Loxias | 69. Génération Beauvoir | I. Génération Beauvoir 

Vincent Tasselli  : 

Marguerite Duras, femme-écriture, ou l’imaginaire durassien de la féminité

Résumé

La position de Marguerite Duras vis-à-vis des idées féministes est complexe et ambivalente, tant au niveau de sa pensée philosophique profonde qu’à celui de la réception de cette pensée. En Europe, son nom n’est jamais spontanément associé à la lutte des femmes, dont elle a pourtant été la contemporaine, alors qu’en Asie elle est considérée comme un modèle d’engagement. En explorant l’imaginaire symbolique de l’écrivaine, à travers notamment les motifs de la sorcière, de la maison, de l’exploitation sexuelle et du mariage, et en le rattachant à ses conceptions citoyennes et politiques désenchantées, nous proposons d’éclairer la vision que développe Duras de la dualité masculin-féminin, vision dans laquelle tensions et appels à la pacification se confrontent incessamment. Par-delà l’appel à la révolte et l’accusation de l’homme, c’est avant tout la quête d’un retour à l’unité dans l’amour absolu qui est réclamé, expliquant sans doute la défiance qu’elle a pu inspirer.

Abstract

Marguerite Duras’s position towards feminist ideas is complex and ambivalent, both concerning her deep philosophical thought and the way this thought is received. In Europe, her name is never spontaneously associated with the women’s struggle movement, even though she was contemporary with it, whereas in Asia she is considered to be a model of commitment. By exploring the writer’s imaginative world through the study of such symbolic motifs as the witch, the home, sexual exploitation and marriage, and linking it with her disillusioned social and political ideas, we intend to clarify the view that Duras develops on masculine-feminine duality, a view in which tensions and calls for pacification are constantly confronted. Beyond the call for rebellion and man’s accusation, it is first and foremost the quest for a return to unity in absolute love that is claimed, which could account for the mistrust she may have aroused.

Index

Mots-clés : destruction , Duras, féminisme, féminité, imaginaire

Plan

Texte intégral

L’ambivalence du féminisme durassien

1Marguerite Duras demeure une personnalité majeure de son temps, une écrivaine de premier plan, unanimement reconnue. Artiste prolifique, femme médiatique, citoyenne engagée et enragée (signataire entre autres du Manifeste des 343), sa figure est indissociable de la littérature contemporaine et des nombreuses luttes politiques des années 1950 à 1980. Pourtant, son nom n’est jamais spontanément associé à la lutte féministe, en France tout du moins. Il y a là un véritable paradoxe ; elle n’a cessé d’écrire la féminité dans ses œuvres, a clamé haut et fort tout au long de sa carrière la nécessité de défier voire anéantir le patriarcat, et néanmoins un silence, presque une omerta, plane au-dessus d’elle dès qu’il s’agit d’établir le bilan du combat pour le droit des femmes. Si Suzanne Horer et Jeanne Socquet l’interrogent sur cette lutte dans leur ouvrage consacré à la création féminine1, si les actes d’un colloque organisé en sa présence à Montréal lui permettent de longuement développer sa vision anti-militantiste2 et si Béatrice Didier inclut un chapitre sur Le Ravissement de Lol V. Stein dans L’Écriture-femme3, nous ne trouvons aucune autre trace de son discours dans la constellation des voix qui portent le féminisme à cette époque. Il semble que l’on ne retienne que les noms de Beauvoir, de Cixous ou d’Halimi, presque de manière stéréotypée. Duras n’a pas d’héritières, jamais sa voix ne fait autorité sur ce sujet. À l’inverse, et bien étrangement, Huang Hong nous apprend qu’en Asie « les féministes l’invoquent comme une figure incontournable de la cause de l’émancipation des femmes […]. Les écrivains, surtout les “Belles femmes écrivains chinoises” l’ont prise pour modèle de leur “écriture du corps”, sensuelle et (semi) autobiographique4 ». Le continent de sa naissance encense sa colère et sa sensualité pendant que l’Occident la muselle et la cantonne dans l’image clichéique de la romancière absconse et de la femme engagée délirante. Cette évacuation est fort regrettable, car ce discours est bien singulier et mérite d’être plus amplement développé. Il nous semble donc assez nécessaire de spécifier sa posture vis-à-vis du statut de la femme et du mouvement féministe, dont elle a été l’une des actrices essentielles tout en proférant une parole résolument libre et volontairement éloignée de tout propos organisé. L’angle d’approche qui nous paraît le plus efficient pour cerner au mieux cette vision complexe est l’étude des archétypes qui structurent l’écriture et la pensée. Aussi proposons-nous au lecteur une simple déambulation dans l’univers de Marguerite Duras, afin de mieux comprendre la construction imaginaire du féminin et ses résonances avec le monde et les combats extérieurs. En nous fondant sur les nombreux entretiens accordés à la presse et reconnaissant dans les œuvres les traces fictionnelles de la lutte et de la pensée agissante et néantisante du refus, nous esquisserons les significations spécifiques que l’auteure assigne aux symbolismes du féminin, avant d’observer plus précisément la posture paradoxale de Duras vis-à-vis du mouvement féministe. Peut-être alors saisirons-nous l’absolue cohérence imaginaire de cette femme qui n’aura vécu qu’à travers ses livres, cette femme-écriture.

Une vie piétinée : vers l’appel au refus et à la destruction

2Peut-être l’une des premières clefs pour saisir cet oubli plus ou moins volontaire est-elle de rappeler que les luttes de Duras ont été multiples, et souvent par trop chaotiques ; la colère contre le machisme est sans doute noyée au milieu des autres colères, d’une fureur généralisée contre tous les visages de l’autorité, quels qu’ils soient. Pensant Duras, on ne voit que la guerrière. On en oublie l’Amazone. C’est que l’existence-même de l’auteure est une incessante succession de confrontations. En effet, parfois les hasards du destin collectif épousent tragiquement le tracé d’un cheminement personnel ; une vie se déroule, bringuebalée, scandée par les caprices du monde imposant à l’individu une route incertaine, dans laquelle intérieur et extérieur se répondent avec horreur. Comme si le libre-arbitre n’était qu’une illusion, qu’il n’y avait pas de choix ; si c’est la grande histoire qui dicte et assigne la direction, l’être suit, et serpente, comme il peut, forcé de bâtir une existence décidée par l’avancée des hommes. On étouffe, entraîné par le torrent, et les mains s’accrochent, tentent de retenir, de lutter contre la puissance dévastatrice, en vain. Et pourtant l’on vit, malgré tout. Là est la sente étroite. Une voie médiane se dessine alors ; il faudra conquérir sa liberté, coûte que coûte, dans le savoir lucide de la vacuité de l’agir. Marguerite Duras est de ces existences-là. Femme sacrifiée sur l’autel du Fatum patriarcal et de sa violence, enfant de son siècle (1914-1996), elle en a traversé les crises les plus majeures, et bien des idéaux se sont fracassés sur les écueils d’une histoire piétinant la sienne. Il paraît plus qu’utile de nous détourner un court instant de la problématique spécifiquement féministe et d’observer cette trajectoire dans sa globalité afin de mieux saisir la vision de l’écrivaine. Si nous retraçons très succinctement sa vie, il semble évident que le drame et la perte l’accompagnent depuis les premiers âges. En effet, les souvenirs de l’enfance indochinoise sont très tôt effacés par la guerre d’indépendance qui coûtera la vie à son jeune frère Paul, avant que la Seconde Guerre Mondiale et l’Occupation ne poussent la jeune femme à rejoindre les cellules parisiennes de la Résistance. Elle se confrontera à la peur de la mort, à l’angoisse de la clandestinité et à la terreur d’être sans nouvelles de son époux Robert Antelme, déporté à Buchenwald puis à Dachau. Au sortir du conflit, devenue romancière, elle se jette corps et âme dans la lutte politique et adhère sans condition à l’espérance portée par le Parti Communiste. Pourtant, déjà, sa liberté de penser entre en dissonance avec les cadres fermes de l’appareil politique. Duras est une révoltée qui sait l’absurdité et la vanité de tout combat organisé, un personnage camusien, suppliciée au rocher. Si son existence sera portée par la marche du temps et qu’elle n’y échappera pas, elle comprend à cet instant que sa seule arme sera le refus, l’inertie dévastatrice du refus. Écœurée au plus profond d’elle-même par les crimes staliniens et la dictature tapie sous l’uniforme faussement sanctifié du militantisme, officiellement exclue par le P.C.F., Duras se sert de sa notoriété grandissante pour fustiger les décrets autoritaires et hurler sa rage dans ses œuvres comme dans les médias. Isolée dans sa fureur, elle traverse un désert intérieur, devient un « maître à dé-penser5 », et ne croit plus en rien. Mai 68 vient alors confirmer cette nouvelle vision du monde et lui permet de structurer encore davantage sa philosophie du refus ; pour elle, les événements estudiantins ont réussi car ils n’ont justement abouti à rien et qu’aucun parti n’a pu récupérer cette colère fraîche, spontanée6. Une bascule a lieu à cet instant : la seule révolution réussie est celle qui ne mène nulle part, et l’espoir brisé par la réalité se réfugie alors dans le recours métaphysique au vide. L’auteure rêve de tout déconstruire pour ne plus rien bâtir à la place, et toute son entreprise scripturale se résume dans un ouvrage emblématique qu’elle publie en 1969 et dont le titre est plus que programmatique : Détruire, dit-elle7. Désormais, Duras n’agit plus : elle dit non. À tout. La révolution durassienne est une utopie reposant sur les ultimes piliers de l’imaginaire, le refus et l’inertie, opposés désormais aux dogmatismes de tous bords, au militantisme et au patriarcat, qu’ils rongent silencieusement pour en dévoiler l’absolue vacuité. C’est une lutte passive et féroce pour la liberté individuelle, pour la plus pure égalité des êtres qui transforme Duras en pasionaria du Rien. Bien plus qu’un acte, la révolte est pour elle un sentiment, l’Éros de la révolte, sapant désormais tout Logos.

3L’artiste, nous le voyons, est extrême ; tout devient pourtant cohérent dans l’imaginaire, tout s’abreuve à la même source du Nada, et les œuvres comme le quotidien cherchent à transmettre, inoculer le poison inerte. Pour Duras, la négation doit être générale, forcément générale. Écrire, parler, s’engager, refuser, tous ces gestes émanent d’une seule et même énergie obscure, d’une pensée symbolique qui structure l’univers intérieur dans son entier. Et, si nous nous recentrons à présent sur notre sujet, il est naturel d’observer que la révolte résonne aussi dans l’intimité du féminin. Au même titre que l’artiste, la femme qu’elle est sait l’oppression masculine subie par son sexe : la quête de destruction massive en passe donc logiquement aussi par le soutien apporté à la parole féministe. Très vite, la féminité devient en effet l’un des fondements essentiels de l’écriture du refus. Il ne faut pas, concernant Duras, tenter de discerner, séparer l’être de son œuvre. Aucune dualité, aucune frontière étanche ne distingue la femme et l’écrivaine ; Marguerite Donnadieu et Marguerite Duras sont identiques. Nous sommes face à une femme-écrivaine, une femme-écrivant, sans démarcation entre les tréfonds de la psyché et l’encre déversée sur la page. L’équivalence est totale. Le statut de la féminité l’interroge incessamment, et l’écriture témoigne de cette image fondamentale qui l’habite et la guide. La Femme est l’archétype essentiel et indéchiffrable : elle en parle comme elle l’écrit, dans une intarissable, une interminable et toujours renouvelée fascination. Elle devient l’image de la liberté dans l’effacement, tandis que l’Homme demeure prisonnier des repères fixes qu’il a lui-même imposés au monde ; en somme, l’irréconciliable dualité entre le masculin et le féminin renvoie pour Duras à l’opposition plus générale entre l’Éros et le Logos. Le discours féminin et féministe durassien ne peut être compris sans saisir cette vaste constellation imaginaire où la négation s’impose partout.

La Sorcière : un prolétariat millénaire

4La donnée essentielle qui définit la féminité se résume dans le motif de la splendide clandestinité. La femme est l’effacement le plus absolu, depuis toujours. En 1977, l’écrivaine accorde plusieurs entretiens à Michelle Porte qui seront publiés sous le titre Les lieux de Marguerite Duras et s’intégreront immédiatement à la liste de ses œuvres, tout autant que les romans ou les pièces de théâtre. Dans ce recueil, elle développe longuement sa vision de l’archétype féminin. À jamais imprégnée de l’idéal communiste bien que détruite par l’effondrement du rêve politique, elle pose une équivalence totale entre l’ouvrier et le sexe dit faible, affirmant que « la femme est un prolétariat, comme vous le savez, millénaire8 ». Le statut de femme s’accorde parfaitement dans l’imaginaire aux luttes et à la passion brisée du militantisme. Le féminisme spécifiquement durassien s’élabore à partir de ce constat : la féminité, dans son essence la plus mystérieuse et la plus subtile, est avant tout une classe opprimée, parmi tant d’autres. Elle confiait déjà cette idée deux ans auparavant à Pierre Bregstein, reconnaissant que ce musellement, cette soumission imposée par le patriarcat était « l’expression de la classe féminine. Il n’y a pas que les femmes qui se taisent. Il y a les autres : le prolétariat, les classes ouvrières, celles de la faim et de la misère. Mais ce réseau de silences se coupent et se rejoignent9 ». Cette constellation des oppressions s’imprègne du passé communiste autant que de la lecture de la Bible, que Duras connaît parfaitement. L’Homme s’est arrogé le droit à la domination, soutenu par Dieu. Soumise, légalement emprisonnée dans son sexe par les Saintes Écritures, elle est la figure de la misère, de l’exploitation, l’image du silence et de la douleur imposés par l’extérieur. Elle n’est même pas martyr, elle n’est rien, humiliée, bafouée, réifiée. On ne tient pas compte d’elle, elle subit et obéit : voilà en quoi elle est un peuple outragé, la grande prolétaire. La féminité ne peut alors se construire que dans la clandestinité. Le silence exigé par les décrets masculins devient le silence de l’initiée, l’impalpable corps qui s’est bâti dans son effacement. Des siècles de sentiments contenus, de parole bâillonnée... Au fond, nous n’avons jamais quitté le Moyen Âge... La femme, pour Duras, est donc aussi et avant tout la Sorcière. L’écrivaine a lu Michelet10, et cette lecture qu’elle évoque et convoque régulièrement semble avoir été fondamentale dans l’érection imaginaire du symbolisme féminin. La Sorcière a forgé dans l’esprit de l’artiste une définition mythique et mythifiée de ce sexe brimé depuis plus de deux mille ans. L’essence profonde du féminin renvoie aux archétypes de l’enchanteresse, de la sauvageonne, de la louve ; la femme est celle qui, forcée à demeurer au sol, maintenue sous le joug de la virilité, est retournée au cœur de la nature. La forêt lui appartient, reflet, réverbération extérieure de son intériorité. Elle connaît le silence, elle sait l’écouter, elle sait se perdre : elle accepte de mourir au monde pour l’accueillir dans son entier. Sa force d’amour est incommensurable. Dans Véra Baxter, film hanté par les femmes qu’elle réalise en 1976, Duras développe encore davantage ce mythe :

Vous vous souvenez ? […] C’était il y a mille ans, pas ici, dans ces forêts au bord de l’Atlantique, il y avait des femmes... […] leurs maris étaient loin, presque toujours, à la guerre du seigneur, à la Croisade, et elles restaient parfois pendant des mois dans leur cabane, seules au milieu de la forêt, à les attendre. (Temps) Et c’est comme ça qu’elles ont commencé à parler aux arbres, à la mer, aux animaux de la forêt… […] L’une d’entre elles s’appelait Véra Baxter...11

5Finalement, la sorcière et le prolétariat se rejoignent dans l’image d’une liberté reconquise de force, d’une force passive qui oppose l’inertie aux gesticulations enfantines du patronat adamique. Silence, mystère indéchiffrable pour l’homme, errance dans les territoires interdits, absence et effacement, tous ces traits caractéristiques des personnages féminins qu’invente Duras se retrouvent dans cette figure mythique que l’écrivaine reprend à son compte et intègre à son imaginaire. La sorcière est chassée, mise à la marge du monde car elle est instruite, imprégnée d’une connaissance naturelle dont les hommes ne veulent pas, qu’ils refusent. C’est le masculin qui a fait de la sorcière une image négative et démoniaque, un symbole dévalué par son obsession à récuser la majestueuse désobéissance du féminin. La guérisseuse est devenue jeteuse de sort, la bonté a été travestie en maléfice, et la beauté renversante de Circé a été recouverte par l’image risible de la vieille démone verruqueuse du fond des bois. Dans un système de protection absurde ne révélant que sa faiblesse, le maître couronné par Dieu a créé les superstitions, autres formes de décrets, autres dogmes. Brûler la femme, battre et abattre, imposer un cachot de silence par peur du silence subversif. Duras affirme que toute femme s’érige dans cette image absolue qui n’a absolument pas varié depuis les temps archaïques. Le féminin s’est forgé dans le subissement ; cette violence à son encontre a creusé au centre de son corps un vide irrémédiable, une béance qui est devenue sa liberté et qui obsède les hommes, acharnés à refuser cette faille constitutive. La femme selon Duras sera toujours le secret, la légère vitrification du regard qui fait qu’elle se dérobe aux yeux de tous et ne pourra jamais être possédée complètement. Elle s’est séparée de l’homme, a refusé l’image de la côte d’Adam pour devenir un corps aboli et total, un corps nu, un corps-arbre, un gommage millénaire – unissant ainsi la sexualité à la mort, l’offrande à la dévoration, inaccessible reflet de l’échec du patriarcat. La femme est la peur la plus primaire de l’homme. La Sorcière marque donc la reconquête de la sauvagerie de l’instinct, la liberté acquise dans l’exil, « comme si [elle] portait en [elle] sa barbarie, première, intacte, qui était ensablée par le temps, vous voyez, au cours des siècles, mais qui était là complètement12 ». Contrainte au malheur par son époux et son dieu, elle a accueilli l’amour et la douleur, la vie et la mort dans un même mouvement d’ouverture absolu – mère, femme, fille, vierge et catin, donneuse de vie et donneuse de mort. Marguerite Duras sait cette porosité à la souffrance, cette imprégnation mortifère qui structure le symbolisme féminin :

La mort est féminine. Le mot. Et les femmes. Les femmes se suicident moins que les hommes, parce qu’elles sont déjà dans un état suicidaire. Depuis des millénaires. Je vois la sorcellerie comme déjà suicidaire. Les maternités, le ménage, comme suicidaires, encore suicidaires. Comme elles sont dans le suicide, elles ne se suicident pas. Tandis que l’homme, qui le découvre, il passe aux actes. Elles sont beaucoup plus imbibées de mort que les hommes13.

6La féminité durassienne est donc à observer dans ce double élan où Éros et Thanatos se retrouvent unifiés dans le vide. Le prolétariat féminin est une transgression au cœur de l’humiliation. Sans aucun doute le traumatisme de la perte d’un premier enfant mort-né en 1942, à quelques semaines d’intervalles de la disparition du petit frère en Indochine, a-t-il également influencé cette vision imaginaire qui inscrit dans la chair de la femme cette proximité de la naissance et du trépas. Duras comprend qu’« en créant de la vie, nous créons de la mort. Puisque nous créons des objets mortels. Et nous créons de la douleur, les femmes14 ». La souffrance est totale, et pourtant l’auteure la transmue en une métaphysique positive. L’image de la sorcière résout cette opposition en la transposant immédiatement vers le mythe, concentrant les motifs du silence, de la bestialité crue de l’être nocturne qui rejoint la lumière en offrant son amour à l’univers. Sa nature profonde est bien cette passivité agissante qui la rend inatteignable, intouchable au sens le plus sacré du terme.

La femme et la maison, un lien organique

7En outre, le féminin, reconquérant la sauvagerie naturelle de la forêt, s’est également emparé d’un second lieu symbolique essentiel, la maison. Pour Duras, « la femme est le foyer15 ». Puisque le guerrier a volontairement déserté l’âtre pour mettre la main sur d’autres terres et d’autres corps, il a enfermé Eve, a mis la folle au logis. Or, la livrant à la plus profonde solitude, le geôlier n’a pas réalisé que cette prison deviendrait pour l’emmurée un royaume. La maison est le domaine du féminin. Selon l’auteure, « la maison est faite par les femmes. C’est exactement comme le prolétaire : le travail du prolétaire lui appartient, au prolétaire. Les instruments de travail du prolétaire sont le prolétaire. De la même façon, la maison appartient à la femme16 ». Il ne s’agit pas ici de filer une fois de plus le stéréotype éculé de la ménagère mais bien de poser une équivalence primordiale, définir une consubstantialité archétypale entre l’intérieur et l’extérieur, la magicienne et son antre sacré – deux corps mis en abyme, deux cocons, deux ventres. La femme est ambivalente, sise entre la férocité funeste ancestrale et l’intendance du quotidien qu’elle façonne à son image, en insolente démiurge. Comme le remarque Jean Pierrot, c’est « précisément cette double face et cette double sphère, celle de la vie quotidienne, du foyer et des enfants, et celle de la passion et de la mort, qui […] sans aucun doute caractérise aux yeux de l’auteur la nature profonde de la femme, l’essence de la féminité17 ». Fatalement pour l’homme, image de turbulence, cette fidélité du lien entre femme et foyer est proprement incompréhensible. Réduite en cendres sous le joug du feu viril, Cendrillon la soubrette mêle sa substance à la pierre de l’âtre, ouvre son corps à la forme de la maison, qui demeure pour toujours la chaumière des sorcières du fond des bois. Duras voit les femmes comme littéralement « incrustées dans la pièce, insérées dans les murs, dans les choses de la pièce18 ». Chacune semble ainsi devenir la métonymie et la synecdoque de l’autre, cristallisation d’un double élan d’introspection et d’extrospection. Une unité, une complétude naît de cette porosité fondamentale :

Oui. Seule une femme peut y être à l’aise, peut y adhérer complètement, oui, sans s’y ennuyer. Je pense que je ne traverse jamais cette maison sans la regarder. Et je crois que ce regard-là, c’est un regard féminin. Un homme y rentre le soir, il y mange, il y dort, il s’y chauffe, etc. Une femme, c’est autre chose, il y a une sorte de regard extatique, de regard en soi de la femme sur la maison19.

8Durant son enfance, bringuebalée par les changements de postes de ses parents enseignants et les déménagements constants, Marguerite Duras n’a pas su ce qu’était cette symbiose primordiale. La vente des droits cinématographiques du Barrage contre le Pacifique lui permet d’acheter en 1958 une vieille bâtisse, un parc et un étang dans les Yvelines, à Neauphle-le-château. Elle ne la quittera jamais plus. Elle trouve enfin son port d’attache, et ressent cette adéquation symbolique entre la maison et son propre corps :

Il faut vous dire que j’étais fille de fonctionnaire et que pendant toute mon enfance je n’ai fait que changer de lieu. Quand mes parents changeaient de poste, je changeais de maison. Et ensuite j’ai eu des appartements loués à Paris, et c’est la première fois que j’ai une maison à moi. Et… c’est un petit peu comme si j’y étais née, quand même, ici, je l’ai tellement faite à moi que j’ai le sentiment qu’elle m’appartient depuis… depuis avant moi, depuis avant ma naissance20.

9Duras rédige et tourne à Neauphle quelques-uns des livres et des films les plus importants de sa carrière, tous structurés autour de figures féminines évanescentes, errant dans ce parc. Le dédoublement entre la femme et sa demeure devient alors une trinité féminine absolu. Les personnages durassiens habitent elles aussi la maison :

Toutes les femmes de mes livres ont habité cette maison, toutes. Il n’y a que les femmes qui habitent les lieux, pas les hommes. Cette maison a été habitée par Lol V. Stein, par Anne-Marie Stretter, par Isabelle Granger, par Nathalie Granger, mais aussi par toutes sortes de femmes ; quelquefois quand j’y entre j’ai le sentiment, comme ça… d’un foisonnement de femmes. Elle a été habitée par moi, aussi, complètement. Je pense que c’est le lieu du monde que j’ai le plus habité21.

10La déambulation des héroïnes dans les paysages de l’écriture rejoint celle de leur créatrice marchant dans le foyer ; les murs sont l’athanor unifiant l’acte d’écrire et l’univers fictionnel, confondant la solitude de la femme-écriture avec les êtres de papier qui surgissent de sa nuit. En outre, évidemment, cette isotopie entre la féminité et l’habitat convoque également chez Duras les images du contenant, de l’utérus et donc de la maternité :

Quand elle déambule là, dans la maison, c’est comme si elle passait autour d’elle-même, comme si elle contournait son propre corps […] comme si elle en épousait même le contour, comme si la maison elle-même avait forme de femme […] Oui ? le fait que la femme soit, en elle-même, une demeure, la demeure de l’enfant, qu’elle ait ce sens-là de la protection, par son corps, de cet entourement de l’enfant par son propre corps, ce fait-là ne doit pas être étranger à la façon qu’elle a d’être insérée elle-même dans l’habitat, dans sa demeure. C’est sûr22.

11Une fois de plus, l’homme, face à cette trinité, cette femme au cube, voit ses certitudes patriarcales s’effondrer. Il est incapable de rejoindre la féminité ni d’investir les lieux :

Elle marche très lentement dans le parc, et ça paraît tout à fait naturel. Si un homme faisait ça, si un homme traversait le parc de ce pas-là, avec ce calme, cette quiétude, on n’y croirait pas… On dirait : il fait les cent pas dans le parc. On ne dirait pas qu’il s’y promène23.

12Au symbolisme de la sauvagerie archaïque s’adjoint donc celui de l’habitation profonde du sol. La féminité selon Marguerite Duras se construit dans cette double opposition au masculin. Traversant la mort, elle brise la civilisation, retourne à l’effacement des premiers âges en s’incarnant totalement dans le silence comme dans la maison. L’homme demeure un imbécile, continue de faire pleuvoir la violence sur elle, cherchant à maintenir son illusoire domination. Et, même au cœur de l’avilissement sadique et puéril, il ne parvient à la posséder. Là est la revanche passive du féminin.

« La gloire du subissement »

13La construction imaginaire durassienne se structure autour de l’idée essentielle d’une liberté découverte à travers l’expérience de la soumission. Nous rejoignons bien la notion de révolte telle que la conçoit l’auteure. La philosophie du refus, politiquement tournée vers l’histoire, éthiquement guidée par la négation, épouse parfaitement cette vision symbolique de la féminité. La femme est le visage de l’Éros sapant le Logos, anéantissant la logorrhée du véritable sexe faible, de l’homme affaibli par la fausse puissance de ses poings dressés. C’est par la compassion universelle, l’ouverture maximale à l’amour que l’autorité bibliquement sanctifiée est brisée. En unissant le symbolique à l’engagement, c’est une révolution mystique qui charpente alors la totalité de l’imaginaire et des œuvres. L’équation est assez simple : l’homme possède et domine le corps féminin, la femme accepte ce joug par amour, et ainsi l’homme croit détenir, et ne détient rien. Afin de briser les chaînes du patriarcat, elle offre ce corps au désir de celui qui croit en être le maître. Sous la soumission, c’est un véritable attentat contre la virilité qui a lieu, une offrande qui se fait sacrilège, meurtrière, castratrice. L’image est celle d’une impuissance ; la masculinité s’agite, pense bêtement atteindre la femme en la pénétrant. Cette appropriation de façade signe sa perte. La domination sexuelle est une volonté d’ouverture à l’amour et à l’effacement, décidée par la femme, uniquement par elle, et ce jeu de dupe n’entraîne qu’un gaspillage, une déperdition de la brutalité masculine. En se donnant à l’homme, la femme devient poreuse, se dilue sous les doigts faussement inquisiteurs, et disparaît, s’efface pour revêtir les oripeaux de l’archétype, symbole parfait de l’amour universel. Qui est alors le prisonnier ? Le décréteur, seulement lui. L’héroïne durassienne est informée que c’est par la nuit, la perte, le passage symbolique à travers la mort initiatique provoquée par les coups de l’homme qu’elle atteint la plénitude du Grand Tout, du Grand Vide – le Nada absolu. Cette extase mystique est nommée par Marguerite Duras « la gloire du subissement » :

Il est vrai qu’il y a une sorte de gloire du subissement chez la femme que beaucoup de femmes nient. C’est le règne du subissement, c’est la femme qui est royale là-dedans, ce n’est pas l’homme qui frappe… Je regrette pour beaucoup de femmes qu’elles ignorent tout de ça, il y en a pas mal, je crois… On n’en parle pas entre soi. Il y en a beaucoup qui ignorent ça, cette espèce de bonheur incomparable d’être bafouée, d’êtres les sorcières des places publiques, hein, c’est pareil. Je crois que là il y a une amplitude, je pourrais dire, de la féminité, qui est encore atteinte de nos jours, par le truchement de cette violence-là, subie, de l’homme, par la femme et qui est perdue. Et je pense que s’il n’y a pas ça, il y a une sexualité infirme chez les femmes, incomplète…24

14C’est donc par la mystique que Duras va coller à son temps ; le féminisme ou la libération sexuelle seront des phénomènes extérieurs concomitants à cette révolution intérieure, venant confirmer la nécessité de la lutte et le recours à la toute-puissance du refus et de la passivité. Perdre ses contours, atteindre la désintégration salvatrice, la subversion, et rejoindre l’anéantissement, regagner cette sauvagerie primitive, antique. La sexualité est une initiation exclusivement féminine. La sorcière rejoint alors l’archétype sororal de la prostituée sacrée. Duras joue avec les codes stéréotypés de l’imaginaire masculin pour en saper les fondations et provoquer son effondrement. L’acte de dispersion volontaire est une ascèse qui assure l’accession à la totalité : détruire en s’abolissant, sans s’avilir. Battues par les hommes, ployant sous une double violence (celle de la soif de domination à laquelle succède celle de la peur et de l’incompréhension de l’homme redevenu inoffensif), les personnages féminins accèdent à la libération. Les coups dé-coordonnent, dé-corporéisent, ouvrent la fente de la femme aux dimensions de l’univers. L’homme s’y noie, incapable de réaliser la suture, réduit au néant, contaminé à son tour par le vide. L’offrande prédomine et l’emporte sur la domination physique. Le désir féminin se vit de l’intérieur, et le masculin n’est qu’un passeur, un support de dilution, un instrument interchangeable. Cette annulation de la femme est un élément stable, essentiel de son symbolisme. Le corps est reconquis à l’instant précis de son engloutissement. Le vide pour Duras est le seul corps du féminin.

15Ainsi cette observation de l’imaginaire nous permet de mieux cerner les significations symboliques primordiales de la femme – du refus aux retrouvailles avec l’âme archaïque, de l’effarement à l’effacement. C’est par ce biais archétypal, qui irrigue tous ses combats, que l’écrivaine va se rallier à la lutte féministe. Pourtant, là encore, même si de nombreuses causes communes se font jour, la pensée durassienne se détourne des cadres rigides de la parole uniforme pour clamer l’absolue liberté d’une voix fraîche, naturelle, sauvage : la voix d’une sorcière.

Vers un nouveau couple ?

16La libre-pensée de l’écrivaine, si elle hausse la féminité jusqu’à la sacralité, entre néanmoins rapidement en dissonance avec les discours féministes qui émergent à la fin des années 1960. L’écrivaine refuse d’adhérer complètement à cette cause. Certes, elle réclame la fin de la domination phallique, nous l’avons dit, mais elle n’exige pas pour autant l’aube d’un règne nouveau. Si la femme demeure une énigme, elle ne veut pas que soit dévoilé ce mystère, et ne croit pas non plus au matriarcat. Il nous faut donc approfondir encore notre observation des symbolismes masculins et féminins afin de clarifier cette posture éthique et philosophique et comprendre la spécificité du féminisme durassien, qui la place à part et explique sans doute le silence qui l’entoure lorsqu’il s’agit d’évoquer la libération des femmes.

17Duras est consciente que la virilité connaît ses dernières heures de gloire ; cette chute est inévitable, et « quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, l’avenir, il est féminin. On ne pourra pas l’éviter25 ». Avec discernement, elle n’oppose pas pour autant systématiquement les deux sexes. Le symbolisme de l’un ne va pas sans celui de l’autre, et la séparation des deux pôles est inenvisageable. L’homme et la femme continueront de se mêler. Ce qui interroge l’écrivaine avant tout, c’est le statut du couple. Plus que les répercussions sociétales et politiques, ce sont les modifications de l’intimité, du secret des époux, qui l’obsèdent. Le mariage en tant que sacrement religieux et tradition bourgeoise n’est qu’une répétition en miniature de l’exercice ravageur du pouvoir masculin. La brutalité de l’homme continue de s’exercer, quel que soit le territoire de sa vie sur lequel il impose sa mainmise. La chambre n’est qu’un autre champ de bataille. Cette violence est inhérente au sexe proclamé fort, qui fait que « tout homme est beaucoup plus près d’un général, d’un militaire que de la moindre femme26 ». L’univers du couple ploie sous les verdicts et les lois péremptoires, et malheureusement, cela semble inévitable, « il y a un mode d’emploi de la femme qui est dicté par l’homme27 » au cœur du quotidien. L’écartèlement est le même. L’homme est encastré dans ses certitudes, tandis que la femme est à l’autre bout de la pensée, au cœur du règne nocturne, en plein doute, en pleine in-différence. Terrifié, coincé entre l’exigence d’une domestication et son vacillement face à cette inquiétante étrangeté, il ne sait plus que faire. Au fond, « l’homme devant la femme est encore l’homme devant l’animal28 ». Il veut dompter, et soudain le voici perdu, redevenu chétif : il est im-puissant. Alors il frappe, force, viole. Parce que c’est ainsi qu’il faut faire, c’est ainsi qu’on lui a dicté sa conduite. La femme est un instrument nécessairement disponible, le reste ne convoque pas sa pensée. Et lorsque soudain, dans la période de l’après-Guerre, cet animal réclame son indépendance, son droit de vote, son droit à disposer de son argent et à exercer une profession, et surtout son droit à choisir, à être la propre maîtresse de ce corps qui lui a toujours appartenu, l’homme demeure bouche bée. Il n’est pas concevable pour lui que son épouse ou sa fille vive une existence propre, détachée. C’est son imaginaire entier qui est ébranlé, cet assemblage d’archétypes essentiels qui le justifient dans son attitude machiste. Duras déplore cette incompréhension ; comme elle le confie à Suzanne Horer et Jeanne Socquet, « encore actuellement, malgré le pas qui a été franchi, une femme qui fait quelque chose d’elle-même, dans quelque domaine que ce soit, exerce une oppression. Son quant-à-soi est ressenti comme une oppression, pris comme un manque à sa présence millénaire. La femme était la disponibilité, elle l’a été pendant des millénaires... Le moindre manque à cette disponibilité, et l’homme doute de tout, comme l’enfant qu’il est resté dans le couple29 ». Cette révolution de la femme n’est pas vraiment un progrès pour l’auteure mais plutôt la reconquête d’une nature profonde, de ce lien lucide et simple avec la nature, de cette intelligence qui fait que « l’homme est en régression partout, dans tous les domaines. Il y a une aptitude à l’intelligence beaucoup plus grande chez les femmes, maintenant. Le critère de l’intelligence reste pour l’homme la pratique théorique30 ». Logos contre Éros, toujours. Celle qui a retrouvé la Sorcière en elle sait lire le monde (inter-legere), relier les éléments épars et saisir l’unité. À l’image de la onzième lame du Tarot, la Force est féminine, n’en déplaise aux empereurs de pacotille. Et c’est justement parce qu’elle est persuadée de cette intelligence supérieure de la femme que Marguerite Duras ne croit pas une seule seconde au matriarcat. La féminité ne recherche pas la suprématie, elle ne désire pas devenir l’homme, renverser les rôles et s’emparer du trône. Non, la femme se moque du pouvoir, elle ne demande simplement qu’à regagner ce qui la constitue intrinsèquement :

Est-ce que nous allons vers un matriarcat ? Je ne le pense pas. La maladie de l’homme, son malheur vient de sa supériorité musculaire, ce qu’on a appelé sa virilité. Comme la femme n’a pas besoin de ce recours pour s’affirmer, je ne pense pas qu’elle exercera sur l’homme la même oppression31.

18Finalement, c’est toujours la quête de l’amour universel qui dicte l’avancée de la pensée du féminin. Et cette même symbolique empêche la condamnation totale du masculin. Duras accuse, mais nuance, par amour, forcément. Et c’est peut-être par ce biais qu’elle s’élève au-dessus des débats pour prôner avant tout la réconciliation.

Réconcilier les irréconciliables

19Le véritable rêve mystique durassien est le retour au néant, au grand chaos pré-formel, à l’unité renouvelée. Cette coalescence tant désirée en passe forcément par l’image de la fusion androgynique, de la pacification entre les polarités masculine et féminine. Il s’agit d’un appel symbolique aux retrouvailles à travers les motifs du refus, de l’effacement, du silence, de la porosité et de la mort au monde dans l’amour universel. Duras perçoit et développe les oppositions mais ne réclame pas la lutte. L’Éros brise le Logos et se déverse aussi avec compassion sur la masculinité. Par-delà l’affrontement, l’auteure affirme cette nécessité de l’amour :

Il faut beaucoup aimer les hommes. Beaucoup, beaucoup. Beaucoup les aimer pour les aimer. Sans cela, ce n’est pas possible, on ne peut pas les supporter32.

20Une acceptation de l’autre est nécessaire ; la femme est dans le subissement mais pas dans la haine. Là est sa gloire. Cette structuration archétypale de l’imaginaire nous semble essentielle, car elle va participer de ce refus du féminisme en tant que système. Marguerite Duras est une amante avant d’être une guerrière, à l’image de la Sorcière. Elle s’acharne à écrire les splendeurs de son corps aboli, la force silencieuse qui sourd en son sein, mais aime infiniment le masculin. Elle défend la cause des femmes, se moque sans gêne du patriarcat mais ne cherche pas la dévaluation de l’homme. La conquête de soi se passe de vengeance, elle détruit les cadres et les carcans, annihile le pouvoir, et se construit dans le sentiment pur, intact. À travers cette mythification des deux sexes, Duras rêve l’effacement commun dans l’innommé. L’androgyne innerve l’imaginaire ; l’union semble irréalisable mais la force de l’amour réside dans la tension vers la réalisation du symbole. Comme elle l’écrit magnifiquement, « l’homme et la femme sont irréconciliables, et c’est cette tentative impossible et à chaque amour renouvelée qui en fait la grandeur33 ». Certes, les hommes récusent cette parité, cette égalité reconquise, refusent l’effacement de la femme, redoutent cette (r)évolution des rapports humains qui est synonyme pour eux d’amputation de leur pouvoir de mâle – Michèle Manceaux raconte qu’un jour un homme avait surnommé Duras le « castratrice chauve34 »... Et pourtant le retour à l’unité est nécessaire ; il faut accepter la mort initiatique, se défaire de toutes les oppositions et tenter d’atteindre la parfaite in-différence, l’Androgyne sacré. Les personnages féminins durassiens font de cette indifférence le levier et le levain de la mythification, trouvant l’apaisement dans la disparité résorbée. Le combat symbolique des femmes doit donc déboucher sur une pacification, sous peine d’échouer, de se corrompre. S’unir à l’autre et ne former qu’une même trace effacée, voilà la seule tension. Duras résout les conflits par le geste sempiternel de l’écriture, qui permet d’approcher au plus près de cette mort, la prendre en soi et enfin, dans l’Éros suprême, tout pardonner. Telle est la structure essentielle de la pensée symbolique de l’écrivaine. Dans ce contexte imaginaire si fort où l’hermaphrodite l’emporte sur la dualité, où la scission laisse place à la fusion, l’adhésion au combat féministe est-elle encore réalisable ?

Le féminisme de Duras, de la tentation au refus

21Pour comprendre les liens de l’auteure avec le féminisme, il est donc absolument nécessaire de croiser les dimensions archétypale et politique. L’influence des symboles masculin et féminin doublé du désespoir politique et de l’anti-militantisme qui en découle bloque son adhésion totale à la lutte. Même si elle a apposé sa signature sur plusieurs manifestes, même si elle soutient ses sœurs et organise « à l’époque beaucoup de réunions avec les féministes35 », elle ne rallie pas les rangs du mouvement organisé, ne s’encarte en aucun cas et conserve sa pleine liberté de parole et de pensée. La Sorcière, opposant lois naturelles et cadres liberticides, « refuse de sombrer dans une parole sectaire, sexiste. Son féminisme n’est jamais dogmatique, il se décline en une parole de la "féminitude". [...] Duras se veut toujours "outside", refusant de se laisser enfermer dans quelque ghetto que ce soit36 ». Xavière Gauthier, son amie de longue date, résume bien cette posture qui pourrait de prime abord paraître contradictoire mais ne fait au fond qu’unir la vision du féminin au refus du conformisme :

Marguerite Duras est-elle à contre-courant de la lutte des femmes ? On pourrait dire qu’elle est féministe, totalement, comme elle est communiste, totalement. À condition que ce soit en dehors et souvent contre le MLF comme le PCF37.

22Obéir aveuglément aux préceptes édictés par d’autres et se jeter dans un combat qui n’émane pas de ses propres profondeurs n’est qu’une erreur monumentale du jugement et des racines de l’esprit. La révolte armes aux poings n’est pas une solution, elle n’apporte aucune réponse. Duras le sait, elle l’a appris à ses dépens. Son implication personnelle dans la Résistance n’a pas pu empêcher l’arrestation et la déportation de son époux. La folie des hommes a engendré l’industrialisation de la mort dans les camps de concentration, et le monde a laissé faire. Le rêve communiste s’est fracassé contre les exactions et le totalitarisme stalinien. L’espoir porté par la décolonisation n’a entraîné aucune égalité entre les peuples, et n’a engendré que la mort, la mort intime, celle du petit frère. Aucun combat, aucun engagement n’a su juguler l’horreur ni même la freiner, bien au contraire. Marguerite Duras ne peut plus, physiquement et humainement, croire à la lutte guerrière. La violence, malédiction de l’homme, ne conduit qu’à la violence, et elle n’en veut pas, encore moins lorsqu’il s’agit de la défense des femmes. Elle refuse donc ouvertement de rejoindre le M.L.F., quitte à s’attirer les foudres des autres combattantes. Avec son insolente et indestructible liberté, elle ose porter une parole à contre-courant de l’époque et affirmer sur un ton sans appel qu’« une féministe c’est à fuir. Ce n’est pas le bon moyen si l’on veut changer les choses... Je ne suis pas féministe du tout38 ». Lors de son séjour à Montréal, elle ose aller encore plus loin :

On me demande si la proposition féministe est pourrie ? Je dis oui… Parce que toute proposition militante est forcément infirme39.

23Michelle Royer résume parfaitement l’attitude durassienne :

Si le féminisme de Duras fait partie d’une attitude générale de contestation…, d’une opposition quasi systématique aux normes et aux règles…, son antiféminisme participe de la même attitude. Elle se méfiera toute sa vie des orthodoxies, des conformismes qui ôtent à l’être humain toute liberté de penser […] Duras a su se désolidariser des discours féministes égalitaires et différenciateurs sur le féminin et l’écriture féminine dès qu’ils sont devenus surcodés et a ainsi permis à son écriture d’acquérir une neutralité et une dimension universelle40.

24Ces propos, dont nous tentons d’éclairer au lecteur la source profondément symbolique et philosophique, ne seront pas compris et vont exclure totalement Duras du panorama des femmes engagées dans la cause féministe – en France tout du moins. Duras, paradoxe ambulant... et pensée pourtant si cohérente dans sa folle liberté. Un visage, une voix qui avance, seule, irrémédiablement seule. Son œuvre est le sacre de la femme, sans dimension militaire, sans confrontation entre les sexes. Elle dévoile leurs oppositions, leur différence fondatrice et fondamentale, et leur incapacité à se rejoindre. Une séparation sans face à face, un corps à corps sans heurts. Comme l’écrit Christiane Blot-Labarrère, « l’œuvre révèle bien plus l’intérêt pour la féminité qu’elle ne développe une attaque en règle contre l’homme41 ». Au fond, Marguerite n’est rien d’autre que féminine ; ce qui préside à l’écriture, c’est la fascination pour la femme et la quête de l’unité, d’un discours sur les êtres débarrassé des discours établis du monde – le retour à l’Éros, encore une fois, et la fin définitive du Logos.

Conclusion : L’écriture-femme

25Cette avancée au travers des motifs spécifiquement durassiens nous a permis d’éclairer quelques sèmes fondamentaux de sa pensée du féminin, du rapport avec les hommes et de la posture politique du refus. Les métaphores obsédantes de l’écrivaine confirment l’absolue nécessité de la désobéissance, dans toutes les dimensions possibles. Duras prône la marginalité, à travers le sexe, l’art, le corps et l’âme libérés de tout carcan. Comme le souligne Béatrice Didier, son œuvre « établit une équation entre trois formes de transgression qui finalement n’en font qu’une : le désir féminin, la folie et l’écriture42 ». Il faut tout renverser, et la destruction en passera par les mains de la femme, au cœur de la page, dans un phrasé déstructuré. L’art est le territoire où vont s’unir les archétypes du refus qui la portent vers l’incessant appel au vide et la reconquête de sa nature profonde, intacte et sauvage. Pourtant, il est bien nécessaire de comprendre que par-delà la négation, ce n’est pas la lutte qui est réclamée, mais la réconciliation et le renouvellement symbolique du lien entre masculin et féminin. Duras n’est pas féministe, mais obéit à un impératif supérieur : être une femme et écrire, être une femme-écriture, symbiose suprême, arme de destruction radicale guidée avant tout par l’amour, la compassion, l’aspiration à l’égalité totale. Nulle égalisation, aucune uniformisation. Au contraire, atteindre la pure liberté personnelle. Cette structure imaginaire, certes extrêmement cohérente quand on l’observe dans sa globalité, demeure néanmoins fort complexe pour qui n’est pas familier du personnage public et de son œuvre. Sans aucun doute cette obscurité organisée en système solide de pensée explique-t-elle la défiance et l’ambivalence de la réception de ce discours. Le refus généralisé entraîne l’incompréhension. Pourtant, cette parole libre a émergé en même temps que la lutte féministe, et nous semble primordiale pour saisir les enjeux de ce mouvement de libération. La parole sans entrave, la parole marginale, est un contrepoint essentiel aux discours dominants, et éclaire profondément la nécessité du renouvellement symbolique. Le féminisme de Duras explique la féminité d’un siècle. Et, à l’image du féminin, il est noyé dans le silence.

Notes de bas de page numériques

1 Suzanne Horer et Jeanne Socquet, entretien avec Marguerite Duras, dans La Création étouffée, Paris, Pierre Horay, « Femmes en mouvements », 1973, repris dans Œuvres complètes, tome III, Paris, Gallimard-NRF, « Bibliothèque de La Pléiade », 2014, pp. 169-182.

2 Suzanne Lamy et André Roy (dir.), Marguerite Duras à Montréal, Montréal, Spirale et Solin, 1984.

3 Béatrice Didier, L’écriture-femme, Paris, PUF, « Écriture », 1981, pp. 275-286.

4 Huang Hong « Le mythe Duras en Chine », dans Le Magazine Littéraire, n° 452, avril 2006, p. 63.

5 Marguerite Duras et Dominique Noguez, La couleur des mots, entretiens autour de huit films, Paris, Benoît Jacob, 2001, p. 149 : « Je ne suis pas un maître à penser. Je suis un maître à dé-penser, si vous voulez. Mais pas à penser. Je ne propose rien. Je propose qu’on y croie plus. Rien. À rien de ce qu’on décide en dehors de soi. Je propose qu’on ne croie plus rien de cela. Ce n’est pas la pensée. À moins que ça ne soit ça ».

6 Marguerite Duras, entretien avec Michelle Porte, « Autour du Camion », dans Œuvres complètes, tome III, Paris, Gallimard-NRF, « Bibliothèque de La Pléiade », 2014, pp. 320-321 : « C’est l’utopie qui fait avancer les idées de gauche, même si elle échoue. 68 a échoué, ça a fait un pas en avant fantastique pour l’idée de gauche […] Il n’y a que ça à faire… Il n’y a qu’à tenter des choses, même si elles sont faites pour échouer. Même échouées, ce sont les seules qui font avancer l’esprit révolutionnaire. Comme la poésie fait avancer l’amour. […] Je ne crois plus à la seule solution révolutionnaire marxiste en tant qu’elle se présente comme la seule solution. […] Les esprits courts, les esprits faux, les esprits sans générosité disent : “68 n’a pas abouti, donc c’est un échec”, et 68 est là encore maintenant, complètement, c’est un acquis total, c’est complètement positif, même si ça a échoué ».

7 Marguerite Duras, Détruire, dit-elle [1969], dans Œuvres complètes, tome II, Paris, Gallimard-NRF, « Bibliothèque de La Pléiade », 2011.

8 Marguerite Duras et Michelle Porte, Les lieux de Marguerite Duras [1977], dans Œuvres complètes, tome III, Paris, Gallimard-NRF, « Bibliothèque de La Pléiade », 2014, p. 187

9 Marguerite Duras et Pierre Bregstein, « Parce que le silence est féminin », Cinématographe, n° 13, mai-juin 1975, p. 24.

10 Jules Michelet, La Sorcière [1862], Paris, Garnier-Flammarion, 1966.

11 Marguerite Duras, Véra Baxter ou les plages de l’Atlantique [1976], dans Œuvres complètes, tome III, Paris, Gallimard-NRF, « Bibliothèque de La Pléiade », 2014, pp. 604-605.

12 Marguerite Duras et Jean-Pierre Ceton, Entretiens avec Marguerite Duras, « On ne peut pas avoir écrit Lol V. Stein et désirer être encore à l’écrire, Paris, François Bourin Éditeur, 2012, p. 83.

13 Marguerite Duras et Jacques Grant, Cinéma 75, n° 200, juillet-août 1975, p. 114.

14 Marguerite Duras et Dominique Noguez, La couleur des mots, entretiens autour de huit films, op. cit., p. 48.

15 Marguerite Duras, La vie matérielle – Marguerite Duras parle à Jérôme Beaujour [1987], dans Œuvres complètes, tome IV, Paris, Gallimard-NRF, « Bibliothèque de La Pléiade », 2014, p. 338.

16 Marguerite Duras et Michelle Porte, Les lieux de Marguerite Duras [1977], op. cit., p. 187.

17 Jean Pierrot, Marguerite Duras, Paris, José Corti, 1989, pp. 234-235.

18 Marguerite Duras et Michelle Porte, Les lieux de Marguerite Duras [1977], op. cit., p. 182.

19 Marguerite Duras et Michelle Porte, Les lieux de Marguerite Duras [1977], op. cit., p. 187.

20 Marguerite Duras et Michelle Porte, Les lieux de Marguerite Duras [1977], op. cit., p. 184.

21 Marguerite Duras et Michelle Porte, Les lieux de Marguerite Duras [1977], op. cit., p. 181.

22 Marguerite Duras et Michelle Porte, Les lieux de Marguerite Duras [1977], op. cit., pp. 186-187.

23 Marguerite Duras et Michelle Porte, Les lieux de Marguerite Duras [1977], op. cit., p. 187.

24 Marguerite Duras et Jean-Pierre Ceton, Entretiens avec Marguerite Duras, « On ne peut pas avoir écrit Lol V. Stein et désirer être encore à l’écrire, op. cit., p. 81.

25 Suzanne Lamy et André Roy (dir.), Marguerite Duras à Montréal, op. cit., p. 69.

26 Marguerite Duras et Xavière Gauthier, Les Parleuses [1974], dans Œuvres complètes, tome III, Paris, Gallimard-NRF, « Bibliothèque de La Pléiade », 2014, p. 23.

27 Marguerite Duras et Xavière Gauthier, Les Parleuses [1974], op. cit., p. 30.

28 Suzanne Horer et Jeanne Socquet, entretien avec Marguerite Duras, dans La Création étouffée, op. cit., p. 177.

29 Suzanne Horer et Jeanne Socquet, entretien avec Marguerite Duras, op. cit., p. 176.

30 Suzanne Horer et Jeanne Socquet, entretien avec Marguerite Duras, op. cit., p. 178.

31 Suzanne Horer et Jeanne Socquet, entretien avec Marguerite Duras, op. cit., p. 183.

32 Marguerite Duras, La vie matérielle – Marguerite Duras parle à Jérôme Beaujour [1987], op. cit., p. 331.

33 Marguerite Duras, La vie matérielle – Marguerite Duras parle à Jérôme Beaujour [1987], op. cit., p. 327.

34 Michèle Manceaux, L’Amie, Paris, Albin Michel, 1997, p. 110.

35 Enrique Vila-Matas, cité par Aliette Armel, « Marguerite Duras, personnage d’Enrique Vila-Matas », dans Europe, n° 921-922, janvier-février 2006, p. 207.

36 Monique Pinthon, Guillaume Kichenin et Jean Cléder, Marguerite Duras, Le Ravissement de Lol V. Stein, Le Vice-consul, India Song, Paris, Atlande, coll. « Clefs Concours-Lettres XXe siècle », 2005, pp. 30-31.

37 Xavière Gauthier, « Marguerite Duras et la lutte des femmes », dans Le Magazine Littéraire, dossier « Marguerite Duras », n° 158, mars 1980, p. 19.

38 Marguerite Duras, « Interlire », France Inter, 05 juillet 1987, citée par Christiane Blot-Labarrère, Marguerite Duras, Paris, Seuil, coll. « Les Contemporains », 1992, p. 128.

39 Suzanne Lamy et André Roy (dir.), Marguerite Duras à Montréal, Montréal, Spirale et Solin, 1984, p. 33.

40 Michelle Royer, « Féminisme, écriture féminine et féminin dans la parole publique de Marguerite Duras », dans Eva Ahlstedt et Catherine Bouthors-Paillart (dir.), Marguerite Duras et la pensée contemporaine, Göteborg, Göteborgs Universitet, « Acta Universitatis Gothoburgensis », vol. LIX, 2008, p. 154.

41 Christiane Blot-Labarrère, « Paroles d’auteur, les enjeux du paratexte dans l’œuvre de Duras », dans La Revue des Lettres Modernes, Bernard Alazet (dir.), « Écrire, réécrire, Marguerite Duras, bilan critique », L’icosathèque n° 19, Paris-Caen, Lettres Modernes Minard, 2002, p. 18.

42 Béatrice Didier, L’Écriture-femme, op. cit., p. 285.

Bibliographie

Œuvres de Marguerite Duras

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DURAS Marguerite, Véra Baxter ou les plages de l’Atlantique [1976], dans Œuvres complètes, tome III, Paris, Gallimard-NRF, « Bibliothèque de La Pléiade », 2014.

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Entretiens

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DURAS Marguerite et GAUTHIER Xavière, Les Parleuses [1974], dans Œuvres complètes, tome III, Paris, Gallimard-NRF, « Bibliothèque de La Pléiade », 2014.

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HORER Suzanne et SOCQUET Jeanne, entretien avec Marguerite Duras, dans La Création étouffée, Paris, Pierre Horay, « Femmes en mouvements » [1973], repris dans Œuvres complètes, tome III, Paris, Gallimard-NRF, « Bibliothèque de La Pléiade », 2014.

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Ouvrages ou articles littéraires, théoriques, critiques

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Pour citer cet article

Vincent Tasselli, « Marguerite Duras, femme-écriture, ou l’imaginaire durassien de la féminité », paru dans Loxias, 69., mis en ligne le 15 juin 2020, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/lodel/index.html?id=9466.


Auteurs

Vincent Tasselli

Docteur ès Lettres, Vincent Tasselli enseigne à la fois dans le secondaire et à l’Université Côte d’Azur. Spécialiste de symbolisme, il a soutenu une thèse au mois de mai 2019, intitulée « L’union des contraires dans l’univers de Marguerite Duras ; une tentative désespérée jusqu’au bout de l’échec », sous la direction de Béatrice Bonhomme. Il a participé à plusieurs colloques sur Marguerite Duras et publié sur divers auteurs contemporains dont Philippe Besson, Jean-Luc Lagarce ou encore François Emmanuel.

Université Côte d’Azur, CTEL