Orwell dans Loxias


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Loxias | 76. | I.

Témoignage et allégorie : écritures en miroir

Dans 1984 (1949), George Orwell narre le destin abject de Winston Smith comme Franz Kafka avait narré celui de Josef K. dans Le Procès (1925) ou Evgueni Zamiatine, celui de D-503 dans Nous (1920) : du point de vue de son personnage de proscrit. Aux yeux des prosateurs et prosatrices du xxe siècle, la focalisation interne a pu ainsi apparaître comme un dispositif narratif éthique pour représenter dans une fiction les nouvelles formes de violence sociale et politique que subissent les individu·es. De fait, elle ne permet pas seulement de mieux faire saisir le caractère intolérable des violences (telles qu’elles sont vécues), mais également de mettre à l’épreuve le potentiel protestataire des individu·es. L’invention d’Orwell vise à nous entraîner avec son personnage « dans le monde labyrinthique de la doublepensée » qui, sous un régime totalitaire qui a atteint la perfection, condamne les individu·es à l’autodestruction. La résistance de Winston Smith se concentre alors dans le refus d’un tel acte par lequel un esprit individuel se prive de sa capacité à connaître et à juger. Spécialement, le protagoniste de 1984 rappelle celui de Homage to Catalonia (1938), à savoir Orwell lui-même qui, comme lui, sentait « le sol s’ouvrir sous ses pieds à l’idée que le mensonge se transforme en vérité ». Au cœur de l’enquête de cet article, se trouve un questionnement sur les fils qui se tissent du témoignage de la révolution espagnole à l’allégorie de 1984. Testimony and Allegory: Mirroring Writing Practices In Nineteen Eighty-Four (1949), George Orwell narrates the despicable fate of Winston Smith in the same way that Franz Kafka narrates the fate of Josef K. in The Trial (1925) and Yevgeny Zamyatin, that of D-503 in We (1920): from the point of view of his outcast character. In the eyes of 20th-century prose writers, internal focus could thus appear as an ethical narrative device for representing in fiction the new forms of social and political violence to which individuals are subjected. In fact, it not only makes it possible to better grasp the intolerable nature of violence (as it is experienced), but also to test the protest potential of individuals. Orwell’s invention aims to take us with his character “into the labyrinthine world of doublethink” which, under a totalitarian regime that has reached perfection, condemns individuals to self-destruction. Winston Smith’s resistance is then concentrated in the refusal of such an act by which an individual mind deprives itself of its capacity to know and judge. Especially the protagonist of Nineteen Eighty-Four is reminiscent of the protagonist of Homage to Catalonia (1938), namely Orwell himself, who, like Winston, felt “the abyss opening beneath [his] feet at the thought of lies becoming truths”. At the heart of this paper’s investigation is a questioning of the threads that weave from the testimony of the Spanish revolution to the allegory of Nineteen Eighty-Four.

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La satire chez George Orwell. L’exemple de La Ferme des animaux

La présente enquête littéraire met en évidence le travail de la satire dans La Ferme des animaux. George Orwell pense son texte en s’appuyant sur les traits caractéristiques de la satire, qui se caractérise dans le texte par la présence des survivances types comme le corps laid, la figure du raisonneur, le mundus inversus le vilain repas, l’animalisation. Des parallèles sont établis entre le texte de George Orwell et la tradition satirique. Le but est de démontrer que George Orwell s’inscrit dans la logique des pères du genre. La satire est une arme efficace en temps de crise des repères, des normes et des valeurs. La structure a été l’autre lieu de prédilection de l’inscription dans les codes du genre chez George Orwell. Le texte est construit selon une structure circulaire ou épisodique qui passe par plusieurs mécanismes comme l’inachèvement de l’intrigue ou l’hétérogénéité textuelle. Autant d’éléments qui amènent à penser que George Orwell est un satiriste à l’instar d’Horace ou de Boileau. The present literary investigation highlights the work of satire in Animal Farm. George Orwell is relying in his text on the standards of satire. This kind of intervention is characterized in the text by the presence of typical survivals like the ugly body, the figure of the reasoner, the mundus inversus, the ugly meal, the animalization. Parallels are drawn between George Orwell’s text and the satirical tradition. The aim is to demonstrate that George Orwell is in line with the fathers of the genre. Thus, satire is an effective weapon in times of crisis of reference points, norms and values. The structure was the other place of predilection of the inscription of the genre by George Orwell. The text highlighted a circular or episodic structure which passes by several mechanisms as the incompletion of the plot and the textual heterogeneity. All these elements lead us to think that George Orwell is a satirist like Horace or Boileau.

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