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Marion Gonzalez  : 

Du flâneur au flâneur noir : variation sur la figure du flâneur dans quelques récits réalistes fin-de-siècle

Résumé

Cet article envisage la représentation du flâneur et souhaite mettre l’accent sur un cas particulier de flâneur, apparu à la fin du XIXe siècle dans les récits réalistes : le flâneur noir. Ce personnage amplifie des traits déjà présents chez le flâneur traditionnel décrit par la littérature panoramique (voyeurisme, anonymat au milieu de la foule, consommation des spectacles de la rue) et en serait une sorte d’envers négatif pouvant trouver une incarnation dans la figure du criminel en série, flâneur devenu chasseur de proies dans l’anonymat des grandes villes.

Abstract

This paper examines the literary representation of the ‘flâneur’ by studying more specifically the dark ‘flâneur’, one of the ‘flâneur’’s incarnations. The dark ‘flâneur’ appears at the end of the nineteenth century, in realist narratives (novels and short stories) This character amplifies features already present in the traditional ‘flâneur’: they are both attracted by voyeurism, anonymity in the midst of the crowd, consumption of street spectacles. However, the dark ‘flâneur’ exaggerates these practices and can be seen as the dark version of the ‘flâneur’. The serial killer represents this ‘flâneur’ who had become a hunter, with sinister intentions in the anonymity of large cities.

Index

Mots-clés : criminels en série , flâneur, flâneur noir, réalisme

Géographique : France

Chronologique : fin du XIXe siècle

Plan

Texte intégral

1Fascinant personnage que celui du flâneur, que l’on retrouve tout au long du XIXe siècle, que ce soit dans la littérature « panoramique » ou dans les romans réalistes. « Nouveau personnel déambulateur1 » aux côtés du badaud, du marcheur, du touriste – tous caractérisés par une hypertrophie de l’œil – il fait le lien entre la ville et la vue. Le XIXe siècle est en effet marqué par une urbanisation rapide et massive, Paris double sa population entre 1801 et 1850, passant de cinq cent cinquante mille habitants à un million2. Au niveau architectural, le vieux Paris laisse peu à peu place aux boulevards et passages haussmanniens, dans lesquels il fait bon déambuler. La ville offre des spectacles permanents à qui sait les voir, la rue se fait espace saturé de signes, juxtaposition d’images, enseignes, affiches placardées3, foule qui passe. « Les rapports des hommes dans les grandes villes sont caractérisés par une prépondérance marquée de l’activité de la vue sur celle de l’ouïe4. » La littérature réaliste, qui s’attache à représenter cette nouvelle réalité sociale qu’est la ville moderne se fait alors « roman du regard5 ». À partir de Balzac, s’opère en effet un changement dans le régime de la représentation : Balzac est « l’auteur qui fait descendre le roman dans la rue6. » Auparavant, les descriptions étaient de grands panoramas, menés par une instance narrative supérieure, semblable à l’incipit de Notre Dame de Paris dans lequel Victor Hugo nous fait découvrir Paris de façon verticale, « à vol d’oiseau7 ». À ces grands panoptiques se substituent ensuite dans les romans des descriptions plus fragmentées, immersives, dévolues à un personnage, souvent un flâneur. Le regard du flâneur réitère, duplique dans la fiction celui du romancier. C’est un regard qui décrypte. Le roman réaliste présuppose, en ses fondements, une conception herméneutique du monde : la société comme système cohérent, intelligible, dont les signes peuvent être lus, interprétés par le romancier. Cependant, le personnage du flâneur possède dès son apparition dans la littérature des aspects ambivalents, des possibilités de retournement qui nous font ici étudier sa face sombre, son envers négatif. Il s’agira de montrer comment le flâneur, comparé par Baudelaire à un « kaléidoscope » qui exprime des « images plus vivantes que la vie elle-même8 » peut, dans les romans réalistes de la fin du siècle, revêtir une forme noire, voire criminelle, celle du flâneur noir. Ce terme de « flâneur noir9 » traduit littéralement celui de « dark flâneur » que l’on trouve dans l’article anglophone des deux criminologues Craig Kelly et Adam Lynes : pour eux, la figure du flâneur est le produit du capitalisme débutant, mais lorsque celui-ci s’exacerbe, apparaît la figure déviante du « dark flâneur ». Le terme français « flâneur noir » est également utilisé par Pierre Loubier pour désigner la face sombre du flâneur dans son article sur le flâneur chez Balzac. C’est pourquoi nous avons choisi de conserver ce terme tel quel.

Aux origines du flâneur

2C’est au début du siècle qu’apparaît le premier prototype du flâneur, sous la plume de l’écrivain Étienne de Jouy qui donne à la Gazette de France, entre 1811 et 1814, des chroniques signées par son personnage, l’Hermite de la Chaussée d’Antin. L’Hermite déambule dans les rues de la Capitale et rapporte à ses lecteurs des observations sur les habitants, les lieux publics dans lesquels il se rend comme le Palais Royal. Ce précurseur du flâneur est « un être dispersé, qui marche, regarde, de façon aléatoire, offre ses sens aux événements de la rue10. » La flânerie originelle est mue par le hasard, l’occasion qui amène sur le chemin du flâneur de nombreuses aventures et des rencontres fortuites. Ce premier personnage, ancêtre des flâneurs qui parcourront les rues de la capitale et la littérature, possède déjà une qualité ambiguë : sa capacité à dissimuler, à se déguiser. Aussi, l’Hermite, dans la chronique du 27 janvier 181311, se fait-il passer pour un cocher afin de pouvoir manger avec eux et écouter leurs conversations.

3Le flâneur se retrouve ensuite dans la littérature panoramique, abondante à l’époque, qui tente de circonscrire les changements urbains, que ce soit ceux du paysage, avec les tableaux parisiens, Paris-Guides, ou bien ceux qui affectent les habitants de Paris, avec les physiologies, qui érigent le flâneur en type reconnaissable : Physiologie du flâneur (1841) par Louis Huart, Ce qu’on voit dans les rues de Paris (1858) de Paul Fournel, Paris et le livre des cent et un (1831)… le projet consiste à classer, à faire l’inventaire de ce nouveau monde et de ses habitants.

Un œil qui consomme

4Parmi ces collections de types (la Portière, la Lorette, l’Employé…) voici le flâneur. Héritier du promeneur philosophique du siècle précédent, symbolisé par Rousseau qui musait dans la nature, et faisait en même temps le lien entre extériorité et intériorité, sensations et sentiments, visions et rêverie, le flâneur est une autre manière d’être au monde. Le flâneur est l’homme des villes, l’homme moderne12 d’une société devenue marchande et capitaliste. Alors qu’en promenade, le sujet voit et est vu par les autres, le flâneur, lui, voit sans être forcément vu en retour. Le flâneur est en effet lié à la foule, dans laquelle il se cache, se fond. « Voir le monde, être au centre du monde et rester caché au monde13 », résume Baudelaire.

5L’organe précellent du flâneur est donc l’œil. Il serait faux de penser qu’à l’instar du badaud14, le flâneur se contenterait d’enregistrer passivement ce qu’il voit. Il « marche, observe et interprète15 ». Il est le sémiologue de la rue : il en connaît le fonctionnement, les habitants. Le flâneur a dès le départ cette position ambiguë d’être au seuil du capitalisme, sans y pénétrer vraiment. Sa lenteur – il promène des tortues sur le marché16 – son oisiveté, proteste contre la productivité érigée en valeur par le capitalisme. Mais son œil s’arrête sur les marchandises qui s’étalent dans les rues, les devantures des magasins, c’est « un œil qui consomme17 ». Critique ou complice, là aussi on voit se dessiner des aspects plus ambigus du flâneur.

6Le flâneur est présenté par les physiologies comme un bourgeois instruit, possédant le luxe de l’oisiveté. Il n’a pas d’engagement amoureux, c’est un homme, « il est célibataire ou veuf18 ». La question de l’existence d’une flâneuse – qui n’apparait pas dans les physiologies – se pose. Catherine Nesci montre dans son essai19 comment, tout au long du XIXe siècle, la femme a progressivement investi l’univers urbain, notamment à travers la flânerie. Cependant, la flâneuse n’a pas la même modalité d’être à la ville que le flâneur. En effet, à la différence des hommes, elle ne possède pas tout l’espace urbain. Au début de Ferragus, Auguste, jeune homme flâneur, rencontre Clémence Desmarets dans une rue proscrite pour une femme du monde, la rue Pagevin : « sa perspicacité ne lui permettait pas d’ignorer tout ce qu’il y avait d’infamie possible pour une femme élégante, riche, jeune et jolie, à se promener là, d’un pied criminellement furtif20. » Pendant longtemps « les femmes ne peuvent se déplacer qu’en se subordonnant à un but et en se sachant l’objet d’une surveillance active21. » Mais au fur et à mesure que le siècle avance, la place de la flâneuse dans l’espace urbain évolue. Qu’elle flâne ou qu’elle se rende d’un point à un autre, la femme n’est plus cantonnée aux intérieurs et peut se rencontrer dans les rues. Ce qui nous intéresse ici, est qu’elle fait de plus en plus partie de ces spectacles que l’œil du flâneur mâle consomme. Les physiologies expliquent que la rencontre avec une femme peut déterminer la direction de la marche du flâneur : « une feuille qui vole, un pied mignon, une taille bien prise, qu’il veut perdre de vue le plus tard possible, décideront de la direction qu’il va suivre22. » C’est le cas également dans les romans de Balzac, à l’incipit de Ferragus par exemple, le jeune Auguste se met à suivre une jolie femme qu’il croit reconnaître. La femme dans l’espace urbain est objet de désir de la part du flâneur, qui la morcelle par son regard érotisant : pied, taille dans la physiologie, « chute des reins » chez Balzac, ou « jambe de statue » dans le poème de Baudelaire. Corps marchant devient corps marchand, à l’image du corps de ces prostituées dans Illusions perdues, qui déambulent dans les Galeries de Bois et se laissent examiner par les passants, au milieu des autres marchandises à acheter :

La poésie de ce terrible bazar éclatait à la tombée du jour. De toutes rues adjacentes allaient et venaient un grand nombre de filles qui pouvaient s’y promener sans rétribution. […] Ces femmes attiraient donc le soir aux Galeries de Bois une foule si considérable qu’on y marchait au pas, comme à la procession ou au bal masqué. Cette lenteur, qui ne gênait personne, servait à l’examen23.

7Qu’on se rassure cependant – du moins pour l’instant : le flâneur est « un voyeur qui rêve l’érotisme sans vraiment consommer quoi que ce soit24. » Dans l’incipit de Ferragus, Paris est décrite comme une « une grande courtisane », les flâneurs sont « ses amants », des « hommes d’étude et de pensée, de poésie et de plaisir qui savent récolter, en flânant dans Paris, la masse de jouissances flottantes25. » Si le lexique de la sexualité est employé, cette jouissance est ici déplacée, donc sublimée26. La jouissance du flâneur est avant tout spirituelle, « flottante », c’est-à-dire fantasmée, projetée sur l’écran de sa pensée.

Détective ou chasseur ?

8Une autre ambiguïté inhérente au flâneur : spectateur et non acteur de la vie sociale, il inquiète. Le flâneur reste à la marge, au milieu d’autres marginaux : collectionneur, dandy, bohème, artiste, mendiant. Si le flâneur est aussi à l’aise dans les rues, notamment les passages, intermédiaires entre intériorité et extériorité, c’est parce que ses propres frontières intérieures sont floues. Le flâneur, qui rêve d’épouser la foule, se délite, « se mêle, par la pensée, à toutes les pensées qui s’agitent autour de lui27. » Cette délimitation floue du flâneur lui permet de revêtir plusieurs formes. Walter Benjamin établit un parallèle entre le flâneur et le détective. En effet, il n’y a qu’un pas entre l’observation assidue du flâneur et la vigilance du détective en train de mener une enquête. Benjamin relie la figure du flâneur détective à l’apparition du genre littéraire qui interroge les aspects menaçants de l’espace urbain : le roman policier. Cependant, Benjamin compare aussi le flâneur à « un chasseur ». Le flâneur ne part-il pas en chasse de la femme, sur les trottoirs parisiens ? Jusqu’où cette chasse peut-elle aller ? La nouvelle de Poe, « L’homme des foules28 », illustre cette réversibilité de la figure du flâneur, à la fois potentiellement détective et chasseur. Le narrateur est un flâneur qui, derrière la vitre d’un café, observe et analyse la foule. Soudain, une figure se détache, illisible : un vieil homme, qu’on ne peut rattacher à aucune catégorie sociale et sur lequel le flâneur croit lire les stigmates du crime. Il se met alors à le suivre, reproduisant ses déambulations à travers la ville, ses gestes, jusqu’à ce que l’enquêteur et le criminel se fondent l’un dans l’autre dans un même jeu de miroir. Le personnage du flâneur, protéiforme, renferme en lui la possibilité de posséder une face sombre. Les récits réalistes de la fin du siècle vont accentuer cette facette du flâneur.

Flâneurs noirs fin-de-siècle

9Les exemples proviennent du roman d’Émile Zola, La Bête humaine, en ce qu’il est représentation de la société moderne et de ses progrès techniques29 alors même que son héros, le mécanicien Jacques Lantier, ne trouve pas sa place dans cette société, lui qui incarne la sauvagerie latente sous la civilisation. Plusieurs scènes présentent ce personnage au milieu de la foule parisienne, coudoyant des femmes qui éveillent en lui des pulsions criminelles. Ainsi, le chapitre VIII décrit-il une déambulation de Jacques à travers les rues de Paris, « rue d’Amsterdam », « rue du Havre », il prend même le train pour aller jusqu’à Auteuil. Dans ces scènes de rue, les indications topographiques abondent. De même dans les nouvelles convoquées : l’importance de la rue se lit dès le titre de « l’assassin de la rue Montaigne » de Mirbeau. Dans « l’homme qui tue les femmes » de Camille Lemonnier, le héros flâne dans la Cité, c’est-à-dire Londres, alors que dans « Le meurtrier » de Gaston Danville, la ville est réduite à une présence presque allégorique, le narrateur étant dans « une ville inconnue30 ». Dans les trois cas, la forme brève se concentre sur une déambulation problématique qui va conduire le personnage principal à un ou plusieurs meurtres.

L’anonymat des grandes villes

10Les flâneurs sont des solitaires, sans liaisons, aliénés par le monde urbain, au point qu’ils n’ont presque pas de substance propre. Cela est d’autant plus visible dans les nouvelles qui ne donnent même pas l’identité des trois flâneurs. L’homme qui tue les femmes refuse de livrer au lecteur son identité : « Mon nom ? J’ai tout fait pour qu’il demeurât perdu31. » Dans « L’assassin de la rue Montaigne », le narrateur est ami avec un flâneur et il se questionne sur lui :

De quoi vivait-il ? … Sans métier, sans ressources connues, il dépensait pas mal d’argent. Joueur ? Non, il n’entrait jamais dans un tripot. On parlait vaguement d’un parent, riche, qui l’aimait, était généreux avec lui. Mais en réalité, on ne savait pas32

11Le flâneur conserve son mystère. Tout ce qu’on apprend sur lui est qu’il possède de l’argent, ce qui lui permet de pratiquer son activité de flâneur sans avoir besoin de travailler pour gagner sa vie. De même, le flâneur de Lemonnier est-il « presque riche, nanti de rentes33. »

12Le flâneur noir conserve les particularités du flâneur, de façon hypertrophiée. Son regard, notamment, est aiguisé au point d’effrayer son ami, le narrateur de « l’assassin de la rue Montaigne ».

Une chose m’inquiète en lui : son regard. Un regard froid et pâle qui vous pénètre par derrière, comme une lame de surin et qui ne supporte pas l’examen prolongé d’un autre regard qui croise le sien. Alors il se dérobe, s’effare, fuit d’un coin à l’autre de la paupière et finit par se cacher, par s’acculer, tremblant, au fond de l’œil, dans l’ombre des cils34.

13L’isotopie est celle de la « pénétration » et de la dissimulation (« par derrière ») davantage que celle du déchiffrement. On relève aussi que le flâneur noir refuse que l’on lui rende la pareille. « Dialectique de la flânerie » selon Benjamin, « d’un côté, l’homme qui se sent regardé par tout et par tous, comme un vrai suspect, de l’autre l’homme qu’on ne parvient pas à trouver, celui qui est dissimulé35. » Le flâneur noir conserve des attributs inoffensifs, canne, chapeau, mais ce sont désormais des déguisements : « Il marchait très vite, fouettait l’air de sa canne, chantonnait et fumait un gros cigare. Il avait l’affectueuse et sympathique apparence de quelqu’un qui vient de bien déjeuner36. » Il feint pour n’éveiller les soupçons de personne :

Personne jamais ne s’avisa de soupçonner dans le petit quadragénaire rassis et maladif, dont la ponctualité et les notoires bonnes mœurs m’avaient conquis l’estime du quartier, […] honnêtement voué aux pratiques droites […] – non personne ne soupçonna « l’homme qui tue les femmes37 ».

« Ruts errants de la rue »

14Le flâneur, on l’a dit précédemment, est un homme célibataire, qui consomme la femme avec son œil. On voit ici tout ce qui peut être accentué chez le flâneur noir : la solitude au milieu de la foule, le regard masculin posé sur la ville et ses habitant[e]s, le mode de consommation (avec l’œil ou avec le corps). De plus, ce flâneur fin-de-siècle est lié à la nuit. Si le flâneur décrit par les physiologies était plutôt un être diurne38, le flâneur fin-de-siècle préfère pratiquer la flânerie de nuit. En effet, l’apparition du nouvel éclairage urbain, les becs de gaz, permettent une application nocturne, et de fait plus inquiétante, de cette activité. Dans la nouvelle « Le meurtrier » de Gaston Danville, le narrateur se retrouve ainsi au milieu d’une « brume épaisse » qui « voilait de son crêpe la flamme tremblante des réverbères à la lumière indécise et falote39 » alors que le flâneur de « l’homme qui tue les femmes » sort se promener pendant « la crépusculaire vapeur40 ». Si l’on a vu que la femme pouvait devenir flâneuse, la rue la nuit dessine cependant « un espace majoritairement masculin41 », dans lequel les relations entre sexes opposés risquent d’être davantage frappées du sceau d’un échange marchand : les femmes qui déambulent de nuit sont essentiellement les prostituées. Le flâneur noir est chez lui dans l’espace des bas-fonds42, ces lieux sales, sordides, en marge des beaux quartiers et connotés moralement comme lieux de débauche et du crime. Il y côtoie les prostituées, elles aussi appartenant au peuple des bas-fonds, avec les voleurs, mendiants, et les criminels. Dans « l’homme qui tue les femmes », le narrateur interrompt sa « flânerie de passant » pour une relation tarifée, un de ces « ruts errants de la rue » comme il les appelle, et se rend pour cela dans une « maison infâme43 ».

15Qu’elles soient filles publiques ou non, le flâneur noir pose sur les femmes un regard qui les déshumanise. Dans La Bête Humaine, la flânerie permet à Jacques de croiser des femmes, « les femmes coudoyées dans la rue, les femmes qu’une rencontre faisait ses voisines », l’une « assise près de lui au théâtre », l’autre « qu’il voyait chaque matin passer devant sa porte44. » Elles n’ont ni identité ni particularités, regroupées dans un pluriel anonyme. Alors qu’au début de Ferragus, Auguste croisant la flâneuse cherche à la suivre pour la démasquer, sa curiosité piquée, dans un besoin de savoir, » il s’agira de trouver le code, le chiffre, le cryptogramme de la femme45 », le flâneur noir ne voit plus les femmes comme des identités à dévoiler, des mystères à percer. Dans « L’homme qui tue les femmes », la prostituée est d’abord « cette fille » – on note le démonstratif à valeur péjorative – qui réveille en l’homme une « superficielle et instinctive concupiscence46 ».

16Le flâneur noir amplifie donc les caractéristiques du flâneur traditionnel : le voyeurisme, l’anonymisation permise par les grandes villes, le désir de posséder ce que la ville offre. Nos personnages ne s’arrêtent pourtant pas à cette étape et le flâneur revêt la figure du criminel, voire celle, particulière, du tueur en série. Rappelons que les auteurs étudiés sont contemporains de cette nouvelle réalité sociale qu’est le tueur en série. En 1888, dans les bas-fonds de Londres, des corps mutilés de prostituées sont retrouvés à quelques jours d’intervalle. La Central News Agency reçoit une lettre prétendument écrite par le criminel et signée d’un pseudonyme qui restera à la postérité « Jack l’éventreur ». La presse française, amatrice de faits divers, consacre régulièrement des rubriques à l’affaire. L’identité du meurtrier de femmes ne sera jamais découverte. Jack l’éventreur est le parangon du flâneur noir, figure maléfique protégée par l’anonymat des grandes villes, alors même qu’il assassine « en pleine rue » et « à l’heure où la plupart des habitants sont déjà levés47 ».

La pulsion criminelle, dévoiement de la flânerie ?

Posséder et détruire l’autre

17La rencontre des femmes dans l’espace urbain entraîne chez Jacques Lantier un « désir brusque de meurtre » pour « toutes celles qu’il avait effleurées48 ». C’est pourquoi Jacques ne sort plus de chez lui, il reste enfermé dans sa chambre « comme un moine au fond de sa cellule ». Son surmoi pour reprendre les termes de la seconde topique de Freud le lui interdit. Mais la pulsion est trop forte, et Jacques se retrouve à arpenter les rues de Paris, un couteau à la main. Le flâneur noir dissimule alors un meurtrier potentiel, prêt à tuer « la première qu’il rencontrerait sur le trottoir49. » Jacques, sous couvert de flâner, choisit en réalité une proie. La femme qu’il suit est « pressée », allant d’un point à un autre, elle dévoile son but au détour d’une conversation avec une connaissance rencontrée dans le train : se rendre à Auteuil pour acheter une orchidée à son mari. De même que le flâneur interprétait tout, Jacques analyse son environnement, en vue d’une fin cette fois – tuer : « en étudiant le nœud des brides, Jacques venait de constater qu’il y avait dessous, attaché à un velours noir, un gros médaillon d’or ; et il calculait tout50 ». Le corps de la femme est morcelé par l’œil du flâneur noir. Parce qu’il l’érotise, mais aussi parce qu’il rêve un morcellement réel. Jacques concentre sa rêverie sur les cous féminins : « dans ce mouvement, le nœud des brides se déplaça, le médaillon s’écarta, le cou apparut, vermeil, avec une fossette légère, que l’ombre dorait. Les doigts de Jacques s’étaient raidis sur le manche du couteau ». La rêverie est macabre, criminelle : « C’est à cette place que je frapperai51. » se dit Jacques. Le manche du couteau remplace symboliquement l’érection. On se souvient que pour Baudelaire, le rêve de tout flâneur était « d’épouser la foule52 ». On retrouve dans le geste criminel cette dimension amoureuse, érotique. Dans « Le meurtrier », alors même que la seule interaction entre le criminel et sa victime est le moment du meurtre, le narrateur choisit des termes évoquant une relation sexuelle pour décrire son crime : « Nous roulâmes ensemble sur le sol. Je […] l’enlaçais toujours de la mortelle étreinte53. ».

18De la même façon que la marchandise est produite en série, la femme elle aussi, appartient à une série, dans l’esprit du criminel. Les textes font tous référence à un tueur en série : « L’assassin de la rue Montaigne » évoque le tueur de femmes français Henri Pranzini, qui avait assassiné trois femmes rue Montaigne, Jacques/Jack Lantier fait référence à Jack l’éventreur, ainsi que les deux autres nouvelles : « Or, à lire l’autre jour, le récit du dernier assassinat de Jack the Ripper, l’introuvable meurtrier, mon rêve me revint à l’esprit avec une précision effrayante54. » Dans « L’homme qui tue les femmes », le narrateur, après avoir assassiné sa première victime, une prostituée, ressent le besoin d’en assassiner d’autres, selon le même modus operandi. Dans « L’assassin de la rue Montaigne », l’assassin que connaît le narrateur tue lui aussi une série de femmes, des prostituées. Les victimes sont égrenées en une série de noms : « C’est lui qui assassina Marie Fellerath, Agathe Stein, Marie Aguëtan55. » De même dans la nouvelle de Lemonnier, le tueur nomme toutes les prostituées qu’il a tuées : « et encore cette Delphine Maucoeur, et cette Rosa Chérie Courache, et les six autres56 ».

19Selon le criminologue David Wilson57, les victimes de tueurs en série ne sont pas choisies de façon aléatoire, elles appartiennent généralement aux groupes sociaux marginalisés, comme les prostituées. On retrouve cette marginalisation dans les nouvelles, à travers le regard qui est posé sur les prostituées par les personnages masculins : ces femmes tuées par l’assassin de la rue Montaigne sont aux yeux du narrateur petit-bourgeois des « malheureuses », « pauvre fille », « de mélancoliques créatures » « fouillant l’ombre obscène ». Le meurtrier de « L’homme qui tue les femmes » qualifie l’une de ses victimes d’« infâme prostituée » à « la chair vicieuse58 ». Pour le criminologue contemporain Kevin Haggert59, le tueur en série est en effet un produit de la modernité. Le criminel en série ne doit pas être seulement appréhendé dans son individualité, en étudiant sa psychologie, mais il convient d’étudier aussi certains phénomènes concourant à son émergence, notamment le fait que la société est désormais composée d’étrangers, ce qui modifie les rapports sociaux. Dans la société préindustrielle, les gens restaient sédentaires et se connaissaient tous, alors que dans la société moderne, on côtoie davantage d’inconnus. La prédation s’avère plus accessible, notamment auprès de certains groupes sociaux marginalisés ou victimisés par la société.

Un exilé de l’intérieur

20La marche du flâneur noir métaphorise, externalise, la pulsion meurtrière qui s’empare de son esprit. Il est littéralement mu par sa pulsion. Dans « Le meurtrier », le terme « marche » est utilisé pour décrire la déambulation nocturne du narrateur : « je marchais dans une boue grasse » mais aussi pour décrire sa complexion physique lors de la rencontre avec sa victime : « aveuglé par le sang soudainement afflué à mon cerveau, et qui battait une marche saccadée dans mes artères60. » Pierre Loubier, dans son article « Balzac et le flâneur » qualifie ce dernier d’« esprit errant et sans patrie, un exilé de l’intérieur. Il ne trouve sa place ni dans l’espace de la ville, ni dans l’espace social61. » Le flâneur noir est bien un « exilé de l’intérieur ». Avant de commettre son crime, Jacques Lantier marche de façon erratique, revient sur ses pas, change de direction62 : « Il fit un crochet, en se mettant à la poursuite d’une autre femme, qui marchait en sens inverse », « Jacques, derrière elle, revient vers la gare63 ». Il est caractérisé par le mouvement, selon Zola qui avait pour but en écrivant son roman de faire la « monographie d’un bonhomme vivant dans [l]e mouvement64 », celui de la gare et de façon plus générale celui de la modernité.

21La structure de la nouvelle « Le meurtrier » reflète cette idée du flâneur noir comme exilé, condamné à ne pas trouver de lieu fixe en dehors de la rue. Sa structure est celle d’une boucle, proposant au lecteur une promenade circulaire qui les ramènent, lui et le narrateur, au même point de départ : la rue. La nouvelle s’ouvre in medias res sur les confessions d’un narrateur désorienté :

... À quelle obsession mystérieuse, invincible, ai-je obéi en ce moment de crise, sous quelle impulsion le crime fut-il accompli ? Ma mémoire ne me dit rien, rien, là-dessus65.

22À la fin de la nouvelle, le lecteur pense que le narrateur a quitté la rue, voire que ce qui précédait était un rêve : « — L’épouvantable cauchemar ! fis-je en me réveillant, tout le corps brisé d’une invincible fatigue, et le cerveau vide66. » Le tiret présent en début de paragraphe pouvant ainsi matérialiser un passage entre le rêve qui précédait, et le retour à la réalité. Mais il n’en est rien, la chute du texte nous apprenant que toute la nouvelle est un discours adressé à un inconnu dans la rue :

« Or, à lire, l’autre jour, le récit du dernier assassinat de Jack the Ripper, l’introuvable meurtrier, mon rêve me revint à l’esprit avec une précision effrayante.
« Une angoisse terrible me prit, à songer, me rappelant les détails de cette nuit funeste, que c’était bien en ce temps, à cette heure, dans cet endroit, que j’avais tué ce fantôme, qui était une réalité... le sais-je ?
« — N’est-ce pas, monsieur, que tout cela est bien étrange, bien peu vraisemblable ?... Et cela me terrifie de penser que ce peut être vrai. »
L’inconnu, sans attendre ma réponse, et m’ayant salué fort courtoisement, se perdit dans la foule67.

23Le flâneur noir est condamné à errer dans les rues de la ville moderne, condamné au mouvement, sans possibilité de rentrer chez lui.

24Cependant, dans le cas de « l’homme qui tue les femmes », le narrateur cesse sa flânerie une fois sa pulsion meurtrière assouvie :

Il me semblait que ma vie marchait à présent devant moi, dans le pas de Celui qui avait exigé le meurtre et dirigé mon bras, que je n’aurais plus à penser à ce que j’allais faire, mais que dorénavant j’exécuterais ce qu’il avait uniquement et souverainement décidé (et toutefois ce sentiment fut-il aussi précis ?) N’y suppléé-je pas en ces lignes par une sournoise dialectique ? Je ne saurais le dire. Je me souviens seulement que je rentrai chez moi, désintéressé de toute distraction, l’esprit calme et soumis comme à quelque irréfragable loi68 »

25Le criminel a enfin un chemin à suivre, la personnification de sa vie qui marche devant lui indique une direction à prendre, qui l’éloigne de la flânerie noire. Du moins pour un temps. Jusqu’à ce que la pulsion se réveille à nouveau.

Perte d’identité

26Le flâneur désire la ville autant qu’il la déteste. Il s’y sent à la fois seul et entouré par la foule, à la fois à l’écart et aliéné par la société de consommation. Il est menacé de n’être plus qu’un être vide – voire un objet, « miroir » ou « kaléidoscope69 » chez Baudelaire, réfléchissant les images des autres. Ses frontières avec les autres sont floues. Il y a chez lui alors une angoisse de perte de l’identité, à l’image de Lucien dans Illusions perdues, qui, nouveau à Paris et « surpris de cette foule à laquelle il était étranger » ressent « comme une immense diminution de lui-même70 ». Dans « le meurtrier », cette perte touche l’identité du narrateur, sa mémoire : « ma mémoire ne me dit rien là-dessus » ainsi que sa capacité à se situer dans l’espace : « j’étais dans une rue […] d’une ville inconnue71. »

27Le flâneur, ayant perdu son identité propre, peut se remplir de l’autre. Peut devenir autre. Dans « Le meurtrier », l’altérité est visible dans le texte, avec l’utilisation de l’italique : « je marchai ». De même, le narrateur se dédouble au début de la nouvelle :

Brusquement, j’ouvris les yeux. Devant eux se tenait une forme humaine, que je reconnus, après quelque hésitation : c’était Moi ! dont l’apparition me foudroya par la persistance de sa netteté.
« Oui, c’était bien moi, un moi issu de moi, par cette inexplicable et pourtant consciente projection, par une sorte d’objectivation, qu’encore maintenant j’ai peine à comprendre72.

28Dans La Bête humaine, Jacques se sent lui aussi habité par un « autre » : « ce n’était plus lui qui agissait, mais l’autre, celui qu’il avait senti si fréquemment s’agiter au fond de son être, cet inconnu, venu de très loin, brûlé par la soif héréditaire du meurtre73. » Or, dans une lecture « sociologique » du criminel en série, on peut penser que cet autre qu’il ressent en lui représente « la foule » moderne, qu’il s’agit d’extirper de soi. En cela, un lien existe entre le flâneur – dont les frontières entre intériorité et extériorité sont floues – et le tueur en série. Le criminologue contemporain Marc Seiltzer74 analyse le tueur en série potentiel comme n’ayant pas d’identité propre. Il a fait sienne l’identité moderne ou « âme moderne » – pour reprendre les termes de Michel Foucault – qui se cristallise au XIXe siècle et est fondée en grande partie sur la discipline, la répression des pulsions, de la violence par le pouvoir75. Cependant, cette identification n’est que de façade :

The serial killer have no internal structure to their lives, the killers amalgamate the rules system of the institution as a form of external skeleton76.

29Il se sent en réalité aliéné par cette identité en lui, qui n’est pas la sienne mais celle des autres : « serial killers are constantly threatened by ‘the mass in the [their own] person’ The mass threatens to consume them, sweeping away their individuality as they become part of the anonymous, routinised crowd77. » De façon paradoxale, c’est lorsque le tueur passe à l’acte et que les frontières entre lui et l’autre disparaissent, qu’il retrouve son individualité, qu’il affirme sa personnalité. L’unité du moi n’est alors plus menacée par les pulsions. Aussi, « l’homme qui tue les femmes » illustre cette perte des frontières entre corps du criminel et corps de la victime, cette volonté de se fondre en l’autre. Le criminel assassine la femme lors d’une relation sexuelle, dans un désir de mêler les fluides corporels, sang, sperme. Le lexique est celui de l’union :

En un transport, nos corps se nouèrent plus étroitement que si de tardives fiançailles enfin consommaient la souffrance d’un désir toujours insatisfait. Et quand, aux chaleurs et aux frissons de sa gorge, je conjecturai qu’un même spasme allait joindre éperdument nos haleines, – en cet instant précis, et avant qu’elle eût seulement soupçonné le geste qui éterniserait jusque dans les enfers et paradis sa volupté, – je pressai sur le rasoir et d’une fois lui tranchai les carotides ! Sur ses lèvres tôt violettes, décloses aux immortelles délices, – tandis que, jaillissant en torrentielles gerbes vermeilles, le sang arrosait les aréoles de son sein et fluait entre nos ceintures confondues, – je cueillis ensuite, avec le froid soupir où s’évagua son être, le souffle encore ardent de la minute qui de ses passives entrailles, peut-être pour la première fois, avait fait crier l’amour78.

30Pour faire sortir l’autre de soi, et enfin devenir soi-même, il faut tuer un autre que soi. Aussi, Jacques ayant tué la femme qu’il aimait, Séverine, se sent-il à nouveau « apaisé79 ».

Conclusion

31La flânerie noire est donc cette flânerie qui immerge le flâneur dans le monde moderne, au milieu des gens et des marchandises à posséder, et qui peut transformer le flâneur en chasseur. Au fur et à mesure que le siècle avance et s’urbanise, se modernise, le flâneur noir peut aboutir à la figure, nouvelle pour l’époque, du tueur en série. La pulsion de vie (épouser la foule) à l’origine du flâneur début de siècle s’inversant alors totalement en pulsion de mort (détruire la foule).

32Selon Pierre Loubier80, le stade ultime de la flânerie serait un voyage immobile, mental. Le flâneur parviendrait à s’extraire du monde urbain et se déplacerait en pensée. L’Extase éprouvée serait alors désincarnée, cette flânerie-là se nourrissant in fine de jouissances exclusivement intellectuelles, à l’instar du je poétique dans « Les projets » de Baudelaire, qui finit par conclure ainsi sa rêverie : « Pourquoi contraindre mon corps à changer de place, puisque mon âme voyage si lestement81 ? ». Nous avons voulu montrer comment, dans un mouvement inverse, si le flâneur s’incarne trop, il se retrouve tenté physiquement par la ville-étal, les femmes marchandises, et finira par souhaiter les posséder, matériellement, les consommer, voire les détruire, il prendra alors la figure du criminel en série.

Notes de bas de page numériques

1 Philippe Hamon, Imageries, Littérature et image au XIXe siècle, Paris, Éditions José Corti, 2001, p. 23.

2 Simone Delattre, Les douze heures noires, Paris, Albin Michel, 2003, p. 38.

3 Lire Philippe Hamon, Imageries, Littérature et image au XIXe siècle, Paris, Éditions José Corti, 2001.

4 Georg Simmel, Mélanges de philosophie relativiste. Contribution à la culture philosophique, traduction de A. Guillain, Paris, F. Alcan, 1912, p. 26-27.

5 Philippe Hamon, Le personnel du roman, Genève, Droz, 1998, p. 69.

6 Pierre Loubier, « Balzac et le flâneur », L’Année balzacienne, 2001/1 (n° 2), p. 141-166, p. 144.

7 Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, [1831], Paris, Librairie Ollendorff, 1904, p. 92.

8 Baudelaire, Le peintre de la vie moderne, [1863], Paris, Calmann Lévy, 1885, p. 65, consultable sur https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Peintre_de_la_vie_moderne/III.

9 Ce terme de « flâneur noir » traduit littéralement le « dark flâneur » que l’on trouve dans l’article anglophone de Craig Kelly et Adam Lynes, « The Dark Flâneur. Re-theorising Serial Murder through the Ultra-Realist Lens » disponible sur https://www.researchgate.net/publication/342918674_The_Dark_’_Flaneur’_Re-theorising_Serial_Murder_through_the_Ultra-Realist_Lens mais le terme français « flâneur noir » est également utilisé par Pierre Loubier pour désigner la face sombre du flâneur dans son article sur le flâneur chez Balzac : Loubier Pierre, « Balzac et le flâneur », L’Année balzacienne, 2001/1 (n° 2), p. 141-166, consultable sur https://doi.org/10.3917/balz.002.0141 C’est pourquoi nous avons choisi de conserver ce terme tel quel.

10 Sabrina Monod, « Aux sources de l’enquête : autour de l’Hermite de la Chaussée d’Antin », Fabula Les colloques, Séminaires « Signe, déchiffrement et interprétation », consultable sur http://www.fabula.org/colloques/document883.php.

11 Voir sur Gallica : Etienne de Jouy, L’Hermite de la Chaussée-d’Antin, ou Observations sur les mœurs et les usages parisiens au commencement du XIXe siècle, tome 3, Paris, Pillet, 1812-1814, pp. 37-49, consultable sur https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k111326k.

12 Le flâneur est la figure de la modernité par excellence pour le philosophe Walter Benjamin qui consacre plusieurs essais à ce personnage. Voir Walter Benjamin, Charles Baudelaire, [1979 pour la traduction en langue française], Paris, Editions Payot, 2021, p. 57.

13 Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne, op. cit., p. 64.

14 Le badaud, lui, est surtout curieux du tapage et du scandale, voir Paris ou le livre des cent et un, tome 6, Paris, Ladvocat, 1832, p. 104, consultable sur https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k111326k.

15 Alain Montandon, « Sociopoétique du flâneur », Sociopoética Volume 1, Numéro 13, 2016, p. 16.

16 Walter Benjamin, op. cit., p. 83.

17 Honoré de Balzac, La Comédie humaine, Gaudissart II [1843], Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », tome VII, 1977, p. 847-848. L’œil y est vu comme un « organe le plus avide et le plus blasé qui se soit développé chez l’homme depuis la société romaine, et dont l’exigence est devenue sans bornes, grâce aux efforts de la civilisation la plus raffinée », « cet œil qui consomme des feux d’artifice de cent mille francs », qui « lampe pour quinze mille francs de gaz tous les soirs ».

18 Collectif, Paris ou Le livre des cent et un, tome 6, op.cit., p. 100.

19 Catherine Nesci, Le flâneur et les flâneuses. Les femmes et la ville à l’époque romantique, Grenoble, ELLUG, Bibliothèque stendhalienne et romantique, 2007.

20 Honoré de Balzac, Ferragus, [1833], Paris, Librio, 2000, p. 9.

21 Catherine Nesci, Le flâneur et les flâneuses. Les femmes et la ville à l’époque romantique, chapitre IV « Paris brûle : Ferragus, chef des dévorants (1833) », Grenoble, ELLUG, « Bibliothèque stendhalienne et romantique », 2007.

22 Collectif, Paris ou le livre des cent et un, op.cit., p. 105.

23 Honoré de Balzac, Illusions perdues, Paris, Pocket classiques, 1999, p. 283-294.

24 Catherine Nesci, Le flâneur et les flâneuses : les femmes et la ville à l’époque romantique, Grenoble, UGA Editions, 2007 (généré le 01 juin 2021). http://books.openedition.org/ugaeditions/4262.

25 Honoré de Balzac, Ferragus, Paris, Librio, 2000, p. 6 et 7.

26 Nous suivons en cela l’analyse de Pierre Loubier dans « Balzac et le flâneur », L’Année balzacienne, 2001/1 (n° 2), p. 141-166.

27 Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne, op. cit., p. 61.

28 Edgar Allan Poe, « L’homme des foules » dans Nouvelles histoires extraordinaires, [1857 pour la traduction française par Baudelaire], Paris, LGF, « Le livre de poche », 1972.

29 « Drame mystérieux et terrifiant sous le grand transit moderne » selon Emile Zola dans l’ébauche de La Bête humaine, cité par Henri Mitterrand dans Emile Zola, Les Rougon-Macquart, tome V, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1966, p. 1710.

30 Gaston Danville, « Le meurtrier », op. cit., p. 340.

31 Camille Lemonnier, « L’homme qui tue les femmes », Gil Blas, 2 novembre 1881, p. 1, disponible sur https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k7522730b.

32 Octave Mirbeau, Gil Blas, 22 mars 1887, p. 1, disponible sur https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k7522730b

33 Camille Lemonnier, « L’homme qui tue les femmes », op. cit., p 1.

34 Octave Mirbeau, « L’assassin de la rue Montaigne », op. cit., p. 1.

35 Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècleLe livre des passages, trad. de l’allemand par Jean Lacoste, Paris, Cerf, 1989, p. 438.

36 Octave Mirbeau, « L’assassin de la rue Montaigne », op. cit., p. 1.

37 Camille Lemonnier, « L’homme qui tue les femmes », op. cit., p. 1.

38 Dans Louis Huart, Physiologie du flâneur, Paris, Aubert, 1841, pp. 75-76 : « Règle générale : ne flânez jamais passé minuit. – Une journée est assez longue quand on sait bien l’employer, et rien ne vaut la clarté du soleil pour observer les mille détails qui se présentent à chaque pas sous les yeux du flâneur. »

39 Gaston Danville », « Le meurtrier », Mercure de France, t. II, n° 18, juin 1891, p. 340.

40 Camille Lemonnier, « L’homme qui tue les femmes », op. cit., p. 1.

41 Simone Delattre, Les douze heures noires, Paris, Albin Michel, 2003, p. 483.

42 Voir Dominique Kalifa, Les Bas-fonds, histoire d’un imaginaire, Paris, Le Seuil, 2013.

43 Camille Lemonnier, « L’homme qui tue les femmes », op. cit., p. 1.

44 Emile Zola, La Bête humaine, [1890], Paris, Le livre de poche, 1997, p. 99.

45 Catherine Nesci, op. cit.

46 Camille Lemonnier, « L’homme qui tue les femmes », op. cit., p. 1.

47 Gil Blas, 5 octobre 1888, p. 2, disponible sur https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k75227021/f2.item

48 Emile Zola, La Bête humaine, op. cit., p. 99.

49 Emile Zola, La Bête humaine, op. cit., p. 288-289.

50 Emile Zola, La Bête humaine, op. cit., p. 292.

51 Emile Zola, La Bête humaine, op. cit., p. 292-293.

52 Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne, op. cit.

53 Gaston Danville, « Le meurtrier », op. cit., p. 341.

54 Gaston Danville, » Le meurtrier », op. cit., p. 342.

55 Octave Mirbeau, « L’assassin de la rue Montaigne », op. cit., p. 1.

56 Camille Lemonnier, « L’homme qui tue les femmes », op. cit., p. 1.

57 David Wilson, Serial Killers: Hunting Britons and Their Victims 1960-2006, Winchester, Waterside Press, 2007.

58 Camille Lemonnier, « L’homme qui tue les femmes », op. cit., p. 1.

59 Kevin Haggerty, « Modern serial killer », Crime, Media, Culture, Volume 5 (2), pp. 168-187, 2009.

60 Gaston Danville, « Le meurtrier », op. cit., p. 340.

61 Pierre Loubier, « Balzac et le flâneur », op. cit., p. 162.

62 On retrouve ici l’une des caractéristiques de la flânerie traditionnelle : un trajet qui se déroule de façon aléatoire.

63 Emile Zola, La Bête humaine, op. cit., pp. 289-291.

64 Emile Zola, cité dans l’article de Muriel Louâpre, « Lignes de fuite. La Bête humaine évadée du naturalisme », Romantisme, 2004/4 (n° 126), p. 71.

65 Gaston Danville, « Le meurtrier », op. cit., p. 340.

66 Gaston Danville, « Le meurtrier », op. cit., p. 342.

67 Gaston Danville, « Le meurtrier », op. cit., p. 342.

68 Camille Lemonnier, « L’homme qui tue les femmes », op. cit., p. 1.

69 Charles Baudelaire », Le peintre de la vie moderne, op. cit., p. 65.

70 Honoré de Balzac, Illusions perdues, op. cit., p. 184 pour les deux citations.

71 Gaston Danville, « Le meurtrier », op. cit., p. 1.

72 Gaston Danville, « Le meurtrier », op. cit., p. 340, même page pour la citation précédente.

73 Emile Zola, La Bête humaine, op. cit., p. 289-290.

74 Marc Seiltzer, Serial Killers: death and life in America’s wound culture, London, Routledge, 1998.

75 Voir Michel Foucault, Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1993.

76 Joël Norris, Serial Killers, New York, Doubleday, 1988, p. 37.

77 Anthony King, « Serial killing and the post-modern self », History of the Human science, 26 mai 2009, p. 112.

78 Camille Lemonnier, « L’homme qui tue les femmes », op. cit., p. 1.

79 Emile Zola, La Bête humaine, op. cit., p. 394.

80 Pierre Loubier, « Balzac et le flâneur », op. cit., p. 155.

81 Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose, Paris, Michel Lévy frères, 1869, p. 69-71.

Bibliographie

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Pour citer cet article

Marion Gonzalez, « Du flâneur au flâneur noir : variation sur la figure du flâneur dans quelques récits réalistes fin-de-siècle », paru dans Loxias, 74., mis en ligne le 18 septembre 2021, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=9800.


Auteurs

Marion Gonzalez

Agrégée de lettres modernes, Marion Gonzalez est doctorante en lettres modernes à l’Université de Toulouse Jean Jaurès, au sein du laboratoire Allph@. Elle rédige actuellement une thèse sous la direction de Guy Larroux et Philippe Ortel. Elle étudie l’apparition d’une écriture noire, préfiguratrice des romans noirs, dans les textes réalistes et naturalistes de la fin du XIXe siècle.