Loxias | 75. Autour des programmes d'agrégation et concours 2022 | I. Autour des programmes 2022 

Marine Miquel  : 

La figure de Camille au livre V de l’Ab Vrbe condita : de l’élaboration d’un personnage à la construction de la vérité historique livienne

Résumé

Nous verrons comment le personnage de Camille s’impose progressivement comme central dans le livre V de l’Ab Vrbe condita, en analysant les divers dispositifs déployés pour construire le personnage (de la simple notation à la scène détaillée), ainsi que la maîtrise de la parole et de la loi qui lui est conférée. Ces procédés, tout comme l’étude des regards et émotions qui façonnent le personnage (ceux des protagonistes du récit, collectifs ou individuels ; celui du narrateur, riche de sa connaissance de l’histoire de Rome et porteur d’un rôle moral), ou encore l’intertextualité, montrent que le caractère et les valeurs qui lui sont liés le placent dans la typologie de ces grands hommes qui ont fait la grandeur de Rome, les summi uiri ; toutefois, Camille semble parfois excéder ce cadre et atteindre une dimension plus individuelle, celle du protagoniste de la tragédie ou de l’épopée, dessinant un Camille héroïco-mythique. À travers l’élaboration du personnage, nous pourrons ainsi étudier la construction de la vérité historique livienne, qui repose sur l’articulation de plusieurs traditions, pour créer cette tension latente mais contenue entre individuel et collectif.

Abstract

We will see how Camillus’ character emerges as a key figure in the book 5 of the Ab urbe condita, thanks to the analysis of the different means to build the character (from notation to scene), and to his mastery of speech and law. These ways, with the study of looks and emotions which help to shape his figure (these of the narrative protagonists, who are individual or collective; these of the narrator, with his knowledge of Roman history and his moral role), or intertextuality, show that through his personality and values he belongs to the typology of these great men who made Rome great, summi viri. Yet Camillus sometimes seems to exceed this pattern and to reach the more individual dimension of the tragic or epic figure; he thus appears as a heroico-mythic Camillus. Therefore, through the development of the character, we will be able to study the construction of the livian historical true which is based on the articulation of several traditions, in order to create this latent but restrained tension between individual and collective.

Index

Mots-clés : Camille , historiographie, personnage, portrait, rhétorique, Tite-Live

Géographique : Italie

Chronologique : Antiquité romaine

Plan

Texte intégral

Bien qu’elle soit plutôt oubliée aujourd’hui, la figure de Camille fut longtemps une référence de premier ordre : elle est bien sûr évoquée à maintes reprises dans l’historiographie latine du Ier s av. J.-C. au VIe ap. J.-C, mais elle est aussi mentionnée dans les ouvrages techniques de grammaire et de lexicographie, ou encore dans le corpus rhétorique1 ; elle fut également probablement au centre des regards des Romains, puisque sa statue ornait, semble-t-il, depuis le IVe ou IIIe s av. J.-C.2, les Rostres, au cœur même de l’espace civique. Camille appartient en effet à la liste des grands hommes, les summi uiri, ces ancêtres dont la conduite est à imiter et dont la vie est modelée par la mémoire collective3.

À l’inverse, aux yeux des contemporains de Tite-Live, qu’ils soient érudits ou simples citoyens, Camille est loin d’être un inconnu : ils ont certainement entendu des récits de sa geste, dans les différents lieux offerts aux lectures publiques de passages d’ouvrages historiques4, au théâtre, en assistant à la représentation d’une tragédie prétexte5, ou encore à travers une tradition orale6 ; ils ont aussi entendu son nom alors qu’il était mobilisé comme un exemplum rhétorique au sein des discours prononcés sur le forum. Les lecteurs de Tite-Live avaient par ailleurs sans doute entendu, ou lu, selon leur âge, les évocations qu’en fait Cicéron dans certains de ses discours et de ses traités. Même si tous n’y avaient pas eu accès, la présence de Camille dans ces textes met toutefois en évidence combien cette figure était porteuse d’une autorité morale et d’une dimension éthique7 dans la mémoire collective à Rome. La construction de son exemplarité passe par le choix et la mobilisation de certains signes : Cicéron choisit ainsi de sélectionner quelques épisodes de la vie de Camille, pour mieux servir son discours : l’exil de Camille devient ainsi l’occasion de mettre en évidence la versatilité du peuple envers les plus grands citoyens8. Il est reconnu également pour ses triomphes qui en font un grand général9, mais aussi pour ses qualités morales qui sont celles du modèle aristocratique10 et qui le conduisent à placer l’intérêt de sa patrie avant celui de sa personne11. Lorsque Tite-Live rédige le livre V de l’Histoire romaine, il a en tête ces multiples facettes de ce Camille, « assurément historique », mais qui bénéficie d’une élaboration annalistique visant à magnifier l’événement que représente la chute de Véies dans l’histoire de Rome12. Nous allons ici nous interroger sur les choix narratifs et stylistiques qu’il a opérés afin de construire un Camille propre à l’œuvre. Pour répondre à ce questionnement, nous chercherons à comprendre l’élaboration de la figure de Camille comme un personnage du livre V, en ayant bien conscience de toute la spécificité qui peut être celle d’un « personnage » d’un récit historique par rapport à un personnage d’une fiction de l’époque contemporaine. Cette spécificité doit nous conduire, après l’étude des divers dispositifs déployés pour construire le personnage et sa centralité au sein du livre V de l’Ab Vrbe condita, à comprendre quelle image de grand homme Tite-Live offre alors à la mémoire collective ; enfin, nous confronterons cette élaboration du personnage historique livien aux analyses qui se sont intéressées au caractère héroïco-mythique de Camille : ce sera l’occasion de mieux comprendre la particularité de l’écriture latine de l’histoire au début du principat.

Figures et procédés mis en œuvre pour l’élaboration du portrait du personnage

Construire le personnage d’un récit, a fortiori d’un récit historique13, implique l’utilisation de la composition de celui-ci - et vice-versa, la construction du personnage permettant d’appuyer ou de marquer la structuration du récit. Dans le cas de l’élaboration du personnage de Camille, la composition joue un rôle majeur, puisque le personnage de Camille est progressivement construit comme un personnage central qui, très vite, domine le livre V. Différents dispositifs sont déployés pour le caractériser : de la brève notation annalistique au portrait en acte, de l’épithète au commentaire narratif, ils relèvent des différents procédés et figures mis en œuvre, dans les textes antiques, pour dépeindre des personnages, et qui ont fait l’objet, pour le corpus livien, de l’étude de Jacques-Emmanuel Bernard14.

L’introduction du personnage, de la notice annalistique à l’individualisation

La première apparition de Camille au livre V l’évoque, avec ses tria nomina, Marcus Furius Camillus parmi d’autres, au sein d’une notice de type annalistique qui présente l’élection des magistrats, en particulier des huit tribuns militaires faisant office de consuls (V, 1, 2 : tribuni milites consulari potestate) dans le but d’opposer Véies à Rome, qui diffèrent jusque dans leur mode d’élection – à la Rome républicaine s’oppose le peuple des Véiens, qui préfère élire un roi (V, 1, 3). Camille fait l’objet de plusieurs autres mentions sporadiquement disséminées dans ce début de livre dominé par la figure d’Appius Claudius (qui se voit attribuer un discours s’étendant sur trois paragraphes - V, 3-6) ; il est évoqué sans être nommément cité, au sein du même collectif de tribuns militaires, en V, 2, 9, dans le discours des tribuns de la plèbe, qui souligne son origine patricienne : nunc iam octoiuges ad imperia obtinenda ire, et ne in turba quidem haerere plebeium quemquam. Camille n’est pas mentionné dans l’élection de l’année suivante (V, 8, 1) mais seulement l’année d’après (V, 10, 1) puis dans le bilan de la situation militaire (V, 12, 5) : il participe alors aux différentes campagnes, dans lesquelles il est chargé de mener une guerre contre les Falisques qui s’avère facile et rapide. La formulation le place en duo avec son collègue Cneius Cornélius et souligne l’aisance des menées militaires, à travers la structure en juxtaposition de phrases dont les verbes et les sujets s’enchaînent sous la forme de chiasmes ou de redoublement, dans des tournures passives : M. Furio in Faliscis et Cn. Cornelio in Capenate agro hostes nulli extra moenia inuenti ; praedae actae incendiisque uillarum ac frugum uastati fines ; oppida oppugnata nec obsessa sunt.

Non élu l’année suivante (V, 13, 3), il réapparaît encore au sein du collectif des patriciens candidats au tribunat militaire, lors de l’élection de l’année d’après, cette fois-ci avec une épithète valorisante, puisque les candidats au tribunat sont honorés pour leur réputation (V, 14, 2 : clarissimi) ainsi que pour leur rang et pour leur expérience (V, 14, 5 : maiestas ; honoratissimi). Le narrateur lui accole une deuxième épithète subjective, summi uiri, lorsqu’il rapporte les campagnes menées par Lucius Valérius Potitus et par Camille (V, 14, 7) : Duo summi imperatores, Potitus a Faleris, Camillus a Capena praedas ingentes egere, nulla incolumini relicta re cui ferro aut igni noceri posset. Il est une nouvelle fois absent de la liste des magistrats élus en V, 16, 1 mais est renommé troisième interroi (V, 17, 4), à la faveur de l’annulation des nominations et d’un nouveau vote pour permettre la restauration de la pax deorum.

Ces caractérisations, soit par la simple mention – degré de caractérisation minimale dans l’écriture des portraits, selon Jacques-Emmanuel Bertrand15 – de sa fonction officielle (officium), soit par l’ajout d’une épithète retranscrivant l’opinion du narrateur ou des autres protagonistes, s’inscrivent dans un collectif et s’avèrent toujours liées aux patriciens, dont l’affrontement avec les plébéiens reste vif : le « portrait de caractère » de Camille est encore à ranger parmi ceux que Jacques-Emmanuel Bertrand appelle les « hommes ordinaires », cette innombrable succession de généraux qui assurent la continuité de Rome, et il n’a pas d’existence propre (cela est d’autant plus accentué par le choix de Tite-Live de sélectionner une tradition dans laquelle Camille est tribun militaire, et non censeur, comme le rapporte une autre tradition construite par les Fastes capitolins, reprise par Valère-Maxime (Faits et dits mémorables, II, 9, 1) et Plutarque (Vie de Camille, II, 3) – choix qui conduit l’historien à une incohérence en V, 10,1 où il apparaît comme tribun militaire pour la deuxième fois16. Ni la jeunesse de Camille, ni le début de sa carrière militaire ne sont mentionnées dans le récit livien ; évidemment, Tite-Live n’effectue pas une biographie du grand homme romain, comme le fait Plutarque dans sa Vie de Camille en évoquant notamment sa présence dans la bataille opposant les Romains aux Èques et aux Volsques en 431 av. J.-C.17. Toutefois, d’autres exemples, comme celui de l’introduction du personnage d’Hannibal, au livre XXI, montrent que Tite-Live peut, à l’occasion, opérer des retours en arrière afin de présenter une période antérieure de la vie du personnage : dans le cas d’Hannibal, il s’agit de son apprentissage de la vie militaire en Espagne aux côtés d’Hasdrubal, donnant l’occasion d’esquisser un véritable portrait (XXI, 3, 1- 4,10).

Or le paragraphe V, 19, 2, situé au tiers du livre, modifie radicalement la stature du personnage : ses tria nomina y sont accompagnés de la périphrase proleptique, fatalis dux ad excidium illius urbis seruandaeque patriae puis du titre renvoyant à son nouvel officium, dictator, et le personnage devient le sujet d’un verbe d’action, dixit, qui évoque la nomination d’un maître de cavalerie. Camille passe désormais au premier plan et se voit dissocié, pour la suite du livre, des autres protagonistes. Il devient alors le centre de l’action et des discours.

Au centre de l’action et des discours

La nomination de Camille à la dictature apparaît comme une rupture du rythme antérieur des événements, marquée solennellement par le polyptote muteueratmutatus : Omnia repente mutauerat imperator mutatus (V, 19, 3) et le rythme ternaire en alia … alius… alia, avec un rythme ascendant : alia spes, alius animus hominum, fortuna quoque alia Vrbis uideri, qui sont explicités dans la suite du paragraphe 19. C’est maintenant Camille qui dicte l’action et en maîtrise le déroulement, qui apparaît comme une reprise en main d’une situation de laisser-aller due à l’antagonisme entre patriciens et plébéiens : sujet des verbes d’action, il se déplace partout, sans rencontrer d’obstacle, de Rome, où il prend des mesures contre les déserteurs et où il enrôle de nouvelles troupes, au camp établi devant Véies ; il va encourager les troupes, multipliant les allers-retours entre les deux espaces. L’aide apportée par les peuples voisins, les Latins et les Herniques, n’est pas seulement l’occasion de le placer au centre des relations internationales ; elle est l’occasion d’écrire une phrase (V, 19, 6) qui mime la maîtrise totale du dictateur, dont le titre est le sujet d’une relative de liaison, d’une principale au parfait et de deux infinitives au futur, pondérées par une participiale au passé : la maîtrise de l’action se double d’une maîtrise des temps : le futur de la Ville, sous la protection des dieux, et son passé le plus glorieux, avec la figure du roi Servius Tullius : quibus cum gratias in senatu egisset dictator, satis iam omnibus ad id bellum paratis, ludos magnos ex senatus consulto uouit Veiis captis se facturum aedemque Matutae Matris refectam dedicaturum, iam ante ab rege Ser. Tullio dedicatam. Durant tout le livre, il apparaît désormais comme le moteur de l’action - dans l’épisode de la guerre contre Véies (V, 19-22), puis dans le retour plus traditionnel à l’alternance propre à l’annalistique domi/militiae, entre combats contre les incursions èques et volsques et débats qui opposent plébéiens et patriciens autour de la répartition du butin et du devenir du site de la ville (V, 23-32), et enfin après une ellipse narrative liée à son exil à Ardée, avec la reprise de Rome et son deuxième sauvetage face aux plébéiens qui souhaiteraient déplacer la capitale (V, 43-55). Les verbes dont il est le sujet sont d’ailleurs assez explicites, de ce point de vue : verbes majoritairement conjugués à la voix active ou déponente, en général dans des propositions principales, ils façonnent un Camille magistrat, tout autant chef de guerre qu’homme politique dont les décisions orientent les affaires romaines et dont la parole est souvent performative.

Camille détient d’ailleurs la maîtrise de la parole, dans ce livre V ; si Appius Claudius prononce, dans la première partie du livre, un discours direct (V, 3-6), c’est Camille qui en prononce le plus (V, 21,2-3 adresse à Junon ; déclaration au maître de Faléries, V, 27, 5-8 ; discours tenus aux patriciens V, 29, 8-10 et V, 30, 1-3 ; V, 32, 9 paroles amères à l’annonce de son exil ; V, 44, 1-7 discours aux Ardéates ; V, 49, 3, exhortation des troupes romaines face aux Gaulois ; V, 51-54 discours au peuple) et c’est à lui que revient le discours direct le plus long du livre, qui couvre les paragraphes V, 51 à 54, et est prononcé devant l’assemblée du peuple. Lui sont également réservés plus de discours indirects : il a le dernier mot dans l’échange avec le sénat et les figures opposées de Licinius et d’Appius Claudius, en V, 20 ; puis en V, 25, 4-6 sur l’attribution du dixième du butin à Apollon ; dans les premiers débats sur le déplacement de Rome à Véies, en V, 29, 8-9 et V, 29, 1-3 ; lorsqu’il se lamente, depuis son exil à Ardée, sur le sort de Rome, en V, 43, 7. Il dispose ainsi de la mainmise sur la parole officielle et religieuse, qu’il s’agisse des prières (à Apollon et à Junon, pour solliciter leur aide dans la prise de Véies, en V, 21, 2-3, où Tite-Live reformule la prière d’euocatio18 destinée à Junon pour en faire un uotum et l’associer au vœu destiné à Apollon ; prière aux dieux, en V, 32, 8, sous forme de malédiction, lorsqu’il part en exil) ; de lettres (qu’il envoie au sénat, en V, 20, 2, pour demander comment répartir le butin) ; ou de textes de loi, pris à son initiative, comme le senatus consultum intégralement cité au paragraphe, sur la reconstruction et la purification de Rome (V, 50, 2-4), ou comme celui dont il est l’objet (V, 46, 10, pour le rappeler d’exil).

Le portrait de caractère de Camille

Tite-Live peut alors dessiner, à travers le récit de l’action historique, le portrait en acte de Camille, qu’il construit, au-delà du livre V, jusqu’à la mort de Camille et qu’il clôt par une notice funéraire, au livre VII, 1, 9-10. Ce portrait propose, par la présentation du comportement du personnage, de mettre sous les yeux des lecteurs ses traits distinctifs et ses passions : il s’agit là d’un portrait de caractère, tel qu’il est défini dans les traités de rhétorique comme la Rhétorique à Hérennius19. L’écriture de l’histoire à Rome est en effet alors considérée comme une œuvre rhétorique, ainsi que le souligne Cicéron dans le De Oratore20. Dans les différents types de portraits proposés dans l’enseignement de la rhétorique, Tite-Live choisit d’opter pour le portrait de caractère, en acte. Ainsi, il n’interrompt pas le récit par un portrait détaché de la narration, mais en préserve la continuité propre au récit annalistique.

Pour que le lecteur puisse construire, à mesure que le récit progresse, le portrait de Camille, il utilise divers procédés : il recourt d’abord à des remarques extradiégétiques, qui lui permettent d’orienter, par la voix du narrateur, la représentation des lecteurs. Ainsi, les apparitions de Camille font parfois l’objet d’interventions du narrateur, souvent à valeur proleptique, signalant ses qualités et leur rôle dans l’avenir de Rome : en V, 19, 2 Igitur fatalis dux ad excidium illius urbis seruandaeque patriae ; en V, 23, 1 quantum adiuuari consiliis potuerat res, ducem M. Furium, maximum imperatorum omnium ; en V, 26, 10 ni Fortuna imperatori Romano simul et cognitae rebus bellicis uirtutis specimen et maturam uictoriam dedisset ; en V, 32, 7 Neque deorum modo monita ingruente fata spreta, sed humana quoque opem, quae una erat, M. Furium ab urbe amouere ; V, 49, 8 Seruatam deinde bello patriam iterum in pace haud dubie seruauit cum prohibuit migrari Veios ; V, 50, 1 ut erat diligentissimums cultor.

Tite-Live utilise aussi, pour structurer le portrait de Camille, les jugements des autres protagonistes du récit, en particulier des protagonistes collectifs (la foule des plébéiens ; le camp des aristocrates ; les peuples ennemis) : les rumores désapprobateurs portant sur son hybris, lors de son premier triomphe en V, 23, 5-6 ; l’admiration mêlée de rancune devant sa rigueur qui le conduit à ne pas s’approprier, pour lui et pour ses soldats, le butin obtenu contre les Falisques (V, 26, 8) ; sa justice est célébrée par les habitants de Faléries, après que Camille a refusé de participer à la traîtrise ourdie par le maître d’école (V, 27, 11) ; l’assemblée des Ardéates, unanime, affirme sa supériorité en tant que chef de guerre (V, 45, 1) ; sa valeur est soulignée par ses soldats qui le surnomment Romulus lors de son second triomphe, après la victoire sur les Gaulois (V, 49, 7).

Enfin, l’historien fait également usage de deux figures de rhétorique particulière, l’ekphrasis, qui permet de mettre sous les yeux21 des lecteurs le comportement de Camille, et l’éthopée, qui révèle le caractère du dictateur par la forme même de ses discours22. Une série de descriptions détaillées, vivantes, ou des discours adaptés à sa personnalité permettent ainsi d’attirer l’attention des lecteurs sur le caractère dont Camille fait preuve tout au long du récit. Ainsi, la religiosité qui imprègne ses prises de parole, des vœux à Apollon et à Junon (V, 21, 2-3), jusqu’au discours sur le site de Rome (V, 51-54), qui repose avant tout sur le respect de la pietas, qui ordonne les relations entre hommes et dieux et explique le déroulement du destin23, construit le caractère d’un homme profondément attaché au respect des cultes, respect qui explique aussi la mise en avant du ius gentium, dans son discours au maître de Faléries, citant une maxime philosophique probablement inspirée des dialogues de Cicéron24 : sunt et belli, sicut pacis, iura, iusteque ea non minus quam fortiter didicimus gerere. Les ekphraseis qui se rapportent à Camille le représentent toujours dans des moments où son intervention permet de sauver la cité à des moments décisifs pour Rome, mais qui, aussi, au niveau diégétique, préparent la clôture de chaque partie du livre (vœux à Apollon et à Junon, en V, 21, 2-3 pendant le siège contre Véies ; préparation au combat contre les Gaulois, en V, 49, 21, 3-4).

Le travail narratif ancre ainsi dans la mémoire des lecteurs le rôle central de Camille dans le devenir de Rome, comme dans le livre V. Il permet ainsi de figurer, pour les lecteurs de l’Histoire romaine, le portrait d’un de ces grands hommes qui structurent l’histoire de Rome, dont les valeurs morales font le succès romain, ainsi que l’indique Tite-Live dans le fameux excursus, digression, du livre IX, où Tite-Live oppose Papirius, en le présentant comme le symbole des générations successives de généraux, duces, valeureux, à Alexandre le Grand, conquérant ambitieux qui se vautre dans la τρυφή, le luxe, et dans les succès ne peuvent donc qu’être éphémères25.

Un portrait moral de grand homme

Se dessine en creux, à travers le livre V, à travers le portrait de Camille, la caractérisation morale de ces grands hommes incarnant la Romanité, chez Tite-Live ; cette dernière ne ressort pas d’un simple catalogue de conduites idéales juxtaposées, semblant un support désincarné à la réflexion livienne sur les moteurs historiques ; elle tire justement sa force de choix esthétiques particuliers.

Les valeurs du grand homme et son rôle dans le destin de Rome

Comme dans la plupart des portraits réalisés par Tite-Live, Camille ne se voit pas doté d’un portrait physique précis : dans cette histoire magistra uitae, qui enseigne des leçons morales, ce qui intéresse Tite-Live, davantage que la beauté et la vigueur, qui sont des attributs fournis par la nature, c’est le détail du caractère de ses personnages qui se dessine en creux, à travers le récit, suivant la tradition historiographique latine qui, au moment de l’affrontement avec le monde hellénistique, fait de ses grands hommes les exemples vertus comme la moderatio ou la iustitia26. Ainsi, à travers la narration des opérations militaires (par exemple la description des préparatifs autour du siège de Véies) se développe un portrait de Camille qui met en avant sa ratio et son consilium, c’est-à-dire tout autant son habileté tactique, qui le conduit à utiliser sa capacité technique pour maîtriser le temps du siège, avec le développement décrivant la construction du tunnel (V, 19, 10-11), que sa prévoyance politique : le tunnel est à peine commencé que Camille prépare déjà la répartition du butin, conscient du fait qu’il aura à régler le deuxième problème rencontré par la Ville depuis le début du livre, l’agitation des plébéiens : la phrase V, 20, 1-2 nous permet ainsi de pénétrer dans son esprit. Au fur et à mesure que la narration progresse, le portrait de Camille s’enrichit de nouvelles uirtutes, en particulier la capacité à maîtriser ses passions, rendue notamment avec force par la brièveté de la phrase Is finis sanguinis fuit, lorsqu’il met fin aux effusions de sang, lors de la scène, classique, de prise de ville, en V, 21, 10-12, ainsi que le souligne avec force la brève phrase Is finis sanguinis fuit. Selon Tite-Live, qui est en cela imprégné de la philosophie stoïcienne, la morale joue en effet un rôle central dans la causalité historique : les mouvements psychologiques formant le mouvement de l’histoire, la capacité à maîtriser ses émotions est ce qui fait toute la qualité du grand homme27.

Toutefois, dès l’apparition de Camille dans le récit, c’est sa piété du protagoniste qui est en premier lieu soulignée, et qui l’est de façon constante, comme nous l’avons souligné plus haut, par l’écriture de discours ou d’ekphraseis autour de Camille, mais aussi par la présence d’épithètes et de périphrases, ou encore d’incises extradiégétiques. C’est à sa piété aussi qu’il convient de rattacher certaines de ses autres qualités, comme le respect des règles hiérarchiques et du ius gentium, dans l’épisode évoqué plus haut du maître d’école de Faléries, mais aussi son conservatisme social et religieux. Cette écriture de la piété de Camille culmine avec l’épisode de son deuxième triomphe, qui gomme l’aspect problématique du premier et le présente comme un nouveau Romulus, par le biais des plaisanteries lancées par ses soldats, en V, 49, 5-7 et restaurant les cultes de la cité, conservant son site même, il semble bien en effet permettre une nouvelle fondation de Rome.

Cependant, la piété de Camille est aussi liée à son souci constant de ne pas abuser de la faveur de la Fortune, son sens aigu des limites que les dieux imposent à l’action humaine : c’est pourquoi ses apparitions, dans le livre V, sont la plupart du temps liées à la fortune, qui se fond alors avec le destin de Rome28, à travers l’utilisation de l’adjectif fatalis et du substantif fatum ; ainsi, il n’est pas anodin que dans sa première mise en avant, en V, 19, 2-3, suive le rappel du contexte religieux qui pèse sur les événements récents, avec l’annonce des cérémonies pour le rétablissement de la pax deorum, puis le prodige du détournement du lac évoqué par le devin (V, 19, 1). L’emploi de l’adjectif fatalis est par ailleurs développé par la prédiction de la fin de Véies puis de la menace pesant sur Rome, évoquant ainsi les deux temps majeurs du livre V.

Dispositifs spectaculaires

Cette place de Camille est d’autant plus patente que le dictateur se trouve au centre de dispositifs narratifs particuliers, qui le placent au centre des paroles et des regards, et qui le conduisent à susciter l’émotion du peuple romain ou de ses ennemis. En effet, comme l’a souligné Andrew Feldherr dans son étude de l’histoire livienne de la première décade29, Tite-Live construit le récit de certains événements comme des spectacles, disposant d’un public intradiégétique : ainsi, Camille prononce les vœux adressés à Apollon et à Junon en vue de la prise de Véies devant une foule immense, ingens multitudo (V, 21, 1) ; au paragraphe 27, sa décision de punir le maître de Faléries conduit à un dispositif scénique dans lequel la foule de Faléries voit s’avancer le traître, frappé de verges par les enfants dont il avait la charge ; de même, lorsque Camille apprend l’arrivée de troupes gauloises contre Ardée, Tite-Live le présente s’élançant au milieu du conseil des Ardéates, in mediam contionem et emporter l’adhésion de l’ensemble de l’assemblée ; enfin, il le montre soulever l’émotion – eos mouisse (V, 55, 1) – en prononçant un discours sur le site de Rome (V, 51-54) devant l’assemblée du peuple et le sénat, qui le suivait. Centre des regards et moteur des émotions des autres protagonistes, Camille joue ainsi un rôle central dans l’activation de l’émotion de ses interlocuteurs, influant ainsi sur le cours des événements, selon la conception d’une écriture de l’histoire rhétorique30 mais aussi sur les sentiments de ceux qui le lisent. En effet, comme le souligne Andrew Feldherr31 en rattachant ces dispositifs spectaculaires aux réflexions développées par les études portant sur la mémoire culturelle, de tels passages permettent, comme d’autres dispositifs mémoriels propres à la société romaine, de construire ou de renforcer la communauté. Alors que les guerres civiles et leurs conséquences sur la société romaine marquent encore les esprits, Tite-Live peut ainsi placer son auditoire dans la situation de spectateurs : les lecteurs sont conduits à s’identifier aux soldats romains ou la foule romaine réunis pour écouter le discours ou observer les actes du dictateur Camille, et sont imprégnés des valeurs morales que sous-tendent de tels épisodes. Ces scènes figurent aussi un rapport au collectif est un trait important du portrait du grand homme chez Tite-Live, notamment par la possibilité que ce dernier s’y fonde, en assurant sa cohésion.

Résorber les oppositions

En effet, la maîtrise de la parole et de l’action par Camille ne s’exprime que ponctuellement, seulement au moment le plus opportun ; sa figure s’efface devant celle de la collectivité, qui apparaît comme réunie par Camille. Cela s’explique par la piété attribuée au personnage, qui implique un souci constant de servir Rome avant sa propre personne (comme il le souligne lui-même dans les premiers débats sur le déplacement de Rome à Véies, en V, 30, 2 ; ce que rappelle Tite-Live en le montrant se lamentant sur le sort de Rome davantage que sur le sien, en V, 43, 7). Plus précisément, à la fin de chaque moment du livre, se dessine un glissement : à la suite de la victoire sur Véies, la réunion du peuple romain est mise en scène à travers les cérémonies de remerciement aux dieux (V, 31, 2-3, dont les nouveaux consuls élus et les matrones sont les acteurs), dépassant le seul rôle de Camille. Dans un second temps, jusqu’à son exil à Ardée, Camille s’affirme comme celui qui se fond derrière les patriciens, s’opposant à la plèbe romaine, dans des tensions vives, qui s’expriment notamment autour de la question de la répartition du butin : le paragraphe V, 25, 11-12 exprime significativement ce conflit suscité, selon Tite-Live, par les menées des tribuns de la plèbe : integrant seditionem tribuni plebis ; incitatur multitudo in omnes principes, ante alios in Camillum [...] Absentes ferociter increpant ; praesentium, cum se ultro iratis offerrent, uerecundiam habent : l’antéposition des verbes dans les propositions dans la première phrase, la construction parallèle et antithétique dans la seconde (absentes/praesentium ; ferociter increpant/uerecundiam habent) accentuent la tonalité dramatique du récit du conflit plébéio-patricien. C’est seulement avec son retour, dans le cadre de la contre-attaque qui suit le siège de Rome par les Gaulois, que se résorbe d’abord l’opposition entre Ardéates (V,45, 1 Aequis iniquisque persuasum erat tantum bello uirum neminem usquam ea tempestate esse) puis entre Romains (V, 46, 7 Consensu omnium placuit). Plus encore, la clôture du livre V souligne de façon exemplaire cette aptitude de Camille à recréer le consensus dans la cité : au sénatus-consulte proposé par Camille succède une série de mesures probablement initiées par le dictateur, mais qui sont mises au titre d’un collectif, à travers l’absence d’agent explicite (mentio inlata, V, 50, 5) ou par l’emploi de formulations impersonnelles (aurum…conlatum…sacrum omne iudicatum...iussum, V, 50, 6), explicitées ensuite sous le vocable religio ciuitatis, la piété de la cité. De même, au discours du dictateur succède l’hésitation de la plèbe et du sénat, rompue par l’arrivée du centurion ; dans la narration, la figure de Camille a désormais disparu derrière la concorde du sénat et de la plèbe, qui décident de rejeter la proposition de loi ; eux-mêmes s’effacent enfin derrière la description de la Ville en pleine reconstruction, en V, 55, 5. C’est toute l’habileté placée dans l’écriture du personnage qui transparaît ici : la disparition de toute mention explicite du personnage n’intervient que pour mieux souligner la réussite de ses interventions pour la sauvegarde de la cité, mais aussi son refus que sa personne prenne le pas sur le collectif.

Construite progressivement dans le premier tiers du livre, la figure de Camille devient ainsi celle du personnage central du livre V, en ce qu’il possède la maîtrise du verbe, qu’il soit écrit ou prononcé, mais aussi en ce qu’il est l’homme qui aplanit les oppositions : celle qui oppose la plèbe et le sénat ; celle, sur un plan plus métatextuel, entre l’espace de Rome, domi, et celui de la guerre, militiae. Du point de vue diégétique, l’apparition de Camille (puis sa réapparition, après l’ellipse due à son exil à Ardée) est étroitement liée au fil du récit : la première mention de Camille intervenait dans le cadre de l’opposition entre Véies et Rome ; au paragraphe 43, 6, la réintroduction de Camille dans le récit insère la possibilité d’une résolution au siège de Rome par les Gaulois. La figure de Camille permet ainsi d’offrir au récit une cohésion, dépassant ainsi les divisions traditionnelles du récit annalistique, année par année, et domi/militiae.

Cette cohésion n’exclut pas, toutefois, quelques incohérences, qui dessinent un Camille qui ne s’insère pas complètement dans le collectif, que sa figure semble parfois dépasser. Cela résulte de la complexité de la tradition développée autour du personnage de Camille, qui perce encore dans le récit livien, et qui oriente la lecture vers une réflexion sur la place de ces héros providentiels, dans l’histoire de Rome.

Au-delà du collectif

Cette construction par Tite-Live de personnages de grands hommes au service de la gloire de Rome, à travers la convergence de différents moyens narratifs (les discours, les ekphraseis, les effets d’écho dans l’organisation du récit, etc.) ne risque-t-elle pas de créer des types de personnages interchangeables, dans lesquelles on ne pourrait pas percevoir leur individualité propre32 ? Le personnage d’Énée chez Virgile a pu être analysé comme la superposition d’un non-personnage objectif, incarnant le destin de Rome, et d’un personnage subjectif, existant à travers la narration33. Nous pourrions tenter de comprendre, de même, le personnage de Camille comme l’écriture, à partir du non-personnage héroïco-mythique issu de la tradition, d’un personnage au carrefour d’intertextes pluriels ainsi que des interrogations contemporaines de Tite-Live.

Un Camille héroïco-mythique

Selon Jacques-Emmanuel Bertrand, Camille n’est pas seulement un grand homme de Rome ; il est un de ces hommes supérieurs, comme Scipion et Marcellus, qui tiennent entre leurs mains le destin de Rome et se distinguent des autres par leur caractère exceptionnel ; toutefois, Tite-Live diminue leur caractère singulier, qui est souvent lié à l’intervention divine34, pour les rattacher à la tradition des grands hommes de Rome. S’expliquent dès lors les passages qui nous montrent un Camille s’affranchissant des règles, lors de son premier triomphe tiré par des chevaux blancs, à l’image d’un roi hellénistique (V, 23, 5-6), ou encore la malédiction lancée par Camille contre Rome, en V, 32, 9, lorsqu’il est contraint à l’exil, qui en fait davantage un de ces héros mythiques dont l’hybris peut devenir une menace pour la collectivité, à l’instar d’Achille dans l’Iliade et de la malédiction qu’il prononce au chant I, 233-244. La tradition annalistique a transformé les événements en exempla à suivre, et a conféré à la figure historique de Camille la stature d’un instrument du destin, d’un dux fatalis, qui symbolise la manière dont Rome conçoit son destin. Cette tradition a toutefois choisi de conserver quelques éléments qui élaborent la représentation des événements suivant un substrat mythique lié aux schémas de fin du monde et de bataille eschatologique35, mais aussi rattaché aux théories de fin de siècle par lesquelles les Étrusques pensent de façon cyclique le temps historique, avec l’annonce de la disparition d’un état ancien, suivie de l’instauration d’une nouvelle ère, lors de la 365e année36. Tite-Live opte, de même, pour conserver de tels éléments mythiques dans la construction d’un chef romain providentiel, et nous oriente, en développant une écriture rhétorique, vers une lecture qui nous amène à considérer l’exceptionnalité de Camille : ainsi, contrairement à la plupart des autres personnages de l’Histoire romaine37, Camille semble surgir au sein du récit sans que son apparition ait été préparée outre mesure : sa caractérisation ne s’appuie pas sur sa gens, ni sur le récit de son enfance. Il est, malgré son respect continu de la pietas, celui qui attire tous les regards, qui fascine (V, 23,5 maxime conspectus ipse est) et cette position centrale dans les dispositifs visuels en fait un héros singulier : il n’y a là chez Tite-Live nulle contradiction, mais simplement l’écho de préoccupations contemporaines, autour de la conquête romaine et des guerres civiles qui ont ensanglanté Rome au Ier siècle av. J.-C. : derrière cette geste héroïque, les lecteurs de l’Histoire romaine peuvent retrouver ces grands généraux qui, à la faveur des conquêtes lointaines, sont devenus des hommes forts à la tête d’armées qui leur sont dévoués et font passer leur carrière personnelle avant la préservation des institutions de la République romaine. Avec l’exemple de Camille, les lecteurs de Tite-Live voient s’élaborer une défense et illustration des institutions romaines, en particulier de la dictature, mais aussi de leur possible fragilisation.

Ils doivent aussi penser à Auguste, dont le discours politique s’efforce de souligner son respect de la légalité et qui cherche à apparaître comme un nouveau Romulus, conditor, à nouveau, de Rome38. Fédérant les Romains et Italiens autour d’un nouveau consensus, défenseur du site de Rome face à un Marc-Antoine aux ambitions orientales, vouant un culte spécifique à Apollon39, il possède de nombreux traits que peut rappeler la lecture du livre V : à ce titre, la notice antiquaire (ea est causa ut…., V, 55, 5) qui décrit la reconstruction de Rome après le siège et nous ramène à l’époque augustéenne, expliquant par le recours au passé les particularités du plan de la Rome du Ier siècle av. J.-C., fait sans doute également écho aux rénovations urbaines entreprises par Auguste. De même, la mise en valeur de la Iuuentas par Camille, dans son discours contre le déplacement de Rome à Véies, peut faire une référence à la « mystique de la jeunesse qu’Auguste s’apprête à faire triompher40 » faisant écho à cette jeunesse guerrière qui a fait, selon la tradition, la force de la cité. Ces échos possibles, à travers la figure plurielle de Camille, à des changements et questionnements contemporains, posent aussi la question de la place de la vérité dans l’œuvre livienne.

La construction de la vérité historique livienne

Tite-Live n’invente pas ; il reprend la tradition annalistique (qu’il signale à travers l’emploi de verbes comme dicitur ou traditur), qu’il adapte à une écriture rhétorique de l’histoire, en fonction des enjeux de son époque ; il utilise peut-être également d’autres sources, comme celle des togatae41, pour conférer un registre dramatique à certains passages, comme celui de l’exil de Camille. Nous pouvons d’ailleurs retrouver, à rattacher avec la geste de Camille, la notation narrative inseritur huic loco fabula (V, 21,8), développée en V, 21, 9 : Sed in rebus tam antiquis si quae similia veri sint pro veris accipiantur, satis habeam : haec ad ostentationem scenae gaudentis miraculis aptiora quam ad fidem neque adfirmare neque refellere est operae pretium. Tite-Live utilise ici une expression dont il fait déjà usage dans la préface de l’ouvrage, 6 pour déclarer son refus de prendre parti, en tant qu’historien, sur l’aspect légendaire des récits de la Rome archaïque : Quae ante conditam condendamue Vrbem poeticis magis decora fabulis quam incorruptis rerum gestarum monumentis traduntur, ea nec adfirmare nec refellere in animo est. Tite-Live y accorde un rôle symbolique42 à ces traditions qui sont selon lui sanctifiées par la supériorité de Rome sur le monde connu, mais jette sur elles un regard suspicieux, en ce qu’elles lui paraissent non vraisemblables, des fabulae. Toutefois, comme le suggère Paul François43, l’historien semble aussi parfois utiliser certains éléments qui relèvent du mythe afin de susciter une atmosphère de sacralité, et ainsi conférer à des éléments historiques une portée légendaire, et donc une force symbolique particulière : c’est ainsi que, dans un récit où les fabulae et les remarques sceptiques de Tite-Live sont rares44, le leitmotiv du fatum marque Camille comme un dux fatalis, et ce jusqu’à la toute fin du livre, lorsque le discours de Camille est incidemment suivi d’un événement qui pousse à y adhérer : le mot du centurion traversant le Comitium (V, 55, 1-2) invitant un soldat à poser son enseigne : le destin valide, une nouvelle fois, la parole et l’action du général romain.

La fabrique d’un grand homme

Enfin, si Camille atteint cette ampleur dans le livre V, c’est aussi que s’est déjà bâtie, au moment même des événements, sa mémoire : comme le souligne Camille lui-même en V, 30, 2, elle est rattachée à la ville de Véies, dont il s’est emparé. Dans la conception antique de la mémoire, l’espace est conçu comme le meilleur support pour l’apprentissage mémoriel45 ; il n’est donc pas étonnant que ce soit un lieu qui fasse vivre le souvenir de Camille. C’est ce pouvoir d’évocation du lieu qui est également sensible aux soldats romains réfugiés à Véies à la suite de la bataille de l’Allia, alors que Rome et le Capitole subissent le siège gaulois : V, 46, 6 : Locus ipse admonebat Camilli nomen et les incite à faire appel à lui et à sa chance (ductu auspicioque eius res prospere gesserant). Toutefois, son nom surgit même sans se référer à un lieu, s’identifiant à un combat remporté, faisant écho à la protection que les destins accordent à Camille et à ses actions : le nom de Camille est ainsi évoqué pour une action où il ne participe pas, mais permet, en soulignant son absence, de l’associer à un nouveau succès militaire, en V, 45, 8 : Tantum par Camillo defuit auctor : cetera eodem ordine eodemque fortunae euentu gesta. La part de Camille devient si importante pour Rome qu’au niveau diégétique, son nom même envahit le récit, alors que le personnage n’est pas encore reparti au combat ; dès le livre V et les événements eux-mêmes, Tite-Live nous présente un Camille qui est déjà devenu légendaire.

Conclusion

Le personnage de Camille relève, de la sorte, d’une élaboration particulière de la part de Tite-Live, configurant un personnage à la fois emblématique des valeurs romaines que Tite-Live attache aux grands hommes, au sein de son histoire morale de Rome, mais aussi nourri d’éléments légendaires qui le placent au-dessus des autres protagonistes du livre, dans la stature du sauveur de Rome. Sa figure fait alors écho, en particulier, à celles que connaissent les contemporains de l’historien et notamment celle d’Auguste, au terme de la reconfiguration de la République effectuée par ce dernier. Dans la lecture que fait Tite-Live de l’histoire, Camille peut ainsi finir par dépasser les tensions entre le patriciat, dont il était l’un des représentants, et la plèbe ; le livre VI, voit émerger son double antithétique, relevant également de l’écriture rhétorique et de la réélaboration légendaire, nouveau protagoniste de ce conflit interne, avivé au sein d’une cité appauvrie et à reconstruire : celui de Marcus Manlius Capitolinus.

Notes de bas de page numériques

1 Marianne Coudry, « Camille : construction et fluctuations de la figure d’un grand homme », in Marianne Coudry et Thomas Späth (dir.), L’invention des grands hommes de la Rome antique, Paris, De Boccard, 2001, pp. 47-81, p. 48.

2 Si l’on en croit Asconius (In Scaurianam, Ver. a nouis CLX (46)) ou Pline l’Ancien (Histoire naturelle, XXXIV, 11 (23). Voir Marianne Coudry, « Camille : construction et fluctuations de la figure d’un grand homme », in Marianne Coudry et Thomas Späth (dir.), L’invention des grands hommes de la Rome antique, Paris, De Boccard, 2001, pp. 47-81, p. 51.

3 Karl Joachim Hölkeskamp, « History and collective memory in the Roman republic », in Nathan Rosenstein et Robert Morstein-Marx, A companion to the Roman republic, Oxford, Oxford University Press, 2006, pp. 478-495. Jacques-Emmanuel Bernard, dans Le portrait chez Tite-Live. Essai sur une écriture de l’histoire romaine, Bruxelles, Latomus, 2000, ne range pas Camille dans la catégorie des summi uiri mais dans celle, supérieure, des héros. Nous y reviendrons.

4 Sur les lieux de diffusion de l’historiographie à Rome, voir Timothy P. Wiseman, « Practice and Theory in Roman Historiography », History 66, 1981, pp. 375-393.

5 Le rapport entre les tragédies prétextes et la formation de la tradition historiographique est une question complexe : la thèse de Timothy P. Wiseman dans Roman Drama and Roman History, Exeter, Exeter University Press, 1998, faisant des tragédies prétextes l’inspiration des textes historiques, est fragile, car l’antériorité des praetextae sur les récits annalistiques n’est aucunement avérée, mais l’on admet que les prétextes ont pu avoir une influence sur l’écriture et sur la mise en forme de ces textes. Voir Marie-Hélène Garelli, « La praetexta à Rome : une autre réception de la tragédie grecque », in Brigitte Le Guen (dir.), À chacun sa tragédie ? Retour sur la tragédie grecque, PUR, 2007, p. 142.

6 Sur les hypothèses portant sur les liens entre historiographie et tradition orale, voir Timothy P. Wiseman, « Roman legend and Literary Tradition », in Timothy P. Wiseman (dir.), Historiography and Imagination. Eight Essays on Roman Culture, Exeter, University of Exeter Press, 1994, pp. 23-36.

7 Matthew B. Roller, Models from the Past in Roman Culture, A World of Exempla, Cambridge, Cambridge University Press, 2018. pp. 1-31.

8 Cicéron, De domo sua, 86 ; voir aussi La République, I, 3, 5-6 (73).

9 Cicéron, Contre Pison, 24 (58).

10 Cicéron, Pro Caelio, 17 (39) ; Cicéron, Pro Sestio, 68 (143).

11 Cicéron, Tusculanes, I, 37 (90).

12 Dominique Briquel, « Le tournant du IVe siècle », in François Hinard (dir.), Histoire romaine. Tome I. Des origines à Auguste, Paris, Fayard, 2000, pp. 206-207.

13 Bernard Mineo, « Philosophie de l’histoire et architecture de l’œuvre : le cas de l’Ab Vrbe Condita de Tite-Live et des Histoires Philippiques de Trogue Pompée », in Aude Cohen-Skalli (éd.), Historiens et érudits à leur écritoire. Les œuvres monumentales à Rome entre République et Principat, Bordeaux, Ausonius, 2019, pp. 179-202.

14 Jacques-Emmanuel Bernard, Le portrait chez Tite-Live. Essai sur une écriture de l’histoire romaine, Bruxelles, Latomus, 2000.

15 Jacques-Emmanuel Bernard, Le portrait chez Tite-Live. Essai sur une écriture de l’histoire romaine, Bruxelles, Latomus, 2000, p. 22.

16 Robert M. Ogilvie dans A Commentary on Livy, I-V, Oxford, Clarendon Press, 1965, p. 631, suggère que la source de la tradition adoptée par Tite-Live serait les libri lintei, dont il a connaissance à travers Licinius Macer ; tradition reprise par l’empereur Claude dans le discours retranscrit sur la table claudienne de Lyon (I.L.S 212).

17 Plutarque, Vie de Camille, II, 1-2.

18 Macrobe, Saturnales, III, 9, 7, rapporte la formule d’euocatio prononcée par Scipion Emilien lors de la chute de Carthage en 146 av. J.-C., et qui est suivi de l’introduction à Rome d’une Iuno Caelestis, qui est l’interpretatio de la divinité poliade de Carthage, Tanit : dans cette formule d’euocatio, contrairement à la formule du uotum, qui promet à un ou plusieurs dieux une offrande - temple, statue, sacrifice - si le dieu lui a préalablement accordé la faveur qu’il requiert, le nom de la divinité n’est pas citée ; voir Charles Guittard, « Les dieux de l’autre : les Romains face aux dieux de l’étranger. L’exemple du rituel de l’euocatio », in Marie-Françoise Marein, Patrick Voisin et Julie Gallego (dir.), Figures de l’étranger autour de la Méditerranée antique, « À la rencontre de l’Autre », Paris, L’Harmattan, 2009, pp. 521-527.

19 Voir Rhétorique à Hérennius, IV, 63-65.

20 Cicéron, De Oratore, II, 15 (62).

21 Quintilien, Institution oratoire, IX, 2, 40.

22 Quintilien, Institution oratoire, IX, 2, 30.

23 David S. Levene, Religion in Livy, Brill, Leiden - New York - Köln, 1993, pp. 199-201.

24 Cicéron, La République, d’après Lactance, Institutions chrétiennes, VI, 10, 18 et Les Lois, I, 29 ; 32-34 ; 48-52) ; voir la note 1 ad loc. de Jean Bayet.

25 Voir Mathilde Mahé-Simon, « L’enjeu historiographique de l’excursus sur Alexandre (IX, 16, 11-19, 17) », in Dominique Briquel et Jean-Paul Thuillier (dir.), Le censeur et les Samnites. Sur Tite-Live, livre IX, Éditions Rue d’Ulm, Paris, 2001, pp. 37-64.

26 Marianne Coudry, « Camille : construction et fluctuations de la figure d’un grand homme », in Marianne Coudry et Thomas Späth (dir.), L’invention des grands hommes de la Rome antique, Paris, De Boccard, 2001, pp. 47-81, p. 61.

27 David S. Levene, Livy on the Hannibalic War, Oxford, Oxford University Press, 2010.

28 Sur l’évolution de la τύχη hellénistique à la Fortuna Populi Romani, voir Jacqueline Champeaux, Fortuna. Recherches sur le culte de la Fortune à Rome et dans le monde romain des origines à la mort de César, II. Les transformations de Fortuna sous la République, Rome, Collection de l’École Française de Rome, 1987.

29 Andrew Feldherr, Spectacle and society in Livy’s History, University of California Press, Berkeley-Los Angeles, 1998.

30 Michèle Ducos, « Les passions, les hommes et l’histoire dans l’œuvre de Tite-Live », REL, 65, 1987, pp. 132-147.

31 Andrew Feldherr, Spectacle and society in Livy’s History, University of California Press, Berkeley-Los Angeles, 1998.

32 Jacques-Emmanuel Bernard, Le portrait chez Tite-Live. Essai sur une écriture de l’histoire romaine, Bruxelles, Latomus, 2000, pp. 159-160.

33 Gian Biagio Conte, Virgilio : il genere e i suoi confini, Milan, Garzanti, 1984 et Judith Rohman, « Le personnage d’Énée dans l’Énéide. Jeux de savoir entre personnage, narrateur et lecteur », in Ève Feuillebois-Pierunek (dir.), Épopées du monde. Pour un panorama (presque) général, pp. 297-314.

34 Jacques-Emmanuel Bernard, Le portrait chez Tite-Live. Essai sur une écriture de l’histoire romaine, Bruxelles, Latomus, 2000, pp. 338-339.

35 Briquel Dominique, La prise de Rome par les Gaulois. : Lecture mythique d’un événement historique, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2008.

36 Censorinus, De die natali, XVII, 5-6, suivant Varron, De Saeculis des Libri Antiquitatum humanarum ; Jean Hubeaux, Rome et Véies. Recherches sur la chronologie légendaire du Moyen Âge romain, Paris, Les Belles Lettres, 1958, pp. 60-88.

37 Jacques-Emmanuel Bernard, Le portrait chez Tite-Live. Essai sur une écriture de l’histoire romaine, Bruxelles, Latomus, 2000, pp. 15-53 ; pp. 167-196.

38 Suétone, Vie d’Auguste, 56, 7-8.

39 Bernard Mineo, « Récit d’une crise : la fin du premier cycle historique de Rome, au livre V de l’Ab Vrbe condita de Tite-Live », in Sylvie Franchet d’Espèrey, Valérie Fromentin, Sophie Gotteland et Jean-Michel Roddaz (dir.), Fondements et crises du pouvoir, Bordeaux, Ausonius, 2003, pp. 337-351.

40 Jean-Pierre Néraudau, La Jeunesse dans la Littérature et les institutions de la Rome Républicaine, Paris, Les Belles Lettres, 1979, p. 185.

41 Voir note 5.

42 Mario Mazza, Storia e ideologia in Livio, Per un’ analisi storiografica della « Praefatio » ai « Libri ab Urbe condita », Catane, Bonanno Editore, 1966, pp. 94-96.

43 Paul François, « Nec adfirmare nec refellere », Pallas 78, 2009, pp. 95-110.

44 Voir note 3 ad. loc. de Jean Bayet.

45 Cicéron, De oratore, II, 353-354.

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Pour citer cet article

Marine Miquel, « La figure de Camille au livre V de l’Ab Vrbe condita : de l’élaboration d’un personnage à la construction de la vérité historique livienne », paru dans Loxias, 75., mis en ligne le 16 décembre 2021, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=9867.

Auteurs

Marine Miquel

Agrégée de lettres classiques, docteure en études latines, Marine Miquel est maîtresse de conférences en langue et littérature latines à l’université de Tours. Elle a consacré sa thèse, soutenue à l’université Paris Nanterre, à l’étude de la représentation des espaces et du pouvoir dans l’œuvre de Tite-Live et prépare sa publication dans la collection « Lire l’Antiquité » des Éditions de l’Université Grenoble Alpes, sous le titre Histoires d’espaces, espaces d’histoires. La représentation des espaces dans l’Ab Vrbe condita de Tite-Live. Elle poursuit ses travaux de recherche sur l’historiographie latine sous la République et à l’époque augustéenne au sein du laboratoire ICD « Interactions culturelles et discursives ». Dans une perspective générique et diachronique élargie, elle s’intéresse en particulier aux significations et aux formes poétiques des espaces, telles qu’elles sont construites par les textes ou lors de leur réception, et analyse leur rôle dans l’élaboration des concepts politiques et dans l’écriture des statuts dans la littérature latine. Elle participe à plusieurs programmes de recherche, dont le réseau ERA, « Écologie Rome Ancienne » ou le réseau ES Lettres.