Xavier Boissel


Né en 1967 à Lille, Xavier Boissel est romancier et essayiste. Il a publié deux essais – Paris est un leurre (Inculte, 2012), Capsules de temps (Inculte 2019) – et trois romans : Autopsie des ombres (Inculte, 2013), Rivières de la nuit (Inculte, 2014) et Avant l’aube (10/18, 2017). Il est correspondant de la plateforme en ligne D-Fiction : https://d-fiction.fr/tag/xavier-boissel/. Il a rejoint au printemps 2019 le comité éditorial des éditions JOU, fondées par l’écrivain Éric Arlix, en compagnie du critique et libraire Hugues Robert : https://editionsjou.net/. Son prochain roman, Sommeil de cendres paraîtra chez 10/18 en mai 2022.

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Loxias | 76. | I.

George Orwell et le roman noir - un rendez-vous manqué

George Orwell a consacré trois articles au roman policier, une recension en 1936 d’À tombeau ouvert, le roman de Paul Cain, ainsi que deux textes : une longue étude du roman de James Hadley Chase, Pas d’orchidées pour Miss Blandish en 1944, et la même année, un texte plus court dans une revue française. Orwell n’a que peu fréquenté ce genre littéraire et ces trois articles restent marginaux dans ses écrits. Ils font néanmoins sens dans la façon dont il l’appréhende, identifiant la métamorphose du roman à énigme en « crime stories » qui plongent les lecteurs dans une atmosphère où règnent violence et cynisme, un climat propice au fascisme. En pensant ainsi le phénomène dans son historicité et dans sa réception, Orwell rejoint le geste critique de certains auteurs allemands qui se sont intéressés au genre, tels que Siegfried Kracauer ou Theodor W. Adorno. Pour autant, si Orwell porte un regard sévère sur le genre, des liens peuvent s’établir avec ses écrits documentaires ou fictionnels, dans la volonté notamment d’écrire depuis le point de vue des proscrits de l’Histoire et dans sa manière d’être un témoin désillusionné de son temps. En ce sens, la rencontre entre George Orwell et le roman noir fut un rendez-vous manqué. George Orwell devoted three articles to the detective novel, a review in 1936 of Paul Cain’s Fast One, as well as two texts: a long study of James Hadley Chase’s novel No Orchids for Miss Blandish in 1944, and the same year, a shorter text in a French magazine. Orwell had not been much involved in this literary genre and these three articles remain marginal in his writings. Nevertheless, they make sense in terms of his understanding of it, identifying the metamorphosis of the detective novel into "crime stories" that immerse readers in an atmosphere of violence and cynicism, a climate conducive to fascism. By thinking of the phenomenon in its historicity and reception, Orwell joins the critical gesture of certain German authors who were interested in the genre, such as Siegfried Kracauer or T.W. Adorno. However, if Orwell takes a severe look at the genre, links can be established with his documentary or fictional writings, in particular in the will to write from the point of view of the outcasts of History and in his way of being a disillusioned witness of his time. In this sense, the meeting between George Orwell and the « hard boiled » genre was a missed appointment.

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