Loxias | 60. Hommage à Michel Butor | I. Hommage à Michel Butor 

Anne Claire Gignoux  : 

Michel Butor, une écriture polyphonique

Résumé

L’objet de cet article est de mettre à l’épreuve un outil théorique venu de la musique par un emploi métaphorique : peut-on vraiment de parler de polyphonie dans l’art verbal, et plus particulièrement chez Michel Butor ? Pour répondre à cette question, nous reviendrons au sens premier du mot polyphonie en musique, puis en linguistique, afin d’en montrer les difficultés et les limites. L’œuvre de Michel Butor, tournée vers le dialogue entre les arts, permet une utilisation plus rigoureuse du concept de polyphonie, car la mise en page de certains de ses livres les rapproche de livres-partitions, et la présence de différentes voix narratives étalées sur la page plaide en faveur d’une description de ces livres comme polyphoniques. Une analyse stylistique des aspects visuels, poétiques et musicaux de 6 810 000 litres d’eau par seconde permettra de redéfinir ce que peut être une écriture polyphonique.

Index

Mots-clés : 6 810 000 litres d’eau par seconde , Butor (Michel), musique, polyphonie

Chronologique : XXe siècle

Plan

Texte intégral

1. La polyphonie chez Butor : retour sur une évidence

1Associer l’œuvre de Michel Butor au concept de polyphonie paraît une évidence, pour plusieurs raisons1. D’une part, celui-ci s’est toujours intéressé à la confrontation entre les arts, sous forme de collaborations artistiques extrêmement nombreuses (Lucien Giraudo en signale plus de mille dans son ouvrage consacré au « dialogue avec les arts » de Michel Butor2) ; bien sûr, il faut rappeler les œuvres écrites en collaboration avec des musiciens3 parmi celles-ci, mais aussi les études d’œuvres musicales comme le Dialogue avec 33 variations de Beethoven sur une valse de Diabelli.

2D’autre part, chez un écrivain qui aurait rêvé d’être compositeur et qui donnait lui-même les pistes de lecture de ses livres ainsi : « J’aime beaucoup la musique classique, et il est facile de voir dans mes livres quel enseignement j’en ai tiré4 », l’influence de la musique sur l’écriture passe notamment par la structure, comme je l’ai montré dans mon étude de la « structure musicale » des romans de Michel Butor5.

3Au-delà de cet aspect architectural ou structurel, on peut s’interroger sur la transposition éventuelle, au niveau microstructural, de caractéristiques musicales dans l’écriture butorienne. La musique peut avoir des liens avec le langage poétique, par le travail des sonorités, du rythme, etc. ; aussi, les outils d’analyse de la musique peuvent être légitimement utilisés pour étudier l’œuvre de Michel Butor ; ils apportent, comme l’écrivain le reconnaissait lui-même, une perspective intéressante sur l’art verbal :

Si le roman est le laboratoire du récit, la musique n’est-elle pas l’antre où peuvent se forger les armes et instruments d’une littérature nouvelle, le labourage du terrain sur lequel cette moisson pourra mûrir6.

4Ce qui paraît surtout légitimer l’association du terme de « polyphonie » à l’œuvre butorienne, c’est l’intérêt porté par Michel Butor à la question de la voix énonciative, intérêt qui lui fait d’abord écrire des romans à l’énonciation troublée (La Modification est ainsi écrit à la deuxième personne du pluriel ; L’Emploi du temps mêle plusieurs époques temporelles et donc plusieurs voix narratives d’un point de vue chronologique, même si le sujet parlant demeure toujours Jacques Revel ; Degrés offre trois narrateurs successifs), puis renoncer au roman pour privilégier des formes nouvelles où de nombreuses voix se font entendre et s’affichent sur la page. Tous ces phénomènes de brouillage des voix énonciatives, la critique a pris l’habitude de les regrouper sous le terme de polyphonie.

5Pour autant, malgré l’affinité évidente entre l’écriture butorienne et la musique qui semble autoriser tous les rapprochements, il faut se méfier de l’utilisation de concepts musicaux en littérature (l’inverse est également vrai, mais ne nous concerne pas ici). L’utilisation de métaphores n’est pas toujours convaincante, pour une étude de la littérature qui se veut science du langage. C’est pourquoi le critique se doit de rester vigilant face à un abus de métaphores et de transposition des autres arts, qui peut conduire à un « flou » justement « artistique » dans l’utilisation des concepts.

6Car à utiliser de manière trop métaphorique un terme, on finit bien sûr par diluer le sens du mot, et par priver le concept de toute efficacité. Cette vigilance épistémologique à observer face à tout concept transposé d’une forme artistique dans une autre, Mathilde Vallespir la nomme « veille sémiotique », et elle s’est attachée précisément, dans un article récent7, à l’utilisation du concept de polyphonie en littérature.

7De même, des linguistes qui se sont penchés lors d’un colloque fondamental sur les concepts de dialogisme et de polyphonie8 constatent tous le flou de ce dernier concept, et sa dissolution regrettable. Ce flou est d’abord dû à une difficulté de traduction des textes de Bakhtine, le premier à avoir utilisé le mot – avant Ducrot :

Ainsi on a l’impression que le sens premier du mot raznoglosnitza (divergence d’opinion, dissonance) se trouve dilué dans les termes, somme toute, généraux de plurivocité / plurivocalité ou diversité de voix. L’ennui est également que parfois le terme de plurivocité est utilisé afin de traduire le mot russe raznorechie (le plus souvent plurilinguisme ou polyphonie dans le texte français) […]. (p. 22)

Ainsi, en comparant la traduction française avec le texte source de DDR [Esthétique et théorie du roman], on constate que les termes de plurilinguisme, polylinguisme, plurivocalité, plurivocité, divergence de voix, polyphonie sont employés comme des quasi synonymes en français, dans la mesure où ils sont utilisés pour traduire un même terme russe (raznorechie en particulier). (p. 23)9

8La polyphonie exprimerait bien l’idée d’une pluralité (s’opposant à l’unicité de la voix auctoriale), mais sans les caractéristiques de la polyphonie musicale. L’auteur de ces remarques, Aleksandra Nowakowska, note la fragilité épistémologique du concept, doublement métaphorique, selon elle, chez Ducrot :

On peut dire que Ducrot reprend à Bakhtine la métaphore musicale de la polyphonie par laquelle était caractérisé un type d’écriture romanesque, pour la déplacer sur l’énoncé quotidien : métaphore au second degré donc. (p. 27)

9Dans le même volume, Laurence Rosier confirme l’utilisation du mot polyphonie pour évoquer une pluralité ou « pluricité » de voix plus qu’une forme musicale :

Dès la traduction de l’ouvrage de Bakhtine sur Dostoïevski (1970), le terme est propagé dans la presse française, qui commente abondamment la sortie du livre. Par la suite, si polyphonie est utilisé sous la plume des chroniqueurs d’art pour caractériser telle ou telle œuvre, qu’il s’agisse d’un roman, d’une pièce de théâtre ou d’un film, il est aussi employé dans le domaine politique, avec la même valeur idéologique, qui repose sur une dichotomie pluricité (hétérogénéité) versus unicité (homogénéité), valorisant la première au détriment de la seconde10.

10La polyphonie est devenue en effet un concept très utilisé dans les études littéraires, considérée comme « aux confins de l’intertextualité et de la citation11 ». Pourtant, si un nouveau terme est introduit dans le domaine critique, il faut qu’il corresponde à une analyse nouvelle (qu’il ne se contente pas de phagocyter le terme « intertextualité ») et puisse se distinguer des termes utilisés antérieurement à sa création.

11Au terme de ce préambule, il nous apparaît que le terme de polyphonie, très utilisé en linguistique et en littérature, mérite d’être confronté à son sens premier, mais aussi que l’œuvre de Michel Butor, par son aspiration vers la musique, est peut-être le champ idéal pour tester la validité de ce concept. Nous allons donc revenir dans un premier temps sur le sens originel – musical, bien sûr – de la polyphonie ; puis à partir d’exemples empruntés à Michel Butor nous tenterons d’en vérifier la validité.

2. La polyphonie : un transfert conceptuel de la musique aux lettres

2. 1. En musique

12La polyphonie naît vers le IXe siècle dans la musique religieuse ; elle succède à la monodie pratiquée dans le chant grégorien comme dans la chanson de tous les jours. Au départ, elle prend la forme de l’organum ; elle est une manière d’orner le chant ecclésiastique grégorien en improvisant une, puis plusieurs voix de contrepoint à partir d’une mélodie préexistante : le contrepoint est une « superposition de lignes mélodiques distinctes et interdépendantes12 ». La polyphonie13 est d’ailleurs alors synonyme de contrepoint (de point contre point, de note contre note) : la voix ajoutée, la vox organalis, doit être consonante avec la voix préexistante, la vox principalis. Il ne s’agit évidemment pas de produire une cacophonie avec deux chanteurs qui chanteraient chacun leur chant : il s’agit de produire plusieurs voix en même temps, mais plusieurs voix consonantes ou en harmonie entre elles, donc interdépendantes. La polyphonie mène d’ailleurs à la tonalité harmonique : les notes s’empilent, créent des accords qui forment un système.

13La consonance n’exclut pas la dissonance : l’évolution de chacune des voix dans leur mélodie propre provoque des rencontres parfois surprenantes, des dissonances, mais celles-ci sont résolues dans l’accord suivant qui doit être consonant. La notion d’imitation est également fondamentale : cette imitation est très importante à la naissance de la polyphonie, où la seconde voix est souvent calquée, à la quarte ou à la quinte, sur la voix principale ; elle la suit de manière parallèle ou contraire ; par la suite, dans les genres plus élaborés comme la fugue, l’imitation devient beaucoup plus complexe, et même virtuose, et s’exprime par le retour de motifs, les effets d’échos d’une voix à l’autre ; les voix deviennent relativement indépendantes les unes des autres, mais doivent obéir aux règles du contrepoint et demeurer consonantes, liées par une même tonalité.

14On peut donc définir la polyphonie comme « La superposition de deux ou plusieurs lignes mélodiques simultanées se déroulant de façon homogène tout en gardant chacune son caractère particulier14 ». La polyphonie offre deux caractéristiques essentielles exposées dans les traités de contrepoint depuis le Moyen Âge et que résume ainsi Nicolas Meeùs : « le rapport d’interdépendance des voix et la gestion de l’alternance des consonances et des dissonances15 ».

15Au fil des siècles, la polyphonie devient de plus en plus complexe : si l’organum triomphe du XIe au XIIIe siècle, à deux voix, puis trois, il est remplacé par le motet à deux, trois ou quatre voix qui se multiplie à la Renaissance, où l’on peut dire que la plupart des œuvres sont au moins à 4 voix. Un point historique très intéressant pour nous est la présence de « polylinguisme » dans le motet, par exemple chez Pérotin : les différents chanteurs peuvent chanter en différentes langues, ainsi la teneur (chantée au ténor) qui est le nom donné à l’ancienne vox principalis peut être en latin, et les autres voix en français. 

16Au XVIe siècle, l’œuvre de Palestrina constitue l’apogée de la maîtrise du contrepoint : la conduite des différentes voix, la gestion des consonances et des dissonances, l’organisation rythmique et métrique rigoureuse pour que les voix ne se décalent pas l’une par rapport à l’autre aboutissent à une polyphonie parfaite16.

17Observons deux exemples de polyphonie virtuose en musique. 

18Le premier (figure 1) est le Deo gratias de Johannes Ockegem (vers 1410-1497), maître dans l’art polyphonique dans ses messes, notamment la Missa cujusvistoni et la Missa prolationum17.

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Figure 1 : Johannes Ockegem Deo gratias

19Le Deo gratias à 36 voix est un quadruple canon à neuf voix, attribué sans certitude à Ockeghem. Il s’agit donc d’une forme simple de polyphonie avec le canon ; celui-ci offre une imitation parfaite, puisque les voix sont totalement identiques (les 9 voix de sopranos, les 9 voix d’altos etc.) ; cependant la mélodie choisie pour le canon doit répondre à des impératifs harmoniques, sinon elle ne pourra pas être consonante avec elle-même. Le rapport entre les quatre voix (soprano – alto – ténor – basse) est bien celui de quatre voix différentes mais consonantes.

20L’ingéniosité de la version de « The Hilliard Ensemble » sur youtube18, c’est de montrer l’entrée de chacune des voix, mais aussi l’imitation (c’est le même chanteur apparemment qui chante les neuf voix de soprano, puis un autre chanteur pour les 9 voix d’alto, et ainsi de suite ; bien sûr, seul l’enregistrement permet de souligner ainsi l’imitation du canon).

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Figure 2: Thomas Tallis, Spem in alium: « humilitatem nostram »

21Le deuxième exemple est Spem in alium (1573), un très célèbre motet de Thomas Tallis à 40 voix, mais cette fois-ci 40 voix toutes différentes. Les chanteurs sont répartis en 8 chœurs de 5 voix (l’une des voix pouvant être tenue par un instrument, sinon le motet reste a cappella). Ainsi, la polyphonie mène à la polychoralité19. Le morceau alterne des tutti spectaculaires où 40 chanteurs suivent chacun leur ligne mélodique tout en restant bien sûr dans l’harmonie générale (figure 2 : « humilitatem nostram »), ou bien se retrouvent en homorythmie (figure 3 : « respice ») ; et des moments plus intimistes où seuls quelques chœurs chantent ensemble (figure 4 : « creator cæli et terræ »).

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Figure 3: Thomas Tallis, Spem in alium: « respice »

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Figure 4 : Thomas Tallis, Spem in alium: « creator cæli et terræ »

22La spatialisation ajoute encore à la fascination du spectateur. Inutile de dire qu’excepté dans les tutti homorythmiques, le texte est quasiment inaudible pour le spectateur ! On notera également que la notion de polyphonie n’implique pas nécessairement que les voix chantent toutes en même temps ; bien souvent, un aspect dialogal est présent, comme on le voit sur le troisième exemple de Spem in alium (« creator cæli et terræ »). On a ici l’exemple extrême d’un morceau à 8 chœurs, assez rare, mais la disposition en double chœur20, très en vogue aux XVIe et XVIIe siècles notamment à la basilique Saint Marc qui offre deux tribunes pour deux orgues et deux chœurs, favorise ce dialogue des différents chœurs.

23On voit alors le dialogue des deux chœurs l’un avec l’autre ; mais il peut aussi s’agir, bien entendu, du dialogue de chacune des voix l’une avec l’autre ou les autres. Plus le dispositif est nombreux (double chœur SATB = 8 voix), plus les configurations ingénieuses s’enchaînent : le chœur 2 répond au chœur 1, les sopranes 1 et 2 chantent ensemble et répondent aux basses 1 et 2, un trio émerge d’un chœur ou des deux chœurs à la fois... Ce dialogue enrichit la polyphonie, qui ne nécessite pas forcément, loin de là, que toutes les voix chantent toujours toutes ensemble.

24Ce que l’on retiendra de ce survol de la polyphonie musicale, c’est que la polyphonie ne peut être hâtivement définie comme la coprésence de plusieurs voix. Il est impératif de souligner que ces voix sont en imitation les unes des autres, et qu’elles sont consonantes : ainsi, un réseau de relations microstructurales maille le matériau sonore. L’aspect dialogal compte, comme interrelation de toutes ces voix les unes avec les autres. On note aussi que la polyphonie ne s’oppose pas qu’à la monodie en tant que chant à une seule voix : la mélodie accompagnée c’est-à-dire une ligne mélodique principale et un accompagnement à la basse continue, s’oppose aussi à la polyphonie21. C’est donc que l’égalité des voix est importante et recherchée dans la polyphonie.

2.2. En littérature et en linguistique

25En littérature, le concept de polyphonie a gardé de la musique l’idée de la superposition de plusieurs voix à l’intérieur d’un même énoncé. Toutefois, l’imitation des voix, leur indépendance en même temps et leur coexistence dans l’espace temporel ne semblent pas pouvoir être retranscrites, sinon métaphoriquement, dans le langage verbal – un lecteur ne lit jamais qu’une ligne à la fois, même si certains mots, certains segments renvoient, pour le locuteur et l’interlocuteur, à une autre énonciation.

26On peut reprendre les définitions suivantes de la polyphonie d’après Bakhtine (1), puis d’après Ducrot (2) :

1. La théorie de la polyphonie a été formulée par Bakhtine à propos d’un certain type d’œuvres romanesques, en particulier les romans de Rabelais et de Dostoïevski. En conformité avec le champ musical auquel il est emprunté par métaphore, la polyphonie consiste à faire entendre la voix d’un ou plusieurs actants aux côtés de la voix du narrateur avec laquelle elle s’entremêle d’une manière particulière.
Les différentes voix sont mises sur un pied d’égalité dans l’œuvre littéraire polyphonique, contrairement au discours quotidien qui fait apparaître une hiérarchie des sources énonciatives.
Le roman polyphonique se caractérise ainsi, d’une part, par une multiplicité de voix indépendantes et, d’autre part, par l’interaction entre les différentes voix […].
2. Le concept de polyphonie a été étendu par Ducrot (1984), qui use de ce terme là où Bakhtine parlait de dialogisme. Comme le principe dialogique et le concept d’hétérogénéité énonciative, la théorie polyphonique de l’énonciation remet en cause l’unité du sujet parlant, c’est-à-dire le fait que chaque énoncé ne puisse être rapporté qu’à un seul énonciateur, identifié au locuteur (oral ou écrit), celui qui dit je, qui est responsable de ce qu’il énonce22.

27On peut donc considérer, pour schématiser, que le rapport du mot aux autres mots, le dialogisme, qui intéresse les linguistes, a pour équivalent en littérature le rapport d’un énoncé aux autres énoncés, explicites ou implicites, antérieurs ou postérieurs, avec lesquels il entre en dialogue – ce qu’on nomme par métaphore la polyphonie. La polyphonie apparaît donc comme constitutive de phénomènes divers où s’entend la voix d’autres énonciateurs que le locuteur : cela va de l’interaction du narrateur avec l’auteur, du narrateur avec ses personnages notamment dans les discours rapportés directs ou indirects ; à la présence dans l’énoncé de discours sociaux pastichés ou parodiés, d’éléments de la doxa (lieux communs, stéréotypes), d’autres genres littéraires (lettres ou poèmes insérés dans des romans par exemples) ; en passant bien sûr par les phénomènes de citation et d’ironie, éventuellement signalés par les guillemets, les italiques…

28Or, dans tous ces phénomènes, on rencontre bien un seul énoncé, même s’il peut être interprété comme relevant de plusieurs énonciations différentes – alors qu’en musique, chaque ligne mélodique est un énoncé en soi, imputable à un énonciateur particulier, et ces énoncés sont indépendants tout en étant superposés, ce que le langage verbal ne peut faire23.

29Comme les voix ne sont pas lisibles simultanément sur la page, la question de l’imitation est problématique également et semble n’avoir pas de sens dans la « polyphonie » littéraire. Pour ces raisons, on peut préférer les appellations d’intertextualité, d’hétérogénéité énonciative ou de dialogisme à celle de polyphonie – métaphore musicale finalement peu opérationnelle24.

3. L’écriture polyphonique

30Avec les livres de Butor, les choses sont cependant différentes : la mise en page qui rapproche certains de ses livres de livres-partitions, et la présence des différentes voix narratives étalées sur cette page, plaident en faveur d’une description de ces livres comme livres polyphoniques.

31Michel Butor n’a pas inventé le livre-partition : dès la fin du XIXe siècle, Mallarmé, avec Un coup de dés jamais n’abolira le hasard25, dispose ses vers sur la double page, démultiplie les lignes grâce à l’utilisation des différents caractères typographiques (romains, italiques, gras, lettres capitales) et permet à l’œil de se frayer différents chemins de lecture : poème à voir, certes, mais comme la partition musicale dans laquelle l’œil aguerri peut lire simultanément différentes voix simultanées. Guidé par la typographie, l’œil embrasse la double page entière au lieu de suivre linéairement une ligne unique (monodique pourrait-on dire). Michel Butor reprend les principes mêmes de Mallarmé à des degrés divers dans plusieurs de ses livres des années 1960 : Mobile (Gallimard, 1962), Réseau aérien (Gallimard, 1962), Description de San Marco (Gallimard, 1963), et surtout 6 810 000 litres d’eau par seconde (Gallimard, 1965).

32Nous nous intéresserons ici à 6 810 000 litres d’eau par seconde qui est sous-titré « étude stéréophonique ». Conçu pour la radio, l’œuvre est également pensée comme livre à lire, à la manière d’une partition, puisque la première page s’adresse aux « lecteurs » et leur propose différentes manières de lire l’œuvre :

Les lecteurs pressés prendront la voie courte en sautant toutes les parenthèses et tous les préludes.
Les lecteurs moins pressés prendront la voie longue sans rien sauter.
Mais les lecteurs de ce livre s’amuseront à suivre les indications sur le fonctionnement des parenthèses et à explorer peu à peu les huit voies intermédiaires pour entendre comment, dans ce monument liquide, le changement de l’éclairage fait apparaître nouvelles formes et aspects26.

33Les termes employés, comme on le voit, semblent proposer une lecture synesthésique du texte, qui allie aspects visuels (la « voie » – homophone de la voix –, « l’éclairage ») et auditifs (« pour entendre comment »). La page suivante indique « deux voix au centre, celle du speaker, fort, celle du lecteur, assez fort27 ». Il est cette fois-ci bien question de voix, d’abord au nombre de deux dans le premier chapitre intitulé « avril », puis, plus nombreuses avec l’entrée d’autres personnages en imitation, comme dans toute polyphonie. En outre, ces voix sont spatialisées sur la page – comme les chœurs dans les cori spezzatti.

34La première voix, celle du speaker, qui est écrite en caractères gras, pose le sujet de l’œuvre : il s’agit d’une description des chutes du Niagara, autrefois visitées et décrites par Chateaubriand, à l’époque actuelle. Le speaker décrit les lieux, évoque les nombreux jeunes mariés qui s’y rendent en voyage de noces, et le commerce des objets souvenirs autour des chutes. La deuxième voix, celle intitulée « lecteur » représente précisément la voix de Chateaubriand : sont cités en italiques des extraits de l’Essai historique, politique et moral sur les Révolutions anciennes et modernes considérées dans leurs Rapports avec la Révolution française (1797) ainsi que d’Atala (1801). Ce qui est intéressant, c’est que Chateaubriand a réutilisé son premier texte pour écrire le second, un peu plus synthétique (il fait presque la moitié du premier), comme le montre l’exemple des trois premières phrases :

Elle est formée par la rivière Niagara, qui sort du lac Érié et se jette dans l’Ontario. À environ neuf milles de ce dernier lac se trouve la chute : sa hauteur perpendiculaire peut être d’environ deux cents pieds. Mais ce qui contribue à la rendre si violente, c’est que, depuis le lac Érié jusqu’à la cataracte, le fleuve arrive toujours en déclinant par une pente rapide, dans un cours de près de six lieues ; en sorte qu’au moment même du saut, c’est moins une rivière qu’une mer impétueuse, dont les cent mille torrents se pressent à la bouche béante d’un gouffre.
Elle est formée par la rivière Niagara, qui sort du lac Érié, et se jette dans le lac Ontario ; sa hauteur perpendiculaire est de cent quarante-quatre pieds. Depuis le lac Érié jusqu’au Saut, le fleuve accourt, par une pente rapide, et au moment de la chute, c’est moins un fleuve qu’une mer, dont les torrents se pressent à la bouche béante d’un gouffre28.

35Ainsi, les deux textes sont déjà dans un rapport d’imitation, le second reprenant les éléments du premier aussi bien dans le fond que dans la forme, mais de manière synthétique, à la manière d’une strette en musique. Or Michel Butor, citant ces deux textes, les mêle de plus en plus au fil des douze chapitres ; en outre, il répète à de nombreuses reprises ces textes à l’intérieur d’un même chapitre, ce qui crée un effet de canon – des voix identiques partant les unes après les autres en imitation et en décalage :

puis se déroule en nappe de neige qui pend creusée en dessous et brille au soleil de toutes les couleurs du prisme […]
avec tous ses sapins, qui pend avec tous ses sapins sur le chaos des ondes, […]
celle qui tombe au nord sur le chaos des ondes […]
la masse du fleuve descend dans une ombre effrayante,
la masse du fleuve se précipite comme une colonne d’eau du déluge, […]
qui se précipite, au midi se bombe et s’arrondit comme un vaste cylindre […].
29

36Le canon est une des formes polyphoniques les plus simples, puisque les voix se répètent telles quelles, comme on l’a vu dans l’exemple d’Ockeghem. Cependant il en existe des variétés plus complexes que Michel Butor maîtrise très bien :

II y a là un phénomène comparable à ce qu’on appelle en musique un contrepoint en augmentation ; dans un canon normal, vous avez une première voix qui chante une partie et, après un certain décalage, une seconde voix chante la même partie. Vous avez une première variété qui donne des effets complètement différents : au lieu que la seconde partie reproduise la mélodie de la première, elle va la reprendre à l’envers. Chaque fois que le soprano montera, l’alto va descendre. Il y a, dans l’Art de la fugue, des exemples classiques de cela. Vous pouvez avoir bien d’autres choses : vous pouvez avoir la première mélodie, qui est en noires, qui va être superposée à la même mélodie, mais dans un temps double, chaque noire devenant une blanche, et ainsi de suite30.

37Tous ces effets trouvent leur équivalent verbal dans la manière dont Butor introduit les textes de Chateaubriand : la rétrogradation consiste à présenter un texte dans l’ordre inverse, de la fin vers le début ; Butor s’y livre dans 6 810 000 litres d’eau par seconde ; quand aux augmentations ou aux diminutions de la durée des notes, elles peuvent trouver un équivalent dans la manière dont Butor découpe le texte de Chateaubriand (en segments très courts, de quelques mots, ou plus longs, de plusieurs phrases) et le répète dans ses voix multipliées.

38À ces deux voix principales (le speaker et le lecteur), qui forment la « teneur » du livre, si l’on reprend la métaphore musicale, s’ajoutent des voix des personnages par paires, puisqu’il s’agit de couples américains de jeunes mariés le plus souvent, ou d’autres personnages éventuellement. Les conversations que ces personnages ont deux par deux, se mêlent et s’intercalent les unes entre les autres : manière pour Michel Butor de tenter de représenter la simultanéité des voix. De la même façon que certains peintres essayent d’exprimer la successivité en plaçant dans les différents espaces d’un même tableau des événements successifs de la vie d’un héros, de même Michel Butor place sur l’espace de la page les différentes voix censées être simultanées dans la polyphonie : il n’est pas possible à l’art verbal de superposer réellement plusieurs voix, l’écrivain ne peut que s’en approcher par des artifices visuels. Le fait que les personnages dialoguent deux par deux, mais que leurs conversations semblent toutes similaires, permet de créer l’interdépendance dialogale nécessaire dans toute polyphonie.

39Nulle part ne se rencontre de narrateur : le livre ne présente que des voix sans narrateur qui les introduise, c’est pourquoi on peut parler d’une égalité des voix et donc d’une polyphonie ; ce qui serait plus délicat, en tout cas moins conforme au sens originel du mot, dans une forme romanesque où le narrateur domine ses personnages.

40Enfin, dans certaines sections du livre, apparaissent d’autres sons, d’autres bruits, par exemple :

– déclics de portillons –
– halètements –
– soupirs –
[…] – airs de danses –
– gouttes d’eau –
– foules –
[…] – crissements –
– cris de carcajous –
– cris d’aigles – 31

41Ces bruits accompagnent les voix humaines à la manière d’un continuo.

4. « Noël au Niagara »

42Étudions à présent un extrait de 6 810 000 litres d’eau par seconde afin d’observer comment les différentes voix du speaker, du lecteur et des personnages s’entremêlent pour donner l’illusion de la polyphonie. Il s’agit de la « dernière parenthèse de décembre », aux pages 208 à 210, qui est représentative de l’ensemble du livre. On y retrouve le lecteur, dont les textes en italiques offrent en fait trois voix de Chateaubriand : la première est celle de L’Essai sur les révolutions, et possède la particularité de fonctionner à rebours, depuis la page 210 (« Et se jette dans l’Ontario ») jusqu’à la page 209 (« La cataracte se divise en deux branches… »). Les deux autres voix reprennent le texte d’Atala, mais là encore à rebours, et en outre elles sont entremêlées. Elles reforment ainsi de nouvelles phrases, comme « et des carcajous au levant descendent dans une ombre effrayante, on dirait une colonne d’eau du déluge », qui mêle « et des carcajous se suspendent » avec « celle qui tombe au levant descend dans une ombre effrayante » ; on note que Butor a accordé le verbe « descendre » avec « des carcajous » pour donner un sens étonnant à la collision des deux phrases d’Atala. On note aussi que le texte de Chateaubriand est modifié dans « brillent au clair de lune » qui a remplacé le texte original « brillent au soleil », sans doute pour s’adapter à l’ambiance de la double page : comme le titre, « Noël au Niagara », l’indique, il s’agit d’une évocation de la nuit de Noël et l’atmosphère nocturne est soulignée à plusieurs reprises.

43Un deuxième personnage, le speaker, assume une nouvelle voix (la deuxième si l’on veut, ou plutôt la quatrième puisqu’on a retrouvé trois fois le texte de Chateaubriand). Écrite en caractères gras, elle évoque l’ambiance de cette nuit de réveillon (les arbres de Noël, les églises, les restaurants) puis, dans un mouvement de reflux, l’activité humaine qui s’arrête (« Les églises se ferment. Les couples se défont. Les lumières s’éteignent »). Cette voix – comme celles de Chateaubriand – se caractérise par sa cohésion thématique et formelle : elle semble suivre son idée, ce que l’on remarque aussi bien par les reprises thématiques (« la danse. La nuit. Les danseurs qui se lassent ») que par les échos sonores (l’homéotéleute dans « les danseurs qui se lassent. Charriant des blocs de glace, franchissant des ponts de glace ») ou les parallélismes syntaxiques (« Les églises se ferment. Les couples se défont. Les lumières s’éteignent »).

44Enfin, quatre personnages parlent également, comme dans chaque chapitre, des touristes américains. Contrairement à ce qui se passe dans les précédents chapitres, les personnages ne sont pas des couples de jeunes ou vieux mariés en voyage de noces au Niagara ; il s’agit de personnages isolés, qui vont cependant par paires puisque Nelly et Milton sont tous deux veufs, tandis que Liddy et Kent sont une jeune femme et un jeune homme « solitaires »32. Les paroles des quatre personnages se font donc écho, on peut dire qu’elles ont la même tonalité, le ton triste et désespéré des solitaires. Liddy et Kent, bien que soliloquant, se répondent (« et je m’en retourne dans la nuit noire » / « et je me renferme dans ma propre nuit noire »), de même que Nelly et Milton (« Avec elle autrefois, mais c’était dans une autre saison » / « Avec lui autrefois dans cette neige »).

45Nous entendons donc huit voix indépendantes les unes des autres, et que la présentation sur la page ne peut pas rendre simultanées, puisque c’est impossible à l’art verbal. Ces voix sont bien égales en importance, comme dans la polyphonie ; surtout, elles entrent en résonance les unes avec les autres, créant un ensemble harmonieux, homogène, cohérent, rempli d’échos, de consonances, propre à créer une impression de polyphonie. La notion de polyphonie rencontre ici celle de cohésion en grammaire de texte, « qui comprend les procédés de continuité textuelle : aussi bien l’anaphore, la répétition, l’ellipse, la continuité thématique, que les connecteurs33 ». Dans notre extrait, bien que les voix soient autonomes, des réseaux syntaxiques et sémantiques assurent la cohésion textuelle.

46Ainsi, au niveau lexical, on observe de nombreuses répétitions, par exemple le mot « neige » qui passe de la voix du lecteur à celle de Nelly, ou encore le verbe « pressent » qui passe encore de la voix du lecteur à celle de Liddy. Les personnages, on l’a vu, reprennent presque systématiquement leurs voix en écho, mais peuvent aussi, par antithèse, en proposer une inversion :

Je hais cette nuit / je hais tous ces bruits nouveaux qui la repoussent dans son ombre, dans son oubli / comme il aurait aimé ces nouveaux bruits qui m’aident à la tirer de l’ombre !34

47Les isotopies servent aussi à établir des liens étroits entre les différentes voix, associant par exemples « d’immenses arbres de Noël couverts de girandoles multicolores » du speaker à « se suspendent mille arcs-en-ciel » du lecteur ; ou encore « Jaillissant des eaux, m’entraînant » de Nelly à « c’est moins une rivière qu’une mer impétueuse » du lecteur. Ce phénomène se retrouve partout, associant toutes les voix pourtant bien différentes au départ en un concert de voix harmonieux.

48Cela passe également, bien entendu, par le niveau syntaxique ; les segments de phrase, grâce au collage, créent de nouvelles phrases parfois inattendues, comme dans ces enchaînements :

En sorte qu’au moment même du Saut / Nageuse, elle qui de sa vie n’avait nagé, sa tête émergeant des eaux de l’oubli, sa chevelure se déployant, immense…/ dans un cours de près de six lieues
Le fleuve arrive toujours /
charriant des blocs de glace / jusqu’à la cataracte / franchissant des ponts de glace35

49Ces enchaînements peuvent être soulignés par la présence du connecteur « et » qui permet de lier les différentes voix entre elles :

Et je m’en retourne dans la nuit noire / et des carcajous au levant descendent…
Roule, me roule dans son sommeil et dans sa pluie et dans sa neige et dans sa grêle et dans sa banquise qui me brûle… / Et se jette dans l’Ontario / Et rejaillit grande fumée d’hiver qui me roule…36

50La conjonction de coordination permet également de rythmer le texte.

51Tous ces moyens, que nous avons trop rapidement survolés, tendent à transformer en un texte cohérent et homogène ce qui aurait pu n’être qu’une accumulation disparate de voix ; de la même façon qu’en musique, les voix doivent impérativement s’harmoniser et appartenir à la même tonalité afin de créer un sentiment de polyphonie et non de cacophonie.

5. Pour conclure

52Dans les limites de cet article, nous n’avons pas pu mettre à l’épreuve cette notion de polyphonie dans les autres livres de Michel Butor. Il aurait fallu regarder comment, dans Description de San Marco, s’entrelacent les voix des touristes et celle du narrateur-descripteur ; de la même façon, dans Mobile, les Etats-Unis sont donnés à découvrir au travers d’un collage de voix diverses. On aurait pu également revenir sur les voix narratrices dans les premiers romans de Michel Butor.

53Dans tous les cas, ce qui nous semble important, si l’on ne veut pas que la notion de « polyphonie » soit totalement déconnectée de sa définition musicale, c’est de montrer non seulement l’égalité des voix, mais aussi leur consonance qui permet de créer l’harmonie, et leur interrelation. Réduire la notion de polyphonie à la simple relation de coprésence de plusieurs voix narratives voire à la substitution d’une voix à un autre, ne peut être satisfaisant pour le chercheur, et c’est ce qui pousse certains linguistes comme J. Bres37 à lui préférer le terme de dialogisme. On peut cependant avoir conscience des différences irréductibles entre les langages artistiques, mais chercher à saisir ce qui peut les rapprocher, ou encore ce qui est comparable ou parallèle dans ces différents médias.

Notes de bas de page numériques

1 Cela transparaît d’ailleurs dans plusieurs thèses récentes consacrées à Michel Butor, notamment Marion Coste, Une Leçon de musique donnée aux mots : ruser avec les frontières dans l’œuvre de Michel Butor, Université Sorbonne Paris Cité, 2015, et Gisèle Leyicka Bissanga. Michel Butor : du roman à l’effet romanesque, Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2014.

2 Lucien Giraudo, Michel Butor, le dialogue avec les arts, Villeneuve d’Asq, Presses Universitaires du Septentrion, 2006, p. 10 : « […] on peut rappeler que les œuvres en collaboration comptent plus d’un millier de titres, nombre exorbitant dépassant largement les œuvres littéraires disponibles en librairie […]. »

3 Notamment Jean-Yves Bosseur et Henri Pousseur.

4 Michel Butor, Improvisations sur Michel Butor, Paris, La Différence, 1993, p. 270.

5 Europe n° 943-944, novembre-décembre 2007, p. 77-90.

6 Michel Butor, Œuvres complètes II : Répertoire I, La Différence, 2006, p. 393.

7 Mathilde Vallespir, « Stylistique littéraire, musique et "veille" sémiotique : l’exemple de l’ironie », Musurgia XXIII n° 1-3, 2016, p. 13-25.

8 Le colloque « Dialogisme, polyphonie : approches linguistiques » a eu lieu à Cerisy-la-Salle en 2004 et a été publié l’année suivante : Jacques Bres, Patrick Pierre Haillet, Sylvie Mellet, Henning Nølke, Laurence Rosier (dir.), Dialogisme et polyphonie. Approches linguistiques, De Boeck Duculot, 2005.

9 Aleksandra Nowakowska, « Dialogisme, polyphonie : des textes russes de M. Bakhtine à la linguistique contemporaine », Dialogisme et polyphonie. Approches linguistiques, p. 19-32.

10 Laurence Rosier, « Méandres de la circulation du terme polyphonie », Dialogisme et polyphonie. Approches linguistiques, p. 33-46, ici p. 33-34.

11 Laurence Rosier, « Méandres de la circulation du terme polyphonie », p. 37.

12 Claude Abromont et Eugène de Montalembert (dir.), Guide de la théorie de la musique, Fayard, 2001, p. 534.

13 Le mot lui-même, selon Françoise Ferrand (« La polyphonie, de ses débuts à la fin du 13e siècle », Histoire de la musique occidentale, sous la direction de Jean & Brigitte Massin, Fayard, 1985, p. 214-224) n’est attesté qu’à partir du XIVe siècle et ne s’impose réellement qu’au XVIIIe siècle).

14 Françoise Ferrand, « La polyphonie, de ses débuts à la fin du 13e siècle », p. 214.

15 Nicolas Meeùs, « Polyphonie, harmonie, tonalité », Musiques, une encyclopédie pour le XXIe siècle, sous la direction de Jean-Jacques Nattiez, Actes Sud / cité de la musique, 2004, tome 2, p. 118.

16 Voir N. Meeùs, « Polyphonie, harmonie, tonalité », p. 120.

17 La première, comme son nom l’indique (« dans le ton que tu veux »), peut être transposée dans n’importe quel ton. La seconde ne comprend que deux voix, mais rythmées différemment elles en donnent quatre. On voit toute la virtuosité de l’écriture d’Ockeghem.

18 https://www.youtube.com/watch ?v =91jag9yqiqE

19 La polychoralité, en italien cori spezzatti (« chœurs brisés »), consiste à utiliser l’espace acoustique en déployant la polyphonie en plusieurs chœurs.

20 Un double chœur SATB représente déjà 8 voix.

21 Voir Claude Abromont et Eugène de Montalembert (dir.), Guide de la théorie de la musique, p. 544.

22 Aleksandra Nowakowska, article « polyphonie », Termes et concepts pour l’analyse du discours, C. Détrie, P. Siblot, B. Verine (dir.), Paris, Champion, 2001, p. 256.

23 Mathilde Vallespir partage cette opinion : « […] attribuer au langage la capacité d’être polyphonique, c’est lui conférer une possibilité sémiotique qu’il n’a pas. […] le langage repose pour sa part sur une chronosyntaxe à signes non simultanés. La superposition de plusieurs voix est donc à proprement parler impossible dans le langage verbal ; une telle superposition fait en effet entrave à la dimension communicationnelle de ce dernier. » (« Stylistique littéraire, musique et “veille” sémiotique : l’exemple de l’ironie », p. 17).

24 On peut penser cependant qu’un des intérêts de cette métaphore est d’avoir mis l’accent sur la problématique de la voix, qui questionne toute la modernité notamment (voir Dominique Rabaté, Poétiques de la voix, José Corti, 1999, p. 7).

25 Stéphane Mallarmé, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, [1897], NRF, 1914. Voir l’étude de Florent Albrecht : « Livre musical et partition littéraire : le Coup de dés, poème asymptotique ? », Cahiers Stéphane Mallarmé n° 3, 2006, p. 5-19. Dominique Hasselmann parle également de « partition » à propos de Description de San Marco (« Michel Butor / Une partition littéraire – Traversée du livre Description de San Marco de Michel Butor (Gallimard, 1963) », https://remue.net/cont/Butor_musique.html ).

26 Michel Butor, 6 810 000 litres d’eau par seconde, Gallimard, 1965, p. 10.

27 Michel Butor, 6 810 000 litres d’eau par seconde, Gallimard, 1965, p. 11.

28 Les deux extraits de Chateaubriand cités par Michel Butor peuvent être retrouvés dans Atala, Œuvres complètes, tome XVI, Paris, Ladvocat, 1826, p. 129-130 ; Essai historique sur les révolutions anciennes et modernes, Œuvres complètes, tome 1, Paris, Firmin Didot, 1842, p. 383.

29 Michel Butor, 6 810 000 litres d’eau par seconde, Gallimard, 1965, p. 81-82.

30 Michel Butor, « Propos sur l’écriture et la typographie », Communication et langages n° 13, 1972, p. 27.

31 Michel Butor, 6 810 000 litres d’eau par seconde, Gallimard, 1965, p. 236.

32 Voir page 199.

33 Anne Herschberg-Pierrot, Stylistique de la prose, Belin, 2003, p. 231.

34 Michel Butor, 6 810 000 litres d’eau par seconde, Gallimard, 1965, p. 208-209.

35 Michel Butor, 6 810 000 litres d’eau par seconde, Gallimard, 1965, p. 209-210.

36 Michel Butor, 6 810 000 litres d’eau par seconde, Gallimard, 1965, p. 208-210.

37 Jacques Bres, « Savoir de quoi on parle : dialogue, dialogal, dialogique ; dialogisme, polyphonie… », in Jacques Bres, Patrick Pierre Haillet, Sylvie Mellet, Henning Nølke, Laurence Rosier (dir.), Dialogisme et polyphonie. Approches linguistiques, De Boeck Duculot, 2005, p. 47-61.

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Corpus

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Pour citer cet article

Anne Claire Gignoux, « Michel Butor, une écriture polyphonique », paru dans Loxias, 60., mis en ligne le 13 mars 2018, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=8922.


Auteurs

Anne Claire Gignoux

Professeur agrégé à l’Université Jean Moulin Lyon 3, Laboratoire Marges, a publié une thèse sur le Nouveau Roman (La Récriture : formes, enjeux, valeurs – Autour du Nouveau Roman, PUPS, 2003), et plusieurs articles sur Michel Butor, consacrés notamment aux rapports de celui-ci avec la musique : « L’ekphrasis musicale. Étude du Dialogue avec 33 variations de Beethoven sur une valse de Diabelli », in Dix-huit Lustres, Hommages à Michel Butor, dir. A. Biglari et H. Desoubeaux, Garnier, 2016, p. 359-373 ; « Une structure musicale : les romans de Michel Butor », Europe n° 943-944, nov.-déc. 2007, p. 77-90.