dès son retour dans sa patrie : quand le héros rencontre Athéna sur la plage d’Ithaque, Homère précise : οὐδ’ ὅ γ’ ἀληθέα εἶπε, « il ne dit pas la vérité » (XIII, 253). Quand le mendiant crétois conte à Pénélope dans quelles circonstances il a croisé son mari, Homère déclare : ἴσκε ψεύδεα πολλὰ λέγων ἐτύμοισιν ὁμοῖα, « En parlant, il rendait ses nombreux mensonges semblables à la vérité » (XIX, 203-204). De fait, les récits d’Ulysse mendiant, comme l’ont très bien montré les recherches précédentes27, entretiennent avec les véritables aventures d’Ulysse des liens de similitudes qui les rapprochent du mentir-vrai. Or, l’affinité entre poésie et mensonges est traditionnellement reconnue en Grèce à la fin de l’époque archaïque, par Solon notamment, auquel on attribue la formule : πολλὰ ψεύδονται ἀοιδοί, « les aèdes disent bien des mensonges » (fr. 29 West).

18Ensuite, le mendiant et l’aède se rapprochent par l’émotion intense qu’ils suscitent chez leur auditoire par leurs propos : l’enchantement, la douleur ou le plaisir. Déjà à la fin de son long récit chez les Phéaciens, Ulysse laisse son auditoire dans un état proche de l’enchantement :

ὣς ἔφαθ’, οἱ δ’ ἄρα πάντες ἀκὴν ἐγένοντο σιωπῇ,
κηληθμῷ δἔσχοντο κατὰ μέγαρα σκιόεντα.

Ainsi parla-t-il. Tous se taisaient, en silence.
Ils étaient pris sous le charme, dans la grande salle gagnée par l’ombre (ΧΙ, 333-334 ; XIII, 1-2).

19Le terme κηληθμός désigne un « enchantement » causé par un récit. C’est le déverbatif de κηλεῖν, « charmer par un son ou des paroles », qui s’oppose à θέλγειν, initialement « charmer par la vue28 ». On relève deux occurrences de κηληθμός chez Homère, à propos du récit d’Ulysse chez les Phéaciens (XI, 334 et XIII, 2), une occurrence dans les Incantamenta hexametrica, un péan à fonction magico-religieuse, composé vraisemblablement au Ve s. av. J.-C. à Sélinonte (II, 24), puis dans Les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes (I, 515). Le verbe κηλεῖν, absent de chez Homère, apparaît une fois chez Pindare (Dithyrambe 70b, 22) à propos de Bromios, « le bruyant », épiclèse qualifiant Dionysos, dans un contexte bachique, et trois fois chez Euripide, toujours dans un contexte poétique (Antiope fr. 48 Page, 93), notamment pour faire référence au chant ensorcelant d’Orphée (Alceste, 359 ; Iphigénie à Aulis, 1213). On peut donc supposer, sans certitude néanmoins, que κηληθμός présente déjà dans l’Odyssée une connotation poétique, ce qui rapprocherait les paroles enchanteresses d’Ulysse de celles d’un poète. La dimension magico-poétique des récits d’Ulysse se confirme quand ce dernier est déguisé en mendiant : le pauvre hère θέλγει, « ensorcèle » (XIV, 387 ; XVII, 514, 522 ; XVIII, 282), ses interlocuteurs, un verbe employé pour le charme poétique, notamment à propos du chant des sirènes29. En outre, Pénélope emploie, pour désigner les poèmes de l’aède Phémios, le mot θελκτήρια, « poèmes enchanteurs », déverbatif de θέλγειν (I, 338), équivalent du mot latin carmina, « charmes », « incantations ». Cette capacité à charmer un auditoire pousse même Eumée à comparer explicitement le mendiant crétois à un aède :

εἰ γάρ τοι, βασίλεια, σιωπήσειαν Ἀχαιοί·
οἷ γε μυθεῖται, θέλγοιτό κέ τοι φίλον ἦτορ.
τρεῖς γὰρ δή μιν νύκτας ἔχον, τρία δἤματἔρυξα
ἐν κλισίῃ· πρῶτον γὰρ ἔμἵκετο νηὸς ἀποδράς·
ἀλλοὔ πω κακότητα διήνυσεν ἣν ἀγορεύων.
ὡς δὅτἀοιδὸν ἀνὴρ ποτιδέρκεται, ὅς τε θεῶν ἒξ
ἀείδῃ δεδαὼς ἔπεἱμερόεντα βροτοῖσι,
τοῦ δἄμοτον μεμάασιν ἀκουέμεν, ὁππότἀείδῃ·
ὣς ἐμὲ κεῖνος ἔθελγε παρήμενος ἐν μεγάροισι.

De fait, si les Achéens se taisaient, ma reine,
Ce que lui du moins raconte te charmerait le cœur.
Car je l’ai eu trois nuits et je l’ai reçu trois jours
Dans ma cabane. C’est chez moi en premier qu’il arriva après sa fuite d’un navire.
Mais il n’a pas encore achevé le récit de ses malheurs.
Comme lorsqu’on contemple un aède, qui, instruit par les dieux,
Chante des épopées qui plaisent aux mortels,
Et qu’on désire l’entendre sans cesse, quand il chante,
De même cet homme me charmait, quand il était chez moi (XVII, 513-521).

20Le deuxième type de réaction que suscitent l’aède et le mendiant est le chagrin, voire les pleurs. À la fin des deux récits iliadiques de Démodocos, à savoir la querelle d’Ulysse et d’Achille (VIII, 75-82) et l’épisode du cheval de Troie (VIII, 499-520), Ulysse a le plus grand mal à cacher ses larmes (VIII, 86, 521-522). De même, après avoir entendu les mensonges du mendiant crétois, Pénélope perd contenance et se met à sangloter :

ἴσκε ψεύδεα πολλὰ λέγων ἐτύμοισιν ὁμοῖα
τῆς δ’ ἄρ’ ἀκουούσης ῥέε δάκρυα, τήκετο δὲ χρώς·

En parlant, il rendait ses nombreux mensonges semblables à la vérité ;
Celle qui l’écoutait versait des larmes, et son teint se dissipait (XIX, 203-204).

21Outre le fait de rapprocher Démodocos et le mendiant crétois par la puissance émotionnelle de leurs histoires, ces deux passages parallèles unissent le mari et la femme dans une communauté de sentiments. Même si elle est plus pudique, la réaction d’Eumée est tout aussi intense à l’écoute des mensonges du mendiant crétois : en effet, après avoir entendu le récit rocambolesque de sa vie, le vieux porcher rétorque pour toute réponse : [...] μοι μάλα θυμὸν ὄρινας, « tu m’as bouleversé le cœur » (XIV, 362).

22C’est aussi le propre de l’aède de τέρπειν, « réjouir », l’auditoire (Phémios, I, 346 ; Démodocos VIII, 91, 367). Or, c’est le même verbe qui est employé pour décrire le plaisir que ressent Pénélope à écouter le mendiant crétois (XIX, 590).

23Le parallèle entre l’aède et Ulysse mendiant devient beaucoup plus explicite au moment même où ce dernier, encore déguisé en mendiant, s’apprête à massacrer les prétendants. Homère compare le mendiant bandant son arc à un aède essayant une cithare :

ὡς ὅτ’ ἀνὴρ φόρμιγγος ἐπιστάμενος καὶ ἀοιδῆς
ῥηϊδίως ἐτάνυσσε νέῳ περὶ κόλλοπι χορδήν,
ἅψας ἀμφοτέρωθεν ἐϋστρεφὲς ἔντερον οἰός,
ὣς ἄρ’ ἄτερ σπουδῆς τάνυσεν μέγα τόξον Ὀδυσσεύς.
δεξιτερῇ δἄρα χειρὶ λαβὼν πειρήσατο νευρῆς·
δὑπὸ καλὸν ἄεισε, χελιδόνι εἰκέλη αὐδήν.

De même qu’un homme qui s’y connaît en cithare et en chant
A tendu facilement la corde autour de la nouvelle clef,
Après avoir fixé des deux côtés le boyau bien tendu de brebis,
De même alors sans se presser, Ulysse tendit le grand arc.
Et de la main droite, il éprouva la corde :
Celle-ci laissa entendre un beau son, semblable au cri d’une hirondelle (XXI, 406-411).

24Homère développe ici une triple comparaison entre l’archer et l’aède, l’arc et la lyre, le son de l’arc et le cri de l’hirondelle. À ce moment de la vengeance, Ulysse est toujours vêtu de haillons, car il ne jette ses guenilles et ne révèle sa véritable identité que vingt-huit vers plus loin (XXII, 1). À travers cette comparaison, le mendiant archer se fait aède en haillons.

25Enfin, le mendiant crétois se rapproche de l’aède aussi par certains substantifs et verbes qui désignent ses récits ou son acte d’affabulation. Parmi les nombreux verbes employés pour décrire l’acte d’énonciation du mendiant30, trois mots peuvent faire référence à l’activité de l’aède. Le premier est ἔπος, « parole », employé au début et à la fin du second mensonge adressé à Eumée (XIV, 462-502), pour désigner le récit du mendiant. Ulysse introduit son récit par εὐξάμενός τι ἔπος ἐρέω, « après une prière, je dirai un mot » (XIV, 463). Après son récit, Eumée déclare :

ὦ γέρον, αἶνος μέν τοι ἀμύμων, ὃν κατέλεξας,
οὐδέ τί πω παρὰ μοῖραν ἔπος νηκερδὲς ἔειπες.

Vieillard, c’est un conte excellent que tu as raconté par le menu,
Pas une fausse note, pas un mot sans intérêt (XIV, 508-509).

26Le même mot est employé par Pénélope et par le bouvier Philœtios pour désigner le discours du mendiant crétois (XIX, 309 ; XX, 236). Or, ἔπος est aussi employé dans l’Odyssée pour désigner la poésie épique, notamment au pluriel (VIII, 91, XVII, 519)31. Le second terme est αἶνος, « conte », « fable », utilisé par Eumée dans le passage ci-dessus (XIV, 508), et par lequel Hésiode, dans Les Travaux et les Jours (202), désigne un passage de sa poésie, une fable à double entente32.

27Le troisième mot qui rapproche l’activité de l’aède des mensonges de mendiant est le verbe κλείειν, « célébrer », qui apparaît dans le mensonge prononcé devant les prétendants (XVII, 419-444). Avant de raconter sa vie d’aristocrate déchu, vendu en esclavage, Ulysse demande à Antinoos de lui donner l’aumône. S’il reçoit de lui de quoi manger, il lui promet : [...] ἐγὼ δέ κέ σε κλείω κατ’ ἀπείρονα γαῖαν, « [...] j’irai te célébrer sur la terre sans limite » (XVII, 418). Or ce verbe se retrouve dans l’Odyssée pour désigner l’activité des aèdes, notamment lorsque Pénélope demande à Phémios de changer de chant :

Φήμιε, πολλὰ γὰρ ἄλλα βροτῶν θελκτήρια οἶδας,
ἔργ’ ἀνδρῶν τε θεῶν τε, τά τε κλείουσιν ἀοιδοί·

Phémios, de fait tu connais bien d’autres poèmes enchanteurs de mortels
Bien d’autres exploits d’hommes et de dieux, que célèbrent les aèdes (I, 337-338).

28Télémaque emploie quelques vers après le même verbe, mais cette fois-ci préfixé, ἐπικλείειν, « glorifier » (I, 351), toujours dans le contexte aédique, à propos de Phémios. De même, Hésiode, dans le vers liminaire des Travaux et les Jours, emploie κλείειν, « célébrer », dans le contexte poétique de l’invocation aux Muses33. En outre, κλείειν, « célébrer », est un dénominatif ou une dérivation inverse34 de κλέος, « la renommée », que les aèdes chantent dans leurs œuvres (Iliade, II, 486 ; IX, 189 ; Odyssée, I, 344 ; II, 217 ; III, 204 ; VIII, 73). Or, ce substantif est aussi employé par Pénélope pour désigner le renom que l’on gagne à bien traiter les vagabonds et les hôtes de passage (XIX, 333), mettant ainsi implicitement sur le même plan le κλέος, la « renommée », des héros que chantent les aèdes, et la bonne réputation de générosité que colportent les mendiants sur ceux qui les reçoivent.

29Au vu de ce vocabulaire commun et de ces deux comparaisons explicites, on constate que l’aède et le mendiant sont deux figures voisines à la fin de l’Odyssée. Pourtant, alors que le premier est révéré, le second est déconsidéré. Ainsi, Eumée constate :

Ἀντίνο’, οὐ μὲν καλὰ καὶ ἐσθλὸς ἐὼν ἀγορεύεις·
τίς γὰρ δὴ ξεῖνον καλεῖ ἄλλοθεν αὐτὸς ἐπελθὼν
ἄλλον γ’, εἰ μὴ τῶν, οἳ δημιοεργοὶ ἔασι ;
μάντιν ἰητῆρα κακῶν τέκτονα δούρων,
καὶ θέσπιν ἀοιδόν, κεν τέρπῃσιν ἀείδων.
οὗτοι γὰρ κλητοί γε βροτῶν ἐπἀπείρονα γαῖαν·
πτωχὸν δοὐκ ἄν τις καλέοι τρύξοντα αὐτόν.

Antinoos, pour un noble, ce que tu dis n’est pas beau :
Car qui va lui-même appeler un autre hôte de l’étranger,
S’il n’est de ceux qui remplissent des tâches d’intérêt public ?
Devin, médecin des infections ou assembleurs de charpentes
Ou vénérable aède qui charme par ses chants ? 
Car ces derniers sont parmi les mortels appelés sur la terre sans limite
Mais un mendiant prêt à vous dévorer vous-mêmes, qui irait l’appeler ? (XVII, 381-387).

30D’un point de vue sociologique, la remarque d’Eumée montre que malgré leur statut commun d’itinérants35, l’aède et le mendiant diffèrent par l’accueil qui leur est réservé. Alors que l’aède fait partie des δημιοεργο, « les travailleurs d’intérêt public », recherchés à l’étranger, le mendiant, lui, accusé d’être un poids pour celui qui l’accueille, est chassé des cités. Si le mendiant usurpe l’identité de l’aède, c’est donc peut-être pour être mieux accepté.

Conclusion et tentatives d’explication

31Mendiants et aèdes apparaissent comme deux figures voisines et concurrentes. Les redondances36 et les contradictions37 présentes dans les récits de mendiants font dire à plusieurs critiques38 que les sornettes du clochard font office de contrepoint pour mettre en valeur l’excellence de la fiction de l’aède, illustrée par sa cohérence et ses références internes. La plupart des commentateurs ont considéré que le mendiant crétois symbolise la décadence d’une poésie épique qui, à l’époque héroïque, était portée par de superbes aèdes39. Selon nous, cette question de la connivence entre aède et mendiant s’inscrit dans un débat plus large sur la date de transcription de la poésie homérique40. En faisant l’analogie entre le monde des aèdes et celui des bardes yougoslaves, Milman Parry et son élève Albert Lord notent que dans les sociétés où la poésie est orale, les statuts de poètes et de mendiants sont très proches sociologiquement41, mais qu’une fois fixée par écrit, la poésie est immédiatement circonscrite à une classe sociale supérieure de professionnels42. Si l’on considère par analogie la poésie homérique, on peut suggérer qu’à travers les figures contrastées de l’aède de cour et du poète-mendiant, l’arrangeur, celui qui a compilé et agencé les différents épisodes de la geste odysséenne, a voulu réaffirmer l’opposition entre une poésie populaire, à la structure simple et linéaire, et une poésie de spécialistes, sophistiquée, apparue après la fixation par écrit de l’épopée. L’arrangeur montre que les aèdes flamboyants comme Phémios ou Démodocos ont supplanté la figure du héros contant directement ses aventures. Désormais, la parole de ce héros est remise en cause et corrodée par le soupçon d’une arrière-pensée. En effet, avec le mendiant, le récit n’a pas seulement pour fonction de relater des faits vécus mais d’agir sur la situation en éprouvant Eumée, Pénélope ou les prétendants. Dans la Vita Herodotea, la proximité de l’aède et du mendiant répond à une problématique différente, selon un point de vue nostalgique de la période où le texte homérique n’était pas encore fixé : la mendicité du poète symbolise la précarité et le caractère éphémère d’une poésie orale qui s’élabore au gré des performances. Attribuer à Homère le statut de mendiant, c’est conférer à la poésie l’image d’une littérature liminaire et vagabonde, reprise quelques siècles plus tard par François Villon, ou Arthur Rimbaud.

Notes de bas de page numériques

1 Walter Burkert, « The Making of Homer in the sixth century B.C.: Rhapsodes Versus Stesichoros » in Douglas Cairns (dir.), Oxford readings in Homer’s Iliad, Oxford, Oxford University Press, 2001, p. 92-116; Martin West, « The Invention of Homer », The Classical Quarterly, 49. 2, 1999, p. 364-382 ; Barbara Graziosi, Inventing Homer : the Early Reception of Epic, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.

2 Philippe Hamon, « Pour un statut sémiologique du personnage », in Roland Barthes, Wolfgang Kayser, Wayne Booth, Philippe Hamon (dir.), Poétique du Récit, Paris, Le Seuil, 1977, p. 122-123. Démodocos, l’aède à la cour des Phéaciens, Phémios, l’aède à la cour d’Ithaque, et le mendiant crétois appartiennent, selon la terminologie de Philippe Hamon, à la catégorie des « personnages-embrayeurs », qui marquent la présence en texte de l’auteur ou de leurs délégués. Mais alors que Phémios et Démodocos racontent les histoires de héros sans avoir pris part à l’action, le mendiant crétois rapporte des faits auxquels il a participé, ce qui implique la possibilité du mensonge. Selon Suzanne Saïd, dans Homère et l’Odyssée, Paris, Belin, 2011 (1998), p. 271, mettre dans la bouche d’Ulysse ces récits fabuleux permet à l’aède de créer une distance entre lui et son personnage.

3 Walter Burkert, « The Making of Homer in the sixth century B.C. : Rhapsodes Versus Stesichoros » in Douglas Cairns (dir.), Oxford readings in Homer's Iliad, Oxford, Oxford University Press, 2001, p. 100 : Démodocos est davantage un rhapsode qu’un aède.

4 Certamen = Vita I, 5, 17 ; I, 16 et 18 ; Vie de Proclus = Vita V, 8 ; Souda = Vita VI, 6 ; Vita Scorialensis 2 = Vita IX, 5.

5 Mario Baier, Neun Leben des Homer : Eine Übersetzung und Erläuterung der antiken Biographien, Verlag Dr. Kovač, Hambourg, 2013, p. 22.

6 Sauf mention contraire, toutes les traductions sont personnelles.

7 Homère, Odyssée, XVIII, 329.

8 Diogène Laërce, à propos de Diogène le cynique : Ἀναπήρους ἔλεγεν οὐ τοὺς κωφοὺς καὶ τυφλούς, ἀλλὰ τοὺς μὴ ἔχοντας πήραν, « Il se plaisait à dire que les estropiés ne sont ni les sourds ni les aveugles, mais ceux qui n’ont pas de besace » (Vies et Doctrines des Philosophes illustres, VI, 33).

9 Homère, Odyssée, VI, 208 ; XIV, 57-58.

10 Mario Baier, Neun Leben des Homer : Eine Übersetzung und Erläuterung der antiken Biographien, Verlag Dr. Kovač, Hambourg, 2010, p. 68-69.

11 Gérard Lambin, Le Roman d’Homère, comment naît un poète, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011, IV, §19 https://books.openedition.org/pur/32915 ?lang =fr (dernière consultation : 30/05/2020) : « Le roman d’Homère était un autre tertium quid ; sa vérité n’était que rhétorique ou, si l’on préfère, de convention » ; Gregory Nagy, Homer the Preclassic, Berkeley, University of California Press, 2010, p. 30 ; Gregory Nagy, « L’aède épique en auteur : la tradition des Vies d’Homère », in Claude Calame et Roger Chartier (éd.), Identités d’auteur dans l’Antiquité et la tradition européenne, Grenoble, Jérôme Millon, 2004, p. 43 ; Walter Burkert, « The Making of Homer in the sixth century B.C. : Rhapsodes Versus Stesichoros » in Douglas Cairns (dir.), Oxford readings in Homer's Iliad, Oxford, Oxford University Press, 2001, p. 99 : l’identité d’Homère a été élaborée au VIe s. av. J.-C, avec la large diffusion de l’Iliade et de l’Odyssée, comme le prouve l’étude de l’iconographie vasculaire ; Barbara Graziosi, Inventing Homer : the Early Reception of Epic, Cambridge University Press, 2002, p. 2-3.

12 Claude Calame, « Identités d’auteur à l’exemple de la Grèce classique : signatures, énonciations, citations », in Claude Calame et Roger Chartier (éd.), Identités d’auteur dans l’Antiquité et la tradition européenne, Grenoble, Jérôme Millon, 2004, p. 11-40.

13 Martin West, « The Invention of Homer », in The Classical Quarterly, 49. 2, 1999, p. 373 : les homérides ont inventé la figure d’Homère pour légitimer leur activité ; p. 375 : « homérides » viendrait en fait de *ὅμαρος, « l’assemblée », car les homérides faisaient leurs performances pendant les assemblées des Grecs. Gérard Lambin, Le Roman d’Homère, comment naît un poète, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011, IV, §22 et §74, https://books.openedition.org/pur/32915 ?lang =fr (dernière consultation : 30/05/2020) : « Nous ne pouvons pas affirmer en toute certitude que le roman d’Homère existait avant le VIe siècle avant J.-C., où apparut ‟l’homme de Chios” mais aussi, probablement, avec Mélèsigénès, un début de généalogie et de géographie homériques. Car nous ne savons rien d’un quelconque travail antérieur de mythification ou d’invention concernant le poète ».

14 Plusieurs personnages de la Vita Herodotea sont directement inspirés de l’Odyssée : Phèmios, l’aède de la cour d’Ithaque, Mentès, roi des Taphiens dont Athéna prend les traits au chant I, Mentor, le compagnon de voyage de Télémaque, dont Athéna emprunte aussi l’identité, Tukhios, un cordonnier de l’Iliade, voire Glaucos, une divinité marine qui apprend à Ménélas la mort de son frère, et Crèthôn, héros achéen mort à Troie, et bien évidemment Télémaque ou Polucastè/Picastè, la fille de Nestor ; également Thamyras/Thamyris, un aède thrace mentionné dans l’Iliade (II, 594). Barbara Graziosi, Inventing Homer : the Early Reception of Epic, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p. 158.

15 Barbara Graziosi, Inventing Homer : the Early Reception of Epic, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.

16 Gérard Lambin, Le Roman d’Homère, comment naît un poète, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011, Conclusion § 12, https://books.openedition.org/pur/32915 ?lang =fr (dernière consultation : 30/05/2020) : « Dans cette hypothèse, en effet, qui nous ramène au roman des Ioniens et à la conscience collective évoquée au début du présent chapitre, il n’y a plus de difficulté. Les initiateurs du roman ont simplement projeté sur Homère le regret, la nostalgie, le sentiment d’échec, d’abandon et probablement de culpabilité à jamais liés à l’exil ».

17 Sophie Rabau, « La Représentation entre fiction et conjecture : le cas du discours philologique des Sciences de l’Antiquité » (communication présentée au séminaire du CERC, Université de Paris III), https://www.fabula.org/atelier.php ?Pr %26eacute %3Bsence_de_la_fiction_dans_le_discours_philologique (dernière consultation : 22/07/2020) : « Soit par exemple l’affirmation que l’on trouve dans le traité Du Sublime (11-13), attribuée à Longin, sur Homère : l’Odyssée a dû être écrite par un Homère âgé car cette épopée s'intéresse plus au récit du passé qu’à une représentation directe de l’action. On dira que l’Odyssée, par sa structure, exprime, c’est-à-dire exemplifie métaphoriquement, la vieillesse. Mais au lieu de poser que l’Odyssée exprime la vieillesse, Longin affirme qu’Homère, l’auteur de ce texte, était vieux au moment de sa composition. Autrement dit, au lieu de dire que le texte exprime la vieillesse, qu’il l'exemplifie métaphoriquement, Longin choisit un autre échantillon de vieillesse qui exemplifie également la vieillesse mais de manière littérale, cette fois : Homère, dans cette conjecture, est littéralement vieux. » https://www.fabula.org/atelier.php ?Pr %26eacute %3Bsence_de_la_fiction_dans_le_discours_philologique (dernière consultation : 22/07/2020).

18 Gregory Nagy, Homer the Preclassic, Berkeley, University of California Press, 2010, p. 30, 37-42 ; Gregory Nagy, « L’aède épique en auteur : la tradition des Vies d’Homère », in Claude Calame et Roger Chartier (éd.), Identités d’auteur dans l’Antiquité et la tradition européenne, Grenoble, Jérôme Millon, 2004, p. 44, 48-56.

19 Gregory Nagy, Homer The Preclassic, Berkeley, University of California Press, 2010, p. 37-38.

20 Gregory Nagy, Homeric Questions, Austin, University of Texas Press, 1996, définit cinq phases de la constitution du texte homérique : 1) Du début du IIe millénaire au milieu du VIIIe s. av. J.-C. : période de grande fluidité, sans texte écrit. 2) Milieu du VIIIe s. au milieu du VIe s. : période panhellénique de formation, sans texte écrit. 3) Milieu du VIe s. à la fin du IVe s. : période centrée sur Athènes, avec des textes potentiels mais destinés à la performance. 4) Fin du IVe s. au milieu du IIe s. : période de standardisation à partir de la réforme de Démétrius de Phalère (317-307 av. J.-C.). 5) Milieu du IIe s. av-J.C. : période de rigidité maximale avec l’édition d’Aristarque (150 av. J.-C.).

21 Gregory Nagy, « L’aède épique en auteur : la tradition des Vies d’Homère », in Claude Calame et Roger Chartier (éd.), Identités d’auteur dans l’Antiquité et la tradition européenne, Grenoble, Jérôme Millon, 2004, p. 56 : « La Vita Herodotea, bien qu’elle soit plus tardive, correspond aux idées de la période pré-panathénienne, mais comprend également des éléments importants provenant de la période panathénienne. » Pour dater l’élaboration de la Vita Herodotea par rapport à la constitution du texte homérique, Gregory Nagy relève notamment les mentions des différentes cités dans lesquelles Mélésigénès-Homère séjourne et les analyse d’un point de vue idéologique.

22 Gérard Lambin, Le Roman d’Homère, comment naît un poète, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011, V §32-36, https://books.openedition.org/pur/32915 ?lang =fr (dernière consultation : 30/05/2020).

23 Gregory Nagy, Homer the Preclassic, Berkeley, University of California Press, 2010, p. 80-102 : un ἀγών, « concours », oppose Démodocos et Ulysse à la cour des Phéaciens comme le montre la répétition de ce terme (VIII, 259, 260, 380). Le chant de Démodocos s’inscrit dans le contexte du festival des Délia, ponctué par des « banquets » (δαῖτες), des « sacrifices » (θυσίαι) et des « concours » sportifs (ἀγῶνες). L’auteur considère que les trois récits de Démodocos et celui d’Ulysse correspondent à trois sous-genres poétiques apparus successivement dans l’histoire littéraire : l’histoire des amours d’Arès et d’Aphrodite serait une forme primitive d’hymne, puis viendraient ensuite le premier et le troisième récit de Démodocos, fidèles à la tradition des poèmes du cycle, suivis enfin par le nostos d’Ulysse, « récit de retour ».

24 Cela s’oppose à une lecture de Sophie Rabau, « La Représentation entre fiction et conjecture : le cas du discours philologique des Sciences de l’Antiquité » (communication présentée au séminaire du CERC, Université de Paris III). L’auteur voit dans le chant VIII le conflit entre l’aède et le narrateur intradiégétique. Il s’agit d’une hypothèse de lecture que Sophie Rabau conteste pour d’autres raisons, notamment herméneutique : le postulat d’une intention d’auteur. https://www.fabula.org/atelier.php ?Pr %26eacute %3Bsence_de_la_fiction_dans_le_discours_philologique (dernière consultation : 22/07/2020).

25 Le même verbe se retrouve concernant Phémios, l’aède d’Ithaque (I, 339), pour lequel on trouve aussi ἀείδειν, autre forme de ᾄδειν, « chanter » (XXII, 346, 352) et παραείδειν, « chanter en l’honneur de quelqu’un » (XXII, 348).

26 Le critère de la nouveauté est important quand il est question des aèdes : Télémaque reproche à sa mère de demander à Phémios de cesser son chant sur les aventures des Achéens (I, 346-352) en arguant que les auditeurs aiment à bon droit les nouveaux poèmes. Le pseudo-Hésiode se présente avec Homère comme des aèdes développant leurs chants ἐν νεαροῖς ὕμνοις, « dans de nouveaux hymnes » ([Hésiode] fr. 357 West).

27 Les mensonges du mendiant reprennent les mêmes formules que celles du voyage d’Ulysse (Chris Emelyn-Jones, « True and Lying Tales in the Odyssey », Greece & Rome, 33, 1986, p. 4) mais sont plus réalistes (Uvo Hölscher, Die Odyssee. Epos zwischen Märchen und Roman, Munich, C. H. Beck, 1988, p. 21 ; Jenny Strauss-Clay, « Odyssean Animadversiones », in Franco Montanari (ed.), Omero tremila anni dopo, Rome, Storia e Letteratura, 2002, p. 78).

28 Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 2009 (1953), p. 504.

29 Marcello Carastro, La Cité des Mages : Penser la magie en Grèce ancienne, Grenoble, Jérôme Millon, 2006, p. 137-139 : sur ses deux occurrences dans l’Odyssée (XII, 40, 44), θέλγειν est employé une fois avec le mot ἀοιδή, « chant » : ἀλλά ἑ Σειρῆνες λιγυρῇ θέλγουσιν ἀοιδῇ, « mais les Sirènes le charment de leur chant clair » (XII, 44).

30 Λέγειν, « dire » (XIV, 197 ; XIX, 171), ἔπος λέγειν, « tenir des propos » (XIV, 453, 509), καταλέγειν, « raconter par le menu » (XIV, 508), ἐκλέγω, « exprimer » (XIX, 167), ἀγορεύειν, « rapporter » (XIV, 192).

31 Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 2009 (1953), p. 345.

32 Richard Cunliffe, A Lexicon of the Homeric Dialect, Norman, University of Oklahoma Press, 1963 (Londres - Glasgow - Bombay, Blackie and Son, 1924), p. 12 ; Willem Verdenius, « ΑΙΝΟΣ », Mnemosyne, 15, 1962, p. 389 ; Gregory Nagy, « Théognis et Mégare : le poète et l’âge de fer », Revue de l’Histoire des Religions, 1984, p. 239-279, p. 241 : selon la terminologie linguistique de Prague, l’αἶνος est un énoncé qui comporte deux messages, le vrai pour l’auditoire visé, le faux pour tous les autres ; Aurélien Berra, Théorie et pratique de l’énigme en Grèce ancienne, Thèse de Doctorat, Paris, 2008, passim et surtout p. 118 ; David Elmer, The Poetics of Consent : Collective Decision Making and the Iliad, Berkeley, The Johns Hopkins University Press, 2013, p. 61.

33 Hésiode, Les Travaux et les Jours, 1 : μοῦσαι Πιερίηθεν ἀοιδῇσι κλείουσαι, « Muses de Piérie, qui célébrez par vos chants » ; Théogonie, 104-105 : χαίρετε τέκνα Διός, δότε δ'ἱμερόεσσαν ἀοιδήν· / κλείετε δ'ἀθανάτων ἱερὸν γένος αἰὲν ἐόντων, « Salut à vous, enfants de Zeus, donnez-moi un chant harmonieux / Célébrez la race divine des immortels qui toujours furent. »

34 Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 2009 (1953), p. 520.

35 Dans l’Odyssée, on insiste sur le fait que le mendiant mène une vie d’errance (ἀλητεύειν XIV, 120, 124, 126 ; XV, 342-343 ; XX, 195). De même, l’aède est apparenté souvent au vagabond (Hymne à Hermès, 169-170 ; Hésiode, Les Travaux et les Jours, 25).

36 Albert Lord, The Singer of Tales, 2000 (1960), Cambridge, Harvard University Press, p. 108 : les bardes ne développent jamais un détail sans motif narratif valable, et l’esthétique de la répétition leur est étrangère.

37 Devant Pénélope, il se fait appeler Αἴθων, « Ardent », et se prétend crétois tandis que devant son père il se nomme Ἐπήριτος, « Désiré », et se déclare originaire de Σικανίη, « Sicile » (XXIV, 307).

38 Pietro Citati, La Pensée chatoyante. Ulysse et l’Odyssée, Paris, Gallimard, 2004 trad. Brigitte Pérol (La Mente colorata. Ulisse e l’Odissea, Turin, Mondadori, 2002), p. 209-210 ; Rick Newton, « Cloak and Shield in Odyssey 14 », The Classical Journal, 93, 1998, p. 147 : à propos de l’épisode du manteau.

39 Martin West, « The Invention of Homer », in The Classical Quarterly, 49. 2, 1999, p. 373 : pour l’auteur, Phémios et Démodocos représentent les homérides.

40 Parmi les néo-analystes, Gregory Nagy, Homeric Questions, Austin, University of Texas Press, 1996 considère que des aèdes à partir du VIIIe s. ont élaboré une poésie orale, fixée par un arrangeur au Ve s., qui ordonne et transcrit l’œuvre par écrit. Richard Janko, « The Iliad and its editors : Dictation and Redaction », Classical Antiquity 9, 1990, p. 326-334, et Barry Powell, Homer and the Origin of the Greek Alphabet, Cambridge, Cambridge University Press, 1991, au contraire, pensent que la transcription par écrit est presque contemporaine de la composition.

41 Albert Lord, The Singer of Tales, 2000 (1960), Cambridge, Harvard University Press, p. 18. L’auteur prend l’exemple des bardes de Yougoslavie, dont certains vivaient d’aumônes en échange de leurs chants, comme Majstorovic, un barde yougoslave du village de Bosanska Krupa.

42 Albert Lord, The Singer of Tales, 2000 (1960), Cambridge, Harvard University Press, p. 22.

Bibliographie

Sources primaires

APOLLONIOS DE RHODES, Argonautica, texte édité par FRÄENKEL Hermann, Oxford, Clarendon Press, 1961.

HÉSIODE, Théogonie, texte établi et traduit par MAZON Paul, Paris, Les Belles Lettres, 2002 (1928).

HÉSIODE, Les Travaux et les Jours, texte établi et traduit par MAZON Paul, Paris, Les Belles Lettres, 2002 (1928).

HOMÈRE, L’Odyssée, texte édité, traduit et présenté par BÉRARD Victor, Paris, Les Belles Lettres, 2009 (1924).

OMERO, Odissea (vol. I), texte introduit par HEUBECK Alfred et WEST Stéphanie, commenté par WEST Stéphanie et traduit par PRIVITERA Aurelio, Milan, 1981.

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Pour citer cet article

Nathalie Assan Libé, « Homère mendiant : la poésie épique en guenilles », paru dans Loxias, 70., mis en ligne le 13 septembre 2020, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=9480.


Auteurs

Nathalie Assan Libé

Nathalie Assan Libé est ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Paris, agrégée de lettres classiques et docteure en philologie grecque à la suite d’une Thèse soutenue en 2017 à la Sorbonne intitulée « Mendiants et mendicité en Grèce archaïque et classique ». En s’intéressant au rapport entre poésie et société, elle a publié plusieurs articles sur Homère et la tragédie grecque classique. Actuellement, elle poursuit ses recherches à l’Université libre de Bruxelles sur l’évolution du vocabulaire politique chez Homère.