Loxias | 71. Autour du programme d'agrégation 2021 | I. Autour du programme d'agrégation 2021 

Jean-Pierre de Giorgio  : 

Auteur, narrateur et personnage dans le livre 1 du Bellum ciuile de César

Résumé

Si la critique historique du second XXe siècle a beaucoup insisté sur la déformation ou la dissimulation des faits par César, à des fins de propagande ou d’apologie (dans le cas du Bellum ciuile), elle a moins commenté le dispositif littéraire qui permet à César de parler de lui-même sans se dévoiler totalement, donnant à son écriture une dimension particulière et à son personnage un caractère insaisissable, même s’il joue un rôle de premier plan dans ses Commentaires. De fait, si un tel texte présuppose bien une identité entre l’auteur (celui qui garantit les choix esthétiques et moraux du texte et en répond socialement), le narrateur et le personnage, on n’a pas pour autant affaire à un texte autobiographique, si l’on entend par là un récit rétrospectif à la première personne qui met l’accent sur l’histoire de la personnalité de l’écrivain. Et ce, moins parce que César écrit à la troisième personne, que parce que l’histoire de la personnalité de l’auteur n’est pas en jeu dans un texte qui met en scène les actes et surtout les décisions d’un chef, sans nécessairement nous faire entrer dans l’intimité sensible ou psychologique du personnage. Les effets de l’écriture « lisse » de César trouvent leur origine dans un dispositif où César, en se dissimulant autant qu’en s’exposant, sait articuler les trois instances (l’auteur, le narrateur, le personnage) à travers lesquelles le lecteur cherche à savoir qui il est.

Abstract

The historical criticism during the 20th century focused on Caesar’s distortion or concealment of facts for propaganda or apologetic purposes. But historians less described the literary device that makes Caesar speak without revealing completely himself, even though Caesar as a character plays a leading role in his Commentaries. While such a text implies an identity between the author, the narrator, and the character, it is not an autobiographical text, if by this we mean a first-person retrospective narrative that emphasizes the history of the writer’s personality. The author’s personality is not at stake in a text that stages the acts and especially the decisions of a leader, without necessarily bringing us into the sensitive or psychological intimacy of the character. Caesar, hiding as much as exposing himself, knows how to articulate the three instances (the author, the narrator, the character) through which the reader seeks to know who he is.

Index

Mots-clés : autobiographie , Guerre civile, Jules César, narratologie

Géographique : Grèce , Rome

Chronologique : Antiquité

Plan

Texte intégral

1Si la critique historique du second XXe siècle a beaucoup insisté sur la déformation ou la dissimulation1 des faits par César, à des fins de propagande ou d’apologie (dans le cas du Bellum ciuile), elle a un peu moins souvent décrit le dispositif littéraire2 qui permet à César de parler de lui-même sans se dévoiler totalement, donnant à son écriture une dimension particulière et à son personnage un caractère insaisissable, même s’il joue un rôle de premier plan dans ses Commentaires3. De fait, si un tel texte présuppose bien une identité entre l’auteur (celui qui garantit les choix esthétiques et moraux du texte et en répond socialement), le narrateur (ici autodiégétique, puisque celui qui raconte est le témoin et l’acteur de premier plan) et le personnage, on n’a pas pour autant affaire à un texte autobiographique, si l’on entend par là un récit rétrospectif à la première personne qui met l’accent sur l’histoire de la personnalité de l’écrivain4. Et ce, moins parce que César écrit à la troisième personne, que parce que l’histoire de la personnalité de l’auteur n’est pas en jeu dans un texte qui met en scène les actes et surtout les décisions d’un chef, sans nécessairement nous faire entrer dans l’intimité sensible ou psychologique du personnage. Les effets de l’écriture « lisse » de César dont parle Christian Goudineau5 trouvent leur origine dans un dispositif où César, moins par accident que par stratégie, sait articuler, en se dissimulant autant qu’en s’exposant, les trois instances (l’auteur, le narrateur, le personnage) à travers lesquelles le lecteur cherche à savoir qui il est. Chacune des trois est en effet l’objet, par César, d’un positionnement particulier, dont les effets ont été commentés dès l’Antiquité.

2On voit bien, par exemple, que le choix d’estomper les marques visibles de l’auctorialité et de laisser qualifier son texte de commentarii, en-deçà de toute prétention littéraire, est probablement moins le fruit d’une situation contingente (un texte inachevé du fait des circonstances) que la manifestation d’une volonté de se positionner de manière originale et efficace dans le champ littéraire de son temps, et de construire une fonction-auteur6 qui tranche avec les expériences auctoriales menées dans le cadre de l’écriture historiographique en Grèce et à Rome, d’Hérodote à Salluste. Les commentaires des anciens ne s’y sont pas trompés et n’ont d’ailleurs pas manqué de louer les talents d’un auteur qui se fait pourtant d’une extrême discrétion dans son texte. Il en va de même pour le narrateur : omniscient, capable de raconter ce qui se passe sur deux théâtres d’opérations différents en même temps, il organise le récit, jouant une fonction testimoniale essentielle (ce sont en apparence des récits de première main), une fonction de régie mais aussi une fonction idéologique : il est le garant de la vérité des faits et assure la vraisemblance du texte. Dans le même temps, l’identité de ce narrateur est restreinte : on est loin d’un Rousseau-narrateur commentant ses émotions face à Jean-Jacques-personnage. L’espace et le temps de l’écriture des commentarii n’est, la plupart du temps, ni mentionné ni exploité7. Tout se passe comme si César avait tout fait pour gommer la subjectivité du narrateur qui, avec une éloquence qui s’éloigne autant que possible de la véhémence cicéronienne, ne s’aventure ni dans l’écriture de l’axiologique (jugement direct sur les événements ou les personnes), ni dans l’écriture du sensible8 – deux manifestations essentielles de la subjectivité dans le langage analysées par les spécialistes de l’énonciation9. Le personnage lui-même, si présent, objet de tous les débats en son absence au début du livre 1 du Bellum ciuile et auteur d’un discours fourni et argumenté, qui semble leur répondre à la fin du même livre, est-il vraiment plus proche ? Là encore, César dissimule autant qu’il montre : si l’on accède bien, en apparence, à la stratégie et à la tactique du général, à ses consilia, il nous est impossible d’accéder à l’univers des sensations et des émotions (dont l’auteur parle pourtant souvent à propos de ses soldats).

3Ces choix d’exposition et de dissimulation permettent à César, qui sait jouer entre les trois instances, sans avoir à trancher pour un genre littéraire précis, de s’exposer sans se révéler, de donner au lecteur une impression de proximité, sans qu’on sache dire, au fond, ce que vise l’auteur, ce que pense le narrateur, ce que ressent le personnage. Cette technique d’écriture si opposée au projet de l’autobiographie occidentale à partir du XVIIIe siècle, vise une efficacité lectoriale dont il nous faut préciser les enjeux.

1. L’auteur caché des Commentarii : un positionnement original dans le champ littéraire, au service d’une esthétique novatrice

1.1. Le refus de l’histoire : l’absence de préface et de positionnement auctorial clair dans les Commentarii

4Si l’on peut considérer que la dimension apologétique du Bellum ciuile semble évidente aux yeux des historiens contemporains, un élément frappe pourtant à la lecture du livre 1 : l’absence de toute marque visible de l’auteur. Comme s’il fallait à tout prix effacer l’énonciateur premier de cette apologie visant à justifier l’entreprise d’une guerre injustifiable entre les Romains – bellum ciuile est un oxymore indépassable. En témoigne notamment l’absence de préface, discours liminaire qui caractérise pourtant l’historiographie grecque et romaine et qui permet à l’auteur de nous informer de son projet d’écriture (de son positionnement dans le champ littéraire de son temps, dans les débats esthétiques ou stylistiques10) ou de son choix de s’arrêter sur l’événement historique dont il s’apprête à faire le récit11. Nous sommes aux antipodes, pour ne prendre que l’exemple d’un texte publié dans une période proche, de l’écriture de la Conjuration de Catilina par Salluste, où l’historien s’explique sur son parcours (pourquoi il écrit l’histoire, et à quel moment de sa trajectoire politique), sur son idéologie (quelles causes sont à l’origine de la décadence de la République), sur son esthétique (pourquoi il écrit l’histoire carptim, par morceaux choisis12).

5En commençant son récit in medias res, César plonge son lecteur dans les débats au Sénat qui ont conduit au déclenchement de la guerre, sans exposer son projet d’écriture. Cette relative invisibilité auctoriale est à mettre en relation avec le statut même du commentarius, un terme employé pour désigner les écrits de César et qui renvoie à des écrits appelés à fournir la matière à un ouvrage ou un discours, une « littérature grise » en deçà de toute ambition littéraire13. Mais plusieurs indices suggèrent que cette absence est peut-être aussi le fruit d’une écriture concertée qui fait le choix de la non-exposition directe. Un choix qui n’est paradoxal qu’en apparence : César-homme d’État est aussi un homme de lettres reconnu.

1.2. César homme de lettres : ce que ne disent pas les Commentarii sur la culture du général

6Même si le général n’est jamais présenté un uolumen à la main dans les commentarii, la très haute culture littéraire de César14 n’est pas à démontrer, comme en témoigne notamment la correspondance de Cicéron, qui fait comprendre que les références littéraires et le badinage savant étaient fréquents dans leurs échanges15, y compris pendant la campagne en Gaule. On en déduit que l’invisibilisation de l’instance auctoriale n’est qu’une stratégie, une signature particulière de l’auteur. Nous savons que César s’était entouré d’hommes de lettres pendant la campagne en Gaule16. Son légat Quintus Cicéron, qui prit des risques inconsidérés en Belgique, avait aussi pour mission, avec son frère resté à Rome, d’écrire une épopée sur la Guerre des Gaules (c’est la correspondance de Cicéron qui nous l’apprend17). Les poètes Furius Bibaculus (auteur d’une épopée de 11 chants appelée Annales18) et Varron de l’Aude (Guerre des Séquanes) travaillèrent sur les exploits de César. Or ces deux poètes faisaient clairement partie de la génération des poètes à la mode à Rome, appelés « novateurs » (poetae noui), même si Catulle (pour nous, le plus célèbre d’entre eux), répète dans ses carmina (parce qu’il a été lui aussi approché ?) qu’il ne veut justement pas avoir affaire à César (ce « pédé de Romulus », cinaede Romule, comme il l’écrit délicatement19) et accuse son lieutenant Mamurra de s’enrichir indument en Gaule : l’épopée césarienne est singulièrement dégradée chez Catulle et le débat n’est peut-être pas seulement politique : c’est aussi à César l’homme de Lettres que s’adresse le poète.

1.3. La stratégie du témoignage indirect : la fonction-auteur rétablie par les cercles césariens

7Les premiers lecteurs de César ne s’y sont pas trompés : la simplicité sans ornement des Commentaires révèle une esthétique moderne qui tranchait avec l’éloquence dite « asianiste » d’un Cicéron sur le déclin. Ce dernier, dans le Brutus, bon joueur, reconnaît qu’il est impossible d’écrire un ouvrage d’Histoire à partir des Commentaires : dans son inachèvement apparent, l’œuvre est déjà parfaite20. Il reprenait du reste probablement un élément de langage, comme on dit aujourd’hui, destiné à défendre le positionnement auctorial de César, car on retrouve le même type de formulation chez Hirtius, un fidèle de César, dans sa préface au livre 8 de la Guerre de Gaules. Le légat, après la mort du général, semble reprendre des éléments destinés à la défense et à l’illustration des Commentaires, comme si c’était le cercle des césariens qui s’était chargé de construire la figure auctoriale que l’auteur lui-même avait choisi de ne pas mettre en avant :

C’est un fait universellement avéré qu’il n’est point d’autre ouvrage, si soigneusement achevé soit-il, qui ne cède à l’élégance des Commentaires. Publiés pour fournir une documentation aux historiens sur ces événements si importants, ils ont rencontré une telle estime générale que, loin d’avoir facilité la tâche aux historiens, ils semblent l’avoir rendue impossible. […] Il y avait chez César, outre des qualités stylistiques et une élégance verbale poussée à l’extrême, une clarté et une vérité absolues dans l’art d’expliquer tout ce qu’il voulait faire21.

8Les qualités énoncées par Hirtius nous permettent de reconstituer partiellement le champ littéraire dans lequel s’inscrit le texte et les traits par lesquels il se distingue et affirme à la fois sa modernité et son respect de la tradition. Hirtius note à dessein, et comme pour excuser l’auteur de commentarii inachevés, la celeritas, la rapidité avec laquelle César a écrit ses Commentarii (celeriter eos perfecerit scimus), un terme qui évoque aussi la breuitas d’un style qui ne s’encombre pas des ornements oratoires qui firent le succès de Cicéron. Hirtius suggère aussi que l’inachèvement fait partie d’une stratégie esthétique très concertée et correspond à un positionnement polémique dans le champ littéraire. Le terme elegantia employé convoque à lui seul des débats intellectuels intenses.

9Dans le domaine rhétorique, le terme désigne en effet à la fois la pureté ou la correction de sa langue, comme cela apparaît dans la Rhétorique à Herennius, premier traité d’éloquence en latin, datant de la première moitié du Ier siècle avant notre ère22. Mais c’est surtout son emploi dans le Brutus de Cicéron, à propos de César, justement, qui nous permet de mesurer les enjeux de la notion dans le débat littéraire. Il est en effet rappelé que César doit son elegantia à la fois à la langue qu’il a apprise à la maison mais aussi à ses études théoriques sur le sermo. Car César est l’auteur d’un traité sur la langue latine qui a peut-être été aussi un manuel de latin pour étrangers, rédigé au beau milieu de la guerre en Gaule23, dédié à Cicéron.

Voici en effet comment il s’exprimait, après avoir dédicacé le livre à Cicéron : «  Si, pour exprimer brillamment leurs pensées, plusieurs se sont tués de travail et usés dans la pratique – et c’est toi, Cicéron, qui as été à peu de chose près le premier à découvrir l’abondance oratoire, ce pour quoi nous avons le devoir de proclamer que tu as bien mérité du nom et de la dignité du peuple romain –, faut-il pour autant que la connaissance du langage courant, celui qui est à la portée de tous et qu’on emploie tous les jours, compte pour rien  ?  »24.

10Le De analogia s’adressait sans doute à des locuteurs étrangers et visait sans doute à faciliter l’intégration des élites gauloises. S’il est lié à la notion d’elegantia, c’est qu’il privilégiait un retour à un idéal de pureté qui prenait pour exemple l’époque des Scipions (lorsque le latin était réputé naturellement correct et non corrompu). Les études d’Alessandro Garcea25 ont permis de souligner l’importance des enjeux esthétiques et politiques de cette « grammaire » qui, dans le cadre d’un projet politique visant à mettre de l’ordre et de la rationalité dans la tradition, qu’il entend préserver, insiste sur la clarté de la langue et privilégie le mécanisme rationnel de la perception analogique de celle-ci, sans nier l’importance de l’« usage  ». Le latin de César est à la fois une affirmation de modernité et un retour aux sources. « En lui appliquant une méthode rationnelle, il corrige ce qui a été vicié et corrompu par l’usage grâce à ce que l’usage a conservé pur et correct26.  » L’art de choisir que suppose l’elegantia permet ainsi d’éviter le mot rare et non usuel27, principe absolu du De analogia. Le goût de la pureté chez César est tel qu’il n’utilise pas, dans ses Commentaires, des conjonctions comme quando, quomodo, quanquam, etiamsi, donec, quia, au profit de conjonctions de sens équivalent jugées plus conformes à la latinitas.

11En insistant sur l’elegantia, Hirtius rappelle donc les liens entre les Commentaires et les principes énoncés dans le De analogia, entre les Commentaires et le sermo facilis et cotidianus, et associe ce texte à un projet politique et esthétique bien plus global, où la rationalité de la langue retrouvée affirme son absolue modernité face à un Cicéron devenu obscur à force de copia.

12Ces réflexions sur la réception de la prose de César à partir de la lecture d’Hirtius nous ont donc permis de dégager quelques traits saillants par lesquels on appréhendait le texte de César  : vitesse et brièveté, clarté et rationalité, art de l’achèvement dans l’inachevé, transparence du récit raconté par un témoin direct, choix d’un sermo facilis et cotidianus, d’une langue inclusive, à la fois apte à illustrer l’ouverture de Rome sur le monde et un ancrage dans son propre passé, pureté de la langue et correction de celle-ci. La langue de César et ses récits ont dû apparaître comme novateurs et, d’un point de vue esthétique, ils contrastaient avec d’autres formes d’éloquence qui perdaient, elles, de leur éclat.

13La stratégie d’« invisibilisation » de l’auteur allait de pair avec un souci de positionnement dans le champ littéraire, pour occuper une place de premier plan dans un conflit esthétique où il s’agissait d’imposer une nouvelle norme esthétique en laissant d’autres que soi-même affirmer sa prééminence dans le champ.

14On pourrait alors s’attendre à ce que le narrateur, relai de l’auteur dans le récit, nous en dise davantage sur César, nous permette d’accéder à son point de vue sur les hommes, sur les événements, joue une fonction axiologique de premier plan pour nous aider à nous orienter dans le chaos des événements de la guerre civile. Pourtant, le rôle dévolu au narrateur omniscient ne lui permet pas de se positionner en tant que juge des événements ou comme sujet sensible. C’est la position de témoin capable de les rapporter sans s’investir dans les émotions qui est délibérément choisie.

2. Un narrateur très discret

15La fonction28 la plus visible du narrateur est celle de régie (« comme nous l’avons montré plus haut » – ut demonstrauimus29) : elle contribue en particulier à l’esthétique de la clarté dont nous avons parlé plus haut. À cette première fonction, s’ajoute une fonction parfois idéologique (remarques sur les changements rapides de la fortune, par exemple30), mais qui ne suffit pas à donner au narrateur la capacité de juger des événements et d’affirmer son point de vue sur les agissements des personnages – on est très loin, de ce point de vue, du regard de Salluste sur le personnage de Catilina, par exemple, dont le portrait est saturé de termes moraux31.

2.1. La subjectivité maîtrisée du narrateur

16De manière générale le jugement personnel du narrateur sur les événements est rarement énoncé explicitement, et lorsqu’il s’agit de dire que César est la victime des agissements du Sénat, ce n’est jamais le narrateur qui s’exprime directement, mais le personnage. Tout au long du livre 1, pour défendre César, c’est César-personnage qui doit prendre la parole pour justifier de ses actes32, car le narrateur reste, quant à lui, beaucoup plus distant, même s’il suggère au lecteur que les motivations des adversaires ne sont pas toujours louables. C’est notamment le cas lors de la description des séances au Sénat33 :

Toutes ces propositions sont combattues, à toutes s’opposent les discours du consul, de Scipion, de Caton. Lui, c’est sa vieille haine pour César et la frustration après son échec qui le motivent. 2. Lentulus, ce sont ses énormes dettes, l’attente d’un commandement d’armée et d’un gouvernement de province, les cadeaux des rois en peine de reconnaissance. Il se vante, en petit comité, de devenir un nouveau Sylla, à qui reviendrait le pouvoir suprême. 3. Scipion, c’est la même attente d’une province et d’une armée qui le pousse, et il escompte que Pompée, à cause de leurs liens, les partagera avec lui. C’est aussi la peur des procès, sa prétention et la flatterie des puissants qui tirent les ficelles de la politique et des tribunaux. 4. Quant à Pompée lui-même, il était poussé par les ennemis de César : parce qu’il refusait de partager le premier rang, il lui avait totalement tourné le dos pour revenir du côté de leurs adversaires communs, qu’il avait pourtant, à l’époque où ils étaient de la même famille, attirés presque tous du côté de César. 5. En même temps, il avait honte d’avoir détourné les deux légions de leur marche vers l’Asie et la Syrie au profit de sa propre puissance et de sa domination, et c’est cela qui le poussait à chercher le conflit armé34.

17Le narrateur n’intervient pas avec une subjectivité très marquée, mais indique clairement les motivations peu honnêtes des adversaires (haine de Caton, ambition de Scipion, faiblesse et sentiment de honte de Pompée) et apporte en creux un éclairage favorable sur le positionnement de César.

18Un indice de la relativement faible implication (en apparence) du narrateur dans son récit apparaît dans le recours au discours indirect, qui caractérise la plus grande partie des propos énoncés par des personnages chez César, contrairement à ce que l’on observe chez les historiens, habituellement, qui s’appliquent volontiers à recomposer au style direct les grands moments oratoires de l’histoire, manifestant par là-même leur propre éloquence. Salluste, Tite-Live ont fréquemment recours à ce procédé (oratio recta). César préfère largement l’oratio obliqua, ce qui permet une plus faible implication du narrateur et la maîtrise du récit.

19Plusieurs formes de mise à distance du narrateur35 par rapport au discours de ses personnages sont observables chez César.

a. Le discours narrativisé

20Il y a d’abord ce que l’on appelle le discours narrativisé. Dans ce cas, les paroles ou les actions du personnage sont traitées comme tout autre événement, sans que le contenu soit précisé : « Toutes ces propositions sont combattues, à toutes s’opposent les discours du consul, de Scipion, de Caton36. » C’est la forme la plus distanciée du discours rapporté, qui permet au narrateur de rester très extérieur à la subjectivité des personnages.

b. Le style indirect

21L’emploi le plus évident est celui du style indirect. Avec ce procédé, les paroles ou les actions du personnage sont rapportées par le narrateur de manière brève et sans mentionner les développements dans leur détail : « César promet de fournir du blé à partir de ce moment jusqu’à l’arrivée sur le Var. Il s’engage aussi à leur restituer les biens perdus au cours de la guerre et qui seraient aux mains de ses soldats37. »

c. Le style indirect libre (discours transposé)

22L’emploi le plus remarquable reste cependant celui du style indirect libre (discours transposé), qui n’est toutefois qu’un style indirect prolongé chez César. Dans ce cas de figure, remarquable, les paroles ou les actions du personnage sont rapportées plus en détail par le narrateur. Le verbe introducteur n’est plus répété mais les modalités grammaticales propres au discours indirect en latin sont maintenues (alors que dans le cas du style indirect libre en français, les conjonctions de subordination disparaissent : la frontière devient alors toujours plus floue et fascinante entre discours et récit, entre parole du narrateur et focalisation interne du personnage). C’est d’ailleurs pourquoi l’appellation de « style indirect libre » en latin ne fait pas consensus chez les grammairiens38. On parle davantage de discours indirect prolongé, une virtualité propre au latin, même si, le plus souvent, c’est sous la forme du discours indirect libre que nous le traduisons :

Réponse de César (ad ea Caesar respondit) : personne n’était moins qualifié qu’eux pour jouer les victimes, se plaindre et demander pitié. 2. Tout le monde sauf eux avait fait son devoir, à commencer par lui : il n’avait pas voulu engager le combat alors même que les circonstances jouaient en sa faveur, qu’il avait le terrain et l’occasion pour lui, parce qu’il voulait préserver toutes les possibilités de paix. Ses propres soldats avaient fait leur devoir : malgré l’injustice subie, malgré leurs camarades tués, ils avaient sauvé et protégé ceux qui étaient entre leurs mains. Même les soldats de l’armée d’Afranius avaient fait leur devoir : ils avaient spontanément essayé de négocier la paix, soucieux de sauver la vie de tous les leurs. 3. À tous les niveaux, on avait su faire preuve de pitié. Mais à eux, les chefs, la paix avait fait horreur ; aucun respect des règles de négociation ou de trêve ; ils avaient sauvagement tué des hommes qui ne se méfiaient pas, piégés pendant les négociations39.

23Même dans ce cas de figure, la voix du narrateur ne se laisse jamais oublier derrière celle du personnage, comme si le narrateur refusait d’aller vers une imitation totale du discours du personnage et mettait à distance la force émotive du discours.

d. Le style direct

24Il est très rare en revanche que le style direct soit employé chez César. Dans cette forme discursive, les paroles du personnage sont citées littéralement par le narrateur (ou plus exactement, elles sont recomposées). L’oratio recta est par exemple utilisée pour le discours de Curion, en Afrique40. Ce choix de transposition, plus véhément, est rarement utilisé par César et ne l’est certainement pas lorsque César prend lui-même la parole, à la fin du livre 1. César-narrateur garde toujours ses distances avec César-personnage.

25La préférence pour la reformulation par le discours narrativisé ou par le discours indirect (éventuellement prolongé) permet au narrateur de garder une distance face à ce qui est prononcé et d’insister sur ce qui a été entendu. Nous nous appuyons ici sur une remarque de Gilles Philippe, qui part d’un article de Christelle Reggiani41. Il s’agit d’une analyse du Discours Indirect Libre (DIL) chez les romanciers du xixe siècle, susceptible de nous éclairer sur le positionnement du narrateur césarien, qui ne veut pas reformuler à l’identique les mots prononcés mais faire entendre ce qui a été dit42.

26Gilles Philippe insiste en effet sur un point qui nous semble éclairer ce qui se joue chez César : il est « frappant de noter, écrit-il, que le discours indirect libre a été utilisé, dès Flaubert, pour rendre compte non pas de ce qu’un personnage dit mais de ce qu’un autre personnage entend, ce qui devait bien s’observer ensuite, dans l’ensemble de la fiction subjectiviste de la fin du xixe siècle43 ».

27Le narrateur césarien est comme Frédéric Moreau dans le passage cité par le critique, celui qui a entendu tous les propos et en livre le témoignage sans les reconstituer totalement. C’est par ce biais qu’il assume discrètement sa subjectivité, laissant entendre sa position de premier plan sur le terrain : le DIL chez César est la marque du régime du rapport diplomatique : le narrateur garde ses distances, donne la substance des propos tenus et entendus mais sans les investir d’émotions. César essaie de donner une impression de neutralité. Le narrateur des Commentaires ne s’investit pas dans la mimèsis mais reste obstinément dans la diégèsis – le rapport, la relation des faits et de ce qui a été entendu. Le Commentarius apparaît ainsi comme un témoignage fiable, puisqu’il n’est qu’une relation distanciée et non une recomposition réinvestie.

2.2. Le narrateur omniscient : un effet de lecture

28La question de la fiabilité du narrateur était d’ailleurs au cœur des débats qui animaient la critique des Commentaires de César.

29Revenons tout d’abord à Hirtius. Pour le légat de César, auteur de la préface au livre 8 de la Guerre des Gaules dont nous avons parlé plus haut, la force de l’écriture de César tenait à un critère essentiel : selon lui, l’auteur a été témoin des événements qu’il raconte et dont il a été l’acteur. C’est pourquoi il parle, à propos du narrateur, de la chance d’avoir été témoin de première main. Hirtius s’excuse, de ce point de vue, de ne pouvoir en faire autant : son récit sera moins fiable, même s’il a entendu certains faits de la bouche de César. Cette revendication d’une « écriture très vraie » impliquant une forte fonction testimoniale du narrateur, n’a pas échappé aux contemporains de César, qui ont cependant parfois nuancé ce positionnement et cherché à déconstruire cet effet de transparence. C’est le cas d’Asinius Pollion, un contemporain de César, d’après le témoignage de Suétone, à propos du Bellum Ciuile :

Asinius Pollion estime qu’ils ont été composés avec un soin et un souci de la vérité insuffisants : César aurait fait généralement crédit, sans contrôle, aux récits par les autres de leurs actions ; quant aux siennes, que ce soit de propos délibéré ou faute de mémoire, il en a rendu compte de travers ; à son avis, César aurait eu l’intention de réécrire ou de corriger son travail44.

30Asinius Pollion associe deux éléments qui intéressent la « fabrique » littéraire : le caractère inachevé du texte et son rapport à la vérité. S’il avait été achevé correctement, explique Asinius Pollion, le texte aurait été plus fidèle à la réalité. La question du caractère inachevé de l’œuvre est liée au statut problématique du commentarius à Rome, qui peut renvoyer à des genres d’écrits très différents, «  une littérature grise » (commentarii des Pontifes, archives publiques, traités philosophiques, notes d’un personnage public) et qui, comme le note Emmanuelle Valette45, avec son statut de pièce d’archive destinée à la consultation, de vieux grimoires à exhumer, ou de brouillon pour une œuvre ultérieure, constitue un matériau, pour un texte, un discours ou un autre livre à venir (celui de l’historien, par exemple). Contrairement à Hirtius et à Cicéron46, qui célèbrent le caractère achevé des Commentaires dans leur « inachèvement » même, Asinius Pollion, loin de se montrer fasciné par ce texte mal terminé, dénonce une conséquence inattendue : les récits de seconde main dont il est constitué sont insuffisamment vérifiés.

31Ce faisant, Pollion rappelle l’écart qui existe entre le texte et son auteur : celui-ci ne maîtrise en fait pas complètement le récit et, contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’une écriture transparente où l’auteur, témoin et acteur des événements, aurait tout noté immédiatement, comme s’il ne dépendait pas du récit des autres ou de sa propre mémoire. Le commentaire d’Asinius Pollion donne à voir ce que le texte n’indique jamais. Car les Commentaires précisent rarement d’où le narrateur tient ses informations. Celui-ci assure un point de vue surplombant sur l’ensemble des territoires concernés, que César-personnage s’y trouve ou non, comme dans les premiers paragraphes du Bellum ciuile : le narrateur rapporte avec précision ce que le personnage n’a pu voir de ses propres yeux. L’ouverture du livre se fait par l’exposé précis d’une double absence, celle de César, objet des débats, et celle de Pompée, véritable sujet de l’énonciation des locuteurs présents, à commencer par Scipion (« on avait l’impression que ce discours de Scipion sortait directement de sa bouche », BC, 1, 2, 1). Surplombant les vociférations des sénateurs, le narrateur donne à voir en filigrane les deux protagonistes, qui ne sont pas là.

32L’omniscience du narrateur n’est évidemment qu’une illusion créée par la lecture et ne garantit pas que les événements rapportés soient vrais. En montrant l’auteur au travail, tributaire des rapports de ses légats (le « récit des autres ») et de sa mémoire, Asinius Pollion déconstruit les puissants effets de vérité d’un texte qui, en exhibant sa non-littérarité, et en mettant en place un narrateur aussi discret qu’efficace, masque à dessein sa propre « fabrique ».

33À vrai dire, il n’est pas certain non plus que le personnage de César soit davantage saisissable que l’auteur ou que le narrateur. Présent sur le terrain des opérations (mais pas toujours, puisqu’il ne peut être à la fois à Marseille et en Hispanie), il prend des décisions en observant la situation, mais le lecteur reste largement coupé de sa vie quotidienne et de tout ce qui constitue son espace affectif, matériau essentiel pour une autobiographie contemporaine.

3. Le personnage : se définir par le consilium

34Si César est bien au centre des événements du livre 1 de la Guerre civile, puisque le propos est de montrer qu’il est victime d’une injustice et qu’il cherche à éviter la guerre, il faut bien admettre que le portrait que César donne de lui-même ne vise pas à donner à son lecteur un personnage proche de lui, sensible ou accessible, mais au contraire à dessiner une figure idéalisée, réalisée dans le temps historique de la figure d’homme d’État.

3.1. Le personnage ou l’art de la prise de décision

35Revenons une dernière fois à Hirtius et à sa préface commentée plus haut. Ce qui pour lui apparaît clairement dans les Commentaires, et constituerait peut-être son sujet principal, c’est l’exposé des consilia de César, ses projets, ses desseins, mais aussi sa stratégie, sa tactique (tum uerissima scientia suorum consiliorum explicandorum). Le consilium est à Rome la clé de l’action, au Sénat comme sur le champ de bataille : il suppose une phase préparatoire faite éventuellement de débats (altercationes, disputationes), d’enquêtes pour recueillir les informations qui permettront de formuler l’avis le plus éclairé, jusqu’au moment où se dessine un projet qu’il faut décider de mettre à exécution – la notion de consilium peut, en latin, renvoyer à chacune de ces phases. L’homme d’État doit savoir pratiquer le consilium avec prudentia (« perspicacité ») et, de ce point de vue, les Commentaires de César trouvent un écho inattendu dans la Correspondance de Cicéron, qui, sous une autre forme, manifeste constamment à ses amis comment se construit chez lui la prise de décision politique à coup de disputationes in utramque partem (débats où l’on pèse le pour et le contre), pour savoir si, par exemple, il faut en janvier 49 suivre Pompée qui s’apprête à quitter l’Italie ou rester à Rome et attendre César, qui arrive promptement. Lus sous cet angle, les Commentaires apparaissent moins comme le récit d’événements que comme la chronique des décisions d’un chef à partir d’une quantité d’informations complexes qu’il faut traiter rapidement pour agir (d’où ces ablatifs absolus qui ouvrent tant de paragraphes : qua re cognita, etc.) :

César apprit la nouvelle. Évidemment, il pensait qu’il avait tout intérêt à réagir le plus vite possible, prendre la ville et accueillir ces cohortes dans son camp, car on pouvait les soudoyer, leur redonner courage, faire circuler des rumeurs : il fallait éviter un retournement de situation – souvent, à la guerre, les petits détails causent les grands désastres47.

36La clarté des consilia dont parle Hirtius va de pair avec la celeritas et invite à apprécier le texte à partir d’épisodes narratifs très construits dont l’un des buts est de montrer comment se prennent les bonnes (et parfois les mauvaises) décisions. C’est ce qui apparaît lorsque César décide de ne plus poursuivre Pompée et de partir en Hispanie. Le facteur temporel prime ici dans sa prise de décision, qu’il décrit parfois longuement, avec une série de propositions explicatives qui précèdent le moment où il tranche :

1. César, pour pouvoir en finir avec cette opération, privilégiait l’idée de rassembler une flotte pour traverser la mer et de poursuivre Pompée avant qu’il ne se refasse avec des renforts trouvés sur la côte en face. Pourtant, il avait peur de prendre trop de retard avec tout le temps que cette opération demandait : en réquisitionnant tous les bateaux pour sa flotte, Pompée lui avait enlevé la possibilité de le poursuivre dans l’immédiat. 2. Il ne lui restait plus qu’à devoir attendre des bateaux venant des régions plus éloignées de Gaule, du Picenum et du détroit. Vu la saison, cela serait visiblement long et difficile. 3. Le risque était que, pendant ce temps, l’ancienne armée pompéienne se refasse sur le territoire des deux Hispanies (dont l’une était liée à Pompée par les immenses services qu’il lui avait rendus), qu’on y recrute des troupes auxiliaires, une cavalerie, et qu’on essaie de retourner la Gaule et l’Italie, en profitant de son absence. C’est ce que César voulait éviter.
30. 1. C’est la raison pour laquelle il renonce pour l’instant à l’idée de poursuivre Pompée et décide de se rendre en Hispanie48.

37La prise de décision est précédée d’une patiente évaluation des risques, des délais, en tenant compte des diverses possibilités.

3.2. La question des émotions

38En voyant dans les Commentaires une écriture des consilia du chef, Hirtius précise ce que le lecteur d’aujourd’hui perçoit encore à chaque page du Bellum ciuile, tout au long du livre 1, notamment : le personnage principal de cette œuvre apparaît presque exclusivement au lecteur sous l’angle de la tactique : tactique diplomatique, avec les Marseillais, par exemple, tactique guerrière dans l’épisode qui l’oppose à Petreius et Afranius. Caesar existimabat, arbitrabatur : les consilia du protagoniste et des autres personnages ne sont jamais autre chose que des plans de guerre. Le lecteur contemporain peut être déçu s’il s’attend à trouver dans ce texte un quelconque embryon d’autobiographie ou le for intérieur de César, car il n’est guère question d’émotions, de sensations et encore moins d’histoire d’une personnalité49. Rédigés à la troisième personne, comme l’avait fait Xénophon dans l’Anabase, les Commentaires mettent à distance toute forme d’intériorité. Que ressent César lorsqu’il franchit le Rubicon ? Plutarque détaille ses états d’âme50, tandis que l’intéressé ne mentionne même pas directement l’épisode au début de la Guerre civile : « Ses hommes sont déterminés, il le sait. Il part pour Ariminum avec cette légion et y retrouve les tribuns de la plèbe venus se réfugier près de lui51 ».

39Ses soldats ont faim, désirent du butin, sont paniqués, perterriti, sont heureux de retrouver à Ilerda les pompéiens, joie qui sanctionne la qualité de la décision du chef :

Partout la joie, les embrassades, aussi bien de ceux qui pensaient avoir échappé au pire que de ceux qui croyaient avoir sans dommage accompli des exploits. Tous le disaient : ce beau résultat, on le devait à l’attitude modérée dont César venait de faire preuve et tout le monde approuvait sa décision52.

40L’émotion est du côté des hommes, la stratégie et le consilium du côté du seul chef. Toute l’écriture césarienne semble tendre à réduire au maximum la subjectivité du personnage.

3.3. Du personnage à la figure

41Jamais les émotions, ni positives ni négatives, ne sont décrites à propos du chef. En revanche, ses qualités de leader charismatique sont mises en évidence tout au long du livre 1 : sa lenitas (un terme plus souvent employé que celui de clementia, dans le livre 1 du Bellum ciuile53), qui tranche avec la violence des adversaires (les aboiements de Lentulus, la haine obstructive de Caton), son sens de la justice, ses qualités d’orateur, son désir de rassemblement préfigurent sur le terrain de la guerre le chef politique qu’il est appelé à devenir à Rome. La scène de réconciliation entre les soldats césariens et pompéiens à Ilerda est précisément une préfiguration de la réconciliation nationale. Le portrait du personnage de César est un portrait politique et les qualités qui lui sont prêtées sont moins celles d’une personnalité particulière que d’une figure publique appelée à gouverner54.

Conclusion

42À cet égard, on a beaucoup insisté sur le fait que les qualités d’écriture de l’auteur faisaient écho aux qualités du général, qui préfiguraient elles-mêmes l’homme politique qui doit gouverner Rome. Quintilien l’avait déjà noté, faisant référence à son style rapide, précis, efficace : eodem animo dixisse quo bellauit, « il s’est exprimé comme il a fait la guerre55 ». La sobriété même de la narration, la frugalitas, pourrait aussi renvoyer à la dignitas de l’homme politique, en désignant un habitus tout autant qu’une posture narrative. Les trois instances, le personnage, l’auteur et le narrateur entreraient donc en résonance.

43Si ces correspondances sont possibles, notre propos a pourtant consisté à insister sur les mécanismes de réserve d’un texte qui, pour construire une image positive de l’homme d’État, dissimule César-auteur pour mieux en signaler l’excellence, met en scène un narrateur omniscient mais qui se garde de juger ou « ressentir », donne à voir un personnage qui évalue les situations sans entrer dans son intimité, faisant de lui une figure qui dépasse l’individu pour construire l’image du chef idéal, rassembleur charismatique. En ayant recours à une focalisation interne limitée au calcul stratégique, les consilia, dont parle Hirtius, César donne à son personnage le sens de la clairvoyance tout en évitant de livrer les clés de sa personnalité : c’est en chef impénétrable qu’il se dépeint. Quant à la discrétion de l’auteur, tout comme celle du narrateur, elle permet de laisser plus de place à une apparente liberté de jugement du lecteur56. Dans ce livre à réécrire par un potentiel historien, tout se passe en effet comme si le lecteur semblait conduit à prendre position sans se voir imposer de jugement clairement énoncé par un narrateur trop ouvertement partisan. Si César a su modifier l’explication des faits ou estomper ses propres erreurs stratégiques, son art fut aussi de savoir se dissimuler au moment où l’on croyait le voir s’exposer.

Notes de bas de page numériques

1 L’ouvrage de référence est bien entendu celui de Michel Rambaud, L’Art de la déformation historique dans les Commentaires de César [1952], Paris, Les Belles Lettres, 1966.

2 Il faut toutefois noter l’importance de l’article suivant pour notre réflexion : François Bérard, « Les commentaires de César : autobiographie, mémoires ou histoire ? », in Marie-Françoise Baslez, Philippe Hoffmann et Laurent Pernot (éd.), L’invention de l’autobiographie d’Hésiode à Saint Augustin, Paris, P.E.N.S., 1993, pp. 85-95.

3 Cet article n’aurait jamais vu le jour si je n’avais eu la chance et le plaisir de collaborer autour de la traduction des Commentaires de César pour les Belles Lettres (César, Guerres, Guerre des Gaules, Guerre civile, Les Belles Lettres, « Editio minor », 2020) avec Isabelle Cogitore, Marianne Coudry, Sabine Lefebvre et Stéphanie Wyler. Chacune sait ce que ce texte leur doit. Toutes les traductions de César proposées dans le présent article proviennent de cette édition.

4 « Le récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité. », Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Le Seuil, 1975, p. 14.

5 Christian Goudineau, César et la Gaule, Paris, Errance, coll. « Points », [1990], 2000, p. 163.

6 Voir la synthèse d’Antoine Compagnon, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », https://aphelis.net/wp-content/uploads/2012/03/Compagnon-Auteur.pdf.

7 Il est très rare que César fasse référence au moment de l’écriture, après la guerre. Notons au moins une entorse importante à cette règle, avec l’emploi d’un « nous » qui renvoie au narrateur et non au protagoniste, désigné dans le hic et nunc de l’écriture : « César estima alors qu’il n’y avait rien à répondre à cela et aujourd’hui encore, nous considérons qu’il ne vaut pas la peine d’en transmettre le souvenir » (BC 3, 17, 1). Dans le passage qui suit, César indique d’ailleurs que les informations qu’il détient n’ont été connues de lui qu’après la guerre (BC 3, 18, 5). Le positionnement du narrateur intervient ici dans un contexte polémique. Un autre passage, saisissant, et lui aussi extrait du livre 3, nous permet d’entrevoir cette écriture de l’écart entre le temps du narrateur et celui du personnage, très peu exploitée par ailleurs : « Aujourd’hui, une majorité pense que, s’il avait accepté qu’on poursuive les pompéiens, la guerre aurait pu se terminer ce jour-là. Mais je ne crois pas qu’il faille lui reprocher cette décision » (BC 3, 51, 3). La modalité évaluative est rare, dans la bouche du narrateur, comme on va le voir. Mais l’enjeu est suffisamment important. Le narrateur s’implique du fait de la distance temporelle qui lui permet de juger des événements, alors que les protagonistes, pris dans l’enchaînement des événements, n’étaient pas en mesure de le faire. Un dernier exemple de l’intrusion du narrateur propose un autre usage du « je » césarien, toujours dans le livre 3 : l’atténuation d’une affirmation difficile à établir, pour mettre en évidence un coup de chance inexplicable : « Devant pareil désastre, survint un élément positif qui empêcha l’anéantissement de l’armée entière. Pompée craignait, je crois, un piège, parce que les événements prenaient une tournure inespérée, et qu’il avait vu les fuyards sortir du camp à l’instant ; il mit un certain temps avant d’oser s’approcher des retranchements » (BC 3, 70, 1).

8 Le narrateur césarien est distant, contrairement au narrateur rousseauiste qui évoque ses sensations pendant la narration même. C’est ce qui apparaît dans l’extrait suivant du livre 1 des Confessions : « L’attrait que son chant avait pour moi fut tel que non seulement plusieurs de ses chansons me sont toujours restées dans la mémoire, mais qu’il m’en revient même, aujourd’hui que je l’ai perdue, qui, totalement oubliées depuis mon enfance, se retracent à mesure que je vieillis, avec un charme que je ne puis exprimer. Dirait-on que moi, vieux radoteur, rongé de soucis et de peines, je me surprends quelquefois à pleurer comme un enfant en marmottant ces petits airs d’une voix déjà cassée et tremblante ? Il y en a un surtout qui m’est bien revenu tout entier quant à l’air ; mais la seconde moitié des paroles s’est constamment refusée à tous mes efforts pour me la rappeler, quoiqu’il m’en revienne confusément les rimes » (https://www.ibibliotheque.fr/les-confessions-jean-jacques-rousseau-rou_confessions/lecture-integrale/page6).

9 Pour une présentation du problème, voir Agata Jackiewicz, « Études sur l’évaluation axiologique : présentation », Langue française, 184/4, 2014, pp. 5-16, https://www.cairn.info/revue-langue-francaise-2014-4-page-5.htm.

10 Voir la synthèse relativement récente : Guy Lachenaud, « Promettre et écrire. Essai sur l’historiographie des Anciens », Nouvelle édition [en ligne], Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, http://books.openedition.org/pur/16968.

11 Ce silence reste aujourd’hui à interpréter. La synthèse qui fait autorité aujourd’hui est celle de Andrew M. Riggsby, Caesar in Gaul and Rome : war in words, Austin, University of Texas Press, 2006.

12 Voir par exemple Marie Ledentu, « Salluste et la posture d’auteur dans le Bellum Catilinae », Vita Latina, 176, 2007, pp. 107-120.

13 Emmanuelle Valette, « Commentarii et commentaires. De Cicéron à Aulu-Gelle », in C. Delattre, E. Valette et alii (dir.), Pragmatique du Commentaire. Mondes anciens, mondes lointains, Brepols, Turnhout, 2018, pp. 47-80.

14 Pour une synthèse sur la question, Elaine Fantham, « Caesar as an intellectual », in Miriam Griffin (ed.), A companion to Julius Caesar, Oxford, Wiley-Blackwell, 2009, pp. 141-156.

15 Voir par exemple Cicéron, Lettres familières 13, 15.

16 Paul-Marius Martin, La Guerre des Gaules, la Guerre civile, César, César l’actuel, Paris, Ellipses, 2000, p. 11 : « Si Pompée était surtout entouré d’écrivains grecs, le camp de César en Gaule avait l’allure d’un véritable cénacle littéraire : le grammairien L. Arunculeius Cotta ; A. Hirtius, qui complétera le Bellum Gallicum ; Q. Tullius Cicero, le frère de l’orateur, auteur, entre autres, d’Annales et de tragédies ; M. Furius Bibaculus, auteur d’iambes, d’épigrammes, d’Annales et d’une Mnémonide ; Varron de l’Aude, auteur de tragédies et d’un Bellum Sequanicum ; C. Trebatius Testa, jurisconsulte renommé, C. Matius, qui écrira un guide culinaire ; C. Oppius, auteur de biographies de César, de Scipion l’Africain et de Cassius ; Marc Antoine, qui avait hérité de son grand-père le génie oratoire… ».

17 Cicéron, Lettres à Quintus II, 15, 4 ; III, 1, 11 ; 4, 4 ; 5, 4 ; 6, 3 ; 7, 6.

18 Macrobe, Saturnales, VI, 1, 3 ; 3, 5.

19 Catulle, Carmen 29, 5 et 9.

20 Cicéron, Brutus 262 : « les gens sensés, eux, il les a dissuadés d’écrire ».

21 Hirtius, Bellum Gallicum 8, Pr. 4-7. Trad. Paul-Marius Martin, Guerre des Gaules…, op. cit., p. 17.

22 Rhétorique à Herennius 4, 17 : « L’élégance est ce qui fait que chaque idée paraît exprimée dans une langue pure et intelligible. On y distingue correction du latin et clarté. La correction du latin conserve à la langue une pureté exempte de tout défaut. […] La clarté rend le discours intelligible et limpide. Elle s’obtient de deux manières : par l’usage de termes courants et de termes appropriés. Les termes courants sont ceux qu’on emploie habituellement dans la conversation et le langage de tous les jours : les termes appropriés sont ceux qui s’appliquent ou peuvent s’appliquer au sujet dont nous parlerons ».

23 Voir Alessandro Garcea, Caesar’s De analogia. Edition, translation and Commentary, Oxford-New-York, 2012.

24 Cicéron, Brutus 253.

25 Alessandro Garcea, Caesar’s De analogia. Edition, translation and Commentary, Oxford, Oxford University Press, 2012. L’approche de la langue chez César et le titre de son ouvrage faisaient référence au débat entre les tenants de l’analogie et ceux de l’anomalie. Chez Varron (livre 8 du De lingua latina), qui est pratiquement notre unique source sur ce dossier, la question nous apparaît sous la forme d’une querelle ancienne qui, depuis Cratès et Aristarque, au siècle précédent, semble avoir divisé les grammairiens en deux camps au sujet de la morphologie. Les uns, les philologues analogistes de l’école alexandrine d’Aristarque, attentifs aux déclinaisons, conjugaisons et dérivations, posent des modèles-types et des règles générales. Les autres, les anomalistes, attentifs aux aspects disparates du langage, affirment la vanité des principes généraux et déclarent que variétés et irrégularités sont la règle dans le langage.

26 Cicéron, Brutus 261.

27 Aulu-Gelle, Nuits attiques 1, 10, 9.

28 Gérard Genette (Figures III, Paris, Le Seuil, 1972, p. 261) répertorie cinq fonctions du narrateur qui indiquent aussi le degré d’intervention du narrateur au sein de son récit, selon l’impersonnalité ou l’implication voulue.

29 Voir par exemple César, Bellum ciuile 1, 31.

30 César, Bellum Ciuile 59, 1 : « Devant Ilerda, c’est à César en premier qu’on apprend la nouvelle. Au même moment, le pont est achevé : la roue de la Fortune tourne vite. »

31 Salluste, Conjuration de Catilina 5, 1-5 : 1 Lucius Catilina, nobili genere natus, fuit magna vi et animi et corporis, sed ingenio malo pravoque. 2 Huic ab adulescentia, bella intestina, caedes, rapinae, discordia civilis grata fuerunt, ibique iuventutem suam exercuit. 3 Corpus patiens inediae, algoris, vigiliae, supra quam credibile est. 4 Animus audax, subdolus, varius, cuius rei libet simulator ac dissimulator ; alieni appetens, sui profusus ; ardens in cupiditatibus ; satis eloquentiae, sapientiae parum. 5 Vastus animus immoderata, incredibilia, nimis alta semper cupiebat.

32 Voir par exemple sa harangue aux soldats lors du passage du Rubicon (1, 7-8).

33 Sur l’influence du narrateur sur la lecture des événements, voir Luca Grillo, « Scribam ipse de me : the personality of the narrator in Caesar’s Bellum ciuile », The American Journal of Philology, 132/2, 2011, pp. 243–271.

34 César, Bellum Ciuile 1, 4, 1.

35 L’étude du mode narratif implique l’observation de la distance entre le narrateur et l’histoire. La distance permet de connaître le degré de précision du récit et l’exactitude des informations véhiculées. Que le texte soit récit d’événements ou récit de paroles, il y a quatre types de discours qui révèlent progressivement la distance du narrateur vis-à-vis le texte (voir Gérard Genette, Figures III, op. cit., p. 191).

36 César, Bellum Ciuile 4, 1.

37 César, Bellum Ciuile 87. 1.

38 Voir notamment, à propos d’une réflexion sur la traduction des discours chez Tacite, Rudolf Mahrer, « Du discours indirect libre dans les Annales. Les traductions de Tacite comme observatoire de la compétence langagière (1790, 1830, 1925) », Fabula / Les colloques, Marges et contraintes du discours indirect libre, http://www.fabula.org/colloques/document3436.php (page consultée le 13 décembre 2020).

39 César, Bellum Ciuile 1, 85.

40 César, Bellum Ciuile 2, 32.

41 Gilles Philippe, « Le discours indirect libre et la représentation du discours perçu », in Gilles Philippe et Joël Zufferey (dir.), Marges et contraintes du discours indirect libre, article publié le 04 novembre 2016, https://www.fabula.org/colloques/document3867.php. Christelle Reggiani, « L’intériorisation du roman : brève histoire du discours indirect libre », in Gilles Philippe et Julien Piat (dir.), La langue littéraire. Une histoire de la prose en France de Gustave Flaubert à Claude Simon, Paris, Fayard, 2009, pp. 122‑135.

42 Le critique s’appuie sur un exemple pris chez Flaubert, où le DIL est utilisé pour retranscrire ce que Frédéric a entendu : « Bien souvent cependant, l’articulation de la focalisation et du DIL est bien explicitée par le contexte amont et ne pose guère de problème de lecture, comme dans ce passage où Frédéric écoute le long récit que Mme Arnoux fait de sa vie passée : ‘Frédéric sollicitait adroitement ses confidences. Bientôt, il connut toute sa vie. Ses parents étaient de petits-bourgeois de Chartres. Un jour, Arnoux, dessinant au bord de la rivière (il se croyait peintre dans ce temps‑là), l’avait aperçue comme elle sortait de l’église et demandée en mariage ; à cause de sa fortune, on n’avait pas hésité. D’ailleurs, il l’aimait éperdument.’ (L’Éducation sentimentale, 1869, II‑3) ». Gilles Philippe, « Le discours indirect libre… », art. cit., § 11.

43 Gilles Philippe, « Le discours indirect libre et la représentation du discours perçu », art. cit., § 12.

44 Suétone, Vie de César 56, 4.

45 Emmanuelle Valette, « Commentarii et commentaires. De Cicéron à Aulu-Gelle », art. cit. p. 61.

46 Voir supra.

47 César, Bellum ciuile 1, 21, 1.

48 César, Bellum ciuile 1, 29-30.

49 Voir supra sur la définition par Ph. Lejeune de l’autobiographie.

50 Plutarque, Vie de César 32, 5 sq.

51 César, Bellum ciuile 1, 8, 1.

52 César, Bellum ciuile 1, 74, 7.

53 Par exemple Yasmina Benferhat, « D’iniuria à lenitas dans le Bellum ciuile de César », Vita Latina 173, 2005, pp. 11-25.

54 Voir François Ripoll, « La scène de fraternisation d’Ilerda (César, B.C. I, 74) : dramatisation narrative et démonstration politique », Vita Latina, 200/12, 2019 (http://vitalatina.fr/wp-content/uploads/2019/12/Article-RIPOLL-VL-200.pdf). Voir également Olivier Devillers, « Se représenter par l’histoire : les Commentaires de César », Écrire l’histoire [En ligne] 5, 2010, http://journals.openedition.org/elh/881 .

55 Quintilien, Institution oratoire X, 1, 114.

56 Nous retrouvons ainsi ce que Christian Goudineau (César et la Gaule, op. cit. p. 162-163) avait identifié à propos de la chaîne causale dans les Commentaires : « La force de son ouvrage – sa ‘géniale duplicité’, diraient d’autres – vient précisément de l’extrême discrétion de cette ‘chaîne causale’ : le lecteur est sans cesse amené à penser que César ne pouvait agir autrement ».

Bibliographie

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Pour citer cet article

Jean-Pierre de Giorgio, « Auteur, narrateur et personnage dans le livre 1 du Bellum ciuile de César », paru dans Loxias, 71., mis en ligne le 15 décembre 2020, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=9645.


Auteurs

Jean-Pierre de Giorgio

Jean-Pierre de Giorgio est maître de conférences HDR de langue et littérature latines, en détachement au Collège Sévigné Enseignement supérieur, et membre du Celis (EA 4280, Université Clermont-Auvergne). Il est l’auteur notamment de L’écriture de soi à Rome : autour de la correspondance de Cicéron (Peeters, Bruxelles, 2015) et a dirigé la nouvelle traduction de César, Guerres. Guerre des Gaules, Guerre civile, Paris, Les Belles Lettres (Editio minor), 2020.