Plaute dans Loxias
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Loxias | Loxias 12 | I.
« Que diable allait-il faire dans cette galère ? » Récit de mer et heureux naufrage au théâtre : d’Eschyle à Wilkie Collins
On sait depuis les pièces de Racine que la mer est un ingrédient narratif essentiel, un décor signifiant qui confère à la tragédie plus d’acuité : battant de ses flots les bases du palais, elle fournit l’espoir d’un secours ou la menace, métonymie des forces qui environnent et enferment les personnages dans leur destin. La mer est-elle condamnée à rester un cadre, simple objet de récit dans le théâtre, puisque matériellement irreprésentable ? On pourrait penser que la situation d’un équipage enfermé à bord d’un navire – sans espoir d’évasion avant l’escale – constitue un huis-clos d’une remarquable efficacité théâtrale : resserrement des acteurs et de la temporalité, enjeu vital… Or l’examen des pièces de théâtre liées de quelque manière à la mer ne rend pas compte de cette hypothèse. Les pièces tirées de romans maritimes cessent en quelque sorte d’être maritimes. Au contraire, les tragi-comédies en particulier font la part belle à de longs récits de naufrage, qui deviennent un topos aux motifs récurrents. La force tragique y perd de sa vigueur au profit d’autres desseins.
Loxias | 71. | I.
Y a-t-il un double du poète dans le Poenulus de Plaute ?
Dans certaines pièces de Plaute, le personnage de seruus callidus, d’« esclave rusé », fait office de double du poète, comme cela a été souligné depuis longtemps. Dans le Poenulus, il y a bien un seruus callidus, Milphion, mais ses prétentions au statut de double du poète semblent remises en cause au profit d’autres personnages, en particulier celui du jeune Agorastoclès, qui rivalise en ruse avec l’esclave. Pourtant, Milphion demeure distingué pour une aptitude particulière : sa prescience du rôle que la Fortune jouera dans la pièce. En effet, alors qu’il est le spécialiste de la ruse, en prévoyant le rôle de la Fortune il perçoit l’ossature même de l’intrigue du Poenulus : une alliance des composantes dramaturgiques de la ruse et de la Fortune. Cette prescience est pourtant incomplète et sera corrigée par Agorastoclès. La fonction de double du poète semble donc se répartir entre Milphion et Agorastoclès. À eux seuls, ils ne suffisent pas cependant à représenter l’art du dramaturge, dont la Fortune est aussi une incarnation. In some of Plautus' plays, the character of seruus callidus, the 'cunning slave', acts as the poet's double, as has long been pointed out. In Poenulus there is indeed a seruus callidus, Milphion, but his claim to the status of the poet's double seems to be challenged in favour of other characters, particularly that of the young Agorastocles, who competes with the slave to determine who is more cunning. Yet Milphion remains distinguished for one ability: his prescience of the role Fortune will play in the play. Indeed, while he is a specialist in the ruse, by predicting the role of Fortune, he perceives the very backbone of the Poenulus plot: an alliance of the dramatic components of the ruse and Fortune. This prescience is however incomplete and will be remedied by Agorastocles. The function of poet's double seems to be divided between Milphion and Agorastocles. However, they alone don’t succeed in representing the art of the playwright, of which Fortune is also an incarnation.