Loxias | 47. Autour du programme des concours 2015 | I. Programme de l'agrégation de Lettres 

Paul Léon  : 

Le Guépard : Visconti lecteur de Lampedusa

Résumé

Un cinéaste comme Visconti peut-il choisir de mettre en œuvre l’adaptation d’une œuvre littéraire, aussi esthétiquement exigeante en l’occurrence que Le Guépard, sans qu’au-delà des rationalisations de toutes sortes, n’intervienne une certaine identification à Lampedusa ? Comment lit-il et transpose-t-il le roman en 1963 ?

Index

Mots-clés : adaptation cinématographique , Tomasi di Lampedusa, Visconti

Géographique : Italie

Chronologique : Période contemporaine

Thématique : cinéma , roman

Texte intégral

1« Je partage le point de vue de Lampedusa, et disons même celui de son personnage le prince Fabrizio, non seulement dans la limite de l’analyse qu’ils exposent des faits historiques et des situations psychologiques qui en dérivent, mais au-delà de ces limites même », déclarait Luchino Visconti dans un entretien donné à Antonio Trombadori, lequel fit office de Préface à la première édition du scénario du Guépard1. Un cinéaste, particulièrement de l’envergure de Visconti, peut-il choisir de mettre en œuvre l’adaptation d’une œuvre littéraire, aussi esthétiquement exigeante en l’occurrence, sans qu’au-delà des rationalisations de toutes sortes, n’intervienne l’essentiel que résume si bien Alberto Moravia cité par Laurence Schifano2 : « Il y a toujours eu chez Visconti une certaine difficulté, pour ne pas dire incapacité, à s’exprimer ou à parler de lui-même, à nous dire quelque chose qui le concerne directement. Cette fois, pour toute une série de raisons, qui vont de son origine sociale à son expérience politique, il a su s’identifier au Prince et il a réussi à faire en sorte que son sang coule dans les veines du personnage avec fluidité et abondance. » En l’occurrence un « sang bleu » comme on disait encore naguère.

2 

3Giuseppe Tomasi duc de Palma, baron de Montechiaro et de La Torretta, prince de Lampedusa (1896-1957), est issu de l’une des plus grandes familles siciliennes, le prince Salina est, sinon son double, du moins celui de l’un des ascendants de sa longue lignée qui eut à connaître les événements historiques survenus en Sicile circa 1860. Le milanais Luchino Visconti, comte de Lonate Pozzolo (1906-1976) est fils de Giuseppe, duc de Modrone, l’un des noms les plus glorieux de la cité lombarde ayant entretenu des liens étroits avec la famille royale des Savoie. Mais grande bourgeoisie industrielle du côté de sa mère, les Erba, produits néanmoins d’une lente ascension sociale à partir d’une origine populaire, ce que ne manquera jamais de rappeler le cinéaste.

4On le voit clairement : Lampedusa, Visconti, Salina sont tout un à bien des égards. Et c’est sans doute de ce fait « de classe » qu’il faut partir si l’on veut comprendre le projet de Visconti. Rappelons la phrase si souvent citée de Chateaubriand, « on ne peint bien que son propre cœur, en l’attribuant à un autre ». De fait, dans les années qui suivront, Visconti accentuera la chose en faisant de l’œuvre de Thomas Mann son terrain d’élection. Mort à Venise sorti en 1971 relève d’une virtuosité dans l’art des « déplacements », autrement dit des brouillages successifs : le personnage de Gustav von Aschenbach, écrivain dans la nouvelle était déjà un double de Mann, Visconti en fait à son tour le double d’un autre Gustav, le compositeur Mahler. Et c’est à travers ce musicien au bord de la tombe, qu’il peut dire, à cinq ans de sa propre mort, cette quête impossible de la beauté à laquelle il n’a cessé de vouer son art et qui existe à l’état pur dans le monde, sous les espèces, en l’occurrence, d’un bel adolescent.

5Partons donc de ce qui fait la force et la beauté tout à la fois du roman de Lampedusa et du film de Visconti, l’empathie fondamentale des deux pour la figure de leur héros, le prince Fabrice. Nous lisions récemment sous la plume de l’un de nos éminents philosophes, grand helléniste, homme très âgé et pur produit de l’ancienne école républicaine cet aveu : « […] si je n’avais pas été issu du monde paysan, j’aurais aimé être aristocrate… mais issu de la vieille aristocratie, pas de l’aristocratie embourgeoisée d’aujourd’hui. La vieille aristocratie me convient bien, avec ses usages, ses traditions, ses savoir-vivre, ses savoir-faire, ses règles de courtoisie, si sévères que le moindre manquement vous disqualifie, vous bannit, vous démode…3 » La vieille aristocratie et le petit peuple des campagnes, c’est vers ceux-là que va le respect de Marcel Conche, et n’en doutons pas celui de Lampedusa et de Visconti (cf. cette notation qui en dit long : « Le prince était aussi touché par la digne pauvreté de l’organiste. Désormais, il éprouvait même une sorte d’admiration et, tout au fond de son orgueilleuse conscience, il se demandait si par hasard don Ciccio (Tumeo) ne s’était pas comporté plus noblement que le prince de Salina4. ») Entre les deux classes, une troisième, montante, la bourgeoisie affairiste honnie, avide de richesses, d’honneurs et de pouvoir : « Il (le prince) était irrité non pas tant des événements eux-mêmes que de la stupidité de don Ciccio (Ferrara, le comptable), en qui il avait immédiatement reconnu la future classe dirigeante5. »

6Le roman de Lampedusa est achevé en 1956, publié en 1958 ; le film de Visconti sort sur les écrans, avec quel succès également, en 1963 mais entre temps, Lampedusa est mort. Le recul historique est donc le même ici et là. Un siècle tout juste. Il est important de le signaler, tant une « reconstitution » historique est tributaire de l’époque dans laquelle elle voit le jour. À revoir aujourd’hui, dans un domaine voisin les grandes émissions que proposa la télévision à ses commencements (du type « La caméra explore le temps » de Stellio Lorenzi), il est clair qu’un historien ou un sociologue en apprendraient plus sur l’esthétique et les préoccupations des années 60 que sur les époques mises en scène. Lampedusa a traversé deux guerres, il ne se remit jamais du bombardement de son palais par l’aviation de libération américaine. Visconti, de dix ans son cadet a traversé la seconde guerre en antifasciste : il rejoignit les intellectuels antifascistes du Centre expérimental de cinématographie et collabora à la revue Cinema. Il se lia par là à nombre d’intellectuels communistes, et c’est en marxiste qu’il s’engagera après la guerre dans la mouvance du néo-réalisme. Son film La terre tremble (La terra trema, 1948), déjà tourné en Sicile et inspiré d’un roman de Giovanni Verga, le chef de file du « vérisme », fait d’emblée du cinéaste un « réaliste », étiquette qu’il ne cessera de revendiquer, même lorsque passant de la peinture du petit peuple à celle de la grande bourgeoisie ou de l’aristocratie, il pourra se prévaloir de peindre avec le plus de réalisme possible un monde qu’il a connu et qui fut le sien.

7Une autre dimension de Visconti, c’est qu’il fut, par là-même, élevé dans la fréquentation des théâtres et de l’opéra. À Milan, sa famille avait une loge attitrée à la Scala. Et de fait son œuvre de metteur en scène d’opéra est au moins aussi riche que son œuvre de cinéaste, mais cela est moins connu, car une mise en scène d’opéra ne laisse de traces que dans la mémoire des happy few qui en ont le souvenir, sauf à réaliser comme le fit son collaborateur de La terra trema, Franco Zeffirelli, un film d’opéra (qui n’est pas un opéra filmé) : tel fut le cas de son inoubliable Traviata avec Teresa Stratas dans le rôle titre. Du reste, Visconti monta également, à plusieurs reprises, ce fleuron de l’œuvre verdienne ainsi que bien d’autres opéras du maître italien, acclamé de façon codée dans son film Senso (1954) : Viva V.E.R.D.I ! Vive Victor Emmanuel Roi D’Italie ! Il monta aussi le « vériste » Puccini, travailla longuement avec Maria Callas à qui par ailleurs Pasolini confiera le rôle non chanté de Médée dans le film éponyme. Ceci pour souligner l’importance déterminante de l’opéra dans l’âme des créateurs italiens, et particulièrement des cinéastes. La scène si célèbre du bal dans Le Guépard est à l’évidence le fruit de cette expérience, et l’on retrouvera désormais dans chacune des œuvres viscontiennes de la dernière époque, Les Damnés (1969), Mort à Venise (1971), Louis II de Bavière (1972), cette dimension opératique. Du reste, s’agissant de La Mort à Venise, le compositeur anglais Benjamin Britten, choisit peu de temps après la sortie du film de Visconti, de faire de la nouvelle de Thomas Mann un livret d’opéra (Death in Venice, 1973) où se lit l’empreinte viscontienne tout autant que celle de l’écrivain allemand.

8Œuvres opératiques donc, que ces derniers films, mais aussi œuvres qui ont en commun d’évoquer la fin d’un être, la fin d’un monde, d’une période de l’Histoire (cela fait partie justement des gênes de l’opéra) : la société aristocratique du Grand Hôtel des Bains de Venise, chassée par le choléra, métaphore que Camus retrouvera dans La Peste, l’effondrement « wagnérien » du troisième Reich en ce qui concerne Les Damnés, film autrement titré La Caduta degli dei (Le Crépuscule des dieux), le basculement dans la folie et le suicide du jeune roi de Bavière qui avait du reste voué un culte à Wagner (Louis II ou Ludwig). Le Guépard, naturellement, ouvre cette série en 1963, en ce début des années 60 où un monde nouveau est en train de naître tant sur le plan des tensions politiques que de cet american way of life qui déferle sur l’Europe. Pasolini plus haut cité ne pourra jamais s’en consoler.

9« On m’a souvent traité de décadent. J’ai de la décadence une opinion très favorable. Je suis imbu de cette décadence » dira Visconti à propos de son dernier film Violence et Passion (Gruppo di famiglia in un interno, 1975) où symptomatiquement il confie à nouveau les rôles principaux à Burt Lancaster et à Alain Delon. Un marxiste peut-il aimer la décadence ? C’est là toute l’ambiguïté de Visconti, il n’en reste pas moins que c’est en marxiste qu’il s’approprie Le Guépard. Et un marxiste ne peut entendre la phrase leitmotiv du roman « si nous voulons que tout continue, il faut d’abord que tout change6 » d’une oreille tout à fait favorable, même s’il comprend de l’intérieur l’état d’esprit du prince qui est tout prêt à l’entendre. De fait, c’est son jeune neveu, Tancrède Falconeri qui lance la fameuse phrase et ses motivations sont à l’évidence moins pures.

10Les hommes sont le produit de l’Histoire, celle que Raymond Queneau qualifiait « d’Histoire avec une grande hache ». « Nunc et in hora mortis nostrae » tel est l’incipit du roman de Lampedusa, un « nunc » qui emblématise justement une sorte de présent intemporel, celui de la prière et de la permanence divine. À ce stade initial du récit, la maison Salina continue de reproduire les gestes immémoriaux de sa caste, et le prince est saisi, une dernière fois peut-être, dans sa magnificence : « Le prince se leva à son tour : son poids gigantesque fit trembler la pièce, et dans ses yeux clairs se refléta un court instant l’orgueil éphémère de voir confirmé son pouvoir sur les êtres et les choses7. » En revanche, et dès les premières images du film, Visconti choisit de superposer au « bruissement ondoyant » du Rosaire, des cris venus de l’extérieur qui mettent d’emblée en émoi la maison Salina : à travers la découverte pourrait-on dire en direct du soldat mort dans le jardin (chez Lampedusa celle-ci ne fait l’objet que d’une simple réminiscence), l’Histoire fait d’emblée effraction dans un ordre qui se croyait immuable. Car rien ne sera plus comme avant passé le débarquement de Garibaldi, et pas seulement au plan politique. Autant le signifier d’emblée, semble dire Visconti, l’Histoire façonne le psychisme des êtres, elle a, il le sait bien, le pouvoir exorbitant de transformer en quelques heures un homme en héros ou en bourreau. Il se trouve que Lampedusa ne tardera guère, si l’on peut dire, à le suivre, qui conclut les festivités d’accueil de la famille Salina par la population de sa résidence de Donnafugata, par cette remarque lourde de sens : « Donnafugata jugea que le prince avait bien changé : jamais auparavant il n’aurait parlé de façon si cordiale. De ce moment commença, invisible, le déclin de son prestige8. » Or ce n’est là ni démagogie ni lâche prudence de sa part : Fabrice est seulement un homme sans illusions (c’est ce que sous entendait l’adjectif « éphémère » dans la phrase plus haut citée), il a « l’orgueil » de la caste des guépards et des lions et il n’ignore pas la race des chacals et des hyènes qui n’attend qu’un signal pour entrer dans le jeu. Car d’une certaine façon, la lutte des classes n’oppose pas les quelques grandes familles qui règnent souvent avec paternalisme sur l’immense classe des paysans, elle opposera, une fois la révolution garibaldienne « trahie » comme toutes les révolutions, la classe montante des bourgeois et affairistes de tout poil à la classe des exploités. Et l’on peut faire dès lors l’hypothèse que c’est par une sorte de reconnaissance pour la cordialité qui l’accueille à Donnafugata en dépit des événements, que le prince répond de façon plus amicale encore qu’à l’habitude. Don Ciccio Tumeo, organiste et chasseur, (interprété par Serge Reggiani dans le film), est à cet égard un emblème de cette classe des paysans qui plus radicalement que ses maîtres (lesquels à l’instar du jeune Falconeri sont prêts à ce que tout change pour que rien ne change), désirent fondamentalement la poursuite d’un ordre inchangé. Fabrice, quant à lui, a donc « bien changé » selon les dires de la population de Donnafugata, revenons-y. Ce que met en scène magnifiquement Visconti à travers la prestation de Burt Lancaster, et au fur et à mesure du déroulement du film, c’est que le prince, pour ce qui le concerne, se retire à petits pas de l’Histoire, et entre du même coup dans l’âge de la sagesse. Aux plus jeunes de sa caste de tenter l’aventure : Fabrice remet entre les mains de son bien aimé neveu Tancrède le soin de sauver ce qui peut l’être s’il y a encore quelque chose à sauver. C’est ce retrait, lequel est déjà l’annonce d’un retrait plus radical, qui en fait cet être de magnanimité que souligne Visconti presque dans chacune des scènes : acceptation compréhensive de l’engagement garibaldien de Tancrède ; excellence de ses rapports avec l’humble et digne Ciccio ; parfaite courtoisie dans l’accueil de Chevalley ; bénédiction de l’amour de son neveu pour la jeune Angélique Sedara (Claudia Cardinale), lequel suppose pourtant l’intrusion dans sa noble maison de l’affreux don Calogero Sedara, le père ; élégance absolue, en dépit d’une grande lassitude, lors de la soirée Ponteleone.

11Le roman de Lampedusa court sur huit chapitres. Rappelons-en les grandes lignes :

12- chapitre 1 : mai 1860 (annonce du débarquement, l’engagement de Tancrède)

13- chapitre 2 : août 1860 (arrivée à Donnafugata, repas et apparition d’Angélique)

14- chapitre 3 : octobre 1860 (chasse avec don Ciccio Tumeo)

15- chapitre 4 : novembre 1860 (jeux des amoureux, visite de Chevalley)

16- chapitre 5 : février 1861 (affaires de famille du père Pirrone)

17- chapitre 6 : novembre 1862 (grande réception chez les Ponteleone)

18- chapitre 7 : juillet 1883 (mort du prince Salina)

19- chapitre 8 : mai 1910 (vieillesse bigote des demoiselles Salina)

20Suivant le découpage proposé par Laurence Schifano9 laquelle s’appuie sur la double opposition opératoire « intérieur-extérieur », « jour-nuit », le film de Visconti comporte vingt séquences et un épilogue, la séquence 20, celle du bal, d’une durée de 46 minutes dans la version française, se décomposant en 12 sous-séquences. L’ensemble suit fidèlement la trame des chapitres 1, 2, 3, 4 et 6 du roman. Visconti ignore avec bonheur le chapitre 5 qui, centré sur le père Pirrone, brise la continuité du récit, et à propos duquel la critique avait justement objecté lors de la parution du roman. Il renonce d’autre part au double saut dans le temps de 1883 et de 1910, concentrant son récit sur les trois années « historiques » 1860, 61 et 62, ce qui a pour corollaire non négligeable de transformer la saga d’une famille (tel est le roman de Lampedusa, et l’excursus du chapitre 5 pouvait à cet égard se justifier aux yeux de Lampedusa), en une fresque historique circonscrite dans l’espace et dans le temps. Du coup, Visconti nourrit sa chronique (tel peut être dès lors qualifié ce fragment d’Histoire qu’est le récit filmique) des violents combats de Palerme où figure Tancrède, événements dont Lampedusa avait évacué la représentation de son roman, les réduisant à cette seule phrase lourde de mépris : « quelques minuscules taches de sang sur la robe bouffonne » de la révolution. Le producteur du film, Goffredo Lombardo, avait suggéré à Visconti une voie moyenne : figurer les scènes historiques qu’il souhaitait introduire dans son récit par des tableaux, comme avait choisi de le faire Lampedusa lui-même s’agissant de la peinture de Greuze. Visconti ne le suivit pas en dépit du coût engagé, et inséra une scène qui au montage dure environ 6 minutes, scène d’affrontement des chemises rouges avec la troupe, combats de rue, barricade où figure fugitivement un gavroche perché brandissant le drapeau tricolore de la future Italie, entrée par effraction des insurgés dans un couvent de nonnes (Tancrède blessé, n’y pénètre pas, ce qui le fera mentir plus tard aux oreilles des spectateurs attentifs lorsqu’il racontera avec des sous-entendus grivois ses exploits devant la belle Angélique (ici l’un des fou rires les plus célèbres de l’histoire du cinéma : dans le roman, Angélique se contentait de « ri(re) en montrant des dents de jeune louve », lequel rire montait néanmoins « d’un ton » et se faisait « strident »10), au grand dam de Concetta, laquelle n’apprendra que cinquante ans plus tard, au chapitre 8, que ces exploits n’étaient que « fable »). Une autre scène historique de 8 minutes que choisit de traiter visuellement Visconti, c’est la scène du plébiscite, celle-ci de manière burlesque : proclamation grotesque des résultats par don Calogero interrompu par la calamiteuse fanfare, feu d’artifice et vin d’honneur.

21De ceci, on peut inférer cela : à montrer plutôt qu’à raconter à travers le prisme de Fabrice, on assiste dans le passage du roman au film à une modification fondamentale, celle de la voix narrative. L’usage de la focalisation interne, autrement dit de la caméra subjective, est limité chez Visconti. Le récit rapporté, le style indirect libre, qui sont l’un des traits de l’écriture de Lampedusa, laissent place à des scènes vivantes où les points de vue se multiplient : c’est tout un chœur et non le seul cœur du prince (si l’on veut jouer sur les mots) qui est appelé à se faire l’écho des événements en cours. Dans un même esprit, Visconti dévoile de loin en loin l’âpre monde sicilien (lequel échappe moins au prince, du reste, qu’à son entourage replié), par un procédé de collage que l’on retrouvera dans d’autres de ses films : tout juste avant la scène de l’entrée somptueuse des invités de la maison Ponteleone, insertion d’un plan où l’on voit des paysans qui triment dans leur champ (de même dans Mort à Venise, insertion d’un travelling montrant le petit peuple des pêcheurs de la lagune, lequel précède tout juste l’arrivée d’Aschenbach dans le hall somptueux du Grand Hôtel des Bains où se presse l’aristocratie européenne).

22Or cette aristocratie brille d’autant plus qu’elle brille de ses derniers feux, et c’est plus vrai encore de celle de Mort à Venise dont l’action se situe dans les quelques années qui précèdent la grande guerre : un monde que Visconti enfant a d’évidence connu : on peut aisément l’imaginer revêtu du costume de bain de Tadzio, et sa mère de la robe de la princesse polonaise… C’est qu’une nouvelle caste est entrain d’opérer une prise de pouvoir décisive, sous les deux espèces qu’emblématisent d’une part don Calogero Sedara, d’autre part Tancrède Falconeri : d’un côté la race des arrivistes assoiffés d’ascension sociale, de l’autre la race des nouveaux aristocrates qui s’appuient sur leur nom et sur leur séduction pour prendre le train en marche. Il est frappant que dans le film, ces deux là ne cessent de s’agiter, le premier avec un abominable manque de savoir vivre et de tenue (jeu parfait du comédien Paolo Stoppa qui réussit à se transformer en une véritable fouine et réponse sublime du prince à ce malotru qui ayant déclaré, admiratif du palais Ponteleone : « Magnifique, prince, magnifique ! Au prix actuel de l’or ! », se voit répliquer : « Magnifique, don Calogero, magnifique. Mais ce qui l’est plus encore, ce sont nos deux enfants11. » Échange repris presque in extenso par Visconti), le second avec la fougue brouillonne et l’ambition de sa jeunesse (Alain Delon à l’époque de sa splendeur).

23Le prince quant à lui, servi par l’insoupçonné Burt Lancaster que Visconti après quelque réticence avait accepté de tirer de ses westerns hollywoodiens – la couverture initiale du Livre de Poche n’a pas hésité à proposer ce photogramme de la partie de chasse où on le voit fusil en main ! –, est d’un bout à l’autre absolument hiératique, et plus le film avance, plus cet hiératisme confine au stoïcisme. C’est en stoïcien que Salina-Lancaster regardera la mort en face à travers La mort du juste de Greuze : nombreux plans, au reste, tout au long du film, de cadrages serrés de son visage souvent impassible mais toujours empreint d’une grande quoiqu’hautaine humanité, et même de tendresse, quelquefois au bord des larmes, portrait qui n’est nullement absent du roman, mais que visiblement l’empathie de Visconti pour son personnage a contribué à accentuer. Or, c’est aussi un prince léonin que Visconti, homme de sa classe, affectionne de saisir dans sa superbe (cf. cette scène humoristique du « bain d’hercule » directement adaptée du roman : « il se dressait, entièrement nu comme l’Hercule de Farnèse, et de plus en plus fumant. L’eau coulait en ruisseaux de son cou, de ses bras, de son estomac, de ses cuisses, on aurait dit le Rhône, le Rhin, le Danube et l’Adige arrosant et sillonnant les sommets alpins12 », ou cette autre, grinçante, où il soulève don Calogero de son siège, en colosse qu’il est, pour sceller le pacte du mariage, puis le repose aussi vivement après l’accolade.)

24Adapter au cinéma, c’est lire et c’est donc interpréter. André Bazin estimait que l’adaptation devait « parvenir à restituer l’essentiel de la lettre et de l’esprit ». Michel Serceau quant à lui ne s’embarrasse guère de la sempiternelle question de la « fidélité ». Il élargit le propos : « L’adaptation témoigne du dialogue qu’entretiennent une époque, une catégorie socioculturelle, une société, avec la substance vive de la littérature13. » C’est d’une certaine façon ce que fait tout écrivain lorsqu’il choisit de rapporter des faits antérieurs à son époque. C’est ce que fait explicitement Lampedusa dans Le Guépard, ou de loin en loin, adviennent comme autant de prolepses d’ordre historique, des notations où il pointe du doigt le temps de l’écriture. Sauf inattention, nous avons relevé huit occurrences flagrantes de cette effraction du présent de l’auteur dans son récit. Les voici :

- p. 139 : « […] il (Salina) nota une fois de plus la stupéfiante accélération de l’histoire. Exprimons la chose en termes plus modernes : il se trouvait dans l’état d’esprit d’un homme qui, croyant embarquer sur un des gros avions qui font la navette entre Palerme et Naples, s’aperçoit qu’il se trouve dans un engin supersonique et sera arrivé avant d’avoir pu faire un signe de croix. »

- p. 154 : « On montra à don Fabrice une lettre […] qui annonçait […] aux laborieux citoyens de Donnafugata l’attribution d’un crédit de deux mille lires pour la construction d’égouts : entreprise qui serait menée à terme avant la fin de 1961, comme l’annonça le maire, trébuchant sur un de ces lapsus dont Freud devait expliquer le mécanisme quelques dizaines d’années plus tard. »

- p. 161 : « Don Fabrice ne pouvait pas savoir alors qu’une bonne partie de la paresse, du fatalisme dont, pendant les décades suivantes, on devait accuser les gens du Sud, aurait son origine dans cette stupide abolition de leur première expression de liberté. »

- p. 194 : « Elle (Angélique) s’approcha de nouveau et, dressée sur la pointe de ses petits souliers, soupira à l’oreille du prince : ‘… tonton !’ trouvaille des plus réussies, comparable pour son efficacité scénique à la voiture d’enfants d’Eisenstein. »

- p. 202 : « Ces années-là virent se former les mythes littéraires qui dominent encore de nos jours les esprits européens. »

- p. 309 : « Les divinités du plafond, assises sur des trônes dorés, se penchaient pour regarder la foule […] Sans doute se croyaient-elles éternelles : un jour de 1943 une bombe fabriquée à Pittsburgh, Penn., leur démontrerait le contraire. »

- p. 325 : « Pour le moment, un peu grâce à votre humble serviteur, on ne parle plus de chemises rouges ; mais on en reparlera. Quand elles auront disparu, on en verra d’autres de couleur différente, et puis de nouveau, on reverra les rouges. » Ici, c’est un personnage qui parle (‘le vainqueur d’Aspromonte’), mais il est clair que cette anticipation des chemises noires fascistes lui est dictée par l’auteur. Presque un mot d’auteur, et que s’empresse de reprendre Visconti dans son film.

- p. 361 : « L’ensemble paraissait démodé à Concetta ; elle le trouvait même de mauvais goût ; vendu aux enchères après sa mort, il fait aujourd’hui l’orgueil d’un riche mandataire, lorsque sa ‘dame’ offre un cocktail à des amies jalouses. » Là aussi l’anticipation est d’ordre diégétique, mais elle souligne la vision panoramique de l’auteur à l’endroit de son récit et de ses personnages. Plus haut il était question, alors même que les amoureux marivaudaient dans les pièces inoccupées du palais, de leur ignorance d’un « avenir qui s’avérerait pétri de fumée et de vent14 ».

25Le propre du cinéma, du moins de ce type dominant de cinéma que l’on peut qualifier « de l’illusion », c'est-à-dire de l’illusion représentative, c’est que le récit y est tout entier enclos dans son univers diégétique. Le romancier Lampedusa peut sortir un instant du monde représenté pour évoquer Freud ou Eisenstein. Le cinéaste, sauf à superposer une voix off qui de loin en loin commenterait de l’extérieur l’histoire racontée, ne le peut pas. Ces mots d’auteur que nous évoquions, sont précisément, au théâtre comme au cinéma, le plus souvent de l’ordre d’un clin d’œil qui s’origine dans le présent : l’effet en est le plus souvent le rire ou le sourire entendu des spectateurs.

26En revanche le cinéma (le théâtre aussi, largement par imitation), a à sa disposition ce formidable outil de commentaire et de ponctuation qu’est la musique. C’est au compositeur Nino Rota, qui fut une sorte d’alter ego de Fellini qui lui doit tant, que Visconti s’adressa pour Le Guépard. Rota lui fit le cadeau d’une symphonie inachevée dont l’un des thèmes, d’un romantisme consommé, sera le fil conducteur du film. Cela pour ce qui concerne le plan musical non diégétique. Quant à son versant diégétique, il s’exprime tout au long du bal par une série de danses, polkas, mazurkas et quadrilles, ainsi que par la fameuse valse arrangée, à tout seigneur tout honneur, d’un inédit de Verdi. Ces musiques emportées ont pu sans doute contribuer à ce sentiment de la critique à la sortie du film : Visconti avait réalisé là son Autant en emporte le vent. Verdi, cet emblème de l’unité italienne, est également à l’honneur, mais en l’occurrence dans la dérision, à travers la fanfare affreusement cacophonique qui accompagne la famille Salina dans les rues de Donnafugata : air incongru des « bohémiennes » (Noi siamo zingarelle) du second acte de Traviata, et plus incongru encore, cet air tiré du même opéra « Aime-moi, Alfred » (Amami, Alfredo), chant d’amour désespéré de la pauvre Violetta, joué à l’orgue alors que le cortège pénètre dans l’église ! Ce sont là autant de contrepoints auctoriaux qui dans le sublime ou le grotesque donnent couleur et sens aux événements.

27Reste à aborder un point crucial quant aux choix qui ont présidé à l’adaptation et particulièrement la suppression du chapitre 7, celui si beau de la mort du prince. Une mort vue ou plutôt ressentie en focalisation interne par le mourant lui-même à travers cette phrase magnifique qui eût sans doute mérité de clôturer le roman : « Le fracas de la mer se calma tout d’un coup15. » Mais chez Lampedusa, suit un huitième chapitre dont on peut, comme pour le cinquième, s’interroger sur le bien-fondé, celui de la vieillesse bigote des demoiselles Salina qui collectionnent de fausses reliques, et de la décrépitude physique d’Angélique du fait d’une maladie « qui devait la transformer trois ans plus tard en une pitoyable larve16 ». En cette année 1910, Tancrède est déjà mort, sa figure rayonnante, « son affection moqueuse comme doit être toute affection17 », est encore omniprésente dans les cœurs et particulièrement dans le cœur de Concetta un instant apaisée par les confidences d’un vieil ami de Tancrède, sénateur, « qui parlait de celui-ci avec affection, qui lui apportait, à elle qui n’était qu’une ombre, le message du mort à travers ces marécages du temps18 ». Un théâtre d’ombres en effet que cette chute de la maison Salina qui se termine symboliquement par une seconde mort du prince à travers la scène quasi fantastique du chien Bendicò naturalisé depuis des lustres, vieille fourrure mitée, dont la forme « se recompos(e) un instant : on put voir danser dans l’air un quadrupède aux longues moustaches, à la dextre antérieure levée, dans un geste de malédiction19. » On aura reconnu là, bien entendu la silhouette fugitive du « guépard dansant », l’emblème héraldique des Salina. Nous avons déjà évoqué plus haut les raisons pour lesquelles le chapitre cinq a été évacué du scénario, les mêmes raisons valent sans doute pour le chapitre 8 : ce n’est pas l’histoire d’une famille que Visconti a souhaité raconter, mais les ébranlements de l’Histoire dans un milieu donné à un moment donné.

28Tout autrement se posait donc la question du chapitre 7, car la mort du prince est d’une certaine façon métonymique de la fin de sa caste. De ce point de vue, une séquence ultime comme sait les mettre en scène Visconti, n’eût pas manqué de grandeur (cf. la scène terminale de la mort d’Aschenbach dans Mort à Venise). Or, c’est là la spécificité du cinéma qui, dès lors qu’il s’empare d’un texte littéraire, procède (à l’instar des processus décrits par Freud s’agissant de l’élaboration des rêves), par condensations et déplacements. Ce qu’a largement théorisé Christian Metz dans son Signifiant imaginaire20. En l’occurrence un simple déplacement suffit ici à condenser les différentes morts, réelle et symboliques, du prince Salina dans le roman. Nous allons voir comment.

29Il se trouve que la mort annoncée du prince intervient une première fois au chapitre 6 : il s’agit de la contemplation dans laquelle il s’abime devant le tableau de La mort du juste, scène fidèlement reprise par Visconti (à ceci près que ses pensées s’expriment alors à haute voix devant les jeunes gens) : « Il se demanda si sa propre mort ressemblerait à celle-là. Oui, probablement, mais le linge ne serait pas impeccable – il savait bien, lui, que les draps des agonisants sont toujours sales […] 21 ». Mais revenons-en aux autres « morts » disposées dans les derniers chapitres du roman : nous avons évoqué la mort bien réelle du prince au chapitre 7, la mort symbolique du Guépard-Bendicò au chapitre 8, reste cette autre scène annonciatrice qui dans le roman se situe, chapitre 6, durant le trajet qui conduit en voiture la famille Salina au bal des Ponteleone. La voici telle qu’exprimée par Lampedusa : « La voiture s’arrêta au bas de la rue des Bambinai […]. On entendait un tintement grêle. On vit paraître un prêtre portant un calice, avec le Saint-Sacrement ; derrière, un enfant de chœur tenait un dais blanc brodé ; devant un autre enfant portait dans sa main gauche un gros cierge allumé […] À l’intérieur d’une de ces maisons soigneusement fermées se trouvait donc un moribond : on lui apportait le saint viatique. Don Fabrice descendit, s’agenouilla sur le trottoir, les femmes firent un signe de croix. Le tintement s’éloigna dans les ruelles […] 22. » Or cette scène est reprise par Visconti, mais au prix de deux transformations lourdes de signification. D’une part, il la situe non pas dans le temps de l’arrivée au bal, mais après la fête, moment topique de tristesse, on songe au poème de Leopardi « La sera del dì di festa ». Surtout, le prince qui a émis le désir de rentrer à pied est cette fois seul dans la rue à peine éclairée où passe le viatique. Se relevant après s’être agenouillé, on le voit simplement s’enfoncer dans la nuit : fin du film sur cette rencontre du prince avec la mort, « sa mort » aurait dit Cocteau. À l’inverse, Lampedusa choisit de le faire rentrer à l’aube, et la connotation en est évidemment tout autre, voire opposée : « Au fond d’une petite rue de traverse, on entrevit l’orient, au-dessus de la mer. Vénus brillait, enveloppée de son turban de vapeurs automnales. Toujours fidèle, elle attendait don Fabrice […]23. »

30C’est ici que peuvent se dissoudre les idées toutes faites : non, une adaptation n’est pas forcément moins pertinente, moins esthétique, que son texte souche, fût-il des plus grands, et c’est ici le cas, dès lors qu’elle mobilise avec art les ressources propres à son langage. Conclure ? Peut-être par ce jugement de Lampedusa qui avait déclaré à propos de La Chartreuse de Parme qu’elle avait été écrite par un homme âgé pour des hommes âgés. Ç’eût pu n’être qu’un simple constat. Dans le contexte, c’était un crime de lèse-monument littéraire, et l’on prend toujours des risques à ce petit jeu. Le retour du bâton ne se fit pas attendre, et le romancier Leonardo Sciascia put déclarer à la sortie du Guépard que c’était là un roman « écrit par un homme âgé pour des hommes âgés » ! Qu’en pensent les jeunes agrégatifs de l’année ? Et cette question vaut aussi pour les autres œuvres inscrites au programme de littérature comparée, La Marche de Radetzky et Le Temps retrouvé !

Notes de bas de page numériques

1 Le Guépard, scénario, Éditions Cappelli, 1963.

2 Laurence Schifano, Le Guépard, coll. Synopsis / Nathan, 1991.

3 Marcel Conche, Epicure en Corrèze, Stock, 2014, p. 141.

4 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, 1969, p. 161.

5 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, 1969, p. 53.

6 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, 1969, p. 47.

7 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p. 18.

8 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p. 91.

9 Laurence Schifano, Le Guépard, coll. Synopsis / Nathan, 1991.

10 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p. 119.

11 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p.309-310.

12 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p. 97.

13 Michel Serceau, L’adaptation cinématographique des textes littéraires, Editions du Céfal, Liège, 1999.

14 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p. 226.

15 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p. 347.

16 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p. 365.

17 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p. 344.

18 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p. 369.

19 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p. 381.

20 Christian Metz, Le Signifiant imaginaire, U.G.E./10-18, 1977.

21 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p. 313.

22 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p. 296-297.

23 G. Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, trad. Fanette Pézard, Le Livre de Poche, p. 328.

Pour citer cet article

Paul Léon, « Le Guépard : Visconti lecteur de Lampedusa », paru dans Loxias, 47., mis en ligne le 15 décembre 2014, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=7922.


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Paul Léon