Loxias | 70. Doctoriales XVII | I. Doctoriales XVII 

Marine Bastide De Sousa  : 

Dessiller son œil et essayer les lumières ; la propédeutique oculaire de Montfaucon de Villars

Résumé

À partir de 1660, le renouvellement des paradigmes du savoir, avec le rejet des théories aristotéliciennes et les progrès scientifiques, notamment en astrologie et en optique, modifient la vision du monde et la manière de le regarder. C’est dans ce contexte que Montfaucon de Villars publie Le Comte de Gabalis, récit dans lequel le narrateur rapporte les entretiens qu’il a eus avec un cabaliste. Le jeune curieux plonge volontairement dans les méandres occultistes. Son œil s’essaie à la vue des mystères tout en mettant à distance les absurdités. Propédeutique oculaire, exercice des regards sur le monde, Le Comte de Gabalis est une comédie de l’observation : sur la scène les théories, dans la salle, un lecteur amusé et désabusé par les ridicules.

Abstract

Around the 1660's, a paradigm shift in knowledge, bringing the disavowal of Aristotelian theories and scientific progress, change the perception of the world and the way to look at it. In this context, Montfaucon de Villars published The Count of Gabalis, a narrative in which the narrator reproduces the conversations he had with a cabalist. His curiosity leads him into deliberately following the meanders of the occultist's thought. His eye wanders over mysteries of which absurdities seem to prevail. The Count of Gabalis can be read as an exercice, an eye propaedeutic to read and appreciate the world. It is a comedy in which theories ar on stage, and the derisive reader in the orchestra, enjoying disillusion.

Index

Mots-clés : alchimie , ironie, Montfaucon de Villars, poétique du spectacle

Géographique : France

Chronologique : XVIIe siècle

Plan

Texte intégral

« Pourquoi le fou marche-t-il dans les ténèbres ? C’est parce qu’il ne voit que par les yeux d’autrui […] »

Malebranche, De la recherche de la vérité, « De l’imagination1 ».

1Montfaucon de Villars, abbé mondain, a mené une vie dont peu d’éléments nous sont connus2. D'après ce qu’en disent ces contemporains et la légende qui se forme autour de lui, cette vie est à l’image du Comte de Gabalis ou Entretiens sur les sciences secrètes : obscure, chacun de ses détails pique la curiosité. Sa mort même est fabuleuse :

La mort tragique de Montfaucon de Villars le fit […] entrer dans la légende. Au témoignage de Vigneul-Marville (1699), « les rieurs dans une affaire si triste disaient que c’étaient des gnomes et des sylphes déguisés qui avaient fait le coup pour le punir d’avoir révélé les secrets de la Cabale : ce qui est un crime qui ne se pardonne point par ces messieurs les Esprits »3.

2Des « biographie[s] fantaisiste[s] » fleurissent pour évoquer la vie de cet homme, étroitement associé à son célèbre dialogue.

3Montfaucon de Villars fréquente les cercles intellectuels et religieux4 et connaît les théories et les systèmes qui font la fin du XVIIe siècle5 ; grâce à cette connaissance, acquise par l’observation minutieuse de ces environnements, il peut peindre avec moquerie dans ses œuvres, Le Comte de Gabalis, De La Délicatesse et Critique de Bérénice, la société intellectuelle dans son ensemble et sa diversité. Ainsi, le fameux dialogue reprend l’un des sujets d’agitation scientifique qu’est l’alchimie6, brillant encore à ce moment de quelques feux. Cependant, sa raillerie se masque derrière une ironie si subtile qu’elle en devient ambiguë et confond l’auteur dans une destinée aussi obscure que les sciences ésotériques. Là où l’auteur se veut observateur enjoué de la superstition et des pédants – pour se restreindre au Comte de Gabalis –, s’attachant aux ridicules manières de voir le monde, il devient héraut sérieux d’une science particulière aux yeux des lecteurs. C’est cette ambigüité du statut de l’auteur au crépuscule du XVIIe siècle que nous souhaitons lever à présent, afin de le considérer comme maître de l’art ironique, dramaturge des vaines passions scientifiques, satiriste des systèmes avant Diderot7 .

4Le livre est composé de cinq entretiens entre un jeune curieux, qui rapporte ces conversations, et le Comte de Gabalis, grand maître en philosophie, venu d’Allemagne. Aux yeux du Comte, le jeune curieux est promis à un grand destin. Afin de pouvoir réaliser ce dessein divin, il doit être initié aux sciences secrètes. Le fascinant Allemand va lui révéler les secrets de la pierre philosophale, de l'astrologie, de la sublimation du feu, mais aussi lui enseigner la grande tradition des Raymond Lulle, Paracelse, Cardan, sans oublier les Antiques, les Oracles, la Pythie, Apollon : le monde ésotérique se dévoile au fil du dialogue, dans le secret du cabinet ou dans les méandres du labyrinthe de Rueil.

5Le titre de l’ouvrage, les lieux de la conversation, mais aussi la relation des personnages – maître et disciple – plongent le récit dans le topos ésotérique du secret : ce sont les sciences secrètes qui vont être révélées, c’est un mystère qui va être éclairé, c’est un univers obscur fait d’élus, d’initiation et de caractères énigmatiques qui s’offrent aux lecteurs d’un seul tenant, satisfaisant ceux qui ont apprécié la lecture des récits de Colonna, Rabelais ou encore Béroalde de Verville8.

6Toutefois à chaque ombre, sa lumière. Le texte n’est pas l’inscription énigmatique de la porte de Thélème et ne présente aucun hiéroglyphe effacé par le temps que le lecteur doit déchiffrer. Les mots sont clairs et le discours mystagogique du Comte est d’une limpidité déconcertante pour qui s’attend à un jeu de piste initiatique. L’obscurité est nuancée par la Lumière cabalistique, selon la volonté du Comte d’expliquer les savoirs ésotériques. Son propos est un cheminement dans les arcanes de l’ésotérisme, durant lequel il se propose comme le guide du jeune homme. De cette manière, l’Allemand s’inscrit, en arrivant sur la scène littéraire de 1670, à la suite d’un mouvement de penser que décrit Florent Libral9.

7La révolution des travaux mathématiques et optiques modifie la perception de la notion de « Lumière » ; de notion abstraite, elle devient un phénomène à étudier. Kepler, avec Optica et Dioptricae publiés au début du siècle, propose une théorie de la vision et de l’œil, à la suite desquelles s’inscrira Descartes avec la Dioptrique. La lumière intègre la science mathématique et devient un corps physique, remettant ainsi en cause les conceptions aristotéliciennes. La philosophie naturelle, pour dépasser les théories fixistes d’Aristote doit répondre à une double exigence : être compatible avec le christianisme et se prêter à l’adaptation littéraire. Selon Florent Libral, la pensée occulte y parvient : elle se fonde sur le récit du Fiat Lux à la fois dans un sens alchimique (sublimation), théologique (sublime) et symbolique. Dès lors, le Comte, bien qu’extravagant, est une figure épistémique. L’apprentissage sublime qu’il propose épouse les prétentions du siècle telles que les décrit Michel Foucault lorsqu’il annonce la fin du règne de la ressemblance. Il note que le XVIIe siècle et ce dès l’âge baroque, met fin à ce réflexe intellectuel : « désormais toute ressemblance sera soumise à l’épreuve de la comparaison10 ». Analysant les ruptures épistémologiques entre le règne de la similitude et celui de l’ordre, il conclut que la nouvelle activité de l’esprit n’est plus le rapprochement, mais le discernement. Or, cette modification de la méthode de connaissance du monde entraîne une modification de la posture même du savant : de docte, ayant connaissance des lois de concordance, il devient un curieux, modifiant par la même occasion, sa posture face au savoir.

8Le Fiat Lux suppose une réception de la Lumière et un langage sublime. En 1674, Boileau, offrant une préface à la traduction de l’œuvre du pseudo-Longin, développe le principe esthétique du Fiat Lux. Ni emphase, ni amplitude, rien ne doit venir enfler le sublime qui s’exprime alors dans un langage humble synonyme de vérité divine. Or, la posture du sujet de Montfaucon de Villars est parfaitement inverse. Il s’engage dans la conversation, s’emporte aisément pour montrer l’ensemble de la connaissance et vante avec emphase cette vérité. Le chemin dans la connaissance alchimique est actif, c’est celui du dialogue, qui ne dit pas admire mais vois.

9Le Comte veut faire voir au narrateur les vérités masquées derrière les connaissances qu’on croit acquises – notamment les savoirs théologiques divulgués par les exégètes. Voir n’est plus uniquement un fait physiologique, mais devient une puissance de l’intellect. De ce point de vue, Gabalis propose une propédeutique, au sens où les alchimistes peuvent parler d’initiation. Il s’agira alors pour nous d’apprécier cette révolution de l’œil, qui d’organe anatomique devient instrument de connaissance, moins pour les protagonistes11 que pour le lecteur. Le voir, topique pour l’acquisition de la connaissance, des protagonistes acquiert une dimension théâtrale, qui conduit le lecteur à être touché. À la fin du XVIIe siècle, annonçant Condillac et son Traité des sensations et les théories esthétiques de Diderot, Montfaucon de Villars passe par l’organe visuel pour optimiser une esthétique sensitive de la connaissance : être touché, piqué disent les auteurs, par le ridicule de la vue erronée des pantins sur scène.

10L’œil devient, dans la leçon du Comte, l’objet de la méthode, qui conduit à une nouvelle science, fondée sur une critique des images déformées. À l’œil qui regardait sans réfléchir, se substitue un œil qui comprend. L’imagination n’est présente que pour être moquée et bien souvent elle désigne celle des théologiens dévoyant les réalités mystiques : « Hélas ! où est la femme à qui vos Docteurs n’ont pas gâté l’imagination, qui ne regarde pas avec horreur ce commerce, et qui ne tremblât pas à l’aspect d’un Sylphe12 ? » ou encore « Vous m’allez encore alléguer, interrompit le Comte, les sales imaginations de vos auteurs13 ». Désapprendre et réapprendre en se fondant sur une nouvelle considération, voilà ce à quoi travaille le Comte face à son jeune élève, lorsqu’il énonce la destinée promise de l’apprenti : « Quand vous serez enrôlé parmi les Enfants des Philosophes, et que vos yeux seront fortifiés par l’usage de la très sainte Médecine14 ». L’habillage rhétorique d’une propédeutique calquée sur le rationalisme critique de la philosophie se fonde ainsi sur la critique de l’idolâtrie, faisant écho ainsi à celle de Bacon dans Novum Organum :

38. Les idoles et les fausses notions qui ont envahi déjà l’esprit humain et y ont jeté des profondes racines, non-seulement occupent tellement l’intelligence, que la vérité n’y peut trouver que difficilement accès ; mais encore, cet accès obtenu, elles vont accourir au milieu de la restauration des sciences, et y susciteront mille embarras, […]15.

11Lorsque le Comte déclare que l’« ignorance fait commettre tous les jours une manière d’idolâtrie très criminelle16 », il propose une formulation nouvelle des images. Alors que les idoles, représentations fantasmatiques d’une essence divine, deviennent chimères, le Comte reforme les images, représentation claire et logique de la vérité, produit d’une connaissance assurée par l’observation.

12À ne s’en tenir qu’au discours du Maître, Le Comte de Gabalis est une formulation nouvelle de la connaissance. Après la méthode de Descartes et son Cogito ergo sum, la méthode du Comte formule un observo ergo scio. Mais le Comte n’est pas seul, et ce n’est pas un traité. C’est un dialogue avec un disciple peu crédule. Bien qu’il l’écoute, il n’adhère à aucun moment entièrement à sa doctrine. La créance, nécessaire dans le pacte maître-disciple, affronte le doute. L’observation, érigée en méthode avec le Comte, est un phénomène qui est lui-même objet d’analyse pour le jeune curieux. Alors que l’observation était matricielle avec le comte, elle devient poétique dans l’œuvre : de noyau épistémologique, l’observation devient principe discursif.

13C’est cette transformation que nous proposons de suivre à présent, transformation liée à la fois aux images textuelles elles-mêmes, le récit multipliant les observations possibles, mais aussi liée au principe dialogique à l’œuvre dans Le Comte de Gabalis. L’œuvre se présente en deux strates. La première couche est une première proposition propédeutique, celle du Comte qui souhaite initier son apprenti aux sciences secrètes et pour cela, brise les idoles, relit les exégètes, reformule les connaissances. La seconde est elle aussi une propédeutique, qui repose sur l’expérimentation de la première. Le narrateur s’essaie par jeu à la méthode du Comte, mais c’est un essai critique. Observant le comte, il propose, à son tour, une méthode aux lecteurs. Servantis servandis, le curieux observe jusqu’à son terme la comédie initiatique, et tel le chœur antique commentant l’action se déroulant sur scène, il nous guide afin que nous puissions tirer les conclusions nécessaires de cette représentation. Dans ce cadre, à la fois théâtral et scientifique, l’observation est la pierre d’achoppement sur laquelle viennent butter les belles théories occultes, mettant aux jours les failles de la quête de la connaissance suprême : spectateur, il nous faut voir, il nous faut venir avec des yeux nouveaux et choisir notre camp, que l’on opte pour l’autopsie ésotérique, ou le regard critique.

Essayer : variation de l’observation

14Le narrateur offre immédiatement au lecteur les raisons qui l’ont poussé à entrer en contact avec l’univers ésotérique. Ses motivations sont dérisoires : « le sens commun17 » le conduit à s’interroger sur la validité des théories ésotériques. Curieux, il se propose alors d’aller à la rencontre des doctes pour essayer ces savoirs. Il entre en dialogue, physiquement : c’est une rencontre physique avec le Comte, mais aussi un essai dans lequel, son œil s’engage corporellement et intellectuellement.

15Son œil expérimente tout d’abord. De son propre aveu, c’est l’ennui de la lecture qui le conduit à s’introduire dans la société des Alchimistes :

je n’ai jamais été tenté de perdre le temps à feuilleter les livres qui en traitent ; mais aussi, ne trouvant pas bien raisonnable de condamner sans savoir pourquoi tous ceux qui s’y adonnent – qui souvent sont gens sages d’ailleurs, savants la plupart, et faisant figure dans la robe et dans l’épée –, je me suis avisé (pour éviter d’être injuste et pour ne me point fatiguer d’une lecture ennuyeuse) de feindre d’être entêté de toutes ces Sciences avec tous ceux que j’ai pu apprendre qui en sont touchés18.

16Très vite apparaît une société théâtrale au sein de laquelle chacun joue un rôle. Ces messieurs se piquent d’être mystérieux, mais ils « ne demandent pas mieux que d’étaler leurs imaginations et les nouvelles découvertes qu’ils prétendent avoir faites dans la Nature19 ». C’est cependant sur cette scène burlesque que se joue l’essai ; écouter plutôt que lire, parce que l’ouïe permet le débat, alors que la lecture reste silencieuse.

17Pour le narrateur, il faut voir par ses propres yeux, et non par l’intermédiaire des relations d’expériences ou des anthologies20. Sa première rencontre avec le Comte traduit l’étonnement de l’abord inhabituel de l’extravagant : « La nouveauté de la salutation m’étonna d’abord, et je commençai à douter pour la première fois si l’on n’a pas quelquefois des apparitions21 ». Son œil est le prisme de l’expérience, traduisant les réactions primaires, doute, étonnement, peur :

Son action m’effraya, je l’avoue ; mais ce fut bien pis quand je vis que, s’éloignant de moi, il tira de sa poche un papier que j’entrevoyais de loin qui était assez plein de caractères que je ne pouvais bien discerner22.

18Voilà nos énigmes et les hiéroglyphes. Mais ces traces ésotériques ne sont pas des pistes, ce n’est pas un roman alchimique. Ces marques sont signaux de chimères, marques tangibles, preuve de l’imagination gâtée du Comte. L’usage de l’œil du jeune homme est complet : la vue s’accompagne d’émotions qui engagent le corps mais aussi la conscience, sens et sentiment réunis. Une faille apparaît dans le système du Comte : bien qu’il propose une reformulation des images fondée sur une observation nouvelle, il impose des faits, ici tracés par des « caractères » méconnus. Son projet se réduit brusquement à un dogme, provoquant le recul abrupt du jeune disciple.

19L’essai n’est pas seulement une expérience physique. Il est aussi une expertise judiciaire. Exigo, c’est peser pour évaluer, juger. L’œil ne fait pas que voir, il juge et rend ce qu’il voit. L’essai, preuve judiciaire qui offre un avis aux lecteurs, est celui de l’extravagant. Affirmant en préambule, le « vide » résidant dans les sciences secrètes, le jeune homme souligne immédiatement l’invalidité des théories, et impose l’observation du phénomène excentrique, incarné par Gabalis, que sont les Sciences Secrètes.

20« Visionnaire » jalonne le texte. Il comporte la vue en lui, mais une vue immatérielle, spirituelle pour certains, chimérique pour d’autre. En 1690, Furetière donne la définition de l’adjectif : « Qui est sujet à des visions, à des extravagances, à de mauvais raisonnements ». Au XVIIe siècle, la forme nominale et la forme adjectivale se côtoient ; toutefois, c’est la seconde forme qui est majoritaire sous la plume de Montfaucon, et ce n’est pas un geste ornemental. C’est un choix :

Misérable Comte de Gabalis, interrompis-je d’un accent mêlé de colère et de compassion, me laisserez-vous dire enfin que je renonce à cette Sagesse insensée, que je trouve ridicule cette visionnaire Philosophie, que je déteste ces abominables embrassements qui vous mêlent à des fantômes [...]23.

21La condamnation est toute personnelle : elle émane du narrateur ému, elle se trouve imbriquée par le jugement, et les adjectifs « visionnaire » et « ridicule » sont évaluatifs. De même, lorsqu’il qualifie son interlocuteur de « fanatique », la modalisation est proche : « vous êtes un peu fanatique, ou bien votre vision est un enchantement24 ». L’œil juge. Présents dans le discours du narrateur comme des réflexes lexicaux, « fanatique » et « visionnaire » s’attachent à l’entendement malade du maître en philosophie qui conçoit des images déformées par l’exagération. L’expertise est individuelle, fondée sur les émotions et les réactions d’une personne en particulier.

22Dès lors, à cette immédiateté émotive du regard, tout individuelle, il faut imposer l’ordre et la réflexion afin de pouvoir rendre compte au mieux de l’expérience. L’œil est puits de création. Grâce à l’expérience personnelle, le jeune homme forge une œuvre universelle, faites pour le plaisir de tous. Regardons seulement les dernières lignes :

Ainsi finit l’entretien du Comte de Gabalis. Il revint le lendemain, et me porta le discours qu’il avait fait aux peuples souterrains ; il est merveilleux ! Je le donnerais avec la suite des entretiens qu’une vicomtesse et moi avons eus avec ce grand homme, si j’étais sûr que tous mes lecteurs eussent l’esprit droit et ne trouvassent pas mauvais que je me divertisse aux dépens des fous. Si je vois qu’on veuille laisser faire à mon livre le bien qu’il est capable de produire, et qu’on ne me fasse pas l’injustice de me soupçonner de vouloir donner crédit aux Sciences secrètes sous le prétexte de les tourner en ridicule, je continuerai à me réjouir de Monsieur le Comte, et je pourrai donner bientôt un autre tome25.

23Mirabilis, miracles, ces hauts faits qui s’imposent à nos yeux, témoignages de la puissance divine ; conte, fable, histoires agréables qui font voir des chimères l’unique but de se délasser quelques instants. Syllepse ironique venant conclure de manière inattendue l’ouvrage, l’adjectif réduit ostensiblement le dialogue au statut de pur plaisir, de joute verbale divertissante. L’auteur se défend de toute adhésion : c’est un fou que celui-là. Mais un fou qu’on a aimé voir. Essayer l’alchimie est essayer son œil ; jouer la comédie en entrant quelques temps sur la scène de ces possédés ; lire le Grand Livre qu’ils déploient ; apprécier quelques temps le portrait en acte d’un personnage enveloppé de l’habit curieux du mystagogue. D’expérience personnelle en expérience littéraire, Montfaucon guide son lecteur à travers l’univers alchimique, mais plus encore à travers une théorie de l’observation. Parce que ce ne sont pas tant les théories secrètes qu’il s’amuse à rendre dérisoires, que les prétentions des sciences à proposer chacune son modèle d’observation. Il varie les puissances de l’œil, de l’observation à la réflexion, déployant le paradigme entier des facultés oculaires, invitant à en faire de même pour mieux juger de l’objet à observer.

Rhétorique ironique de l’admiration

24Montfaucon de Villars pluralise l’observation et hiérarchise. L’observation ésotérique devient thème du récit, objet discuté dans le dialogue. Il y a alors l’observation tronquée et chimérique du Comte qui produit des idées absurdes ; l’observation du narrateur qui voit et juge l’image fantastique qui se présente à lui ; l’observation du lecteur qui embrasse d’un regard cet essai. Mais cette expérience se conclut sur une pointe équivoque. L’ultime paragraphe est un refus des leçons cabalistiques et l’affirmation enjouée d’un plaisir pris à la conversation. Tout cela n’aura été que jeu.

25Avant que de poursuivre notre réflexion, il nous semble nécessaire de faire un détour par La Critique de Bérénice. Paru un an après Le Comte de Gabalis, l’ouvrage comporte entre autres une critique de la Bérénice de Racine. La pièce a été vue deux fois par l’auteur. Le premier jour, la représentation le choque : sa vue s’enferme dans les cadres rhétoriques. Elle critique les adieux d’Antiochus à Bérénice qui seraient de l’invention du poète pour gagner du temps, véritable « imagination blessée de la régularité du Théâtre26 ». Mais le deuxième jour, venant avec d’autres yeux, il admire la pièce sans prendre garde cette fois aux règles. Il loue les passions avec fort admiration. Toutefois, derrière cet éloge se cache l’ironie : ce n’est plus une tragédie, c’est un poème élégiaque. Montfaucon témoigne de son enthousiasme et de son adoration pour la chose même qui est critiquée. Structure spiralaire placée dans une considération chronologique (première représentation, deuxième représentation), elle suppose un changement de regard, un regard qui tourne autour de l’objet, module son propos et son ton. L’ironie de Montfaucon est une ironie du regard, celui qui pousse l’objet à changer de statut malgré lui, pour occuper la place qu’il doit tenir.

26Le même principe gouverne Le Comte de Gabalis, et l’anecdote du cinquième entretien en offre un parfait exemple. Des êtres élémentaires, moqués par des Lyonnais, ont ravi plusieurs individus à qui ils ont montré les charmes et puissances du royaume des airs. Ces Hommes, ayant vu de leurs propres yeux les vérités des éléments, reviennent sur Terre et rapportent ces faits. Personne ne les croit : « c’étaient des sorciers27 » Il a fallu attendre que professe Agobard, évêque, que « l’une et l’autre [affirmations] étaient fausses, qu’il n’était pas vrai que ces hommes fussent descendus de l’air et que ce qu’ils disaient y avoir vu était impossible28 ». Chose surprenante, « [l]e peuple crut plus à ce que disait son bon père Agobard qu’à ses propres yeux29 ». L’anecdote tourne en ridicule les ignorants prêts à croire sur parole l’Église, incapables de juger par eux-mêmes. Cependant, le lecteur est confronté à une double absurdité. D’un côté le peuple superstitieux, criant aux sorcières au premier phénomène étonnant ; d’un autre côté, le Comte de Gabalis affirmant l’existence des Sylphes et des beautés de leur royaume. Voilà l’essence même de la rhétorique de Montfaucon de Villars : il confronte deux étonnements, deux écarts, pour n’en souligner qu’encore plus l’absurdité. Rien n’est sûr, tous sont ridiculisés par leur adhésion à ce qu’ils ont cru voir, au cœur d’un régime de la certitude en passe de s’effondrer. Le voir est nul dans chacun des discours rapportés et exposés, car finalement rien n’a été vu. Montfaucon de Villars renvoie dos à dos les postures : la superstition du peuple lyonnais, la rationalité religieuse de l’évêque et l’ésotérisme du Comte. Confrontées les unes aux autres, elles s’annulent.

27L’anecdote affirme à la fin du livre la nécessité d’être attentif aux moindres écarts de la raison. Mais l’attention se travaille et l’éducation qui en devient par conséquent nécessaire repose sur le dessillement. Le premier entretien, le plus court d’entre tous, est une introduction : il présente le Comte comme un personnage saisissant et rapporte la manière dont la curiosité a été piquée. Les quatre entretiens suivants sont une avancée dans les sciences secrètes, chaque partie abordant des sujets de plus en plus ridicules. Le deuxième entretien introduit les êtres élémentaires : portraits physiques, facultés intellectuelles et pouvoirs, il donne au narrateur des images et des principes sur lesquels va reposer la suite. Le troisième entretien poursuit avec l’analyse des Oracles et se conclut sur le doute même, « je ne pouvais comprendre comme il pouvait être tout à la fois si fort et si faible, si admirable et si ridicule30 ». Au plus fort des chimères du Comte, le jeune curieux marque la remontée vers la lumière en proposant l’alternative du doute, seul capable d’éduquer le regard. À présent que la possibilité de l’un ou l’autre est énoncée, au lecteur de saisir la lumière rationnelle. Ainsi la controverse s’intensifie lors du dernier entretien, et la mention des contes de fées :

– Avez-vous lu ces histoires des héros et des fées ?
– Non, Monsieur, lui dis-je.
– J’en suis fâché, reprit-il, car elles vous eussent donné quelque idée de l’état auquel les Sages ont résolu de réduire un jour le monde. Ces hommes héroïques, ces amours des Nymphes, ces voyages au Paradis terrestre, ces palais et ces bois enchantés, et tout ce qu’on y voit de charmantes aventures : ce n’est qu’une petite idée de la vie que mènent les Sages, et de ce que le monde sera quand ils y feront régner la Sagesse31.

28Les idées du Comte sont chimériques ; de véritables phantasmes, images formées à la vue d’un objet. Outil de la connaissance pour le Comte, le phantasme est une métaphore, c’est une écriture « chaste32 » qui masque avec quelques traits agréables de grandes vérités que seuls les Sages parviennent à comprendre. Mais Gabalis mélange sans distinction les ouvrages et fait feu de tout bois associant contes de fée33 et Genèse. Sa théorie de la lecture des métaphores confond toutes les images qui en viennent à ne former qu’un seul et même livre, le Grand Livre – un Grand Livre de la Nature et de l’Histoire qui au lieu d’être l’universelle source de connaissance, devient un ensemble disparate et satirique d’affirmations ridicules.

29À ne regarder que le contenu des propos du Comte, l’entretien s’enfonce de manière exponentielle dans la chimère qui noue images trompeuses et images détrompées. Mais ce discours s’entrelace avec les réactions du narrateur qui sont enfermées entre les bornes de son introduction et sa conclusion, deux lieux qui affirment le caractère plaisant de l’aventure. Le dessillement du Comte de Gabalis n’est pas une ouverture brutale ou une initiation ; elle est un jeu qui exerce corps et esprit à l’ombre et à la chimère ; à l’indécis et à la folie. Ce jeu est une mise en garde, un avertissement. Le Comte détrompe les exégètes, et le narrateur détrompe le Comte. Le lecteur regarde avec plaisir. Le plaisir pris à l’enquête de l’observation dépasse le plaisir pris à l’écoute.

30***

31Pour Malebranche, le fou est celui qui ne connait que par l’intermédiaire d’autrui ; Pascal, dans Les Provinciales, va à la rencontre des jésuites et jansénistes et confronte les points de vue. Montaigne, bien avant, avec « Des boiteux34 », se méfie des idées reçues et va au-devant des a priori. Le curieux du Comte de Gabalis fait de même. Montfaucon de Villars, connaissant les cercles jésuites et ceux des jansénistes, mais aussi les cercles libertins et connaisseur des œuvres alchimiques, qu’il découvre grâce à Blaise de Vigenère35, attentif aux débats qui animent Paris36, semble s’éloigner de ces agitations esthétique, théologique, ou encore scientifique. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas le savoir, mais ce qu’il y a avant le savoir. Alors qu’en Angleterre et en France, les sciences naturelles se développent, alors qu’un Observatoire Royal qui promet de grands progrès au sein du royaume de Louis XIV est construit, il interroge la course aux progrès : comment apprendre, si on ne sait pas voir. Il rappelle alors avec justesse et avec amusement, que voir ne consiste pas qu’en l’utilisation de son œil et en l’image qui s’y est appliquée. Il rappelle la liaison essentielle entre le corps et l’œil, les réactions primaires de l’étonnement, cette surprise signe que l’improbable n’est pas loin. Il nous apprend à essayer, nous mettre à l’épreuve et juger, il nous apprend à être attentif aux écarts. Mais l’apprentissage n’est pas le principe premier de lecture. Montfaucon de Villars refuse le statut de maître ou de docte. Le choix de ses personnages, la disposition dialogique, l’absence de préface, confirment la volonté de déposer l’autorité de l’auteur. Le dialogue lui offre la confortable distanciation permettant de mettre en scène cette comédie alchimique, livrée au jugement du lecteur.

32En ce sens, Montfaucon de Villars sublime l’œil de l’Homme : il s’agit de se défaire peu à peu, au fil des opérations de dessillement, des mauvaises habitudes. De nombreux stratagèmes se déploient dans le texte qui repose sur la polyphonie de l’entretien. Aux deux voix principales, il faut encore ajouter les références aux textes antiques, aux affirmations des théologiens, aux idées des alchimistes et kabbalistes, les anecdotes et légendes. Cette myriade est le kaléidoscope : chacun a son voir qu’il répète et l’ensemble forme, pour le lecteur, une seule et même vue plaisante. La nature, qu’il faut entendre dans le sens le plus large possible, est perçue différemment selon chaque face et, à nous de juger lesquelles la déforment. La seule observation valable en somme, est celle qui prend en compte l’ensemble des points de vue.

33La propédeutique oculaire est le projet de Montfaucon de Villars. Il ne s’engage pas dans la voie du protocole scientifique ou de la méthode métaphysique. Il s’engage dans une réflexion poétique de l’observation. Alors que l’œil était objet de réflexions physique, physiologique ou théologique, il devient créateur sous la plume de Montfaucon de Villars. L’œil est à la fois une image, la représentation d’une rencontre et d’une conversation, et un style, un style dialogique, qui provoque une rencontre burlesque. En ce sens, loin de devoir être rangé aux côtés de Raymond Lulle ou de Paracelse, Montfaucon de Villars est à considérer comme avant-garde peut-être, visionnaire, des Philosophes des Lumières. Tout comme Cyrano de Bergerac, son contemporain, il bouleverse le regard. Avant Swift, il varie les perspectives, avant Diderot, il joue de la confrontation à l’original, cet Allemand dérangeant l’Académie des sciences et la Sorbonne en même temps, devançant Voltaire, il met en place une ironie subtile qui engage un lecteur, détrompé dans son amusement.

34Lumières : bien que traitant de sciences secrètes, Le Comte de Gabalis est un livre lumineux ; les lumières divines, les lumières cabalistiques, ce que la fin du XVIIIe siècle nommera Illuminisme, lumières rationnelles aussi, il joue avec un faisceau complexe. C’est sûrement d’ailleurs cette complexité et la nuance subtile entre ombre et clarté qui plongea le livre dans l’obscurité – souvent mal jugé, voire mal lu ; nombreux sont ceux qui associent trop étroitement Montfaucon de Villars à Gabalis, faisant de l’auteur un porte-parole déviant de l’ésotérisme. En 1680, une édition anglaise indique avec humour comme imprimerie du Comte de Gabalis « la Société Cabalistique des Sages, à l’enseigne de la Rose-Croix ». En 1681, Donneau de Visé, Thomas Corneille et Fontenelle adaptent le récit au théâtre avec La Pierre Philosophale et marquent le lien entre l’ésotérisme et Montfaucon de Villars. Casanova synthétise cette assimilation : le deuxième volume de ses mémoires, consacré aux années 1740, évoque une aventure durant laquelle il prend le nom cabaliste de « Paralis37 » et fait référence aux récits de Montfaucon. Voulant confronter le lecteur à un porte-parole d'un discours discrédité, l’auteur est un de ceux qu’on a le moins bien interprété. Ironique destin.

Notes de bas de page numériques

1 Nicolas Malebranche, De la recherche de la vérité, [1674-1675], éd. A. Minazzoli, Paris, Pocket, 1990, p. 110-111.

2 Roger Laufer et Didier Kahn dans leurs éditions respectives du Comte de Gabalis offrent en introduction une biographie de Montfaucon de Villars auxquelles nous renvoyons : Le comte de Gabalis, La Critique de Bérénice, éd. R. Laufer, Paris, Nizet, 1963 ; Le Comte de Gabalis, ou Entretiens sur les sciences secrètes ; avec l’adaptation du Liber nymphis de Paracelse par Blaise de Vigenère, éd. D. Kahn, Paris, Champion, 2010.

3 Didier Kahn, « Présentation », Le Comte de Gabalis, [1670], éd. D. Kahn, Paris, Les Belles Lettres, 2018, p. XLI. Nous citerons systématiquement cette édition.

4 Didier Kahn assure que Montfaucon de Villars fréquente les cercles jansénistes, mais qu’il est désavoué par Antoine Arnauld en personne. Ce dernier fait interdire son Comte de Gabalis, et on peut lire De La délicatesse, ouvrage qui prend la défense du Père Bouhours, comme une vengeance toute personnelle. (Voir, Didier Kahn, « Présentation », op. cit., p. XV).

5 Les systèmes de Pascal et de Malebranche, les dogmes jansénistes, les débats sur le théâtre, autant de principes établis et débattus sont évoqués dans les trois ouvrages de Montfaucon de Villars, faisant de son œuvre, un panorama critique de son époque.

6 Bernard Joly expose les tentatives de la chimie cartésienne, alors aussi appelée alchimie. S’intéressant dans Les Principes de la philosophie aux sciences, Descartes tente de rabattre les principes alchimiques de son époque sur les systèmes mécaniques, témoignant la mode systémique de la pensée rationnelle. Voir Bernard Joly, Descartes et la chimie, Paris, Vrin, 2011.

7 Le rêve de Mangogul, « ou voyage dans la région des hypothèses » témoigne de la parenté spirituelle entre Montfaucon de Villars et Denis Diderot. Le roi congolais se retrouve en rêve dans la région où règne Platon dont la tâche est de conduire « ceux qui reviennent des systèmes » [D. Diderot, Les Bijoux indiscrets, [1748], éd. M. Delon, Diderot, Contes et romans, Paris, Gallimard, 2004, p. 110]. La satire des systèmes philosophiques, représentés par les lambeaux du vieil habit de la philosophie, fait écho à la satire de Montfaucon de Villars. Les lambeaux de Diderot sont les dialogues vifs de l’auteur du Conte de Gabalis.

8 Ne citons que Hypnerotomachia Poliphili de Collona (1499), Pantagruel (1532) et Gargantua (1534) et Histoire véritable, ou le Voyage des Princes fortunez de Béroalde de Verville, (1610). Montfaucon de Villars fait référence implicitement à Rabelais au second entretien, lorsqu’il évoque la généalogie des Hommes, descendus des géants, rappelant le premier chapitre de Pantagruel.

9 Florent Libral, « Mages, géomètres et orateurs. L’optique des religieux en France du XVIIe siècle », Littératures classiques, n°85, 2014/3, pp. 121-134.

10 Michel Foucault, Les mots et les choses, une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, 1966, p. 69.

11 L’œil comme instrument de connaissance est un topos traditionnel, pour une époque qui place la vue en haut de la hiérarchie des sens. Voir à ce sujet G. Puccini (dir.), Le Débat des cinq sens de l’Antiquité à nos jours, Bordeaux, P.U. Bordeaux, Eidôlon, n°109, 2013, et L. Febvre, Le problème de l’incroyance au XVIe siècle, la religion de Rabelais, Paris, Albin Michel, 1947.

12 H. Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 88.

13 H. Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 90.

14 H. Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 17.

15 Francis Bacon, « aphorisme 38 », Novum Organum, [1620], in Discours de la méthode de Descartes. Novum Organum de Bacon : traduction nouvelle. Théodice de Leibnitz : fragments, J. Delalain et Cie, 1840, p. 104.

16 H. Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 38.

17 H. de Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 5.

18 H. de Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 5.

19 H. de Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 6.

20 Les relations d’expérience fleurissent à l’époque de Montfaucon de Villars et se poursuivront jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Ils permettent d’affirmer la véracité de la science alchimique par la forme du témoignage oculaire et se présente déjà à la deuxième moitié du XVIIe siècle comme un véritable genre littéraire. Voir à ce sujet D. Kahn, Le Fixe et le Volatil, Paris, CNRS édition, 2016.

21 H. de Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis op. cit., p. 8.

22 H. de Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 23.

23 H. de Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., pp. 22-23.

24 H. de Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 85.

25 H. de Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 103.

26 H. de Montfaucon de Villars, Critique de Bérénice, Paris, L. Billaine, 1671, p. 7.

27 H. de Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p.  99.

28 H. de Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 100.

29 H. de Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 100.

30 H. de Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 58.

31 H. de Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, op. cit., p. 101.

32 L’adjectif est tiré d’une explication que fait le Comte au sujet du péché originel. Il explique non sans humour que ce péché ne peut être celui d’Eve mangeant la pomme. Dans ce cas, la punition n’aurait pas été d’accoucher dans la douleur, mais d’avoir un goût gâté ou altéré. Le péché réside dans l’acte sexuel d’Eve et Adam. Si la Bible offre l’histoire du fruit défendu, c’est en tant qu’images chastes, pour ne pas choquer les esprits.

33 Le Comte de Gabalis évoque le roman de Mélusine comme argument historique dans le cinquième entretien.

34 M. de Montaigne, Les Essais, III, chapitre XI, « Des boiteux », [1588], éd. E. Naya, D. Reguig, A. Tarrête, Paris, Gallimard, 2012.

35 Blaise de Vigenère publie en 1583 un commentaire de L’Histoire romaine de Tite-Live, dans lequel il résume le Liber nymphis de Paracelse. C’est à cette source que se réfère Montfaucon de Villars.

36 En 1671 paraît Entretiens d’Ariste et d’Eugène par le Père Bouhours, que Barbier d’Aucour critique avec Sentiments de Cléante sur les Entretiens d’Ariste et d’Eugène, auquel répond à son tour Montfaucon de Villars avec De la délicatesse. Aliton et Paschase discourent autour de sujet esthétiques et moraux qui traversent les cercles savants : la moralité de la lecture pour les jeunes gens, l’imitation des anciens, la question de l’original, écrire pour son siècle ou pour la postérité, etc.

37 Le nom « Paralis » apparaît pour la première fois au chapitre 8 du deuxième volume. Jacques Casanova, Histoire de ma vie, [1825, posthume], éd. F. Lacassin, Paris, Robert Laffont, 1993.

Bibliographie

Œuvres de Montfaucon de Villars

MONTFAUCON de VILLARS Henri,

Le Comte de Gabalis, [1670], éd. Didier KAHN, Paris, Les Belles Lettres, 2018

La Critique de Bérénice, Paris, Louis Billaine, 1671

De la Délicatesse, Paris, Claude Barbin, 1671.

Autres textes

BACON Francis, Novum Organum, [1620], Paris, Jules Delalain et Cie, 1840

BOILEAU Nicolas, Pseudo-Longin, Traité du sublime, [1674], éd. Francis GOYET, Paris, LGF, « Le Livre de Poche », 1995

DIDEROT Denis, Les Bijoux indiscrets, [1748], éd. Michel DELON, Paris, Gallimard, 2004

MALEBRANCHE Nicolas, De la recherche de la vérité, Livre II, « De l’imagination », [1674-1675], éd. Agnès MINAZZOLI, Paris, Pocket, 1990

Études

FEVRE Lucien, Le problème de l’incroyance au XVIe siècle, la religion de Rabelais, Paris, Albin Michel, 1947.

FOUCAULT Michel, Les mots et les choses, une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, 1966

JOLY Bernard, Descartes et la chimie, Paris, Vrin, 2011

KAHN Didier, Le Fixe et le Volatil, Paris, CNRS édition, 2016

LIBRAL Florent, « Mages, géomètres et orateurs. L’optique des religieux en France du XVIIe siècle », Littératures classiques, n° 85, 2014/3, p. 121-134

PUCCINI Géraldine (dir.), Le Débat des cinq sens de l’Antiquité à nos jours, Bordeaux, P.U. Bordeaux, Eidôlon, n° 109, 2013

Pour citer cet article

Marine Bastide De Sousa, « Dessiller son œil et essayer les lumières ; la propédeutique oculaire de Montfaucon de Villars », paru dans Loxias, 70., mis en ligne le 13 septembre 2020, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=9487.


Auteurs

Marine Bastide De Sousa

Marine Bastide De Sousa est professeure certifiée, et enseigne dans un établissement de l’Académie de Lille. Doctorante en langue et littérature françaises du XVIIIe siècle, elle s’intéresse à la figure des êtres élémentaires dans la prose narrative du XVIIIe siècle. Ses travaux portent sur les théories de l’imagination et les liens entretenus entre les sciences et la littérature.

Univ. Lille, ULR 1061 - ALITHILA - Analyses Littéraires et Histoire de la Langue F-59000 Lille, France