Loxias | Loxias 27 Autour des programmes de lettres aux concours 2010: agrégation, CPGE | II. Programmes de littérature des concours CPGE 

Odile Gannier  : 

De l’usage des notes dans le Discours sur l’inégalité de Rousseau : récits de voyages et ethnographie

Résumé

Le Discours sur l’inégalité a jeté les bases d’un système qui devait comprendre aussi l’Essai sur l’origine des langues et le Contrat social. Il repose sur un raisonnement de type anthropologique, qui prend en particulier pour exemple et pour hypothèse l’homme sauvage dont il a découvert les descriptions dans les récits de voyage qui circulent largement à son époque. Ces relations fournissent ainsi le matériau initial et la légitimation de ses spéculations. Mais il faut observer plus précisément l’usage que Rousseau fait de ces observations ethnographiques, et en particulier comment il les utilise dans son Discours : souvent en note, ces références anthropologiques affectent d’être secondaires alors qu’elles conditionnent l’équilibre de tout l’édifice.

Index

Mots-clés : anthropologie et littérature , Discours sur l'inégalité, ethnographie, littérature infrapaginale, note, Rousseau, sauvage, sciences de l'homme, voyage

Géographique : France

Chronologique : XVIIIe siècle

Plan

Texte intégral

Je suis voyageur et marin ; c’est-à-dire, un menteur et un imbécile aux yeux de cette classe d’écrivains paresseux et superbes qui, dans les ombres de leur cabinet, philosophent à perte de vue sur le monde et ses habitants, et soumettent impérieusement la nature à leurs imaginations. Procédé bien singulier, bien inconcevable de la part de gens qui, n’ayant rien observé par eux-mêmes, n’écrivent, ne dogmatisent que d’après des observations empruntées de ces mêmes voyageurs auxquels ils refusent la faculté de voir et de penser1.

1Bougainville, rentrant de son tour du monde, ne peut facilement supporter cette forme d’arrogance des philosophes retirés tranquillement dans leur petit domaine. Le lecteur ne peut qu’y voir une réponse clairement allusive à la note X du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes :

Il n'y a guéres que quatre sortes d'hommes qui fassent des voyages de long cours ; les Marins, les Marchands, les Soldats et les Missionnaires ; Or, on ne doit guéres s'attendre que les trois premières Classes fournissent de bons Observateurs, et quant à ceux de la quatriéme, occupés de la vocation sublime qui les appelle, quand ils ne seroient pas sujets à des préjugés d'état comme tous les autres, on doit croire qu'ils ne se livreroient pas volontiers à des recherches qui paroissent de pure curiosité, et qui les détourneroient des travaux plus importans auxquels ils se destinent2.

2Dans ce Discours, le paradoxe semble éclatant : celui qui prétend s’affranchir à la fois des croyances, des faits et des livres – en décrétant travailler « sans avoir recours aux connaissances surnaturelles que nous avons sur ce point3 » dans la première partie, « laissant donc tous les livres scientifiques4 » dans sa préface et affirmant : « Commençons donc par écarter tous les faits5 » dans son introduction – celui-ci se livre à un exercice de spéculation qui finalement s’appuiera sur un choix de livres et de faits. On peut même parler de « double parcours de l’imaginaire au théorique et du théorique à l’imaginaire6 ». On peut justement se demander quel usage il en fait malgré ses dénégations liminaires.

3La critique a très souvent souligné l’évidence du recours intensif aux récits de voyage, dont il ne fait pas mystère. Gilbert Chinard, en 1913, observait :

Si maintenant nous dépouillons les œuvres de Jean-Jacques et, en particulier, le second Discours, nous allons retrouver la trace de ses nombreuses lectures. Car, loin de rien cacher, il nous a indiqué lui-même les sources auxquelles il avait puisé. Dans les notes du Discours sur l’inégalité, il nous renvoie à Buffon, Kolben, Corréal, à l’Histoire générale des voyages7.

4C’est dans la réflexion que lui inspirent ces lectures que se fait véritablement le travail du Discours et plus largement la composition du système de pensée qui va être le sien. Starobinski marque d’ailleurs le tournant qui différencie le deuxième Discours du premier :

Rousseau a décidé de donner au public le spectacle d’une pensée armée ; le second Discours est un ouvrage fortifié. Le lecteur aura tôt fait de s’en apercevoir : les batteries sont disposées de tous côtés. Parmi les notes finales, certaines sont à très longue portée… Péremptoire, tranchant dans ses affirmations et ses négations, capable aussi de développer des images douées d’une étrange puissance, le style de Rousseau en appelle ici à tous les moyens de persuasion. Ce n’est plus seulement un réquisitoire, comme le premier Discours ; c’est une investigation (le mot est un néologisme que Rousseau vient d’imposer)8.

5Cette investigation repose sur une certaine conception de la civilisation – le mot serait apparu dans le sens « moderne » dans le Dictionnaire universel de Trévoux en 1771, qui s’appuie sur le néologisme de sens proposé en 17569 ; l’adjectif « civilisé », cependant, avait déjà été utilisé par Montaigne. Rousseau en explore le sens et les implications10 : cette vision optimiste des progrès de l’humanité vers une société civile plus harmonieuse et plus policée n’est pas celle qu’il retient. Les sources ethnographiques qu’utilise Rousseau vont plutôt dans un autre sens : par le recours à l’exemple des « sauvages » il entend écrire une autre histoire. Et ces fondations de l’ethnographie sont, dans le deuxième Discours, dépendantes du régime argumentatif des notes.

Les fondements des sciences de l’homme

La philosophie politique

6Répondant à une question académique, Rousseau profite de cette tribune pour élaborer une réflexion décalée, mais il procède différemment dans le premier et dans le second concours de Dijon. En 1750, la question globale « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs » semblait sous-entendre une réponse positive, à laquelle Rousseau se dérobe de façon brillamment paradoxale. Au contraire, la question « Quelle est l’origine de l’inégalité parmi les hommes, et si elle est autorisée par la loi naturelle » implique une réflexion de fond sur les principes et les causes, l’inégalité étant posée dès l’abord comme indiscutable. Le problème de la loi naturelle est un thème déjà rebattu au moment où Rousseau s’apprête à le traiter – ou plutôt de l’écarter pour déplacer son analyse sur les véritables fondements de l’inégalité dans la société civile.

De quoi s’agit-il donc précisement dans ce Discours ? De marquer dans le progrés des choses, le moment où le Droit succedant à la Violence, la Nature fut soumise à la Loi ; d’expliquer par quel enchaînement de prodiges le fort put se resoudre à servir le foible, et le peuple à acheter un repos en idée, au prix d’une félicité réelle11.

7Rousseau redéfinit donc le sujet à sa façon, et jette les bases d’une nouvelle histoire de la philosophie politique : l’inégalité « naturelle ou Phisique12 » est admise et balayée dès les premières pages, « qui consiste dans la différence des âges, de la santé, des forces du Corps, et des qualités de l’Esprit13 ». La force musculaire se conjugue avec l’agilité et la robustesse, propres à la défense contre les bêtes sauvages et les aléas du climat ; il lui faut seulement accepter « les infirmités naturelles, l’enfance, la vieillesse, et les maladies de toute espéce14 », encore que ces dernières soient surtout présentées comme l’effet d’un affaiblissement dû à la vie en société. Pour Rousseau, le problème de l’inégalité ne relève donc pas essentiellement de la nature mais de la culture, idée qu’il reprend sous plusieurs formes15. La « loi naturelle » ne serait pas un concept opératoire, au regard d’une analyse plus serrée des méfaits profonds de la « civilisation » sur l’individu. « On ne peut pas demander quelle est la source de l’inégalité Naturelle, parce que la réponse se trouveroit énoncée dans la simple définition du mot16 ». Passons donc sans plus tarder, dit Rousseau, à des questions autrement plus intéressantes.

8Le Discours s’attache donc à montrer le processus par lequel les sociétés connues des contemporains de Rousseau se sont établies sur le principe de l’inégalité, sans que celle-ci ait aucun fondement défendable moral ou politique. On peut seulement en imaginer ou en repérer les étapes historiques. Malgré tout, s’il fonde ici un système cohérent à travers l’assemblage de textes distincts, Rousseau n’est pas isolé dans son entreprise : avec ses discours, son article sur l’économie politique, Du Contrat social, voire La Nouvelle Héloïse, Rousseau rejoint la cohorte des philosophes et moralistes politiques, d’Aristote à Diderot, en passant par Locke, Sydney, Grotius, Hobbes, Pufendorf, Montesquieu et bien d’autres – qu’il cite lui-même : « Les Philosophes qui ont examiné les fondemens de la société ont tous senti la nécessité de remonter jusqu’à l’état de Nature, mais aucun d’eux n’y est arrivé17 ». Son propos est peut-être plus radical que d’autres, mais son originalité est donc ailleurs, dans une méthode et le choix d’exemples nouveaux. Il prétend tenter, lui, de remonter par hypothèse à l’Homme originel, dont le sauvage, mutatis mutandis, est un avatar acceptable pour les besoins de l’expérience, ce qui va occuper la première partie du Discours.

Car comment connoître la source de l’inégalité parmi les hommes, si l’on ne commence par les connoître eux mêmes ? et comment l’homme viendra-t-il à bout de se voir tel que l’a formé la Nature, à travers tous les changemens que la succession des tems et des choses a dû produire dans sa constitution originelle, et de démêler ce qu’il tient de son propre fond d’avec ce que les circonstances et ses progrès ont ajoûté ou changé à son Etat primitif ?18

Une formalisation nouvelle d’une branche de la philosophie

9Lévi-Strauss, en 1962, avait souligné sa dette à l’égard de Rousseau, parce que

cette ethnologie qui n’existait pas encore, il l’avait, un plein siècle avant qu’elle ne fît son apparition, conçue, voulue et annoncée, la mettant d’emblée à son rang parmi les sciences naturelles et humaines déjà constituées ; et qu’il avait même deviné sous quelle forme pratique – grâce au mécénat individuel ou collectif – il lui serait donné de faire ses premiers pas19.

10Jusque là, la philosophie s’est bien attachée à étudier l’homme – seul ou en société –, mais insuffisamment au gré de Rousseau, puisqu’elle ne prend pas réellement en compte la diversité des cultures : « Les particuliers ont beau aller et venir, il semble que la Philosophie ne voyage point20 », ou plutôt, elle ne tire aucun bénéfice apparent de ces excursus hors d’une société donnée. En effet, lit-on dans la note X,

On n’ouvre pas un livre de voyages où l’on ne trouve des descriptions de caractères et de mœurs ; mais on est tout étonné d’y voir que ces gens qui ont tant décrit de choses, n’ont dit que ce que chacun savoit déjà, n’ont su apperçevoir à l'autre bout du monde que ce qu’il n’eût tenu qu’à eux de remarquer sans sortir de leur rüe, et que ces traits vrais qui distinguent les Nations, et qui frappent les yeux faits pour voir ont presque toujours échappé aux leurs. De là est venu ce bel adage de morale, si rebattu par la tourbe Philosophesque, que les hommes sont par tout les mêmes, qu’ayant par tout les mêmes passions et les mêmes vices, il est assés inutile de chercher à caractériser les différens Peuples ; ce qui est à peu près aussi bien raisonné que si l’on disoit qu'on ne sauroit distinguer Pierre d’avec Jaques, parce qu’ils ont tous deux un nés, une bouche et des yeux21.

11L’étude du genre humain telle que la conçoit Rousseau ne relève donc pas de l’universalisme. En fait, écrit-il dans l’Essai sur l’origine des langues,

Quand on veut étudier les hommes il faut regarder près de soi ; mais pour étudier l’homme il faut apprendre à porter sa vüe au loin ; il faut d’abord observer les différences pour découvrir les propriétés22.

12Par cette remarque il ne fonde rien de moins que l’anthropologie, ou « science de l’homme », sans utiliser ce vocable : en effet il établit les concepts quoiqu’il ne les nomme pas. En l’occurrence, plus que de l’universalisme, c’est plutôt de l’ethnocentrisme23 qu’il souligne les défauts, dans le sens où la « tourbe philosophesque » – expression particulièrement méprisante du fait que le suffixe de l’adjectif renforce la réification collective déjà injurieuse –, où le piètre philosophe, donc, généralise abusivement en attribuant à tous, sans plus ample examen, les traits qui caractérisent sa propre société. Cette tendance va jusqu’à obérer les facultés d’observation elles-mêmes. « Le grand défaut des Européens est de philosopher toujours sur les origines des choses d’après ce qui se passe autour d’eux24 », écrit-il dans l’Essai sur l’origine des langues. Cependant, in fine, ce sont bien des principes supposés inhérents à la nature humaine que l’on traque à travers des exemples variés d’« hommes sauvages », non pervertis encore par la « civilisation », ou aussi peu que possible.

13Le sujet était a priori inéluctable dans cette situation particulière d’écriture, qui consiste à rédiger une dissertation sur un sujet donné, sous une forme et un volume fixés, à remettre à une date précise : « Il sera libre d’écrire en François ou en Latin, il ne faut pas que la lecture excède trois quarts d’heure25. » L’objet de sa recherche devrait donc être « l’origine et les fondements de l’inégalité entre les hommes ». Or Rousseau détourne le propos en gommant l’implicite de la question et en refusant de considérer les différences de la nature physique et la volonté divine qui en est cause ; en quelque sorte il se situe délibérément dans le hors-sujet en consacrant son étude aux conditions qui déterminent l’établissement de l’inégalité entre les hommes une fois réunis en société : le philosophe modifie ainsi la portée politique de la question. Mais on peut lire en outre le deuxième Discours comme un traité de la façon dont il faut utiliser ses sources et construire une théorie – même si cette méthode relève aussi d’une forme assez classique, à la suite de Descartes et de « son rejet de l’érudition et son souci d’un fondement indubitable26 » ; principe cohérent avec le fait que le texte est écrit en français, ce qui n’est pas indifférent quant à la portée idéologique du propos. Ensuite l’autre objet du discours est de poser par hypothèse l’existence d’un homme primitif dont la silhouette est décelable à travers les descriptions fournies par les relations de voyage. S’enquérir de la diversité humaine est à la fois pour Rousseau l’objectif initial de sa recherche documentaire et le moyen de parvenir à ses conclusions.

14Si l’on veut adopter la différence entre l’étude et la description, on peut considérer que la science dont il rêve est bien l’ethnologie, tandis que les éléments dont il se sert relèvent plutôt, eux, de l’ethnographie, présentés par les récits des voyageurs ou par l’Histoire générale des voyages. Cependant, d’après Rousseau, les sources – sans être du tout négligeables –, ne sont pas d’aussi grande qualité qu’il le souhaiterait pour être renseigné valablement sur les autres peuples car « Il n’y a guéres que quatre sortes d'hommes qui fassent des voyages de long cours ; les Marins, les Marchands, les Soldats et les Missionnaires27. » Or ce sont des voyageurs qui peuvent être d’excellents observateurs, mais qui exercent aussi une fonction susceptible de nuire à l’objectivité de l’« ethnologue ». Le meilleur observateur des hommes sera celui qui, oubliant toute autre préoccupation, pourra se consacrer sans réserve à l’observation des peuples étrangers :

j'ai peine à concevoir comment dans un Siécle où l'on se pique de belles connoissances il ne se trouve pas deux hommes bien unis, riches, l'un en argent, l'autre en genie, tous deux aimant la gloire et aspirant à l'immortalité, dont l'un sacrifie vingt mille écus de son bien et l'autre dix ans de sa vie à un célébre voyage autour du monde ; pour y étudier, non toûjours des pierres et des plantes, mais une fois les hommes et les mœurs, et qui, après tant de siécles employés à mesurer et considerer la maison, s'avisent enfin d'en vouloir connaître les habitans28.

15Cet ethnographe serait idéalement à même de rapporter aux philosophes la matière d’une nouvelle science, dans le même mouvement qui pousse les savants à donner des instructions précises aux voyageurs pour la récolte des plantes ou la conservation des spécimens : ne voyageant pas nécessairement eux-mêmes, les savants pourront dans leur laboratoire faire progresser une science « hors-sol ». L’anthropologie naît véritablement de ce projet, porté, cependant, plus par une époque que par un seul homme. Rousseau formalise ce programme, plus qu’il ne l’invente véritablement.

Une nouvelle méthode

16En 1800, Joseph-Marie de Gérando, au nom de la Société des Observateurs de l’Homme, devait exprimer la même ambition, dans une plaquette rédigée à l’intention du capitaine Baudin, s’embarquant pour le Pacifique, et de Levaillant, partant en Afrique : Considérations sur les diverses méthodes à suivre dans l’observation des peuples sauvages. Dans ses attendus, il note :

L’homme tel qu’il se montre à nous, dans les individus qui nous entourent, se trouve à la fois modifié par mille circonstances diverses, par l’éducation, le climat, les institutions politiques, les mœurs, les opinions établies, par les effets de l’imitation, par l’influence des besoins factices qu’il s’est créés. Au milieu de tant de causes diverses qui se réunissent pour produire ce grand et intéressant effet, nous ne saurons jamais démêler l’action précise qui appartient à chacune si nous ne trouvons des termes de comparaison qui isolent l’homme des circonstances particulières dans lesquelles il s’offre à nous, et qui lui enlèvent ses formes accessoires sous lesquelles l’art a voilé en quelque sorte l’ouvrage de la nature.

Or, de tous les termes de comparaison que nous pouvons choisir, il n’en est point de plus curieux, de plus fécond en méditations utiles que celui que nous présentent les peuples sauvages29.

17C’est ce qu’avait entrepris Rousseau en se documentant aux meilleures sources possibles. Chemin faisant il commente sa démarche, tentant de prévenir ainsi les observations de ses contradicteurs :

J’ai tâché d’exposer l’origine et le progrès de l’inégalité, l’établissement et l’abus des sociétés politiques, autant que ces choses peuvent se déduire de la nature de l’homme par les seules lumières de la raison, et indépendamment des dogmes sacrés qui donnent à l’autorité souveraine la sanction du droit divin30.

18Le mode de connaissance délibérément écarté par Rousseau est le recours au texte biblique. Dès les premières pages, il évacue le dogme intangible par une fausse soumission, afin de se laisser toute liberté de spéculer.

La Religion nous ordonne de croire que Dieu lui-même ayant tiré les Hommes de l’état de Nature, ils sont inégaux parce qu’il a voulu qu’ils le fussent ; mais elle ne nous défend pas de former des conjectures tirées de la seule nature de l’homme et des Êtres qui l’environnent, sur ce qu’auroit pu devenir le Genre-humain, s’il fût resté abandonné à lui-même31.

19Il est d’autant plus nécessaire à Rousseau de ne pas s’appuyer sur le texte biblique qu’il entend passer entièrement sous silence la pièce maîtresse du dogme, le hiatus entre le paradis et la réalité de l’existence humaine après le péché originel et la chute. L’homme selon la religion commet le mal dès qu’il croit avoir son libre-arbitre, mais il est éventuellement susceptible de se racheter ; l’homme primitif selon Rousseau est bon, quoique sans société et sans religion, mais il se pervertit peu à peu au contact de ses semblables et par l’instauration de la propriété. L’histoire est donc différente, même si le présent est très imparfait dans les deux scénarios. La conception la plus répandue à l’époque de Rousseau est celle de la perfectibilité de l’homme grâce aux progrès de la civilisation. Rousseau se démarque par rapport à ses devanciers :

Enfin tous, parlant sans cesse de besoin, d’avidité, d’oppression, de désirs, et d’orgueil, ont transporté à l’état de nature des idées qu’ils avaient prises dans la société. Ils parlaient de l’homme sauvage, et ils peignaient l’homme civil32.

20D’autre part, même s’ils essaient de concevoir un homme « préhistorique » – quoique ce terme ne soit pas encore de mise –, les Européens se représentent des créatures confrontées à une situation très difficile, qui ne peut que s’améliorer avec les innovations techniques :

Ils ne manquent point de nous montrer les premiers hommes habitans une terre ingrate et rude, mourant de froid et de faim, empressés à se faire un couvert et des habits ; ils ne voyent par tout que la neige et les glaces de l’Europe ; sans songer que l’espèce humaine ainsi que toutes les autres a pris naissance dans les pays chauds et que sur les deux tiers du globe l’hiver est à peine connu33.

21Rousseau veut donc repartir sur des bases plus proches du réel, pour imaginer une reconstitution vraisemblable de la réalité historique, une « histoire hypothétique des gouvernements34 ».

Car ce n’est pas une légére entreprise de démêler ce qu’il y a d’originaire et d’artificiel dans la Nature actuelle de l’homme, et de bien connoître un État qui n’existe plus, qui n’a peut-être point existé, qui probablement n’existera jamais, et dont il est pourtant necessaire d'avoir des Notions justes pour bien juger de nôtre état présent35.

22Sa méthode est originale dans le sens où, ayant congédié la légitimation de la transcendance, il mêle les renvois attendus aux philosophes dont l’autorité a été reconnue en ces matières (sources de type historique), les autres lectures qu’il a pu faire des relations de voyages plus ou moins contemporains (sources de type géographique, en synchronie), et ses propres spéculations.

J'avoue que les évenemens que j’ai à décrire ayant pu arriver de plusieurs maniéres, je ne puis me déterminer sur le choix que par des conjectures ; mais outre que ces conjectures deviennent des raisons, quand elles sont les plus probables qu’on puisse tirer de la nature des choses et les seuls moyens qu’on puisse avoir de découvrir la verité, les consequences que je veux déduire des miennes ne seront point pour cela conjecturales, puisque, sur les principes que je viens d’établir, on ne sauroit former aucun autre système qui ne me fournisse les mêmes résultats, et dont je ne puisse tirer les mêmes conclusions36.

23Cependant, il est toujours conscient des difficultés de son entreprise. « Il me seroit aisé, si cela m’étoit nécessaire, d’appuier ce sentiment par les faits37. » C’est ce à quoi il va s’employer.

24Comme le dit J. Starobinski, « Rousseau a trouvé sa grande manière38 » : la question de l’Académie n’est plus qu’un prétexte. « Si son projet était de conquérir les suffrages de l’Académie de Dijon, il s’y prenait fort mal39. » Mais il semble bien que Rousseau ait changé de projet en chemin : la question a suscité chez lui une réflexion qui s’éloigne d’une rhétorique académique. L’occasion lui a été donnée de développer un raisonnement nouveau, et cette découverte porte en soi sa propre récompense.

Une démonstration par l’exemple : le sauvage

Des exemples ethnographiques

25Le premier Discours reposait sur une intuition, le second s’est nourri et grossi de références. « Les exemples du premier Discours sont beaucoup plus décoratifs qu’argumentatifs : ils viennent quand la conviction de l’auteur est faite40. » Le Discours sur les sciences et les arts présentait déjà une dizaine de notes, qui fournissaient quelques exemples complémentaires, essentiellement tirés de l’Antiquité – sauf une allusion aux Indiens d’Amérique et une remarque sur les effets de l’imprimerie. Victor Goldschmidt souligne d’ailleurs le fait que les exemples de Pufendorf et Leibniz sont, eux, aussi essentiellement tirés de l’histoire ancienne et biblique41, à la différence d’un Bodin, par exemple, qui se réfère à l’histoire contemporaine. Mais un panachage des références antiques et contemporaines est aussi attesté par Montaigne, pour ne mentionner que lui, que Rousseau cite à plusieurs reprises, voire dont il reprend presque terme à terme, dans les derniers mots du Discours sur l’Inégalité, la conclusion du célèbre chapitre sur « les Cannibales » (Essais, I, xxxi) : Montaigne y tirait déjà d’intéressantes remarques politiques des témoignages de trois Brésiliens.

26C’est également ainsi qu’avait procédé le Père Lafitau dans ses Mœurs des sauvages américains, comparées aux mœurs des premiers temps :

J’ai lû aussi les Relations qui ont été données au Public en divers tems par différens Auteurs, & en particulier par les Missionnaires […]. Je ne me suis pas contenté de connoître le caractère des Sauvages, & de m’informer de leurs coûtumes & de leurs pratiques, j’ai cherché dans ces pratiques & dans ces coûtumes des vestiges de l’Antiquité la plus reculée ; j’ai lû avec soin ceux des Auteurs les plus anciens qui ont traité des Mœurs, des Loix, & des Usages des Peuples dont ils avoient quelque connaissance ; j’ai fait la comparaison de ces Mœurs les unes avec les autres, & j’avouë que si les Auteurs anciens m’ont donné des lumiéres pour appuyer quelques conjectures heureuses touchant les Sauvages, les Coûtumes des Sauvages m’ont donné des lumières pour entendre plus facilement et pour expliquer plusieurs choses qui sont dans les Auteurs anciens42.

27Si Lafitau a effectivement connu les Amérindiens, ses descriptions relèvent pleinement de l’ethnographie, attentif qu’il est à recouper les relations des précédents voyageurs (souvent missionnaires) et ses propres observations. Le rapprochement avec les Anciens donne plus de poids aux cultures qu’il décrit, et il montre le plus grand souci de l’objectivité et de l’honnêteté intellectuelle.

28En fait, Rousseau, dans le deuxième Discours, observe le monde selon cette perspective : au lieu de se reporter exclusivement aux Anciens – il cite quand même Aristote, Platon, Hérodote, Dicéarque, Ctésias, Thalès, Pythagore… –, il appuie une réflexion nouvelle sur des informations modernes. Ne pouvant récolter lui-même sur place l’information, à la différence d’un Lafitau, il en est réduit à glaner dans les textes des voyageurs et apprécier les autres cultures par procuration. Aussi le deuxième discours en appelle-t-il largement aux récits de voyage et aux penseurs de son époque pour imaginer une représentation du passé. D’une certaine façon, la synchronie relaie la diachronie. Lafitau voulait montrer que les Américains, quoique réputés « sauvages », étaient aussi civilisés que les Anciens – et particulièrement, qu’ils avaient également une religion –, mais cette réhabilitation des « sauvages » avait déjà été tentée par Montaigne :

Or je trouve […] qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage dans cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n'avons d'autre mire de la vérité et de la raison que l'exemple et idée des opinions et usances du pays où nous sommes. Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police, parfait et accompli usage de toutes choses. Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où, à la vérité, ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l'ordre commun, que nous devrions appeler plutôt sauvages. En ceux-là sont vives et vigoureuses les vraies et plus utiles et naturelles vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons seulement accommodées au plaisir de notre goût corrompu43.

29Du Tertre, dans son Histoire générale des isles de S. Christophe… et autres dans l’Amérique, reprenait en 1654 ces arguments :

De mesme, à ce seul mot de Sauvage, la pluspart du monde se figure dans leurs esprits une sorte d'hommes Barbares, cruels, inhumains, sans raison, contrefaits, grands comme des geants, velus comme des ours : enfin plustost des monstres que des hommes raisonnables ; quoy qu'en verité nos Sauvages ne soient Sauvages que de nom, ainsi que les plantes et les fruicts que la nature produit sans aucune culture dans les forests et dans les deserts, lesquelles, quoy que nous les appelions Sauvages, possèdent pourtant les vrayes vertus et proprietés dans leur force et leur entiere vigueur, lesquelles bien souvent nous corrompons par nos artifices & alterons beaucoup lors que nous les plantons dans nos jardins44.

30Rousseau se sert des voyages comme celui de Du Tertre pour imaginer l’homme à l’état de nature, le non-civilisé. Par l’éloignement dans le temps ou l’espace, Rousseau garde malgré tout comme objet ultime de son discours l’état présent de sa société, grâce aux éclaircissements trouvés ailleurs. Il utilise des exemples exogènes pour mieux faire sentir les différences par le dépaysement – ce qui a presque toujours été l’une des utilisations du masque exotique. Les sauvages qu’il évoque dans le deuxième Discours sont des auxiliaires du raisonnement qu’il exerce sur sa propre société. Certes, « Gardons-nous donc de confondre l’homme sauvage avec les hommes que nous avons sous les yeux45 ». Mais l’originalité de Rousseau est justement de se servir de l’image éculée du sauvage tout en prétendant y copier des hommes d’après nature. Certes, les sauvages ont été abondamment utilisés : le sauvage de Lahontan46, « un sauvage de bon sens qui a voyagé », est une figure de fiction du même acabit que les Tahitiens du Supplément au voyage de Bougainville, et que le Sauvage de Tahiti imaginé par Bricaire de La Dixmérie dès 1770, donnant précisément la réplique au « Philosophe ami des sauvages », dont il cite nommément le Contrat social. Mais les sauvages qui servent d’argument à Rousseau, s’ils sont certes loin d’être peints d’après nature, ne sont pas de cette espèce de sauvage littéraire purement décoratif, qui ont, depuis longtemps, servi de porte-parole aux philosophes47.

Sauvages, Caraïbes et Hottentots

31Rousseau a emprunté aux voyageurs, et cette préoccupation était bien dans l’air du temps. À preuve les commentaires de Bougainville, ou encore de Péron, sous lesquels on pourrait deviner encore les opinions implicites communes :

Quels avantages ne pourrait-on pas retirer de l’étude de ces nations sauvages que nous connaissons sous la dénomination, bien souvent injuste, de Barbares que leur donnèrent les aventuriers spoliateurs, ou les marchands avides, qui, presque seuls encore, nous les ont fait connaître ?48

32Et Péron poursuit dans un sens apparemment rousseauiste :

Il était impossible de parvenir jamais à bien faire l’histoire naturelle de l’homme, tant qu’on se bornerait à étudier l’homme dégénéré et avili de la société. N’est-ce pas parmi les peuples qui s’éloignent le plus de notre civilisation et qui, conséquemment, sont encore plus près de la nature, n’est-ce pas chez eux qu’il faut aller puiser les éléments de cette histoire ? N’est-ce pas dans le sauvage seul qu’on peut retrouver encore les traces de la robuste majesté de l’homme naturel […] ?49

33À côté de ces remarques philanthropes, Péron montre des opinions plus nuancées : selon lui, il serait incontestable que les peuples sauvages jouissent d’une santé et d’une longévité remarquable, y compris

dans cette race d’hommes hideux et dégénérés qui végètent au milieu des glaces de la Laponie,

34mais aussi

dans cette belle race d’homme sauvages, qui, libres également de peines morales et d’infirmités physiques, coulent si paisiblement leurs jours innocents au milieu des délicieuses et immenses forêts du Brésil, ne se nourrissant que des fruits savoureux que la nature libérale prodigue à cet heureux climat… L’apathique habitant des Antilles, et cette race immonde qui peuple la pointe méridionale de l’Afrique, et qui se nourrit presque uniquement de poissons pourris, nous présentent encore les mêmes phénomènes. […] Toutes ces nations, dis-je, qui ne se rapprochent qu’en un seul point, le défaut de civilisation… Quelle source féconde de méditations pour le médecin philosophe… !50

35Ce paradoxe d’une bonne santé inattendue sous des climats divers, parfois extrêmes, ne semble suggéré que par de simples préjugés, puisque Péron alors âgé de 25 ans, n’avait encore aucune expérience propre, et le titre de ce discours, « Observations sur l’anthropologie », ne semble pas étayé par une pratique antérieure. Cette recension initiale est un peu bizarre, car le jeune homme, qui tentait, par ce discours, de défendre l’intérêt de son embarquement comme médecin-anthropologue dans l’expédition Baudin, et s’activait pour partir vers le Pacifique, ne dit pas un mot des peuples de cette région, pourtant alors un peu connus, et qui présentent les mêmes contradictions : les « bons sauvages » loués à Tahiti par Bougainville ou Commerson, et des populations moins accueillantes, sous des climats variés. Dans l’ensemble de son œuvre, d’ailleurs, Rousseau ne parle jamais des Tahitiens, qui lui auraient pourtant fourni un exemple de choix51. Si l’hypothèse de Péron était donc apparemment conforme à la thèse de Rousseau, la conclusion semble diamétralement opposée, puisqu’il exprime un doute essentiel : « La perfection morale ne doit-elle pas être en raison inverse de la perfection physique ?52 »

36Péron montre bien ici l’ambivalence des représentations53 : certains sauvages seraient bons (les Brésiliens, après Montaigne, ou après Corréal par exemple) ; d’autres seraient immondes (les Hottentots, non nommés, les Lapons, peut-être, et plus généralement, les peuples des latitudes extrêmes, comme l’ont été aussi les Patagons) : la véritable raison de ces préférences et de ces dégoûts est sans fondement ethnographique, elle ne relève que d’un préjugé de climat et d’une vision préfabriquée des qualités comparées des peuples. Jusque là en effet, ces visions sont surtout des stéréotypes qui n’ont de légitimité que leur diffusion. On lit par exemple chez Hobbes, dans le De cive54, en 1642 :

Nous avons en ce siècle un exemple de ce que je dis chez les Américains ; et dans les âges passés, nous en avons eu chez les autres nations, qui maintenant sont civilisées et florissantes, mais qui alors étaient en petit nombre, sauvages, pauvres, hideuses, et privées de ces ornements et de ces avantages que la paix et la société apportent à ceux qui les cultivent.

37Les exemples de Péron sont cependant des peuples qui intéressent aussi Rousseau, les Caraïbes et les Hottentots, pour des raisons plus ou moins définies : « les Caraïbes, celui de tous les Peuples existans, qui jusqu’ici s’est écarté le moins de l'état de Nature55 ». Bricaire de la Dixmérie souligne bien l’erreur où peut se trouver Rousseau, qui reproduirait aussi des clichés en ne retenant que ce qui convient à sa démonstration.

Eh ! Voilà donc cet homme que vous peignez si bon, si compatissant, si porté par Instinct à secourir ses semblables ? […] De tous les Sauvages que vous pouviez connaître alors, les Caraïbes étaient ceux qui approchaient le plus de votre Sauvage imaginaire ; ceux qui suivaient de plus près l’Instinct dont vous regrettez sans cesse que l’on s’écarte. Les Caraïbes ne secouraient point leurs semblables ; ils les dévoraient56.

38Les Brésiliens décrits par Corréal sont eux idéalisés :

Des autres Brésiliens naturels et de leurs façons de vivre.

En général les Bresiliens nous ressemblent pour la taille. Ils sont bien proportionnés de corps mais plus robustes que nous & peu sujets aux maladies. On ne trouve chez eux gueres de paralytiques ni d’estropiés, ni d’aveugles, ni de boiteux, ni de personnes contrefaites. Plusieurs vivent, dit-on, jusqu’à cent vint ans. Je le crois presque, car ils vivent sans souci et n’accumulent pas pour l’avenir. On n’en voir gueres qui deviennent gris, preuve d’un air bien tempéré & qui n’est sujet ni au grand froid ni à la corruption. Les arbres & les Campagnes y sont dans une verdure éternelle & les sauvages toujours également gais57.

39Les Hottentots sont évoqués par Kolb avec les mêmes égards : comme les Brésiliens de Montaigne qui se nomment familièrement entre eux58, les Hottentots s’appellent mutuellement « frères ». Leur générosité est remarquable. Kolb ne peut se souvenir de leurs bontés sans, dit-il,

que je ne sente dans mon cœur un mélange de plaisir & de douleur ; de plaisir, entant qu’elle me présente un noble reste de cet amour & de cette généreuse hospitalité si célèbre chez les Anciens ; de douleur quand je considère que des Paiens, qu’il nous plait d’appeler sauvages, ont des sentimens d’humanité qu’on chercherait inutilement parmi les Chrétiens. Ils exercent leur charité envers tout le monde : le vieux & le jeune, le riche & le pauvre, le connu & inconnu, en font également les objets. Jamais je n’ai découvert en eux la moindre trace d’intérêt. Les étrangers même qui ont besoin de leur secours, & qui les traitent avec douceur, éprouvent aussi-bien que leurs compatriotes les effets de leur générosité59.

40Évidemment, ces quelques extraits nous persuadent de la bonté profonde de ces deux peuples, qui sert admirablement les vues de Rousseau ; même si, bien sûr, d’autres textes ou d’autres extraits feraient voir une image toute différente60.

41Quoi qu’il en soit, les Caraïbes sont cités 6 fois dans le deuxième Discours, le mot « Amérique » apparaît à 5 reprises, les Hottentots reviennent 11 fois. Le tout est à ramener au vocable « sauvage(s) », plus général, qui est mentionné en 74 endroits (46 fois dans le texte, 28 en note). Quant au mot « homme(s) », d’acception encore plus large, il ne revient pas à moins de 327 occurrences, ce qui accentue la visée anthropologique du propos par rapport à la part ethnographique, si l’on peut opérer cette distinction, capitale chez Rousseau : 59 occurrences en effet sont relevées avant le début de la première partie, ce qui donne une place importante à la généralisation du discours avant même que ne s’engage la démonstration proprement dite (197 citations du mot « homme(s) » dans le texte, 130 dans les notes). 

42Dans tous ces cas, Rousseau ne se dissimule pourtant pas la réalité : ces peuples qui doivent guider son raisonnement ne sont plus dans leur état initial ; mais ils sont encore suffisamment peu éloignés de cette situation primitive pour être les moins mauvais référents possibles. S’il les convoque pour servir son propos, les exemples ethnographiques servent plutôt sous le régime de la preuve, ce que prouve leur mode de présentation.

Références à la littérature de voyage

43Il est évident que pour Rousseau, les lectures référencées sont premières, quoique probablement indépendantes, et elles ont mûri ensuite : ce que prouve l’insertion de références parfois très précises, à la page près, de livres qu’il avait probablement sous la main (comme celui de Buffon, cité précisément dans la note VIII, ou les Observations sur l’Histoire naturelle de Gautier, référencée exactement dans la note VI) ou d’ouvrages qu’il avait lus et largement pris en note : G. Pire se félicite d’avoir déniché « un cahier grand in-4° relié en basane, conservé à la bibliothèque de Neuchâtel et contenant notamment des notes prises par Jean-Jacques au cours de ses lectures. Nous avons retrouvé dans ce cahier des références et des extraits de plusieurs relations de voyages61 » dont six passages sur les Hottentots tirés de l’Histoire générale des Voyages de Prévost, deux citations de Chardin, de très nombreuses citations de Le Beau.

44Ce choix semble découler de ses lectures, ce qu’a prouvé Michèle Duchet, qui a étudié les bibliothèques des philosophes des Lumières. Qu’il s’agisse de Corréal, Kolb, Buffon, Du Tertre, Battel ou Purchass son compilateur, Dapper62, La Condamine63 et Maupertuis64, Chardin65, Kempfer66, les récits sont précisément mentionnés. Même si Rousseau dit ne pas s’appuyer sur des livres, il n’en demeure pas moins qu’il a lu ces textes et en a tiré des éléments à son usage. Mais à coup sûr, il extrapole à partir des éléments qu’il trouve effectivement dans les textes.

45S’agissant de Corréal, qu’il a dû connaître plus tard, il a pratiquement recopié a posteriori, dans des ajouts intégrés à l’édition de 1782, deux paragraphes des Voyages de François Coreal aux Indes occidentales, comprenant ce qu’il y a vû de plus remarquable pendant son séjour depuis 1666 jusqu’en 1697, traduits de l’espagnol, publiés à Amsterdam, en 1722 : « la plus grande partie des habitans des Lucaies, que nos gens transporterent aux Iles de Cuba, de San-Domingo & ailleurs, y moururent en mangeant de la chair67 » devient par exemple sous la plume de Rousseau : « François Corréal témoigne entr’autres que la plupart des habitans des Lucayes que les Espagnols transporterent aux Isles de Cuba, de St. Domingue et ailleurs, moururent pour avoir mangé de la chair68. » Pour la note sur les bêtes sauvages, Rousseau généralise à partir de Corréal, qu’il recopie : « Quoiqu’ils soient presque nuds, ils ne laissent pas de s’exposer hardiment dans les bois, armés seulement de l’arc & de la fleche : mais on n’entend pas dire qu’aucun ait été dévoré des bêtes sauvages69. » Cet extrait est inséré dans une note explicative : « Voilà sans doute les raisons pourquoi les Negres et les Sauvages se mettent si peu en peine des bêtes féroces, qu’ils peuvent rencontrer dans les bois. Les Caraïbes de Venezuela vivent entr’autres, à cet égard, dans la plus profonde sécurité et sans le moindre inconvénient. Quoiqu’ils soient presque nuds, dit François Corréal, ils ne laissent pas de s’exposer hardiment dans les bois, armés seulement de la fleche et de l’arc ; mais on n’a jamais ouï dire qu’aucun d’eux ait été dévoré des bêtes70. » La copie est presque littérale, mais il s’autorise une conclusion beaucoup plus générale. Ailleurs il a recopié Du Tertre ou s’en est très directement inspiré.

46Les Caraïbes ont été décrits par de nombreux voyageurs, missionnaires, marchands et administrateurs, depuis la découverte des Antilles ; des débats ont entouré la disparition des Amérindiens sous le gouvernement espagnol, attisés par des textes écrits par des ressortissants espagnols, français, italiens. Pour Rousseau, certainement, les pages écrites par Montaigne sur les « Cannibales », qui réhabilitent les sauvages, ont pu influencer sa réflexion.

47Les Hottentots sont connus essentiellement par la Description du Cap de Bonne espérance par Peter Kolb en 1741, (puis par le Journal historique du voyage fait au Cap de Bonne-Espérance, de l'Abbé de La Caille, en 176371), mais Rousseau a plutôt puisé sa science, en l’occurrence, dans l’Histoire générale des voyages de Prévost (dans une version réduite environ de moitié ici), puisqu’un paragraphe au moins y est recopié à l’identique, même avec la référence apparemment précise : « Les Hottentots, dit Kolben… ».

Peter Kolb, Description du Cap de Bonne espérance,t. 1, p. 345

Prévost, Histoire générale des voyages, t. V, p. 157

Rousseau, Discours sur l’inégalité, note VI

Aussi faut-il avouer que ce sont les meilleurs & les plus hardis nageurs que j’aye jamais vus. Leur manière de nager a même quelque chose de frappant, & je ne sache pas qu’aucune Nation s’y prenne de la même façon. Ils nagent tout droits : leur cou est entièrement hors de l’eau, aussi bien que leurs bras, qu’ils étendent en-haut : ils se servent des pieds pour avancer & pour se mettre en équilibre, mais je n’ai jamais pu savoir comment ils les font jouer. Tout ce qu’il y a de sûr, c’est qu’ils avancent très vîte. Ils regardent en-bas, & ont presque la même attitude que s’ils marchoient sur terre ferme. La mer a beau mugir & les vagues s’élever, ils ne paroissent point craindre le danger : c’est même lors qu’ils se plaisent sur-tout à nager, ou plutôt à danser. les flots qui semblent devoir les engloutir, les élèvent & les abaissent, comme des morceaux de liège.

Ils sont d’une adresse incomparable à la nâge. Leur maniere de nâger a quelque chose de surprenant & qui leur est tout-à-fait propre. Ils nâgent le col droit & les mains étendues hors de l’eau. De sorte qu’ils paroissent marcher sur terre. Dans la plus grande agitation de la mer & lorsque les flots forment autant de montagnes, ils dansent en quelque sorte sur le dos des vagues, montant & descendant comme un morceau de liége.

Ils sont d'une adresse incomparable à la nage. Leur maniére de nager a quelque chose de surprenant et qui leur est tout à fait propre. Ils nagent le corps droit et les mains étendues hors de l'eau, de sorte qu'ils paroissent marcher sur la terre. Dans la plus grande agitation de la mer et lorsque les flots forment autant de montagnes, ils dansent en quelque sorte sur le dos des vagues, montant et descendant comme un morceau de liége.

48Que ce soit en note ou dans le texte, Rousseau puise donc indistinctement dans toutes les versions possibles des voyages, seul l’intéressant le contenu qu’il peut en tirer. De toutes façons, ces auteurs – voyageurs ou compilateurs – ne se font pas remarquer par un style particulier, et donc il est difficile, surtout dans le cadre d’une note, où la rhétorique est moins voyante que dans le corps de la démonstration, de déterminer si Rousseau a recopié purement et simplement, s’il a seulement transposé en modifiant a minima, ou s’il a vraiment réécrit. Dans tous les cas où il puise dans l’Histoire générale des voyages, l’exercice de la compilation auquel s’est livré Prévost à grande échelle a déjà lissé les caractéristiques éventuellement remarquables des relations de voyage, autant parce qu’il s’est approprié ainsi – par la traduction ou la mise en forme – tous les textes qu’il publie, que parce qu’il entend bien en outre les intégrer à un ensemble qui doit gagner à une certaine harmonisation.

49Une chose est sûre : les sauvages de Rousseau ne sont pas seulement des êtres de papier, des allégories propres à assumer un discours forgé ailleurs : ils sont bien à l’origine de la réflexion, et la sous-tendent continuellement, même si l’on peut observer des coupes tendancieuses, des choix orientés, des conclusions souvent excessives. En outre, par le recours à ces exemples ethnographiques, Rousseau trouve des réponses à ses questions sur sa propre société, comme Margaret Mead devait, plus tard, étudier les populations des Samoa pour répondre aux questions des Américains sur l’adolescence de leurs propres jeunes gens. Ainsi, et paradoxalement, l’ethnographie telle que la pratique Rousseau est aussi un réservoir documentaire propre à alimenter sa réflexion sur sa société, plus qu’à étudier les mœurs des autres.

L’exercice de la note

50Les nombreuses et volumineuses notes du deuxième discours relèvent du paradoxe formel si l’on regarde bien : un discours, en principe, est une pièce rhétorique dont les modalités prennent largement en compte l’actio, la façon de l’exposer à l’oral devant des auditeurs qu’il faut convaincre. Dans le cas du Discours sur l’inégalité, le texte n’a pas été conçu pour être prononcé par son auteur, mais lu en dehors de sa présence devant les membres de l’Académie. Il a été ensuite complété, pour la version publiée, de notes, rejetées à la fin du volume. Il comporte donc, dans le corps du texte, un premier jeu d’exemples et des références, et dans l’appendice notulaire, un appareil de paradeigmata complémentaires.

L’exemplum

51Le Discours sur l’inégalité, en s’appuyant sur des exempla, reste assez conforme aux habitudes de l’essai.

52Hobbes affirmait dans le De Cive renoncer aux arguments tirés de la religion, de la mythologie ou de l’histoire antique ou sacrée « quia id non rationibus, sed exemplis et testimoniis faciunt72» ; l’histoire en général, quoiqu’utile à la réflexion philosophique, présente le risque de reposer sur des exemples et des témoignages, c’est-à-dire sur l’expérience ou l’autorité et non sur le raisonnement. Mais Rousseau dans le premier Discours entend déjà « convenir de tous les points où nos raisonnements se trouveront d’accord avec les inductions historiques73 ». Les deux voies, inductives et déductives, doivent se coordonner pour convaincre.

53L’usage de l’exemplum est tout à fait conforme à la rhétorique classique, l’originalité consiste plutôt à s’en affranchir, ou au moins à tenter de s’en détacher après s’en être nourri. Pour Rousseau l’exemple ne doit pas fonctionner à vide ; son « idée de la méthode » repose sur cette affirmation :

Il faut savoir ce qu’on fait quand on cite des exemples, citer pour citer est le métier d’un pédant : je ris quand je vois dans tant de livres et dans presque toutes les conversations alléguer quelques faits particuliers en preuve de propositions générales […] Quand on cite il faut compter ; autrement c’est de l’érudition perdue74

54L’érudition en tant que telle est sans intérêt, il notera aussi dans La Nouvelle Héloïse :

Pour nous qui voulons profiter de nos connaissances, nous ne les amassons point pour les revendre, mais pour les convertir à notre usage ; ni pour nous en charger, mais pour nous en nourrir. Peu lire, et penser beaucoup à nos lectures75.

55Mais il faut encore distinguer ces exemples de type ornemental, purement rhétorique, qui ne visent qu’à asseoir une autorité sur une érudition qui tient lieu de légitimité de la parole. Et les exemples qui servent au contraire la réflexion, et qui assoient le discours sur une base factuelle irréfutable. Le problème de l’anthropologue, qui reste chez lui et attend les informations des autres – comme le fait ici Rousseau lecteur des relations de voyages –, c’est sa légitimité. Ce qui pousse naturellement Rousseau à désirer une meilleure fiabilité dans les informations initiales. On remarquera d’ailleurs que Rousseau n’a jamais, semble-t-il, recouru à un pseudonyme ou à l’anonymat : son sentiment s’en trouve valorisé comme référent auctorial.

56Dans la catégorie de l’illustration par des faits qui complètent l’argument (argumentum), on peut aussi distinguer ce qui relève de l’exemplum proprement dit (ou paradeigma), – un cas particulier d’ordre narratif à partir duquel va se déployer le raisonnement inductif, qui peut être de volume variable : cet exemple va du simple nom à une fable complexe (logos) – et la figure emblématique (ou imago)76 – qui fonctionne comme cristallisation d’une attitude exemplaire. Autant il est clair que Fabricius, dans le Premier Discours, est une figure emblématique, un symbole (utilisé dans une prosopopée), autant le sauvage (sans nom, Caraïbe, Hottentot, habitant des bords de l’Orénoque…) du deuxième Discours entre plutôt dans la catégorie de l’exemplum, révélé dans le cadre d’une anecdote.

Le rapport entre le texte et la note

57Le texte de Rousseau évolue dans sa conception et se comporte comme un texte ouvert. Le Contrat social peut aussi être considéré comme l’aboutissement de cette réflexion, quittée dans le Discours sur l’inégalité au moment où Rousseau a achevé de brosser l’histoire du regroupement progressif des hommes en familles, en groupes, en sociétés.

Mais ces détails feroient seuls la matiére d’un ouvrage considérable dans lequel on péseroit les avantages et les inconveniens de tout Gouvernement […] et les révolutions que le tems y aménera nécessairement77.

58Et la réflexion se poursuit dans le Contrat social :

je suppose les hommes parvenus à ce point où les obstacles qui nuisent à leur conservation dans l’état de nature, l’emportent par leur résistance sur les forces que chaque individu peut employer pour se maintenir dans cet état. Alors cet état primitif ne peut plus subsister […]78.

59De même, l’Essai sur l’origine des langues fonctionne lui-même comme un appendice du deuxième Discours :

Le second morceau ne fut aussi d’abord qu’un fragment du discours sur l’inégalité que j’en retranchai comme trop long et hors de place79.

60Rousseau adopte une forme de construction par emboîtement, ou par prolongements successifs comme des « allongeails » à la manière de Montaigne.

Si l’orateur a tout à la fois des exemples et des arguments, il faut placer le raisonnement le premier, et l’exemple le second, à moins que l’exemple ne fût plus facile. La raison est que l’exemple étant ainsi placé le second, sert de témoin, et il n’importe pas qu’il soit seul [unique], dès qu’il est précédé de la preuve. Au lieu que quand il est placé avant l’argument, il a l’air d’une induction, et pour une induction il faut plus d’un exemple80.

61Ce précepte rhétorique contemporain se trouve bien illustré par les Discours. La narratio et la confirmatio servent à l’exposé des arguments et des preuves. Les notes en sont la plus brillante illustration : par définition les exemples fournis en marge ne précèdent pas l’argument mais le suivent, et même de fort loin puisque ces notes ne sont même pas en bas de page. D’ailleurs, selon Y. Séité, « Rousseau aurait-il souhaité pour ses notes une position infrapaginale que le développement de certaines d’entre elles eût rendu impossible le travail de composition81. »

62On peut lire aussi un dédain apparent pour ces notes présentées comme des futilités – de fait, l’essentiel de la démonstration est dans le texte. Rousseau fait précéder la version publiée de son Discours par un texte curieux :

Avertissement sur les notes

J’ai ajoûté quelques notes à cet ouvrage selon ma coutume paresseuse de travailler à bâton rompu. Ces notes s’écartent quelquefois assés du sujet pour n’être pas bonnes à lire avec le texte. Je les ai donc rejettées à la fin du Discours, dans lequel j’ai tâché de suivre de mon mieux le plus droit chemin. Ceux qui auront le courage de recommencer pourront s’amu­ser la seconde fois à battre les buissons, et tenter de parcourir les notes ; il y aura peu de mal que les autres ne les lisent point du tout82.

63Ce qui signifie deux choses : les notes auraient été rajoutées au texte après la fin du travail. Certes, le texte était déjà beaucoup trop long pour une lecture limitée par le cadre d’un concours : l’omission des notes pouvait être un moyen de chercher la concision. De plus un texte à lire oralement n’est jamais supposé comporter des notes – comment les lire sans que cette lecture ne devienne une grossière digression et donc un affaiblissement du corps même de l’exposé ? Rousseau montre bien que son texte a cessé d’être un discours d’Académie pour être un essai : l’inclusion postérieure des notes modifie définitivement sa catégorie générique83.

64Quoi qu’il en soit, il est clair que le texte et les notes ne se situent pas sur le même plan, la forme influant aussi sur le sens. Comme le souligne Derrida,

Stricto sensu, le statut de la note infrapaginale implique une distribution dans l’espace normalisée, légalisée, et légitimée, une spatialisation qui crée des relations hiérarchiques : des relations d’autorité entre le texte dit principal, porteur des notes infrapaginales, qui se trouve placé au-dessus (à la fois dans l’espace et symboliquement) du texte des notes infrapaginales, qui se trouve, lui, plus bas, dans ce qu’on pourrait appeler une marge inférieure […]84.

65Le lecteur pourrait-il pourtant s’en passer ? Il est improbable que le contenu des notes ait été découvert par Rousseau après la rédaction du texte initial, leur connaissance résulte de lectures préalables ou contemporaines et sans nul doute indépendantes du projet du deuxième Discours. Donc si les références ont été d’abord omises, cela ne saurait signifier qu’elles soient étrangères à la construction du sens. D’où le conseil de lecture assez surprenant de l’avertissement : puisque le texte a été initialement donné sans les notes c’est que le lecteur peut s’en passer. D’ailleurs, les références peuvent être précises ou tout à fait allusives : Rousseau a réfléchi à partir de ces exemples, mais il s’en est ensuite affranchi et seul reste le corps même de la démonstration. En un sens, les exemples sont les échafaudages qui ont servi à la construction du sens, et à ce titre ils peuvent disparaître une fois l’édifice achevé. On peut « s’amuser » à lire les notes, ce sera instructif sans être indispensable. En fait la « coutume paresseuse » de Rousseau est plutôt une tendance à la prolifération contre laquelle il lutte en élaguant ce qui n’est pas strictement nécessaire.

66Cette tentation de l’allongeail se manifeste encore dans les notes de notes, rajoutées à quatre endroits : une référence à Corréal, qu’il a sans doute lu ou relu entre temps, un commentaire moral, une explicitation qui n’est qu’une retouche de forme, un renvoi à l’illustration du frontispice. Ainsi le texte n’est-il potentiellement jamais clos, la note permettant de poursuivre le dialogue engagé avec le lecteur.

67Aussi les notes de fin sont-elles des appendices et non des digressions, à vrai dire une forme d’hypertexte avant la lettre. La dispositio, explique encore R. Barthes, envisage aussi la digressio comme « unité mobile85 », et la même analyse peut s’appliquer à la note de fin : la note X par exemple développe des projets d’ethnographie raisonnée qui auraient très bien pu être rapportée à un autre passage du texte, ou en introduction, ou en préface… Quand elle n’est pas radicalement rejetée dans un autre volume, la note est en marge, c’est-à-dire qu’elle reste légèrement à distance du texte.

On comprend alors que les longues notes du second Discours permettent une double opération : tout en livrant à la lecture un texte suivi, classiquement ordonné, en apparence conforme aux canons académiques, elles préservent, sous une forme péritextuelle, les chutes de la pensée de Rousseau. Chutes qui ne sont chutes que de ne pas avoir trouvé à s’intégrer dans cet ordre imposé a posteriori et non du fait d’on ne sait quelle défectuosité qui les affecterait86.

68Cette réflexion s’applique également aux choix éditoriaux : il paraît normal pour un éditeur de proposer ces notes après le corps du texte (sur le plan de la construction, de la chronologie d’écriture et la forme de la première publication) ; mais il est aussi logique de présenter les notes en bas de page, rapprochées du passage dans lequel elles sont appelées. Mais dans ce dernier cas, la lecture des notes se fait dans le cours même de la lecture du discours, tandis que dans la présentation originelle, même si l’on peut en principe feuilleter le livre à la recherche de la note à chaque appel, on adoptera peut-être plutôt une lecture globale et postérieure à celle du discours. Cependant cette lecture spécifique des notes comme une dernière partie du texte est perturbée par le fait qu’elles sont juxtaposées et non agencées entre elles : « Les notes remplissent chez Rousseau le même rôle que les pensées détachées chez Diderot. Avec elles, il n’a pas à jouer le jeu de ce qu’il appellera bientôt mes ‘charlataneries de transitions’ : elles sont doublement discontinues, entre elles et par rapport au texte87. », comme l’observe Yannick Séité. Néanmoins, certaines notes dialoguent entre elles, et de toute façon développent un discours partiellement autonome dans leur objet, qui prouve l’intérêt des récits de voyage.

69Il se crée par la note un « second niveau de discours qui contribue parfois à son relief88 », selon Gérard Genette, qui explique encore :

Le principal avantage de la note est en effet de ménager dans le discours des effets locaux de nuance, de sourdine, ou, comme on dit encore en musique, de registre, qui contribuent à réduire sa fameuse, et parfois fâcheuse linéarité. Registres d’intensité, degrés dans l’obligation de lecture, éventuellement réversibles et tournés au paradoxe (l’essentiel dans une note), dont on voit bien pourquoi tant d’écrivains, et des plus grands, n’ont pas voulu se priver89

Le régime du commentaire auctorial

70Cependant, la note existe en tant que telle :

pour les raisons topologiques susmentionnées, la subordination même de la note infrapaginale assure une sorte de cadre, une délimitation dans l’espace qui lui attribue une indépendance paradoxale, une certaine liberté, une autonomie. La note infrapaginale est également un texte en soi, plutôt flottant, relativement décontextualisé ou capable de créer son propre contexte, de manière qu’on puisse la lire à part, rapidement et directement90.

71Rousseau propose fort peu de notes de définitions : ce sont soit des indications de sources ou plutôt la production d’autorités à l’appui de ses dires, des informations et « documents confirmatifs91 », soit des commentaires et des précisions, soit des controverses, soit des « professions de foi » qui n’auraient pas eu leur place logique dans le corps du texte.

72Le Discours sur les sciences et les arts présentait déjà une dizaine de renvois, qui fournissait quelques exemples complémentaires, essentiellement tirés de l’Antiquité – sauf une allusion aux Indiens d’Amérique et une remarque sur les effets de l’imprimerie92. « J’y ai seulement jeté quelques notes93 » : ces notes étaient brèves et présentées en bas de page ; la plus longue décrivait les mœurs spartiates, ce qui restait très conforme au modèle rhétorique. Dans le deuxième Discours, les notes sont deux fois plus nombreuses et généralement plus étendues ; en fin de volume, les notes constituent une dernière partie, qui achève de « fortifier » la construction qu’il vient de bâtir.

73On passe sur le cas théorique où les notes se contentent d’une simple référence – car ce n’est pas ce type de note que propose le deuxième Discours. Dans quelques cas, comme le propose Genette, il s’agit dans les notes de « mentions d’incertitudes ou de complexités négligées dans le texte comme scrupules non susceptibles d’intéresser le lecteur ordinaire, mais dont l’auteur tient à faire état en note à l’usage d’érudits plus exigeants94 » même si le commentaire s’accompagne d’un « peu importe au lecteur » : la note fournit un renseignement jugé intéressant si l’on se soucie d’exhaustivité, ou si l’on apprécie les rapprochements parfois inattendus, ce détail n’étant toutefois pas indispensable dans le cours de la démonstration. Dürrenmatt fait observer que « La note porte témoignage du travail réalisé en amont par le chercheur, met en lumière l’étendue de sa culture et justifie ainsi plus ou moins implicitement son droit à (s’)affirmer95. »

74« La note auctoriale originale, au moins lorsqu’elle se rapporte à un texte lui-même discursif avec lequel elle se trouve en relation de continuité et d’homogénéité formelle, appartient davantage au texte, qu’elle prolonge, ramifie et module, plutôt qu’elle ne le commente96. » Dans la note X, par exemple, Rousseau aborde un sujet qui pourrait être à son tour un autre essai : de l’usage de l’ethnographie dans la philosophie. Dans la note XVI, il veut pour preuve de la supériorité des cultures sauvages – si l’on peut user de cet oxymore – l’habitude où sont les naturels d’autres pays, une fois instruits des coutumes occidentales, de s’enfuir pour jamais au fond de leurs forêts, au moment précis où on les croit acculturés. Enfin, la note XII n’est rien moins qu’une réfutation du système de Locke. Dans tous les cas, il s’agit de défendre sur un autre terrain, et pour emporter in fine l’adhésion sur un autre ton, le point de vue abordé dans le discours lui-même.

75Rousseau y prolonge le dialogue avec le lecteur, de la même manière qu’il échange par lettres avec plusieurs correspondants. L’appareil de note devient un appareil de guerre au service d’une thèse. Bref, comme le dit Randa Sabry s’interrogeant sur les Stratégies discursives, à propos de la note :

Avant même de livrer son contenu, elle m’est donnée comme facultative ou secondaire par ses caractères plus menus ou italiques, par sa position marginale ou différée en fin de chapitre. Effet hiérarchique souvent fallacieux. À première vue, le texte semble s’alléger, pour des raisons esthétiques ou de clarté discursive, de certains surplus qui pourraient freiner son fonctionnement, alors qu’en fait, de ce tri apparent entre essentiel et secondaire, le second n’est pas forcément subordonné au premier. Bien plutôt conviendrait à cette répartition de l’espace scriptural, l’image du double foyer, de la duplicité, du discours bifide. En se donnant, à la fois, l’élégance du texte lisse, poli, conséquent, continu, et, en marge, le caprice, la rétractation, l’ajout, le doute, l’hommage, la minutie du détail, les scrupules, la dette, la polémique,… l’auteur montre visuellement contre quoi le discours a dû lutter (ou s’appuyer puis s’affranchir) pour gagner sa cursivité; mais simultanément, pour le lecteur de notes cette cursivité ne tarde pas à se craqueler, subvertie par le murmure des notes97.

« L’histoire de notre voyage peut ajouter quelques feuillets à celle de l’homme… »

76« Il dédaigne toutes les bienséances, et d’abord celle de la brièveté98 », affirme J. Starobinski ; Rousseau est d’abord occupé à convaincre son lecteur par l’exposé d’un processus qui prend la forme d’une histoire de l’humanité, comme le disait Lapérouse dans la relation de son voyage : « L’histoire de notre voyage peut ajouter quelques feuillets à celle de l’homme…99 » En lieu de raisonnement, le deuxième Discours propose une histoire symbolique qui vaut pour un livre de la genèse de la société civile, appuyée sur des faits empruntés non à la Bible mais aux relations de civilisations encore proches des origines. Il est vain de s’attarder à tenter de prendre Rousseau en flagrant délit de contradiction : sa démonstration est de l’ordre du mythe (muthos) plus que de la logique (logos) ; les notes, d’une certaine façon, entament un dialogue sur un autre ton, celui de l’explication et de la persuasion.

77Le deuxième Discours nous invite en tout cas à réfléchir aux premiers mouvements des sciences humaines et à considérer, à notre tour, leur statut toujours à reconquérir : la société des Amis de l’homme n’a pas réussi à faire pleinement éclore l’anthropologie100. Cela dit, retrouver l’émergence d’une ethnographie et en faire exactement dater la naissance au Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes est probablement un leurre, reposant, pour Jean-Marie Goulemot, sur une erreur méthodologique qui consiste à :

repérer non pas l’émergence, mais à partir de ce qui s’est accompli, servant ici de référence, cette même forme embryonnaire construite et préalable comme telle à partir de la forme achevée et à venir. […] On opère donc un double mouvement : de l’acquis vers l’émergent pour finir par décrire le mouvement contraire de l’émergent vers l’acquis101.

78Mais notre intérêt à la lecture du Discours sur l’inégalité n’est pas forcément de type épistémologique. Nous n’avons pas à tirer un trait définitif sous l’exposé de Rousseau. En effet, nous rappelle Paul Ricœur, « L’histoire est réellement le royaume de l’inexact. Cette découverte n’est pas vaine ; elle justifie l’historien. Elle le justifie de tous ses embarras. […] l’histoire universelle n’existe pas. Si elle existait, elle serait le système et ne serait plus l’histoire. C’est pourquoi l’idée d’histoire universelle ne saurait être qu’une tâche, une idée de la raison. Cette tâche garde l’historien des civilisations de croire qu’il y ait des flots incommunicables ; dès qu’il y a deux îles je les pense ensemble dans un même cosmos ; c’est pourquoi ce sera toujours une tâche de chercher des relations entre toutes les totalités partielles102. »

Notes de bas de page numériques

1  L. A. de Bougainville, Voyage autour du monde, éd. J. Proust, Gallimard, 1982, coll. Folio, pp. 46-47, « Discours préliminaire ».

2  Les références sont celles de l’édition de Jean Starobinski dans la collection de la Bibliothèque de la Pléiade, Œuvres complètes, t. III, Du Contrat social, Écrits politiques, Gallimard, 1954 ; cette édition a été reprise dans la collection Folio, 1996, dans laquelle nous donnons également la référence, avec l’abréviation Discours. Note X, Bibliothèque de la Pléiade, p. 212 ; Folio, p. 142.

3  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 134 ; Folio, p. 64.

4  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 125 ; Folio, p. 55.

5  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 131 ; Folio, p. 62. Il peut toutefois s’agir ici des faits exposés par la Genèse.

6  Catherine Clément, Lévi-Strauss, Seghers, 1970, p. 53 ; cité par M. Duchet, Le Partage des savoirs, p. 202.

7  Gilbert Chinard, L’Amérique et le rêve exotique, p. 347.

8  J. Starobinski, Introduction, Bibliothèque de la Pléiade, p. LI, Folio, p. 18.

9  Le mot serait apparu dans le sens de « sociabilité » sous la plume du marquis de Mirabeau, père de l’homme politique de la Révolution : d’après J. Starobinski, « Le mot civilisation », Le Remède dans le mal, Gallimard, 1989, p. 12.

10  Rousseau emploie une fois le verbe « civiliser » et six fois l’adjectif verbal « civilisé » dans le Discours du l’inégalité.

11  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 132 ; Folio, p. 62.

12  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 131 ; Folio, p. 61.

13  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 131 ; Folio, p. 61.

14  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 137 ; Folio, p. 67.

15  Par exemple : « pour le Philosophe ce sont le fer et le bled qui ont civilisé les hommes et perdu le Genre-humain »(Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 171 ; Folio, p. 101).

16  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 131 ; Folio, p. 61.

17  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 132 ; Folio, p. 62.

18  Préface, Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 122 ; Folio, p. 52.

19  C. Lévi-Strauss, « Jean-Jacques Rousseau, fondateur des sciences de l’homme », [1962], Anthropologie structurale 2, Plon, 1973, p. 45.

20  Note X, Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 212 ; Folio, p. 142.

21  Note X, Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 212 ; Folio, p. 142.

22  Essai sur l’origine des langues, [1761-1781], éd. J. Starobinski, Gallimard, 1990, coll. Folio, pp. 89-90.

23  Le terme n’est attesté qu’au XXe siècle.

24  Essai sur l’origine des langues, [1761-1781], éd. J. Starobinski, Gallimard, 1990, coll. Folio, p. 89.

25  Sujet du concours tel qu’il a été publié en novembre 1753 par le Mercure de France, pp. 65-66 (note de l’édition Bibliothèque de la Pléiade, p. 1300, Folio, p. 188). En fait, la lecture du discours n’a pu être achevée dans ce laps de temps, comme le prouve le compte rendu de la séance de l’Académie de Dijon (introduction de J. Starobinski, Bibliothèque de la Pléiade, p. XLIII, Folio, p. 10).

26  Victor Goldschmidt, Anthropologie et politique : les principes du système de Rousseau, Vrin, 1974, p. 115.

27  Note X, Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 212 ; Folio, p. 142.

28  Note X, Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 213 ; Folio, p. 143.

29  Joseph-Marie de Gérando, Considérations sur les diverses méthodes à suivre dans l’observation des peuples sauvages, in Jean Copans & Jean Jamin, Aux origines de l’anthropologie française, Jean-Michel Place, 1994, p. 75.

30  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 193 ; Folio, p. 123. Nous soulignons.

31  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 133 ; Folio, p. 63.

32  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 132 ; Folio, p. 62.

33  Essai sur l’origine des langues, [1761-1781], éd. J. Starobinski, Gallimard, 1990, coll. Folio, p. 89.

34  Préface, Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 127, Folio, p. 57.

35  Préface, Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 123 ; Folio, p. 53.

36  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 162 ; Folio, p. 92.

37  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 143 ; Folio, p. 73.

38  Introduction de J. Starobinski, Bibliothèque de la Pléiade, p. LI ; Folio, p. 18.

39  Introduction de J. Starobinski, Bibliothèque de la Pléiade, p. XLIX ; Folio, p. 16.

40  Michèle Crogiez, Rousseau et le paradoxe, Champion, 1997, p. 256.

41  Voir Victor Goldschmidt, Anthropologie et politique : les principes du système de Rousseau, Vrin, 1974, p. 138. Les exemples bibliques sont aussi fréquents dans l’Essai sur l’origine des langues.

42  Jean-François Lafitau, Mœurs des Sauvages Américains, Saugrain et Hochereau, 1724, t. 1, p. 3.

43  Montaigne, Essais, « Des Cannibales », I, xxxi, éd. Pierre Michel, LGF, 1972, Le Livre de Poche, t. 1, p. 307.

44  Jean-Baptiste Du Tertre, Histoire générale des isles de S. Christophe, de la Guadeloupe, de la Martinique et autres dans l'Amérique, chez Jacques et Emmanuel Langlois, 1654, p. 396.

45  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 139 ; Folio, p. 69.

46  Baron de La Hontan, Dialogues curieux entre l'auteur et un sauvage de bon sens qui a voyagé, 1703 (Éd. Sociales, 1973, coll. Les classiques du peuple).

47  Sur ce point, on nous permettra de renvoyer à notre contribution : « Le philosophe nu, ou les ressources d’une éloquence sauvage », in Sylviane Albertan-Coppola, Apprendre à porter sa vue au loin. Hommage à Michèle Duchet, ENS Éditions, 2009, pp. 69-91.

48  François Péron, Observations sur l’anthropologie ou l’histoire naturelle…, [1800], in Jean Copans & Jean Jamin, Aux origines de l’anthropologie française, Jean-Michel Place, 1994, p. 115.

49  François Péron, Observations sur l’anthropologie ou l’histoire naturelle…, [1800], in Jean Copans & Jean Jamin, Aux origines de l’anthropologie française, Jean-Michel Place, 1994, p. 116.

50  François Péron, Observations sur l’anthropologie ou l’histoire naturelle…, [1800], in Jean Copans & Jean Jamin, Aux origines de l’anthropologie française, Jean-Michel Place, 1994, p. 115 (nous soulignons).

51  Certes, le récit de Bougainville paraît en 1771, soit bien après le Discours sur l’inégalité. Mais Rousseau a rajouté des notes tardives à son discours, qui sont publiées dans l’édition de 1782 : il aurait donc pu y évoquer les Tahitiens, mais il ne le fait pas.

52  Ces brèves citations sont aussi de François Péron, Observations sur l’anthropologie ou l’histoire naturelle…, [1800], in Jean Copans & Jean Jamin, Aux origines de l’anthropologie française, Jean-Michel Place, 1994, pp. 116-117.

53  On nous permettra de renvoyer à notre ouvrage, Les Derniers Indiens des Caraïbes. Image, mythe et réalité (Ibis Rouge, 2003), dans lequel nous avons essayé de mettre en valeur ces oppositions préconçues et idéologiquement opportunistes entre « bons sauvages » et « brutes » ou « monstres ».

54  Hobbes, De cive : « chacun désire par une nécessité naturelle ce qui lui est bon, et il n’y a personne qui puisse estimer que cette guerre de tous contre tous, attachée nécessairement à l'état naturel, soit une bonne chose. Ce qui fait que, par une crainte mutuelle, nous désirons de sortir d'un état si incommode, et recherchons la société ; en laquelle s’il faut avoir de guerre, du moins elle n’est pas sans secours, ni de tous contre tous. » (1642), Le citoyen ou les fondements de la politique (traduction de Samuel Sorbière, secrétaire de Thomas Hobbes, en 1649). chap. 1, « De l’état des hommes hors de la société civile », XIV. [http://classiques.uqac.ca/classiques/hobbes_thomas/le_citoyen/le_citoyen.html p. 38].

55  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 158 ; Folio, p. 88.

56  Nicolas Bricaire de la Dixmérie, Le sauvage de Taïtiaux Français. Avec un Envoi au philosophe ami des sauvages [1770], rééd. Papeete, Perspectives Maohi, 1989, p. 86.

57  Voyages de François Coreal aux Indes occidentales, 1722, pp. 184-185.

58  Montaigne, Essais, I, xxxi : « ils ont une façon de leur langage telle, qu’ils nomment les hommes moitié les uns des autres ». (éd. Livre de Poche, t. 1, p. 318).

59  Peter Kolb, Description du cap de Bonne-Espérance : où l'on trouve tout ce qui concerne l'histoire naturelle du pays ; la religion, les mœurs et les usages des Hottentots, & l'établissement des Hollandois, tirée des mémoires, Amsterdam, Chez Jean Catuffe, 1741, t. 1, p. 64. On trouve selon les traductions le nom de Kolb ou Kolben.

60  La suite immédiate de la description des Brésiliens montre un aspect plus discutable de leurs mœurs : « Ils sont heureux de ne connoître ni l’avarice ni les autres passions qui en dépendent ; mais ils connoissent à fond la vengeance & toutes ses suites. » : Voyages de François Coreal aux Indes occidentales, 1722, p. 185.

61  G. Pire, « Jean-Jacques Rousseau et les relations de voyages », Revue d’Histoire Littéraire de la France, t. LVI, 1956, p. 358.

62  Olfert Dapper (1639-1689) a publié une Description de l'Afrique : contenant les Noms, la Situation et les Confins de toutes ses Parties, leurs Rivieres, leurs Villes & leurs Habitations, leurs Plantes & leurs Animaux ; les Mœurs, les Coûtumes, la Langue, les Richesses, la Religion & le Gouvernement de ses Peuples, traduit du Flamand, Amsterdam, chez Wolfgang, Waesberge, Boom & van Someren, 1686

63  Charles-Marie de la Condamine, Relation abregee d'un voyage fait dans l'interieur de l'Amerique Meridionale. Depuis la Cote de la Mer du Sud, jusqu'aux Cotes du Bresil et de la Guiane, en descendant la riviere des Amazones, lue a l'Assemblee publique de l'Academie des Sciences, de 28 avril 1745. Paris, Chez la Veuve Pissot, 1745.

64  Maupertuis a rapporté de son voyage en Laponie, en 1736, La Figure de la terre, éditée à l’imprimerie royale en 1738, ainsi qu’un récit de son voyage.

65  Jean Chardin (1643-1713), a écrit un Journal du voyage du chevalier Chardin en Perse et aux Indes orientales : par la mer Noire et par la Colchide...., Londres, chez Moses Pitt, 1686.

66  Engelbrecht Kaempfer (1651-1716) rapporta de son voyage au Japon de 1690 à 1692, des observations publiées en 1712 (Amoenitatum exoticarum politico-physico-medicarum fasciculi V). Rousseau le connaît probablement par l’Histoire générale des Voyages.

67  Voyages de François Coreal, t. I, p. 46.

68  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 199, note ajoutée à l’édition de 1782 ; Folio, p. 129.

69  Voyages de François Coreal, t. I, chap. VIII, p. 130.

70  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 137, note ajoutée à l’édition de 1782 ; Folio, p. 67.

71  D’après l’Abbé de la Caille, « la vie des Hottentots est à peu près la même que celle des Gaulois sauvages dont César fait mention dans les Commentaires. Ils se réunissent près des rivieres & des forêts, en différentes hordes ou peuplades, qui forment comme autant de Villages ou de républiques indépendantes. », Journal historique du voyage fait au cap de Bonne-Espérance, pp. 257-258. Voir l’article de Jean-Baptiste Pisano, « Altérité, mythe et bonheur », Loxias 3, http://revel.unice.fr/loxias/document.html?id=1833.

72  Hobbes, De Cive, X, 3 ; cité par Victor Goldschmidt, Anthropologie et politique : les principes du système de Rousseau, Vrin, 1974, p. 140.

73  Discours sur les Sciences et les arts, Bibliothèque de la Pléiade, p. 16.

74  Rousseau, L’Idée de la méthode, Œuvres complètes, t. II, p. 1246 ; cité par Victor Goldschmidt, Anthropologie et politique : les principes du système de Rousseau, Vrin, 1974, p. 29.

75  Rousseau, La Nouvelle Héloïse [1761], 1ère partie, lettre XII, Garnier-Flammarion, 1967, p. 29.

76  Ces notions sont développées par les ouvrages de rhétorique antiques, et reprises par Barthes dans « L’ancienne rhétorique », L’Aventure sémiologique, Le Seuil, 1985, coll. Points, pp. 85-165.

77  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, pp. 189-190 ; Folio, pp. 119-120.

78  Du Contrat social, Livre I, chap. VI, Bibliothèque de la Pléiade, p. 360.

79  Projet de préface, Essai sur l’origine des langues, éd. Jean Starobinski, Gallimard, 1990, coll. Folio, p. 57.

80  Balthasar Gibert, La Rhétorique ou les règles de l’éloquence, Paris, 1749, p. 425, cité par Michèle Crogiez, Rousseau et le paradoxe, Champion, 1997, p. 121.

81  Yannick Séité, « Les pratiques rousseauistes de la note », Studies on Voltaire, 2003/3, p. 54.

82  Discours, Bibliothèque de la Pléiade, p. 128 ; Folio p. 58.

83  Gérard Genette parle même d’un « contrepoint génétique » qui explique comment le texte a été écrit (Seuils, Le Seuil, 1987, p. 301).

84  Jacques Derrida, « Ceci n’est pas une note infrapaginale orale », in Jacques Dürrenmatt& Andréas Pfersmann (dir.), L’Espace de la note, La Licorne, Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 8.

85  Roland Barthes, « L’ancienne rhétorique », L’Aventure sémiologique, Le Seuil, 1985, coll. Points, p. 148.

86  Yannick Séité, « Les pratiques rousseauistes de la note », Studies on Voltaire, 2003/3, p. 55.

87  Yannick Séité, « Les pratiques rousseauistes de la note », Studies on Voltaire, 2003/3, p. 56.

88  Gérard Genette, Seuils, Le Seuil, 1987, p. 301.

89  Gérard Genette, Seuils, Le Seuil, 1987, p. 301.

90  Jacques Derrida, « Ceci n’est pas une note infrapaginale orale », in Jacques Dürrenmatt& Andréas Pfersmann (dir.), L’Espace de la note, La Licorne, Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 9.

91  Gérard Genette, Seuils, Le Seuil, 1987, p. 299.

92  Discours sur les Sciences et les arts, éd. François Bouchardy, Bibliothèque de la Pléiade, p. 12.

93  Discours sur les Sciences et les arts, Bibliothèque de la Pléiade, p. 3.

94  Gérard Genette, Seuils, Le Seuil, 1987, p. 299.

95  J. Dürrenmatt, « De l’art de battre les buissons ou de la note comme espace du détour dans la Lettre à d’Alembert », in Liliane Louvel (dir.), Le détour, La Licorne, 2000 / 54, p. 179.

96  Gérard Genette, Seuils, Le Seuil, 1987, p. 301.

97  Randa Sabry, Stratégies discursives. Digression, transition, suspens, Éd. de l’EHESS, 1992, p. 210.

98  Introduction de J. Starobinski, Bibliothèque de la Pléiade, p. XLII ; Folio, p. 9.

99  Jean-François de Lapérouse, Voyage autour du monde sur l’Astrolabe et la Boussole (1785-1788), (choix de textes par H. Minguet), Paris, Ed. La Découverte, 1991, p. 369.

100  « La Société des Observateurs de l’Homme se dissout après environ six ans d’activité seulement ; ses idées politiques et morales ne sont pas conformes à la politique impérialiste de Napoléon, et les subventions pour favoriser les recherches anthropologiques sont supprimées. » Ingrid Weber, « Le Regard ethnologique sous l’influence de la philosophie des Lumières », in Florence Lotterie & Darrin M. McMahon, Les Lumières européennes dans leurs relations avec les autres grandes cultures et religions, Champion, 2002, p. 60.

101  Jean-Marie Goulemot, « Questions de terrain et d’arpentage : des récits de voyage, de la pratique de l’histoire et de l’ethnologie », in Sylviane Albertan-Coppola, Apprendre à porter sa vue au loin. Hommage à Michèle Duchet, ENS Éditions, 2009, pp. 94-95.

102  Paul Ricœur, Histoire et vérité, Le Seuil, [1955], coll. Points, 2001, pp. 90-91.

Bibliographie

Chaque section est présentée par ordre chronologique. Sauf indication contraire, le lieu d’édition est Paris.

 Corpus

Rousseau Jean-Jacques, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, [1754-1755], éd. Jean Starobinski, Gallimard, Œuvres complètes, t. III, Du Contrat social, Écrits politiques, 1954, coll. Bibliothèque de la Pléiade

Rousseau Jean-Jacques, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, éd. Jean Starobinski, Gallimard, 1996, coll. Folio

Rousseau Jean-Jacques, Discours sur les Sciences et les arts, [1750], éd. François Bouchardy, Gallimard, Œuvres complètes, t. III, Du Contrat social, Écrits politiques, 1954, coll. Bibliothèque de la Pléiade

Rousseau Jean-Jacques, Essai sur l’origine des langues, [1761-1781], éd. Jean Starobinski, Gallimard, 1990, coll. Folio

Rousseau Jean-Jacques, Julie ou La Nouvelle Héloïse, [1761], éd. Michel Launay, Garnier-Flammarion, 1967

Rousseau Jean-Jacques, Émile ou De l’éducation, [1760-1762] éd. Michel Launay, Garnier-Flammarion, 1966

Rousseau Jean-Jacques, Du Contrat social, [1762] Gallimard, Œuvres complètes, t. III, Du Contrat social, Écrits politiques, 1954, coll. Bibliothèque de la Pléiade

 Autres textes

Montaigne, Essais, éd. Pierre Michel, LGF, 1972, Le Livre de Poche, « Des Cannibales », I, xxxi, t. 1, pp. 303-319 ; « Des Coches », III, vi, pp. 145-166

Hobbes Thomas, De cive, [1642], Le citoyen ou les fondements de la politique,trad. Samuel Sorbière, 1649, http://classiques.uqac.ca/classiques/hobbes_thomas/le_citoyen/le_citoyen.html

Du Tertre Jean-Baptiste, Histoire générale des isles de S. Christophe, de la Guadeloupe, de la Martinique et autres dans l’Amérique, chez Jacques et Emmanuel Langlois, 1654

LA HONTAN Baron de, Dialogues curieux entre l'auteur et un sauvage de bon sens qui a voyagé, 1703, Éd. Sociales, 1973, coll. Les classiques du peuple

LAFITAU Père Joseph-François, Mœurs des Sauvages amériquains comparées aux mœurs des premiers temps, Saugrain et Hochereau, 1724, 4 vol. (rééd. par extraits, Maspéro/ La Découverte, 1983, 2 vol.)

Prévost Antoine François, Histoire générale des voyages, chez Didot, 1746-, http://gallica.bnf.fr

BRICAIRE DE LA DIXMÉRIE Nicolas, Le sauvage de Taïtiaux Français. Avec un Envoi au philosophe ami des sauvages [1770], Papeete, Perspectives Maohi, 1989

Bougainville Louis Antoine de, Voyage autour du monde par la frégate la Boudeuse et la Flûte l’Etoile, [1771], éd. J. Proust, Gallimard, 1982, coll. Folio

DIDEROT, Supplément au voyage de Bougainville [1772], éd. P.-É. Levayer, LGF, 1995, coll. Le Livre de Poche

Coreal [ou Corréal] François, Voyages de François Coreal aux Indes occidentales, comprenant ce qu’il y a vû de plus remarquable pendant son séjour depuis 1666 jusqu’en 1697, traduits de l’espagnol, à Amsterdam, chez J. Frédéric Bernard, 1722

Kolb [ou Kolben] Peter, Description du cap de Bonne-Espérance : où l'on trouve tout ce qui concerne l'histoire naturelle du pays ; la religion, les mœurs et les usages des Hottentots, & l'établissement des Hollandois, tirée des mémoires de Mr Pierre Kolbe, Maître ès Arts, Amsterdam, chez Jean Catuffe, 1741, 2 volumes

La Caille Nicolas-Louis de (1713-1762), Journal historique du voyage fait au cap de Bonne-Espérance, par feu M. l’abbé de La Caille,... précédé d'un Discours sur la vie de l'auteur [par l’abbé Carlier], suivi de remarques... sur les coutumes des Hottentots et des habitans du Cap…, Chez Guillyn, 1763

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Pour citer cet article

Odile Gannier, « De l’usage des notes dans le Discours sur l’inégalité de Rousseau : récits de voyages et ethnographie », paru dans Loxias, Loxias 27, II., De l’usage des notes dans le Discours sur l’inégalité de Rousseau : récits de voyages et ethnographie, mis en ligne le 20 décembre 2009, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=3169.


Auteurs

Odile Gannier

Université de Nice, CTEL. Professeur de littérature comparée. Elle travaille en particulier sur la littérature de voyage et les rapports entre littérature et anthropologie.