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Cécile Brochard  : 

Être ou ne pas être Indien ? Reservation Blues de Sherman Alexie, ou l’identité irréductible

Résumé

Dans Reservation Blues de Sherman Alexie, l’appartenance à la culture amérindienne se fait au carrefour de nombreux paradoxes. Au-delà de la lutte idéologique ou identitaire à laquelle les auteurs amérindiens sont souvent réduits, Sherman Alexie nous invite à considérer la notion d’identité amérindienne, ses limites mais aussi son existence même. Irréductible à toute définition mais impossible à éviter, cette identité amérindienne oscille dans le roman entre fantasmes naïfs, refus des stéréotypes au profit d’une réalité sociale brute (notamment l’alcoolisme dans les réserves), revendication ou au contraire rejet d’une singularité et d’une exception indiennes. Le roman de Sherman Alexie place ainsi ses personnages et, du même coup, ses lecteurs, face à l’aporie que constitue toute individualité lorsqu’elle tente d’être circonscrite.

Abstract

This article will analyse Sherman Alexie’s Reservation Blues through the notion of identity. At the same time irreducible and unsolvable, the supposedly “Native American identity” is questioned in Sherman Alexie’s novel, even if it cannot be apprehended. Just as the symbol of the crossroad opening the novel, this identity is characterised by paradoxes, torn between stereotypes and deep social and human misery, between individual claim and communitarianism, between the weight of the past and the yearning for living.

Index

Mots-clés : Alexie (Sherman) , identité indienne, littérature amérindienne

Géographique : États-Unis

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

You ain’t really Indian unless there was some point in your life

that you didn’t want to be.

Sherman Alexie, Reservation Blues

1Dans l’œuvre de Sherman Alexie, l’appartenance à la culture amérindienne se fait au carrefour de nombreux paradoxes, depuis le besoin de se réapproprier un territoire et une langue spoliés jusqu’à la réflexion, parfois ironique, sur l’existence d’une identité amérindienne aujourd’hui. Au-delà de la lutte idéologique ou identitaire à laquelle les auteurs amérindiens sont souvent réduits, Sherman Alexie réfléchit à l’identité autochtone et, ce faisant, parvient à toucher massivement un lectorat international. C’est pourquoi Reservation Blues nous invite à considérer la notion d’identité amérindienne, ses limites mais aussi son existence même. Irréductible à toute définition mais impossible à éviter, cette « identité1 » indienne oscille dans le roman entre fantasmes naïfs, refus des stéréotypes au profit d’une réalité sociale brute (notamment l’alcoolisme dans les réserves), revendication ou au contraire rejet d’une singularité et d’une exception indiennes. Le roman de Sherman Alexie interroge ainsi l’existence de cette identité indienne et place ses personnages et, du même coup, ses lecteurs, face à l’aporie que constitue toute individualité lorsqu’elle tente d’être circonscrite. Entre d’un côté la vision pittoresque de l’Indien véhiculée par des Blancs en quête d’un mysticisme naïf et de l’autre, la révolte des descendants de Wounded Knee, le roman de Sherman Alexie examine avec humour cette impossible appréhension identitaire. C’est précisément l’irréductibilité de tout être humain et partant, de toute communauté, qui se trouve affirmée tout au long d’un texte dont la simplicité apparente recèle en réalité de profonds enjeux culturels et éthiques. Loin de revenir dans le passé, de se réfugier dans l’indigénisme ou dans le manichéisme stérile, Reservation Blues interroge la possibilité qu’ont des cultures et des peuples séculairement niés par les institutions politiques coloniales d’exister aujourd’hui sur la scène littéraire internationale.

2C’est à travers la notion de carrefour que nous envisagerons l’identité irréductible mise en scène dans Reservation Blues, tant il est vrai que le carrefour possède un rôle essentiel dans le roman, aussi bien d’un point de vue narratif que dans une perspective symbolique. En effet, le roman s’ouvre sur l’arrivée d’un mystérieux personnage noir dans la réserve indienne Spokane. Accompagné de sa guitare, le vieil homme fatigué s’arrête à un croisement, rencontre le héros du roman, Thomas Builds-the-Fire, et lui confie la raison de sa présence. De carrefour en carrefour, il marche à la recherche d’une vieille femme dont il a rêvé, une medicine woman susceptible de l’aider à se débarrasser du mal qui le ronge depuis une certaine nuit durant laquelle il pactisa avec un Gentleman, échangeant son âme contre une extraordinaire virtuosité à la guitare. Or cet étrange musicien n’est autre que Robert Johnson, guitariste et chanteur de blues américain né en 1911, mort à l’âge de 27 ans dans des circonstances mystérieuses. La légende raconte qu’une nuit très sombre, alors qu’il se trouvait à un carrefour dans le Mississippi, Robert Johnson aurait pactisé avec le diable : une apparition aurait touché les cordes de sa guitare, produisant des sons suprahumains, et de cette rencontre spectrale procèderait le génie musical du guitariste. Lieu de l’incipit mais aussi fondement du récit, puisque sans la rencontre diabolique de Robert Johnson, l’histoire de l’épopée musicale des jeunes Indiens de la réserve n’existerait pas, le carrefour possède dans le roman une dimension allégorique. Espace liminaire et symbole de l’origine, il fonctionne comme une mise en abyme révélatrice de la complexité des enjeux identitaires du roman dans la mesure où ceux-ci sont précisément à la croisée de voies distinctes : entre déterminisme tragique et liberté individuelle, stéréotypes et humour, enfermement communautariste et ouverture à l’altérité.

Déterminisme tragique et liberté individuelle : l’identité présente face au poids du passé

3Reservation Blues est avant tout l’histoire de la lutte tragique menée par l’individu aux prises avec un déterminisme historique, social et idéologique. À ce titre, l’identité indienne est d’abord ancrée dans l’espace de la réserve, déterminée par ce lieu symbole de la colonisation blanche, de la spoliation territoriale et de la marginalisation socio-culturelle. Preuve de cette indissociabilité, la réserve va jusqu’à être synonyme d’identité indienne dans la traduction française du titre Reservation Blues, devenu Indian Blues, comme si l’espace de la réserve et l’« indianité » étaient interchangeables. Dans le roman de Sherman Alexie, la vie dans la réserve est abondamment décrite et semble assigner ses habitants à un destin auquel ils pourront difficilement se soustraire. L’arrivée de Robert Johnson dans cette réserve Spokane, en d’autres termes l’irruption de l’altérité dans l’espace indien, est l’occasion de décrire l’identité du lieu et de ses habitants, plus particulièrement du héros Spokane, Thomas Builds-the-Fire :

In the one hundred and eleven years since the creation of the Spokane Indian Reservation in 1881, not one person, Indian or otherwise, had ever arrived there by accident. Wellpinit, the only town on the reservation, did not exist on most maps2.

4C’est au cœur de cette ville située dans une clairière au pied de Wellpinit Moutain que vit le jeune Thomas :

Although the Spokanes were mostly a light-skinned tribe, Thomas tanned to a deep brown, nearly dark as the black man. With his long, black hair pulled into braids, he looked like an old-time salmon fisherman : short, muscular legs for the low center of gravity, long torso and arms for the leverage to throw the spear3.

5Ainsi, par le biais d’un incipit classique dans lequel sont présentés le lieu et le héros, Sherman Alexie pose-t-il d’emblée quelques jalons identitaires décisifs pour la suite du roman : la réserve est un lieu perdu et marginalisé dans lequel vivent des Indiens oubliés du monde américain ; au sein de cette population à l’existence presque accidentelle, le portrait de Thomas le distingue du reste des Spokanes, une singularité qui le caractérisera tout au long du roman à travers sa quête d’individualité.

6Au cours du xixe siècle, « les bouleversements de l’histoire ont conduit à des formes d’ethnocide par les déportations dans des réserves, les regroupements hétérogènes, la déculturation et la prédominance de la langue anglaise4 » : la vie dans la réserve Spokane témoigne des conséquences de cette colonisation américaine qui « s’est assimilée à une tentative d’ethnocide5 ». Si « [a] few older Indians still lived out in the deep woods in tipis and shacks, venturing into town for funerals and powwows6 », la plupart des Indiens vivent dans des maisons gouvernementales construites à la hâte par le Ministère du Logement et de l’Urbanisme et aussitôt délabrées. Ainsi, maisons gouvernementales vétustes et insalubres, pauvreté extrême, denrées économiques et rations de nourriture, chômage, jeux d’argent et surtout alcoolisme omniprésent constituent-ils la toile de fond sur laquelle évoluent les personnages du roman. Thomas et ses compagnons représentent la possibilité ou non qu’a l’individu de se soustraire à ce déterminisme spatial et social : en effet, si Thomas, Chess et Checkers Warm Water parviennent à échapper à l’alcoolisme de leurs parents et de leurs amis, Junior et Victor en sont les victimes exemplaires, jusqu’à leurs suicides respectifs, le premier par une balle dans la tête, le second par l’alcool7. Dans le roman, la colonisation blanche et ses conséquences (alcoolisme, exploitation de la terre pour en extraire les minerais, suicides) sont directement responsables de cet état de fait, comme en témoigne le cimetière où se dressent « all the graves of Indians killed by white people’s cars, alcohol, uranium. All those Indians who had killed themselves8 ». Devant cette précarité née de l’injustice américaine, sarcastiquement détaillée par « The Reservation’s Ten Commandments as Given by the United States of America to the Spokane Indians9 » extraits du journal de Thomas, les personnages oscillent entre violence et colère incarnées par Junior et Victor, apathie éthylique incarnée par ces zombis miséreux10, et volonté d’échapper au déterminisme incarnée par Thomas et les sœurs Warm Water, quittant in fine la réserve pour la ville pour tenter de construire une vie meilleure, un peu plus loin des fantômes du passé.

7Sherman Alexie s’interroge précisément sur la possibilité d’échapper au passé dans le présent, à travers un subtil mélange de temporalités engagé par l’arrivée dans la réserve de Robert Johnson, bien des décennies après sa mort historique en 1938. Le jeu anachronique prend toute son ampleur lorsque Robert Johnson fait don de sa guitare à Thomas qui, dès lors, décide de constituer un groupe : il sera bassiste et chanteur, Junior batteur, Victor guitariste, avant que les sœurs Warm Water ne les rejoignent au chant. Forts d’un petit succès local, le groupe baptisé Coyote Springs est bientôt découvert par Phil Sheridan et George Wright, cadres du studio Cavalerie Records sous les ordres du producteur Mr Armstrong. Or, ainsi que la note du traducteur le rappelle aux lecteurs français, « Phil Sheridan et George Wright sont deux célèbres généraux de l’armée américaine connus pour avoir impitoyablement combattu les Indiens », tandis que Mr Armstrong « n’est autre que le Général Custer11 », l’une des principales figures des guerres indiennes du xixe siècle, célèbre notamment pour sa défaite contre la coalition indienne lors de la bataille de Little Bighorn. L’exploitation du groupe par l’industrie musicale se lit alors comme une répétition de l’exploitation coloniale ; les lignes temporelles se croisent dans un anachronisme vertigineux atteignant son acmé dans la scène où George Wright se voit pris de remords face à la cruauté meurtrière de son compère Phil Sheridan, redoutable ennemi des Indiens :

Wright looked at Coyote Springs. He saw their Indian faces. He saw the faces of millions of Indians, beaten, scarred by smallpox and frostbite, split open by bayonets and bullets. He looked at his own white hands and saw the blood stains there12.

8À la manière de Macbeth, la réminiscence tragique de ce crime tachant les mains du général Wright emblématise la persistance des crimes passés, de l’exploitation raciste et de la domination blanches sous de nouveaux visages.

9Teintant le roman d’une couleur fantastique, ce croisement temporel permet ainsi d’examiner profondément la manière dont le passé détermine le présent, enjeu capital comme en témoigne le dialogue central entre Thomas et Chess, sa petite amie indienne et chrétienne. Tandis que celle-ci affirme le libre-arbitre de l’homme et martèle la nécessité de croire encore en la bonté de l’homme et de Dieu, le souvenir du massacre de Wounded Knee entraîne la colère de Thomas, révolté par la présence du mal incarné par les Blancs justifiant leurs meurtres par la foi chrétienne :

Thomas closed his eyes and told Chess this story : “We were both at Wounded Knee when the Ghost Dancers were slaughtered. We were slaughtered at Wounded Knee. I know there were whole different tribes there, no Spokanes or Flatheads, but we were still somehow there. There was a part of every Indian bleeding in the snow. All those soldiers killed us in the name of God, enit ? They shouted ‘Jesus Christ’ as they ran swords through our bellies. Can you feel the pain still, late at night, when you’re trying to sleep, when you’re praying to a God whose name was used to justify the slaughter ?13

10Thomas semble impuissant à se libérer du poids de ce passé toujours présent, symbole d’une forme de fatalité tragique qui destinerait les Indiens d’aujourd’hui à vivre dans la révolte et le deuil permanents ; à ce titre, le roman dit bien le destin individuel face à la tragédie de l’Histoire. L’identité indienne serait donc avant tout le produit de ce déterminisme socio-historique hérité de l’ethnocide colonial, circonscrivant de fait les existences et les destins. Dans le roman, cet enfermement existentiel est symbolisé par la réserve dont veulent s’évader les personnages mais qui reste là à les attendre :

Coyote Springs was flying to a place they had never been. They didn’t know what would happen or how they would come back.
Meanwhile, the reservation remained behind. It never exactly longed for any Indian who left, for all those whose bodies were dragged quickly and quietly into the twentieth century while their souls were left behind somewhere in the nineteenth. But the reservation was there, had always been there, and would still be there, waiting for Coyote Spring’s return from New York City. Every Indian, every leaf of grass, and every animal and insect waited collectively
14.

11À l’évasion physique (le vol en avion) et psychologique (la possibilité de construire une vie meilleure ailleurs, loin de la réserve) s’oppose l’immobilisme spatial de la réserve, symbole du déterminisme s’imposant à l’individu. Dans Reservation Blues, l’identité s’avère donc irréductible dans la mesure où les personnages ne peuvent véritablement la fuir : à l’image de la réserve qui les attend, toujours présente, qu’ils la quittent ou l’occupent, la question de l’identité indienne s’impose à eux, qu’ils tentent de l’évacuer ou au contraire, s’attachent à la penser.

Communautarisme, stéréotypes et autodérision : appréhender l’identité au prisme du pluralisme romanesque

12Irréductible car on ne peut l’évacuer, l’identité dans Reservation Blues est également irréductible car impossible à réduire tant se multiplient les voix, les visions du monde. Le lecteur se trouve ainsi placé face au paradoxe constitutif de toute réflexion approfondie sur la question de l’identité, notion à la fois instable, contradictoire, insaisissable, et pourtant rappelée à l’existence par les stigmates de l’Histoire. La force du roman de Sherman Alexie réside dans cet équilibre entre impossible préhension et permanence des enjeux identitaires, faisant ainsi de Reservation Blues un roman pluraliste. Le pluralisme poétique englobe les notions bakhtiniennes de dialogisme et de polyphonie mais ne s’y limite pas puisqu’il opère également en philosophie et en politique. Né de la diversité irréductible observée dans le réel, le pluralisme rend compte de cette diversité et de ses conséquences. En philosophie générale, le pluralisme admet la nécessité de postuler plusieurs principes pour expliquer la constitution du monde et affirme que les êtres qui le composent sont irréductibles à une substance unique. Dans le champ de la philosophie politique, le pluralisme défend l’idée que la coexistence d’éléments culturels, idéologiques ou religieux différents au sein d’une collectivité est préférable à une unité absolue15. Parce qu’il met précisément en scène la diversité et l’irréductibilité, Reservation Blues relève des romans pluralistes.

13S’interrogeant sur ce que signifie être Indien, le roman confronte en effet les visions et fait coexister communautarisme, stéréotypes et humour, signifiant par là même l’impossible réduction identitaire à laquelle tendent les conceptions ultra-communautaristes et racistes. Le paradoxe touche à son comble lorsque Thomas, Chess et Checkers concluent que « [y]ou ain’t really Indian unless there was some point in your life that you didn’t want to be16 ». Répétée à deux reprises dans le roman, cette apparente plaisanterie révèle au fond cette aporie identitaire, ce « être ou ne pas être Indien » à la recherche duquel se voue, avec humour, le roman. En multipliant les personnages singuliers et les individualités, le pluralisme romanesque offre au lecteur une diversité identitaire et souligne la nécessité du pluralisme philosophique et politique, dégagé des stéréotypes simplistes. Toutes les postures sont représentées et rendent impossible la réduction identitaire : le lecteur rencontre des Indiens au communautarisme stérile (le maire David WalksAlong), des Indiens pour qui s’extraire de la réserve signifie trahir la communauté et/ou pour qui l’échec ou le succès individuels deviennent ceux de la communauté (la plupart des habitants de la réserve), des Indiens alcooliques inoffensifs (Samuel Builds-the-Fire) mais aussi violents (Victor), des Blancs détestant les Indiens (Phil Sheridan), des Blancs aspirant à être indiens (Betty et Veronica), des Indiens voulant être blancs (Checkers), des Indiens tolérants mais attachés à ce que les « full-blood Indians17 » ne se mêlent pas aux Blancs (Chess), des Indiens ne sachant pas très bien ce qu’être indien signifie (Thomas). En mettant en scène cette mosaïque, le roman rappelle les dangers de l’extrémisme, quel qu’il soit, et montre bien combien les frontières et les définitions strictes de l’identité qui enferment les individus sont précaires et non pertinentes.

14Le personnage de Thomas représente certainement au mieux cette complexité identitaire. Partagé entre son attachement aux traditions Spokanes18 et son aspiration à exister en tant qu’individu, Thomas incarne bien malgré lui le héros tragique accablé par la fatalité. En choisissant de raconter son odyssée musicale sur un mode le plus souvent humoristique, Sherman Alexie fait de son héros un personnage sympathique auquel le lecteur accorde crédit ; ainsi, même lorsqu’il est raconté sur le mode de l’humour, son humble combat pour échapper au déterminisme tribal recèle une réflexion profonde sur la possibilité qu’a l’individu de se soustraire à la répétition de l’histoire. En témoigne l’épisode où le père de Thomas, Samuel Builds-the-Fire, ivre mort, est écroulé sur la pelouse devant la maison familiale ; Chess et Checkers, elles-mêmes filles d’un père alcoolique, aident Thomas à porter son père et l’assoient à la table de la cuisine. Angoissé à l’idée de répéter ce déterminisme familial et social, le trio s’interroge sur ce que signifie être indien et Thomas raconte aux sœurs Warm Water combien son père, dans sa jeunesse, excellait au basketball et faisait la fierté de la communauté. « [This] overweight Indian man on the table, […] [with] the dirt under his fingernails, the clogged pores, the darkness around his eyes and at the elbows and knees19 » est la parfaite figure de la chute à laquelle le trio craint de ne pouvoir se dérober. Le roman expose alors la tragédie de Thomas avec ce sarcasme et cet humour noir caractéristiques de l’auteur :

After a while, Chess and Checkers started to sing a Flathead song or mourning. For a wake, for a wake. Samuel was still alive, but Thomas sang along without hesitation. That mourning song was B-7 on every reservation jukebox.
After the song, Thomas stood and walked away from the table where his father lay flat as paper plate. […] Once outside, Thomas cried. Not because he needed to be alone ; not because he was afraid of crying in front of women. He just wanted his tears to be individual, not tribal. Those tribal tears collected and fermented in huge BIA barrels. Then the BIA poured those tears into beer and Pepsi cans and distributed them back onto the reservation.
Thomas wanted his tears to be selfish and fresh20.

15Au drame d’un fils éploré devant l’alcoolisme suicidaire de son père et de tant d’autres Indiens se juxtaposent les commentaires railleurs sur la banalité pathétique de la chanson galvaudée et sur l’égoïsme conscientisé des larmes de Thomas. Mêlant étroitement tragédie et humour, le roman interdit au lecteur toute perception univoque et oscille en permanence entre les registres et les visions du monde pour éviter le manichéisme et l’apitoiement facile. Si le pluralisme romanesque offre une vision démultipliée de ces identités, l’humour parfois très noir distillé par Sherman Alexie contribue ainsi à détruire tout absolutisme, qu’il s’agisse des stéréotypes liés à l’Indien dans la culture américaine ou de l’autodérision face aux réalités de certains comportements déviants.

16En effet, adeptes New Age en quête d’un pseudo-spiritisme indien, poncifs télévisuels et cinématographiques et exploitation absurde du système sont moqués avec une égale dérision. En contraste avec la vie miséreuse sur la réserve avec laquelle le lecteur est familiarisé dès le début du roman, l’arrivée de Blancs venus découvrir les Coyote Springs est l’occasion de railler « those New Agers [who] showed up with their crystals, expecting to hear some ancient Indian wisdom and got a good dose of Sex Pistols covers instead21 ». Parmi ces désœuvrés bourgeois, le roman va développer les personnages de Betty et Veronica,

[t]wo white women […] [who] had somehow found their way to the reservation and showed up at every rehearsal. […] Both had long blonde hair and wore too much Indian jewelry. Turquoise rings, silver feather earrings, beaded necklaces. They always appeared in sundresses with matching Birkenstocks22.

17La multiplication de marqueurs vestimentaires ne suffit pas à faire de ces bourgeoises propriétaires d’une libraire New Age à Seattle, de véritables Indiennes, quand bien même elles couchent avec Victor et Junior. Comble de l’ironie et illustration de la vénalité hypocrite de l’industrie culturelle américaine, ce ne sont pas les Coyote Springs mais Betty et Veronica qui signent chez Cavalerie Records un disque dont le premier titre représente la réduction de l’identité indienne à une juxtaposition de pittoresques stéréotypes :

[Thomas] heard a vaguely Indian drum, then a cedar flute, and a warrior’s trill, all the standard Indian soundtrack stuff. Then Betty’s and Veronica’s beautiful voices joined the mix.
[…]
And my hair is blonde
But I’m Indian in my bones
And my skin is white
But I’m Indian in my bones
And it don’t matter who you are
You can be Indian in your bones
23.

18L’Indien dans la culture populaire américaine telle qu’elle est présentée dans le roman ne consiste qu’en clichés, soit visionnaires mystiques24, soit guerriers Sioux des Grandes Plaines surgissant à cheval dans les westerns, « whoop[ing] like Indians always do in movies and dreams, wav[ing] their bows and arrows wildly25 ». En quête d’un sens et à la recherche de son identité, Thomas ne peut que confronter la réalité de sa vie sur la réserve à ces stéréotypes superficiels et mensongers. Les Indiens ne sont pas épargnés par les sarcasmes satiriques du roman, comme en témoignent par exemple les pratiques absurdes du Conseil tribal de la réserve, érigeant monument historique sur monument historique « because they received government grants to do exactly that26 » : en une phrase lapidaire est dénoncée toute l’hypocrisie du gouvernement américain incapable de reconnaître par des lois sociales décentes les conséquences actuelles de la colonisation du territoire indien, préférant dispenser des subventions symboliques alors même que le peuple de la réserve vit dans des conditions de misère sociale extrêmes. Mais au-delà du déni politique, le roman révèle l’acceptation de ce compromis par le Conseil tribal lui-même, comme une légitimation de la trahison et un abandon du combat politique pour la justice.

19Ainsi, attentif à ne jamais circonscrire l’identité indienne, Reservation Blues offre les portraits d’Indiens sympathiques, désemparés, à la recherche d’un avenir meilleur, mais n’oublie pas les Indiens cruels, racistes et violents incarnés par le maire et chef de la Police tribale, David WalksAlong. Ce faisant, Sherman Alexie affirme simplement l’impossibilité de réduire dans un sens ou un autre cette supposée identité indienne, et rend absolument nécessaire l’interrogation sur celle-ci. Ce paradoxe ne fait que souligner un point : si l’identité indienne existe, elle n’est peut-être pas autre chose que la conscience d’elle-même et de son irréductibilité, aporie dont le roman nous invite à considérer les enjeux profonds. L’épopée tragi-comique des Coyote Springs peut alors être lue comme la confrontation à l’altérité, aussi bien dans son avers optimiste (le départ de Thomas et des sœurs) que dans son revers tragique (le suicide de Junior). Cette réversibilité des signifiants trouve une illustration exemplaire dans le symbolisme de la réserve, espace du déterminisme pour l’identité indienne, mais aussi espace de la délivrance pour l’altérité que constitue Robert Johnson. À la fois prison et échappatoire, la réserve témoigne de l’impossibilité d’une assignation immuable des êtres et des choses, et le blues qu’elle produit n’est rien d’autre que la lutte des individus contre la tyrannie de l’absolutisme sous toutes ses formes.

Conclusion

20Tout comme Robert Johnson tente d’échapper au destin qu’il a tragiquement scellé par une nuit sombre au beau milieu d’un carrefour, les héros de Reservation Blues s’efforcent de se soustraire à une identité indienne pourtant irréductible et placée au carrefour de multiples contradictions. Sans qu’ils puissent ni la réduire ni l’évacuer, les personnages mis en scène par Sherman Alexie se débattent pour essayer de trouver leur propre voie à la croisée de nombreux paradoxes : entre l’aspiration individuelle et la solidarité communautaire, la liberté et le déterminisme socio-historique, le désir de vie au présent et la tragédie d’un peuple décimé dont les stigmates innervent le roman. En cela Sherman Alexie semble signifier qu’il n’est pas de futur envisageable sans la mémoire du passé, d’où la mélancolie permanente musicalement traduite par ce blues natif américain. À l’image de ce chant de deuil psalmodié par la medicine woman Big Mom à la fin du roman, « the shadow horses’ song, the slaughtered horses’ song, the screaming horses’ song, a song of mourning that would become a song of celebration27 », le roman interdit que se perpétue cette seconde mort qu’est l’oubli et célèbre dans le même temps l’existence à venir. Être Indien dans le roman, c’est peut-être avant tout avoir conscience de l’héritage tragique que les individus doivent dépasser sans le nier ni l’oublier, mais pour pouvoir survivre eux-mêmes et, à travers eux, faire survivre la mémoire d’un peuple décimé.

Notes de bas de page numériques

1 Dans la mesure où cette « identité » fait précisément l’objet d’une interrogation dans le roman de Sherman Alexie, et dans la mesure où il s’agit d’une notion très complexe, mouvante, instable, difficilement circonscrite et de fait, souvent débattue, il conviendrait de placer le terme entre guillemets tout au long de notre article. Toutefois, non seulement parce qu’il est malgré tout nécessaire de nommer cette conscience d’éléments plus ou moins persistants au sein d’un ou de plusieurs êtres, résultat d’un héritage familial, social, historique et des contingences du présent, mais aussi pour des raisons pragmatiques visant à faciliter la lecture de notre texte, nous utiliserons le terme « identité » sans systématiquement le placer entre guillemets dans la suite de l’article.

2 Sherman Alexie, Reservation Blues, New York, Grove Press, 1995, p. 3. Traduction : « Au cours des cent onze années qui s’étaient écoulées depuis la création de la réserve des Indiens Spokanes en 1881, personne, Indien ou autre, n’était arrivé là par hasard. Wellpinit, la seule ville de la réserve, ne figurait pratiquement sur aucune carte », Indian Blues (1997, pour la traduction française), traduit de l’américain par Michel Lederer, Paris, Éditions 10/18, 1999, p. 13 . Toutes les citations en français en sont issues.

3 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 4. Traduction : « Alors que les Spokanes avaient en général la peau plutôt claire, Thomas était très brun, presque aussi foncé que l’étranger. Avec ses longs cheveux noirs nattés, il évoquait un pêcheur de saumons d’antan : les jambes courtes et musclées pour assurer un centre de gravité bas, les bras et le torse long pour projeter la lance avec force » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 14).

4 Daniel Royot, Les Indiens d’Amérique du Nord, Paris, Armand Colin, 2007, p. 21.

5 Daniel Royot, Les Indiens d’Amérique du Nord, op. cit., p. 11.

6 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p 7. Traduction : « [q]uelques vieux Indiens vivaient encore au cœur de la forêt dans des tipis et des huttes, et ne s’aventuraient en ville qu’à l’occasion des enterrements et des pow-wows » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 17).

7 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 247 et 305.

8 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 282. Traduction « toutes les tombes d’Indiens tués par les voitures des Blancs, l’alcool, l’uranium, et sans oublier ceux qui s’étaient supprimés » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 282).

9 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 154. Traduction : « les dix commandements de la réserve comme ils ont été édictés par les États-Unis d’Amérique à l’intention de l’Indien Spokane » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 157).

10 « Checkers was always afraid of those Indian men who wandered the streets. She always thought they looked like brown-skinned zombies. Samuel Builds-the-Fire [Thomas’s father] looked like a zombie on the kitchen table. Those Indian zombies lived in Missoula when she was little. Once a month, the whole Warm Water family travelled from their little shack on the reservation to pick up supplies in Missoula. Those drunk zombies always followed the family from store to store. / Still, Checkers remembered how quiet and polite some of those zombies were, just as quiet as Samuel passed out on the table. In Missoula they stood on street corners, wrapped in old quilts, and held their hands out without saying a word. Just stood there and waited. » (Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 99). Traduction : « Checkers avait toujours peur des Indiens qui traînaient dans les rues. Elle trouvait qu’ils ressemblaient à des zombies bruns de peau. Samuel Builds-the-Fire aussi ressemblait à ces zombis indiens qui habitaient Missoula où elle allait quand elle était jeune. Une fois par semaine, la famille Warm Water au complet quittait sa cabane de la réserve pour faire des courses à Missoula, et ces zombis avinés les suivaient de magasin en magasin. / D’un autre côté, elle se rappelait combien certains d’entre eux étaient calmes et polis, aussi calmes que Samuel ivre mort couché sur la table. À Missoula, ils se tenaient aux carrefours, enveloppés dans de vieilles couvertures, et ils tendaient la main sans un mot. Ils attendaient là, immobiles » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 105).

11 Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., « note du traducteur », p. 10.

12 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 244. Traduction : « Wright regarda les Coyote Springs. Il vit leurs visages d’Indiens. Il vit les visages de millions d’Indiens, marqués par les coups, la variole et les gelures, fendus par les baïonnettes, fracassés par les balles. Il baissa les yeux sur ses mains blanches et y vit des taches de sang. » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 245).

13 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 167. Traduction : « Il ferma les yeux et raconta à Chess l’histoire suivante : "Nous étions tous les deux à Wounded Knee quand les Danseurs des Esprits ont été massacrés. Nous avons été massacrés à Wounded Knee. Je sais qu’il s’agissait d’une autre tribu, et que ce n’étaient ni des Spokanes ni des Flatheads, mais d’une manière ou d’une autre, nous étions présents. C’est le sang de tous les Indiens qui coulait dans la neige. Les soldats nous ont tués au nom de Dieu, pas vrai ? Ils criaient "Jésus-Christ" en nous plongeant leurs sabres dans les entrailles. Tu ne sens pas encore la douleur la nuit quand tu essayes de dormir, quand tu pries un Dieu dont on a utilisé le nom pour justifier le carnage ? […]" » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 170).

14 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 219-220. Traduction : « Les Coyote Springs volaient vers un endroit où ils n’avaient jamais été. Ils ignoraient ce qui arriverait et comment ils rentreraient. / Pendant ce temps-là, la réserve était toujours là. Elle ne pleurait pas véritablement les Indiens qui partaient, ceux dont on traînait vite et en silence les corps dans le xxe siècle, tandis que leurs âmes restaient quelque part dans le xixe. La réserve, elle, demeurait là, comme toujours, et elle serait encore là, à attendre le retour des Coyote Springs de New York. Chaque Indien, chaque brin d’herbe, chaque animal et chaque insecte attendait. » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 220).

15 Sur le pluralisme romanesque, nous renvoyons à l’essai de Vincent Message, Romanciers pluralistes, Paris, Éditions du Seuil, 2013.

16 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 98. Traduction : « On n’est pas vraiment indien tant qu’à un moment de sa vie on n’a pas regretté de l’être. » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 104).

17 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 82. Traduction : « Indiens de pure race » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 89).

18 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 4-5.

19 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 98. Traduction : « [cet] Indien trop gros allongé [à la table] […] les ongles sales, les pores obstrués par la crasse, les cernes noirs autour des yeux, des coudes et des genoux » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 104).

20 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 100. Traduction : « puis les deux sœurs entamèrent un chant de deuil flathead. Pour la veillée funèbre. Bien que Samuel ne fût pas mort, Thomas se joignit à elles sans hésitation. Le chant correspondait à la touche B-7 sur tous les juke-box de la réserve. / La chanson terminée, le jeune homme se leva et s’éloigna de la table sur laquelle son père était étalé comme une assiette en carton. […] Dehors, Thomas se mit à pleurer. Non parce qu’il avait besoin d’être seul, non parce qu’il redoutait de pleurer devant des femmes, mais simplement parce qu’il désirait que ses larmes soient personnelles et non tribales. Le flot des larmes tribales se rejoignait pour fermenter dans les énormes tonneaux du Bureau des affaires indiennes, puis le BIA les transvasait dans les boîtes de bière et de Pepsi qu’on distribuait ensuite sur la réserve. Thomas voulait verser des larmes fraîches et égoïstes. » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 106).

21 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 40-41. Traduction : « ces adeptes du New Age [qui] arrivèrent avec leurs cristaux dans l’espoir de s’imprégner de l’ancienne sagesse indienne, et à la place, […] eurent droit aux Sex Pistols ». (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 48).

22 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 41. Traduction : « [d]eux filles blanches […] atterries sur la réserve on ne savait trop comment, [qui] assistaient à toutes les répétitions. […] L’une comme l’autre avait de longs cheveux blonds et portait bien trop de bijoux indiens, bagues de turquoise, boucles d’oreille en argent en forme de plumes, colliers de perles. Elles débarquaient en robes bain de soleil et chaussures Birkenstock assorties » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 49).

23 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 294-295. Traduction : « [Thomas] entendit d’abord un vague tambour indien, puis une flûte de cèdre, un cri de guerrier suivi de tout le truc indien habituel avant que s’élèvent les belles voix de Betty et de Veronica : […] Et mes cheveux sont blonds / Mais mon cœur est indien / Ma peau est blanche / Mais mon cœur est indien / Peu importe qui tu es / Tu peux être indien dans ton cœur » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 294-295).

24 « Indians were supposed to have visions and receive messages from their dreams. All the Indians on television had visions that told them exactly what to do », Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 18, en italiques dans le texte. Traduction : « Les Indiens étaient censés avoir des visions et recevoir des messages par l’intermédiaire des rêves. À la télé, tous les Indiens avaient des visions qui leur montraient exactement ce qu’il fallait faire » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 28).

25 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 70. Traduction : « [poussant] des cris comme le font toujours les Indiens dans les films et dans les rêves, [brandissant] leurs arcs et leurs flèches » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 78).

26 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 5. Traduction : « car il recevait des subventions gouvernementales rien que pour ça » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 15).

27 Sherman Alexie, Reservation Blues, op. cit., p. 306. Traduction : « le chant des chevaux fantômes, le chant des chevaux massacrés, le chant des chevaux qui crient, chant de deuil qui deviendra chant de vie » (Sherman Alexie, Indian Blues, op. cit., p. 304).

Bibliographie

Roman étudié

Alexie Sherman, Reservation Blues, New York, Grove Press, 1995

Indian Blues (1997, pour la traduction française), traduit de l’américain par Michel Lederer, Paris, Éditions 10/18, 1999

Études

Brochard Cécile, « Du déracinement à la quête de soi : territoires identitaires dans la littérature amérindienne et australienne aborigène contemporaine (Ceremony de Leslie Marmon Silko et Carpentaria d’Alexis Wright) », Revue Roman 20-50. Revue d’étude du roman du xxe siècle, Dossier « Henri Bauchau », éd. Laurent Déom et Jérémy Lambert, n° 62, décembre 2016, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, décembre 2016, pp. 147-157

Grassian Daniel, Understanding Sherman Alexie, Columbia, University of South California Press, 2005

McLuhan T. C. (éd), Pieds nus sur la terre sacrée, photographies de Edward S. Curtis, Paris, Éditions Denoël, 2012 [1974, pour la traduction française]

Message Vincent, Romanciers pluralistes, Paris, Éditions du Seuil, 2013

Royot Daniel, Les Indiens d’Amérique du Nord, Paris, Armand Colin, 2007

Pour citer cet article

Cécile Brochard, « Être ou ne pas être Indien ? Reservation Blues de Sherman Alexie, ou l’identité irréductible », paru dans Loxias, 56., mis en ligne le 15 mars 2017, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=8630.


Auteurs

Cécile Brochard

Agrégée de Lettres modernes, docteur en Littérature comparée qualifiée en section 10, Cécile Brochard est chargée d’enseignement en Littérature comparée et membre associée de l’équipe de Lettres L’AMo à l’Université de Nantes. Elle a notamment publié Écrire le pouvoir : les romans du dictateur à la première personne aux Éditions Champion en 2015 et poursuit l’exploration du roman de la dictature avec un second ouvrage, Une constellation transatlantique : le roman de la dictature contemporain (Afrique – Amérique) à paraître aux éditions Champion. Elle s’intéresse actuellement aux littératures amérindiennes et australiennes aborigènes contemporaines à travers la publication de nombreux articles. Son CV complet est disponible sur le site du laboratoire L’AMo : http://lamo.univ-nantes.fr/CV-Cecile-Brochard