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Hélène Barthelmebs  : 

L’Androgyne au service de la différence des sexes : l’exemple d’Orlanda (1996) de Jacqueline Harpman

Résumé

L’œuvre Orlanda (1996) de Jacqueline Harpman, auteure belge de langue française, met en scène de nombreux doubles et surtout maintes duplications. La dualité fait partie intégrante de son esthétique romanesque et interroge la notion d’identité sexuée à travers, entre autres, le personnage androgynique d’Orlanda. La spécificité de ce roman est de faire cohabiter les deux parties de l’androgyne, le Féminin et le Masculin, dans des corps distincts mais dans un même espace-temps, rendant ainsi la comparaison entre l’une et l’autre part de l’Ego possible. Le présent article vise à analyser le traitement du genre dans cette œuvre et à dégager les enjeux de cette métaphore identitaire.

Abstract

Orlanda (1996), written by Jacqueline Harpman, a French Belgian author, stages many literary doubles and above all a lot of duplications. Duality is an integrant part of her fictional aesthetics and questions the notion of sexual identity and gender through, among others things, the androgynous character Orlanda. The characteristic of this novel is the co-existence of both parts of the androgyne, male and female, in distinct bodies but living in a same space-time, allowing the comparison between the two parts of the Ego. The present article intends to analyse the way Harpman deals with gender in this book and to disclose the stakes of this identity metaphor.

Index

Mots-clés : androgyne , Butler, féminin, gender studies, genre, Harpman

Géographique : Belgique

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

1Le mythe de l’androgyne, relaté par Aristophane dans Le Banquet1, est plus que jamais d’actualité avec les Gender studies et les Feminine studies. Platon justifie dans ce discours non seulement les sentiments amoureux, l’Eros, mais aussi la différence des sexes.

2Dixit Aristophane, l’être humain pouvait appartenir à un des trois types existants : Homme/Femme, Homme/Homme (mâle) ou Femme/Femme (femelle). L’androgyne est l’être originel, parfait et absolu, qui illustre la complétude de l’Etre : il réunit en une même entité le Masculin et le Féminin. Etant porteurs de l’altérité dans leurs seins, les Hommes se suffisaient à eux-mêmes et n’avaient aucunement besoin de la présence divine. Ils ont été donc châtiés de leur orgueil par les dieux, qui ont envoyé Zeus les séparer d’un coup d’épée… condamnant du même coup l’humanité à rechercher sans cesse son double perdu. Platon développe par ce propos la notion de complétude et de complémentarité: l’être humain étant originellement double, il a besoin de l’Altérité pour pallier sa singularité. Ainsi, l’identité de l’être originel repose sur la fusion – plus que sur l’addition – du Soi et l’Autre ; l’alter ego, cet autre moi, permettant de retrouver l’identité complète de l’Etre.

3Comme l’indique son étymologie2, l’androgyne est porteur du binôme des opposés Masculin et Féminin. Cette dualité fait de lui un monstre au sens premier. Cicéron, dans De Divinatione, avait déjà placé la notion de « Monstre » à la croisée de plusieurs étymologies : d’un côté monere « avertir » et de l’autre monstrare « faire voir ». Actuellement, les définitions mettent toujours en avant la relation entre ces deux topoï : le dictionnaire Larousse propose plusieurs entrées pour le nom masculin « Monstre », il peut être «  un être vivant présentant une importante malformation, un être fantastique des légendes ou de la mythologie, ou encore un animal effrayant… ».

4Ainsi, l’androgyne est bien un monstre, au sens où il est un Être mythique et une aberration de la nature. Mais loin d’être effrayant, laid ou encore cruel, il soulève des questionnements propres aux Sciences Humaines : réunissant les deux sexes dans un seul corps, il montre et illustre la différence des sexes. Cet Être duel est de prime abord perçu comme un monstre, néanmoins il réalise et manifeste pleinement l’acception de l’autre en soi : fondamentalement, l’androgyne peut-il cristalliser la peur d’accepter l’autre en soi ?

5Pour répondre à cette question, nous appuierons notre réflexion sur l’œuvre de Jacqueline Harpman Orlanda (1996), ainsi que sur les théories des gender studies.

6Écrit en 1996, ce roman se veut être le double manifeste d’Orlando (1929) de Virginia Woolf. À l’instar du titre qui est la féminisation du titre de Woolf, Orlando, le personnage principal d’Harpman est à l’origine féminin. Dans ces deux œuvres du XXe siècle, c’est d’un « personnage-source » que naîtra le second : il / elle est la matrice de laquelle prendra naissance son opposé. Il est possible d’y voir un parallèle avec la Création biblique : Dans l’Ancien Testament (Genèse 2:21,22), Ève est décrite comme issue de la côte droite d’Adam. Certains exégètes ont émis l’hypothèse d’une erreur de traduction, par « côte » il conviendrait de comprendre « côté ». La femme serait donc l’autre versant de l’homme ; l’être humain originel serait, par conséquent, double : il aurait été porteur des deux sexes jusqu’au moment où le Féminin en aurait été scindé. Ainsi, le Masculin engendre le Féminin, et inversement… ce qui tend à montrer la présence des deux genres en chaque individu. Chez Woolf, le personnage Orlando cèdera la place à sa part féminine au milieu du roman, alors qu’Aline, dans Orlanda, se dédoublera : les deux parts de son être, la féminine et la masculine, cohabiteront donc dans un même espace / temps. Ce phénomène permet la confrontation entre ces deux opposés : le jeu de contraste en est d’autant plus saisissant.

7Nos deux auteures dépeignent des phénomènes de mutation, de « transindividuation », le roman de Jacqueline Harpman se présentant comme le miroir inversé de celui de Woolf : le Féminin se métamorphose ici en Masculin.

8Avant toute chose, il convient d’évoquer brièvement la trame narratrice d’Orlanda. Aline Berger se voit quittée par une part d’elle-même qui va s’enraciner dans le corps de Lucien, donnant ainsi naissance à l’Androgyne, Orlanda, non incarné et abstrait, qui réunit en une même entité Aline et Lucien. Orlanda découvre une liberté jusque-là inconnue : sous la forme de Lucien, il/elle tisse une relation amoureuse avec un jeune homme, se fait délibérément licencier de son emploi et abandonne sa famille d’adoption. En parallèle, Aline ne ressent qu’un faible manque et continue à vivre son quotidien. C’est au moment où Lucien se révèle à elle qu’Aline réalise son incomplétude. Les deux pendants d’Orlanda ne peuvent vivre l’un sans l’autre ; pourtant, Orlanda se refuse à réintégrer sa propriétaire originelle. Le roman s’achève sur le meurtre d’Orlanda par Aline.

9On se trouve donc dans le champ du trans, passage du Masculin au Féminin, mais aussi passage d’une métamorphose à un dédoublement. Déjà Simone de Beauvoir proposait de transfigurer les mythes dans le but de changer la condition féminine. L’Androgyne de Platon diffère des autres mythes fondateurs en cela qu’il pose l’altérité en principe fondamental de l’identité. Françoise Rétif, critique littéraire, précise à ce propos :

L’androgyne est le même et l’autre, l’identique et le différent, le masculin et le féminin, réunis en un. On peut même dire que, dans l’androgyne, le couple masculin/féminin, est conçu comme le prototype même de l’altérité. L’androgyne pose et résout en soi le problème de la coexistence, de l’égalité et de la réciprocité des contraires3.

10La spécificité d’Harpman est de faire cohabiter les deux parties de l’androgyne dans un même espace-temps : la comparaison entre l’une et l’autre part de l’Ego est possible, et les différences au sein d’une même entité sont donc pertinentes.

Première partie – La scission

11Ce roman repose sur un phénomène de division du personnage féminin, qui va donner naissance non seulement à son double mais aussi à Orlanda, l’androgyne originel ; d’unique, ce personnage deviendra donc triple. La scission se produit suite à une prise de conscience vécue comme intolérable et insupportable par une part psychique d’Aline : la dualité de l’être prend littéralement corps dans la violence et l’exacerbation des ressentis. Remy Puyuelo précise au sujet du dédoublement :

Lorsqu’apparaît chez un humain le désir d’anéantissement ou lorsque les événements de la vie le confrontent par leur violence au risque d’anéantissement, un dédoublement salvateur peut s’opérer. Il devient deux. La fragilité de l’unité menacée crée sa réplique comme un remède au désespoir4.

12Ainsi, le dédoublement garantit paradoxalement l’unité de l’être : pour survivre à sa destruction, l’identité se fragmente. Du point de vue psychiatrique, ce phénomène est avant tout un trouble de la personnalité, comme nous le verrons par la suite ; néanmoins, de cette scission naît la possibilité de se saisir de l’extérieur, l’être originel se composant du Moi (ego) et d’un autre Moi (alter-ego). Le regard se dédouble et c’est justement ce regard sur soi qui permet de définir sa propre identité.

13La division du personnage principal, Aline, est en elle-même monstrueuse : les catégories philosophiques du Masculin et du Féminin sont fondatrices de notre vision du Monde, tout en étant à l’origine de la pensée de la différence des sexes. Or, s’il suffit d’une simple pensée pour passer, voyager, d’un sexe à un autre, notre « filtre » pour saisir la différence des sexes n’est plus fiable. Jacqueline Harpman illustre ce phénomène dans Orlanda : une part d’Aline décide de l’abandonner et de vivre sa propre existence.

La chose est décidée, je change.
Je change ?5

14Cette scission interne de l’Être donne à réfléchir quant au genre sexué : pour reprendre le titre du fameux ouvrage de Judith Butler, on assiste à un « trouble dans le genre6 ». Le verbe « changer » est ici non seulement synonyme d’« abandonner », mais aussi de « modifier » : Orlanda, en quittant Aline, se réalise dans une nouvelle identité sexuée.

Le genre se révèle performatif − c’est-à-dire qu’il constitue l’identité qu’il est censé être. Ainsi, le genre est toujours un faire, mais non le fait d’un sujet qui précéderait ce faire […] Il n’y a pas d’identité de genre cachée derrière les expressions du genre ; cette identité est constituée sur un mode performatif par ces expressions, celles-là mêmes qui sont censées résulter de cette identité7.

15Ainsi, le genre n’est pas une donnée construite, et préalable au sujet, mais une variable évolutive, en construction et fluctuante. C’est cette dernière assertion qu’illustre ce roman de Jacqueline Harpman : Orlanda, en prenant un corps – masculin –, met en adéquation son genre et le corps qu’elle possède. Elle n’avait pas de place réelle dans l’identité d’Aline, car cette dernière l’avait refoulée au plus profond d’elle-même du fait d’une inadéquation profonde entre le déterminisme biologique – le corps féminin d’Aline – et son libre-arbitre.

16L’androgyne est ici le révélateur de l’altérité qui fait partie intégrante de l’être ; il ne saurait y avoir l’un sans l’autre. Aline et Lucien – Orlanda – sont les deux pendants, sécables mais néanmoins indissociables, d’une même entité. Le phénomène de dédoublement, de changement de genre, montre la présence initiale des deux pôles dans un même être ; néanmoins un pendant est nié (et peut-être dénié !) au profit de l’autre. Cette négation d’une part de soi est la manifestation d’une douleur identitaire : le sexe est perçu comme une donnée naturelle et non construite, il en résulte un mal-être, au sens propre, de l’individu dès qu’il ne répond pas aux normes sociales.

17S’il est manifeste dans le roman de Jacqueline Harpman que « Lucien » est un constituant d’Aline, la réciproque n’est pas tout à fait exacte. Lucien emporte dans sa fuite le savoir, les souvenirs et les goûts d’Aline, mais la principale intéressée se montre étrangement peu réceptive à l’amputation de son être psychique ! Cette dernière semble n’avoir presque aucune conscience de la présence de cette part d’elle-même… à tel point qu’elle ne remarque qu’à peine sa disparition :

Pourquoi suis-je si triste ?
Et la réponse se forma dans son esprit, claire, inévitable, même si nous savons qu’elle est incomplète : Parce que je suis toujours triste et je fais semblant d’être heureuse8.

18Par ce biais, Harpman dénonce l’éducation rigoriste dispensée aux filles ; dès le début du roman, l’auteure dresse le portrait d’une mère « abusive » et autoritaire. Ce référent maternel, loin d’encourager le développement personnel de sa fille, cherche à la faire correspondre aux clichés et aux stéréotypes du Féminin ; il s’agit pour elle de faire entrer Aline dans une généalogie féminine :

Elle ressemble à sa mère, qui ressemblait à sa mère, ce sont des générations de femmes bien élevées qui ont toutes eu le bonheur de ne pas recevoir trop de talents des fées conviées à se pencher sur leurs berceaux, de sorte qu’elles se sont fort bien accommodées de ce qui leur était permis9.

19Comment ne pas penser aux théories développées par Luce Irigaray10? En effet, la linguiste préconise l’inscription des femmes dans une lignée matrilinéaire dans la construction de l’identité féminine. Or, Harpman montre dans Orlanda un exemple « perverti » de la transmission des valeurs féminines : la mère d’Aline tend uniquement à la reproduction de codes sociaux stéréotypés et irréfléchis.

20Le « champ des possibles » est donc restreint pour une femme, car elle se doit de répondre à des critères précis. L’éducation de l’enfant-fille vise donc à la faire entrer dans le « moule » du Féminin. À travers deux anecdotes, Harpman dénonce les dégâts et les blessures produites par celle dispensée par Madame Berger-mère. La sentence maternelle « Comme tu es masculine11 » marque le début du processus du refoulement d’Orlanda. Dès lors, cette part d’elle sera étouffée au profit d’une pseudo-féminité : la petite fille ralentit ses gestes, abandonne les mathématiques au profit des Lettres, renonce à ses opinions pour ne pas froisser ses interlocuteurs, mène une vie rangée… il en résultera une sensation de vide. Aline, ne laissant se développer que la partie dite « féminine », ampute elle-même sa propre identité, au profit de son inscription dans une véritable « typologie du Féminin ».

21Notons qu’Harpman, à l’instar de Woolf12, procède à une critique de l’écriture féminine dans son œuvre. Le lien entre création littéraire et enfantement est largement commenté chez Harpman par le biais du personnage de la mère d’Aline : « les femmes n’entendent rien aux chiffres13 », « la conception et la gestation d’une œuvre sont affaires d’homme [...] la mère [l’] a si profondément inscrit dans la fille14 ». Dans cette citation se pose clairement le problème du rapport entre procréation et création. Les femmes semblent être cantonnées à ne pouvoir que se reproduire, alors que les hommes ont le pouvoir de produire. Aline ne peut donc légitimement aspirer à créer, même en littérature ! Bien qu’elle soit devenue professeur de littérature anglaise dans une université, ses avis, opinions ou réflexions apparaissent comme soumis au regard masculin : « Tu n’as rien compris, dit Charles, qui commença son exposé […] Je savais bien que je devais me taire !15 ». En effet, Aline passe sous silence ce qui est non-conformiste en elle.

22Le processus de refoulement a été à ce point efficace qu’Aline semble ignorer sa propre psyché : son identité s’est bâtie sur la négation d’une part de cette même identité. Lucien-Orlanda est dès lors contre-nature et contre-culture. En effet, non seulement, cette « fuite » d’une partie de l’Etre est de fait inquiétante – et remet en question notre vision de la différence des sexes – mais surtout,  Orlanda s’enfante elle-même. Cette part d’identité n’en apparaît que plus menaçante, car elle est monstrueuse au sens premier : elle s’est conçue hors des règles de reproduction. Lucien incarne donc un Masculin absolu car il s’affranchit même de la nécessité d’une matrice féminine. Placé dès lors en dehors des codes sociaux, il est libre de toute contrainte : il expérimente différentes situations au gré de ses envies, et ne refrène aucun de ses désirs. Au contraire de la part féminine – demeurée seule, en une sorte de Féminin total et pur –, Lucien se laisse aller à ses pulsions, sans ne serait-ce que chercher à les refouler ou à les nier.

Jamais Aline n’avait été aussi sauvagement secouée par la tempête, les digues s’effondraient et le désir déferla, envahissant tout, noyant sur son passage les dernières traces de Lucien Lefrène […]16.

23De plus, l’auteure belge brosse le portrait d’un Masculin impulsif, incontrôlable et très égocentré : la « part en fuite », étant âgée de douze ans, fait preuve d’une innocence désarmante – Lucien ne voit le mal nulle part. Il agit comme bon lui semble, exempt du joug social et moral. Ainsi, Lucien incarne non seulement le Masculin, mais surtout le ça – au sens freudien – d’Aline : il est la somme de toutes ses pulsions, frustrations et désirs. Orlanda symbolise le retour du refoulé ; l’éducation stricte d’Aline a permis de la museler, mais pas de le/la faire disparaître. L’être originel est demeuré silencieux mais néanmoins présent.

24De plus, le fait que la partie « libérée » d’Aline choisisse un corps masculin pour s’y incarner pose d’emblée les problématiques inhérentes à la notion de genre. Il est frappant de constater que la part la plus fougueuse, pulsionnelle et spontanée soit rattachée au Masculin par l’auteure. Cette dernière dépeint un personnage libre de toute contrainte sociale, et donc ne connaissant aucune autocensure.

25Bien entendu, une grande partie de ses pulsions sont d’ordre sexuel. L’auteure soulève par le biais du dédoublement des sexes les questionnements inhérents à la transsexualité. Aline est hétérosexuelle, et Julien « découlant » d’elle a hérité de sa sexualité : il est attiré par les hommes – exception faite, bien sûr, de son attirance pour son double féminin. «  En somme, il semble que j’ai changé de sexe, mais pas de sexualité.17 ».

26En effet, Orlanda, originellement de genre féminin, découvre la sexualité masculine « de l’intérieur ». « La moitié évadée d’Aline » est fascinée par cette possibilité :

Je partirais naïf vers des terres inconnues. Dieux ! quel voyage ! Ils me font rire avec l’Amérique, Christophe Colomb, l’Amazonie et le cercle polaire, même la lune et la planète Mars ! L’inconnu est en face, cent fois j’ai logé dans ses bras et je ne suis pas entrée. L’autre sexe est plus loin que Vega du Centaure […] nous sommes mêmement asservis à cette irréductible identité qui nous sépare autant que le sont les galaxies et nous fait nous ruer l’un vers l’autre, tentant de tromper la curiosité avec la plaisir. Jamais une femme n’a été un homme et jamais un homme n’a été une femme […].18

27Il / elle franchit « les galaxies » et n’est plus simple spectateur du désir masculin, le personnage l’éprouve concrètement. L’expérience corporelle de l’altérité amène Orlanda à prendre en compte la dissonance entre son corps féminin – entravé et soumis – et son esprit – libre. Par cet aspect, on se rapproche des questionnements inhérents à la transsexualité.

28Néanmoins, un autre élément fondateur du récit est aussi touché par ce phénomène de duplication : la narration. C’est sans doute la voix-off accompagnant le texte qui participe le plus à cet effet de déconstruction du genre narratif. L’auteure s’immisce dans son récit, tout en affirmant deux faits contraires : elle serait à la fois la créatrice de ces personnages de papier et une simple spectatrice – incapable de prévoir leurs comportements.

29Bien que ce procédé littéraire soit assez usité, ce double rôle relève lui aussi d’une césure de l’entité narratrice originelle : une « face » active, qui construit le récit et prend ainsi position, et une « face » passive, qui s’attache à le suivre… ou non ! Jacqueline Harpman se refuse parfois à accompagner Orlanda « sur les sentiers de la perdition » :

Nous ne la suivrons pas. La première fois, dans le train, je ne le connaissais pas encore et je ne pouvais pas deviner ce qui se passerait. Enfin… j’avoue que je m’en doutais et peut-être que quelque curiosité m’a fait m’attarder, je ne renouvellerai pas cette indiscrétion. Le fait est que la pornographie m’a toujours ennuyée et que je ne peux pas concevoir que des choses qu’il m’ennuierait d’écrire soient intéressantes à lire. Il faut rejoindre Aline qui s’attend à un samedi morose.19

30Ainsi, même son rôle de spectatrice est tronqué car elle choisit ce qu’elle regarde et dépeint au lecteur. Pourtant la nature de ces scènes ne fait pas le moindre doute, tant elle est manifeste : il s’agit des rapports homosexuels d’Orlanda. Le faux voile de pudeur qu’Harpman jette sur l’homosexualité masculine relève, selon nous, de la prétérition. En effet, cette sexualité se fait sur des rapports entre êtres du même sexe, deux entités identiques, deux « mêmes ». Or, cette dualité est au cœur même du roman… Ne pas décrire l’homosexualité revient justement à attirer l’attention du lecteur sur ce phénomène de gémellité.

31Pourtant, l’écriture d’Harpman et les deux demi-personnages cherchent à reformer l’Androgyne originel20 : c’est bien la différence des sexes qui est en jeu.

Deuxième partie – La fusion

32Contrairement aux androgynes « traditionnels21 » de la littérature, Orlanda ne prend naissance textuellement qu’avec la scission des deux êtres originaux. Si, bien sûr, l’entité cherche à se ressouder, c’est pourtant bien dans la séparation qu’elle « prend corps ».

33Au niveau de la narration-même, la présence de l’androgyne est nette : le nom Orlanda désigne Aline ou Lucien, sans réelle distinction. Orlanda est donc indifféremment l’un et l’autre, le Masculin et le Féminin.

34Le « Je » de la narration est donc double et mouvant, comme le souligne Orlanda : « je est un autre ? je est mille autres et puisque ce je me lasse, pourquoi ne pourrais-je pas le quitter ?22 ». Cette référence à la « lettre à Paul Demeny » d’Arthur Rimbaud insiste sur le rapport étroit entre identité et altérité : d’un côté, le regard sur soi se duplique pour pouvoir se saisir de l’extérieur, et de l’autre cela implique qu’on puisse être étranger à soi-même. La présence d’Orlanda, en tant qu’Autre, permet à Aline de se poser enfin la question de sa propre identité. Cette interrogation survient dès le début du roman, et ne cesse de revenir jusqu’à devenir un leitmotiv lancinant.

Quand on dit je, de qui parle-t-on ? si un autre peut dire qu’il est moi, où est moi, là ou ici ? Chacun de nous éprouve avec une conviction sans nuance la certitude d’être soi et puise sa stabilité dans cette assurance : Aline chancelait. Elle recula, s’appuya contre le chambranle et prononça, à haute voix, la syllabe menacée. Il ne se passa rien. Elle répéta JE pour les  murs, qui ne lui renvoyèrent pas d’écho. Devait-elle, disant ainsi je, considérer qu’une partie de ce je logeait dans un autre corps ? Pourtant on ne peut dire je que de là où on est ? Lucien Lefrène prétendait qu’il était je comme elle.23

35Plusieurs êtres se partagent la même identité, le lecteur assiste ici à un véritable « Trouble dissociatif de l’identité24 », dans lequel une même personnalité se fragmente. C’est justement cette séparation interne qui permettra à Aline de prendre en compte la totalité de son Etre. Elle saisit de l’extérieur cet Autre qui fait partie d’elle, d’où les questions spatiales mettant en évidence le lien entre « là » et « ici ».

36En parallèle, l’auteure joue de la notion de doubles littéraires. Harpman s’attache à multiplier les intertextualités dans son œuvre… les références à Woolf étant naturellement les plus manifestes. Non seulement Harpman fait de nombreux clins d’œil à l’auteure anglaise, mais elle commente aussi son écriture, quand elle ne s’adresse pas directement à elle :

Reste qu’il me faut trouver un nom à l’autre. Une inspiration médiocre irait au plus simple, et Aline donnerait Alain, mais quel manque de recherche ! Et où serait l’ambiguïté ? Alain, c’est Alain, c’est masculin sans équivoque, ce qui n’est pas le cas du personnage que les yeux de mon esprit suivent vers les toilettes. J’ai souvent admiré la sagacité de Woolf qui, après le changement de sexe, nomme toujours son personnage Orlando en mettant les pronoms personnels au féminin, elle entretient ainsi le trouble dans l’âme du lecteur, et je vais la copier : j’appellerai Orlanda la moitié évadée d’Aline, et j’espère que l’âme de Virginia ne me le reprochera pas et ne viendra pas peupler mes nuits de cauchemars, ce pour quoi je lui signale, si elle m’écoute, que ceci est le timide hommage d’une admiratrice et non le plagiat vulgaire d’une personne sans imagination.25

– Mais il n’a jamais été un garçon ! s’écria-t-elle. […] Tout n’est qu’allégorie, et c’est elle-même que Virginia raconte : enfant, elle était forte et ardente, elle jouait à la guerre contre les Maures au grenier, elle avait une amie qu’elle adorait et qui s’est mise à la négliger pour les garçons, alors elle s’est retirée dans l’étude et dans la rêverie. Il faut que je demande à Jacqueline si ce n’est pas cela qu’on nomme la période de latence, elle a appris à se raconter des histoires pour se divertir en secret.26

37Dans ce dernier extrait, l’auteure se dédouble : les dénominations d’auteure et de narratrice ne renvoient plus à la même personne. La narratrice veut parler à Jacqueline, qui n’est autre que l’auteure. Par ce biais, Harpman accentue le jeu de duplications des identités : le « Je » qui narre l’histoire est lui aussi pluriel. Les autres « doubles littéraires » sont nombreux : Paludes d’André Gide, Les Illusions perdues d’Honoré de Balzac… En démultipliant des références intertextuelles27 aux œuvres littéraires majeures, Harpman renforce l’idée de l’importance de l’altérité dans l’identité. Il se dégage de cette technique narrative une impression de polyphonie. Le roman Orlanda est nourri par ces apports littéraires ; en incorporant l’Autre dans son œuvre, Harpman enrichit la dialectique. Notons que ce procédé repose en partie sur sa propre mise en abîme : dès le début de l’œuvre, Orlanda réécrit Balzac pour son propre usage.

38De plus, les deux demi-personnages sont irrésistiblement attirés l’un vers l’autre, au point de ressentir des troubles psychiques et physiques du fait d’une séparation trop prolongée. Si l’hétérosexualité d’Orlanda pousse Lucien vers les hommes, c’est avec Aline qu’il découvre le sentiment de fusion. Le mythe originel platonicien présentait déjà l’acte sexuel comme le moyen de recréer l’androgyne originel. La complétude dépasse donc la simple sexualité, qui n’en est que le biais :

[...] pour chacun la drogue était l’autre, ils couraient à cet accolement des fronts qui les apaisait en les transformant en siamois, une seule tête pour deux corps et la complétude.28

39Relevons que l’unité retrouvée se fait par le truchement des fronts des protagonistes. La communication entre les deux demi-personnages passe par la tête, lieu où se trouvent le cerveau – et plus traditionnellement, l’âme. Les deux têtes en se touchant n’en forment plus qu’une, qui n’est ni l’une ni l’autre en particulier, mais plutôt une troisième. La tête est d’ailleurs le lieu symptomatique de la déchirure. Les deux personnages souffrent dès leur séparation de céphalées violente, que seul le recours à l’aspirine parvient à éradiquer. La violence de la scission se cristallise donc dans la récurrence de cet élément dans le texte : « Donne-moi de l’aspirine ! haleta-t-elle […] Ainsi Orlanda, à travers l’acide acétylsalicylique, marquait sa communauté d’esprit avec Aline29. ». Cet antalgique amoindrit la douleur provoquée par la déchirure de l’Etre premier ; il y a donc une violence, physique et morale, inhérente à cette scission… bien qu’Aline ne s’en soit qu’à peine aperçue et qu’Orlanda ait été à la seule instigatrice de sa fuite ! Par la suite, les manifestations de nervosité et de fébrilité iront en empirant.

40Enfin, la fusion du Masculin et du Féminin, le retour à l’être premier, se fera par le biais d’un acte monstrueux : le meurtre. Il convient de relever que l’horreur de cet acte violent en vient à effacer chez le lecteur tout sentiment d’ « étrange » quant à l’existence d’Orlanda. En effet, Harpman prend soin de préciser le caractère fictionnel – mais comment aurait-il pu en être autrement ? – de son roman dès l’exergue de l’œuvre :

ROMAN : Histoire feinte, écrite en prose, où l’auteur cherche à exciter l’intérêt par la peinture des passions, des mœurs, ou par la singularité des aventures.
Le Petit Littré, 1990.30

41La mort violente de Lucien est étrangement réelle et anodine dans cette fiction. Le meurtre perpétré par le pendant féminin d’Orlanda est en quelque sorte la mort de l’identité tronquée d’Aline, seul cet acte violent parvient à ressouder l’androgyne originel. En effet, elle force Orlanda à réintégrer sa place légitime en l’assassinant.

Tu l’as tué ! voulait-il crier, mais déjà la fusion s’accomplissait, il sentait qu’il n’était pas renvoyé dans les souterrains obscurs de l’exil, il s’unissait à Aline comme lorsqu’ils joignaient leurs fronts, alors il trembla d’incertitude, il perdait son identité d’enfant furieux mais il n’était plus nié […] il a un soupir d’aise où se consomme le retour, puis il cessa d’avoir une existence autonome et Aline agrandie inspira profondément31.

42De même que la séparation de l’androgyne avait été douloureuse et brutale, la réintégration de l’altérité est tout aussi violente. Néanmoins, la situation d’Aline est à jamais changée : le meurtre signifie la prise en compte de cette part, qu’elle s’était attachée à nier. Tuer revient donc ici à affirmer et non à supprimer : en exécutant Orlanda, Aline consolide sa propre identité et ses propres décisions. L’aspect, peut-être le plus important, est le retour à l’être originel. Harpman s’attache à décrire l’un par rapport à l’autre, mais fondamentalement les deux personnages sont les versants opposés d’un même être.

J’en suis toute étonnée, sans doute me disais-je, comme Orlanda, que seul le garçon possède la vigueur ; mais la pensée n’a pas de sexe, elle n’est ni fille ni mâle.32
Le Code civil ne prévoit pas son crime, qui est double puisqu’il a dérobé la moitié de son âme à une femme et tout son corps à un garçon. Il ne peut pas être dénoncé : l’une n’en sait rien et l’autre semble avoir disparu.33

43Cette mention au Code civil tend à amoindrir la portée de l’acte meurtrier d’Aline. Bien évidemment, cet acte est sanctionné socialement et pénalement. Pour en euphémiser la portée, Harpman clôt son œuvre par une « Moralité34 » qui n’en est absolument pas une ; le meurtre n’est que fiction.

44Enfin, la disparition, même brutale, d’Orlanda apparaît comme libératrice pour le lecteur. L’androgyne est reformé, et l’identité redevient singulière. Harpman joue des codes sociaux qui déterminent le genre d’un individu en précisant qu’Orlanda a choisi un corps masculin « par hasard »… Le découpage opéré entre les genres est donc une dénonciation de l’inégalité entre hommes et femmes : le Féminin apparaît comme bridé alors que le Masculin est libre. Le retour de la part masculine permet à Aline de saisir sa propre identité : elle est un individu à part entière, et non une simple construction sociale.

45Harpman tend donc à prouver l’importance du genre sur le sexe biologique : c’est bien de constructions mentales et sociales qu’il s’agit dans cette œuvre. Aline, si elle était née garçon, n’aurait pas eu à refouler ses pulsions… Notons néanmoins qu’il lui aurait sans doute fallu en refouler d’autres.

Conclusion

46Le roman de Jacqueline Harpman n’offre a priori aucune caractéristique de l’œuvre mettant en scène le monstrueux : les personnages ne sont ni effrayants ni mauvais, et la structure de l’œuvre respecte les canons littéraires.

47Pourtant, Jacqueline Harpman dépeint bien un monstre double, qui a pour rôle de mettre en lumière la différence des sexes. Les deux parts d’Aline montrent chacune un côté de l’androgyne originel : Aline représentant un Féminin codifié et Orlanda, le Masculin, synthétisant les pulsions inassouvies. Néanmoins, c’est dans la fusion des deux pôles opposés que réside la complétude de l’identité : tant qu’Aline niait la part de l’Autre en elle, son identité était amputée.

48Pour citer Pierre Laforge : « l’Androgyne est métaphore, il est la métaphore par excellence structurant à la frontière du pensable, sinon du représentable, l’imaginaire en ce qu’il échappe à toute formulation conceptuelle […]35 ». Néanmoins, au-delà de la figure de l’androgyne, c’est bien une interrogation de la notion de gender qui sous-tend cette œuvre romanesque.

49Dans Orlanda, Harpman opère un glissement du Mythos (invérifiable) vers le Logos (concret) : le mythe de l’androgyne permet d’aborder la question de la différence des sexes en partant d’une même entité. Dès lors, le(s) monstre(s) en présence interroge[nt] les notions de Masculin et de Féminin. Les deux genres, contenus dans chaque Être, cohabitent se confrontent et finissent par chercher la fusion originelle, qui correspond à l’identité originelle de l’être.

5012  Virginia Woolf, A Room of One’s Own [1929], Une Chambre à soi, trad. de Clara Malraux, Paris, 10-18, Bibliothèque, 2002, 171p.

Notes de bas de page numériques

1  Platon, Le Banquet [380 av. J.-C.], Paris, Garnier Flammarion, Philosophie, 1999, 189c – 193e.

2  Ce nom provient du grec ancien androgynê, composé des substantifs aner-andros signifiant « homme » et gynê-gynaïkos « femme ». La composition même de ce mot est une violence en soi : la fusion des deux noms force le sens originel et crée ainsi une nouvelle notion (somme des deux racines grecques).

3  Françoise Rétif, Simone de Beauvoir : L’autre en miroir, Paris, L’Harmattan, Bibliothèque du féminisme, 2010, pp. 70-71.

4  Rémy Puyuelo, Héros de l’enfance, figure de la survie, Paris, E.S.P., Vie de l’enfant, 1998, p. 78.

5  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 13 (édition d’étude).

6  Nous reprenons ici le titre d’un de ses plus fameux ouvrages afin de souligner l’importance du questionnement du genre sexué dans ce roman, et non de la réalité anatomique et biologique des sexes. Les gender studies sont nés aux Etats-Unis dans les années 1970. Ce sont les sciences sociales qui ont commencé à réfléchir sur le sexe en tant que « variable » et non plus en tant que « donnée découlant de la nature ». Dès lors, il s’agit d’envisager les différences homme/femme comme des constructions sociales. En tant que construction d’une réflexion autour du sexe et utilisation de cette variable dans les sciences sociales. En 1988, le chercheur Robert Stoller introduit l’idée que le binôme « Homme/Femme » n’est pas en lien avec « Masculin/Féminin », il s’agit de deux réalités différentes.

7  Judith Butler, Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion [trad. Cynthia Kraus], Paris, La Découverte, 2005 [1990], p. 97.

8  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 31.

9  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 30.

10  Luce Irigaray, Je-Tu-Nous, Paris, Grasset, 1990, p. 13.

11  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 27.

13  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 60. Les sciences dites dures restent généralement le domaine réservé des hommes dans l’imaginaire collectif. Ce n’est que très récemment que les études scientifiques se sont féminisées.

14  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 66.

15  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 54.

16  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 36.

17  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 43.

18  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 12.

19  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 60.

20  Orlando met en scène une succession : les deux parts, masculine et féminine, ne sont pas amenées à se côtoyer, elles investissent à tour de rôle le personnage central.

21  On pense, entre autres, à Séraphîta (1835) d’Honoré de Balzac, à Fragoletta (1829) d’Henri de Latouche, à Mademoiselle de Maupin (1835) de Théophile Gautier…

22  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 12 [l’auteure souligne].

23  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 128 [l’auteure souligne].

24  Julien Gulfi, Frédéric Rouillon, Manuel de psychiatrie, Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson, 2007, p. 218. Les auteurs définissent ce trouble psychiatrique par « l’existence chez un même sujet d’au moins deux personnalités, ou deux identités, ayant chacune ses modes de perception, de relation, de comportement face aux autres et au monde extérieur. Les attitudes, les sexes, les cultures, éventuellement les latéralités, les écritures sont différents, de même que le nom, l’âge et l’état civil. »

25  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 20.

26  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 64.

27  Susan Bainbrigge, Identité, altérité et intertextualité dans l’écriture de Neel Doff, Rolin, Jacqueline Harpman, et Amélie Nothomb, Lincoln, Presses Universitaires du Nebraska, Nouvelles Etudes Francophones, vol.19, n°2, 2004.

28  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 218.

29  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 54.

30  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 6.

31  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 243.

32  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 65.

33  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 85.

34  Jacqueline Harpman, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, p. 251.

35  Pierre Laforge, L’Éros romantique. Représentations de l’amour en 1830, Paris, Presses Universitaires de France,1998, p. 88.

Bibliographie

Butler Judith, Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, trad. Cynthia Kraus, Paris, La Découverte, 2005 [1990], 281p.

Harpman Jacqueline, Orlanda, Paris, Grasset & Fasquelles, Livre de poche, 1996, 248p.

Gulfi Julien, Rouillon Frédéric, Manuel de psychiatrie, Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson, 2007, 824p.

Irigaray Luce, Je-Tu-Nous, Paris, Grasset, 1990, 161p.

Lascault Gilbert, Le monstre dans l'art occidental, Paris, Klincksieck, 1973, 466p.

Monneyron Frédéric, L’Androgyne décadent : Mythe, figure, fantasmes, Grenoble, ELLUG, 1996, 184p.

Platon, Le Banquet [trad. de Luc Brisson], Paris, Garnier Flammarion, Philosophie, 1999 [380 av. J.-C.], 288p.

Retif Françoise, Simone de Beauvoir : L’autre en miroir, Paris, L’Harmattan, Bibliothèque du féminisme, 2010, 186p.

Woolf Virginia, Orlando [trad. de Charles Mauron], Paris, Stock, 2005 [1929], 417p.

Woolf Virginia, A Room of One’s Own [trad. de Clara Malraux, Une Chambre à soi], Paris, 10-18, Bibliothèque, 2002 [1929], 171p.

Pour citer cet article

Hélène Barthelmebs, « L’Androgyne au service de la différence des sexes : l’exemple d’Orlanda (1996) de Jacqueline Harpman », paru dans Loxias, Loxias 34, mis en ligne le 15 septembre 2011, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=6903.


Auteurs

Hélène Barthelmebs

Hélène Barthelmebs prépare actuellement une thèse de doctorat sur les « Identités plurielles : constructions des identités féminines dans la littérature francophone à partir de 1950 » sous la direction du Professeur Peter Schnyder à l’Institut de recherche en Littératures et Langues Européenne. Par ailleurs, elle est allocataire-monitrice en Lettres modernes au sein de l’Université de Haute-Alsace.