Loxias | 75. Autour des programmes d'agrégation et concours 2022 | I. Autour des programmes 2022 

Agnès Rees  : 

Les Regrets de Du Bellay : une écriture de la véhémence ?

Résumé

La véhémence est une qualité du style qui donne force et énergie au discours. Notre article met en évidence son importance dans les sonnets des Regrets, à l’opposé des principes de simplicité et de modération pourtant affichés par le poète. Il étudie les différentes modalités énonciatives, poétiques et stylistiques de la véhémence dans le recueil. Il s’interroge enfin sur ses enjeux poétiques, éthiques et politiques, et met ainsi en évidence la dimension fondamentalement agonistique de l’écriture dans Les Regrets.

Abstract

Vehemence is a quality of style that gives force and energy to the discourse. Our article highlights its importance in the sonnets of the Regrets, in contrast to the principles of simplicity and moderation that the poet claims. It studies the different enunciative, poetic and stylistic modalities of vehemence in the volume. Finally, it examines the poetic, ethical and political issues at stake, thus revealing the fundamentally agonistic dimension of the writing in Les Regrets

Index

Mots-clés : Du Bellay , énergie, éthique, poésie et poétique, politique, rhétorique, satire, véhémence

Géographique : France

Chronologique : XVIe siècle

Plan

Texte intégral

La notion de véhémence apparaît dans plusieurs articles critiques autour des Regrets, pour qualifier l’expression particulièrement intense des malheurs du poète exilé ou, plus souvent, la dénonciation des mœurs et des coutumes de la société romaine. Cette notion n’est généralement pas davantage définie, et le problème théorique posé par son emploi n’est pas non plus développé. Rappelons qu’en rhétorique, la véhémence désigne une qualité du discours oratoire, et plus exactement, comme le précise Georges Molinié, « la force émanant du discours, créant l’impression de l’énergie, et destinée à toucher les auditeurs1 ». On la désigne aussi comme « modalité intense, voire paroxystique, de l’expression des passions2 ». Associée par la tradition classique au style sublime, voire inspiré, cette qualité est en apparence difficile à concilier avec l’idée du style simple qu’entend illustrer Du Bellay dans les Regrets. Nous chercherons justement à montrer que la véhémence constitue paradoxalement une caractéristique stylistique majeure du recueil, et qu’elle contribue ainsi à la singularité poétique de celui-ci. Nous mentionnerons tout d’abord les problèmes théoriques posés par l’emploi de cette notion, avant de préciser les formes poétiques et stylistiques de la véhémence dans les Regrets, et d’en interroger les enjeux poétiques, éthiques et politiques.

I. La véhémence des Regrets à l’épreuve des théories poétiques de Du Bellay

I. 1. Véhémence et style simple

Dans la tradition rhétorique, la véhémence (vehementia) participe du style sublime. Elle peut caractériser une parole emportée, voire inspirée. Olivier Millet, dans son étude sur Calvin, consacre un chapitre à cette notion, à partir notamment des commentaires de Calvin sur les lettres des Apôtres et les Pères de l’Eglise. Il souligne les liens étroits qu’établissent Calvin et plus généralement les théoriciens du XVIe siècle entre la vehementia et le style sublime d’une parole inspirée3. Caractérisant une « rhétorique de l’excès », la véhémence peut même constituer un trait de la parole prophétique. Rien de tel, en apparence, dans Les Regrets, dont on sait combien les premiers sonnets revendiquent au contraire le choix d’un style simple, voire prosaïque : le sonnet 2 met ainsi à distance le modèle de la poésie inspirée, de la « fureur » poétique associée à la source Hippocrène (« l’onde au cheval », v. 4) et revendique une écriture plus proche de la prose (« soit une prose en rime, ou une rime en prose », v. 104), qu’on a souvent associée, à la suite de Floyd Gray, au sermo pedestris horatien5.

Pourtant, le style simple n’est pas une constante des Regrets. Ainsi les sonnets d’éloge, à la fin du recueil, renouent avec l’inspiration poétique élevée que le poète dit avoir perdue au début des Regrets. Même sans s’en tenir aux derniers sonnets, les éléments de style élevé sont en réalité présents dès le début du recueil. Or, comme le souligne Isabelle Pantin, l’expression véhémente des affects en constitue l’un des principaux facteurs, qu’il s’agisse d’exprimer l’amertume du poète, son indignation, son impatience ou encore son enthousiasme – notamment, pour ce dernier, dans les sonnets d’éloge. Isabelle Pantin rappelle que toute la tradition rhétorique, au moins depuis Cicéron, établit un lien étroit entre l’expression intense des émotions et la perfection ou l’élévation du style6. Un célèbre passage de La Deffence et illustration de la langue françoyse de 1549, texte encore très attaché à l’idée d’une poésie élevée en langue française, insiste sur ce point :

saches, lecteur, que celui sera véritablement le poète que je cherche en notre langue, qui me fera indigner, apaiser, éjouir, douloir, aimer, haïr, admirer, étonner, bref qui tiendra la bride de mes affections […]7.

I. 2. Véhémence et douceur

La véhémence contrevient à un autre principe poétique également présent dans les sonnets des Regrets : celui de la douceur, qui renvoie à une idée de modération et de simplicité stylistiques, par opposition notamment à la « rudesse » du style inspiré, moins accessible et plus obscur. Certes, la notion de douceur n’est pas théorisée par le poète des Regrets, mais l’idéal de « douce poésie » est affiché dès le poème-dédicace à Monsieur d’Avanson : « Pour ce me plaît la douce poésie, / Et le doux trait par qui je fus blessé » (v. 57-58, p. 54). La même expression est utilisée dans le sonnet 18 (« la douce poésie / M’accompagne partout », v. 9-10) ou dans le sonnet 90, qui célèbre l’« Angevine douceur » associée à la « la grâce, la jeunesse, et la simplicité » (v. 5 à 8). Même le retour de l’inspiration poétique, dans les sonnets d’éloge, est qualifié de « douce ardeur » au sonnet 178. Selon Corinne Noirot, « toute l’œuvre de Du Bellay chante la modération vertueuse et le juste milieu, s’inscrit en faux contre l’hybris et l’excès, contre la vanité furieuse ou aveugle8 ».

Il n’est jusqu’à l’écriture satirique qui ne pose la question de la légitimité d’une expression véhémente : d’une part, la satire relève d’un style bas, d’une écriture du quotidien difficilement compatible, en apparence, avec les brusques élévations de la parole véhémente. D’autre part, comme le souligne Pascal Debailly, le risque est réel pour l’auteur satirique de tomber dans une écriture de l’invective, voire de la diffamation, dès lors que le propos satirique se laisse gagner par la véhémence de son auteur9. Aussi Du Bellay, dans la Deffence de 1549 comme dans plusieurs poèmes des Regrets, défend-il l’idée d’une « douce satire » (« À Monsieur d’Avanson » v. 81). L’idéal de douceur s’oppose ici nettement à la véhémence, caractérisée par l’excès, l’emportement et par l’expression particulièrement intense des passions.

Les propos de Du Bellay sur la douceur entrent pourtant en contradiction avec d’autres sonnets des Regrets, qui suggèrent une pratique autrement plus virulente de la poésie : la douceur est tantôt empêchée par les tourments qu’endure le poète exilé, comme au sonnet 79 : « Je n’écris de douceur, n’éprouvant que rudesse » (v. 3), tantôt par la brutalité des relations sociales, qui introduisent un style vindicatif jusque dans les vers du poète. Ainsi, le sonnet 14 désigne explicitement la poésie comme un réceptacle possible des émotions négatives du poète, et comme une contre-attaque possible à ses détracteurs : « Si quelqu’un dessus moi sa colère délâche, / Sur les vers je vomis le venin de mon cœur » (v. 5-6). L’écriture de Du Bellay est donc elle-même plurielle et variée : elle se situe dans une recherche constante d’équilibre entre rire et colère, satire amusée et vitupération10.

I. 3. Véhémence et écriture satirique

Dérogeant ponctuellement au style simple et aux contraintes esthétiques et morales de la satire, la véhémence, du fait même de son caractère excessif et donc transgressif, amène le poète à franchir ses propres limites poétiques, et à proposer une expérience poétique inédite, susceptible d’excéder le style même dont il se réclame le plus volontiers.

Les revendications de simplicité poétique et la pratique de la satire ramènent souvent l’écriture des Regrets, entre autres sources poétiques, au modèle horatien, invoqué en 1549 dans La Deffence… : « Tu has pour cecy Horace, qui selon Quintilian, tient le premier lieu entre les Satyriques11 ». Dans les arts poétiques du XVIe siècle, le modèle horatien est en effet associé à une satire qui cherche à corriger les vices plutôt qu’à dénoncer les individus : il s’agit, comme le rappelle là encore La Deffence…, de « taxer modestement les vices de ton Tens, et pardonner aux noms des personnes vicieuses12 ». Comme le rappelle Pascal Debailly, on trouve chez d’autres poètes satiriques latins, tels Juvénal et Martial, l’idée d’un nécessaire anonymat de la satire13 : il faut, selon Martial, « épargner les personnes, censurer les vices14 ». Les auteurs du XVIe siècle reprennent dans leurs textes théoriques cet idéal d’une satire maîtrisée et modérée, qui corrige sans blesser, et qui surtout respecte l’anonymat de son objet, comme le rappelle Du Bellay lui-même dans le sonnet 69, en des termes qui ne sont pas sans rappeler les recommandations de La Deffence… (« Je pardonne à ton nom », v. 9) ou encore au sonnet 142 : « Si tu mens, que ce soit pour chose profitable, / Et qui ne tourne point au déshonneur d’aucun » (v. 7-8).

Si cette réticence à nommer l’objet de la satire est souvent avérée dans Les Regrets, les sonnets du recueil présentent pourtant de nombreux contre-exemples, notamment dans les sonnets satiriques consacrés aux papes, où les objets de la satire sont explicitement nommés et identifiés : « Caraffe » (103, 113), « Jules tiers » et « Paule quatrième » (104, 110), et où l’ironie se fait mordante, voire violente. La satire devenue personnelle tend alors vers le dénigrement et l’invective. Selon Jean-Claude Moisan, cette pratique souligne l’importance dans le recueil, à côté du modèle horatien, de celui des pasquinades, petits écrits satiriques et souvent vindicatifs épinglés sur la statue du Pasquin à Rome, où ce type d’attaque personnelle n’était pas rare15. Le début du sonnet 108 revendique explicitement cette filiation : « Je fus jadis Hercule, or Pasquin je me nomme » (v. 1).

Associée à une rhétorique de l’excès, la véhémence amène donc le poète des Regrets à transgresser les limites par lui-même posées, dans ses textes théoriques mais aussi parfois dans les pièces mêmes des Regrets. Le choix du style simple, le modèle poétique et stylistique de la douceur, l’éthique satirique même sont ainsi bousculées par la véhémence de l’expression. Il s’agit maintenant d’examiner les manifestations énonciatives, poétiques et stylistiques de cette véhémence.

II. Formes poétiques et stylistiques de la véhémence dans Les Regrets

Précisons d’abord que la seule forme du sonnet se prête à une certaine forme de véhémence qui tient à la brevitas du discours : elle favorise les formulations lapidaires, les « pointes » surprenantes ou mordantes. La brièveté du sonnet rend ainsi plus efficaces et plus percutantes un certain nombre de figures propres à soutenir la véhémence du propos16.

II. 1. L’énonciation véhémente : une rhétorique de l’implication

L’écriture véhémente est d’abord le fait d’une implication forte du locuteur, dont elle traduit l’engagement idéologique ou intellectuel, et de ses destinataires éventuels. De ce point de vue, l’épistolarité des sonnets des Regrets favorise parfois le développement d’une parole véhémente : elle permet d’une part au locuteur de se présenter comme témoin direct (et indigné) des faits qu’il relate à son destinataire, et d’autre part d’impliquer plus ou moins fortement le destinataire dans le discours17.

L’implication du locuteur est attestée par la présence constante du je lyrique : le poète est presque toujours présent comme témoin, comme juge ou comme commentateur. La véhémence se définit alors comme l’expression intense d’affects variés : le poète fait part, avec des accents pathétiques ou polémiques, de son malheur de poète exilé ou de sa colère face au spectacle des turpitudes romaines. L’emploi du je est ainsi souvent modalisé, au début du sonnet, par l’emploi d’un verbe de sentiment, de sens particulièrement fort et presque toujours dysphorique : « je hais plus que la mort un jeune casanier / […] Mais je ne puis aimer un vieillard voyager » (29, v. 1 et 5) ; « Mais je me fâche aussi d’un fâcheux repreneur » (67, v. 90 ; « j’ai en horreur un vieillard vicieux » (73, v. 1).

La véhémence du propos peut être renforcée par le recours à l’exclamation, qui exprime tantôt le désarroi profond du poète exilé : « Ô que je suis comblé de regrets et d’ennuis ! » (42, v. 7), tantôt son courroux devant le spectacle de la décadence romaine, comme dans le sonnet 90, dont le sizain évoque avec répulsion les vieilles courtisanes romaines : « Ô quelle gourmandise ! ô quelle pauvreté ! / Ô quelle horreur de voir leur immondicité ! » (v. 12-13). On remarquera dans ces deux cas la présence du vocatif « ô », qui donne de l’ampleur à la phrase et augmente la force oratoire de l’exclamation. L’exclamation est particulièrement frappante lorsqu’elle prend la forme d’une imprécation, figure qui consiste à maudire l’interlocuteur ou une tierce personne, comme au début du sonnet 95, qui renvoie à Hannibal et à sa fameuse traversée des Alpes : « Maudit soit mille fois le Borgne de Lybie / Qui le cœur des rochers perçant de part en part / Des Alpes renversa le naturel rempart » (v. 1-3).

L’implication du destinataire prend souvent, quant à elle, la forme d’une adresse directe ou d’une apostrophe. Cette figure n’est pas en soi une forme de véhémence, mais elle peut y contribuer lorsqu’elle s’accompagne d’une question rhétorique, d’une interpellation insistante, comme au sonnet 9 : « France, France, réponds à ma triste querelle », v. 1) ou même d’une prise à parti virulente, comme dans le sonnet 65 :

Tu ne crains la fureur de ma plume animée
Pensant que je n’ai rien à dire contre toi,
Sinon ce que ta rage a vomi contre moi,
Grinçant comme un mâtin la dent envenimée.

Tu crois que je n’en sais que par la renommée,
Et que quand j’aurai dit que tu n’as point de foi,
Que tu es affronteur, que tu es traître au Roi,
Que j’aurai contre toi ma force consommée.

Tu penses que je n’ai rien de quoi me venger […] (v. 1-9)

Adressé à un « pedante », un des objets privilégiés de la satire dans Les Regrets, ce sonnet relève d’un discours de « venge(ance) ». La violence de l’adresse est soulignée par la répétition du pronom tu à l’attaque des deux quatrains et du sizain, qui fonctionne comme une mise en demeure du destinataire. L’agressivité du propos est soulignée par le lexique de la violence (« fureur », « rage », « affronteur », « force ») que soulignent les effets d’allitérations ([w], [f], [r]) et de rimes internes (fureur/affronteur, à la césure des v. 1 et 5). Enfin, le rabaissement à la fois trivial et bestial du destinataire (verbe « vomi(r) », comparaison « comme un mâtin ») contribue à discréditer celui-ci18. Le discours véhément rejoint ici une rhétorique de l’insultatio, justifiée par le comportement jugé injuste ou scandaleux du destinataire19. L’invective est parfois présente dès l’apostrophe, dans le premier vers du sonnet : « marâtre nature » (45), « vieux mâtin affamé » (69).

Cependant, l’insulte peut aussi concerner un référent extérieur à la situation d’interlocution : le destinataire, non concerné par ce discours dépréciatif, se fait alors à la fois le récepteur et le témoin de la parole indignée du poète, comme au sonnet 30, où l’indétermination du référent pris pour objet de la critique (« Quiconque (mon Bailleul) fait longuement séjour, / […] / Qui peut mettre en oubli de ses parents l’amour ») n’empêche pas la critique virulente du poète :

Il est fils d’un rocher, ou d’une ourse cruelle,
Et digne qui jadis ait sucé la mamelle
D’une tigre inhumaine. […] (v. 9-11).

II. 2. Véhémence et insistance : figures de la répétition

Du point de vue stylistique, la véhémence du propos découle aussi des nombreuses et multiples figures de répétition, qui fonctionnent à la fois comme un élément rythmique, comme un marqueur d’insistance et comme une forme de modalisation affective particulièrement efficace. La répétition peut prendre des formes très diverses dans Les Regrets20. Nous nous bornerons à signaler les plus propices à susciter ou à renforcer la véhémence du discours.

L’anaphore constitue bien sûr une des figures de style emblématiques des Regrets. Comme le rappelle Jean Vignes dans son étude sur « la structure des Regrets », le sonnet anaphorique constitue une des structures les plus fréquentes dans le recueil21. L’anaphore peut se déployer à l’échelle de la strophe, vers après vers, ou du sonnet entier, apparaissant alors à l’attaque de plusieurs vers ou strophes successifs. Par son effet d’insistance, voire de martèlement rageur, et par sa capacité de structurer le propos développé dans le sonnet, elle constitue un appui particulièrement fort du discours véhément. Le sonnet 68 (« Je hais du Florentin l’usurière avarice… ») est par exemple construit sur l’anaphore du groupe « Je hais », répété à l’attaque des trois premiers vers puis du deuxième quatrain et du sizain, avant d’être repris dans chacun des trois derniers vers :

Bref, je hais quelque vice en chaque nation,
Je hais moi-même encor mon imperfection,
Mais je hais par sus tout un savoir pédantesque. (v. 12-14)

L’anaphore permet ici de structurer et d’amplifier l’énumération litanique des objets de haine du locuteur. La répétition est ainsi tendue vers la « pointe » du sonnet, où la formule résomptive « bref, je hais » conduit à mettre en évidence, par un effet de surenchère argumentative, l’élément le plus haïssable de cette liste, à savoir, là encore, la pédanterie.

L’hypozeuxe ou parallélisme est également une figure de construction. Elle relève de la répétition en ce qu’elle consiste à répéter dans deux vers ou strophes consécutifs le même patron syntaxique, pouvant ainsi provoquer le même effet d’insistance rageuse ou pathétique, comme au sonnet 48 : « On me donne la gêne, et si n’ose crier, / On me voit tormenter, et si n’ose prier / Qu’on ait pitié de moi. Ô peine trop sujette ! » Dans ce passage, l’exclamation vient renforcer la force pathétique de l’hypozeuxe.

Enfin, la répétition peut prendre d’autres formes moins structurantes, mais fréquentes aussi dans le recueil, comme l’épizeuxe ou répétition d’un mot dans un même membre de phrase, qui crée un effet d’insistance et d’oralité marqué, notamment pour renforcer une exhortation : « Sortons (Dilliers) sortons, faisons place à l’envie, / Et fuyons désormais ce tumulte civil » (50) ; « Fuyons (Dilliers) fuyons cette cruelle terre ; / Fuyons ce bord avare… » (116). Dans ce dernier extrait, l’épizeuxe est relayée par une anaphore au début des vers 1 et 2.

Les figures de répétition, comme le souligne Olivier Millet, sont ainsi particulièrement aptes à produire des effets d’insistance non seulement didactiques, mais aussi pathétiques, « puisque ces figures s’adressent à la nonchalance humaine pour la secouer de sa torpeur22 ».

II. 3. Véhémence et polémique : l’expression de l’opposition

La véhémence constitue également une arme dans un discours de réfutation, de dénonciation ou dans une (contre-)attaque argumentative. Elle relève d’une parole de combat, qui mobilise « l’énergie agonistique » du discours (O. Millet23). Elle repose donc fortement sur l’expression de l’opposition. Or, les structures d’opposition ou « mouvements antithétiques » constituent, selon Jean Vignes, un autre principe majeur de construction des sonnets dans Les Regrets24. On peut plus précisément distinguer deux manières principales d’exprimer l’opposition dans le recueil.

Les stratégies d’opposition peuvent être d’ordre argumentatif : elles consistent alors à réfuter les arguments d’un destinataire ou d’un tiers. En termes rhétoriques, ce type d’opposition relève principalement de la réfutation, qui désigne le fait de contredire les arguments d’un adversaire, ou de l’occupatio, qui signifie le fait d’anticiper les objections. À titre d’exemple, le sonnet 8, adressé à Ronsard, commence par une occupatio. Il s’agit de prévenir les reproches d’improductivité poétique que Ronsard pourrait adresser à Du Bellay : « Ne t’ébahis Ronsard, la moitié de mon âme / Si de ton Du Bellay France ne lit plus rien » (v. 1-2). La dimension polémique de l’échange est soulignée dans le deuxième quatrain par une épizeuxe qui vient appuyer l’argumentaire de Du Bellay :

Le saint rayon qui part des beaux yeux de ta dame,
Et la sainte faveur de ton prince et du mien,
Cela (Ronsard), cela, cela mérite bien
De t’échauffer le cœur d’une si vive flamme » (v. 5-8 : nous soulignons).

Le sizain relaie cette polémique par le recours au lieu rhétorique de l’opposition, en comparant le sort respectif des deux poètes.

De façon générale, l’opposition argumentative repose largement sur l’emploi de la négation polémique, qui revient à contester un argument antérieur, présent ou non dans le discours. Le sonnet 10, toujours adressé à Ronsard, développe ainsi toute une contre-argumentation fondée sur une négation polémique dans le premier quatrain : (« Ce n’est le fleuve Thusque au superbe rivage… », v. 1), rectifiée par une assertion dans le second quatrain : « C’est l’ennui de me voir trois ans et davantage / ainsi qu’un Prométhée, cloué sur l’Aventin » (v. 4-5). Le sizain repose enfin sur une interrogation rhétorique, qui constitue une autre manière de contrer les arguments de l’adversaire en lui posant une question dont la réponse est fortement contrainte : « Et quoi (Ronsard) et quoi […] / qui me pourra reprendre / D’un change plus heureux ? » (v. 9-11). La véhémence polémique du sonnet se révèle à la lumière de son intertexte, puisqu’il constitue une réponse à un sonnet que Ronsard avait justement adressé à Du Bellay dans la Continuation des amours de 1555, et dont le sonnet 10 reprend plusieurs formulations tout en les détournant de manière ironique :

Ce pendant que tu vois le superbe rivage
De la rivière Tusque, et le mont Palatin,
Et que l’air des Latins te fait parler latin […]25

C’est ici l’emploi conjugué de la négation polémique, de l’interrogation rhétorique et de l’ironie qui inscrit ce poème dans un échange véhément avec Ronsard, plus virulent qu’il n’y paraît.

Le deuxième type d’opposition renvoie proprement à ce que la rhétorique désigne comme le lieu de l’opposition, c’est-à-dire un type d’argument qui consiste à opposer deux objets ou deux situations à des fins argumentatives et souvent épidictiques. Dans Les Regrets, ce type d’opposition est de fait assez fréquent dans les sonnets d’éloge de la fin du recueil. Il repose généralement sur la figure de l’antithèse, qui permet de renforcer l’éloge en opposant aux vertus de l’objet célébré les défauts de son contraire, comme dans le sonnet 179, où l’éloge des « vertus » de Marguerite de France (v. 10) est soutenu dans les premiers vers par l’énumération des « vices » qui lui sont étrangers :

Voyant l’ambition, l’envie, et l’avarice,
La rancune, l’orgueil, le désir aveuglé […]
Et voyant au milieu du vice déréglé
Cette royale fleur, qui ne tient rien du vice,

Il me semble (Dorat) voir au ciel revolés
Des antiques vertus les escadrons ailés […] (v. 1-2 et 7-10).

La véhémence des premiers vers est à la mesure de la grandeur de l’objet célébré : il s’agit de fonder la sincérité de l’éloge de Marguerite sur un dénigrement des flatteries courtisanes.

Ce relevé, qui n’a pas pour ambition d’être exhaustif, met ainsi en évidence les principaux éléments de la parole véhémente dans les Regrets : implication forte du locuteur et du destinataire, figures de l’insistance et de la répétition, expression de l’opposition, toutes mises en valeur par la brièveté du sonnet. Ces éléments contribuent à construire un ethos de poète indigné, mais aussi sincère dans la critique comme dans l’éloge. On s’interrogera donc à présent sur les enjeux de cette parole véhémente qui parcourt l’ensemble du recueil.

III. Enjeux poétiques, éthiques et politiques de la véhémence

Expression de l’excès, voire de la transgression, la véhémence trouve ainsi sa justification dans les Regrets par l’expérience elle-même inédite que vit et relate le poète. La parole véhémente, dans son excès même, est à la mesure de la douleur ressentie par le poète exilé, mais aussi du spectacle scandaleux offert par la ville de Rome. La véhémence se justifie alors du point de vue poétique, éthique et politique.

III. 1. Un principe poétique : la concentration du sens

La véhémence éclaire en effet un aspect majeur de l’écriture des Regrets : les figures qu’elle mobilise participent autant, voire plus, d’un effet d’insistance que de l’embellissement de la langue poétique. Elles visent, selon Olivier Millet, « non pas à l’ornement, mais à l’énergie du ton ». Cet idéal d’« énergie » de la langue (energeia en grec : mise en mouvement, force en action) traduit rhétoriquement l’idée de vigueur ou de puissance expressive du discours. La véhémence participe en effet de l’emphase du discours, entendue ici au sens rhétorique d’emphasis, notion qui implique à la fois l’économie de mots et l’expressivité, à l’opposé du sens qu’on attribue le plus souvent au mot emphase, celui d’une grandiloquence superflue26. L’emphase est ainsi recherchée par ceux qui, pour des raisons éthiques mais aussi spirituelles, s’opposent à un usage flatteur et corrompu de la langue, lui opposant selon Josiane Rieu « une éloquence sans ornements inutiles, tournée vers la mise en valeur des idées27 ».

La véhémence contribue en effet à concentrer le sens au sein du sonnet : la force rhétorique d’une invocation ou d’une exclamation, l’effet de martèlement créé par une épizeuxe peuvent ainsi suffire à exprimer l’indignation du poète. La concentration du sens est maximale lorsque l’exclamation s’associe à la figure de l’antiphrase, contraignant ainsi le destinataire ou le lecteur à déceler le double sens des mots par une lecture active du sonnet. L’antiphrase peut ainsi rendre plus expressive l’évocation des espérances déçues du poète (« Ô beaux discours humains ! », sonnet 32) ou de l’injustice de son sort (« Et quel profit en ai-je ? Ô belle récompense ! », sonnet 45). Dans les sonnets satiriques, l’antiphrase participe à la fois au comique et à l’intensité de la dénonciation, en accusant par exemple le décalage entre l’importance que se donnent les personnages satirisés et la manière dont le poète les perçoit, comme dans le fameux sonnet « vénitien » (133), structuré par la formule antiphrastique « Il fait bon voir » au début de chaque quatrain et du sizain : « Il fait bon voir, Magny, ces Coïons magnifiques […] » (v. 1). On notera dans ce vers que l’antiphrase touche également l’adjectif « magnifique », qui reprend ironiquement le titre qu’on donnait alors aux gentilshommes italiens.

Une des figures de prédilection de l’emphase véhémente est l’antithèse : elle exprime de manière concise et frappante les oppositions ou les tensions mises en évidence par le poète. Dans le sonnet 149, l’opposition topique entre le poète et le courtisan, développée dans les quatrains, est ainsi résumée de manière saisissante au v. 7 : « nous sommes fous en rime, et vous l’êtes en prose » : cette phrase associe l’expressivité de l’antithèse à l’effet de soulignement créé par le parallélisme et par le balancement binaire du vers, afin de mieux faire entendre le dénigrement des courtisans. La force expressive de l’antithèse est particulièrement mise en valeur dans les sonnets construits sur un principe d’opposition, qui peuvent mettre en balance l’éloge et le blâme jusqu’à la « pointe » finale, qui condense souvent la portée satirique du texte. Le sonnet 90 est ainsi fondé sur l’opposition entre « Nymphes Latines » et « Nymphes angevines », où l’éloge des unes (les Angevines) justifie la dénonciation virulente des autres. Dès les quatrains, l’antithèse est appuyée par un jeu de rimes discordantes (« Latines/Angevines », « impudicité/simplicité »). Le sizain se concentre quant à lui sur le seul discours de blâme, selon un crescendo qui aboutit aux exclamations des v. 12-13, citées plus haut28, et à l’exclamation sentencieuse finale, lourde de sous-entendus ironiques : « C’est vraiment de les voir le salut d’un jeune homme ». On peut analyser ce dernier vers comme un épiphonème : il s’agit d’une phrase assez courte, souvent exclamative, qui conclut ou illustre un développement par un énoncé exprimant une opinion générale ou une sentence. Olivier Millet le désigne comme une « forte figure » de la véhémence29.

Les figures identifiées comme relevant de la véhémence participent donc à la fois de l’amplification et, surtout, de l’emphase, entendue comme concentration du sens. Elles traduisent la recherche d’une langue vigoureuse et énergique, apte à exprimer avec force les affects du locuteur.

III. 2. Un principe éthique : exprimer l’indignation

La véhémence apparaît également comme une figure éminemment éthique dans les Regrets, dans la mesure où elle se justifie constamment par l’ethos d’indignation revêtu par le poète, qu’elle contribue elle-même à construire.

Comme le souligne Pascal Debailly, la justification morale de la dénonciation constitue un topos du discours classique sur la satire30, encore présent au XVIe siècle, y compris chez Du Bellay. Dans Les Regrets, la dénonciation satirique et la violence verbale qui peut l’accompagner sont ainsi justifiées par la nécessité d’éveiller les consciences face à la corruption généralisée qui envahit la société romaine. Cette idée d’une nécessité de la satire, associée à une forme de virulence verbale, est présente dans le sonnet 108, où la justification de la parole satirique s’articule au motif du combat : dès le premier vers, la désignation de Pasquin, emblème de la satire à Rome, comme le nouvel « Hercule » justifie dans la suite du sonnet le motif du combat contre les « monstres » (« Vu qu’ores par mes vers tant des monstres j’assomme », v. 4) et la représentation de Rome en « Hydre » à abattre. Le sonnet sert ici de justification à une parole de dénonciation implacable : « Mon vrai métier c’est de n’épargner homme, / Mais les vices chanter d’une publique voix » (v. 5-6).

Ce sonnet est d’autant plus éclairant qu’il s’inscrit dans une séquence de poèmes (105-112) où la dénonciation des vices de la Curie romaine se traduit par un emportement inédit, qui combine l’insulte, l’invective et l’attaque ad hominem. Ces sonnets, selon Pascal Debailly, « atteignent une virulence dans l’invective qui les apparente au geste militant du court poème de combat31 ». Ils se justifient par le caractère exceptionnel des faits observés, que traduit le tour exceptif dans le concetto du sonnet 105 : « Ces miracles (Morel) ne se trouvent point qu’à Rome » (v. 14). La parole véhémente devient alors un indice éthique : elle traduit, par son indignation même, la probité du poète, opposée au comportement et aux mœurs des prélats et des courtisans romains corrompus.

La véhémence de la parole poétique devient ainsi un gage de sincérité du locuteur. C’est ainsi que la médisance peut elle-même être jugée plus sincère que l’éloge, parce qu’elle se fait sans complaisance alors que la parole d’éloge relève trop souvent de l’embellissement, dès lors qu’elle est dictée par « l’autorité » ou par la recherche des « faveurs » du personnage loué, comme le précise le sonnet 76, dont le premier quatrain instaure une double opposition entre éloge et médisance d’une part, déguisement et vérité de l’autre, qui aboutit à l’éloge paradoxal de la médisance dans le deuxième quatrain :

Qu’il soit vrai, prins-tu onq tel plaisir d’ouïr lire
Les louanges d’un prince, ou de quelque cité,
Qu’ouïr un Marc Antoine à mordre exercité
Dire cent mille mots qui font mourir de rire ? (v. 5-8).

L’emploi imagé du verbe « mordre » renvoie à la violence potentielle de la médisance, donc à sa véhémence : elle érige celle-ci en gage de sincérité, même si cette affirmation est ici tempérée par le refus de l’offense (v. 9), conformément à la conception horatienne de la satire.

La véhémence revêt donc dans les Regrets une valeur éthique : elle contribue fortement à la construction d’un ethos d’indignation et de sincérité, donc de probité du locuteur, engageant ainsi la confiance du lecteur. Gage d’authenticité de la parole poétique, elle cautionne aussi bien le discours de dénonciation que le discours d’éloge, notamment dans les sonnets de la fin du recueil adressés à Marguerite. Le dénigrement de la flatterie et la réticence à louer rendent d’autant plus rare, donc précieuse, la célébration des vertus royales :

La louange, à qui n’a rien de louable en soi,
Ne sert que de le faire à tous montrer du doigt,
Mais elle est le loyer de cil qui la mérite.

C’est ce qui fait (Morel) que si mal volontiers
Je dis ceux dont le nom fait rougir les papiers,
Mais que j’ai si fréquent celui de Marguerite. (sonnet 183, v. 9-14).

III. 3. Un principe politique : pour une lecture polémique des Regrets

Enfin, la véhémence permet d’envisager l’ensemble du recueil dans une perspective politique et polémique. Des sonnets élégiaques aux sonnets satiriques et encomiastiques, la parole poétique est susceptible à tout moment de devenir véhémente, qu’il s’agisse d’exprimer la déception et le sentiment d’injustice du poète, son indignation devant les mœurs décadentes de la cour et de la curie romaine, son emportement dans le blâme et dans l’éloge, ou même d’opposer ses choix poétiques à ceux des autres poètes de son entourage, à commencer bien sûr par Ronsard.

De ce point de vue, la véhémence peut être considérée comme un principe d’unité stylistique du recueil. Cette continuité est soulignée, dans l’édition de François Roudaut, par l’ajout des sonnets 192 à 196, qui constituent les différents éléments d’une réponse à un détracteur de l’écriture satirique de Du Bellay : prise à parti vive du destinataire, interrogations oratoires, exclamations : « Mais où as-tu trouvé (quelle témérité !) / Qu’il faille ainsi juger d’une autre conscience ? » (192, v. 1-2). Ces pièces, qui renouent après les sonnets d’éloge avec le ton fortement polémique d’une partie du recueil, ne figurent certes pas dans l’édition originale de 1558 des Regrets, mais elles n’en soulignent pas moins la persistance d’une tonalité véhémente qui parcourt l’ensemble du recueil. La lecture des Regrets par le prisme de la véhémence indique ainsi la possibilité d’une autre lecture du recueil, dégagée de la tripartition élégie/satire/éloge fixée par une longue tradition critique. Il ne s’agit pas de remettre en cause la présence de sonnets élégiaques, satiriques et encomiastiques dans le recueil, ni de contester le mouvement d’ensemble de celui-ci. Cependant, la véhémence de l’écriture bellayenne peut aussi nous amener à être plus attentifs aux effets de continuité, et à mettre en évidence la dimension fondamentalement agonistique de la langue des Regrets, bien au-delà de la seule partie dite « satirique ». Pour citer là encore Pascal Debailly,

[Les] sonnets des Regrets, lus dans la continuité d’un cheminement, retrouvent le ressassement et la rumination propres à la démarche des auteurs de satires luciliennes, chaque poème réfractant un aspect d’une même réalité, s’enchaînant à l’ensemble d’une manière organique dans l’emportement de l’indignation et du ressentiment32.

Jusque dans les sonnets dits « élégiaques », l’écriture poétique ne se réduit jamais, en effet, à l’expression lyrique des malheurs du poète : elle interpelle, invective parfois, interroge surtout la place du poète exilé et le pouvoir de la poésie. Quant aux sonnets d’éloge, ils tendent eux-mêmes à inscrire la louange dans une parole de combat, qu’il s’agisse d’opposer de façon polémique les vertus royales aux vices des courtisans, la sincérité de la parole « vraie » aux vaines flatteries, ou d’affirmer avec force le rôle politique de la poésie. Cette idée est encore bien présente dans le sonnet 190, dont le ton paraît certes plus amer que véhément, mais qui n’en souligne pas moins fermement le caractère essentiel d’une politique culturelle digne de la grandeur du roi et de la France. La dimension critique de l’éloge apparaît clairement dans le sizain33 :

Hélicon est tari, Parnasse est une plaine,
Les lauriers sont séchés, et France autrefois pleine
De l’esprit d’Apollon, ne l’est plus que de Mars.

Phébus s’enfuit de nous, et l’antique ignorance
Sous la faveur de Mars retourne encore en France,
Si Pallas ne défend les lettres et les arts.

La véhémence révèle ainsi la valeur fondamentalement polémique des sonnets des Regrets.

Conclusion

La véhémence apparaît donc dans les Regrets comme une qualité transgressive à plusieurs titres. Propre à une rhétorique de l’excès, à l’expression intense des passions et des affects, elle contrevient ainsi aux principes poétiques affichés par Du Bellay dans son recueil : style simple, douceur et modération de l’écriture poétique, éthique du discours satirique. Fondée sur des figures propres à rendre particulièrement efficace et expressif le discours de dénonciation, mais aussi de plainte ou d’éloge, elle constitue pourtant un des traits stylistiques majeurs des Regrets, qui témoigne avant tout d’une implication forte et continue du poète dans ses sonnets. Elle permet dès lors de désigner l’écriture poétique des Regrets comme une écriture fondamentalement impliquée, voire « engagée ».

Notes de bas de page numériques

1 Georges Molinié, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Le Livre de Poche, 1992, p. 384, s. v. » véhémence ».

2 Gilles Declercq, « L’imprécation de Clytemnestre. Véhémence et performance sur la scène racinienne », Exercices de rhétorique, n° 1, 2013, 16 p., consultable à l’adresse http://journals.openedition.org/rhetorique/99 (cons. le 7 mars 2022).

3 Olivier Millet, Calvin et la dynamique de la parole. Étude de rhétorique réformée, ch. X : « La véhémence et ses tons », Paris, Classiques Garnier, 1992, pp. 321-349. Sur la dimension « éthique et spirituelle » de l’écriture poétique de Du Bellay dans Les Regrets et les autres recueils romains, voir notamment Josiane Rieu, « La beauté dans les recueils romains de Du Bellay », Op. cit., revue des littératures et des arts, « Agrégation 2022 », n° 23, automne 2021, 26 p., URL : https://revues.univ-pau.fr/opcit/pdf/opcit706 (cons. le 7 mars 2022).

4 Joachim Du Bellay, Les Regrets, sonnet 2, éd. F. Roudaut, Paris, Le Livre de Poche, 2002. Toutes nos citations des Regrets seront extraites de cette édition.

5 Floyd Gray, La Poétique de Du Bellay, Paris, Nizet, 1978, pp. 59-110.

6 Cicéron, De Oratore, II, XLV, 188 sq. Sur ce point, voir Isabelle Pantin, « Le haut et le bas dans Les Regrets, in Yvonne Bellenger (dir.), Du Bellay et ses sonnets romains, Paris, Champion, 1994, pp. 156-157.

7 Joachim Du Bellay, La Deffence, et illustration de la langue françoyse (1549), II, 11, éd. J. C. Monferran, Genève, Droz, p. 170.

8 Corinne Noirot, « L’envers de la “douce rapine” : Du Bellay et la résistance au ravissement », in Hélène Baby et Josiane Rieu (dir.), La Douceur en littérature de l’Antiquité au XVIIe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2012, p. 519.

9 Pascal Debailly, La Muse indignée, tome I, La Satire en France au XVIe siècle, « Introduction », Paris, Classiques Garnier, 2012, pp. 11-13.

10 Le mot vitupere apparaît dans le sonnet 134 des Regrets, pour désigner le déshonneur ou l’infamie provoqués par la malveillance d’autrui. Il évoque aussi la vituperatio, terme de rhétorique désignant un blâme ou des reproches violents.

11 Joachim Du Bellay, La Deffence, et illustration de la langue françoyse, II, 4, op. cit., pp. 135-136.

12 Joachim Du Bellay, La Deffence, et illustration de la langue françoyse, II, 4, op. cit., p. 135.

13  Pascal Debailly, La Muse indignée, op. cit., « Du Bellay et la satire », p. 359.

14 Martial, Epigrammes, X, XXIII, 10, cité par François Roudaut, Les Regrets, op. cit., « Notes complémentaires », p. 233.

15 Jean-Claude Moisan, « Théorie et pratique dans Les Regrets de Du Bellay », Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme, Nouvelle Série, vol. 1, n° 1, 1977, p. 50.

16 Le relevé des figures propres à susciter la véhémence du discours s’inspire en partie d’Olivier Millet, Calvin et la dynamique de la parole, op. cit., pp. 321-349.

17 Sur le modèle épistolaire des Regrets, voir notamment Marc Bizer, Les Lettres romaines de Du Bellay. Les Regrets et la tradition épistolaire, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2001.

18 On peut penser au proverbe biblique : « Comme un chien qui retourne à son vomi, l’insensé revient à sa folie » (Proverbes, 26, 11). Voir aussi le sonnet 69 et l’adresse au « vieux mâtin affamé ». Je remercie Stéphanie Le Briz de m’avoir suggéré cette référence.

19 Sur ce point, voir O. Millet, Calvin et la dynamique de la parole, op. cit., p. 346.

20 Voir la synthèse d’Emma Fayard : « Le travail du texte. Stylistique », in Nina Mueggler, Emma Fayard et Mathilde Thorel, Du Bellay. Les Regrets, Les Antiquités de Rome, Le Songe, Neuilly, Atlande, 2021, pp. 240-278.

21 Jean Vignes, « Deux études sur la structure des Regrets », in Yvonne Bellenger (dir.), Du Bellay et ses sonnets romains, op. cit., pp. 94-97.

22 Olivier Millet, Calvin et la dynamique de la parole, op. cit., p. 321.

23 Olivier Millet, Calvin et la dynamique de la parole, op. cit., p. 321.

24 Jean Vignes, « Deux études sur la structure des Regrets », in Yvonne Bellenger (dir.), Du Bellay et ses sonnets romains, op. cit., pp. 91-94.

25 Ronsard, La Continuation des Amours [1555], sonnet III, dans Ronsard, Œuvres complètes, VII, éd. P. Laumonier, Paris, M. Didier, 1959, p. 118. Le sonnet de Ronsard est aussi partiellement cité par François Roudaut dans ses « notes complémentaires » aux Regrets. Le « parler latin » renvoie au fait que Du Bellay avait commencé la rédaction de ses Poemata, en latin, contrevenant ainsi aux positions affichées quelques années plus tôt dans La Deffence, et illustration de la langue françoyse.

26 Sur l’emphase rhétorique, voir Mathilde Levesque et Olivier Pédeflous (dir.), L’Emphase : copia ou brevitas ?, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2010, et Olivier Millet, Calvin et la dynamique de la parole, op. cit., chapitre XII, pp. 377-394.

27 Sur l’emphase et la conception « vertueuse » de la langue chez Du Bellay, en rapport avec les positions gallicanes des Du Bellay, voir Josiane Rieu, « La beauté dans les recueils romains de du Bellay », article cité, pp. 22-26.

28 « Ô quelle gourmandise ! ô quelle pauvreté ! / Ô quelle horreur de voir leur immondicité ! » (voir supra : « L’énonciation véhémente »).

29 Olivier Millet, Calvin et la dynamique de la parole, op. cit., p. 339.

30 Pascal Debailly, La Muse indignée, op. cit., p. 13 sq.

31 Pascal Debailly, La Muse indignée, op. cit., p. 383.

32 Pascal Debailly, La Muse indignée, op. cit., p. 386.

33 Voir aussi Josiane Rieu, « La beauté dans les recueils romains de Du Bellay », article cité, p. 26.

Bibliographie

Œuvres de Du Bellay

Du Bellay Joachim, La Deffence, et illustration de la langue françoyse, éd. Jean-Charles Monferran, Genève, Droz, 2001

Du Bellay Joachim, Les Regrets, Les Antiquités de Rome, Le Songe, éd. François Roudaut, Paris, Le Livre de poche, 2002

Autre texte

Ronsard, La Continuation des Amours [1555], dans Ronsard, Œuvres complètes, vol. VII, éd. P. Laumonier, Paris, Marcel Didier, 1959

Études

Debailly Pascal, La Muse indignée, tome I, La Satire en France au XVIe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2012

Declercq Gilles, « L’imprécation de Clytemnestre. Véhémence et performance sur la scène racinienne », Exercices de rhétorique, n° 1, 2013, 16 pp. , consultable sur http://journals.openedition.org/rhetorique/99 (cons. le 7 mars 2022)

Fayard Emma, « Travail du texte : stylistique », in Nina Mueggler, Emma Fayard et Mathilde Thorel, Du Bellay. Les Regrets, Les Antiquités de Rome, Le Songe, Neuilly, Atlande, 2021, pp. 237-278

Gray Floyd, La Poétique de Du Bellay, Paris, Nizet, 1978 (rééd. 2007)

Levesque Mathilde et Pedeflous Olivier, L’Emphase : copia ou brevitas ?, Paris, Presses Universitaires de Paris-Sorbonne, 2010

Millet Olivier, Calvin et la dynamique de la parole. Étude de rhétorique réformée, Paris, Classiques Garnier, 1992

Moisan Jean-Claude, « Théorie et pratique dans Les Regrets de Du Bellay », Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme, 1977, Nouvelle Série, vol. 1, n° 1, pp. 46-58

Molinié Georges, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Le Livre de Poche, 1992

Noirot Corinne, « L’envers de la “douce rapine” : Du Bellay et la résistance au ravissement », in Hélène Baby et Josiane Rieu (dir.), La Douceur en littérature de l’Antiquité au XVIIe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2012, pp. 515-533

Pantin Isabelle, « Le haut et le bas dans Les Regrets », in Yvonne Bellenger (dir.), Du Bellay et ses sonnets romains, Paris, Champion, 1994, pp. 37-159

Rieu Josiane, « La beauté dans les recueils romains de Du Bellay », Op. cit., revue des littératures et des arts, n° spécial « Agrégation 2022 », n° 23, automne 2021, 29 pp. , URL : https://revues.univ-pau.fr/opcit/pdf/opcit706 (cons. le 7 mars 2022)

Vignes Jean, « Deux études sur la structure des Regrets », in Yvonne Bellenger (dir.), Du Bellay et ses sonnets romains, Paris, Champion, 1994, pp. 88-136

Pour citer cet article

Agnès Rees, « Les Regrets de Du Bellay : une écriture de la véhémence ? », paru dans Loxias, 75., mis en ligne le 14 mars 2022, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=9916.

Auteurs

Agnès Rees

Maîtresse de conférences en Stylistique, Université Toulouse-Jean Jaurès, équipe PLH/ELH. Ses travaux portent sur la poésie, la poétique et la rhétorique du XVIe siècle, en France et en Italie. Elle est l’auteur d’une thèse intitulée « la poétique de la vive représentation et ses origines italiennes en France à la Renaissance, 1547-1560 » (2011) et de plusieurs articles portant sur les rapports entre poésie et rhétorique ou poésie et arts visuels. Elle a également publié plusieurs travaux sur les auteurs du XVIe siècle au programme de l’Agrégation, notamment Ronsard, Marot et Du Bellay.